La forêt et l'eau potable - Une étude bibliographique Christoph Hegg Michel Jeisy Peter Waldner - DORA 4RI

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La forêt et l’eau potable
Une étude bibliographique

Christoph Hegg
Michel Jeisy
Peter Waldner

Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage, WSL
La forêt et l’eau potable
Une étude bibliographique

Christoph Hegg
Michel Jeisy
Peter Waldner

Editeur
Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le
paysage, WSL, Birmensdorf, 2006
Responsable de l’édition: J. Roost, Directeur WSL a. i.

La présente publication est le résultat d’une étude bibliographique réalisée par le WSL et largement financée
par l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage.

Auteurs:
Institut fédéral de recherches WSL, Zürcherstrasse 111, CH-8903 Birmensdorf:
Christoph Hegg,
Michel Jeisy,
Peter Waldner

Groupe de révision:
Institut fédéral de recherches WSL, Zürcherstrasse 111, CH-8903 Birmensdorf:
Christoph Hegg,
Alois Kempf,
Patrick Schleppi,
Melissa Swartz
Institut fédéral de recherches WSL, Antenne romande, case postale 96, CH-1015 Lausanne:
Jean Combe,
Walter Rosselli

Groupe d’encadrement:
Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage, CH-3003 Berne:
Daniel Hartmann,
Christian Küchli (conduite),
Benjamin Meylan,
Hans Peter Schaffner,
Claire-Lise Suter,
Richard Volz

Beat Jordi, journaliste indépendant, Dählenweg 7, Postfach 7065, CH-2500 Bienne 7

Maquette:
Institut fédéral de recherches WSL, Zürcherstrasse 111, CH-8903 Birmensdorf:
Margrit Wiederkehr

Traduction:
Monique Dousse, Kirchmattweg 10, 6312 Steinhausen

Référence documentaire:
Hegg, C.; Jeisy, M.; Waldner, P., 2006:
La forêt et l’eau potable. Une étude bibliographique.
Birmensdorf, Institut fédéral de recherches WSL, 60 pages

Publiée aussi en allemand: http://www.wsl.ch/lm/publications/books/04_wald_trinkwasser.ehtml (pdf)

ISBN 3-905621-26-6

Diffusion:
Bibliothèque WSL
Zürcherstrasse 111
CH-8903 Birmensdorf
Fax: (+41) (0)44 739 22 15
Courriel: publikationenvertrieb@wsl.ch

Prix: CHF 20.–

© Institut fédéral de recherches WSL, 2006
Hegg C. et al. 2006                                                                              3

Abstract
Forests and drinking water – a literature review
As a base for political decisions a literature research on the influence of forests on the quali-
ty of drinking water was carried out. In Switzerland groundwater infiltrating through forests
normally is of high quality for two reasons. Because of legal restrictions in forested areas lit-
tle activities take place that have a negative impact on water quality (passive influence of the
forest). Forests in general and especially forest soils alter or absorb chemical and biological
pollutants (active influence of the forest). In most cases the passive influence is more impor-
tant.
    The capability of forests to absorb pollutants is limited. Therefore negative influence of
continuing Nitrogen input by aerial pollution on drinking water quality has to be expected. A
quantification of this effect is not possible because the capability of a forest to absorb or alter
pollutants depends on many factors. E.g. soils below beech trees absorb and alter more pollu-
tants that soils below spruce.
    Forest management can have a positive long term influence on the active influence of
forests on the water quality through altering the species of a forest and thus initiating a
change in soil properties.
    Forest management may have a negative short term influence on water quality through
harvesting. Clear cutting breaks open the nutrient cycle of the forest ecosystem on a large
area and results in an important nutrient pulse to the ground water.

Keywords
Water quality, drinking water, forest influence, literature review
Hegg C. et al. 2006                                                                              5

Avant-propos
«La forêt est garante d’une eau potable de qualité». Jusqu’à présent, cette considération était
partagée sans réserve ou presque en Suisse. Il est vrai qu’aujourd’hui, l’eau provenant des
zones de protection des eaux souterraines en forêt est en général une eau potable de haute
qualité et utilisable sans devoir être traitée. Mais les atteintes actuelles portées à l’environne-
ment (notamment la pollution de l’air) ainsi que les modifications des bases légales en cours
risquent d’influencer fondamentalement ces prestations fournies par la forêt. En vue de dis-
poser de bases scientifiques solidement fondées, l’OFEFP a mandaté le WSL pour élaborer la
présente étude bibliographique.

Aux côtés des auteurs, de nombreuses personnes ont contribué à la réalisation de ce travail.
Nous les remercions de leur collaboration franche et constructive.
– Jean Combe, Alois Kempf, Walter Rosselli, Patrick Schleppi et Melissa Swartz, membres
  du groupe de révision au WSL, ont apporté un appui déterminant dans la mise au point
  technique de cette étude;
– le groupe d’encadrement de l’OFEFP, dirigé par Christian Küchli et constitué de Daniel
  Hartmann, Beat Jordi, Benjamin Meylan, Hans Peter Schaffner, Claire-Lise Suter et
  Richard Volz, a formulé les objectifs de l’étude et accompagné les travaux d’ordre techni-
  que et politique;
– la bibliothèque du WSL nous a procuré de multiples publications parues sur ce thème en
  Suisse et à l’étranger – une base indispensable à la réalisation de ce travail;
– Michel Jeisy a assumé la mise en page du rapport avec l’aide efficace de Sandra Gurzeler.

Nous remercions tout particulièrement aussi la Direction fédérale des forêts, à l’Office fédé-
ral de l’environnement, des forêts et du paysage, pour son aide financière substantielle sans
laquelle ce projet n’aurait pu être réalisé.

