CoNtrastes - LA COMMUNE, UN ESPACE D'ACTION CITOYENNE - ep - Equipes Populaires
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coNtrastes ▶ N° 187 ■ Bimestriel ■ Juillet-Août 2018 ◀ ep Equipes Populaires ÉLECTIONS COMMUNALES 2018 LA COMMUNE, UN ESPACE D'ACTION CITOYENNE Bureau de dépôt : 5000 Namur mail. N° d’agréation : P 204078 - Ed. resp., Paul Blanjean, Equipes populaires, 8 rue du Lombard 5000 Namur
ÉDITO CITOYENS, ASSOCIATIF, ÉLUS : L’ENJEU DE LA PARTICIPATION L’échelon communal est le niveau de pouvoir le plus proche des citoyens et des associations. Face à la crise de confiance, voire même de légitimité envers le modèle de démocratie représentative, l’intérêt des citoyens pour les enjeux communaux ne semble pas faiblir. C’est à ce niveau de pouvoir qu’ils ont le sentiment de pouvoir encore exercer pleinement leur droit à l’expression et leur capacité à se situer dans une dynamique de contestation ou de proposition constructive. Malgré une situation financière généralement difficile, les communes disposent en effet de nombreux leviers d’action qui concernent directement le bien-être des habitants, en particulier les plus vulnérables ; l’action sociale via le CPAS, le logement, la mobilité, la cohésion sociale… L’impulsion du terrain associatif est souvent indispensable pour Equipes Populaires que ces compétences soient activées de manière à répondre aux réels besoins des habitants. La démocratie participative est de plus en plus admise et reconnue par les pouvoirs communaux. Mais il ne suffit pas de la décréter pour qu’elle donne des résultats satisfaisants, car il existe souvent des réticences tant de la part des citoyens que des élus. Les expériences de « budget participatif » montrent la richesse mais aussi les limites de la démocratie participative. Celle-ci doit être pensée dans le cadre d’une réflexion globale sur le modèle démocratique le plus adapté aux défis d’aujourd’hui ; montée du populisme, gouvernance politique peu reluisante, importance des réseaux sociaux dans la libération de la parole… Equipe de rédaction : Paul Blanjean, Monique Van Dieren, Dans l’interview qu’il nous a accordée, Jean Faniel, directeur du Claudia Benedetto, Guillaume Lohest CRISP, nous décrit le climat politique à deux mois des élections Rédactrice en chef : Monique Van Dieren communales et provinciales et la manière dont il perçoit le Mise en page : Hassan Govahian rapport entre les citoyens et les élus. Editeur responsable : Paul Blanjean, 8, rue du Lombard Le dossier propose enfin une réflexion sur le phénomène de 5000 - Namur - Tél : 081/73.40.86 « remunicipalisation » qui prend de l’ampleur au niveau mondial. secretariat@equipespopulaires.be Il s’agit d’un retour à la gestion publique d’une série de biens Prix au n° : 2 € et services qui ont été privatisés (eau, mobilité, énergie…). Pour s'abonner (Contrastes + Fourmilière) : Versez 15€ au compte BE46 7865 7139 3436 des Ce mouvement pourrait redonner une place centrale aux Equipes populaires, avec la mention : associations et citoyens pour se réapproprier les ressources "Abonnement à Contrastes" + votre nom collectives ; un terrain de jeu idéal pour faire vivre la démocratie ep Equipes Populaires participative. A moins qu’il ne s’agisse d’une arène dans laquelle les combats risquent d’être sanglants ?! Monique Van Dieren 2 | Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018
C O M P É T E N C E S C O M M U N A L E S LES COMMUNES, SUPER-HÉROÏNES DE LA LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS ? L es élections communales approchent à grand pas, l’occasion de s’interroger sur la capacité d’action Equipes Populaires des communes notamment dans la lutte contre les inégalités. Que Les élections communales, c’est pour bientôt. ment, l’enseignement, le tourisme, la promo- peuvent-elles faire Certains diront Et alors ? Y’a pas de quoi en faire tion de l’activité économique et culturelle. toute une histoire ! Et pourtant, ces élections Sur papier, les communes disposent d’outils pour les citoyens ? sont importantes parce qu’elles concernent le pour lutter contre les inégalités sociales mais Disposent-elles de niveau de pouvoir qui est le plus proche des tout dépend de la volonté politique et surtout super-pouvoirs ? gens, la commune. Ses missions sont prévues des moyens mis à disposition. Focus sur le po- par la loi : elles s’occupent entre autres de l’or- tentiel des supers-pouvoirs communaux qui ganisation et du cofinancement des CPAS, peuvent avoir un impact sur les inégalités. de l’organisation de l’enseignement commu- nal, de la tenue des registres de l’état civil, de la gestion des cultes, de l’établissement des Super-pouvoir 1 : listes électorales, de l’entretien des voiries, Le CPAS de la délivrance de permis d’urbanisme (pour les particuliers et les implantations commer- Les centres publics d’action sociale ont pour ciales), de la rénovation urbaine, de la sécu- mission de permettre à chacun de vivre dans le rité et du maintien de l’ordre public à savoir respect de la dignité humaine. L’aide des CPAS la propreté, la salubrité, la sûreté (sécurité) et peut être « matérielle, sociale, médicale, médi- la tranquillité publiques.1 Elles ont également co-sociale, psychologique, palliative, curative en charge d’autres matières telles que le loge- ou préventive. L’aide matérielle peut prendre ► Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018 | 3
