La fabrication d'une cérémonie funèbre La mort d'un président de la République en France (1877-1996)
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Document généré le 11 fév. 2023 13:53 Frontières La fabrication d’une cérémonie funèbre La mort d’un président de la République en France (1877-1996) Pierre-Yves Baudot Volume 19, numéro 1, automne 2006 Résumé de l'article Le pouvoir de l’État sur l’organisation du mourir des individus ne peut se Enjeux politiques et mort comprendre que par les relations unissant les espaces sociaux et les institutions chargées de définir et d’organiser la mort. Les funérailles des URI : https://id.erudit.org/iderudit/016635ar présidents français entre 1877 et 1996 illustrent le propos. Bien que non DOI : https://doi.org/10.7202/016635ar représentatifs pour le chercheur, ces événements sont présentés comme tels par un certain nombre d’interprètes : journalistes, officiants religieux et étatiques, héritiers, mais aussi sociologues, anthropologues et politistes. Le but Aller au sommaire du numéro de cet article est éminemment politique ; il vise à démonter la mécanique qui assure aux cérémonies funèbres présidentielles leur représentativité. L’époque, la position politique, la biographie du défunt, les qualités sociales et Éditeur(s) politiques de ses héritiers expliquent en partie la forme prise par l’événement. Dans les faits, ces éléments sont l’objet de négociation et de coproduction entre Université du Québec à Montréal les institutions concernées. Loin de représenter fidèlement les volontés du défunt, la forme des cérémonies est marquée par les enjeux internes et les ISSN relations de pouvoir qu’entretiennent les institutions entre elles. 1180-3479 (imprimé) 1916-0976 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Baudot, P.-Y. (2006). La fabrication d’une cérémonie funèbre : la mort d’un président de la République en France (1877-1996). Frontières, 19(1), 43–48. https://doi.org/10.7202/016635ar Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, 2007 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/
R E C H E R C H E Résumé Le pouvoir de l’État sur l’organisation du mourir des individus ne peut se com- prendre que par les relations unissant les espaces sociaux et les institutions char- LA FABRICATION D’UNE CÉRÉMONIE gées de définir et d’organiser la mort. Les funérailles des présidents français entre 1877 et 1996 illustrent le propos. Bien que non représentatifs pour le chercheur, FUNÈBRE ces événements sont présentés comme tels par un certain nombre d’interprètes : journalistes, officiants religieux et étati- ques, héritiers, mais aussi sociologues, anthropologues et politistes. Le but de cet article est éminemment politique ; il vise à démonter la mécanique qui assure aux cérémonies funèbres présidentielles La mort d’un président de leur représentativité. L’époque, la posi- tion politique, la biographie du défunt, les qualités sociales et politiques de ses la République en France héritiers expliquent en partie la forme prise par l’événement. Dans les faits, ces éléments sont l’objet de négociation et (1877-1996) de coproduction entre les institutions concernées. Loin de représenter fidèle- ment les volontés du défunt, la forme des cérémonies est marquée par les enjeux internes et les relations de pouvoir qu’entretiennent les institutions entre elles. du premier président de la République, Mots clés : Cérémonies funèbres – Pierre-Yves Baudot, Adolphe Thiers) et 1996 (année de la mort présidents français – enjeux politiques postdoctorant, Université Lumière Lyon. du dernier président de la République et institutionnels. L’idée d’un pouvoir souverain de l’État décédé, François Mitterrand). Nous ne nous sur l’organisation du « mourir » des individus arrêtons pas sur cet objet parce qu’il consti- Abstract The State’s power to organize the death (Castra, 2003) évoque la figure effrayante tuerait l’un de ces promontoires idéaux of individuals can only be comprehended d’un contrôle social omniprésent, d’une d’où il serait possible d’apercevoir avec un in light of the relationships that unite domination s’exerçant par la contrainte. recul suffisant des phénomènes sociaux se different social spaces with the institu- Plus lointaine semble la figure d’un pou- déroulant en profondeur2. Au contraire. S’il tions designated to define and organize voir d’autant plus difficile à délimiter et à s’agissait de cela, notre exemple serait parti- death. The funerals of French Presidents décrire qu’il n’en a pas l’aspect, puisqu’il culièrement mal choisi. Un tel corpus laisse between 1877 and 1996 illustrate this s’appuie sur notre propre consentement – en effet subsister d’importantes béances : point. Although not representative by « Si le pouvoir est fort, c’est qu’il produit aucun enterrement présidentiel en France research standards, these events are pre- entre 1907 et 1922 et entre 1974 et 1996. des effets positifs au niveau du désir » sented as such by a number of observers : (Foucault, 1994b, p. 757) – et sur l’institu- De plus, notre échantillon ne considère que journalists, state and religious leaders, and descendants ; in some cases, this is tion d’un ensemble de rôles sociaux qui le des individus originaires de (ou parvenus equally true with certain sociologists, font exister et qui le