Birmensdorf et Berne, le 7 novembre 2005

Christoph Hegg et Christian Küchli
Hegg C. et al. 2006                                                                           7

Table des matières
Abstract                                                                                      3

Avant-propos                                                                                  5

1      Introduction                                                                           9

2      Méthodique                                                                             9
       2.1 Description des méthodes de recherche                                              9

3      Description de la bibliographie                                                       10

4      Discussion à propos des questions clés                                                12
       4.1 Littérature portant sur les thèmes traités                                        12
       4.2 Etat de la recherche sur les questions émanant de la pratique                     13
           4.2.1 Modèle du système «forêt, eau et qualité de l’eau»                          14
           4.2.2 Evaluation de l’applicabilité                                               18
           4.2.3 Question A: Dans quelle mesure la forêt, la composition des                 19
                  essences et la gestion forestière influencent-elles la qualité de l’eau?
           4.2.4 Question B: Quelles conséquences les dégâts dus aux tempêtes                22
                  ont-ils sur la qualité de l’eau potable en forêt?
           4.2.5 Question C: Quel type de gestion forestière favorise au mieux la            23
                  qualité de l’eau potable?
           4.2.6 Question D: Quels sont les modèles de calcul et d’indemnisation             27
                  existants et lesquels ont-ils fait leurs preuves?
           4.2.7 Question E: Que se passe-t-il sur le parcours d’infiltration?               28

5      Conclusions                                                                           29

Annexe 1: Liste des personnes                                                                31

Annexe 2: Sites d’étude                                                                      32

Annexe 3: Bibliographie                                                                      33
Hegg C. et al. 2006                                                                           9

1         Introduction
La Direction fédérale des forêts a la tâche légale de garantir que les forêts puissent remplir
entièrement leurs fonctions. Les bases de décisions en la matière résident entre autres dans
les connaissances scientifiques concernant la gestion forestière et l’effet que les forêts exer-
cent sur la qualité de l’eau potable. Les recherches menées à ce propos sont encore peu nom-
breuses en Suisse, contrairement à certains pays voisins.
    L’OFEFP a donc mandaté le WSL pour rechercher dans la littérature les études sur la forêt
et l’eau potable et en sélectionner les résultats plausibles et politiquement crédibles au sujet
des effets qu’exerce la forêt sur la qualité de l’eau potable en Suisse.
    L’objectif de cette étude est de donner aux acteurs de la pratique une réponse aux cinq
questions suivantes:
A Dans quelle mesure la forêt, la composition des essences et la gestion forestière influen-
    cent-elles la qualité de l’eau?
B Quelles conséquences les dégâts dus aux tempêtes ont-ils sur la qualité de l’eau potable en
    forêt?
C Quel type de gestion forestière favorise au mieux la qualité de l’eau potable?
D Quels sont les modèles de calcul et de d’indemnisation existants et lesquels ont-ils fait
    leurs preuves?
E Que se passe-t-il sur le parcours d’infiltration?

Pour répondre à ces questions, un grand nombre d’articles sur la forêt et l’eau potable ont été
extraits de revues scientifiques du monde entier et de publications européennes axées sur
l’applicabilité. En outre, la possibilité de reporter les principales considérations émises aux
conditions régnant en Suisse a été examinée. Les divergences entre les questions et les résul-
tats applicables en Suisse permettent d’en déduire les domaines nécessitant la poursuite de
recherches scientifiques.

2         Méthodique
2.1       Description des méthodes de recherche
Pour obtenir une liste la plus complète possible de la littérature existant sur le thème «forêt
et eau potable», des bases de données bibliographiques ont été recherchées dans Internet et
des experts ont été sélectionnés et directement contactés (voir liste des personnes dans l’an-
nexe 1).
   Les premiers éléments ayant alimenté cette recherche bibliographique sont les suivants:
divers articles publiés dans la revue «Environnement suisse» et dans le périodique «Wald und
Holz» par MEYLAN (2003, 2001), KÜCHLI et MEYLAN (2002), HARTMANN et al. (2003) et JORDI
(2001, 2003); les Actes de la Journée thématique «eau et bois» du WSL (COMBE et ROSSELLI
2002); les communiqués et notes de synthèse (KESSLER 2003a, 2003b) sur la Journée de la
forêt qui s’est tenue à l’occasion de l’année internationale de l’eau, lancée par l’ONU; et les
résultats de la recherche menée sur ce thème au WSL. A l’aide de ces informations et des
idées résultant d’un remue-méninges complémentaire, une liste de mots-clés a été dressée.
C’est ainsi que les bases de données, revues, séries et références recueillies dans Internet
furent recherchées en juin 2003 (voir tabl. 1).
10                                                                                 La forêt et l’eau potable

Tableau 1: Liste des bases de données, revues, séries et moteurs de recherche d’Internet.

                                                                 Epoque de la recherche

Bases de données et séries
Web of Science                                                   23 juin 2003
Web of Knowledge                                                 fin juin 2003
BIOSIS                                                           fin juin 2003
CAB Abstracts                                                    fin juin 2003
ULIT, bases de données sur l’environnement                       juin 2003
Bibliothèque de Nancy – ENGREF                                   juin 2003
Bibliographia scientiae naturalis helvetica BSNH                 juin 2003
ELFIS                                                            juin 2003
NEBIS                                                            juin 2003
OFEFP, Division protection des eaux et des cours d’eaux          juin 2003

Revues
BSNH, SFZ, Bündnerwald                                           début juin 2003

Internet
Google                                                           de juin 2003 à mars 2004

Les publications ainsi récoltées furent rassemblées dans un fichier EndNote avec celles des
experts contactés. Ce répertoire englobe les données bibliographiques, les sources ainsi que
les résumés ou les URL disponibles. La liste bibliographique fut ensuite classée par ordre de
priorité et soumise au groupe de révision pour examen et appréciation. Sur la base de cette
évaluation, la liste des principales publications a été réexaminée et les références encore man-
quantes y ont été ajoutées. Pour la plupart des auteurs et des organisations cités, leurs listes
de publications et d’autres données ont été recherchées par Internet ou dans le catalogue
NEBIS1 et le périodique Web of Science. Cette démarche a permis de découvrir une centaine
d’autres publications.
    Toutes ces publications ont été rattachées à l’une ou à plusieurs des questions posées par
la pratique. D’autres articles y ont encore été ajoutés ultérieurement, mais ils n’ont pas été
pris en compte dans les évaluations statistiques. Les publications se rapportant à des recher-
ches sur le terrain ont aussi été réparties selon les sites d’étude. La comparaison des caracté-
ristiques biogéographiques de la Suisse avec celles des divers sites d’étude, tout comme celle
des processus impliqués, ont servi de base à l’examen de l’applicabilité en Suisse des princi-
pales considérations émises.