COMPÉTENCES COMMUNALES ► diverses formes : l’octroi d’une aide financière périodique ou occasionnelle (revenu d’inté- Super-pouvoir 2 : gration); l’octroi d’avances sur prestations so- La politique du logement ciales; l’octroi de prestations de services (repas à domicile, ...); l’octroi d’une aide en nature.2 » Les communes peuvent favoriser la mixité so- Ils doivent également assurer un accompagne- cio-économique, rénover l’espace public des ment auprès des personnes qui y ont droit. A quartiers afin de diminuer le sentiment d’insé- ce niveau, les actions du CPAS sont multiples : curité mais aussi de donner l’envie à des inves- Ils aident au paiement des pensions alimen- tisseurs de faire de même. taires, à l’insertion professionnelle, ils aident Les communes sont en outre tenues par le Code financièrement les personnes en difficulté wallon du logement et de l’habitat durable d’at- pour le paiement de leurs factures d’énergie teindre un objectif de 10 % de logement public (via le fonds social mazout et le fonds gaz/ sur le territoire. Les pouvoirs locaux reçoivent électricité) et d’eau. Les CPAS peuvent pro- des subsides régionaux conditionnés à une poser toute une série de services : services de obligation de résultats. Des sanctions régio- médiations de dettes, service aux aînés - livrai- nales sont possibles dans le cas du non-respect son des repas à domicile, aide-ménager, aide de ses obligations : 10.000 euros par logement aux familles (comme une garde à domicile manquant. Mais dans les faits, peu de com- par exemple), maisons de repos, taxis sociaux, munes respectent cette obligation. En 2016, services de jardinage, soins et services à do- seules 39 communes wallonnes sur les 262 micile, les centres d’accueil de jour et centre étaient au-dessus des 10 %4. Parmi les mauvais de soins de jour… - Ils proposent également élèves, on compte la commune de Jurbise, bien une permanence d’aide juridique, organisent connue pour les déclarations pour le moins l’hébergement d’urgence des sans-abri. C’est choquantes de sa bourgmestre, Jacqueline Ga- le conseil communal qui valide, invalide ou lant qui affiche clairement sa volonté de ne pas modifie les comptes et budgets présentés par construire de logements sociaux : sa commune le CPAS. en compte seulement sept. “J’assume complète- ment la politique de la commune en matière de En matière d’accès à la culture et activités logement social, a déclaré la bourgmestre. nous sportives, les CPAS reçoivent une subvention faisons du social autrement avec des logements du fédéral en vue de favoriser la participation prévus pour les seniors” 5. sociale et l’épanouissement culturel et sportif de leurs usagers3. Le code prévoit également que les communes doivent mettre en place un service communal du logement pour informer la population sur les aides et les droits en matière de logement, LES MISSIONS DES COMMUNES EN QUELQUES tenir à jour un inventaire des logements inoc- CHIFFRES1 cupés, des terrains à bâtir et des possibilités de relogement d’urgence. Les communes doivent L'enseignement fondamental communal recense 194.391 élèves, soit adopter un règlement communal en matière 50 % de l'offre en Wallonie francophone; d’inoccupation qui prévoit la taxation des im- L'accueil de la petite enfance : les communes offrent plus de 15.000 meubles inoccupés de moins de 5.000 m2. Les communes peuvent également obtenir des places, soit plus de 55 % de l'offre en Wallonie; aides au logement de la Région wallonne pour Le logement : les communes wallonnes mettent à disposition 120.000 la construction de logements sociaux et la ré- logements publics habilitation de ceux-ci ainsi que pour la dé- L'action sociale : les CPAS accordent environ 750 millions d'euros molition d’un immeuble en vue d’en faire un d'aides sociales, dont plus de 50 % de revenus d’intégration sociale ; logement et pour la création de logements de Les aînés : les communes pourvoient 5.969 lits de maisons de repos transit6 ou d’insertion7. (22 % de l'offre en Wallonie), et 7.401 lits de maisons de repos et de soins (35 % de l'offre); La commune dispose aussi d’outils pour lutter Les soins de santé : les communes fournissent 9.872 lits d'hôpitaux contre les logements insalubres ou surpeuplés. (47 % de l'offre en Wallonie) Tout bailleur qui met en location des petits loge- ments (moins de 28m2) doit demander un per- mis de location, ce qui permet théoriquement à la commune d’avoir un contrôle notamment sur 1. Focus sur la commune : 169 fiches pour une bonne gestion communale, novembre 2017, p.773. la salubrité du logement, la sécurité des lieux et la performance énergétique. Le bourgmestre a 4 | Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018
Equipes Populaires COMPÉTENCES COMMUNALES le pouvoir de déclarer un logement inhabitable recueillent les besoins des personnes les plus s’il estime que ce dernier présente un risque fragilisées et les informent sur leurs droits en pour la sécurité de ses habitants. Il a également matière de logement, sur les démarches admi- la possibilité d’exiger la réparation du bien mais nistratives, les aides sociales, la justice, l’em- aussi sa démolition. Il peut interdire l’accès à un ploi, sur les services éventuels de traduction. logement insalubre. Mais qu’adviendra-t-il des Les communes proposent parfois un service locataires ? La commune est obligée de propo- d’aide juridique pour offrir à tous un accès à ser un relogement à des personnes qui ont dû la justice. Quelques fois elles proposent égale- quitter leur lieu de vie en raison des conditions ment un service de médiation scolaire afin de d’habitation (insalubrité ou surpeuplement). soutenir les jeunes dans leur scolarité en in- Afin d’étendre l’offre d’habitations en location cluant les parents dans la démarche. sur son territoire, la commune peut faire la chasse aux logements vides en réquisitionnant un immeuble abandonné depuis plus de six Super-pouvoir 5 : mois. Mais les communes usent rarement de La politique de mobilité cette possibilité. La commune, le CPAS, les sociétés de loge- Les communes peuvent favoriser dans leur po- ment de service public, les agences immobi- litique de mobilité un type de transport. Elles lières sociales peuvent proposer à un proprié- font partie à hauteur de 49 % du capital des taire de mettre un bien inoccupé en location. sociétés8 