L'islam en Suisse ? Quelle place pour - Réformés.ch
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AVRIL 2018 Edition La Broye / N°15 / Journal des Eglises réformées romandes 4 ACTUALITÉ 50 ans après sa mort, l’héritage de Martin Luther King 6 ÉCHOS DES ÉGLISES Actualités romandes en un coup d’œil 8 PORTRAIT Quelle place pour Satish Kumar, ancien moine jaïn, pèlerin de la l’islam en Suisse ? transition 25 VOTRE CANTON
2 SOMMAIRE Réformés | Avril 2018 AVRIL 2018 4 ACTUALITÉS 10 DOSSIER 20 LIVRES 4 L’héritage de Martin Luther King DESSINE-MOI UN IMAM SUISSE 6 La vie des Eglises romandes 21 SOLIDARITÉ 12 Les Suisses économisent sur leur santé : 8 PORTRAIT Les imams rejoignent les bancs les CSP tirent la sonnette d’alarme des universités romandes Satish Kumar, l’ancien moine jaïn pèlerin de la transition 14 23 TABOUS BIBLIQUES Les musulmans ont besoin de Seul le respect du droit sacré est gage responsables religieux familiers d’une société harmonieuse, analyse le de la culture suisse théologien Jean-Daniel Macchi 16 24 LA VIE MODERNE L’intervention de l’Etat dans la formation pour les imams crée DE JÉSUS la polémique Le trait d’humour de Tom Tirabosco et d'Eugène Meiltz 18 ART Je t’appelle chaque jour, une lithographie 25 CAHIER RÉGIONAL de Benn, qui exprime l’espérance de Toutes les nouvelles de votre canton, Claude Ruey votre région et votre paroisse Ecrivez-nous à l’adresse Modifications d’abonnements Abonnez-vous ! courrierlecteur@reformes.ch Merci de vous adresser au canton qui vous concerne : Tous les messages arrivant à cette Genève aboGE@reformes.ch, 022 552 42 33 (je – ve). www.reformes.ch/abo adresse sont susceptibles d’être pu- Vaud aboVD@reformes.ch, 021 331 21 61 (lu – ve). bliés. Le texte doit être concis (700 Neuchâtel aboNE@reformes.ch, 032 725 78 14 (lu – ma). signes maximum), signé et réagir à Berne-Jura aboBEJU@reformes.ch, 032 344 29 27 (tous les matins). un de nos articles. La rédaction se L’ADN de Réformés réserve le droit de choisir les titres et de réduire les courriers trop longs. Réformés est un journal indé- pendant financé par les Eglises réformées suisses des cantons de Vaud, Neuchâtel, Genève, Berne francophone et Jura. Soucieux des particularités Editeur CER Médias Réformés Sarl. Ch. des Cèdres 5, 1004 Lausanne, 021 312 89 70, www.reformes.ch CH64 0900 0000 1403 7603 6 r é g i o n a l e s ro m a n d e s , c e Conseil de gérance Jean Biondina (président), Olivier Leuenberger, Claire-Lise Mayor Aubert et Christophe Gagnebin mensuel présente un regard Co-rédaction en chef Elise Perrier (elise.perrier@reformes.ch) et Gilles Bourquin (gilles.bourquin@reformes.ch) Journalistes redaction@reformes.ch / Marie Destraz (VD, marie.destraz@reformes.ch), Nicolas Meyer (BE – JU, NE, protestant ouvert aux enjeux nicolas.meyer@reformes.ch), Khadija Froidevaux (BE – JU, khadija.froidevaux@reformes.ch), Anne Buloz (GE, anne.buloz@ contemporains. reformes.ch) Internet Guillaume Henchoz (guillaume.henchoz@reformes.ch) Secrétariat et comptabilité Eva Antonnikov, (eva.antonnikov@reformes.ch) Publicité pub@reformes.ch Délai publicité 5 semaines avant parution Fidèle à l’Evangile, il s’adresse Parution 10 fois par année – 190 000 exemplaires (certifié REMP) à la part spirituelle de tout être Couverture de la prochaine parution Du 28 avril au 3 juin 2018 Graphisme et mise en page Atelier Montolivet 13, www.ateliermontolivet.ch humain. Impression CIL SA Bussigny, imprimé en Suisse sur papier certifié FSC Illustration de UNE Istock.
N° 15 | Réformés ÉDITO 3 ISLAM EN SUISSE, LE PARI DE L’INTÉGRATION Avouons-le : l’islam suscite des inquiétudes. Selon un sondage publié dans le SonntagsBlick en 2017 *, quelque 38 % des Suisses se sentent menacés par les musulmans. La peur de l’islam aurait plus que doublé au cours des treize dernières années. Terrorisme, oppres- sion des femmes, polygamie hantent l’imaginaire d’une partie de la population. Ces peurs se doublent d’un constat quasi unanime : les imams exerçant en Suisse correspondent peu aux attentes des musulmans d’ici. Faute de moyens, la communauté musulmane ne peut former ses propres religieux et se voit contrainte de les « importer ». Nombre d’entre eux arrivent sans maîtrise du français, sans connaissance de la culture et des valeurs de notre pays. Pour accroître la confiance et la compréhension, l’Etat fait le pari de la formation. Le projet pilote de l’Université de Genève, destiné aux imams et aux enseignants d’instruc- tion religieuse islamique a été créé à la rentrée 2017. Ce cursus d’un an n’est pas une formation à la théologie de l’islam, mais un apprentissage de la langue française et, dans un second temps, de notions de culture et de société suisses. En 2016, l’Université de Fribourg crée le Centre Suisse Islam et Société, pour un public plus large. Et l’Université de Lausanne proposera bientôt des cours d’Histoire sociale et culturelle de l’islam. L’échec de 4 imams sur 6 au test de langue qui clôt le 1er semestre de la formation ge- nevoise montre à quel point des formations sont nécessaires, en attendant que des musul- mans d’ici soient formés en tant qu’imams. Ces projets vont aussi dans le sens d’une laïcité ouverte : selon cette vision, l’Etat peut se mêler du phénomène religieux, dans la mesure où son intervention se limite à garantir la pluralité des opinions et la cohésion sociale. Les pouvoirs publics n’ont en effet pas à former des imams au sens théologique du terme. En favorisant l’intégration de religieux étrangers dans la société civile suisse, ces formations contribuent à une meilleure compréhension mutuelle, sans franchir la ligne rouge de la laïcité. Elise Perrier, co-rédactrice en chef * Publication du 3 août 2017. Droit de réponse La rédaction de Réformés présente ses plus sincères excuses à Monsieur Narcisse Baruchet et à son entourage pour la publication erronée dont il a été l'objet dans le numéro précédent. Elle exprime ses vifs regrets pour les malentendus et désagréments occasionnés.