3          Description de la bibliographie
La liste bibliographique «forêt et eau potable» comptait 805 références au moment de l’éva-
luation. La liste complète, avec indications bibliographiques, se trouve à l’annexe 3. Les publi-
cations y sont classées par ordre alphabétique. Il existe au WSL une base de données biblio-
graphiques EndNote dans laquelle figurent des informations complémentaires, comme la ré-
partition des questions, l’Abstract ou les sites d’étude.

1
     Réseau de bibliothèques et de centres d’information en Suisse
Hegg C. et al. 2006                                                                             11

               81

     57

                                                     Articles de journaux
40
                                                     Comptes rendus de conférences

                                                     Chapitres díouvrages

                                                     Ouvrages

                                   627

Figure 1: Types de publication d’où proviennent les références citées dans la liste bibliographique
«forêt et eau potable»

La figure 1 présente la répartition de la littérature recensée dans l’un des quatre types de
publication, soit Articles de journaux, Comptes rendus de conférences, Chapitres d’ouvrages
et Ouvrages.
   Les articles de journaux proviennent de plus de 170 revues. Près d’un tiers des articles ont
été publiés dans l’une des six revues suivantes: Forest Ecology and Management, Water, Air
and Soil Pollution, Biogeochemistry, Journal of Hydrology, Journal of Environmental Quality
et AFZ – Der Wald. Une quarantaine d’autres revues contenaient entre 5 et 15 articles sur ce
thème. Dans les 120 revues restantes, seules deux parutions au maximum ont été trouvées à
ce propos.
   Quelque 85 % des publications trouvées ont été publiées entre 1991 et aujourd’hui. Le
nombre de références par année n’a cessé d’augmenter considérablement entre 1991 et 2000.
Mais cela ne signifie pas que l’influence de la forêt sur la qualité de l’eau n’ait pas été étudiée
auparavant déjà. En 1974 par exemple, une édition de la revue forestière Allgemeine
Forstzeitschrift (FRÖHLICH 1974) fut entièrement consacrée à la forêt et à l’eau. Elle contient
de nombreux articles portant sur la qualité de l’eau dans les zones boisées (BÜCKING 1974;
HÖLL 1974; KELLER 1974; KUNKLE 1974; SCHULZ 1974).
   Les références se rapportent à plus d’une centaine de sites d’étude répartis dans le monde
entier. Soulignons que sur la base des informations fournies, seules 60 % publications ont pu
être attribuées à l’un de ces sites. Les recherches provenant de pays tropicaux n’ont pas été
recensées parce que leurs résultats ne sont pas applicables chez nous. Environ 45 % des sites
pris en considération se trouvent en Europe, 50 % aux Etats-Unis et 5 % seulement dans d’au-
tres pays. Deux tiers des publications se rapportent à des sites européens et un tiers seulement
à leurs équivalents américains. La majorité des sites étudiés en Europe se trouve en
Allemagne (une cinquantaine) et une grande partie des publications les concernant se rap-
porte à des recherches effectuées en Bavière. La France, la Grande-Bretagne et la
Scandinavie détiennent aussi de nombreux sites d’études (cf. annexe 2).
   La plupart des références (80 %) sont classées sous la rubrique des publications scientifi-
ques. Seules 9 % sont considérées comme des produits de vulgarisation et moins de 1 % sont
des rapports ou des directives publiés à l’intention de la pratique (voir fig. 2). Cette réparti-
tion étant généralement fondée sur le titre et le type de publication, ces chiffres ne sauraient
être admis comme des valeurs absolues. Cette recommandation est d’autant plus valable
qu’environ dix pour cent des publications n’ont pu être attribuées à l’un des quatre types
énoncés.
12                                                                                 La forêt et l’eau potable

           2        69
      5

87

                                                          Science

                                                          Vulgarisation

                                                          Pratique

                                                          Rapports

                                                          Non classés

                                   642

Figure 2: Répartition des 805 références bibliographiques parmi les divers types de publications.

4              Discussion à propos des questions clés
4.1            Littérature portant sur les thèmes traités
La figure 3 donne un aperçu du nombre d’écrits trouvés à propos des cinq questions posées
par les acteurs de la pratique (cf. Introduction). Face à la grande complexité de ce domaine
dont les thèmes se recoupent souvent, il n’a pas toujours été facile de classifier cette littéra-
ture. On se gardera donc de considérer les chiffres comme des valeurs absolues. Les réponses
à la question C par exemple constituent en partie la base des jugements émis à la question A.
Dès lors, quelques références ont été attribuées à plusieurs questions tandis que d’autres
n’ont pu être classées dans aucune des rubriques présentées à la figure 3.

                    150

                                                                     Question A

                                                                     Question B

                                                                     Question C
149
                                                   487               Question D

                                                                     Question E

          16                                                         Non classés

               63

                          53

Figure 3: Répartition des écrits trouvés à propos des cinq questions posées par les acteurs de la prati-
que.
Hegg C. et al. 2006                                                                           13

