La lutte contre l'impunité au large de la Corne de l'Afrique : les outils juridiques actuels pour la traduction du pirate présumé devant une ...

 
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La lutte contre l’impunité au large de la Corne de l’Afrique :
  les outils juridiques actuels pour la traduction du pirate
            présumé devant une autorité juridique

                                      par Julien DAEMERS
                          Lauréat d’un prix scientifique de mémoire 2010
 de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) pour son travail de recherche sur :
   « La répression pénale de la piraterie maritime au large de la Corne de l’Afrique » sous la
    direction du Pr. Yann KERBRAT, soutenu à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

Résumé :
Alors que les arrestations de pirates au large de la Corne de l’Afrique n’ont jamais été aussi
nombreuses, on note une amplification des actes de piraterie, une intensification des violences et
une sophistication du mode opératoire. Cette augmentation tient, dans une large mesure, à
l’impunité judiciaire dont les pirates bénéficient. Ils ne sont en effet que rarement présentés
devant une autorité judiciaire à même de les juger. Après avoir tenté d’appliquer le droit
international existant à leur disposition, les acteurs de la lutte contre la piraterie optent pour la
conclusion d’accords de transfèrement à des fins de jugement avec les États régionaux. Malgré
un succès indéniable, ces accords sont voués à la dénonciation par ces États régionaux si les
capacités juridictionnelles et pénitentiaires n’augmentent pas.

Mots-clefs : piraterie, répression pénale, justice, pirates, compétence universelle, accord de
transfèrement, droit de la mer, droit international, EUNAVFOR Atalanta, Corne de l’Afrique,
Somalie

Abstract:
While the arrest of pirates off the Horn of Africa has never been higher, we see an escalation of
piracy, an intensification of the violence of the attacks and the sophistication of the modus
operandi. This increase is mainly due to judicial impunity pirates benefit from. Indeed, they are
rarely brought before a judicial authority capable of judging them. After trying to apply existing
international law, the actors of this fight against piracy decide to conclude transfer agreements
with regional states alleging perpetrators to be transferred for trial. Despite an undeniable
success, these agreements are slated for termination by the regional states where the judicial
and correctional capacities do not increase enough.

Keywords: piracy, penal repression, justice, pirates, universal jurisdiction, transfer agreement,
law of the sea, international law, EUNAVFOR Atalanta, Horn of Africa, Somalia

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Malgré la présence au large de la Corne de l’Afrique des marines des quatre coins du monde,
au premier rang desquelles la première opération militaire navale de l’Union européenne,
l’opération EUNAVFOR Atalanta, la piraterie maritime1 somalienne est en plein développement.
Les statistiques de l’année 2010 décrivent clairement une amplification, une intensification des
violences ainsi qu’une sophistication du mode opératoire qui ne laissent plus aucun doute à
l’appartenance des pirates à la criminalité organisée. Les pirates surprennent continuellement les
observateurs tant leurs modes opératoires évoluent rapidement. Il n’est pas rare que des
comptables et des interprètes soient présents lors des prises d’otages afin de négocier au mieux
les rançons. Les communications et la localisation satellitaires n’ont plus de secret pour le pirate
qui était, il y a encore quelques années, un simple pêcheur. La géographie des attaques de pirates
évolue également. Le golfe d’Aden étant particulièrement bien surveillé, les pirates somaliens
commettent leurs exactions de plus en plus près des eaux seychelloises et vont parfois jusqu’à
agir plus proche des côtes indiennes qu’africaines.

    Longtemps le parent pauvre de la lutte contre la piraterie maritime, une répression pénale
effective est devenue le point central de la lutte contre la piraterie au large de la Corne de
l’Afrique. Afin de construire une répression efficace, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a
progressivement appelé les États à incriminer les faits délictueux dans leurs droits internes, à
appréhender les pirates et à les traduire devant une autorité judiciaire à même de les juger.
Les moyens militaires positionnés au large des côtes somaliennes et dans le golfe d’Aden
montrent des résultats indéniables. Seulement, les acteurs de la lutte contre la piraterie sont peu
enclins à juger les pirates tant pour des raisons juridiques que politiques. Plus de 90% des pirates
appréhendés par les États patrouillant en mer seraient désormais remis en liberté faute d’État
d’accueil pour les juger.2

     Face à cette augmentation du nombre de pirates remis en liberté sans avoir été jugés, le
Conseil de Sécurité des Nations Unies est venu rappeler aux États que « le fait de ne pas traduire
en justice les personnes responsables d’actes de piraterie et de vols à main armée commis au
large des côtes somaliennes nuit à l’action menée par la communauté internationale contre la
piraterie. »3