4 ACTUALITÉ Réformés | Avril 2018 Avec Martin Luther King, s’engager pour plus de justice © Gettyimages MOBILISATION Il s’est levé pour plus de Que reste-t-il de Martin Luther King en Bio express justice. Le 4 avril 1968, Martin Luther chacun d’eux ? 15 janvier 1929 Naissance à Atlanta. King a pourtant été mis à terre, assas- 25 février 1948 Ordonné pasteur de siné. Un demi-siècle plus tard, l’homme Témoins d’une parole l’Eglise baptiste. est devenu le visage de la non-violence « L’Evangile nous invite à exprimer des Juin 1957 Création de la Conférence et de la lutte pour les droits civiques. In- paroles qui mettent les êtres en mouve- des leaders chrétiens du Sud. démodable, Martin Luther King était un ment. De cette manière, chacun peut té- 1959 Voyage en Inde, étude des mé- label du militantisme pour le respect des moigner d’un Autre, dont l’image se re- thodes non violentes de Ghandi une droits humains et vainement, on cherche trouve dans cet autre rejeté », explique source d’inspiration forte dans son son descendant. Serge Molla, pasteur de combat. On oublie trop vite « La force l’Eglise réformée vau- Avril 1963 Incarcéré, il rédige le Lettre que Martin Luther King de sa parole doise, théologien et pas- est un pasteur baptiste sionné par la tradition mobilisatrice, de la prison de Birmingham. Août 1963 Marche sur Washington et que la force de sa théologique afro-améri- pour le travail et la liberté, King y pro- parole mobilisatrice et il la puisait caine. « L’Evangile s’ins- nonce son discours I have a dream. Décembre 1964 Prix Nobel de la paix. agissante, il la puisait dans la Bible, la médita- dans la Bible » crit dans une dimension communautaire et poli- 21 mars 1965 La Marche de Selma tion et la prière. Guidé par la Parole d’un tique », ajoute Didier Halter, directeur de pour le droit de vote des Noirs réu- Dieu de justice, il a défendu une position l’Office protestant de la formation (OPF), nit 3 000 personnes le jour du départ. dont il ne s’est jamais écarté et était prêt qui a la responsabilité de la formation des Quatre jours plus tard, ils sont 25 000 à en payer le prix. Cinquante ans après sa pasteurs et diacres de Suisse romande. à leur arrivée à Montgomery. mort, on se tourne donc indéniablement A les écouter, les convictions réformées 4 avril 1968 Assassiné à Memphis. vers les protestants avec une question : rejoignent celles de Martin Luther King.
N° 15 | Réformés ACTUALITÉ 5 Le pasteur américain Martin Luther King a milité pour le respect des droits civiques, puisant sa force dans les Ecritures. Cinquante ans après sa mort, l’homme a-t-il inspiré jusque dans les Eglises de Suisse romande ? On pourrait alors s’attendre à des prises sées et de plus en plus absentes des débats qui a travaillé sur la théologie de la libé- de parole fortes des Eglises dans l’espace politiques et de société. Les ministres ne ration au Brésil et en Suisse. Ce courant public, à l’image de l’appel de nombreux de prennent presque aucun risque en prê- théologique, issu des milieux catholiques ces membres à refuser l’initiative No Billag. chant, vu les faibles assemblées », déplore d’Amérique latine, rejoint le combat de Mais cela n’est pourtant pas la tendance. Serge Molla. Martin Luther King. Il vise à rendre la di- « Une prise de parole politique publique gnité aux pauvres et aux exclus en les libé- des Eglises et des ministres n’est plus Engagement communautaire rant de leurs conditions de vie. L’homme prioritaire, constate Didier Halter. Elle Pour Martina Schmidt, pasteure vaudoise est au centre de son histoire, et acteur de est d’ailleurs dévaluée dans toute la société. et ancienne directrice du secrétariat ro- son destin. Une manière de comprendre On assiste à un désenchantement autour mand de Pain pour le Prochain, c’est l’Evangile qui a du sens, et un principe qui de l’engagement chrétien. Il y a un repli sur l’ADN réformé qui est ici en jeu : « On ne a guidé Martin Luther King durant toute la dimension individuelle, intérieure et spi- peut être chrétien sans s’engager. Le sa- sa vie. Marie Destraz rituelle dans nos Eglises », observe-t-il. cerdoce universel est en cela une donnée Politique et religion seraient donc de- incontournable : si je prends conscience venues incompatibles ? « King lui-même que tout est grâce, je peux me sentir libé- a refusé de se porter candidat à l’élec- rée et m’engager auprès des opprimés ou tion présidentielle américaine. Il s’agis- pour la préservation de l’environnement. » A lire / A écouter sait plutôt pour lui d’endosser le rôle de A ce titre, la pasteure note que l’engage- • Serge Molla, Martin Luther King, prophète, conscience politique », relève Serge Mol- ment en Eglise pour la justice sociale se Ed. Labor et Fides, 2018. la. En 1963, le militant rédige une lettre fait surtout au travers des trois œuvres • Ecoutez l'émission radio Babel au sujet de ouverte depuis la prison de Birmingham des Eglises (Pain pour le prochain, En- Martin Luther King sur www.rts.ch/religion dans laquelle il appelle les citoyens à vio- traide protestante suisse, DM-échange et ler les lois injustes et à prendre des me- mission), qui jouissent aussi d’une forte sures plutôt que d’attendre les décisions crédibilité au sein de la société. Pour aller plus loin des tribunaux. « Toute injustice, où qu’elle « Le choix d’être au côté des pauvres, Retrouvez l'interview de Pap Ndiaye, historien se produise, est une menace pour la jus- à la base de l’action sociale des Eglises et spécialiste des Etats-Unis, de Martin Luther tice partout ailleurs », écrit-il. Il sera taxé des œuvres, est plus ou moins influencé King et de Malcolm X sur www.reformes.ch/ d’extrémiste par certains ecclésiastiques. par le mouvement de la théologie de la ndiaye « Aujourd’hui, les Eglises sont marginali- libération », explique Martina Schmidt, Réfugiés et couloirs humanitaires PÉTITION Les Eglises protestantes s’im- pouvant trouver protection en Suisse via Le modèle des « couloirs humanitaires » pliquent pour les droits humains. En les programmes de réinstallation de la mis en place en Italie par la Fédération collaboration avec l’Organisation suisse Confédération. des Eglises protestantes