En raison de la large palette d’éléments énoncés à la question A, la majorité des publications
trouvées se rapporte à cette question. Toutefois, aucun article ou presque ne traite entière-
ment le sujet. Certains ne contiennent que des informations sur les dépôts azotés, d’autres
encore portent uniquement sur les processus de lessivage ou montrent les divers effets d’un
peuplement de résineux ou de feuillus sur la qualité de l’eau. Il n’existe que peu de publica-
tions qui décrivent tout le déroulement d’un processus et en examinent les effets produits sur
la qualité de l’eau potable. Une telle étude, DISSMEYER (2000) l’a réalisée pour l’espace amé-
ricain dans sa recherche bibliographique «Drinking Water from Forests and Grassland». En
Europe, ce sont surtout des articles de revues qui résument les recherches menées jusqu’à pré-
sent en Bavière, comme ceux de KÖLLING et NEUSTIFTER (1997) ou de ROTHE et al. (1998)
entre autres. Nous constatons qu’il existe en général un grand nombre d’études sur les effets
que la gestion forestière et les processus de dépôts et de lessivage exercent sur l’eau d’infil-
tration, mais ces travaux ne décrivent pas le reste du chemin suivi par l’eau jusqu’au captage.
    La question E étant très précise, de nombreuses références ont aussi été trouvées à ce pro-
pos. La majorité de ces écrits étudie le secteur du parcours d’infiltration situé dans la zone
d’influence de la forêt (sol forestier pénétré de racines), mais peu d’entre eux vont au-delà de
ce parcours. Une grande partie des publications trouvées à propos de la question E se rappor-
te aux analyses du lessivage des éléments nutritifs. Celui du nitrate est traité dans la plupart
des écrits. Un nombre restreint d’articles ont été trouvés à propos des autres éléments nutri-
tifs et polluants.
    Un peu plus de 60 publications portent sur l’examen de la gestion forestière la mieux
appropriée à l’approvisionnement en eau potable (question C). L’accent est mis sur la dimi-
nution des quantités d’azote absorbé par le peuplement et sur l’effet filtrant des houppiers ou
l’effet purificateur des sols forestiers (BOLTE et al. 2001; EMMETT et al. 1993). Mais rares sont
les publications qui définissent sur quelle étendue spatiale un changement de gestion forestiè-
re devrait porter dans un bassin versant d’eau potable pour que cette mesure produise un
effet sur la qualité de l’eau au captage (HENRIKSEN et KIRKHUSMO 2000; HÜSER et al. 1996;
MELLERT 2000).
    En ce qui concerne les conséquences des dégâts dus aux tempêtes pour la qualité de l’eau
potable, seules quelques références ont été trouvées. Elles proviennent presque toutes de
Bavière (MELLERT et al. 1998; SCHLÄR 1996; SCHLÄR 1999). Une grande partie des publica-
tions attribuées à la question B est consacrée aux expérimentations de coupes rases. En
Suisse, la recherche en matière de chablis est principalement axée sur le reboisement du peu-
plement et la protection contre les avalanches et les chutes de pierres.
    Les publications relatives à la question D sont de loin les plus rares. OLSCHEWSKI et al.
(1997) ont fait une analyse du rapport coût-efficacité de la protection des eaux à l’aide d’une
afforestation.

4.2       Etat de la recherche sur les questions émanant de la pratique
En Suisse, 80 % de l’eau potable est puisée dans les nappes phréatiques et 40 % de cette quan-
tité est soumise à un traitement complémentaire (HARTMANN et al. 2003). La plupart des bas-
sins versants dans lesquels la nappe souterraine est réalimentée par l’eau d’infiltration sont
boisés, en partie tout au moins, et d’après une étude SIG de l’OFEFP, 42 % de la superficie
des zones de protection de ces eaux se trouvent en forêt (MELAN 2003).
    La quantité et la qualité des eaux d’infiltration d’un certain milieu sont dictées par plu-
sieurs processus (cf. fig. 4 et 5). Outre le peuplement d’arbres, de nombreux facteurs peuvent
agir sur les processus déterminants et donc produire aussi un effet notable sur la qualité de
l’eau. Les affirmations généralement valables ne peuvent souvent s’appliquer qu’à l’influen-
ce d’un facteur sur un processus. L’influence d’un milieu sur la qualité de l’eau potable
14                                                                              La forêt et l’eau potable

dépend aussi de la qualité de l’eau d’infiltration des autres milieux et des conditions hydrolo-
giques régnant dans le bassin versant du captage. Avant d’appliquer les résultats d’une étude
à d’autres zones, il importe donc de s’appuyer sur un modèle de systèmes ou de processus adé-
quat (alinéa 4.2.1) ou de prendre en considération les autres facteurs propres à ce milieu (ali-
néa 4.2.2).

4.2.1     Modèle du système «forêt, eau et qualité de l’eau»
Etant donné que la littérature concernant le cycle hydrologique adopte divers modèles et dif-
férentes notions qui varient en fonction de la question posée et de l’auteur (p. ex. LIKENS et
BORMANN 1999; ORTLOFF et SCHLAEPFER 1996; SCHACHTSCHABEL et al. 1989), nous présentons
ici le modèle et les notions utilisés dans ce chapitre.

Valeur cible
La valeur cible est la valeur à atteindre pour assurer la qualité de l’eau potable prélevée dans
les zones forestières. Cette valeur est applicable à toutes les questions posées par la pratique.
La qualité de l’eau se détermine à partir des concentrations de substances contenues dans
l’eau et susceptibles d’avoir un effet positif ou négatif sur la santé.
   Pour éviter les effets néfastes à la santé, des exigences relatives à la qualité des eaux du
sous-sol utilisées comme eau potable sont imposées dans le droit fédéral suisse sous forme de
seuils de concentrations tolérables (cf. tabl. 2).

Tableau 2: Liste des substances/paramètres sélectionnés et des exigences de qualité pour les eaux du
sous-sol utilisées comme eau potable ou destinées à l’être (Annexe 2 de l’ordonnance sur la protection
des eaux OEaux RS 814.201), des valeurs relatives à l’eau potable (Manuel suisse des denrées alimen-
taires [MSDA] et Ordonnance sur les substances étrangères et les composants dans les denrées alimen-
taires [OSEC]).

      Substances/paramètres     Exigences pour eaux du sous-sol,       Valeurs pour eau potable,
                                         selon OEaux                   selon MSDA resp. OSEC

             Oxygène                aucun manque d’oxygène           plus de 60 % (but qualité MSDA)
                PH                  aucune valeur défavorable                       9,2
     Ammonium NH4+ (dans des                0,1 mg/l                             0,5 mg/l)
       conditions oxydantes)
           Nitrate NO3-                       25 mg/l               40 mg/l (valeur de tolérance OSEC)
           Sulfate SO4-                       40 mg/l                             200 mg/l
           Chlorure Cl-                       40 mg/l                             200 mg/l
             Pesticides           0,1 µg/l pour chaque substance      0,1 µg /l pour chaque substance
                                                                        (valeur de tolérance OSEC)

