L'Amérique Latine est- elle condamnée aux politiques néolibérales ? 2018/09 - Sireas

 
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2018/09

         L’Amérique Latine est-
         elle condamnée aux
         politiques néolibérales ?
                      Pascal De Gendt

     Analyses &
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         Politique internationale
                                        Siréas asbl
2018/09

         L’Amérique Latine est-
         elle condamnée aux
         politiques néolibérales ?
         par Pascal De Gendt

     Analyses
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sont rédigées à partir de recherches menées par le Comité de rédaction de
SIREAS.. Les questions traitées sont choisies en fonction des thèmes qui in-
téressent notre public et développées avec professionnalisme tout en ayant
le souci de rendre les textes accessibles à l’ensemble de notre public.
Éditeur responsable : Mohamed Ben Abdelkader.
Ces publications s’articulent autour de cinq thèmes
Questions sociales
Droits de l’Homme
Migrations
Politique Internationale
Économie

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A
         u début du XXIe siècle, l’Amérique latine semble vivre une mini-
         révolution. Au fur et à mesure des élections, les partis de gauche
         prennent le pouvoir et les pays sud-américains semblent renouer
avec le bolivarisme. La parenthèse sera cependant de courte durée et,
aujourd’hui, les élites conservatrices ont repris la main un peu partout. Cela
signifie-t-il que le sous-continent est condamné, à cause notamment de sa
situation géographique, à ne connaître que des politiques socio-économiques
néolibérales ? Pourquoi les partis progressistes ont-ils échoué et que faut-il
retirer de leurs expériences ? Ces questions, auxquelles nous allons tenter
de répondre, résonnent à nos oreilles européennes puisque chez nous aussi
les partis porteurs d’un espoir de changement (Syriza en Grèce, Podemos en
Espagne,...), tout comme les mouvements sociaux ou citoyens, rencontrent
de grandes difficultés à imposer un autre agenda politique et économique
que celui dicté par les marchés financiers via la Commission européenne.

Retournement de situation
   En 2018 et 2019, l’Amérique du Sud va connaître une vague d’élections
présidentielles et/ou législatives. Les premiers résultats sont déjà connus.
Au Paraguay, c’est le conservateur Mario Benítez qui succèdera le 15 août
prochain à Horacio Cartes, membre comme lui du Parti Colorado (droite).
Au Venezuela, le Parti Socialiste Unifié garde le pouvoir avec la réélection,
fortement contestée, de Nicolas Maduro. Enfin, en Colombie, Iván Duque
a consacré la victoire du Centre Démocratique, un nom inoffensif derrière

                                 5
lequel on trouve la droite dure, celle qui soutient les intérêts des grands
propriétaires fonciers et s’oppose au traité de paix signé avec les FARC.
Il est à noter que la Colombie est un des rares pays du sous-continent à
n’avoir pas connu de gouvernements progressistes ces dix dernières années.

   En 2018, les électeurs doivent encore se prononcer au Mexique. Le
favori des élections est le centre-gauche mais la violence que font régner
les cartels de la drogue, et le ras-le-bol de la population vis-à-vis des
affaires de corruption touchant le personnel politique, rendent quelque peu
imprévisible l’issue du scrutin. Au Brésil, ce n’est pas mieux puisque le favori
de l’élection présidentielle d’octobre n’est autre que l’ex-président Lula qui
se trouve en prison suite à sa condamnation pour corruption passive et
blanchiment d’argent. Il utilise cependant tous les recours possibles pour
tenter de retrouver sa liberté (1). S’il échoue, la victoire pourrait revenir
à Jair Bolsonaro (Social-Chrétien), un homme connu pour ses prises de
position très conservatrices (2). En 2019, c’est en Argentine, en Bolivie et en
Uruguay que les électeurs seront appelés aux urnes.

   Les résultats de cette longue séquence électorale confirmeront-ils que le
sous-continent a tourné la page du grand virage à gauche connu au début de
ce XXIe siècle ? Alors que, durant les années 90, la plupart des gouvernements
se situaient, sur l’échiquier politique traditionnel, du centre-droit à la droite
dure, les partis progressistes ont engrangé les victoires. Ce mouvement qui
avait commencé en 1999, avec l’arrivée d’Hugo Chávez à la présidence du
Venezuela, atteint son apogée, à la mi-2008, lors de la victoire de l’Alliance
patriotique pour le changement au Paraguay. À ce moment, des partis
ou coalitions étiquetés à gauche se retrouvent au pouvoir en Argentine,
Bolivie, Brésil, Chili, Équateur, Paraguay, Pérou, Uruguay et Venezuela. En
Amérique centrale, et dans les Caraïbes, c’est également le cas du Nicaragua,
du Salvador, du Honduras, du Guatemala et de la République dominicaine.

   La plupart de ces pays en profitent pour s’émanciper géopolitiquement
de la tutelle américaine et pour tenter de rééquilibrer la répartition des
richesses dans des sociétés marquées par de fortes inégalités entre les
capitaines d’industrie et les grands propriétaires terriens et le reste de la
population. Malgré la diversité de positionnement des différentes formations
progressistes, on peut distinguer une sorte d’agenda commun centré sur
la remise en question du néolibéralisme, l’intervention de l’État comme
agent de régulation dans les matières économiques et sociales, la priorité
accordée à la justice sociale et la lutte contre la pauvreté. Il y a également
une volonté d’intégration régionale avec la création de l’Union des nations
sud-américaines (Unasur), en 2008, et celle de la Communauté des s États
latino-américains et caribéens (Celac) en 2010 (3).

                                       6
Moins de dix ans plus tard, il ne reste que trois gouvernements de gauche
en Amérique du Sud : Venezuela, Bolivie et Uruguay. Et encore, les dérives
autoritaires du pouvoir dans les deux premiers pays cités alimentent une
forte contestation qui les fragilise. Partout ailleurs, la droite est de retour
au gouvernement et bien décidée à revenir sur les avancées sociales amenées
par les progressistes.