     Au moment où le Conseil de Sécurité des Nations Unies, dans sa résolution 1976, met en
place une offensive4 juridique sans précédent pour éradiquer ces actes de piraterie, il convient
d’analyser les outils dont disposent actuellement les États pour remettre les pirates présumés à
une autorité judiciaire compétente pour les juger. Dans un premier temps, les États capteurs ont
utilisé les moyens juridiques mis à leur disposition par le droit international existant. Les lacunes
de telles pratiques se sont progressivement fait sentir. Afin de les combler, les États ont conclu

1
  Le crime de piraterie sera entendu comme défini à l’article 101 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de
la Mer du 10 décembre 1982.
2
  Pratique du « catch and release », données EUNAVFOR Atalanta.
3
  CS Rés. 1918 du 27 avril 2010, par. 1, p. 3, repris dans les mêmes termes par la CS Rés. 1976 du 11 avril 2011, p.
2.
4
  Comme l’illustre l’antépénultième paragraphe du préambule de la résolution : « Conscient qu’il faut prendre
d’urgence d’autres mesures décisives pour intensifier la lutte contre la piraterie ».

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des accords régionaux de transfèrement permettant un traitement judiciaire régional de la
piraterie.

Le rapatriement dans l’État capteur ou la compétence judiciaire universelle : la théorie
face à la pratique

    L’article 105 de la Convention des Nations Unies pour le droit de la mer (CNUDM) prévoit
que « les tribunaux de l’État qui a opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger,
ainsi que sur les mesures à prendre en ce qui concerne le navire, l’aéronef ou les biens, réserve
faite des tiers de bonne foi ». Principe de droit international coutumier consacré par la CNUDM 5,
la compétence judicaire universelle permet donc à tous les États parties à la Convention de
poursuivre et de juger les pirates ayant commis des forfaits en haute mer, et également, depuis
l’adoption de la résolution 1816 du Conseil de Sécurité6, quand ils sont appréhendés dans les
eaux territoriales somaliennes pour des faits commis en haute mer.

    Ce principe, dérogatoire au principe de l’exclusivité de l’État du pavillon 7 , trouve sa
justification dans l’extraterritorialité des actes de piraterie qui représente un danger important
pour la communauté internationale. Dès lors, aucun État ne peut disposer d’un titre de
souveraineté pour dénier la compétence d’un État tiers pour poursuivre et juger les crimes de
piraterie.

    Cette faculté, et non pas obligation, de poursuivre et de juger les pirates ne résiste que
difficilement aux réalités auxquelles sont en proie les acteurs de la lutte contre la piraterie. En
effet, les États capteurs sont peu enclins à transférer les pirates sur leurs territoires. A la lumière
des chiffres, ce constat est patent. Cette solution a été utilisée avec parcimonie par la France,
l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, la Belgique, les États-Unis, la Corée du Sud et la
Malaisie. Cette réticence s’explique par trois facteurs principaux. Les États capteurs prennent
alors le risque de :
- se voir opposer des griefs potentiels de la Cour européenne des droits de l’homme en raison
de lacunes dans leurs législations, notamment en matière de mesures de privation de liberté ;
- saturer leurs prisons ;
- voir un afflux de demandes d’asile de la part des pirates.

     Constatant cette réticence, le Conseil de Sécurité rappelle dans sa résolution 1976 que la
piraterie est un crime relevant de la compétence universelle et demande à nouveau à tous les
États d’appliquer cette compétence aux pirates appréhendés par eux au large des côtes
somaliennes. 8

5
  Identique à l’article 19 de la Convention de Genève de 1958 sur la haute mer (à laquelle les États-Unis sont parties
tandis qu’ils ne le sont pas à la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer).
6
  Résolution 1816 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 2 juin 2008, dont les provisions ont été prolongées
pour 6 mois, encore récemment, par la Résolution 1950 du 23 novembre 2010.
7
  Article 92 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer.
8
  CS Rés. 1976 du 11 avril 2011, §14, p. 4.