Les substances posant un problème face à ces valeurs sont au cœur de cette étude. En Suisse,
d’après le Manuel NAQUA 2004 (OFEFP et OFEG), ces substances sont principalement le
nitrate et le produit phytosanitaire Atrazine avec ses produits de décomposition comme la
Desethylatrazine et la Desisopropylatrazine, notamment dans les nappes phréatiques du
Plateau, ainsi que les hydrocarbures chlorés. Dans une partie des stations forestières, les
dépôts atmosphériques de substances acides représentent un risque à long terme d’acidifica-
tion du sol et donc aussi d’altération de la qualité des eaux d’infiltration (KURZ et al. 1998).
Hegg C. et al. 2006                                                                          15

Système
En forêt, divers flux d’eau et de substances influencent activement la quantité d’eau d’infil-
tration ainsi que sa qualité:

Flux d’eau
Les principaux flux d’eau traversant les compartiments du système sont présentés à la figure
4: La végétation, notamment les feuilles et les aiguilles des arbres, intercepte une partie des
précipitations. Cette eau peut soit parvenir au sol peu après en se mêlant à celle qui se déver-
se dans le peuplement ou en s’écoulant le long du tronc, soit regagner l’atmosphère par éva-
poration/sublimation (perte par interception [BENECKE et VAN DER PLOEG 1978]). La nature
du sol (épaisseur, proportion de particules fines, porosité) détermine la capacité de cet élé-
ment à emmagasiner l’eau. Le type de végétation influence la quantité d’eau retenue dans le
sol qui sera absorbée par les racines (degré de recouvrement, extension des racines) ou direc-
tement évaporée à la surface du sol (ombre, couche de litière). Une grande partie de l’eau qui
n’est pas stockée dans le sol ni absorbée par les racines s’infiltre dans la nappe aquifère au
travers des couches superficielles.

                 atmosphère                                transpiration

                             précipitations

                 végétation

                       houppier
                                                                         évapo-
                             interception                                ration

                        précipitations
                                                               ruissellement
                        dans le
                                                               de surface
                        peuplement

                 sol
                                   infiltration   prélèvement

                 couches                              écoulement
                                       perco-
                 superficielles                       hypodermique
                                       lation
                 nappe phréatique

                             captage d’eau potable

Figure 4: Schéma des flux d’eau.
16                                                                          La forêt et l’eau potable

L’eau d’infiltration provenant de différents bassins versants partiels se mélange dans la nappe
aquifère. La durée d’écoulement ainsi que les processus de mélange et de transformation
varient en fonction du type et des caractéristiques de la nappe aquifère (matériel meuble, fail-
les, karst). Le ruissellement de surface et l’écoulement hypodermique aboutissent générale-
ment dans les eaux de surface. Mais le long des cours d’eau, une exfiltration depuis la nappe
phréatique et une infiltration dans celle-ci se produisent à divers endroits.

Flux naturels de substances
La figure 5 contient les principaux flux de substances influençant les concentrations de ces
composants dans l’eau:
   La neige et la pluie contiennent déjà des composants qui proviennent des aérosols et des
gaz présents dans l’air (dépôts humides). Les quantités de substances émises avec ces dépôts
humides dépendent des concentrations d’aérosol et de gaz atmosphériques. Les quantités
supplémentaires de substances accompagnées de particules de poussière ou de gaz (dépôts
secs) parvenant dans une zone sont fortement influencées aussi par la constitution de la végé-
tation. Car celle-ci produit un effet filtrant lorsque des polluants se déposent à la surface des
feuilles et des aiguilles des arbres.

atmosphère

            dépôts secs et            dépôts humides

végétation                                       stomates

 houppier
échange entre couronnes

                                      prélèvement
                                                chute des
couche de litière                               feuilles

sol
                                                racines et
                         dépôt                                                autres
       humus                                    mycorhizes
                                                                              modifications
                    libération                         décomposition          biogéochimiques
        minéraux argileux
     couches superficielles

nappe phréatique

Figure 5: Schéma des flux de substances.
Hegg C. et al. 2006                                                                             17

Une distinction claire est à établir entre cet effet filtrant des houppiers et l’effet purificateur
du sol forestier. Dans le sol forestier, les concentrations de substances dans l’eau d’infiltration
peuvent être modifiées sous l’effet des processus suivants: dépôts de substances sur l’humus
et les minéraux argileux (site d’échange d’ions), prélèvement de substances par les racines et
fixation dans la biomasse ainsi que d’autres transformations biogéochimiques. Divers facteurs
exercent une influence notable sur bon nombre de ces transformations. Ce sont les valeurs pH
(réactions liées à l’équilibre, échanges d’ions) et les teneurs en oxygène (réactions rédox)
dans le sol. Les transformations biogéochimiques peuvent aussi rendre hydrosolubles les sub-
stances emmagasinées dans la phase solide du sol ou dans la biomasse aérienne ou souterrai-
ne. Ces substances sont alors libérées (mobilisation). C’est dire toute l’importance que peut
revêtir l’histoire de l’utilisation d’une surface forestière.
    Des modèles de cycles biogéochimiques ont été établis pour divers éléments (conservation
de la masse). Ces modèles contiennent tous les processus déterminants, mais ils sont souvent
couplés l’un à l’autre. Nous présentons ci-dessous les principaux processus et, en italique, les
facteurs d’influence de quelques cycles (voir p. ex. GISI et al. 1997; ORTLOFF et SCHLAEPFER
1996; SCHACHTSCHABEL et al. 1989):

Cycle d’azote (N)
– Dépôts de NO3- et de NH4+ provenant d’émissions de NOx, de NH3 et de sources naturel-
  les:
  • Pollution de l’air
  • Effet filtrant des feuilles et des aiguilles des arbres
– Dépôts de NH4+ sur l’humus et les minéraux argileux (immobilisation)
  • Proportion de minéraux argileux et d’humus dans le sol
  • Saturation en azote dans le sol (indice rapport C/N)
– Prélèvement de NO3- et de NH4+ par les racines et fixation dans la biomasse
  • Profondeur de l’extension des racines, degré de recouvrement de la végétation
– Décomposition de la biomasse (minéralisation) et libération de NH4+ et de NO3-
  • Température, ombre projetée par les houppiers
– Nitrification du NH4+ en NO3-
  • Teneurs en O2, valeur pH
– Dénitrification du NO3- en N2 sous forme de gaz volatil
  • Teneurs en O2, valeur pH

Dépôts acides
– Les polluants atmosphériques SOx, NOx et NH3, qui sont introduits par des dépôts secs et
  humides sous forme de SO42-, NO3- et NH4+, ont un effet acidifiant.
– Dans de nombreux sols, les dépôts acides sont tamponnés par la dissolution du calcaire, par
  exemple.
– Lors de l’acidification du sol (abaissement du pH), les éléments nutritifs des plantes,
  comme Mg, K et AI ainsi que les métaux lourds, sont évincés des sites d’échanges de ca-
  tions des minéraux argileux et ils se dissolvent.