Après le beau temps, la pluie
   Comment expliquer cet échec de la gauche latino-américaine ? La première
raison est économique. Arrivés au pouvoir, les partis et mouvements
progressistes ont pu profiter de la hausse du prix de vente des matières
premières dont ces pays regorgent, et de la forte demande chinoise, pour
concilier croissance économique et financement de programmes sociaux et
d’infrastructures publiques. Lorsqu’à partir de 2010, les prix redescendent
et que l’économie chinoise marque un peu le coup, les États ne peuvent plus
assurer l’aspect redistributif de leurs politiques.

   Dans un témoignage livré au mensuel « Le Monde Diplomatique », l’ex-
président de l’Équateur, Rafael Correa, explique dans quelle situation s’est
retrouvé son pays : « Les chocs externes qui nous ont bousculés en 2015-2016
n’ont pas de précédent dans l’histoire contemporaine de notre pays. Pour la
première fois, en trente ans, nous avons connu une chute des exportations
deux années de suite, soit une perte équivalant à 10% de notre production
annuelle. En 2016, la valeur de nos exportations atteignait tout juste 64%
du montant enregistré deux ans plus tôt. Au premier trimestre de la même
année, le prix du baril de pétrole équatorien enfonçait le plancher des 20
dollars, un chiffre qui ne permet pas de couvrir les coûts de production. » (4)

   Finalement, le gouvernement équatorien devra consacrer 1,6 milliards
de dollars à sauver les sociétés pétrolières proches de la banqueroute. Tout
cela alors que les mauvaises nouvelles ne cessent de s’accumuler : le dollar,
monnaie utilisée depuis l’an 2000 en Équateur, ne cesse de monter alors
que la monnaie colombienne se déprécie à la vitesse de l’éclair. Résultat :
les exportations de ce grand voisin sont plus compétitives. Des sociétés
pétrolières américaines, Oxy et Chevron, intentent une action devant
des tribunaux d’arbitrage commerciaux à l’encontre du gouvernement
équatorien. Le jugement le contraint à verser des indemnités dont le total
représente 1% du PIB équatorien. Le 16 avril 2016 , un tremblement de
terre d’une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter entraîne des centaines
de victimes et provoque des pertes équivalentes à 3% du PIB ainsi qu’une
baisse de la croissance de 0,7%. À propos de croissance, alors qu’elle était

                                  7
de 4% en 2014, elle descend à -1,5% en 2016 (4).

   Et tous les pays de la région connaissent le même type de crise.
Même le Brésil pourtant considéré comme un futur géant économique
mondial. Selon les chiffres du Centre des politiques sociales de la
Fondation Getúlio-Vargas, le taux de pauvreté du pays qui était
tombé à 8,4% en 2014 est remonté à 11,2% en deux ans (5). Derrière
les chiffres se cachent 5,9 millions de personnes qui sont passées en-
dessous du seuil de pauvreté en deux ans, dont beaucoup de « très
pauvres ». En moins, de trois ans, le taux de chômage (12,8% en
2016) a presque doublé et pour 40% des demandeurs d’emploi, il
s’agit de chômage de longue durée.

Les erreurs de la gauche
   La crise économique qui touche le continent révèle également
les erreurs commises par les partis ou coalitions progressistes
lorsqu’ils détenaient le pouvoir. Focalisés sur le financement de
programmes sociaux coûteux, les différents gouvernements n’ont
pas saisi l’occasion de réfléchir à un autre modèle économique que
l’extractivisme. Ils ont même renforcé celui-ci. l’extractivisme étant
« un mode d’accumulation basé sur la surexploitation des ressources
naturelles, non ou peu transformées, et destinées principalement à
l’exportation. En ce sens, il comprend l’extraction minière aussi bien
que la production de pétrole et les monocultures de soja » (6).

   Le principal inconvénient de ce système est la dépendance vis-à-vis
de ressources naturelles qui connaissent des fluctuations de prix que
contrôlent très peu les États. Cet extractivisme freine la diversification
de l’économie et, de plus, reproduit un schéma colonial en faisant
de l’Amérique du Sud, une région où les puissances économiques
peuvent venir puiser des ressources naturelles en échange de produits
manufacturés (6). La très grande majorité des revenus économiques
du Venezuela provient ainsi du pétrole. En échange de celui-ci, le
pays importe tout, même le savoir-faire. Les entreprises du bâtiment,
un secteur qui fut prospère sous la présidence de Chávez, étaient, par
exemple, chinoises ou irakiennes. Le pays n’a jamais pris la peine de
développer son propre secteur du bâtiment qui aurait pu devenir un
fournisseur d’emploi et un moteur de l’économie (7).

   En misant uniquement sur l’extractivisme, les progressistes
s’obligeaient à collaborer avec les élites économiques et financières,

                                       8
cette oligarchie qu’ils avaient pourtant souvent dénoncée. Cela s’est vu
au Brésil ou le Parti des Travailleurs (PT) a adouci son programme et fait
des compromis avec les conservateurs lorsqu’il avait besoin du soutien du
Parlement. Même schéma en Argentine où les différents gouvernements
Kirchner ont tenté de ménager la chèvre et le chou en mettant sur pied des
politiques de redistribution sociale tout en veillant à ne pas toucher aux
sources du pouvoir de l’oligarchie nationale (8). Les différents gouvernements
n’ont pas profité de leur pouvoir pour entreprendre de grandes réformes
fiscales qui, par exemple, auraient davantage mis à contribution les secteurs
économiques les plus puissants.