stabilisent. Partant, ce à) une position sociale bien spécifique. De anthropologists and political scientists. « thanatopouvoir1 » – l’exercice du pouvoir ce fait, prétendre analyser des phénomènes The aim of this paper is essentially politi- souverain de l’État de donner la mort, sur la sociaux à l’aide de ces événements funèbres cal ; it exposes the different mechanisms mortalité et la mort et la gestion de la mort présidentiels, c’est taire un biais important. employed to ensure presidential funeral survenue – ne peut se percevoir hors des Ce que nous ferions alors, c’est analyser ceremonies are perceived as the norm. relations qui unissent entre eux différents des représentations socialement situées, des These mechanisms are in fact the object espaces sociaux et différentes institutions funérailles bourgeoises ou aristocratiques3, of negotiations ; they are co-produced investies dans la définition et l’organisation en supposant la possible généralisation du by the institutions concerned. Far from des façons de mourir. C’est par l’étude de modèle, son éventuelle édification comme faithfully representing the desires of the deceased, the form of these ceremonies ces relations que l’on peut entreprendre de norme de comportement, sans jamais nous expresses internal concerns of different décrire et de qualifier le type de pouvoir interroger sur la construction politique dont institutions and manifests the issues exercé par l’État en ce domaine. relève la prétention à en faire des événe- affecting their relationships. Pour mettre en évidence ce « gouver- ments ayant valeur d’exemple ou d’illus- nement des conduites » (Foucault, 1994a), tration. Changement radical de perspective Keywords : Funeral ceremonies – French considérons un objet particulier : les funé- en matière d’étude des rituels : alors que Presidents – political and institutional issues. railles des présidents de la République ces derniers sont généralement considé- en France, entre 1877 (date de la mort rés comme des prétextes (notamment par 43 FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2006
Clifford Geertz [Geertz, 1977, 1983], au ciations. Nous allons les décrire successi- et contrairement aux règlements en usage, sens propre : un « pré-texte » à celui que le vement dans ce texte. Le premier réunit la jusqu’aux portes du cimetière (Baudot, chercheur doit reconstituer pour lire en lui famille aux héritiers politiques du défunt 2005b, p. 686). Les cas des trois présidents les fondements culturels des sociétés), il (ceux qui sont intéressés à la construction de la Ve République décédés nous éclairent s’agit là d’analyser les cérémonies politiques de la grandeur du président décédé) et également sur l’importance de cette négo- en elles-mêmes, de montrer les conditions porte sur la légitimité des organisateurs à ciation entre les organisateurs politiques et auxquelles elles peuvent être performées et ordonnancer la cérémonie. Le deuxième, à la famille du défunt. Ayant refusé par testa- de rendre compte de leurs formes et de leur l’intérieur même de ces entrepreneurs de ment les « funérailles nationales », le général pérennité (Bell, 1999 ; Mariot, 1999, 2006). cérémonie, se définit entre enjeux politiques de Gaulle limitait – sans les interdire plei- Si les funérailles présidentielles ne sont pas du moment et traditions protocolaires et nement toutefois – les possibilités d’associer un promontoire permettant d’apercevoir des porte sur la forme de la cérémonie. Enfin, la majesté de l’État au déroulement de ses phénomènes invisibles ou plus difficilement troisième lieu de négociations, celui qui funérailles. Une négociation était possible. perceptibles d’une autre façon (Hobsbawm, oppose, autour du questionnement sur la La rivalité politique entre les différents héri- 1995, p. 186), à quoi peut donc nous être foi réelle du défunt, État et Église sur le tiers du défunt, entre « gaullistes histori- utile l’étude de ces cérémonies funèbres contenu de la cérémonie et sur la grandeur ques » et « gaullistes politiques » (Collovald, présidentielles ? à lui conférer. C’est à l’intérieur de ces espa- 1999, p. 123) l’a rendue impossible. La Ces événements ne sont donc pas repré- ces, dans les relations qui se nouent entre volonté du président Pompidou d’apparaître sentatifs pour le chercheur. Ce dernier ne ces différentes institutions (Église, famille, comme le successeur du Général l’a conduit peut monter en généralité à partir de ces État), que se situe le pouvoir de gouverner à passer outre l’accord de la famille, sans cas (19 présidents inhumés en France, dont les individus jusque dans leur mort. pouvoir pour autant faire abstraction des l’un, Alexandre Millerand, décédé en 1943, dispositions édictées par le défunt : le corps est pour le moins passé sous silence, par LE RÔLE DES PROCHES du général de Gaulle n’était pas présent lors absence de sources) sans méconnaître dans L’organisation des funérailles d’un pré- de la cérémonie célébrée à Notre-Dame le même mouvement les enjeux politiques sident de la République fait l’objet d’une de Paris, et le terme utilisé pour nommer dont ces funérailles sont investies. Car force intense négociation entre la « famille », les cette journée d’hommage ne fut pas celui, est de constater que ces événements sont « commanditaires » (les héritiers