LA FIGURE FÉMININE DANS L'ŒUVRE DE MANUEL ÁLVAREZ BRAVO - Couderc Juliette D.E.A d'Histoire de l'Art Université Paris I Panthéon Sorbonne
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Couderc Juliette D.E.A d’Histoire de l’Art Université Paris I Panthéon Sorbonne U.F.R 03 LA FIGURE FÉMININE DANS L’ŒUVRE DE MANUEL ÁLVAREZ BRAVO L’étoffe noire, 1936
La figure féminine dans l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo. Plan PLAN PRÉFACE 3 INTRODUCTION 8 PREMIERE PARTIE 10 PORTRAIT DE LA FEMME MEXICAINE TRADITIONNELLE 10 a) Á travers les coutumes et les rites 10 b) Á travers son quotidien 11 DEUXIEME PARTIE 13 UNE AUTRE VISION DE LA FEMINITE MEXICAINE 13 a) À travers le rêve 13 b) À travers la poésie 15 c) Á travers l’humour 16 TROISIEME PARTIE 18 L’ENTREE DU NU DANS L’ŒUVRE D’ÁLVAREZ BRAVO 18 a) Le nu magnifié 18 b) Entre Eros et Thanatos 19 CONCLUSION 21 INDEX 22 PHOTOGRAPHIES 25 ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 31 BIOGRAPHIE 33
Réflexion sur la femme et le corps féminin. Préface PRÉFACE Réflexion sur la femme et le corps féminin Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est essentiel de s’intéresser au traitement de la femme à travers le nu photographié et surtout chez les Surréalistes. Álvarez Bravo a introduit le nu tardivement dans son œuvre quant au Surréalisme, il n’a jamais voulu faire partie de ce mouvement ni d’aucun en particulier. Mais sa vision de la femme s’éloigne-t-elle autant des canons esthétiques de l’époque ou de certaines affirmations ? Á propos du nu photographié Á partir des propos de Michel TournierI, on peut essayer de répondre à la question posée. Tout d’abord, il affirme une première chose au sujet du portrait c’est qu’il emprisonne le « mystère d’une personnalité ». Le visage serait le reflet de l’âme. Le portrait est révélateur de la personnalité de chacun. Cette affirmation peut très bien s’appliquer aux dires de Álvarez BravoII, qui a besoin d’un rapprochement simple avec son modèle, d’une communion : (…) Oui, je me sens proche des gens du peuple. Comme Baudelia ou la senorita Juaré qui vend des fruits, ce sont des gens simples qui m'ont accordé des portraits sans complications. Mais ce sont surtout les différents portraits qui se rapprochent de cette théorie. Car le photographe, à travers un regard, capture une tradition, comme avec la photographie de Margarita de Bonampak de 1959, une naissance, comme à travers Maternity de 1948, ou encore une âme invisible, indiscernable comme avec le songe de 1931. Oui, les portraits d’Álvarez semblent refléter avec exactitude le caractère du personnage. I Le corps photographié de John Pultz et Anne de Mondenard, extrait du texte de Michel Tournier de l’académie d’Arles : « Réflexions sur le nu ». II Citation extraite du texte de Brigitte Ollier : « Les fruits de la passion selon Manuel Álvarez Bravo, tiré du livre de Brigitte Ollier, Manuel Álvarez Bravo.
Réflexion sur la femme et le corps féminin. Préface Mais quand TournierIII s’intéresse au nu, il est difficile d’y reconnaître la photographie de l’artiste mexicain. (...) Le nu, c'est non seulement Adam et Eve, mais c'est aussi le paradis, un lieu abstrait, idéal, béni de Dieu. Et il y a toujours un climat d'innocence qui l'entoure. Nous retrouvons l'érotisme nié. Non, le nu ne peut être érotique. (...). Il n’a jamais été question de références bibliques pour les nus qui apparaîtront dans l’œuvre du photographe. Mais l’innocence évoquée pourrait très bien s’apparenter à toutes ces représentations féminines, si insouciantes, à la beauté sauvage et juvéniles. Non érotique le nu ? C’est le cas comme nous allons le découvrir pour les photographies de Álvarez Bravo mais avec un doute, car l’artiste aime osciller entre les deux, aime que le spectateur voit ce qu’il veut et joue avec humour avec les titres, la tentacíon en casa de Antonio de 1970, illustre bien ce propos dans le sens où le titre affirmerait que le spectateur serait tenté par la femme d’un autre. Jeu ou perversité ? L’innocence chez l’artiste peut s’estomper pour vaciller entre Eros et érotisme mais aussi entre Eros et Thanatos. Car la mort plane dans quelques photographies…Un rapport que Tournier remarqua mais sur lequel il ne s’attarda pas. Toutefois, on ne peut oublier qu’Adam et Eve ont succombé à la tentation et qu’ils ont touché aux fruits défendus ; et, qu’ Álvarez Bravo a aussi intitulé un nu « Fruit défendu » de 1976. En ce sens, il rejoindrait bien la Bible. Comment la femme est-elle perçue chez les Surréalistes ? Trois ouvrages permettront d’en savoir un peu plus sur les Surréalistes faces à l’amour, la sexualité, et sur la femme. Bien sûr ce sont toujours des interrogations en rapport avec l’étude de la figure féminine dans l’œuvre d’ Álvarez Bravo. D’après l’introduction de Vincent GilleIV dans son ouvrage Le surréalisme et l’amour, Les dadaïstes ont une vision de la femme plutôt robotisée, réduite à des roues ou à des mannequins. Les artistes tels que Duchamp, Man Ray ou Picabia illustrent bien ce propos. Avec les Surréalistes c’est une autre conception féminine qui voit le jour. III Ibid. IV Introduction de Vincent Gille « Si vous aimez l’amour », extraite du catalogue du Pavillon des arts Paris, Le Surréalisme et l’amour,Paris-Musées :Gallimard-Electa, Paris, 1997.