Polluants organiques
– Décomposition par les microorganismes (contact avec le biofilm, teneur en O2 et temps de
   parcours).

Substances chimiques décomposables et non décomposables
– Décomposition par les microorganismes (taux de décomposition, contact avec le biofilm, O2
  et temps de parcours).
– Dépôts sur des substances organiques
– Dépôts sur des minéraux argileux (sites d’échanges d’ions)
18                                                                            La forêt et l’eau potable

Utilisations de la forêt et activités humaines
Les exploitations en forêt peuvent influencer les flux biogéochimiques et cela peut se réper-
cuter sur la qualité de l’eau. Parmi les influences exercées par les interventions en gestion
forestière, nous établissons une distinction entre
a) le désir de modifier l’écosystème: p. ex. la régénération
b) les interventions accompagnant cette action et les phénomènes qui s’ensuivent: p. ex. le
   débardage des bois, la décomposition de la matière organique,
c) les effets secondaires: p. ex. le compactage du sol, l’altération de la végétation au sol, les
   pollutions (huile de moteur, etc.).

La même distinction s’applique aussi aux autres manières d’utiliser la forêt (loisirs de proxi-
mité, création de biotopes, constructions hydrauliques et constructions de routes, gibier/chas-
se, pacage en forêt). Par ailleurs, ces diverses utilisations et activités risquent aussi de polluer
le sol avec des impuretés organiques ou chimiques qui seraient acheminées dans la nappe
phréatique avec l’eau d’infiltration.

4.2.2   Evaluation de l’applicabilité
Comme nous l’avons déjà évoqué, cette étude bibliographique sur la forêt et l’eau potable
repose largement sur des recherches menées à l’étranger car en Suisse, seuls quelques rares
travaux ont été réalisés sur ces questions d’ordre pratique (p. ex. EGLI et al. 1997). Il importe
donc de se demander s’il est possible et judicieux d’appliquer à une autre région telle ou telle
affirmation concernant un certain site. Les quelques réflexions fondamentales qui suivent
éclaireront le lecteur à ce propos. Soulignons aussi que parmi les réponses aux questions
posées, nous n’avons retenu que les aspects considérés comme applicables.
    En évaluant cette applicabilité, une distinction est à établir entre les diverses argumenta-
tions scientifiques. Par exemple, s’il est dit que la forêt de feuillus favorise davantage la qua-
lité de l’eau que la forêt de résineux, cette affirmation peut être déduite de diverses observa-
tions et fondée sur des arguments très différents. Elle peut être d’ordre purement empirique
en étant fondée sur une comparaison de la qualité des eaux d’une forêt de feuillus et d’une
autre de résineux. Dans ce cas, il est difficile d’appliquer cette assertion à d’autres cas si l’on
ne peut pas exclure qu’il existe entre les sites étudiés d’autres différences inconnues qui con-
tribuent, en partie tout au moins, à l’obtention de ce résultat.
    Mais si la même affirmation est fondée, par exemple, sur le fait que les forêts de résineux
filtrent davantage de polluants parce qu’elles restent vertes en hiver et que des données adé-
quates en apportent la preuve, ce constat peut alors s’appliquer à d’autres régions. Mais il est
évident qu’il ne se rapporte pas aux mélèzes car ceux-ci ne sont pas sempervirents.
    Dans ce même contexte, nous reprendrons principalement, dans les explications suivantes,
les considérations relatives aux analyses de processus. Elles seront accompagnées d’une des-
cription des processus sur lesquels elles sont fondées, ce qui fournira une base utile à l’appré-
ciation de l’applicabilité. Bien souvent, ces informations permettent d’estimer si et dans quel-
le mesure un certain jugement est applicable dans une région à étudier. S’il s’agit d’observa-
tions purement empiriques, nous le signalerons.
Hegg C. et al. 2006                                                                               19