politiques traditionnellement utilisé, de « funérailles en revanche présentés comme représen- du défunt et le gouvernement qui a décidé nationales », mais celui de « deuil national », tatifs par un certain nombre d’interprètes par décret, ou par la voie législative de formule qui sera ensuite réutilisée à l’occa- autorisés : journalistes, bien sûr, officiants, décerner des honneurs funèbres nationaux sion des décès de Georges Pompidou et de religieux ou étatiques, héritiers revendiqués, au défunt) et les « officiants » (les organisa- François Mitterrand (Baudot, 2006). et encore sociologues, anthropologues et teurs chargés de la réalisation matérielle de Les négociations engagées avec la famille politistes. Ce qui nous intéresse ici est de la cérémonie et les « célébrants », qui inter- permettent aux organisateurs d’afficher la démonter la mécanique qui assure à ces viendront physiquement dans son dérou- conformité de leur entreprise aux volon- cérémonies funèbres présidentielles cette lement : orateurs et ministres du culte). Il tés du défunt. Des individus chargés de prétendue représentativité. Là est l’enjeu faut voir dans l’autorité acquise par ces la représenter sont intégrés aux instances politique. C’est donc ici que se situe l’objet héritiers d’ordre privé la conséquence de décisionnelles, et cela n’est en rien propre sur lequel nous devons faire enquête si nous la législation funéraire française qui, depuis aux funérailles présidentielles – et donc à voulons mettre au jour ce qui « se passe » la loi dite de « liberté des funérailles » du la définition de la fonction présidentielle. dans cet événement. 15 novembre 1887, venue « combler un Lors des funérailles de Victor Hugo et de La représentativité de ces événements vide juridique pour tout ce qui avait trait à Sadi Carnot, des personnages « multiposi- repose sur l’accord qui parvient à s’établir la propriété du cadavre » (Lalouette, 1997, tionnés » (Boltanski, 1973), à la fois proches entre les différentes institutions investies p. 340), reconnaît au mourant – et à ses du défunt, de sa famille et de l’espace poli- dans la construction et la célébration de héritiers d’ordre privé – le droit de décider tique sont chargés de protéger les intérêts l’événement. Cet accord vise à affirmer de l’ordonnancement de ses funérailles. de la famille dans la mise en place de la l’évidence de son déroulement, en évitant La négociation portant sur le respect des cérémonie, mais aussi d’affirmer que les le surgissement de la contestation, la rup- volontés testamentaires du défunt porte sur décisions prises l’ont été en conformité avec ture du consensus. Cette dépolitisation de plusieurs points. La famille doit d’abord ses désirs. Le colonel Chamoin, représen- l’événement entend faciliter la transmission accepter les honneurs funèbres nationaux tant la famille du président Carnot (assas- de l’héritage légué par le défunt et préser- proposés par le gouvernement. La famille siné en 1894), était spécifiquement chargé ver l’ordre politique. Si elle peut apparaî- de Casimir-Perier (décédé en 1907), comme de l’organisation des voyages présidentiels tre comme un mode classique d’imposition celle de Paul Deschanel (décédé en 1922) et, à ce titre, disposait d’une prééminence d’une certaine définition de la situation et d’Emile Loubet (décédé en 1929), mais protocolaire sur les autres corps politiques (Boltanski et Bourdieu, 1976), cette exi- aussi, par testament, les trois derniers pré- suivant le président en déplacement (Vellay gence de dépolitisation, cette neutralisation sidents de la Ve République (Charles de et Paul, 1982, p. 124 ; Harismendy, 1995, d’un tel « lieu commun » (Rancière, 1995), Gaulle en 1970, Georges Pompidou en 1974 p. 322). De même, Auguste Vacquerie était est renforcée en des circonstances où seul et François Mitterrand en 1996) ont refusé à la fois un parent par alliance de Victor le respect du défunt est dit commander les les « funérailles nationales » que souhaitait Hugo (son frère était marié à Léopoldine, conduites des uns et des autres, alors que leur accorder le gouvernement. Ces refus fille du poète) et un de ses proches colla- le politique est censé marquer une trêve4. n’ont toutefois pas interdit la mise en place borateurs en politique. Ils avaient fondé Pour comprendre comment l’évidence et de cérémonies qui dépassent largement la ensemble Le Rappel en 1848. Auguste la représentativité peuvent être ainsi pré- sphère des relations privées du défunt. Des Vacquerie plaide pour la suppression d’une servées, il convient de s’intéresser aux représentants du gouvernement assistent halte du cortège funèbre devant l’Opéra. Il relations nouées dans l’événement entre aux funérailles des trois premiers cités, intime également à la commission de s’en les institutions en présence. Trois espaces le corps de Paul Deschanel étant même tenir aux dispositions testamentaires en émergent, définissant trois types de négo- escorté par la troupe, dans les rues de Paris, ce qui concerne le choix du corbillard des FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2006 44