et la commu- d’aide aux réfugiés (OSAR), l’Entraide D’autre part, afin d’ouvrir la voie à nauté Sant’Egidio, et imité depuis par protestante suisse (EPER) a lancé le 5 un modèle de ‘ couloirs humanitaires ’ la France et la Belgique, permet à des mars une pétition adressée au Conseil tel qu’il a pu être mis en place en Italie, personnes particulièrement vulnérables fédéral pour que la Suisse fasse un effort nous demandons au Conseil fédéral de d’atteindre l’Europe en toute sécurité et supplémentaire en matière d’accueil. créer les bases légales nécessaires pour légalité. Arrivés dans le pays d’accueil, ils « Notre pétition demande, d’une part, renforcer les initiatives de la société ci- sont pris en charge par les Eglises par- d’utiliser les possibilités données par le vile et des Eglises. Nous pensons notam- tenaires. Pout signer la pétition : www. cadre légal actuel afin d’augmenter à 10 ment aux domaines de l’hébergement, de protegeons-les-refugies.ch 000 le nombre de personnes réfugiées l’accompagnement et de la formation. » Joël Burri, Protestinfo
6 ÉCHOS DES ÉGLISES Réformés | Avril 2018 Réformés vous propose un aperçu de ce qui Pas de réorganisation Faut-il exclure L’Eglise est un paradis pour l’Eglise vaudoise les pasteurs du pour les bénévoles VAUD Une fois par législature de cinq Synode ? NEUCHÂTEL L’Eglise réformée évangé- ans, le Conseil synodal (exécutif ) de BERNE – JURA Actuellement, les lique du canton de Neuchâtel (EREN) a l’Eglise évangélique réformée du can- pasteurs bernois sont des employés mis en ligne un « outil internet » per- ton de Vaud (EERV) doit soumettre au du canton. Dès 2020, les Eglises na- mettant aux utilisateurs de trouver des Synode (organe délibérant) un plan de tionales bernoises (réformées, ca- engagements bénévoles qui leur corres- dotation. C’est-à-dire, la répartition des tholiques romaine, catholique chré- pondent. Car, à différentes reprises du- ressources humaines entre les différents tienne) deviendront les employeurs rant l’année 2018, l’EREN veut mettre types de ministères. C’est à cet exercice des ministres du culte. Or, ces der- en avant ses bénévoles et opportunités délicat que le Synode, réuni les 9 et 10 niers peuvent siéger au Synode, or- de bénévolat. mars, s’est livré. gane législatif de l’Eglise. N’y a-t-il « Les gens s’identifient de moins en Après un débat d’entrée en matière de pas conflit d’intérêts à être à la fois moins à des institutions et de plus en près de six heures, les délégués des Ré- employé d’une Eglise et à siéger au plus à des causes », constate Jacqueline gions et services cantonaux ont renvoyé, Synode ou au Conseil synodal ? L’idée Lavoyer-Bünzli, animatrice cantonale par 47 voix contre 27 et 2 abstentions, sa déplaît à l’Association des paroisses du bénévolat pour l’EREN. Un fidèle ne copie à l’exécutif. Sur fond de diminution du canton de Berne (ADP) qui lance va plus tout naturellement donner de de la voilure d’environ 220 à 204 équiva- le débat : « Les parlements des Eglises son temps pour l’Eglise qu’il fréquente. lents plein-temps, en raison de l’accord de assumeront la responsabilité suprême A contrario, une personne qui souhaite rééquilibrage de la subvention cantonale des conditions d’engagement des pas- s’engager sur la question de l’asile pour- au profit de la Fédération ecclésiastique teurs ainsi que de leur affectation aux ra se mettre à disposition sur ce thème catholique romaine du canton de Vaud, le paroisses. » Le Conseil synodal (exé- auprès de l’EREN sans pour autant être Conseil synodal proposait aux Régions et cutif) des Eglises Berne-Jura-Soleure un pilier de temple. « On n’arrive plus au paroisses un effort supplémentaire pour estime qu’un tel changement serait en bénévolat par attachement à une insti- cantonaliser certaines tâches. rupture avec la « tradition réformée ». tution. Mais une personne qui aura vécu Il s’agissait, d’une part, de centraliser « Le principe selon lequel la direction une expérience de bénévolat fructueuse les responsables régionaux des œuvres et de l’Eglise est conjointement assumée pourra manifester le désir de changer de la communication pour permettre d’en par les ‘ laïcs ’ et les théologiens s’ins- de fonction tout en restant dans une faire de véritables postes. D’autre part, de crit pleinement dans un héritage de la même organisation », analyse l’anima- créer des postes permettant de favoriser Réforme. » Pour rappel, dans toutes trice cantonale. Cette palette d’activités l’émergence de nouvelles formes ecclé- les Eglises réformées de Suisse ro- différentes est un vrai avantage pour les siales. Mais les délégués au Synode ont mande, une place est prévue au sein Eglises par rapport à d’autres organisa- jugé ne pas être mûrs pour prendre une de l’organe délibérant pour les pas- tions qui travaillent avec des bénévoles décision. Joël Burri teurs et les diacres. J. B. sans pouvoir offrir des tâches vraiment variées. J. B. « À L’AGENDA Du 25 au 29 avril Palexpo, Genève. L’Arzillier, Maison du dialogue, aura son Samedi 26 mai Festival Livre à vivre, Crêt-Bérard, Puidoux (VD), rendez-vous stand au Salon international du Livre et littéraire spirituel de Suisse romande. 30 Dimanche 15 avril, 14h Cathédrale de la Presse aux côtés d’autres acteurs Au programme : rencontres d’auteurs, Saint-Pierre, Genève. Culte de consécra- de la scène interreligieuse. Retrouvez aus- conférences, tables rondes. tion : cinq nouveaux ministres font leur si les Théopopettes : tous les jours, spec- entrée à l’Eglise protestante de Genève. tacle de marionnettes et dédicaces à l’îlot Jeudi 21 juin Le pape François sera jeunesse Payot. en visite au Conseil œcuménique des Les 23 et 24 avril Hôtel de Ville, Berne, Eglises (COE) à Genève. Rendez-vous 45 – 15h45 assemblée des délégués de la Fédéra- Samedi 28 avril, 9h Maison historique et symboliquement fort, tion des Eglises protestantes de Suisse de paroisse Paulus, à Berne, assemblée alors que l’Eglise catholique romaine (FEPS). Ordre du jour : première lecture du des déléguées des Femmes Protestantes ne fait pas partie du COE. projet de nouvelle constitution. en Suisse. Au programme, la question du « travail care » non rémunéré.