TEC et peuvent dès lors influer no- La ville de Namur par exemple, propose aux BON À SAVOIR tamment sur la couverture de l’offre de trans- promoteurs qui ont un projet de construction ports en commun dans l’un ou l’autre quartier. de confier la gestion d’un ou plusieurs loge- En matière de mobilité, les communes peuvent Le Réseau wallon de lutte ments à l’AIS. via des partenariats avec les TEC, mettre en contre la pauvreté1 a rédigé place un bus local pour répondre aux besoins un memorandum en vue de sa population et assurer le confort des na- des élections communales Super-pouvoir 3 : vetteurs en installant des abribus9. et provinciales. Il reprend La cohésion sociale une série de revendications concrètes et très pertinentes Le plan de cohésion sociale a pour but de lut- Super-pouvoir 6 : pour que les communes, ter contre les inégalités en tout genre ; plu- L’enseignement CPAS et provinces mettent sieurs axes sont visés : l’insertion socioprofes- en place des politiques sionnelle, l’accès à un logement décent, l’accès Les communes ont la liberté de créer et d’orga- à la santé et le traitement des assuétudes, le publiques qui permettent niser l’enseignement communal. Dans les faits, retissage des liens sociaux intergénération- d’œuvrer à la réduction des elles s’occupent principalement du maternel et nels et interculturels. Les acteurs locaux font du primaire. Pour soutenir les familles en dif- inégalités sociales et de la un recensement des initiatives publiques ou ficulté, elles peuvent proposer des activités ex- pauvreté. Il contient une privées qui existent déjà sur leur territoire et tra-scolaires à des prix accessibles : des stages fourmilière de bonnes idées collectent les attentes de la population. Trois en tout genre mais aussi des écoles de devoir… pour interpeller nos élus et sources de financement : les fonds propres, Les infrastructures sportives sont pour la plu- future élus afin d’intégrer la Région wallonne et le fédéral. Les com- part communales : leur localisation est proche un maximum de ces munes délèguent certaines missions à des des habitants et le droit d’entrée est à moindre propositions dans leur futur associations : soutien et accompagnement coût, ce qui permet à une majorité de per- programme. A consulter en scolaire, alphabétisation, accueil et sonnes d’avoir accès aux activités physiques, ligne. accompagnement des primo-arrivants…. sources de bien-être et de socialisation. 1. Campagne du RWLP La réduction Super-pouvoir 4 : Super-pouvoir 7 : des inégalités à l’agenda des La politique de L’accueil de l’enfant communes et des provinces dès janvier 2019 : Le seul investis- prévention sement durable pour éradiquer L’absence de places dans les crèches ou le la pauvreté = la réduction des Certaines communes engagent des éducateurs coût trop onéreux représente un problème inégalités. de rue qui vont à la rencontre des citoyens, réel pour certaines familles. Les communes ► Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018 | 5
COMPÉTENCES COMMUNALES ► peuvent mettre en place des structures d’ac- représente 80 %. Cet impôt crée des inégalités cueil de type crèches ou maisons communales entre les communes étant donné qu’il repose d’accueil de l’enfance et pratiquer une tarifica- sur les revenus des habitants. Une commune tion sociale. Elles ont également la possibilité dont les habitants ont des revenus faibles aura de subventionner des structures d’accueil non dès lors tendance à pallier ce déficit par des subventionnées afin d’améliorer leur accessi- taxes directes. De plus, elle aura peu de marge bilité. La commune est également habilitée à de manœuvre pour mettre en place des services mettre en place un accueil extra-scolaire pour d’aides ou des infrastructures qui leur sont plus les enfants jusqu’à l’âge de 12 ans. particulièrement destinés tels que des loge- ments sociaux, une aide sociale adaptée à leurs besoins, un soutien extra-scolaire… Super-pouvoir 8 : Bien que les communes aient la possibilité de L’emploi développer des dispositifs pour lutter contre les inégalités, les politiques mises en place par A l’initiative des communes, les Agences lo- les pouvoirs locaux dépendent directement des cales pour l’emploi (ALE) ont pour but la re- priorités du fédéral et des Régions. Un exemple mise à l’emploi des chômeurs de longue durée, significatif : la politique des grandes villes mise de bénéficiaires du revenu d’intégration so- en œuvre en 2000 par le fédéral visait à « mettre ciale ou plus largement, toute personne éloi- fin aux fractures sociales en travaillant sur gnée du marché du travail. Mais à quel prix ? l’intégration des cultures et des générations et Le site du SPW emploi/formation renseigne l’accès à un logement décent11 ». Les villes bé- une rémunération de 184,50 € par mois pour néficiant de ce financement étaient celles qui 45 heures de travail en complément de l’allo- comptaient plus de 60.000 habitants dont au cation de chômage… La remise au travail oui, moins « 10 % vivaient dans des quartiers défa- mais l’exploitation NON… vorisés et dont le revenu par habitant était infé- rieur à la moyenne nationale ».12 Plusieurs villes Finances communales : wallonnes en ont bénéficié : Liège, Charleroi, La le nerf de la guerre10 Louvière, Seraing, Mons, Verviers et Mouscron. Mais les budgets ont diminué d’année en année, Autant de compétences, de missions qui notamment à cause de la régionalisation de la doivent s’assortir d’un budget à la hauteur de politique des grandes villes. ces défis pour qu’ils puissent être relevés. En Claudia Benedetto 2017, les communes wallonnes ont consacré un total de près de 5 milliards d’euros pour les 262 communes wallonnes, ce qui représente en 1. Focus sur la commune : 169 fiches pour une bonne gestion communale, novembre 2017, p.467. moyenne une dépense de 1406€ par habitant. 