   Les gouvernements progressistes se sont également faits piéger en
n’anticipant pas les résultats de leurs politiques sociales. En réduisant les
inégalités, ils ont contribué à l’émergence d’une classe moyenne. Bien souvent,
celle-ci est influencée par le mode de vie occidental, ou du moins ce qu’elle
en perçoit, et modèle ses exigences en fonction de celui-ci. En l’absence d’un
discours des pouvoirs en place s’adressant spécifiquement à elle, cette classe
moyenne s’est montrée plus réceptive à la communication des opposants de
droite. Et lorsque la crise s’est installée cette partie de la population a suivi
les élites économiques qui soulignaient l’échec de la politique des partis de
gauche. D’autant que les chefs de file de ce mouvement progressiste (Lula,
Chávez, les époux Kirchner, Mugica,...), qui savaient parler aux médias et
aux foules, ont attiré à eux toute la lumière et que leurs successeurs ne sont
pas arrivés à tenir la comparaison (9).

   Enfin, alors que les partis et mouvements progressistes représentaient,
entre autres, l’espoir d’en finir avec des systèmes politiques clientélistes
et corrompus, ils n’ont pu échapper à leur lot d’affaires. Et chaque cas de
corruption révélé fut donc l’occasion pour les opposants de démontrer que
les gouvernements de gauche ne sont pas plus moraux que les autres, voire
même qu’ils sont pires.

Le rôle de la presse
   La fin des bons résultats économiques couplée aux scandales de
corruption ont offert à la droite sud-américaine l’opportunité de se refaire
une santé. D’autant qu’elle a pu compter sur la presse, dont les grands titres
appartiennent généralement à des groupes industriels puissants, pour l’aider
à discréditer les gouvernements progressistes. Acquis au néo-libéralisme,
les journaux importants ont ainsi contribué à forger l’opinion à l’intérieur
des pays sud-américains, mais aussi à l’extérieur. En effet, de notre côté de

                                   9
l’océan, quand ils veulent parler de la politique sud-américaine, les grands
quotidiens relaient les titres locaux les plus célèbres. Ou alors font confiance
à leur correspondant local, quand ils en ont encore un, ou aux grandes
agences de presse (AP, Reuters, AFP,...) qui, le plus souvent, puisent leurs
informations à la même source : la presse locale.

   Consciemment ou pas, cette presse a participé à des opérations de mise
sous pression, voire de déstabilisation de gouvernements. Notamment en
adoptant des éléments de langage qui dictent la perception des événements.
Ainsi les manifestations de protestation ont rarement été présentées comme
provenant d’opposants de droite, mais plutôt comme des mouvements issus
de la société civile. Une sorte d’expression magique qui peut faire croire à
une sorte de manifestation d’un ras-le-bol général dénué de toute arrière-
pensée politique.

L’ennemi public numéro un
   Le cas du Venezuela de Chávez est exemplatif. C’est peu dire que le chef
d’État vénézuélien dérangeait avec sa politique de (re)nationalisation dans les
secteurs du pétrole, des télécoms et de l’électricité, ses discours férocement
anti-impérialistes et ses rapprochements avec ceux faisant figure de « grands
méchants » aux yeux de l’opinion publique occidentale (l’Iranien Mahmoud
Ahmadinejad, le Libyen Mouammar Kadhafi, le Cubain Fidel Castro,...). Le
succès de sa lutte contre la pauvreté et de ses campagnes d’alphabétisation,
l’adoption d’une Constitution redonnant une partie du pouvoir de décision
au peuple ou encore la redistribution de trois millions d’hectares de terres
aux paysans ont, par contre, été beaucoup moins commentés.

   Après son décès, des suites d’un cancer en 2013, une partie des
commentateurs européens dressait un constat selon lequel il y avait eu
un désir de noircir ses années de présidence. Il est vrai que tout n’avait
pas été rose et qu’il y avait des dérives à pointer dans la manière dont il
avait personnalisé le pouvoir et traité les opinions dissidentes. Mais il est
tout aussi vrai que son statut de chef de file des opposants aux politiques
néolibérales en avait fait le nouvel héros de tous ceux qui, au Nord comme
au Sud, militaient pour un autre monde. Il était donc devenu l’homme à
abattre et durant ses quatorze ans de présidence, il a dû vivre non seulement
avec des campagnes de calomnies, mais aussi avec des tentatives d’attentats
ou de coups d’État (10).

   La plus célèbre eût lieu en 2002. Elle débute par un conflit social alors que
l’État tente de renforcer son contrôle sur la compagnie pétrolière publique

                                      10
(PDVSA). Durant plusieurs mois, le bras de fer entre les deux parties est
intense. Et les principaux journaux du pays n’hésitent pas à en rajouter une
couche en qualifiant Chávez et son gouvernement de « talibans » ou de
« terroristes » (11). En avril 2002, une grève des travailleurs de la compagnie
pétrolière se transforme en grève générale de plusieurs jours soutenue à
la fois par la Confédération des travailleurs du Venezuela et la principale
fédération patronale. Le 11 avril, une manifestation d’opposants à Chávez
est détournée vers le palais présidentiel où elle se heure à une manifestation
pro-Chávez. Des affrontements violents ont lieu, des coups de feu sont
tirés : il y a plusieurs morts et des dizaines de blessés.

   Accusé d’avoir envoyé des milices pour tirer sur l’opposition, le président
est destitué par des militaires et les clés du palais présidentiel sont remises au
patron des patrons, Pedro Carmona. Le nouveau gouvernement est très vite
reconnu par les États-Unis et l’Espagne. Qui doivent tout aussi rapidement
se rétracter puisqu’après 47 heures, Hugo Chávez retrouve la liberté
et la présidence. Les putschistes doivent, en effet, constater leur défaite
lorsqu’une partie de l’armée restée fidèle reprend le palais présidentiel sur
fond de mobilisation populaire.