4.2.3     Question A: Dans quelle mesure la forêt, la composition des essences
          et la gestion forestière influencent-elles la qualité de l’eau?
WENGER (2002), KÜCHLI et MEYLAN (2002) ainsi que d’autres auteurs attribuent une grande
importance à l’influence passive de la forêt. Ils estiment en effet que par sa simple présence,
la forêt limite fortement ou empêche des exploitations qui mettraient en danger la qualité de
l’eau (WENGER 2002). En Suisse, aucun engrais n’est épandu en forêt, contrairement aux ter-
res agricoles (SCHLEPPI et al. 2003). L’utilisation de produits de traitement des plantes est très
restreinte en forêt et ce traitement ne peut être confié qu’à des spécialistes (OPerF, RS
814.013.52). Dès lors, il n’y a pas lieu de craindre que des substances dangereuses, comme
l’Atrazine et ses produits de décomposition, polluent l’eau d’infiltration issue de la forêt.
L’appropriation du terrain à des fins non forestières (industrie, artisanat, habitations) et l’uti-
lisation de substances dangereuses pour l’environnement sont interdites en forêt (Loi sur les
forêts, RS 921, art. 5 et 18). Dans ces conditions, il est pratiquement exclu que des accidents
provoquent une pollution chimique ou biologique de la nappe phréatique dans les forêts suis-
ses. Cet état de fait est encore renforcé par l’interdiction de défricher en vigueur en Suisse
(Loi sur les forêts, RS 921, art. 5); cet article empêche en effet toute modification des condi-
tions imposées en matière d’aménagement du territoire (KÜCHLI et MEYLAN 2002).
    Sous la notion d’influence active, nous entendons tous les processus au cours desquels la
forêt influence directement la qualité de l’eau et sa quantité tout au long de son cheminement
de l’atmosphère à la nappe phréatique (cf. fig. 4 et 5). Lorsque les précipitations se déposent
sur le couvert arborescent (canopée), la part d’eau qui pénétrera dans le sol est principale-
ment dictée par le type et l’intensité des précipitations, par la densité du peuplement, l’espè-
ce ligneuse (indice de la surface foliaire, rugosité de la face supérieure de la feuille, etc.) et le
vent (BENECKE et VAN DER PLOEG 1978; MITSCHERLICH 1981). Le reste de l’eau regagnera l’at-
mosphère par évapotranspiration. Etant donné que l’eau ainsi évaporée ne contient aucune
substance dissoute, la concentration de ces éléments augmente dans l’eau qui reste
(DISSMEYER 2000). L’eau parvenant au sol ruisselle à sa surface ou s’y infiltre. L’eau infiltrée
traverse les diverses couches du sol avant d’aboutir dans la nappe phréatique (KELLER 1971;
MITSCHERLICH 1981; ONF 1999). Au cours de ce cheminement interviennent des processus
physiques, biologiques et chimiques qui modifient les propriétés de l’eau. Par ailleurs, la végé-
tation absorbe de l’eau du sol par voie racinaire. Bien que l’on puisse supposer que l’ombre
apportée par le couvert arborescent diminue l’évaporation à la surface du sol, plusieurs étu-
des montrent qu’en raison de la transpiration plus élevée en forêt, la réalimentation de la
nappe souterraine est généralement plus faible dans les sols forestiers que dans des sols com-
parables en plein champ (p. ex. KELLER 1971).
    Il ressort de diverses études que la qualité de l’eau d’infiltration est généralement meilleu-
re dans le sol d’une forêt non polluée et proche de l’état naturel que dans celui de surfaces
comparables intensément exploitées en terrain découvert (BENECKE 1993; EINSELE et al.
1990). Cela est dû au fait que dans une forêt proche de l’état naturel, les cycles biogéochimi-
ques s’effectuent en circuit fermé (pas de substances prélevées ou ajoutées à la suite de récol-
tes fréquentes, d’apports d’engrais ou du travail des sols). En outre, le sol forestier exerce un
meilleur effet purificateur qu’un autre sol. Le sol n’étant pas travaillé dans les forêts proches
de l’état naturel, il tend à être plus finement structuré et biologiquement plus actif. Dans un
sol finement structuré, l’eau d’infiltration peut entrer plus étroitement en contact avec les
matériaux du sol, comme les minéraux argileux ou l’humus, sur lesquels les substances ad-
hèrent. Par ailleurs, comme les racines pénètrent mieux dans ce sol, elles peuvent prélever
dans l’eau d’infiltration une plus grande quantité d’éléments nutritifs.
    Cependant, cette fonction purificatrice du sol forestier est entravée par l’apport des subs-
tances contenues dans les dépôts atmosphériques. La quantité de ces apports est déterminée
par divers facteurs, comme la pollution de l’air, l’effet filtrant des houppiers et les conditions
du vent (HEINSDORF 1993).
20                                                                            La forêt et l’eau potable

Les dépôts azotés accrus sont spécialement considérés comme néfastes à la qualité de l’eau
potable en maints endroits (SPANGENBERG 2001). A Augustendorf, au nord de l’Allemagne,
par exemple, les concentrations de NO3- contenues dans la solution du sol ont augmenté de 7
à 20 mg/l selon la profondeur du prélèvement (entre 0 et 250 cm) et ceci durant la période
allant de 1994 à 2002 (MEESENBURG et al. 2003). L’effet des dépôts azotés sur l’eau d’infiltra-
tion dépend largement de la quantité de cet apport et de la capacité de tamponnage (Statut
N) du sol forestier. Cela explique pourquoi les réactions varient largement d’une forêt à l’au-
tre (voir p. ex. l’expérimentation de saturation en azote réalisée dans le cadre du programme
européen de NITREX: TIETEMA et al. 1998). Le peuplement boisé, la végétation au sol et l’hu-
mus ainsi que les minéraux argileux sont autant de puits emmagasinant les dépôts azotés. Si
ces capacités d’emmagasinement sont épuisées, les dépôts ne peuvent guère être tamponnés.
Une comparaison entre plus de 64 écosystèmes forestiers européens2 montre qu’à partir de
10 à 12 kg de N ha-1 a-1, les quantités de nitrate lessivé avec l’eau d’infiltration augmentent
(GUNDERSEN 1995). Dans tous les sites d’étude ENSF3 où l’intrant de N était supérieur à 25 kg
de N ha-1 a-1, il a été constaté qu’une part substantielle de cet intrant (10 à 35 kg de N ha-1 a-1)
était rejetée par l’eau d’infiltration (DISE et WRIGHT 1995). D’après des analyses isotopiques
et d’autres recherches, une part de l’azote parvient aussi directement dans l’eau de la nappe
sans avoir été intégrée auparavant dans le métabolisme de l’arbre (DURKA 1994; HAGEDORN
et al. 2001; KÖLLING et NEUSTIFTER 1997). Le type de dépôt est aussi très déterminant pour le
tamponnage de l’azote. Si l’ammonium domine dans un dépôt azoté, jusqu’à 50 % de cet
apport peuvent être tamponnés même si les valeurs sont élevées. Dans les zones où les dépôts
de nitrate prédominent, la capacité d’emmagasinement est épuisée sous des valeurs moyen-
nes déjà (GUNDERSEN 1995). Une augmentation de la teneur en nitrate dans l’eau d’infiltra-
tion est à attendre notamment si les facteurs stationnels suivants se conjuguent: une offre
accrue en azote, des sols bien aérés et une quantité moyenne à faible d’eau d’infiltration
(KREUTZER 1994).
    La composition et la quantité des eaux d’infiltration, et donc aussi la réalimentation de la
nappe souterraine, varient largement d’une essence à l’autre. Dans les publications consultées
à ce sujet, les essences soumises à une analyse des concentrations en nitrate dans l’eau d’in-
filtration étaient surtout des hêtres, des épicéas, des pins ainsi que quelques sapins, hêtres et
aulnes (KREUTZER 1994; MEESENBURG et al. 2003; ROTHE et al. 1998). Tous les auteurs de ces
écrits constatent que l’eau potable produite sous les feuillus examinés est de meilleure quali-
té en ce qui concerne les concentrations en nitrate que celle qui est produite sous les résineux.
Les résineux étaient sempervirents et ils présentaient une plus grande surface que les feuillus,
notamment dans la zone du houppier. En conséquence, ils étaient dotés d’une meilleure capa-
cité à filtrer les polluants atmosphériques et donc aussi les dépôts acides et azotés. En outre,
les pertes par interception étaient plus élevées dans les peuplements de résineux; ainsi la
quantité d’eau en fut d’autant réduite, ce qui a augmenté encore la concentration de substan-
ces dans l’eau d’infiltration.
    D’après ROTHE et al. (1998), les feuillus ont aussi l’avantage d’avoir des racines qui pénè-
trent plus profondément dans le sol; ils disposent donc d’une plus grande distance sur laquel-
le ils prélèvent des éléments nutritifs dans l’eau d’infiltration. Cela diminue la concentration
en nitrate, notamment lorsque les dépôts d’azote sont élevés (ROTHE et al. 1998). Par ailleurs,
l’humus du sol minéral, plus fortement marqué sous les feuillus, peut emmagasiner plus d’azo-
te sous forme stable que le sol moins épais des forêts de résineux. Ainsi, la concentration
d’azote mesurée dans l’eau d’infiltration à 90 cm au-dessous d’un peuplement d’épicéas cor-
respondait à celle des précipitations dans ce peuplement (Lehstenbach, Bavière) alors que
sous la forêt de hêtres (Steinkreuze, Bavière), plus de 50% des dépôts azotés étaient stockés