2. Idem, p. 809. Le top trois des dépenses par domaine d’action : 3. Idem, p. 773. l’administration générale (23,21 %), la sécurité 4. www.rtl.be/info/belgique/societe/126-000-per- (14,56%), le social et l’emploi (14,2 %). En re- sonnes-en-attente-d-un-logement-social-les- vanche, la part du budget dévolue à l’enseigne- chiffres-incroyables-de-la-situation-en-wallonie-et-a- bruxelles-918141.aspx ment est de 7,31 %, de 9,87 % à la culture, aux 5. www.rtbf.be/info/regions/detail_le-prix-de-l-in- loisirs et aux cultes, et seulement 1,7 % au loge- coherence-remis-a-jacqueline-galant-a-jur- ment et à l’urbanisme. Notons que les dépenses bise?id=8904058 QUESTIONS DE DÉBAT de personnel (plus de 39% du budget) sont en 6. Destiné à l'hébergement temporaire de ménages augmentation. La plus grosse source de revenus (deux fois 6 mois maximum) en état de précarité ou de ménages privés de logement pour des motifs de des communes sont les recettes provenant de la force majeure. • Les communes ont-elles fiscalité (48,94 %). Viennent ensuite le fonds des 7. Destiné à l'hébergement des ménages en état de réellement des pouvoirs communes (23,9 %) et les subsides (16,45 %). précarité. Contrairement au logement de transit, le en matière de lutte contre Par recettes fiscales, on entend : les recettes is- logement d'insertion donne lieu à un bail de 3 ans les inégalités ou sont-elles sues d’une taxe additionnelle sur certains im- minimum. 8. Le groupe TEC est constitué de 5 sociétés d'exploi- limitées par les autres pôts de l’Etat (précompte immobilier, impôt tation (TEC Brabant wallon, TEC Charleroi, TEC niveaux de pouvoir ? des personnes physiques, taxe de circulation) et Hainaut, TEC Liège-Verviers et TEC Namur-Luxem- • Quel est le pouvoir d’impôts perçus directement par la commune bourg). (enlèvement des immondices, panneaux publi- 9. C eux-ci sont mis à disposition gratuitement par la qui me parait le plus SRWT. important à mettre en citaires, taxes de séjour… ). 10. Focus sur la commune : 169 fiches pour une bonne priorité dans le prochain gestion communale, novembre 2017, p.307. programme communal ? Soulignons que parmi les recettes fiscales des 11. Idem, p.361. communes, l’impôt sur les personnes physiques 12. Idem, p.361. 6 | Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018
B U D G E T P A R T I C I P A T I F UNE INTRUSION DANS LE NERF DE LA POLITIQUE Il semblerait que ce soit une mode depuis quelques années. De nombreuses communes, en Equipes Populaires Belgique et ailleurs, se vantent de proposer des budgets participatifs. L’idée Durant la préparation de cet article, les sug- ancrée dans l’actualité, je me suis adressé à a tout pour plaire. gestions se sont accumulées. Je pouvais aller Patrick Bodart, de l’association Periferia qui voir du côté de Verviers, dans tel quartier de a développé une expertise sur le sujet depuis Creusons un peu. Bruxelles, et aussi à Chimay, à Gand, que sais- quelques années. Jusqu’où cela peut-il je encore. Les budgets participatifs auraient le aller ? Quels en sont vent en poupe un peu partout. Un véritable Des budgets participatifs light, mais… et sympathique petit tour de Belgique s’offrait les bénéfices pour la à moi. Mais avant cela, il était nécessaire de Alors, les budgets participatifs fleurissent-ils démocratie ? Entretien comprendre de quoi on parlait, au juste. Un vraiment en Belgique ? « Oui, il y a effective- avec Patrick Bodart, petit voyage dans le temps s’imposait. ment des initiatives, répond Patrick Bodart. Mais il s’agit davantage d’enveloppes citoyennes. de l’asbl l’association C’est en 1989, au sortir de la dictature brési- Un montant du budget communal est isolé sans Periferia. lienne (1964-1985), que la première expéri- en définir les affectations, et ce montant est laissé mentation d’envergure d’un budget participa- à la gestion des citoyens pour des petits projets. tif a débuté à Porto Alegre, dans le contexte Pour nous, il ne s’agit pas de budget participatif d’une reconstruction démocratique. Les res- au sens premier du terme, car ce sont des pro- ponsables de cette ville brésilienne le défi- jets que les citoyens vont mettre en œuvre eux- nissent comme « un processus de démocratie mêmes avec un coup de pouce financier de la directe, volontaire et universel, par lequel la commune. Dans l’idéal, ce devrait être l’inverse : population peut discuter et définir le budget et les citoyens qui participent à la décision de ce les politiques publiques. » Mais… est-ce bien de que vont faire les services communaux. » Pour cela qu’il est question dans nos communes de autant, chez Periferia, cela ne signifie pas qu’il Belgique ? J’avais un léger doute, je vous le dis faut balayer ces situations-là d’un revers de la franchement. Pour l’éclaircir, et afin d’offrir au main. Mais sur base de quels critères juger de lecteur une présentation plus actuelle et plus l’intérêt d’une démarche ? Patrick Bodart in- ► Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018 | 7
PARTICIPATIF BUDGET ► siste sur deux éléments. « On évalue bien sûr transnationale1 publiée en 2014 en dénombrait selon les situations, mais il y a beaucoup d’ini- entre 1200 et 2800, selon les diverses classifica- tiatives qui méritent d’être encouragées. Ce qui tions possibles. Qu’en est-il en Europe ? « C’est est essentiel, c’est que ce ne soit pas simplement clair qu’il y a une mode assez forte autour des un appel à projet avec un jury extérieur qui budgets participatifs, souligne Patrick Bodart, décide, mais qu’il y ait au préalable un débat mais elle reste assez superficielle et souvent li- avec les citoyens sur les priorités. Pourquoi in- mitée à des actions de communication. On est vestir plutôt sur telle chose que sur telle autre ? rarement dans des processus qui vont au bout Cela nous semble un exercice démocratique très du concept. Des grandes villes françaises comme pertinent. On utilise beaucoup le