   Le comportement partisan de la presse nationale, dans le conditionnement
des opposants avant le putsch, mais aussi durant celui-ci, a été souligné.
Seules les déclarations et actions des anti-Chávez ont été relayées tandis
que les images diffusées étaient montées de manière particulièrement
défavorables au camp du président. Tout laissait croire à une mobilisation
populaire anti-Chávez réprimée dans le sang alors que c’était loin d’être la
vérité (11).

Différentes méthodes pour reprendre le pouvoir
   D’autres exemples démontrent qu’à l’époque, les gouvernements
de plusieurs pays sud-américains ont dû faire face à des tentatives de
déstabilisation dont certaines ont été couronnées de succès. Au Paraguay, le
15 juin 2012, une intervention policière contre des paysans occupant les terres
d’un grand propriétaire se termine en fusillade : onze « sans-terres » et six
policiers sont tués. Les paysans sont accusés d’avoir tendu une embuscade.
Le 22 juin, le Sénat destitue le président Fernando Lugo estimant que sa
politique a attisé la violence contre les propriétaires terriens et qu’il n’a pas
su gérer la crise du 15 juin (12). Une enquête d’un dirigeant paysan, Vidal
Vega, affirmera que la fusillade a été déclenchée par des « infiltrés » qui ont
tiré à la fois sur les policiers et les « sans-terres ». Il sera assassiné le 1er
décembre 2012 par deux hommes masqués (11).

                                  11
Autre exemple : au Honduras, le 28 juin 2009, le Parlement discute de
la destitution du président Manuel Zelaya. Alors qu’il voulait organiser
une consultation populaire sur l’opportunité de convoquer une Assemblée
nationale constituante, il est accusé de vouloir violer la Constitution pour
pouvoir se faire réélire. La Cour Suprême n’attend pas la décision des
députés et ordonne son arrestation. Des militaires le capturent et le font
monter dans un avion à destination du Costa Rica. Le général putschiste
remet le pouvoir au président du Congrès Roberto Micheletti (11). Une
manœuvre qui permet d’éviter l’image d’un militaire prenant le pouvoir.
Ce qui en d’autres temps aurait été nommé « gouvernement putschiste »
est donc immédiatement qualifié, de manière beaucoup plus rassurante
pour l’opinion publique internationale, de « gouvernement de transition en
attendant de nouvelles élections ». Et le tour est joué.

Le coup d’État parlementaire
   L’exemple hondurien porte en lui les prémisses de ce que les partisans
de l’ex-présidente brésilienne Dilma Rousseff nommeront « coup d’État
parlementaire ». En 2015, l’ex-cheffe de cabinet de Lula, élue pour un
deuxième mandat de présidente du Brésil l’année précédente, est accusée de
s’être rendue coupable d’un « crime de responsabilité » pour avoir utilisé
un mécanisme appelé « pédalage fiscal ». Il s’agit d’un recours passager à
l’emprunt auprès de banques publiques pour financer certaines dépenses.
Ce qui permet de reporter leur enregistrement dans les comptes publics
(13). L’objectif était d’embellir ceux-ci avant les élections de 2014. Elle est
également accusée d’avoir procédé à des dépenses non prévues dans la loi
de financement sans avoir demandé l’autorisation du Parlement. Selon ses
accusateurs, il s’agit d’un motif de destitution prévu par la Constitution. La
présidente brésilienne refuse cependant de démissionner.

   Le 2 décembre 2015, après des mois de tergiversations, le président de la
Chambre brésilienne, Eduardo Cunha, lance une procédure de destitution
à son encontre. Le 12 mai 2016, la procédure franchit une étape décisive
lorsque le Sénat vote en faveur du rapport préconisant l’ouverture d’un
procès en destitution. Dilma Rousseff est suspendue de ses fonctions en
attendant le verdict et le vice-président Michel Temer (Parti du Mouvement
Démocratique Brésilien, centre-droit) assure l’intérim. Le procès se tient du
25 au 31 août 2016 et se conclut par la destitution de la présidente. M. Temer
devient officiellement le nouveau président du Brésil jusqu’au 1er janvier
2019, date à laquelle il cédera sa place au vainqueur des élections d’octobre
prochain. À moins que d’ici là, il ne soit rattrapé par l’immense scandale de
corruption Petrobas, dans lequel il est cité, et forcé de démissionner. Nous
y reviendrons.
                                     12
Mais, pour le moment, restons en compagnie de Dilma Rousseff
qui, depuis le début de la procédure de destitution, dénonce un « coup
d’État parlementaire ». Selon elle, et ses partisans, les deux Chambres ont
outrepassé leurs droits en entamant les démarches de destitution pour des
manœuvres fiscales qu’elle n’était pas la première à utiliser. Elle se battra
donc juridiquement à chaque étape de la procédure mais, invariablement,
Parlement et Sénat voteront en faveur de sa continuation.

Composition et fonctionnement du Parlement
   Pour comprendre les accusations de l’ex-présidente, il faut se pencher
sur la manière dont fonctionne le Parlement et le Sénat au Brésil. Selon
le site « Congresso Em Foco », dédié à l’actualité du pouvoir législatif
brésilien, le profil-type d’un parlementaire est celui « d’un homme blanc,
d’une cinquantaine d’années, titulaire d’un diplôme universitaire, chef
d’entreprise et détenteur d’un patrimoine supérieur à 1 million de reals
(environ 250.000€). » (14)

    Il y a 513 sièges à pourvoir en tout. La répartition entre les 26 États et le
district fédéral de Brasilia se fait proportionnellement à la population, mais
avec des limites puisqu’un État ne peut envoyer qu’entre huit et septante
élus au Parlement. Le Sénat est, pour sa part, composé de trois élus par
États (13). Les petits États sont donc sur-représentés, ce qui favorise leurs
personnalités locales. Conscients de leur pouvoir électoral, ces politiciens
n’hésitent pas à marchander leur adhésion aux formations politiques dont
ils changent au gré de leurs intérêts.