Réflexion sur la femme et le corps féminin. Préface Si le mouvement Dada décrit un érotisme provocateur, le Surréalisme se tourne vers un langage de l’amour. Selon la revue MinotaureV, qui paraît en 1934, le premier chapitre de l’Amour fou se termine par une phrase qui deviendra célèbre par la suite : « La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante –fixe, magique- circonstancielle ou ne sera pas ». De ce langage, Álvarez Bravo est sans aucun doute très proche, par le langage des mots à travers les titres évoqués, un langage photographique qui, comme chez les Surréalistes, devient poétique. L’amour est lié aux mots comme à l’image de cette femme idéale ou idéalisée. Dans la Bonne réputation endormie de 1938-1939, André Breton ne reconnaît-t-il pas en l’art de l’artiste mexicain un photographe Surréaliste ? Car comme l’affirme Fernando Del PasoVI : La bonne renommée endormie" et le "fruit défendu" provoquent un décalage entre l'image photo et la réalité familière. L'évolution des titres, d'un rôle simplement descriptif à un rôle provocateur de dialogue, transformant la valeur documentaire de ses photos en réalité poétique, rappelle les concepts surréalistes de jeu linguistique et de métamorphose perpétuelle. L’attirance pour la poésie lui donne un lien avec le Surréalisme. Quant à l’érotique voilé, il est vrai qu’ Álvarez Bravo joue avec les textures des vêtements ou avec le linge, qui recouvrent certaines parties intimes de la femme. Dans ce jeu de transparence et de voilement, si révélateur de la beauté féminine, Álvarez Bravo ne semble pas s’éloigner beaucoup de l’image de l’amour surréaliste… Toutefois, dans cet univers poétique, certains Surréalistes prônent pour un érotisme violent, sous le signe de Sade. Gille cite bien sûr Hans Bellmer et sa célèbre poupée représentative de la femme artificielle, articulée. Cette bestialité sous jacente diffère évidemment avec l’art de Manuel Álvarez Bravo où toute violence visuelle, photographique est oblitérée. Dans l’ouvrage de Xavière GauthierVII, le chapitre concernant « la femme-nature : la bonne femme », il est vrai, concerne la peinture, mais pourtant, cette notion de « femme-enfant » pourrait s’attribuer aux images de ces jeunes filles portraiturées par Bravo. Photographiées dans leurs quotidiens à travers diverses activités, la jeune V Ibid. VI Citation extraite du texte de Fernando Del Paso, traduit par Enrique Hett : Manuel Álvarez Bravo : 330 photographies, Paris Octobre 1986. VII Xavière Gauthier, « Surréalisme et Sexualité », Chapitre II : « La femme-nature : la bonne femme ».
Réflexion sur la femme et le corps féminin. Préface fille a déjà une vie de femme. De plus, Gauthier affirme que les Surréalistes « voient en la femme leur propre mère et leur propre enfant », et une véritable sacralisation de la femme car elle incarne à la fois la naissance et la mort. La notion de vie et de mort est visible dans certaines œuvres du photographe comme nous le verrons plus tard. Cependant, l’artiste évoque une déesse de la mythologie pré-Hispanique, Xipe – Tópec, qui l’aurait marqué, à travers elle, il rejoindrait l’image de cette femme symbolisant la nature et le cycle de saison. Enfin, dans l’ouvrageVIII intitulé « la femme et le Surréalisme », José Pierre, dans son premier chapitre consacré à Breton, évoque une anecdote à son sujet. Ce dernier se rendant au MexiqueIX, qui définit, comme « l’endroit surréaliste par excellence », décrit son admiration et surtout son rapport de « séduction » avec une construction. Fasciné par cette dernière, il s’y rend une seconde fois : (...) La fascination qu'elle exerça à ce moment sur moi fut telle que je négligeai de m'enquérir de sa condition: qui pouvait-elle être, la fille ou la soeur d'un des êtres qui avaient hanté ces lieux au temps de leur splendeur ou de la race de ceux de l'invasion? N'importe: tant qu'elle fût là, je ne me souciai en rien de son origine, il me suffit simplement de rendre grâce de son existence .Ainsi est la beauté. Puis, José PierreX d’ajouter : Cette radieuse apparition n'a pas seulement le mérite de nous proposer une fulgurante image de la naissance du désir, mais de nous rappeler combien Breton s'est attaché à mettre en relation le processus de l'émotion amoureuse et celui de l'emotion artistique, au point de faire de cette relation l'un des fondements de sa réflexion théorique et critique Pourquoi ne pas voir également chez Alvarez Bravo cette relation amoureuse et artistique. Car, à travers ses paysages, ses personnages, photographiés n’a-t-il pas là un désir de faire partager ses sentiments personnels ? Son émotion face à son pays, ses coutumes et son peuple ? Cette préface est une brève interrogation pour permettre de situer l’œuvre d’Alvarez Bravo et surtout sa vision féminine, néanmoins, elle permet de faire le point sur la VIII La femme et le Surréalisme, tome I, de Erika Billeter et José Pierre, musée cantonal des beaux- arts, Lausanne, 1987. IX Ibid. « Souvenirs du Mexique » publiés en 1939 cités dans le texte de José Pierre : « Le problème de la femme dans le surréalisme ». X Ibidem.
Réflexion sur la femme et le corps féminin. Préface femme, son image, au fil des époques. A travers la pensée dadaïste et surréaliste, certains points pourraient rejoindre le photographe mexicain mais bien sûr nous resterons dans le domaine de la suggestion et de l’hypothèse.