M. Lepeer, Les amins (2003), plume et encre, 30 X 24 cm. pauvres. Des volontés respectées, certes, nement libre de prendre les mesures étrangères Louis Barthou, assassiné aux mais surtout interprétées dans un sens favo- d’organisation qu’il juge convenables et côtés du roi Alexandre Ier de Yougoslavie, rable aux intentions de la commission : qu’elle s’est montrée disposée à ratifier à Marseille en octobre 1934. En l’absence M. Vacquerie fait remarquer qu’en ce toutes les dispositions à ce sujet6. de famille proche (sa femme est décédée qui concerne le char mortuaire, le tes- L’opposition de la famille est indépas- le 18 janvier 1930, son fils unique est mort tament de Victor Hugo donne des indi- sable. Malgré les supplications des républi- pendant la Première Guerre mondiale), rien cations dont on ne peut s’écarter. Victor cains, l’envoi d’une délégation à Nice, et n’interdit à l’État de s’approprier l’organisa- Hugo désire être porté au cimetière sur les courriers de Victor Hugo (Hugo, 1952, tion de la cérémonie. Le communiqué offi- le corbillard des pauvres. M. Guillaume p. 82), le père de Léon Gambetta refusera ciel du gouvernement, publié par Le Temps dit que dans ces conditions, le cor- l’inhumation définitive de son fils à Paris. peut annoncer, sans crainte, que les volontés billard des pauvres doit être adopté Inhumé provisoirement au Père-Lachaise, testamentaires de Louis Barthou ne seront dans sa plus grande simplicité. Mais au terme d’un cortège parti de la Chambre pas respectées : après lui suivraient les chars splendide- des députés, le corps de Léon Gambetta fut Les obsèques de M. Barthou ont été ment décorés et cet admirable contraste ensuite transporté en train à Nice, où il fut à fixées à samedi matin. Dans son testa- produirait la plus belle des apothéoses. nouveau enterré, en présence des plus hautes ment, le défunt avait demandé que des M. Turquet approuve cette idée5. autorités de la ville (Ben Amos, 2000, p. 188- obsèques très simples lui soient faites. Les représentants de la famille sont alors 196). De même, le refus de la famille de Mais en raison des circonstances chargés d’attester de la légitimité de la com- Hoche de laisser transférer au Panthéon les tragiques dans lesquelles le ministre mission à prendre des décisions. C’est ce cendres de leur aïeul aux côtés de celles de des affaires étrangères a trouvé la mort, que fait le colonel Chamoin en 1894, au Lazare Carnot, Marceau, La Tour d’Auver- le conseil a unanimement décidé qu’il sein de la commission chargée des obsèques gne et de Baudin conduit le gouvernement à convenait que ces obsèques fussent de Sadi Carnot : retirer ce nom de la liste7. Une autre preuve nationales8. de l’importance du rôle de l’accord de la Les relations entretenues entre les com- M. le colonel Chamoin fait savoir que famille dans la mise en place de la cérémonie manditaires et les membres de la famille Mme Carnot entend laisser le gouver- des obsèques, le cas du ministre des Affaires 45 FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2006
définissent ainsi une configuration dont la À l’époque, un nombre considérable de aussi et surtout sur la maîtrise d’un sens forme de la cérémonie célébrée dépend en délégations avaient été invitées à composer pratique, acquis par une longue familiarité grande partie. Cette configuration inclut le cortège funèbre, comme cela est alors avec l’activité (Baudot, 2005a). également d’autres institutions. Les héritiers usuel (Ben Amos, 1984). Mais, à la diffé- et la famille doivent en effet tenir compte du rence de ce qui s’était passé en 1894, où LES EMPRUNTS AU RÉPERTOIRE répertoire d’éléments matériels disponible, plusieurs centaines de délégations s’étaient CÉRÉMONIEL CATHOLIQUE à l’intérieur duquel les organisateurs effec- inscrites, peu nombreux sont les participants La mise au point du répertoire d’élé- tifs de la cérémonie (agents du bureau du à rejoindre le cortège des funérailles du pré- ments cérémoniels avec lequel fonction- Protocole du Quai d’Orsay, services de la sident Doumer. Des explications politiques nent les agents du protocole doit, malgré préfecture de Police de Paris ou personnel peuvent rendre compte de cette désaffection. les tendances à l’autonomisation de cette préfectoral lorsque l’inhumation a lieu en Cet événement est essentiellement approprié sphère de production de l’événement funè- province, administration des Beaux-Arts) par la droite, alors que les partis de gauche bre, s’entendre comme une coproduction. peuvent effectivement composer une céré- (SFIO et PCF) réactivent leur propre réper- La principale critique des républicains laïcs monie présentée comme unique, dédiée à toire d’actions cérémonielles (Tartakowsky, sur les cérémonies funèbres républicaines la grandeur d’un individu singulier. 