2
     ECOFEE (Element Cycling and Output-fluxes in Forest Ecosystems in Europe)
3
     ENSF (Evaluation of Nitrogen and Sulphur Fluxes)
Hegg C. et al. 2006                                                                              21

dans la couche supérieure du sol (LANGUSCH et MATZNER 2002). L’effet positif de cet emma-
gasinement d’azote augmente toutefois le danger de fortes migrations du nitrate à la suite de
tempêtes ou de coupes rases.
    L’âge des arbres peut aussi exercer une influence notable sur le cycle d’azote. ROTHE et al.
(1999) et EMMETT et al. (1993) ont constaté chez l’épicéa que la concentration en nitrate dans
l’eau d’infiltration augmente considérablement avec l’avancement en âge de l’arbre. C’est la
raison pour laquelle RÖMER (1993) et HEITZ (2001) estiment que la conversion de peuple-
ments purs de résineux en peuplements mixtes irréguliers les mieux adaptés à la station est à
considérer comme positive pour le captage de l’eau potable dans de larges parts de
l’Allemagne.
    Après des coupes rases ou des tempêtes notamment, la végétation naturelle d’accompa-
gnement revêt une grande importance car elle peut prélever l’azote libéré (EVERS 2003;
MELLERT et al. 1998). D’où l’importance de maintenir intégralement la couverture végétale au
sol lors de la coupe d’un arbre. Pour prévenir un lessivage accru de nitrate, on évitera aussi
l’apparition de surfaces largement dénudées, que ce soit à la suite de tempêtes ou de la récol-
te des bois. L’établissement d’un plan de gestion adéquat et l’entretien d’une régénération
préétablie avant la coupe définitive ont un effet positif sur la qualité de l’eau d’infiltration
(VON WILPERT et ZIRLEWAGEN 2003).
    En utilisant des huiles de graissage et de lubrification biologiquement dégradables et en
bannissant les pesticides et les produits de conservation lors du traitement des bois entrepo-
sés dans le bassin versant d’un captage d’eau potable, il est possible d’éliminer les sources
potentielles de pollution.
    L’effet de toutes ces mesures est limité et les auteurs des publications traitant cette question
soulignent qu’une réduction des émissions de polluants est d’une importance primordiale.
    Le recensement et la surveillance des effets de la pollution de l’air sur les forêts (ICP-
Forest) réalisé dans le cadre de la «Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière
à longue distance» (LRTAP) de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies
(CEE-ONU) montrent que les dépôts atmosphériques acidifiants ont déjà été réduits de
manière substantielle en Europe et en Suisse depuis 1990 (UN-ECE 2003). Néanmoins, la
concentration totale des apports azotés et acidifiants provenant de l’air dépasse encore, ici où
là en Suisse, les valeurs critiques fixées de manière empirique ou à l’aide de modèles dans le
cadre de la LRTAP (KURZ et al. 1998; RIHM 1996; RIHM et KURZ 2001; THIMONIER et al. sub-
mitted).
    Une gestion adéquate peut améliorer le tamponnage et l’emmagasinement des substances,
mais elle ne peut écarter intégralement les risques à long terme liés à ces apports (lessivage
des métaux lourds en concentrations toxiques et lessivage du nitrate).
    Lors de l’évaluation de l’influence de la forêt sur la qualité de l’eau potable, on se gardera
donc d’assimiler l’eau d’infiltration à l’eau souterraine ou à l’eau potable (SPANGENBERG in:
WENGER 2002). La composition de l’eau d’infiltration peut encore se modifier lors de son par-
cours au travers des couches superficielles jusqu’à la nappe. La longueur de ce parcours et le
type de couches superficielles sont déterminants en l’occurrence. Le mélange avec l’eau sou-
terraine provenant d’autres parties du bassin versant ainsi que la nature de la couche aquifè-
re changent encore la qualité de l’eau avant qu’elle parvienne au point de captage
(HARTMANN et al. 2003). En comparant un modèle de la teneur en nitrate dans l’eau d’infil-
tration prélevée à un mètre de profondeur avec des forages d’eau souterraine dans la forêt
d’Eurasbourg (D), ROTHE et al. (1999) ont constaté que le nitrate peut encore se décomposer
de manière notable au cours du cheminement ultérieur de l’eau d’infiltration. Toutefois, les
fortes concentrations de polluants, comme celles qui sont mesurées dans le sol de zones agri-
coles exploitées intensivement, ne peuvent être complètement éliminées au cours de ce pro-
cessus. Il est donc possible, même dans les bassins versants boisés, que les apports accrus de N
aient un effet négatif sur l’eau souterraine à plus ou moins longue échéance (cf. question E).
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