   Ce système explique également la présence régulière sur les listes d’attrape-
voix comme des ex-footballeurs, des vedettes de la télévision, des pasteurs
télé-évangélistes, etc... À titre d’exemple, en 2010, le député fédéral ayant
reçu le plus de voix (1,3 millions) était le clown Tiririca, sans expérience
politique, mais très populaire. Grâce au système électoral, que nous ne
détaillerons pas ici, il a permis à 24 candidats de sa liste de coalition d’entrer
au Parlement. Une autre catégorie plébiscitée est celle des membres de la
famille de politiciens connus. Selon le Département intersyndical de conseil
parlementaire, 211 parlementaires doivent leurs élections à leurs liens de
parenté (14). En facilitant, la formation de véritables dynasties, le système
rend difficile le renouvellement du personnel politique. On comprend
mieux l’incessante bataille entre les chambres élues et les présidents Lula
et Rousseff issus d’un parti dont les élites politiques, et économiques, ne
voulaient pas.

                                  13
L’absence de seuil planché de voix pour qu’une formation puisse être
représentée amène une multiplication des partis. Actuellement, ils sont 25
au Parlement. Tous les membres du gouvernement sont issus de la même
formation, le PMDB du président Temer, qui peut compter sur le soutien
d’une coalition de 14 formations. Soit autant de partis dont il faut s’assurer les
bonnes grâces en multipliant les négociations et les compromis. Lors de son
deuxième mandat alors que, notamment à cause de la crise, l’impopularité
de Dilma Rousseff atteignait des records, la présidente a dû chercher le
soutien de forces plus conservatrices que le Parti des Travailleurs. Elle a
alors mis sur pied une politique d’austérité qui lui a fait perdre le soutien des
mouvements sociaux et des syndicats.

   Isolée, elle est devenue une proie facile pour les lobbies qui se constituent
sur le banc des parlementaires. En effet, les groupements d’intérêts entre
députés ont peu-à-peu remplacé l’appartenance à une formation politique.
Le lobby des députés veillant à l’intérêt du complexe agro-industriel et
celui des chefs d’entreprise sont particulièrement puissants (14). Ainsi, ceux
que les observateurs de la politique brésilienne appellent les « 4 B », pour
balles (secteur de l’armement), bible (évangélistes), bœufs (agro-business) et
banques (finance), se sont unis pour faire tomber la présidente (15).

Lula tombe de son piédestal
   En 2015, ces différents opposants au PT ont donc jugé que tout était en
place pour reprendre le pouvoir. D’autant que l’aura de l’ex-président Lula
était fameusement ternie par l’éclatement du scandale Petrobas, la grande
entreprise pétrolière appartenant à l’État. Elle commandait des chantiers à
des entreprises du bâtiment et surévaluait leurs coûts. La différence entre
le prix surévalué annoncé par Petrobas, et donc déboursé par les caisses
de l’État, et son coût réel était transformée en pots-de-vin distribués à
différents partis et personnalités politiques. La police évalue à 12,7 milliards
d’euros le montant détourné tandis que, durant l’enquête, plusieurs dizaines
de députés, sénateurs et ex-ministres ont été cités tout comme trois ex-
présidents (Mme. Rousseff, M. Lula et M. Cardoso) et le président actuel
(M. Temer) (16).

   Un des points forts de l’enquête sera la première inculpation de Lula
en mars 2016. Et la procédure, qui mènera à son procès, sa condamnation
et son envoi en prison, constituera un feuilleton médiatique se déroulant
en même temps que celui entourant la destitution de Dilma Rousseff. Une
séquence particulièrement destructrice pour leur parti commun. D’autant
qu’une fois de plus, la presse jouera son rôle en couvrant largement les

                                       14
manifestations où se mêlaient les demandes de départ de la présidente et les
slogans réclamant l’incarcération de Lula, tandis que les manifestations pro-
Rousseff et Lula sont ignorées ou tournées en ridicule (13).

   Dans la presse internationale, cela se traduit par l’image d’un peuple qui
se soulève contre ses anciens héros qui l’ont trompé. Un sondage du « Folha
de Sao Paulo », l’un des journaux les plus importants du pays, donne une
autre image. Il révèle que les protestataires anti-PT sont essentiellement
des Brésiliens blancs, détenteurs d’un diplôme de l’enseignement supérieur
et disposant de revenus moyens, hauts ou très élevés. Mais cela n’est par
contre pas relayé (13). Tout comme, dans un premier temps, les implications
présumées de Eduardo Cunha, président du Parlement, et Michel Temer,
vice-président du pays, dans le scandale Petrobas sont tues. De même que
les inculpations pour différents délits, dont celui de corruption, de 36 des 38
membres de la commission de destitution ayant voté pour le déclenchement
de la procédure visant Mme. Rousseff (13).

Les effets du retour de la droite
   La stratégie pour mettre à bas le Parti des Travailleurs (PT) a fonctionné à
merveille puisque depuis le 31 août 2016, les forces conservatrices ont repris
le destin du Brésil en mains. Et les effets de ce nouveau changement de cap
n’ont pas tardé à se faire sentir.

   Si Dilma Rousseff s’était déjà engagée sur la voie de la politique
d’austérité, Michel Temer l’a nettement approfondie. Au menu notamment,
le gel des dépenses publiques jusqu’en 2038, consacré par un amendement
constitutionnel. Une mesure qui risque de « condamner toute une génération
future à une protection sociale très inférieure à l’actuelle », selon Philip
Alston, rapporteur spécial de l’ONU pour l’extrême pauvreté et les droits
de l’homme (17).