mot “priorité” Rennes, Paris, Grenoble, ont lancé des budgets parce qu’il est au fondement du geste politique. participatifs, Bruxelles-Ville également… C’est Comme le disait un échevin, les choix budgé- intéressant bien sûr, mais on est quand même taires sont le reflet des choix politiques. Un autre plutôt dans du développement de projets ci- élément qui nous paraît intéressant, et qui peut toyens et pas dans des budgets réellement par- être atteint même avec un système d’enveloppes ticipatifs. Ne nions pas l’effet pédagogique de ces de quartiers, c’est quand la démarche amène à projets, mais de là à parler d’une tendance forte, faire un peu d’analyse des finances locales. Si il y a un pas que je ne franchirais pas. Dans le un montant est mis sur la table à leur disposi- contexte européen, à ma connaissance, on n’a pas tion, c’est l’occasion de comprendre comment est de ville qui soit porteuse d’un budget participatif réparti l’argent dans la commune. ». Cependant, qui aille très loin. Il y a eu de nombreuses initia- du côté des élus communaux, l’objectif est sans tives il y a quelques années, surtout au Portugal, doute différent. Ce peut être une manière de en Espagne, en Italie. En Allemagne, on a eu s’attirer la sympathie des habitants, ou de fo- des expériences surprenantes, qui consistaient à caliser leur attention sur un enjeu financier associer les citoyens aux réflexions budgétaires somme toute moins important que d’autres en mais dans une logique d’austérité : il s’agissait matière de gestion communale. de décider où allaient être effectuées les coupes nécessaires. C’est totalement inversé. Mais cela Olne : un joli cas d’école reste plus démocratique que de le faire de façon autoritaire. » Mais n’y a-t-il pas un exemple un peu plus ambitieux que l’on pourrait mettre en avant ? C’est donc sur d’autres continents qu’il Mon interlocuteur réagit spontanément : « Si. faudrait voyager pour trouver des projets qui La petite commune de Olne a une véritable répondent en profondeur à l’idée fondatrice intention de mettre en place un budget par- des budgets participatifs. “Il y a des expériences ticipatif. Un montant a été isolé, avec un vrai assez audacieuses dans certains pays d’Afrique, questionnement sur ce qu’il fallait en faire. Les et même en Chine.” En Tunisie, par exemple, débats entre élus, services et citoyens ont abouti plus de quinze municipalités ont fait le saut de au constat que la commune investissait très peu s’engager dans une véritable démarche de bud- dans l’agriculture locale, alors que 70% de son get participatif au sens plein. QUESTIONS DE DÉBAT territoire y est consacré. Il y a donc vraiment eu ce travail de construction de priorités. Plusieurs Véritable nerf de la politique ateliers ont été animés pour penser et construire • Connaît-on le budget des actions sur ces enjeux. Le montant isolé n’a Au fond, ce tour d’horizon des différentes ap- global de sa commune, pas été éparpillé sur toute une série de petits proches de budgets participatifs, plus ou moins sa situation financière, projets, mais a été concentré dans une direction complètes, plus ou moins co-construites avec les postes les plus prioritaire. C’est à cette construction de priori- les citoyens, mettent surtout en évidence que énergivores ? tés que les citoyens doivent être associés, car c’est les budgets publics sont très peu lisibles, diffi- évidemment plus intéressant que de répartir des cilement accessibles pour les gens. Chez Peri- • Consacrer une part du enveloppes à des petits projets citoyens en paral- feria, on en fait un enjeu central de démocra- budget communal à une lèle, qui n’ont pas de liens les uns avec les autres. tie. “Avec tous les scandales récents, il me semble « enveloppe citoyenne », Par ailleurs, l’intention de l’actuelle majorité à que la question de la transparence des budgets est-ce envisageable dans Olne est de mettre le futur budget communal en vaudrait la peine d’être considérée comme un notre commune ? discussion avec les citoyens.” véritable enjeu de culture citoyenne et politique. • Si oui, quels types de Dans un courrier que nous avions adressé aux projets estimons-nous Une vraie tendance mondiale ? responsables politiques au moment de la com- prioritaires à défendre ? mission d’enquête Publifin, nous insistions à cet Dans quels domaines ? Au-delà des frontières du pays, on compte de égard sur trois axes d’action. D’abord, la nécessi- nombreuses expériences également. Une étude té d’une sorte d’alphabétisation budgétaire de la 8 | Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018
PARTICIPATIF BUDGET Equipes Populaires population. Comprendre les finances locales est même d’éducation tout court, il y a là un vaste un enjeu important. Un deuxième axe est celui chantier. C’est simple à dire, mais compliqué à de la possibilité de mettre en place des commis- mettre en œuvre. Car il faut bien admettre qu’à sions citoyennes de transparence, comme cela part pour quelques passionnés des chiffres, s’est fait au Honduras. Le troisième axe est alors un budget public est probablement l’un des celui du développement de budgets pleinement documents les moins sexy qui puisse s’imagi- participatifs.” ner, toutes catégories confondues. Comment intéresser les citoyens à un tel objet comp- Les budgets participatifs sont donc des ou- table, ou plutôt aux enjeux qu’il dissimule, tils, des modèles qui peuvent être déclinés à bien souvent, sous une technicité rebutante ? plusieurs niveaux, et non des objectifs en soi. Les budgets participatifs, même light, consti- « Bien sûr, enchaîne Patrick Bodart, ce sont des tuent à cet égard des portes d’entrée. Cela vaut outils au service d’une démocratie plus partici- donc peut-être quand même la peine d’aller pative. Et cela va dans les deux sens. Cela per- faire un tour du côté de Chimay, de Verviers, met aussi de comprendre la difficulté