N° 15 | Réformés ÉCHOS DES ÉGLISES 7 anime la vie des Eglises de Suisse romande Comment répartir Les ingrédients La loi sur la laïcité les forces au sein de du bonheur inquiète les Eglises l’Eglise protestante VAUD Et si le bonheur se réduisait au L’Eglise protestante de Genève de Genève ? GENÈVE fonctionnement de notre cerveau ? (EPG) attend le verdict du Grand Conseil GENÈVE Le Conseil du Consistoire (exé- Que resterait-il alors comme place quant au projet de loi sur la laïcité, qui im- cutif) de l’Eglise protestante de Genève à la conscience et à la liberté ? Ces pactera les trois Eglises reconnues (EPG, (EPG) a présenté douze critères de répar- questions feront l’objet d’une soirée Eglise catholique romaine, Eglise catholique tition des postes ministériels au sein des de débat sur le thème Les neuros- chrétienne). Genève est un Etat laïque. Il ne régions, le 16 mars dernier. Le nombre de ciences du bonheur, le 30 avril à 19h, à finance pas les Eglises, mais celles-ci béné- foyers protestants dans la région, les acti- l’Espace culturel des terreaux, à Lau- ficient de son soutien pour la perception de vités qu’elles mènent ou encore le nombre sanne. Les discussions opposeront les l’impôt ecclésiastique volontaire, contre ré- de baptêmes et de mariages faisaient par- professeurs Philippe Ryvlin, chef du munération, et s’agissant de l’accès de ses tie de la liste des critères. Or, le choix de Département des neurosciences cli- aumôniers dans les hôpitaux ou les prisons. ces critères risque d’avantager les régions niques du CHUV, et Jacques Besson, Or, le projet prévoit la suppression de cet actuellement privilégiées. « Nous avons chef du Service de psychiatrie com- impôt d’ici dix ans. « Les dons reçus via plutôt besoin de solidarité. Or, avec de tels munautaire du CHUV. La soirée sera l’Administration fiscale cantonale s’élèvent critères, nous n’allons que dresser les lieux animée par Gilles Bourquin, co-ré- à près de 2 millions de francs, soit environ les uns contre les autres », s’est exclamée dacteur en chef de Réformés. Le débat 25 % du total des dons », explique Alexandra la pasteure Elisabeth Schencker. En rai- ouvre le cycle de conférences L’alchi- Deruaz, responsable de la communication son de la diminution de ses recettes, l’EPG mie du bonheur, organisé par Cèdres de l’EPG. Si le projet de loi est adopté tel a dû fortement réduire le nombre de ses Réflexion. A l’heure où nos congénères quel, le risque de pertes financières est im- ministres. Aujourd’hui, la pression sur les recherchent à tout prix une vie heu- portant, même si l’Eglise espère qu’une par- ressources ministérielles est accrue car reuse, quel rôle jouent notre cerveau, tie de ces dons serait transférée directement le Consistoire souhaite garder des forces les nouvelles technologies et la religion à l’EPG. Le projet de loi prévoit également, pour mettre sur pied de nouvelles formes dans cette quête ? En quatre soirées, en cas de vente, un droit de préemption de ecclésiales et renouveler l’Eglise. « Ces cri- quatre approches seront présentées et l’Etat et des communes, leur permettant tères ne permettent pas de rendre compte discutées par des professeurs et cher- d’acquérir en priorité le patrimoine immo- de la réalité. Des projets innovants se ré- cheurs. Le 18 juin Bonheur et culture bilier des Eglises d’avant 1907. La valeur de alisent et vont se développer. Ils ne sont ‘ Well-being ’. Le 8 octobre Le bon- marché des biens dont l’EPG est proprié- pas mis en valeur dans cette liste », a relevé heur du monde selon Google. Le 21 taire serait alors affectée. « Nous regrettons Michèle Schärer. Après un long débat, le novembre Bonheur, bouddhisme et aussi le nouvel état d’esprit du projet de loi. Conseil du Consistoire a retiré l’objet du christianisme. Entrée libre, chapeau Les Eglises n’y sont plus perçues comme vote. La décision est repoussée au mois de à la sortie. Informations : www.cedres des communautés qui contribuent à la co- juin. Laurence Villoz reflexion.ch Marie Destraz hésion sociale de la société », note Alexan- dra Deruaz. M. D. ABONNEZ-VOUS ! Parution : 10 fois par an / Tarif normal : CHF 39.– / Tarif soutien : CHF 100.– Gratuit si vous êtes domicilié dans les cantons de Vaud, Neuchâtel, Berne et Jura. Renvoyer le formulaire à CER Médias Réformés Sàrl, Ch. des Cèdres 5, 1004 Lausanne ou par internet: www.reformes.ch/abo Nom Prénom Adresse NPA E-mail et téléphone Type d'abonnement Tarif normal Tarif soutien En nous transmettant votre souscription, vous acceptez nos conditions générales (www.reformes.ch).