La figure féminine dans l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo. Introduction INTRODUCTION Manuel Álvarez Bravo, originaire du Mexique, touche par sa sensibilité photographique. Une photographie nette, précise, légèrement floue sur certains contours. Il fut qualifié de peintre anti-graphique par l’historien d’Art, Ian JeffreyXI et Julien LévyXII, célèbre galeriste, c'est-à-dire que son œuvre se veut plutôt réaliste. Proche de ses origines, l’artiste en effet, dépeint son pays avec grâce mais surtout avec un attachement sans limite : scènes d’enterrement, cérémonies mortuaires, mais aussi scènes de vie ou de violence. L’œil du photographe scrute tout sans la moindre tricherie et en restant sincère : IL me semble que tout est photographiable, cela dépend de la façon dont on le voit. Tout a un contenu socialXIII. Proche de Cartier-Bresson, il se distingue par son art. Fernando Léal XIV fait d’ailleurs une remarque à ce sujet : Cartier Bresson interrompt la vie ; Álvarez anime les natures mortes ». Aucun effet, de la simplicité uniquement : « (...) Lorsqu'on prend une photo, on ne cherche pas à dire quelque chose de particulier ou à affirmer quoi que ce soit, mais simplement à créer une image qui, par la suite, transmettra peut-être un sens auquel on n'avait pas songé et qui dépend de l'interprétation du spectateur. Ni philosophie, ni idées. Ce sont mes yeux qui travaillent, pas ma tête. Je n'ai jamais suivi une route toute tracée. Je n'ai jamais cherché ou poursuivi quoi que ce soit, ce sont les choses qui me poursuivent....elles se présentent à moi, tout simplement. Ce qui s'offre à moi, je le prends. C'est ainsi que j'ai toujours vécu, et pas seulement dans le domaine de la photoXV. Le peuple est naturel ainsi que les paysages. Les coutumes, les croyances, les habitudes, on n’apprend tout grâce à l’objectif. XI Documentary and anti-graphic photographs, extrait du texte “Le choix du réalisme: Manuel Álvarez Bravo” de Ian Jeffrey,Historian of Photography. XII Idem XIII Citation extraite du livre Manuel Álvarez Bravo de Brigitte Ollier. XIV Citation extraite du livre Manuel Álvarez Bravo de Susan Kismaric. XV Citation extraite du livre, Images du XXème siècle, vingt photographes regardent leur temps, de Mark Edward Harris, chapitre consacré à Manuel Álvarez Bravo.
La figure féminine dans l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo. Introduction Si l’on regarde l’intégralité de son œuvre, la figure féminine occupe une place non pas dominante mais elle est une présence qu’on ne peut oublier. De la jeune fille à la femme, voire à la mère, toutes symbolisent une étape majeure de la vie mexicaine. Discrètes, elles apparaissent à la lumière du jour ou dans la pénombre. Légères ou court vêtues, elles sont à la fois humaines ou semblables à des fantômes. Difficile de savoir ce que recherche l’artiste à travers ces différentes postures. D’où cette problématique : Quelle iconographie de la femme, l’artiste veut-il donner à son spectateur ? Une image uniquement réaliste ou une image idéalisée ? Pour répondre à cette question, trois parties sont à envisager. Dans un premier temps, je m’attacherai au portrait de la femme Mexicaine traditionnelle à travers son mode de vie. Dans une troisième partie, j’insisterai sur une autre vision de la féminité mexicaine que donne à voir l’artiste à travers le rêve, la poésie et l’humour. Enfin, en dernier lieu, je parlerais de l’entrée du nu dans son art.
Première Partie : Portrait de la femme Mexicaine traditionnelle :a) Á travers les coutumes et les rites Première Partie Portrait de la femme mexicaine traditionnelle a) Á travers les coutumes et les rites Dans les années 1930, l’œil du photographe s’arrête sur les paysages, les scènes d’enterrement, les cérémonies et les habitants de son pays natal. Les femmes apparaissent dans la lumière claire ou dans un contre-jour crépusculaire. Immobiles ou actives, seules ou accompagnées, le spectateur face à elles, découvre un mode de vie, des coutumes traditionnelles et des rites. Peu d’informations sur ces images, elles se résument uniquement à l’observation. Car à travers elles, c’est la fascination d’un homme pour son pays qui se fait pressentir. Il n’y a pas de jeux de mots avec les titres, pas de touche d’humour. Álvarez Bravo, est « réaliste » pour reprendre les termes de Ian JeffreyXVI. La photographie, La Toussaint ou Día de los muertos (I.1) datant de 1933, ouvre la série des usages religieux. La jeune fille, avec sa croix et le crâne qu’elle tient dans sa main résume à elle seule, le titre et le jour célébré. En photographiant ce crâne décoré où est indiqué le mot « amor », le spectateur comprend que cette fête est chère au peuple mexicain. Naturelle, la demoiselle observe l’objectif, le cou légèrement décalé. Dans ce jeu d’ombre et de lumière, elle est sans prétention. On comprend que cette image est alors le témoignage du respect de l’artiste pour ce jour saint. Les images sont nombreuses mais certaines accrochent le regard plus que d’autres. Dans les années 1950, Álvarez Bravo semble toujours se promener avec son appareil. Non pas à la recherche de sensation forte ou de jeu d’image floue comme Henri Cartier-Bresson. Non, c’est plutôt un amoureux de l’objectif. Sans doute est-ce lors d’une ballade qu’il photographie cette Dame à genou à l’entrée de l’église (I.2) de 1950. Au centre d’un contraste saisissant entre la clarté de la lumière extérieure et l’obscurité de la lumière intérieure, une femme prie avec le même jeu d’opposition XVI Documentary and anti-gaphic photographs, texte de Ian Jeffrey, Historien d’Art : « Le choix du Réalisme : Manuel Alvarez Bravo ».