1999 ; Bernard, 1986 ; Rébérioux, 1984). porte justement sur ce point : l’absence d’un Seules des associations affiliées à la droite cérémonial funèbre qui appartienne en UNE TRADITION enjoignent à leurs militants de défiler dans le propre à la République. Les organisateurs QUI NE DIT PAS SON NOM cortège : « Scouts de France », « Auvergnats dépendent ainsi des formes de grandeurs L’espace des possibles est limitée par la de Paris », « Croix de Feu et Briscards ». funèbres instituées par l’Église catholique. tradition des funérailles présidentielles, une Même si cet échec peut permettre de don- Avancer cela, comme cela fut le cas derniè- tradition certes non écrite et ne se présen- ner à voir le type de soutien dont bénéficie rement au sujet des funérailles de François tant jamais comme telle9, mais qui, déposée la République au début des années 1930, ce Mitterrand12, c’est oublier que la préser- dans les archives de ces services chargés de n’est pas cette explication que retiennent les vation de la position de l’Église au sein l’organisation, est activée, dans l’urgence, organisateurs. Pour conjurer le risque d’un des cérémonies républicaines a eu un coût une fois connue la mort d’un président de échec, ceux-ci décident de supprimer cette important pour l’institution. Deux éléments la République. Cet espace – à défaut d’être invitation faite à des délégations, élément de en témoignent principalement. C’est tout totalement autonome, nous y revenons plus la cérémonie sur lequel ils ne possèdent que d’abord la disparition, au sein même de la loin – présente certaines tendances ou, plu- peu de moyens de contrôle. Ils remplacent liturgie funèbre catholique, du discours de tôt, certaines revendications à l’autonomi- cette partie du cortège par une invitation l’Église sur le politique. Disparition qui s’en- sation. Il tend à fonctionner à partir de ses adressée à une liste précise d’individus à tend bien comme une « censure » (Bourdieu, propres critères pour décider de l’échec ou venir assister à la cérémonie, assis dans des 1984). En 1894, la question est déjà posée. de la réussite de la cérémonie. Dans ces tribunes. Menacée par la polémique provoquée en circonstances, des innovations proposées C’est l’économie globale de ce type de 1897 par le contenu de l’homélie prononcée ou imposées par d’autres acteurs ou insti- mises en scène politiques qui s’en retrouve à Notre-Dame devant le président de la tutions investies dans l’organisation de la modifiée. Les républicains du début de la République par le père Ollivier à l’occasion cérémonie, au nom de la grandeur politique IIIe République concevaient ces cérémonies de la cérémonie funèbre en l’honneur des spécifique du défunt, se heurtent à la force funèbres comme un moyen d’associer, dans victimes du Bazar de la Charité (qui avait du précédent qui a pour lui de garantir à la rue, deux principes pensés comme anti- présenté le drame comme une expiation des tous le bon déroulement de la cérémonie et thétiques, l’ordre et le nombre. Au contraire, fautes de la France, selon un registre typi- son succès. Car ce qui définit, pour les servi- les metteurs en scène des années 1930 trans- quement clérical d’association du religieux ces du protocole le succès d’une cérémonie, forment ces cérémonies en événements qui et du politique ; Déloye, 1994), l’Église, ce n’est ni l’adhésion qu’elle a provoquée, exigent des participants un capital social par la voix de Mgr Richard, cardinal-arche- ni le renforcement des liens sociaux qu’elle important. Les lettres de recommanda- vêque de Paris, préfère ne pas prononcer a réellement suscité. En effet, les organisa- tion et les titres revendiqués par ceux qui d’homélie lors des funérailles de Félix Faure teurs – pas plus que les sociologues10 – ne demandent des cartons d’invitation auprès (1899). Il la remplace par une lettre diffusée disposent d’outils pour mesurer de tels de la direction des Beaux-Arts du ministère dans la presse et lue en chaire dans toutes phénomènes. Leur pratique repose de ce de l’Éducation nationale en témoignent. les églises de Paris le dimanche suivant. Une fait sur des critères redevables d’une auto- D’importantes catégories de participants, attitude qui surprend Le Figaro de l’époque, évaluation, si ce n’est même seulement sur jusqu’alors intégrées à la cérémonie et donc qui juge le texte pourtant tout en « sim- la croyance en l’efficacité – jamais démon- intéressées à son bon déroulement, sont plicité voulue »13. Car l’Église ne fait pas trée – des cérémonies qu’ils organisent. repoussées aux marges du spectacle – qui se seulement silence, elle modifie son discours Parmi ces critères, la conformation clôt sur lui-même (Apostolides, 1981) – et jusqu’à éliminer toute référence au politique aux attentes. En 1932, lors des funérailles deviennent de simples spectateurs (Baudot, dans ses homélies. À partir des funérailles de Paul Doumer, assassiné par le russe 2005b, p. 750-764). du général de Gaulle (1970), c’est l’homme Gorguloff (Coeuré et Monier, 2000), les L’autonomie acquise par la sphère de qu’elle enterre, et non le politique : organisateurs se plongent dans leurs archi- production des cérémonies est donc en Et c’est pourquoi nous saluerons en lui ves et reproduisent le déroulement des partie attestée par la formation de critères plus que le président, plus que le chef obsèques du précédent président assassiné spécifiques d’évaluation du succès et de de l’État, nous saluerons notre frère, en France, soit Sadi Carnot en 1894. Un l’échec de ces cérémonies. Cette autono- Georges Pompidou, et le mêlant affec- certain nombre d’éléments attestent cette mie est également établie par la carrière tueusement aux morts de nos familles, référence au précédent : de certains personnels administratifs spé- nous prierons pour lui, dans l’espé- cialement recrutés et formés à la gestion rance de la résurrection pascale14. Délégations : aux Champs-Élysées – par des questions protocolaires au sein même La préservation de sa position, notam- groupement – comme pour Carnot11. de l’État. C’est sur un corpus de savoirs ment de son invitation à célébrer des céré- plus ou moins définis qu’ils s’appuient, mais monies publiques, dépend de sa capacité à FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2006 46