8 PORTRAIT Réformés | Avril 2018 Satish Kumar pèlerin de la transition Ancien moine jaïn *, Satish Kumar a arpenté les quatre Alors que le monde est en pleine course coins de la planète afin de dénoncer le réchauffement à l’armement, King prône la non-violence et milite en faveur de la paix, des valeurs climatique, les inégalités sociales et les bouleversements chères à l’ancien moine jaïn. « La paix telle environnementaux. Il est venu en Suisse, en février, dans que je la conçois ne se limite pas à l’ab- sence de guerre. Elle englobe la justice, le cadre de la campagne de carême. l’équité, la réconciliation et l’instauration d’un ordre social non violent », confie le pasteur baptiste à Satish Kumar. ÉCOSPIRITUALITÉ Il a beau être pacifiste, lancinante qui le poursuit : « Comment Ce pèlerin, adepte d’une spirituali- c’est une véritable machine de guerre qui pouvons-nous nous libérer de la mort ? » té écolo et non violente, puise dans les ouvre les feux avant même que l’on ait pu Ces années de formation sont impor- grandes religions les idées et les convic- lui poser la première question. Sourire en tantes : il lit beaucoup, écoute avec atten- tions qui l’animent. Dans le christianisme, coin et regard malicieux, Satish Kumar tion les leçons de ses maîtres, et le monas- c’est la notion de pauvreté qu’il met en déroule une analyse pétrie de bon sens. tère fonctionne un peu comme un cocon avant : « La première béatitude évoquée Les œuvres d’entraide Pain pour le protecteur, lui permettant de développer par le Christ lors du Sermon sur la mon- prochain et Action de Carême qui l’ont une spiritualité forte, un peu déconnectée tagne concerne la pauvreté : ‘ Heureux les invité comme conférencier en Suisse dans du monde. Mais la lecture des textes de pauvres de cœur : le royaume des cieux est le cadre de leur campagne sur la transi- Gandhi va le pousser à quitter sa vie mo- à eux’ », écrit-il dans son dernier ouvrage tion en ont pour leur argent : « Nous vivons nacale : « Gandhi disait intitulé Tu es, donc je suis dans un monde interdépendant. Les crises que la spiritualité qui se (éd. Belfond, 2002). Il économiques environnementales et so- développait dans les mo- « Est pauvre celui aime aussi rappeler que ciales que nous traversons sont toutes re- liées ; une piste pour s’en sortir, c’est cette nastères était bien trop exclusive et qu'elle de- qui renonce à tout le sens de ce mot a été détourné. « Il n’est pas notion de ‘grande transition’. Il faut rester vait se reconnecter avec bien superflu et à l’origine synonyme de optimiste et chercher des alternatives à la le monde. Il affirmait accepte de mener misère ou de famine, crise globale dans les domaines de l’éco- qu’il fallait spiritualiser comme son acception nomie, de l’agriculture, de l’écologie, de la le travail, l’économie, la une vie simple » contemporaine nous justice sociale, et de la spiritualité. » politique pour le bien de incite à le penser. Est l’humanité. A mon sens, Gandhi était un pauvre celui qui renonce à tout bien super- Une quête spirituelle vrai politicien. J’ai tout de suite adhéré ! » flu et accepte de mener une vie simple. » Quand on le questionne sur son en- Satish Kumar arpente l’Inde dans A partir de 1973, Kumar s’installe dé- fance, une figure ressort immédiate- tous les sens suivant notamment Vino- finitivement en Angleterre, et devient le ment : celle de sa mère. « Elle ne sa- bâ Bhâve, ancien disciple de Gandhi qui rédacteur en chef du magazine écologiste vait ni lire ni écrire mais était une poursuit son œuvre. Il s’est trouvé une Resurgence. Il vit dans le Devon avec sa grande philosophe et une excellente mission : il distille bienveillance et spiri- femme et ses enfants. Il met à profit ses conteuse qui s’interrogeait sur tous les tualité dans un monde où priment d’abord pérégrinations et ses réflexions au service aspects de la vie. Elle a été mon pre- les forces de l’argent et du pouvoir, avec d’une cause, la « transition » : « L’idée que mier guide spirituel », nous confie Satish leur cortège d’inégalités. je défends est celle du changement : nous Kumar. La religion pratiquée en famille est devons modifier notre manière de vivre, le jaïnisme dont l’un des principes – l’ahis- Rencontre avec Martin Luther King de consommer, de travailler, de produire. ma (la non-violence) – inspirera Gandhi. Ce pèlerin d’un genre particulier finit Pour y parvenir, je pense qu’il faut chan- On y promeut également la défense de même par quitter l’Inde à pied. Il se rend ger les mentalités au niveau individuel et l’environnement et le respect de toute en Russie puis en Europe à la rencontre de agir de manière concrète et locale. » forme de vie. Satish Kumar entre dans un ceux qu’il nomme ses maîtres spirituels. Sa Guillaume Henchoz monastère jaïn à 9 ans. Ce qui guide ses route croise celle du philosophe pacifiste * Le jaïnisme est une religion qui compte près de pas, c’est notamment le décès de son père Bertrand Russel, ou encore celle de Mar- dix millions de fidèles, principalement en Inde, et alors qu’il avait quatre ans et une question tin Luther King avec lequel il s’entretient. qui met l’accent sur la non-violence.