de gérer de Gand, etc. Ou, mieux, de se renseigner sur un budget. Il ne s’agit pas du tout de dire que ce qui existe dans nos propres communes ? Et tout ce que font les élus est mauvais et que tout si rien n’existe, pourquoi ne pas interpeller les ce que font les citoyens est magnifique. Pas du partis, dès à présent, puis les élus ? Et soyons tout… En gros, l’objectif c’est de parvenir à de ambitieux : visons le modèle de Porto Alegre. la co-construction. Mais il faut reconnaître que Depuis un certain jour de juillet 2018, le Brésil le budget n’est pas un sujet d’intérêt immédiat ne fait plus peur aux Belges... pour les citoyens. C’est trop compliqué. Mais jus- Guillaume Lohest tement. Il faut insister sur la question de l’alpha- bétisation budgétaire. Comment arriver à sortir de cette peur du budget pour en refaire un outil accessible ? Comment mieux comprendre, lar- 1. Yves Sintomer (Dir.), Les budgets participatifs dans le monde. Une étude transnationale, gement, comment fonctionne un budget ? Com- Engagement Global, Serie Dialog Global n° 25, 2014. ment susciter l’intérêt des citoyens ? Le budget est absolument fondamental, tout comme dans un ménage ! alors, comment se l’approprier col- Pour info, le lien vers une émission de TeleVesdre sur le lectivement ? » sujet : https://www.vedia.be/www/video/info/budget-par- ticipatif-verviers-et-olne-laissent-une-partie-du-budget- Dans une optique d’éducation permanente, et entre-les-mains-de-leurs-habitants-_91698_144.html# Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018 | 9
I N T E R V I E W LES PARTIS POLITIQUES AUX AGUETS Photo : Jacques Gaspers Neuf mois avant les Les récents scandales politiques et les mesures dorénavant on ne va plus pouvoir se déclarer de « bonne gouvernance » adoptées par les dif- empêché. Donc, les candidats auront un pari élections fédérales, férents niveaux de pouvoir auront-elles une à faire soit en 2018, soit en 2019 s’ils veulent régionales et influence sur la composition des listes pour les garder un mandat pendant 6 ans ou 5 ans. européennes, les élections communales, et sur la manière dont les mandats politiques seront exercés ? Coup de frein au cumul des mandats élections communales serviront de test Il y a eu de nombreuses mesures de bonne Cela risque donc d’exclure des figures emblé- avant le lancement gouvernance adoptées ces dernières années. matiques de la vie politique de certains man- Toutes ne sont donc pas liées à la dernière dats ? de la campagne vague de scandales tels ceux qu’on a connus électorale de 2019. avec Publifin, le Samu social, l’ISPPC et le Ka- Forcément oui. Si elles sont en passe de devenir Quel sera l’impact zakhgate. Il n’est donc pas toujours évident de bourgmestre, échevin ou président de CPAS , distinguer ce qui relève de l’évolution globale certaines personnes vont devoir choisir dès des « affaires » et des mentalités ou de la survenance récur- 2018 entre le Parlement wallon et une fonction du remaniement rente d’affaires et ce qui relève des récentes exécutive communale. Evidemment, au lende- ministériel wallon affaires. Si on prend le décumul des mandats main des élections du 26 mai 2019, elles pour- par exemple, c’est un ensemble de mesures qui ront faire le choix inverse : si elles sont élues sur la composition revient sur la table depuis pas mal de temps. au Parlement wallon, elles pourront décider de des listes et les Il y a principalement une mesure qui s’est ap- laisser tomber leur mandat local. Mais doré- alliances pré et post- pliquée pour la première fois en 2014 au Par- navant, il faut faire un choix. On ne peut plus lement wallon qui oblige les ¾ des membres simplement se déclarer empêché, ni donc en électorales ? Le des groupes politiques à choisir entre le Par- cas de démission du Parlement wallon, récu- regard de Jean Faniel, lement wallon et une fonction exécutive au pérer un mandat local qu’on avait mis au frigo directeur du CRISP. niveau communal (bourgmestre, échevin ou pour « se le garder au frais » comme c’était le président de CPAS). Cela, ça joue évidemment cas jusqu’ici. Attention, cela ne concerne que sur la manière dont les mandats sont attribués, le Parlement wallon, pas les autres assemblées, distribués, puisque pour certaines personnes, et 25% des membres des groupes politiques du il faut choisir. Cette mesure deviendra encore Parlement peuvent encore cumuler des fonc- plus contraignante en 2018 et 2019 puisque tions aux deux niveaux de pouvoir. 10 | Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018
INTERVIEW Par ailleurs, il y a des personnes qui ont été quences cela aura-t-il sur leur vote aux ni- écartées ou qui ont choisi de se retirer suite veaux communal et provincial ? Quel va être aux affaires qu’on a connues récemment ; An- l’impact électoral des « affaires », en positif et dré Gilles ou Stéphane Moreau par exemple, en négatif ? Quelle recomposition politique va ou d’autres comme Alain Mathot qui s’est reti- s’organiser ? Ce ne sera pas la même chose si le ré de manière « volontaire », entre guillemets, CDH finit presque par disparaître comme cer- car quand même un peu poussé dans le dos tains le pensent ou si, au contraire, il reste une par la Justice et peut-être aussi par ses core- valeur importante sur l’échiquier politique. ligionaires socialistes. On peut supposer que les pratiques comme celles qui ont été mises Personnellement, j’ai l’impression que chaque au jour et dénoncées vont davantage être parti, y compris ceux qui sont donnés ga- abandonnées par ceux qui les auraient encore gnants comme le PTB, Ecolo ou Défi, est un et qui n’auraient pas encore été découverts, en peu aux aguets. quelque sorte… Et par ailleurs, avec le fait que Personne n’est sûr de rien. Tous espèrent ne des élus contrôlent, mettent au jour et révèlent pas (trop) déchanter. Et ce qui est clair, évi- les choses, notamment par l’entremise