anticiper les critiques dont elle peut faire graphiques du défunt, les qualités sociales siècle. Revue d’histoire, (9), janvier-mars, l’objet, à ne pas donner d’arguments aux et politiques de ses héritiers putatifs sont p. 37-52. anticléricaux (Gadille, 1967). C’est sous la autant d’éléments qui peuvent expliquer BLUMER, J. G., J. R. BROWN, A. J. EWBANK pression anticléricale que l’Église est donc la forme prise par l’événement. Mais ils et T. J. NOSSITER (1971). « Attitudes to the amenée à modifier considérablement le con- n’influent pas de manière mécanique. Ils Monarchy : Their Structure and Development tenu même de son discours sur le politique. doivent nécessairement être retraduits par during a Ceremonial Occasion », Political Studies, (19), p. 149-171. C’est sous cette même contrainte qu’elle est chacune des institutions en présence, en amenée à modifier les principes réglant la fonction des enjeux internes qui les struc- BOLTANSKI, L. (1973). « L’espace position- nel. Multiplicité des positions institutionnelles majesté funèbre. Il y a par ailleurs des luttes turent à ce moment, en fonction également et habitus de classe », Revue française de internes à l’institution sur la question des des relations qu’elles entretiennent. Cela sociologie, vol. 14, p. 3-26 modalités de la participation de l’Église aux explique le type d’investissement qu’elles BOLTANSKI, L. et P. Bourdieu (1976). cérémonies publiques. Il est en effet peu sont prêtes à effectuer, dans l’événement, « Lieux neutres et lieux communs », Actes de points de comparaison – en termes de chacune en ce qui la concerne. Ces rela- de la recherche en sciences sociales, (2/3), décorum, de grandeur matérielle – entre tions entre institutions représentent à la juin, p. 58-65 les funérailles de la fin du XIXe siècle et fois une contrainte, en limitant la marge de BOURDIEU, P. (1984). « La censure », in celles de la fin du XXe siècle. Aux tentures manœuvre dont chacune d’entre elles dis- P. Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, funèbres déployées sur Notre-Dame, sur le pose. Mais surtout : ces relations les habili- Minuit, p. 138-14. Panthéon ou encore à l’Arc de triomphe, tent. À l’intérieur de cet espace, l’accord qui CASTRA, M. (2003). Bien mourir. Sociologie à l’Élysée et au Palais-Bourbon, a succédé s’établit entre elles les autorise à intervenir des soins palliatifs, Paris, PUF. la modestie des appareils funèbres, le plus en un domaine où, pourtant, l’individu est COEURÉ, S. et F. MONIER (2000). « Paul souvent un simple drapeau tricolore posé dit « maître de ses dernières volontés ». Ce Gorgulov, assassin de Paul Doumer (1932) », sur le cercueil, que le vent peut faire s’envo- sont d’ailleurs ces mêmes institutions qui le Vingtième siècle. Revue d’histoire, (65), p. 35- ler15, sans autre forme de protocole. L’Église proclament haut et fort. 46. est donc passée d’un type de grandeur à DÉLOYE, Y. (1994). École et citoyenneté. l’autre. Une cérémonie réussie n’est plus L’individualisme républicain de Jules Ferry celle où une majesté maximale est déployée, Bibliographie à Vichy : controverses, Paris, PFNSP. mais celle qui est édifiée à la mesure du APOSTOLIDES, J.-M. (1981). Le roi- DUBOIS, V. (1999). La politique cultu- défunt. Cette évolution n’est pas sans susci- machine. Spectacle et politique au temps de relle. Genèse d’une catégorie d’intervention ter des interrogations lorsqu’elle est utilisée Louis XIV, Paris, Minuit. publique, Paris, Belin. pour la première fois par l’Église catholique, BAUDOT, P.-Y. (2004). « “In Manus Tuas…” COLLOVALD, A. (1999). Jacques Chirac. Bio- à l’occasion des funérailles du général de Les funérailles religieuses des présidents de graphie d’un héritier à histoire, Paris, Belin. Gaulle (Baudot, 2005b, p. 868-879). Il serait la République en France (1877-1996) », in FOUCAULT, M. (1994a). « Le sujet et le toutefois erroné d’imaginer que la mise en E. Dianteill, D. Hervieu-Léger et I. de Saint- pouvoir » [1982], dans Dits et écrits, vol. IV, Martin (dir.), La modernité rituelle. Rites place de cette cérémonie dépend des volon- Paris, Gallimard, p. 222-242, [« The Subject politiques et religieux des sociétés modernes, tés testamentaires du défunt. Celles-ci sont and Power », dans Hubert L. Dreyfus et Paul Paris, L’Harmattan, p. 55-72 effectivement prises en compte, mais elles Rabinow, Michel Foucault. Beyond Struc- BAUDOT, P.-Y. (2005a). « Creating Republi- turalism and Hermeneutics, Chicago, The sont réinterprétées à l’aide des nouvelles can Ceremony : French presidential Funerals University of Chicago Press, p. 208-226.] catégories de définition de la grandeur 1880-1940 », dans I. Honohan et J. Jennings funèbre mises en place par l’Église catho- FOUCAULT, M. (1994b). « Pouvoir et corps » (dir.), Republicanism in Theory and Practice, [1975] dans Dits et écrits, vol. II, Paris, lique à l’issue du concile Vatican II, par la London, Routledge. Gallimard, p. [dans Quel Corps ?, (2), p. 2- rédaction d’un nouveau rituel des mou- BAUDOT, P.