Première Partie : Portrait de la femme Mexicaine traditionnelle :b) Á travers son quotidien s’opérant sur ses vêtements. La solennité de la photographie est identique au geste de prière. Difficile de dire s’il s’agit d’une coutume, mais on peut très bien imaginer, cette femme venir dans ce lieu toujours à la même heure après avoir ramassé ses fleurs comme l’indique le panier à ses côtés. Plus tôt, l’artiste s’intéresse à Tehuantepec et son marché. A nouveau, les femmes captivent son attention. La photographie intitulée Retour du marché ou Fin de mercado (I.3), du début des années 20, les représentent portant sur leurs têtes des objets divers. Álvarez Bravo fixe cet instant tandis qu’elles marchent, ceci est visible en raison des volants de la jupe d’une des jeunes filles dont on devine le léger mouvement. D’ailleurs, l’élément principal de la photographie c’est elle, sous le soleil, la seule, à avoir découvert qu’elle était photographiée. Unique tache lumineuse tandis que les autres femmes s’apparentent à des ombres noires allant se confondre avec la ruelle vers laquelle elles se dirigent. Ces photographies, non mises en scènes, montrent la femme authentique, vivant pleinement les croyances de son pays. Le photographe explore avec le spectateur un mode de vie simple. Les images du quotidien, ne différent pas plus des autres. Mais, l’artiste rajoute l’art du portrait. b) Á travers son quotidien Le portrait en effet caractérise l’habitante de sa région, de sa famille. Les filles sont jeunes, photographiées près de leur maison. A la manière de Walker Evans et de ses photographies de fermiers, Manuel Álvarez Bravo les photographie en gros plan dans leurs vêtements habituels. Réalisme…Le visage de la belle brune Juare, Mademoiselle Juare ou Senorita Juare (I.4) de 1934, incarne la candeur des jeunes de son âge ; mais la dureté de son regard semble cacher quelques méfaits. Derrière elle, on devine sans doute son habitation. Le naturel de ce visage est le côté le plus frappant. On peut le comparer au visage indien de Margarita (I.5) (Margarita de Bonampak de 1959). Le photographe s’est rendu à Bonampak, il photographia son père, et leur manière de vivre. Mais c’est la jeune fille qui attire toute l’attention par ses cheveux aussi noirs que son regard où la pupille ne se distingue même plus. Semblable à l’autre portrait, elle ne sourit pas et exprime une maturité et un aplomb déconcertants. Mais ce gros plan, la fait ressembler à une déesse aztèque. La photographie devient documentaire avec ces différentes images. Elles deviennent des purs témoignages. La fille provinciale ou muchacha de provincia (I.6) du début
Première Partie : Portrait de la femme Mexicaine traditionnelle :b) Á travers son quotidien des années 1940, pieds nus dans la rue, incarne tout un pays. Défiant l’objectif en détournant son regard, la tristesse qui émerge de son être touche au plus profond de nous-mêmes. A nos yeux, elle devient sculpturale. Tout comme, l’œuvre Souvenir d’Atzompan ou Recuerdo de Atzompan (I.7), où la fillette s’apparente à une déesse grecque ou à une danseuse par sa posture légèrement cambrée. S’ajoute un souvenir d’Acapulco, évoqué par l’image d’une petite fille, Un pez que llaman Sierra (I.8) de 1944, fière d’avoir pêché un poisson. Les femmes plus âgées ont été cernées par l’appareil photographique. Une vieille femme vêtue de noir selon la tradition de son village, (I.9) (Mujer en Saquisili de 1984), se tient devant une porte de la même couleur. Son visage digne et marqué légèrement par le temps est d’une beauté magistrale. Les oppositions de noir et de blanc à nouveau soulignent son attitude et la mettent en valeur. Mais c’est la photographie d’une femme dans la rue, la tercera caída (I.10), qui frappe le plus l’esprit. Son visage dissimulé dans sa longue chevelure noire, détourne alors le regard vers le vêtement rayé qu’elle porte. Est-elle morte ou juste évanouie ? Que lui est-il arrivé ? Son corps recroquevillé est le seul élément qui donne du rythme à la photographie et qui confère à la rendre pathétique. Les femmes ou les jeunes femmes entre perçues sont prises simplement dans un quotidien qui leur est familier. Leur beauté attire le photographe qui n’use d’aucun artifice. C’est la franchise qui prime, le réalisme. Toutes ces photographies ont été prises par un homme amoureux de son peuple et de ses femmes. Le photographe se trouve dans tous les coins de rue, s’appropriant leurs styles de vie. Le blanc et le noir suffisent à rendre avec justesse un trait, un mouvement, une simple pause…Comme l’affirme Octavio PazXVII : « La réalité est plus réelle en blanc et noir ». Des rites et des coutumes à leur quotidien, ces femmes attestent leur appartenance au Mexique. XVII Citation d’Octavio Paz extraite de son poème Cara al Tiempo, du catalogue d’exposition, Manuel Álvarez Bravo, Ministerio del cultura, Madrid.
Deuxième Partie : Une autre vision de la femme Mexicaine :a) Á travers le rêve Deuxième Partie Une autre vision de la féminité mexicaine a) À travers le rêve Néanmoins, Le photographe perçoit autrement les femmes, il joue avec, ou, de leur image. Du coup, le rêve et la réalité se confondent et le spectateur peut laisser son esprit divaguer. Deux images suggèrent se sentiment d’onirisme car la lumière est plus présente que dans les autres photographies, elle fait partie à part entière de l’image photographique. Le songe ou El ensueño (II.11) de 1931, est l’une des iconographies emblématiques du photographe. Cette jeune fille accoudée en train de rêvasser, plonge aussi le regard du spectateur dans la méditation. Prise au vol d’un moment, d’une intimité. Álvarez BravoXVIII raconte avec plaisir l’anecdote de cette photographie, qui appartient à un souvenir de son enfance : (...)C'est dans cette maison que, plus tard, j'ai photographiée la jeune fille songeuse, El ensueno. J'étais en convalescence, plongé dans Crime et Châtiment quand je l'ai vue...Je me suis précipité pour aller chercher mon appareil photo... De par sa composition, la photographie relève de l’art. Les couleurs comme le gris crémeux, le noir enveloppent le personnage et confèrent à créer l’illusion d’un rêve. Le photographe et son sujet sont séparés physiquement par la rampe du balcon supérieur qui est devenu l’élément du premier plan qui retient la jeune fille rêveuse. La verticalité des barres répond à la posture de la jeune fille et de la porte derrière elle. Elle se tient sur son pied droit maladroitement qui montre qu’elle est insouciante. Quant à sa main appuyée sur son visage, elle démontre qu’elle est plongée dans ses pensées. La jeunesse du personnage s’oppose à la rudesse du bâtiment. Des effets de lumière sont opérés par le photographe, comme sur les vitres dont le reflet assez flou évoque le songe et donne de la transparence à l’image. La partie de l’épaule XVIII Citation extraite de l’ouvrage Manuel Álvarez Bravo de Brigitte Ollier, texte du même auteur intitulé : « Les fruits de la passion selon Manuel Álvarez Bravo ».