© Patrick Gilliéron Lopreno La Grande transition La transition prônée par Satish Kumar consiste en une transformation de nos modes d’existence Bio express spirituels, pratiques et 1936 Naissance au Rajas- économiques. Il s’agit than. de lancer et soutenir des 1945 Entre dans un mo- projets au Nord comme nastère jaïn. au Sud, qui mettent en 1954 Quitte le monastère avant la production au et suit Vinobâ Bâve, dis- niveau local et suscitent ciple de Gandhi. un véritable changement 1962 Entame une marche de mentalité au niveau pour la paix qui le condui- de notre consommation. ra dans les capitales euro- Retrouvez, sur notre site, péennes et à Washington. un entretien avec Satish 1973 Devient le rédacteur Kumar dans lequel il re- en chef du magazine Re- vient sur cette notion de surgence. transition, un terme qui 2002 Publication en An- est également au cœur gleterre de Tu es, donc de la campagne des je suis, essai autobiogra- œuvres d’entraide Pain phique dans lequel il déve- pour le Prochain et Ac- loppe les grandes lignes de tion de Carême. www. sa spiritualité écologique. reformes.ch/satishkumar
© wikimedia commons Fresque représentant deux musulmans. Monastère d’Akhtala, Xe – XIIIe siècle, Arménie.
DOSSIER 11 DESSINE-MOI UN IMAM SUISSE DOSSIER La religion musulmane génère nombre d’inquiétudes, à tel point que certains souhaiteraient la reléguer au ban de notre société. Mais la réponse helvétique s’inscrit plutôt dans le sens d’une intégration de l’islam dans la société civile. De Genève à Fribourg en passant par Lausanne, de nouvelles formations à l’islam voient le jour. Découverte. Responsable du dossier : Elise Perrier Le plus du web Retrouvez les articles de ce dossier sur www.reformes.ch/imam, ainsi que d’autres articles couvrant le sujet sur www.reformes.ch/islam
12 DOSSIER Réformés | Avril 2018 L’islam dans les univer Après Fribourg, l’Université de Genève – et bientôt celle de Lausanne – ouvre de nouvelles formations sur l’islam. A quel besoin ces formations tentent-elles de répondre ? Qu’est-ce qui a présidé à leur création et quel est leur but ? Décryptage. ENSEIGNEMENT De plus en plus d’étu- s’expriment en effet toujours dans leur Aux côtés des Turcs, environ 70 % diants s’intéressent à l’islam, selon Da- langue d’origine dans les mosquées des 500 000 musulmans vivant en Suisse vid Hamidovic, doyen de la Faculté de suisses. C’est notamment le cas dans les sont originaires des Balkans. A ceux-ci théologie et de sciences des religions à communautés turques où les imams sont s’ajoutent notamment les arabophones Lausanne. Un poste d’historien pour un payés et envoyés par la Diyanet, le bu- qui proviennent surtout du Maghreb. Au cours d’histoire sociale et culturelle de reau turc des affaires religieuses. « Or, total, près de 35 % des musulmans sont l’islam y est d’ailleurs au concours, pour en Suisse, les jeunes générations com- au bénéfice de la nationalité suisse, soit une entrée en fonction en septembre. prennent mieux le français, l’allemand plus d’un musulman sur trois. En revanche, aucune université en ou l’italien, et les prêches en langue Dans les quelque 280 mosquées du Suisse ne forme de nouveaux imams. d’origine sont parfois mis en cause », pays, l’imam peut être dûment formé ou Mais Genève propose à ceux qui sont en estime Pascal Gemperli, président de juste venir dépanner une communauté exercice des cours articulés sur la laïcité l’Union vaudoise des associations mu- qui n’a pas les moyens de payer une per- depuis l’automne dernier (encadré page sulmanes (UVAM). sonne régulière. Son rôle de base reste 13). Hasard du calendrier, leur ouverture de guider la prière et d’assurer le prêche a coïncidé avec des propos haineux te- Un musulman sur trois est suisse (encadré page 14). Mais s’il est mensua- nus par un imam à Bienne, un Libyen ne Le problème de la langue est parfois lisé, il sera au service des membres de connaissant aucune langue nationale et doublé d’une inadéquation culturelle : la communauté, à l’image du pasteur prêchant en arabe. Comme en réponse « Les imams turcs qui viennent en Eu- ou du curé. « On a tous intérêt à ce que à cet événement qui a suscité la polé- rope suivent une formation de deux se- les imams soient bien formés, souligne mique, et à la demande de l’Etat gene- maines sur le pays dans lequel ils vont Pascal Gemperli. Car ils occupent des vois, l’université du bout du Léman offre entrer en fonction. Or, une telle offre postes à responsabilités, ont des im- aux imams des cours de droits humains n’existe pas pour la Suisse. Ceux qui pacts sur la communauté et sur la paix et d’éthique, « mais aussi et d’abord des viennent chez nous sont ainsi introduits religieuse. » cours de français avec un décodage so- au contexte allemand et connaissent dès cioculturel, afin de les aider à s’intégrer lors souvent très mal notre pays », sou- Problème de dialogue dans la culture suisse », indique Elisa ligne Mallory Schneuwly Purdie, cheffe L’Université de Fribourg a été pionnière Banfi, coordinatrice de cette nouvelle de projet au Centre Suisse Islam et So- en créant, dès 2015, des formations sur formation continue. Plusieurs imams ciété (CSIS) de Fribourg. l’islam pour musulmans et non musul-