-Y. (2005b). Événement et ins- 5], p. 754-758 rants, le premier depuis 1610 (Gy, 1970). La titution. Les funérailles des présidents de la FUREIX, E. (2003). Mort et politique sous grandeur cérémonielle des funérailles pré- République en France (1877-1996), Thèse pour les monarchies censitaires : mises en scènes, sidentielles dépend en cela des définitions le doctorat en Science politique, Université cultes, affrontements. 1814-1835, Thèse pour institutionnellement reconnues, c’est-à-dire Paris-I. le doctorat d’Histoire, Université Paris-I. des luttes de pouvoir internes aux institu- BAUDOT, P.-Y. (2005c). « L’histoire des GADILLE, J. (1967). La pensée et l’action tions (ici, la victoire du courant de pastorale représentations comme soutien normatif politiques des évêques français au début de d’une politique publique : le cas des attitudes liturgique porté par l’Institut catholique de la IIIe République, 1870-1883, 2 vol., Paris, collectives face à la mort », Droit et Société, Paris) plus que des volontés personnelles Hachette. (60), p. 429-448. du défunt. Interpréter le déroulement de GEERTZ, C. (1977). « Centres, rois et cha- BAUDOT, P.-Y. (2006). « Funérailles », dans la cérémonie des funérailles du général de rismes. Réflexions sur les symboliques du C. Andrieux, Ph. Braud et T. Piketty (dir.), Gaulle ou de François Mitterrand comme pouvoir » [1977], in C. Geertz, Savoir local, Dictionnaire Charles de Gaulle, Paris, Robert le seul reflet de la biographie de l’individu, savoir global. Les lieux du savoir, Paris, PUF, Laffont. 1986, p. 153-182, p. 182. [Traduction de Local c’est donc faire l’impasse sur la médiation BELL, C. (1992). Ritual Theory, Ritual Prac- Knowledge, Further Essays in Interpretive qu’organisent les institutions qui prennent tice, New York, Oxford University Press. Anthropology, 1983, publié pour la première en charge l’organisation de la cérémonie. fois in « Center, Kings and Charisma : Reflec- BEN AMOS, A. (1984). « Les funérailles L’espace des possibles cérémoniels en de Victor Hugo. Apothéose de l’événement tions on the Symbolics of Power », in J. Ben matière funéraire est une négociation : avec spectacle », dans P. Nora (dir.), Les lieux David et T.N. Clark (dir.), Culture and its Crea- l’ordre de la tradition et avec les institutions de mémoire, t. 1 : La République, Paris, tors, Chicago, Chicago University Press, 1977. représentant les appartenances plurielles de Gallimard, p. 473-522. GEERTZ, C. (1983). « Jeu d’enfer. Notes sur l’individu (Église, famille). Négociation, et BEN AMOS, A. (2000). Funerals, Politics le combat de coq balinais », in C. Geertz, Bali. donc coproduction. L’événement funèbre and Memory in Modern France 1789-1996, Interprétation d’une culture, Paris, Gallimard. Oxford, Oxford University Press. [Traduction par Louis Evrard de « Deep Play. est fabriqué par les relations qui s’établissent Notes on the Balinese Cockfight », publié dans entre ces institutions. L’époque, la position BERNARD, J.-P. (1986). « La liturgie funèbre Dædalus, (101), 1972, et republié dans The politique considérée, les propriétés bio- des communistes (1924-1983) », Vingtième 47 FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2006
Interpretation of Culture, New York, Basic Notes 9. On comparera avec profit le degré de formali- Books, 1973.] sation d’une cérémonie funèbre présidentielle 1. Sur cette notion, voir le numéro de Quaderni avec les voyages officiels, tels que le font les GY, P.-M. (1970). « Le nouveau rituel romain qui est y consacré, à paraître en 2007. analystes notamment Nicolas Mariot (Mariot, des funérailles », in La Maison-Dieu, (101), 2. Jacques Revel montre ce que le retour de 1999, p. 85-90). Il n’existe pas de textes 1970, p. 15-32. l’événement doit à la redécouverte des struc- officiels réglementant le déroulement des HARISMENDY, P. (1995). Sadi Carnot, L’in- tures dans lesquelles il est enchâssé, et qu’il cérémonies funèbres en fonction de leurs dif- génieur de la République, Paris, Perrin. permettrait ainsi d’analyser. Cf. Revel, 2001. férentes appellations (« obsèques officielles », HERVIEU-LÉGER, D. (1999). « Les dou- 3. Emmanuel Fureix remarque en ce sens, pour « obsèques aux frais de l’État », « obsèques bles funérailles du Président », dans J. Julliard le XIXe siècle, que « les funérailles politiques nationales »). (Baudot, 2005, p. 582-640.) (dir.), La mort du Roi. Essai d’ethnogra- se sont pleinement conformées aux canons 10. Sur une tentative d’évaluation par sondage phie politique comparée, Paris, Gallimard, de la mort des élites. Prétendant à la sobriété, des propositions formulées par Edward Shils p. 88-109. voire à l’indigence du décor, les funérailles et Michael Young dans leur célèbre article sur HOBSBAWM, E. J. (1995). « Inventing Tradi- libérales et républicaines n’ont en fait bien le sens d’un couronnement (Shils et Young, tions», Enquête, (2), p. 171-179. [Traduction de souvent que reproduit les funérailles les plus 1953), voir la tentative d’une équipe réunie l’introduction de E. J. Hobsbawm et T. Ranger somptueuses de la haute bourgeoisie et ou autour de J. Blumer (Blumer et al., 1971). (dir.), The Invention of Tradition, Cambridge, de l’aristocratie parisienne » (Fureix, 2003, Au sujet de cet article, N. Mariot indique Cambridge University Press, 1983.] p. 91). que cette méthode recueille finalement « une 4. Ces « figures imposées » du « respect dû au “doctrine officielle” apprise par cœur, au HUGO, V. (1952). Correspondance, Tome IV : moins autant qu’une “attitude intérieure” » années 1874-1885, Addendum, Paris, Albin mort » et de la « trêve » ne sont en rien des invariants culturels, mais bien des construc- (Mariot, 1999, p. 50). Michel. tions historiques et politiques. La place man- 11. Prise de note manuscrite, papier à en-tête LALOUETTE, J. (1997). La libre pensée en que ici pour retracer leur genèse. Sur ce point, du ministère de l’Instruction publique, sous- France, 1848-1940, Paris, Albin Michel. cf. Baudot, 2005. secrétariat d’État aux Beaux-Arts, cabinet du MARIOT, N. (1999). « Conquérir unanime- 5. Procès-verbal de la commission des obsè- sous-secrétaire d’État, sans auteur, sans date. ment les cœurs ». Usages scientifiques et poli- ques de Victor Hugo, séance du 24/05/1885. AN/F21 4713. tiques des rites : le cas du voyage présidentiel Source : Archives nationales [AN]/F1C11872. 12. Danielle Sallenave, « L’autre enterrement », (1889-1998), Thèse pour le doctorat « Études Turquet est sous-secrétaire d’État aux Beaux- Le Monde, 19/01/1996. Pour une analyse, Politiques », EHESS. Arts et, à ce titre, président de la commission cf. Hervieu-Léger, 1999, et Baudot, 2004. MARIOT, N. (2006). Bains de foule. Les des obsèques. Eugène Guillaume est membre 13. Le Figaro, « Les funérailles du président Félix voyages présidentiels en France (1888-2002), de l’Institut, ancien directeur des Beaux-Arts Faure », 24/02/1899. Paris, Belin. (1878-1879), professeur d’esthétique et d’his- toire de l’art au Collège de France. Sculpteur, 14. Texte d’hommage à Georges Pompidou rédigé MONNIER, G. (1995). L’art et ses institu- il a réalisé la statue de Michel de l’Hospital sur une feuille de messe de la paroisse de la tions en France. De la Révolution à nos jours, pour le nouveau Louvre, et la « Musique » Clusaz. Retrouvée dans une lettre envoyée Paris, Gallimard. pour la façade de l’Opéra Garnier (source : à Mme Pompidou en 1974 et conservée en RANCIÈRE, J. (1995). La mésentente. Poli- Dubois, 1999, p. 107 ; Monnier, 1995, p. 84 ; AN/5 AG 2 623. tique et philosophie, Paris, Galilée. et L’illustration, no 292, 4/03/1899). 15. Lors des funérailles de François Mitterrand, RÉBÉRIOUX, M. (1984). «Le mur des Fédé- 6. Procès-verbal de la commission des obsèques alors que le cercueil venait d’être rendu à la rés», in P. Nora (dir.), Les lieux de mémoire, t. 1: de Sadi Carnot, AN/F1C1 188, séance du famille, le drapeau tricolore qui le recouvrait La République, Paris, Gallimard, p. 619-649. 27/06/1894. s’est envolé. Danielle et Gilbert Mitterrand se sont alors penchés pour le remettre en place. REVEL, J. (2001). « Retour sur l’événement : 7. Sur cette affaire, voir les protestations de Noël- Cela a suscité toute une production d’exégèse un itinéraire historiographique », in J.-L. Parfait, dans le rapport que celui-ci adresse symbolique, transformant cette bourrasque en Fabiani (dir.), Le goût de l’enquête. Pour à la Chambre des députés : « Rapport fait au symbole voulant signifier que le président est Jean-Claude Passeron, Paris, L’Harmattan, nom de la commission chargée d’examiner la enfin rendu à sa seule individualité, dépouillé p. 95-118. proposition de loi de M. Barodet […] ayant des symboles du pouvoir. (Parmi de nombreux pour but le transfert au Panthéon des cendres SHILS, E. et M. YOUNG (1953). « The Mean- exemples, cf. Thiers, 1999.) Nous montrons de Lazare Carnot, Hoche, Marceau et de Bau- ing of Coronation », Sociological Review, vol. que le récit des funérailles de Mitterrand est din, par M. Noël-Parfait, député ». Procès-ver- 1, (1), p. 63-81. justement structuré par cette volonté de faire bal de la séance du 08/04/1889 – Chambre TARTAKOWSKY, D. (1999). Nous irons des derniers moments de l’homme l’heure de des députés. Source : AN/F1C11872. chanter sur vos tombes. Le Père-Lachaise, son indéniable vérité. En cela, l’interpréta- 8. Le Temps, « Les obsèques de M. Barthou », tion symbolique vient redoubler le discours XIXe-XXe siècle, Paris, Aubier. 11/10/1934. Cependant, des volontés expri- que les divers commanditaires tiennent sur le THIERS, E. (1999). « La mort du président. mées par des héritiers de Louis Barthou sens postulé de la cérémonie (Baudot, 2005b, Modernité et nostalgie française », Mil Neuf (dont le degré de parenté avec le défunt n’est p. 341-377). Cent. Revue d’histoire intellectuelle (Cahiers pas précisé) seront tout de même prises en Georges Sorel), (17), p. 149-166. compte. Opposés, comme le défunt l’indi- VELLAY, M. et C. PAUL (1982). L’entourage quait, à un défilé dans les rues de Paris, ils ont militaire du président sous la IIIe République demandé et obtenu qu’il n’y ait pas de céré- (1879-1939), Paris, IEP-IRPAJ. monie à Notre-Dame et que seuls quelques intimes accompagnent le cortège conduisant le corps du ministre des Affaires étrangères au Père-Lachaise, à l’issue de la cérémonie reli- gieuse aux Invalides, du défilé militaire et du discours de Gaston Doumergue, président du Conseil. « Ainsi sera réalisé le vœu de Louis Barthou », conclut, contre toute évidence, Le Journal (« Le cérémonial des obsèques du président Barthou », 11/10/1934). FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2006 48
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