Deuxième Partie : Une autre vision de la femme Mexicaine :a) Á travers le rêve légèrement éclairée donne une touche de poésie et de quiétude à cet instant solennel. Cette photographie pourrait s’apparenter à une œuvre peinte. Ian JeffreyXIX affirme d’ailleurs que la période des années 1930 qu’ Álvarez Bravo opte pour le style « Gustave Courbet ». Mais c’est la phrase de l’artiste qui définit le mieux son œuvre : Si vous voulez voir l'invisible, observez attentivement le visibleXX. Une nouvelle image de la femme se détache, elle est impénétrable. Le portrait de l’éternel ou el retrato de lo eterno (II.12) de 1935, semblable au songe, plonge le spectateur dans un autre monde. La longue chevelure de la jeune femme aussi sombre que la pièce, est éclairée légèrement par une lumière extérieure. Ses vêtements sont mis en valeur uniquement par cette luminosité ainsi qu’une partie de son visage. Une plénitude est ressentie. L’atmosphère est comme surnaturelle, sans doute parce que l’image est trop parfaite, trop belle. Elle ressemble à une « madone indigène »XXI pour reprendre les mots de Armanda Hopkinson et Muriel Caron. Elle suscite l’interrogation par son miroir, qui réfléchit, une autre image. Que regarde-t- elle exactement ? Dans ce jeu de réflexions, l’imagination peut vagabonder à sa guise. Le songe et cette photographie suscitent des interrogations sujettes à nos rêves. Álvarez Bravo, par l’intermédiaire de ces photographies, permet d’entrevoir l’image féminine au-delà d’une vision réaliste comme l’on a pu le constater au premier chapitre. Est-elle idéalisée dans ces deux représentations ? On s’interroge … XIX Documentary and anti-graphic photographs, extrait du texte de Ian Jeffrey: “Le choix du Réalisme : Manuel Álvarez Bravo ». XX Citation extraite de l’ouvrage de Hopkinson (Amanda), Caron (Muriel), Manuel Álvarez Bravo, Phaidon, Paris, 2002. XXI Idem.
Deuxième Partie : Une autre vision de la femme Mexicaine. b) Á travers la poésie b) À travers la poésie Diego RiveraXXII parle de « photo-poésie » pour qualifier l’œuvre du photographe. Il ajouteXXIII que l’ « appareil photo reproduit une valeur exacte du rêve». Ces deux citations pourraient aussi se rapporter aux deux photographies précédentes. Il n’est pas chose facile de départager les notions de rêve et de poésie dans l’œuvre du photographe. Cependant, la fille des danseurs ou la hija de los danzantes (II.13) de 1933, peut être perçue comme une image poétique ne serait-ce par la douceur et la légèreté avec laquelle , la jeune fille prend la pause. De toute la composition, émane une certaine poésie. L’artiste a joué avec les carreaux obliques et la jeune fille qui se tient à la verticale. Le noir et le blanc, dans un duel, s’opposent l’un à l’autre sur certains motifs : le chapeau, le hublot et le trou noir, la frise et la robe de la jeune fille. Cette pureté infantile est similaire aux jeunes portraits des habitantes. L’appui sur le pied gauche suggère la grâce et la volupté de l’adolescence et de la danseuse. Mais, il se cache autre chose derrière cette image. Le mur contre lequel elle s’appuie rappelle un temple ancien. Elle incarne ainsi la modernité allant à la recherche de ses racines. Sa main dans le trou béant évoquerait ce besoin de retour aux sources. Elle est donc le symbole du Mexique moderne et d’autrefois. Le photographe aime associer l’image féminine à son pays, car comme la déesse Xipe, elle est attachée à sa terre. Dans la femme, il y voit l’image même de la sagesse. Tout comme les images précédentes, la fillette regarde quelque chose et le spectateur la regarde. Le comportement de la femme est similaire à celui du photographe, elle utilise le même procédé que l’appareil photographique, c’est-à-dire qu’elle observe le monde qu’elle entoure. L’artiste joue sur des effets de miroirs, une image dans une image. L’élément féminin est l’un des seuls avec lequel il se permet ce jeu, grâce à lui sont perçues la réalité photographique et la réalité d’une civilisation. Luis CardozaXXIV et Aragon, affirment dans leur texte, que le pouvoir expressif des photographies d’Alvarez Bravo « se concrétisent dans les ombres » et qu’il se dégage un « pouvoir de la lumière ». Il y a d’après eux, « une libération de l’image à travers les cages de la lumière ». Leurs remarques suffisent à résumer toutes les photographies évoquées ainsi que celle de la Maternité ou Maternidad (II.14) de XXII Texte de Diego Rivera, extrait du catalogue de la troisième exposition de la Société d’Art Moderne, cité dans le catalogue d’exposition Manuel Álvarez Bravo, Ministerio del cultura, Madrid. XXIII Idem. XXIV Texte de Luis Cardoza et Aragon, extrait du catalogue de la galerie des expositions du Palais des Beaux Arts, Ville de Mexico, 1935, extrait du catalogue ibid, Ministerio del cultura, Madrid.