   Michel Temer a lancé une thérapie de choc : privatisations (57 actifs mis
en vente), réformes économiques et surtout gel de la dépense publique
jusqu’en 2038, via un amendement constitutionnel adopté en décembre. Une
mesure «radicale et sans compassion» qui risque de «condamner toute une
génération future à une protection sociale très inférieure à l’actuelle», selon
le même Philip Alston. Une mesure emblématique comme la Bolsa Familia
(bourse familiale), une sorte de petit revenu de base pour les familles les
plus pauvres, instauré par Lula et conditionné à des obligations éducatives
et médicales, n’a pas échappé à cette cure radicale. Son budget n’a pas pu

                                 15
bénéficier d’une majoration et le nombre de bénéficiaires est en net recul
après une chasse aux soi-disants fraudeurs. Pourtant, même un organisme
comme la Banque Mondiale, a reconnu l’utilité de ce dispositif dans la lutte
contre la pauvreté extrême et recommandé son extension vu la crise sociale
au Brésil.

   Privatisations à gogo, réforme du code du travail pour accroître la
flexibilité, projet de réforme des retraites qui conduirait une partie de la
population à être privée de pension, restriction de la définition du « travail
esclave » : c’est une véritable guerre-éclair néolibérale contre certains acquis
sociaux qu’a mené le gouvernement Tremer. Résultat : entre 2016 et 2017,
le nombre de Brésiliens vivant dans une extrême pauvreté est passé de 13,34
millions à 14,83 millions, une augmentation de 11,2% (18).

Le grand bond en arrière
   Les alliés conservateurs du président, notamment les grands propriétaires
terriens, ont pu constater avec plaisir que le nouveau gouvernement mettait
un zèle tout particulier à démanteler ce que les gouvernements travaillistes
avaient mis en place pour tenter de contenir leurs actions socialement et
écologiquement destructrices. Les coupes budgétaires ont ainsi fortement
affaibli les organismes environnementaux et les institutions d’appui et de
défense des secteurs ruraux populaires. Par exemple, l’ « Entente agraire »,
un organe de concertation chargé de résoudre les conflits fonciers a été
supprimé. Tandis que le ministère du développement social et agraire, qui
menait des politiques favorables aux petits agriculteurs, a été transformé en
deux secrétariats d’État sous tutelle directe de la présidence (19).

   Comme un symbole de ce retour à la situation pré-Lula, le ministre de
l’Agriculture est Blairo Maggi, propriétaire d’Amaggi, premier producteur
mondial de soja. Rien d’étonnant donc à ce que les réglementations
environnementales pour l’agriculture (pesticides, OGM,...) aient été
supprimées et qu’une série de nouvelles lois sabotant la réforme agraire aient
été adoptées (18). Parmi celles-ci, une disposition prévoit la régularisation
des terres illégalement acquises à un prix bien inférieur au marché, ce qui
rend légal une pratique historique des grands propriétaires. Une autre loi
permet aux compagnies étrangères d’acquérir des terres sans limitation.
Une série de ristournes fiscales et de réductions de dette sont également
au programme. Et cerise sur le gâteau : le gouvernement Tremer planche
sur une réforme constitutionnelle qui changerait les règles d’octroi des
terres des Indiens et communautés de descendants d’esclave. Celles-ci sont
généralement considérées comme des entraves par les grands exploitants.
   Et puisque tout semble permis pour les « ruralistes », ceux-ci ne se
privent pas pour utiliser tous les moyens possibles pour arriver à leurs fins
                                     16
et supprimer les obstacles sur leur route. La violence fait partie de leur panel
comme l’ont prouvé les coups de feu tirés contre la caravane électorale de
Lula en mars dernier ou les fouets en cuir, symbole de l’esclavage, utilisés
pour frapper les paysans sans-terre qui attendaient son passage (20).

   De manière générale, la violence à l’encontre des personnalités de gauche
et des mouvements sociaux est de nouveau de mise. L’assassinat de Marielle
Franco, jeune conseillère municipale de gauche de Rio, le 14 mars 2018
a frappé l’opinion. Mais il n’est que le sommet d’un iceberg de sang qui
concerne surtout les mouvements liés aux paysans sans-terres au nombre
d’environ quatre millions dans le pays.

   Selon la Commission pastorale de la Terre (CPT), 70 militants sociaux ont
été assassinés en 2017, une année record, et 52 de ces morts étaient liées à un
conflit pour la terre (20). Dans certains États, on assiste à une alliance entre
les grands propriétaires terriens et la police. Le 24 mai 2017, par exemple,
dix paysans appartenant à la « Ligue des paysans pauvres » ont été torturés
puis exécutés suite à l’occupation d’une propriété terrienne. Après enquête,
29 policiers ont été inculpés pour ces faits (20). En d’autres lieux, il a été
constaté que des policiers vendaient leurs services à des raffineries ou des
compagnies minières. Ces pratiques hors-la-loi avaient pourtant diminué.
C’est donc bien d’un grand retour en arrière dans le temps qu’il faut parler.

L’exemple argentin
   Un constat presque similaire, la violence extrême en moins, peut être dressé
pour l’autre géant de la région. Depuis le 10 décembre 2015, l’Argentine
a tourné la page du péronisme en élisant à la présidence Mauricio Macri,
membre de « Proposition républicaine », une alliance des partis de droite.
« Il s’est lancé aussitôt dans une politique de choc aux allures revanchardes :
démantèlement des mesures prises par le gouvernement précédent (sur les
médias, les coopératives, etc.), harcèlement ou emprisonnement arbitraire de
militants en vue (comme Milagro Sala, dans la province de Jujuy), suppression
des taxes aux exportations agricoles (pour favoriser l’agrobusiness), suppression
de postes administratifs dans la fonction publique (perte de plus de 100.000
emplois), hausse des tarifs de l’électricité, de l’eau et surtout du gaz (jusqu’à
700 % dans certains cas), levée du contrôle des changes et dévaluation du
peso argentin… » (9)

   Au niveau international, il a également signifié le retour de son pays dans
le giron du néolibéralisme en donnant des gages de soumission aux marchés

                                  17
financiers, en remboursant notamment les fonds vautours à hauteur de 1,3
milliards de dollars1.