de la demment, c’est que chaque parti envisage cette presse, on peut aussi espérer que ces épisodes campagne des communales avec la suivante et mécanismes vont inspirer les élus, notam- en tête… La campagne pour les élections ré- ment d’opposition, à rester vigilants dans leur gionales, communautaires, fédérales et euro- tâche de contrôle de l’action du pouvoir exé- péennes du 26 mai 2019 débutera dès le lende- cutif. main du scrutin local, dès la composition des nouvelles coalitions. C’est déjà dans toutes les Donc, en quelque sorte, les mesures prises an- têtes. térieurement ont permis d’anticiper les pro- Mais donc, en ne connaissant pas le résultat blèmes liés aux différents scandales ? des élections de 2018, chaque parti va rester à l’affût, attentiste, en se disant qu’il ne peut Disons que l’on a une succession d’affaires, pas mettre tous ses œufs dans le même pa- avec une dizaine d’années entre deux vagues nier. On risque donc de voir certaines grandes importantes, qui ont amené des réactions. Et manœuvres dans les coalitions, et peut-être à chaque révélation, on constate qu’il y a des bien dans des sens très différents. choses que l’on n’avait pas nécessairement prévues. Des choses qui ne sont pas toujours Se détacher de l’image "entachée" illégales, mais sont quand même très limite par les affaires au moins au point de vue éthique. Et donc on légifère. En même temps, on sent bien La tendance qui se profile pour les élections qu’à chaque fois, il y a un peu de réticences à communales est une diminution des « éti- adopter ces nouvelles législations… Les nou- quettes de parti » au profit de « listes ci- veaux scandales émeuvent, puis ils permettent toyennes » ou d’alliances. De quoi est-ce le aussi de pousser les choses un peu plus loin. signe ? Un camouflage sous un autre nom Parce que cela remet une pression supplémen- pour plaire à l’électeur ? Ou une absence de taire sur ceux qui renâclaient à légiférer davan- programme spécifique des partis sur le niveau tage. Et cela permet aussi de préciser des zones communal ? laissées un peu dans l’ombre ou qui étaient passées entre les mailles du filet. D’abord, il faudra voir si cela se confirme. La rentrée des listes est pour début septembre. Quel est le climat dans les partis politiques Il faudra voir si le nombre de listes avec l’éti- francophones à la veille des élections ? Et leur quette des partis (CDH, MR, PS, Ecolo, etc.) stratégie ? La proximité des élections fédérales est significativement plus faible que d’ha- et régionales influence-t-elle la composition bitude. Mais sinon, on constate chaque fois des listes et leur programme ? qu’Ecolo est la formation qui dépose le plus de listes sous son propre nom (157 en 2012), suivi A ce stade, il est difficile de dire s’il y a une du PS (128). Et que le MR (89) et le CDH (69) stratégie particulière au sein des partis poli- sont à moins de 100 listes déposées sous leur tiques. Incertitude et questionnements do- nom et leur numéro régional, pour 262 com- minent. Quel va être l’impact de la législature munes wallonnes… Et, en 2012, 569 listes ne en cours depuis 2014, marquée en Wallonie portaient pas de numéro régional. C’est donc par un changement de majorité en 2017 ? Que une pratique habituelle. Aucun parti n’est ca- vont en penser les électeurs et quelles consé- pable d’avoir une section locale dans chaque ► Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018 | 11
INTERVIEW ► petite commune du territoire. Il y a des stra- cas de figure, préexistaient d’ailleurs déjà tous, tégies d’alliances au niveau communal, pour mais on ne les appelait pas « listes citoyennes » toute une série de raisons. auparavant… On parlait de listes d’ouverture, de listes apolitiques, on trouvait d’autres qua- Ici, la raison qui semble donner l’impression qu’il lificatifs, ou tout simplement on n’y prêtait pas y aura encore moins de listes clairement étique- attention. Quand je dis que sur 262 communes tées, ce sont les affaires. On se dit que certains wallonnes, certains grands partis ont moins de vont vouloir se détacher de l’image entachée par 100 listes sous leur nom, cela a impliqué aussi les scandales. La crainte de conséquences néga- qu’au total il y avait plus d’un millier de listes tives pourrait accentuer la tendance à ne pas se déposées en 2012 ! Les listes au nom des par- présenter sous le nom d’un parti. tis connus ont toujours représenté la minorité des listes déposées. Il y a des tas de communes En raison de la méfiance que les citoyens dé- où il y a une, deux, trois listes avec des noms veloppent à l’égard des partis politiques ? indéchiffrables si on ne connaît pas un peu les enjeux de politique locale. Oui. Et l’un participe de l’autre. Les affaires Y a-t-il un vrai phénomène supplémentaire sont venues renforcer cette méfiance à l’égard cette fois ? C’est à voir. Et je ne sais même pas des partis politiques. Et donc effectivement, comment on pourra le mesurer. Qu’est-ce qui il peut y avoir ce réflexe ou cette tentation de va distinguer en 2018 une « liste citoyenne » changer un peu l’étiquette pour ne pas être mis d’une liste qui était simplement composite et en cause pour cette mauvaise raison-là. Mais ne se rattachait pas clairement à un parti en dans un certain nombre de cas, cela permet 2012 ? A part les termes utilisés ou les inten- simplement de jouer sur les ancrages locaux tions, ou l’opération de communication, ce autour de certaines personnes ou de faire al- sera difficile à dire… Equipes Populaires liance avec des personnes qui n’ont pas envie On constate que la commune est un niveau d’avoir une étiquette particulière. de pouvoir qui manifeste de plus en plus son désaccord avec les autres niveaux de pouvoir L’éclosion de « listes citoyennes » est-elle le signe (par exemple : communes hors TTIP, com- d’un regain d’intérêt du citoyen pour la poli- munes hospitalières, etc.), y