Deuxième Partie : Une autre vision de la femme Mexicaine. c) Á travers l’humour 1948. La jeune mère est photographiée dans l’ombre et l’obscurité. Avec une posture solennelle et sa coiffure des anciens temps, elle ressemble à une madone. Sa taille menue, laisse présager le signe d’une naissance à venir. Elle aussi ressemble à une statue ou à une déesse mythologique. La figure de Xipe est aussi évoquée car, comme elle, elle va devenir une mère nourricière qui va engendrer. Tout est poétique dans cette image, de la posture à la clarté qui émane de chaque recoin de la photographie. Le spectateur partage ce moment silencieux, comme lorsqu’il partageait celui de la jeune fille en train de rêver. Xavier VillaurrutiaXXV dira : Il capte images nées sur le moment. Il fait durer l’instant,il réussit à ce que les doigts de nos yeux palpent le mystère qui se dégage plusieurs fois d’un objet ou qui se loge en un être ou dans les ombres d’un être ou d’un objet, telles sont les opérations poétiques que réalisent Manuel Alvarez Bravo. Tout est à imaginer de ces images poétiques ou sorties d’un rêve. Comme par enchantement, la femme s’apparente à une force divine, mais qui est pourtant réelle. Que voit-elle ? Qui est-elle vraiment ? Elle nous montre le passage des civilisations, son innocence…Elle joue avec les reflets des miroirs pour opérer à la manière de la photographie : s’ouvrir sur le monde. Son image oscille sans cesse entre mythe et réalité, ce qui explique le choix de l’artiste de se tourner vers l’humour avec la photographie de mannequins où la femme et son image sont détournées au plus haut point. c) Á travers l’humour En effet, les femmes prennent l’apparence de Mannequins rieurs ou Maniquis riendo (1930) (II.15). Cette image est surprenante par son originalité. Bien sûr l’esprit Walker Evans rôde toujours, ce dernier avait pris des photographies d’affiches. Cependant, dans cette image, il y a un point plus sympathique, une touche pétillante qui relève de l’humour. Ces femmes, vêtues de la sorte, semblent être réelles et l’on oublie complètement qu’on a affaire à des visages en carton pâte. Susan KismaricXXVI affirmera d’ailleurs : (…) Chez les mannequins, c’est le découpage des femmes en carton qui est vivant et les magasiniers qui n’ont aucune vitalité. XXV Citation du texte de Xaviet Villaurrutia, extrait ibid., Ministerio del Cultura. XXVI Citation de Susan Kismaric extraite de son ouvrage Manuel Álvarez Bravo, New York.
Deuxième Partie : Une autre vision de la femme Mexicaine. c) Á travers l’humour D’un objet sans intérêt, en magicien, Manuel Álvarez Bravo le ranime par son appareil photographique. La femme, comme tous les jeux qu’a établi l’auteur (comme l’image d’un cheval au galop photographié sur un mur), peut être perçue comme un objet fantasque, duquel on peut rire mais sans perversité. Un objet de dupe. Nathalie MeyerXXVII donne son opinion à leurs propos : Ces mannequins très souriants regardent le spectateur et le font tomber dans un drôle de piège, lui donnant au premier abord l’impression qu’ils existent. Elle ajouteraXXVIII que le photographe veut créer un « effet de surprise ». Et c’est réussi car l’œil ne se détache pas des jeunes femmes. Par ce jeu de trompe-l’œil, si l’on peut dire, on s’amuse à croire qu’elles nous sourient. Par cette photographie, la femme est perçue pour une fois d’un point de vue comique. Elle nargue son regardeur. Dans ce second chapitre, la féminité mexicaine s’est métamorphosée à travers un appareil photographique qui utilise la lumière pour la dynamiser, voire la sublimée. Il y a aussi tout un côté mystique autour de la femme. Nissan PerezXXIX, au sujet du rêve, dit que dans les cultures anciennes, il est un moyen communicatif avec les dieux et qu’il peut prédire le futur. Mais il y a également un côté plus néfaste où il est effrayant et rendrait vulnérable la personne. La femme, possède en elle ces deux facettes, que le photographe ne cesse d’explorer. Entre la poésie et le rêve, la limite est floue. Toutefois, à travers ces différentes visions de la femme, il semble que c’est à nouveau le spectateur qui choisit la sienne, par l’apport de jeux photographiques, utilisés sans cesse par Manuel Álvarez Bravo. Puis, d’un coup, il va dénuder les jeunes femmes, les épier ou les plonger à nouveau dans de drôles de songeries. XXVII Citation extraite de New York, 1935 : une rencontre photographique exceptionnelle, octobre 2004 par Nathalie Meyer (source internet). XXVIII Id. XXIX Citation extraite du catalogue d’exposition : Dreams--visions--metaphors: the photographs of Manuel Alvarez Bravo,Israel Museum, Jerusalem, 1983.
Troisième Partie : L’entrée du nu dans l’œuvre d’Álvarez Bravo: a) Le nu magnifié Troisième Partie L’entrée du nu dans l’œuvre d’Álvarez Bravo a) Le nu magnifié C’est dans les années 1938-1939 que le nu fit son apparition dans l’œuvre d’Álvarez Bravo et on le retrouvera dans les années 1970-1980, en noir et blanc ou coloré. Les poses arborées par les jeunes femmes sont le plus souvent théâtralisées. Des endroits insolites sont scénarisés par l’appareil photographique. L’image de la femme évolue vers un souci du corps et de la forme. Elle est sublime et sublimée. La lumière a toujours son importance mais c’est l’être en tant que tel qui capte une attention vive. On s’éloigne du réalisme ou de l’anti-graphic, pour se diriger vers l’esthétisant. La femme, est traitée à la manière des statues c’est-à-dire que le photographe sculpte avec son objectif, son corps aux formes parfaites. Miroir noir ou Espejo negro (III.16) de 1947, illustre ce propos. En pleine lumière, une jeune femme d’origine Africaine est assise contre un mur, par terre. Les rayons lumineux dessinent comme un pinceau, la courbe de ses hanches, de ses bras, d’un de ses seins et de son visage. Sa peau tamisée donne de magnifiques reflets, sans doute, est-ce pour cela que le photographe utilise le terme de « miroir ». Teresa del CondeXXX, regroupe cette oeuvre avec l’étoffe noireXXXI de 1936. Elle affirme que « ce sont des nus qui projettent toujours une harmonie de proportion qui est dans l’esprit et le regard de l’artiste et non dans les corps eux-mêmes ». Pourtant, Álvarez BravoXXXII, dans cette série, oblige à admirer ce corps parfait. Il est vrai, que l’artiste rejoint l’idée de Teresa del Conde : Nous laissons les belles femmes aux hommes sans imagination….Dans la vie elles vont accumuler une montagne d’expériences, il y a des gens beaux intérieurement et on le perçoit sans que le visage se rend compte de cette beauté. (…) Le corps projette la beauté intérieure que l’on perçoit, cela se voit à travers les mouvements, de flexions et les détours. XXX Citation extraite du texte de Teresa del Conde : « Manuel Álvarez Bravo : lo que sucede en el tiempo ». XXXI Œuvre en couverture. XXXII Idem.