    « There is no Alternative » pour l’Amérique latine ?

   Outre leur fonction, quel est le point commun entre Martin Alberto
Vizcarra (président du Pérou), son prédécesseur Pedro Pablo Kuczynski,
Juan Carlo Varela (président du Panama), son prédécesseur Ricardo
Matrinelli, Vincente Fox (président du Mexique de 2000 à 2006), Sebastián
Piñera (président du Chili), Mauricio Macri (président de l’Argentine) et
Horacio Cartes (président du Paraguay) ? Tous ces chefs d’État sont des
patrons d’entreprise (21). En retrouver autant à occuper les plus hautes
fonctions est inédit en Amérique du Sud et l’une des meilleures manières de
démontrer que les élites économiques et financières ont repris le pouvoir.

   Cette analyse a été poussée plus loin par des chercheurs de l’université
de la République, à Montevideo (Uruguay). En décortiquant le CV des
parlementaires dans huit pays (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Mexique,
Pérou, Salvador et Uruguay) pour la période 2010-2017, ils ont découvert
que 23% des 801 députés avaient été chefs ou hauts cadres d’entreprise,
grands propriétaires terriens ou commerçants avant d’être élus. Une
surreprésentation énorme par rapport à la population totale de ces États.

   Faut-il en conclure qu’il n’y a pas d’autres voies (« There is no alternative »,
selon la célèbre formule de Margaret Tatcher) que le néolibéralisme pour
l’Amérique du Sud ? Que sa situation géographique l’empêche d’être autre
chose que l’arrière-cour de l’empire étasunien ?

   Nous avons vu plus haut que la politique menée par les partis progressistes
n’a pas été une véritable révolution parce qu’ils ne pouvaient pas, dans un laps
de temps aussi court, bouleverser les structures politiques et économiques
des pays d’Amérique du Sud. Cette période n’a pourtant pas été vaine.
Certains pays ont connu de vraies avancées sociales et le taux de pauvreté
a reculé sur tout le sous-continent. Selon la Commission économique pour
l’Amérique Latine et les Caraïbes, un organe des Nations-Unies, entre 2002
et 2011, 54 millions de Sud-Américains sont sortis de la pauvreté (6). On l’a
écrit ci-dessus : les conservateurs ont démantelé les dispositifs sociaux mis
en place lorsqu’ils ont repris le pouvoir et les chiffres de la pauvreté sont

1   Lire à ce propos notre analyse « Fonds vautours : l’Argentine punie pour insoumission ? ».
    Disponible sur : http://www.lesitinerrances.com/images/stories/analyse2014/int/2014-09int.
    pdf

                                             18
remontés. On peut toutefois espérer qu’ils resteront en-dessous de ceux
connus durant les années ‘90.

   Et il est certain que les mouvements sociaux se mobiliseront pour que ce
soit le cas. C’est un autre enseignement : si à un moment donné les partis
progressistes ont pu prendre le dessus, malgré de nombreux obstacles,
c’est parce qu’ils ont pu s’appuyer sur des mouvements pour mettre leurs
thèmes de prédilection à l’agenda politique : lutte contre la pauvreté, contre
l’accaparement des terres, contre la destruction des biens naturels, contre
les conditions de travail inhumaines,... Et ces mêmes mouvements n’ont
d’ailleurs pas hésité à faire entendre leur désaccord lorsque les gouvernements
progressistes prenaient des mesures qui ne leur plaisaient pas. C’est toute
une génération qui a ainsi appris à protester, à s’émanciper et à cultiver des
valeurs opposées au conservatisme (8).

   L’héritage de la parenthèse politique progressiste n’est pas qu’un état
d’esprit, c’est aussi une série d’acquis et d’expériences qui subsistent :
entreprises récupérées par les travailleurs, expériences d’autogestion, médias
communautaires, organisations coopératives, expériences d’agro-écologie,...
(22) Soit autant de manière d’envisager la construction d’un monde différent
qui font écho à des expériences similaires menées de notre côté de l’océan.

    Il existe encore là-bas de nombreux interlocuteurs avec qui nos
mouvements sociaux et citoyens européens peuvent échanger.pour se
nourrir de leurs idées, mais aussi s’inspirer d’un optimisme qui leur fut bien
nécessaire lorsque tout un continent semblait condamné à vivre dans un
système économique, financier et politique prédateur et destructeur, non
seulement de ressources naturelles, mais aussi d’humanité. Une situation
qui, au vu de l’actualité de ces dernières années, ne semble pas être réservée
à l’Amérique latine.