compris lorsque tique (communale), ou est-ce davantage une les partis visés sont au gouvernement fédéral. manœuvre électorale pour séduire les électeurs ? Est-ce purement symbolique ou cela exerce- t-il réellement une pression politique ? Quel Je trouve qu’on met un peu tout et n’importe est le rôle du tissu associatif dans ces prises quoi derrière cette appellation « listes ci- de position ? toyennes ». Il y a différents cas de figure. On peut avoir des gens qui sont tout à fait novices Le monde associatif, qu’il s’agisse de grosses en politique et qui décident de se lancer. Dans organisations relativement anciennes et struc- ce cas-là, l’expression est globalement appro- turées, de petits collectifs ou d’alliances de priée. Mais on peut avoir aussi le cas de par- circonstance, est souvent à la base de ces ré- tis qui font un peu profil bas. On peut avoir solutions. Symboliquement, pour le pouvoir le cas de cartels. J’ai l’impression que tous ces politique, cela traduit une prise de conscience 12 | Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018
INTERVIEW et une prise de parole, cela permet d’entendre d’entrée pour connaître et comprendre des en- la société et de rendre le débat public sur une jeux plus globaux ? question, parfois même avec un écho impor- tant. On l’a vu par rapport aux visites domici- Il est clair que c’est le niveau où l’investisse- liaires (avec la démarche « communes hospi- ment est le plus aisé, ne fût-ce que parce que, talières ») ou par rapport au nucléaire (avec la pour déposer une liste, il faut recueillir très campagne « Stop Tihange » ou de manière plus peu de signatures de citoyens. En plus, c’est un isolée). C’est donc une manière d’entrer dans le niveau où on a fortement prise sur son envi- débat public. ronnement : on peut faire changer les choses et en voir le résultat. A fortiori sur une durée de Quand des communes s’opposent à un autre mandature qui est de 6 ans. niveau de pouvoir, cela montre aussi que le En même temps, je pense que quand on s’in- champ politique n’est pas exempt de dissen- vestit au niveau local, on s’aperçoit souvent sions, qu’il n’est pas monolithique. D’autant et assez rapidement qu’il y a des contraintes plus quand des gens d’un même parti prennent qui viennent d’autres niveaux de pouvoir, et des positions d’un certain type au niveau com- que donc on ne peut pas limiter sa réflexion munal alors qu’on attend d’eux à un autre ni- au niveau communal. Sinon, on va louper une veau où ils sont élus, une position d’un autre série de choses et on n’arrivera même pas à ses type. On a beaucoup parlé du cas de Christine objectifs strictement locaux, si on ne tient pas Defraigne au MR, tiraillée entre ce qu’elle de- compte des exigences régionales, des opportu- vrait sans doute défendre comme présidente nités, etc. du Sénat et sa position sur les visites domici- liaires au niveau du conseil communal liégeois. La question des finances communales est assez illustrative de ce point de vue. Ce n’est pas tant En même temps, on peut dire que ce rôle d’op- la 6e réforme de l’Etat qui a mis les finances position institutionnelle est encore mis plus en des communes sous pression. C’est d’abord et avant aujourd’hui par deux éléments. D’une avant tout le fait qu’on se situe, même au ni- part, l’idée que les citoyens doivent davantage veau communal, dans un cadre de politique pouvoir exprimer leur voix, notamment à tra- d’austérité. Un cadre largement décidé au ni- vers l’interpellation des institutions, et d’autre veau européen. Cela passe notamment par le part, la situation atypique de la coalition fé- TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et dérale, en raison de sa composition et du fait la gouvernance au sein de l’Union économique qu’elle différait nettement, jusqu’en 2017, de et monétaire, ou Pacte budgétaire européen), celle du gouvernement wallon. Cette asymé- contre lequel la société civile s’était mobilisée. trie a d’ailleurs donné lieu à une opposition Et les normes comptables balisent très forte- entre le gouvernement wallon et le gouverne- ment les investissements qu’on peut faire (une ment fédéral sur plusieurs points (budget ou ville comme Liège en a fait l’expérience avec le CETA, par exemple) en début de législature. projet de tram !). Donc cette politique décidée Avec le changement de gouvernement wallon sur le plan européen, menée au niveau fédéral survenu voici un an, on se retrouve dans une et au niveau régional, a des répercussions au situation où les francophones qui veulent s’op- niveau communal. poser à la politique fédérale ne peuvent guère plus le faire qu’en actionnant des motions de Cela veut dire que le niveau européen peut conflit d’intérêt au niveau de la Commission casser des projets communaux de trop grande communautaire française (COCOF). envergure ? Le niveau communal constitue l’autre caisse de C’est-à-dire que même des projets commu- résonnance possible… Avec la différence qu’au naux doivent respecter certaines normes. Et niveau communal, c’est purement symbolique. donc le pouvoir communal a moins de lati- Une commune est moins en mesure de s’oppo- tude qu’auparavant. Ce qui nécessite de trou- ser vraiment à un processus décisionnel éma- ver d’autres manières de faire. La Commission nant d’un autre niveau de pouvoir. européenne ou Eurostat n’interviennent pas pour interdire un projet, mais bien pour inter- En guise de conclusion, l’enquête Noir jaune dire des façons de le faire… ce qui pèse sur les Blues a révélé un fossé de plus en plus profond projets eux-mêmes. entre le monde politique et les citoyens. Le ni- Interview réalisée par Jean-Michel Charlier veau communal n’est-il pas la principale voie et Monique van Dieren de la réconciliation ? Est-ce une bonne porte Contrastes | Noir Jaune Blues | Juillet-Août 2018 | 13
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