Troisième Partie : L’entrée du nu dans l’œuvre d’Álvarez Bravo: b) Entre Eros et Thanatos Ainsi, à travers la stature de cette femme noire, c’est son âme intérieure que découvrirait le regardeur. Elle prend l’apparence d’une déesse à vénérer…La verrière ou Gorrión, claro (III.17) de 1939 incarne l’art de la mise en scène. La position de la jeune fille endormie verticalement, vêtue d’un drap noir est en contradiction avec les bandes blanches verticales et décalées de la verrière. Le photographe, placé en haut, permet un effet d’optique saisissant. La jeune femme semble voler au milieu des cactus, qui sont situés à l’arrière plan. Ainsi, le spectateur a l’impression qu’elle rêve. A nouveau, le corps nu est l’élément clé de cette image. Au milieu du jeu des bandes blanches qui courent sur la vitre, comme dans l’art grec, il oriente le regard, en particulier par le mouvement du bras. Álvarez Bravo magnifie le nu par de multiples jeux d’éclairage ou d’objets. Son coup d’œil original, sublime les formes corporelles. L’appareil photographique, de bas en haut, esquisse les parties intimes d’un corps féminin au repos. Loin des portraits de la femme mexicaine traditionnelle, le photographe présente de l’art. L’art du nu qui s’appuie sur une optique esthétique et scénique. b) Entre Eros et Thanatos La femme est la réincarnation du plaisir et étrangement chez Álvarez Bravo de la mort. Chez elle, il y a toujours une fragilité perceptible. Nissan PerezXXXIII, dit que « Le modèle nu est relié à l’écorchement ou à un changement de peau, une métamorphose d’un être à un autre ». Pour les dernières œuvres étudiées, sans doute est-ce possible. Mais dans les œuvres, Tentations dans la maison d’Antonio ou Tentaciones en casa de Antonio (III.18) de 1970, et, Fruit défendu ou Fruta prohibida (III.19) de 1976 les titres sont évocateurs. Le photographe s’amuse avec ces images. Le spectateur devient intrus et pénètre dans la maison d’Antonio ou goûte au fruit défendu. Les corps sont mis en scène toujours. Derrière les draps blancs se cache cette femme (la femme d’Antonio ?) où sa tête est dissimulée. Le regardeur aurait envie de soulever le drap, il est tenté par cette scénaristique. Le jeu de cache-cache se poursuit, il y a une forte sensualité dans ces images, notamment lorsque la femme dévoile sa poitrine, fruit de tous les désirs et du danger. Le XXXIII Id.
Troisième Partie : L’entrée du nu dans l’œuvre d’Álvarez Bravo: b) Entre Eros et Thanatos regardeur est complice du photographe, il savoure ces images attractives en voyeur charmé. Teresa del CondeXXXIV affirme d’ailleurs une chose intéressante : Les titres dépouillés sont « des signaux incendiaires » comme dirait Octavio Paz Elle attribue ces femmes à des Vénus, elles qui sont tellement proche de l’Antiquité par la position de leurs corps nu. Prises dans des contrastes forts d’ombres et de lumière, elles offrent la vision du désir. Mais, le spectre de la mort (thanatos) erre dans la photographie de la bonne renommée endormie ou la buena fama durmiendo (III.20) de 1938-1939. Il demande à un jeune modèle Alicia de prendre la pause. Les Surréalistes furent frappés par l’alliance de l’érotisme et du corps sans vie de la jeune fille. En effet, l’érotisme est mis en avant par l’exposition du pubis que laisse entrevoir les jambes croisées et entrouvertes. Derrière cette image se cache cependant toute une symbolique. Le cactus, élément épineux prévient du danger de sommeil et protège également des intrus qui pourraient profiter de la belle… Les pansements sont une allusion à la promenade insouciante de la rêveuse dans son imaginaire mais ils soulignent également qu’il faut panser les plaies. Le photographe affirme que l’idée de cette image lui est venue e voyant la façon dont les danseurs de la compagnie Anna Sokolow bandaient leurs pieds durant les répétitions. A sa manière, il voit ce mélange de pulsion de vie et de pulsion de mort par le biais de cette image. La femme a une double signification ce qui prouve que l’artiste la considère comme un être perplexe. Tantôt sensible, tantôt tentatrice ou simplement modèle grec, elle est un personnage pertubarteur photographique avec lequel aime s’amuser l’artiste. Désir, perdition, mort, mots caractérisés par une lumière qui englobe ces corps immobiles et les divinise, ainsi que par une ombre, qui les plonge dans les chimères les plus lointaines. La nudité féminine dans l’œuvre d’ Álvarez Bravo se poursuit quelques années plus tard avec la couleur. Les corps sont alors ancrés dans une réalité plus omniprésente, plus « anti-graphic ». XXXIV Id.