N° 15 | Réformés DOSSIER 13 accueilli sités romandes mans (encadré page 13). « Le CSIS s’est Deux visions damental pour nous. » * Dernière-née développé dans une optique de cohésion Pas de concertation similaire en re- dans les universités romandes, la for- sociale, quand la Confédération s’est vanche quant au contenu des cours mation lausannoise, elle, s’adressera par rendu compte qu’il y avait un problème pour imams que propose l’Université exemple « à des étudiants qui veulent de dialogue, notamment à la suite de de Genève. « Ce n’est pas à des parti- devenir diplomates ou travailler dans la votation sur les minarets », explique cipants hors université de décider des l’interculturalité au sein d’une organisa- Mallory Schneuwly Purdie. Dans son contenus des formations, déclarait à ce tion non gouvernementale », détaille le ADN, la Faculté fribourgeoise associe propos François Dermange, professeur doyen David Hamidovic. Pour François étroitement des représentants musul- d’éthique. C’est une question de liber- Dermange, pas de concurrence entre mans à son offre de cours. La récente te- té académique ! » Pour Hansjörg Sch- les différents cursus : « Nous travaillons nue de 26 ateliers auxquels ont participé midt, directeur du CSIS à Fribourg, au dans une logique de complémentarité, près de 500 responsables d’associations contraire : « Mettre les destinataires à assure-t-il. Les formations proposées musulmanes – dont plusieurs femmes et l’écart, c’est risquer de les considérer dans les trois universités romandes sont des imams – en témoigne : les thèmes avec paternalisme alors qu’ils sont au- une façon de répondre à la question de abordés, comme la communication ou le tonomes et adultes. Les intégrer à la l’islam qui préoccupe en Europe, avec rôle des associations dans l’espace pu- conception du cours qui leur est adres- beaucoup de peurs et de crispations. » blic, l’ont été de façon concertée. sé est un principe pédagogique fon- Gabrielle Desarzens * Voir l’article d’Aline Jaccottet du 25 janvier 2018 sur www.protestinfo.ch. A Genève ont atteint le niveau de langue suffisant Il offre un enseignement universitaire La formation de l’Université de Genève pour l’inscription au deuxième volet inti- adressé aux étudiants, ainsi que des est un projet pilote destiné exclusivement tulé « Culture et société suisse » (2e se- formations continues destinées à des aux imams et aux enseignants d’instruc- mestre). Quatre participants sont inscrits personnes déjà insérées dans le monde tion religieuse islamique. Plusieurs facul- à ce 2e volet, auquel s’ajoutent les deux professionnel. Au niveau universitaire, il tés collaborent à cette formation (Droit, qui ont réussi le 1er semestre. Parmi eux, existe un centre de recherche doctorale Lettres, Sciences de la société, Théo- un imam neuchâtelois, quatre imams ge- (7 doctorants), un programme de master logie, Maison des langues). Elle a pour nevois et un enseignant d’instruction reli- complémentaire sur 2 ans (10 étudiants), but de donner aux participants des com- gieuse. L’Etat finance ce projet à hauteur et une offre de cours ouverte à d’autres pétences interdisciplinaires facilitant leur d’environ 100 000 fr, l’Université contri- branches (60 étudiants par semestre). La intégration dans la société civile suisse. buant pour sa part « en nature » en of- formation continue propose 12 ateliers Elle a ouvert ses portes en septembre frant ses services sur le plan professoral, interactifs par année, d’une durée d’un 2017 sur la demande de certaines com- organisationnel et administratif. E.P. ou deux jours. Environ 250 personnes munautés musulmanes, de l’Etat (dans les fréquentent chaque année. Le CSIS le souhait d’ajouter à sa politique sécu- offre aussi des prestations sur mandat ritaire une volonté d’intégration), et de A Fribourg (ex. : une formation aux enseignants de l’Université (qui souhaite doter le monde Le CSIS (Centre Suisse Islam et Société) l’instruction publique à Genève). Le bud- académique de moyens d’intégration des de l’Université de Fribourg est un projet get s’élève à 900 000 fr. par année. Un musulmans en Europe). Deux volets d’un créé à l’initiative de la Confédération. quart de cette somme est assurée par semestre sont proposés. « Langue fran- Inauguré officiellement en juin 2016, le l’Université de Fribourg, 400 000 fr. par çaise et décodage socioculturel » (1er se- Centre s’intéresse aux questions ac- la Confédération et le reste par des fonds mestre) était composé de 6 participants tuelles liées à l’islam en Suisse en lien tiers, dont la plus grande part provient non francophones. Parmi eux, seuls 2 avec une auto-interprétation islamique. de la Fondation Mercator Suisse. E.P.
14 DOSSIER Réformés | Avril 2018 La parole aux musulmans Les imams doivent-ils être formés pour mieux s’adapter aux attentes des musulmans de Suisse ? Nous sommes allés interroger les principaux concernés. TÉMOIGNAGES Les musulmans que nous le français et soient familiers des lois temps. Il est le président de l’Association avons rencontrés sont unanimes : être suisses, parce qu’ils doivent pouvoir les islamique et culturelle d’Ahl-El-Bayt de imam en Suisse ne s’improvise pas. La transmettre à la communauté, affirment Genève. Sans pour autant être imam, il théologie islamique autant que la culture nos intervenants. accomplit auprès de sa communauté les suisse sont des bagages indispensables tâches généralement attribuées à cette pour les responsables religieux exerçant Les bons élèves fonction. La communauté se rassemble sur le territoire helvétique. Pourtant, il Fehim Abazi a sauté sur l’occasion et s’est dans un appartement genevois, et re- s’agit de deux cursus complémentaires. inscrit au premier module de la forma- groupe près d’une centaine de fidèles Se familiariser avec les valeurs du pays tion offerte par l’Université de Genève afghans, irakiens, libanais, iraniens et sur les bancs des universités suisses, l’automne dernier. Son objectif : maî- indopakistanais. Cette formation est pourquoi pas ? Mais la théologie islamique triser la langue française (encadré page l’occasion pour Vahid Khoshideh d’en ap- devrait être dispensée par des profession- 13). Depuis quatre ans, il est en Suisse, prendre plus sur le système politique nels musulmans, expliquent en substance imam du Centre d’intégration isla- suisse, notamment, et d’acquérir les personnes questionnées. mique et culturel albanais de Lau- un diplôme. « Symboliquement, Les formations proposées par les sanne qui rassemble 200 albanais. Il c’est aussi une façon de briser les Universités de Fribourg et Genève sont comprend le français mais il est loin préjugés et d’envoyer un message globalement vues d’un bon œil. A l’heure de le parler couramment. L’entre- d’intégration à la société. Et