                                 19
Bibliographie

   (1) Courrier International, « Au Brésil, Lula pourrait-il bientôt sortir
de prison ? » (en ligne) c 2018. Consulté le 21/06/2018. Disponible sur :
https://www.courrierinternational.com/article/au-bresil-lula-pourrait-il-
bientot-sortir-de-prison

   (2) Slate, « Déçue par sa classe politique, l’Amérique latine se jette dans
les bras des extrêmes » (en ligne) c 2018. Consulté le 11/06/2018. Disponible
sur : http://www.slate.fr/story/157390/decue-par-sa-classe-politique-
lamerique-latine-se-jette-dans-les-bras-des-extremes

   (3) CNCD 11.11.11, « Fin de virage à gauche pour l’Amérique latine »
(en ligne) c 2016. Consulté le 11/06/2018. Disponible sur : https://www.
cncd.be/Fin-de-virage-a-gauche-pour-l

  (4) Le Monde Diplomatique, « Gouverner sous les bombes...
médiatiques », n°767, février 2018, p.8

   (5) Liberation, « Le Brésil « néolibéral » végète dans le marasme social »
(en ligne) c 2017. Consulté le 12/06/2018. Disponible sur : http://www.
liberation.fr/planete/2017/09/28/le-bresil-neoliberal-vegete-dans-le-
marasme-social_1599639

   (6) Cetri, « Fin de cycle, fin de partie ? Bilan du virage à gauche latino-
américain » (en ligne) c 2017. Consulté le 12/06/2018. Disponible sur :
https://www.cetri.be/Fin-de-cycle-fin-de-partie-Bilan?lang=fr

   (7) Libération, « Gauche au pouvoir : l’Amérique patine » (en ligne) c
2016. Consulté le 12/06/2018. Disponible sur : http://www.liberation.fr/
planete/2016/05/12/gauche-au-pouvoir-l-amerique-patine_1452265

   (8) Cetri, « Amérique latine. Post-progressisme et horizons
émancipateurs » (en ligne) c 2016. Consulté le 12/06/2018. Disponible sur :
https://www.cetri.be/Amerique-latine-Post-progressisme?lang=fr

   (9) CADTM, « Amérique latine : retour en force de la droite et questions
pour la gauche ! » (en ligne) c 2017. Consulté le 13/06/2018. Disponible sur :
http://www.cadtm.org/Amerique-latine-retour-en-force-de

                                     20
(10) Le Monde Diplomatique, « Hugo Chávez » (en ligne) c 2007.
Consulté le 13/06/2018. Disponible sur : https://www.monde-diplomatique.
fr/2007/08/RAMONET/15003

   (11) Le Monde Diplomatique, « En Amérique Latine, l’ère des coups
d’État en douce », n° 725, août 2014, p.16-17.

  (12) L’Obs, « Au Paraguay, la destitution de Fernando Lugo en cinq
questions » (en ligne) c 2012. Consulté le 14/06/2018. Disponible sur : https://
www.nouvelobs.com/rue89/rue89-explicateur/20120626.RUE0895/au-
paraguay-la-destitution-de-fernando-lugo-en-cinq-questions.html

  (13) Le Monde Diplomatique, « Printemps trompeur au Brésil », n°746,
mai 2016, p.1

    (14) Le Monde Diplomatique, « Au Brésil, « trois cent voleurs avec des
titres de docteur » », n°740, novembre 2015, pp. 10-11

   (15) Le Monde, « Brésil : Dilma Rousseff face à l’impeachment » (en
ligne) c 2015. Consulté le 14/06/2018. Disponible sur : https://www.
lemonde.fr/international/article/2015/10/12/bresil-dilma-rousseff-face-a-
l-impeachment_4787736_3210.html

   (16) Le Monde, « Brésil : comprendre la condamnaion de Lula et le
scandale Petrobas en 8 questions » (en ligne) c 2017. Consulté le 14/06/2018.
Disponible sur : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/07/13/
bresil-comprendre-la-condamnation-de-lula-et-le-scandale-petrobras-en-
8-questions_5160238_4355770.html

   (17) Libération, « Le Brésil « néolibéral » végète dans le marasme
social » (en ligne) c 2017. Consulté le 15/06/2018. Disponible sur : http://
www.liberation.fr/planete/2017/09/28/le-bresil-neoliberal-vegete-dans-le-
marasme-social_1599639

  (18) Le Monde Diplomatique, « Aux petits soins pour les grands
propriétaires terriens », n°770, mai 2018, p. 9

  (19) Cetri, « Brésil : Le coup d’État des ruralistes » (en ligne) c 2017.
Consulté le 15/06/2018. Disponible sur : https://www.cetri.be/Bresil-Le-
coup-d-Etat-des?lang=fr

                                 21
(20) Le Monde Dipomatique, « Retour de la violence politique au Brésil »,
n° 770, mai 2018, pp.8-9

   (21) Le Monde Dipomatique, « Les patrons latino-américains prennent
le pouvoir », n° 770, mai 2018, pp.8

   (22) CADTM, « Amériques latines, entre reflux des progressismes
et expériences alternatives » (en ligne) c 2017. Consulté le 15/06/2018.
Disponible sur : http://www.cadtm.org/Ameriques-latines-entre-reflux-
des

                                    22
23
Pascal De Gendt

            L’Amérique Latine est-elle condamnée
                aux politiques néolibérales ?

    Au début du XXIe siècle, l’Amérique latine semble vivre une mini-
révolution. Au fur et à mesure des élections, les partis de gauche
prennent le pouvoir et les pays sud-américains semblent renouer avec le
bolivarisme. La parenthèse sera cependant de courte durée et, aujourd’hui,
les élites conservatrices ont repris la main un peu partout. Cela signifie-t-
il que le sous-continent est condamné, à cause notamment de sa situation
géographique, à ne connaître que des politiques socio-économiques
néolibérales ? Pourquoi les partis progressistes ont-ils échoué et que faut-il
retirer de leurs expériences ? Ces questions, auxquelles nous allons tenter
de répondre, résonnent à nos oreilles européennes puisque chez nous aussi
les partis porteurs d’un espoir de changement (Syriza en Grèce, Podemos en
Espagne,...), tout comme les mouvements sociaux ou citoyens, rencontrent
de grandes difficultés à imposer un autre agenda politique et économique
que celui dicté par les marchés financiers via la Commission européenne.

        Siréas asbl
                                                       Avec le soutien
                                                      de la Fédération
Service International de Recherche,                 Wallonie-Bruxelles
d’Éducation et d’Action Sociale asbl
Secteur Éducation Permanente
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                                         24
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