La figure féminine dans l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo. Conclusion CONCLUSION Cette étude a permis de parcourir un univers cher à un artiste, attaché à ses racines. La figure féminine, par diverses iconographies, se dévoile à un spectateur désireux de la percer à jour, car, elle symbolise un pays, un quotidien, un état d’âme ou un sentiment impulsif. Être protéiforme dans toute l’œuvre de Manuel Álvarez Bravo, elle est indiscernable, comme intouchable. L’artiste est réputé pour réaliser des photographies dont il n’a pas forcément la signification. Est-ce utile alors de répondre à la problématique ? Ces images s’interprètent comme chacun les perçoit. Le but du photographe a toujours été le voyage d’une certaine manière. C'est-à-dire transporter son regardeur vers un ailleurs, une terre inconnue. La femme personnifie cette évasion. D’elle, il faut retenir un protagoniste ancré dans ses coutumes, un être pur et poétique, une déesse utopiste. Puis, voilà qu’elle subit le traitement de la couleur, encore une nouvelle destinée…
INDEX
Index Liste des Oeuvres Liste des Œuvres Chapitre I photo (I.1) : La Toussaint ou Día de los muertos, 33,2x25,3 cm, Collection Manuel Álvarez Bravo Martinez ,1933. p.10 Chapitre I photo (I.2) : Dame à genou à l’entrée de l’église ou Mujer hincada en la puerta de una iglesia, 21,4x17,1cm, Familia Álvarez Bravo y Urbajtel,1950. p.10 Chapitre I photo (I.3): Retour du marché ou Fin de mercado,Tehuantepec,Oaxaca, 19,2x23,8cm, Familia Álvarez Bravo y Urbajtel, fin des années 1920. p.10 Chapitre I photo (I.4) : Mademoiselle Juare ou Senorita Juare,1934. p.11 Chapitre I photo (I.5): Margarita de Bonampak, Bonampak, Chiapas,1959. p.11 Chapitre I photo (I.6): La fille provinciale ou Muchacha de provincia, 24,6x19,5cm, Familia Álvarez Bravo y Urbajtel,1940. p.12 Chapitre I photo (I.7): Souvenir d’Atzompan ou Recuerdo de Atzompan, 18x24,4cm, Collection Andrew Smith and Claire Lozier, Santa Fe,1943. p.12 Chapitre I photo (I.8): Un poisson nommé Sierra ou Un pez que llaman Sierra, Acapulco, Guerrero,1944. p.12 Chapitre I photo (I.9): Femme de Saquisili ou Mujer en Saquisili,1984. p.12 Chapitre I photo (I.10): La troisième chute ou La tercera caída,16,7x23,7cm,George Eastman House, Rochester, New York. Gift of Minor White,1934. p.12 Chapitre II photo (II.11) : Le songe ou El ensueño, Federal District,1931. p.13 Chapitre II photo (II.12): Portrait de l’éternel ou Retrato de lo eterno, Federal district, 1935. p.14 Chapitre II photo (II.13): La fille des danseurs ou La hija de los danzantes Cholula, Puebla, 1933. p.15 Chapitre II photo (II.14) : Maternité ou Maternidad,Federal District, 1948. p.16 Chapitre II photo (II.15): Mannequins rieurs ou Maniquis riendo, Federal District, 1930. p.16
Index Liste des Oeuvres Chapitre III photo (III.16) : Miroir noir ou Espejo negro, 1947. p.18 Chapitre III photo (III.17) : Verrière ou Gorrión , claro, Federal District, 1939. p.19 Chapitre III photo (III.18): Tentations dans la maison d’Antonio ou Tentaciones en casa de Antonio, 24x18,7 cm, Courtesy The Witkin Gallery, Inc., New York , 1970. p.19 Chapitre III photo (III.19): Fruit défendu ou Fruta prohibida, 18, 1 x 24 cm, Courtesy The Witkin Gallery, Inc., New York, 1976. p.19 Chapitre III photo (III.20): La bonne renommée endormie ou La buena fama, durmiendo, Federal District,1938-1939. p.20
PHOTOGRAPHIES
Manuel Álvarez Bravo Première Partie : Portrait de la femme Mexicaine traditionnelle Manuel Álvarez Bravo (I.1) La Toussaint (I.2) Dame à genou à l’entrée ou Día de los muertos de l’église ou Mujer hincada en la 1933 puerta de una iglesia 1950 (I. 3) Retour du marché (I.4) Mademoiselle Juare ou Fin de mercado ou Señorita Juare 1920 1934 (I.5) Margarita de Bonampak (I.6) La fille de province 1959 ou Muchacha de provincia 1940
Manuel Álvarez Bravo Première Partie : Portrait de la femme Mexicaine traditionnelle (I.7) Souvenir d’Atzompan (I.8) Un poisson nommé Sierra ou Recuerdo de Atzompan ou Un pez que llaman Sierra 1943 1944 (I.9) La femme de Saquisili (I.10) La troisième chute ou Mujer en Saquisili ou La tercera caída 1984 1934
Manuel Álvarez Bravo Deuxième Partie : Une autre vision de la féminité mexicaine (II.11) Le songe (II.12) Portrait de l’éternel ou El ensueño ou Retrato de lo eterno 1931 1935 (II.13) La fille des danseurs (II.14) Maternité ou La hija de los danzantes ou Maternidad 1933 1948 (II.15)Mannequins rieurs ou Maniquis riendo 1930
Manuel Álvarez Bravo Troisième Partie : L’entrée du nu dans l’œuvre d’Álvarez Bravo (III.16) Miroir noir (III.17) Verrière ou Espejo negro ou Gorrión, claro 1947 1939 (III.18)Tentations dans la (III.19) Fruit défendu maison d’Antonio ou Fruita prohibida ou Tentaciones en casa 1976 de Antonio, 1970 (III.20) La bonne renommée endormie ou La buena fama durmiendo 1938-1939
ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Orientations Bibliographiques ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES Ouvrage Général Harris (Mark Edward), Images du XXe siècle : vingt photographes regardent leur temps, Abbeville, Paris, 1998. Ouvrage sur la photographie Pultz (John), de Mondenard (Anne), Le corps photographié, Flamma- rion, Paris, 1995. Le nu photographié, 6 juillet-24 septembre 2000, galerie d’art du Conseil Général des Bouches-du-Rhône, Aix-en-Provence, 2000. Ouvrages sur le Surréalisme Gauthier (Xavière), Surréalisme et sexualité, Gallimard, Paris, 1971. Billeter (Erika), Pierre (José), La femme et le Surréalisme, tome I et II, musée cantonal des beaux-arts, Lausanne, 1987. Pavillon des arts Paris, Le Surréalisme et l'amour, Paris- Musées: Gallimard-Electa, Paris, 1997. Sources internet Bernardi (Françoise), La lettre mensuelle, mai 2001. Meyer (Nathalie), New York, 1935 : une rencontre photographique exceptionnelle, octobre 2004. Ouvrages sur Manuel Álvarez Bravo Manuel Álvarez Bravo, 330 photographies, 1920-1986 : Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, 8 octobre-10 décembre 1986 / exposition organisée par Paris-Audiovisuel et la Direction des affaires culturelles de la Ville de Paris, Paris Musées: Paris Audiovisuel,Paris,1986. Millot-Durrenberger (Madeleine), Henry (Jean-Philippe), Álvarez Bravo (Manuel), Catany, Toni, De la femme : VI-VIII, La déclaration, 1994.
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