puis, où les imams se forment à l’étranger, il tien se déroule d’ailleurs je suis curieux de savoir est indispensable que ceux-ci maîtrisent avec l’aide d’un traduc- « Il est ce que les professeurs teur improvisé. « Maî- triser la langue fran- fondamental que vont dire de l’isla m et de l’école chiite ! », çaise, connaître les lois nos responsables confie-t-il avec humour. Qu’est-ce qu’un imam ? et la culture suisse est religieux suivent Tous n’accordent essentiel pour commu- pas la même valeur à Le titre d’imam, comme celui de niquer avec les fidèles de une formation ces formations. « Nous pasteur, n’est pas protégé, indique la communauté. L’imam en Europe » n’y participons pas. Nos Pascal Gemperli, président de doit être un exemple. Je Saâd Dhif membres sont intégrés l’Union vaudoise des associations suis reconnaissant en- depuis des décennies à musulmanes (UVAM). Le mot vient vers la Suisse qui m’offre la chance de la société suisse et sont dans leur grande de l’arabe « Amam » qui signifie « de- me former », explique-t-il. Aujourd’hui, majorité citoyens à part entière de ce vant ». En allemand, le terme « Vor- le semestre d’hiver est terminé et Fehim pays. Quant à notre imam, il est Suisse, beter » est souvent utilisé. Un imam Abazi n’a pas rempilé. Son engagement à il parle le français et a une formation est donc celui qui est devant, qui 100 % pour sa communauté l’en empêche. universitaire. Se former relève du choix guide la prière. « Si je guide la prière Il le regrette. personnel de l’imam et non d’une volon- dans ma famille, je suis l’imam de ce Il n’a donc pas croisé Vahid Kho- té de la communauté », explique Saadoon moment-là », dit-il. Dans le contexte shideh. Ce pharmacien suisse, d’origine Havar, porte-parole du Centre islamique européen, l’imam de la mosquée iranienne et musulman chiite suit lui aus- de Neuchâtel qui réunit une centaine de prend beaucoup d’autres fonctions, si la formation à Genève. Il vit en Suisse fidèles, pour la plupart suisses ou natu- comme celui de guide spirituel, au- depuis l’âge de 15 ans et le français n’a ralisés. Mais ce centre travaille en étroite mônier, médiateur, porte-parole pour plus de secret pour lui. Il a donc com- collaboration avec la mosquée de Lau- les médias. G. D. mencé les cours au semestre de ce prin- sanne sur les programmes de formation
N° 15 | Réformés DOSSIER 15 des imams et enseignants qu’elle a mis en © Nelson-Atkins museum of Arts, Missouri, Etats-Unis. Wikimediacommons place dans les années 1990. Celal Yilmaz, responsable du centre islamique et culturel turc de Lausanne, abonde en ce sens. « Plus que la forma- tion elle-même, c’est la démarche qui me dérange. Je la perçois comme une impo- sition de l’Etat. Elle est l’expression du contexte politique actuel tendu entourant les musulmans et dont nous sommes les premières victimes. Et personne n’est venu nous demander notre avis », explique-t-il, agacé. Installée à Chavannes-près-Re- nens (VD), sa communauté, hanafite*, vit des dons de sa centaine de membres. Les imams sont envoyés par le gouvernement turc, par l’intermédiaire de Dyanet, Dé- partement des affaires religieuses basé à Zurich. En décalage avec la jeunesse Sur un point, tous s’accordent cependant: la venue d’imams formés à l’étranger n’est pas adaptée à la communauté musulmane en Suisse. « Il est aujourd’hui fondamental que nos responsables religieux suivent une formation en Suisse ou en Europe, affirme Saâd Dhif, secrétaire général de l’associa- tion des fribourgeois musulmans Frislam. Face à la jeunesse qui est née ou a grandi en Suisse, on ne peut faire l’impasse sur une connaissance de notre culture et du contexte dans lequel nous vivons. A ce titre, notons que tout un pan de la jurispru- dence islamique est dédié à cette question : si la religion en tant que dogme est unique, elle doit tenir compte du lieu dans lequel vit le musulman. Comment voulez-vous qu’un imam trouve dans la religion des ré- Le rendez-vous des théologiens (1540 – 1550 ) de Abd Allah Musawwir, Ouzbekistan. ponses adéquates aux problèmes rencon- trés par les jeunes musulmans s’il n’a pas Les imams doivent être formés en théolo- dèles sont pour beaucoup des bénévoles. lui-même grandi dans le même contexte ? » gie, mais au sein de Facultés de théologie La reconnaissance des communautés mu- Celal Yilmaz abonde : « Nos imams sont islamique, dirigées par des professionnels sulmanes par l’Etat suisse serait un plus. envoyés par le gouvernement turc pour un musulmans. Malheureusement, la commu- « Les autorités comme les communautés mandat de cinq ans. Bien sûr, c’est une oc- nauté musulmane en Suisse ne dispose pas pourraient ainsi contrôler les imams qui casion pour nos jeunes de se rapprocher de d’une telle structure (encadré page 17). » arrivent en Suisse », analyse Fehim Abazi. leur langue d’origine. Mais leur culture est La création d’une telle formation théo- Marie Destraz double. Or, nos imams ne connaissent pas logique d’ici vingt ans apparaît comme une *La plus ancienne et la plus libérale des quatre la Suisse et n’ont que peu de temps pour se évidence pour nos interlocuteurs. Or, la écoles juridiques sunnites. familiariser avec leur environnement. Le communauté musulmane ne dispose pas risque d’un décalage est donc grand. » de moyens suffisants pour « produire » ses Pour Fehim Abazi, qui a étudié la théo- propres imams. Elle doit donc s’accom- Le plus du web logie islamique en Egypte et les cours de moder d’universitaires formés au Moyen- Retrouvez le témoignage de Noureddine français à l’Université de Genève, la for- Orient et en Afrique du Nord, notamment, Ferjani, imam de la mosquée du Petit Sa- mation a néanmoins ses limites : « Au- sans compter sur la présence d’autodi- connex, à Genève, sur www.reformes.ch/ jourd’hui, ce qui est proposé au sein des dactes. Aujourd’hui, ces communautés ferjani universités en Suisse n’est pas suffisant. vivent essentiellement de dons, et les fi-
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