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Droit français : une interprétation spécifique de l’article 105 CNUDM et l’adaptation de sa
législation

    Malgré la ratification de la CNUDM par la France, la compétence universelle prévue à
l’article 105 n’est pas directement prévue en droit français. Après un long débat sur l’adaptation
de la législation française pour répondre aux enjeux de lutte contre la piraterie, la France a
intégré le 6 janvier 20119 une compétence dite « quasi-universelle » pour juger des infractions de
piraterie maritime commises en dehors du territoire de la République soumise à deux conditions
cumulatives10 :
- les auteurs doivent avoir été appréhendés par des agents français ;
- les juridictions françaises ne sont compétentes « [qu’] à défaut d’entente avec les autorités
d’un autre État pour l’exercice par celui-ci de sa compétence universelle.11 »

    Le législateur a préféré rejeter l’intégration pure et simple de l’article 105 de la Convention
pour plusieurs raisons telles que l’efficacité judiciaire limitée, des difficultés sur la définition du
champ géographique d’application de la compétence universelle et des difficultés pratiques sur la
capacité des juridictions françaises à poursuivre et à juger un grand nombre d’affaires de
piraterie.

    La compétence universelle pour poursuivre et juger les pirates présente donc des
inconvénients majeurs pour les États. Cependant, le fait que cette compétence soit facultative
permet aux États d’utiliser d’autres moyens pour traduire en justice les pirates, notamment la
remise à l’État de nationalité des pirates.

La remise à l’État de nationalité des pirates : simplicité et défauts de la solution

    En raison du principe général au terme duquel un national peut être jugé par son État,
autrement nommé compétence universelle active, la France remet généralement les pirates
somaliens présumés qu’elle a appréhendés aux autorités du Puntland, entité fédérée de Somalie
qui se revendique autonome, solution que l’Union européenne refuse catégoriquement. Les
remettre au Gouvernement fédéral transitoire de Mogadiscio soutenu par l’ONU (GFT), est à ce
jour inenvisageable au vu des faibles moyens et autorité qu’il a sur la Somalie toute entière.

    Bien que cette solution permette à la France d’afficher un taux de traduction en justice des
pirates capturés égal à 100 %, elle est critiquable sur de nombreux aspects. Dans un premier
temps, tous les pirates somaliens ne sont pas originaires du Puntland qui ne dispose alors pas de
toute la légitimité pour les juger. De plus, l’autonomie de cet État fédéré n’est reconnue ni par la
France ni par l’ONU. Ces transferts sont d’ailleurs effectués hors de tout accord international

9
  Loi n°2011-13 du 5 janvier 2011, publiée au Journal Officiel de la République française du 6 janvier 2011.
10
   Article 5 de la loi n°94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l'exercice
par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer, modifiée par la loi n°2011-13 du 5 janvier 2011.
11
   Permettant de laisser la porte ouverte à une collaboration avec les Etats de la région (accords de transfèrement de
l’UE à des fins de jugement, voir ci-après).

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entre la France et les autorités puntlandaises. L’Inde, l’Égypte et les États-Unis ont également
choisi cette voie.
    Seulement, la législation puntlandaise prévoit la peine de mort pour le crime de piraterie. La
France, qui remet des pirates interceptés à ces autorités aurait reçu l’assurance que les personnes
appréhendées ne seraient pas soumises à la torture, à des traitements inhumains et dégradants, ou
punies par la peine de mort. Mais, la question qui importe ici est de savoir si cette assurance
procure, « dans [son] application effective, une garantie suffisante quant à la protection du
requérant contre le risque de traitements interdits par la Convention [européenne des droits de
l’homme] ». L’arrêt Saadi c. Italie12 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)
confirme ainsi que de simples garanties verbales ne constituent pas une garantie suffisante contre
les mauvais traitements, du moins quand des rapports sur de telles pratiques sont disponibles et
quand enquêter sur ces abus n’est pas possible.

    Il est notable que, dans la nouvelle loi du 6 janvier 2011, le législateur français a préféré ne
pas prévoir l’interdiction de la remise des pirates à un autre pays « lorsque le fait est puni par la
législation de cet État d’une peine ou d’une mesure de sûreté contraire à l’ordre public français »
et « lorsque la personne serait jugée dans cet État par un tribunal n’assurant pas les garanties
fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense. »13 L’argumentaire français
tient à ce que ces garanties font déjà partie intégrante d’autres accords internationaux auxquels la
France a souscrit. Cet argument semble difficile à défendre devant la Cour, d’autant plus que
l’on sait que l’Union européenne insiste à intégrer une telle provision explicite aux accords de
transfèrement qu’elle conclut avec les États de la région (voir ci-après). On rappellera que la
Cour de Strasbourg a condamné l’État britannique le 2 mars 2010 pour avoir remis des irakiens
accusés de meurtre à l’État irakien où ils encourent la peine de mort.14

     Les outils traditionnels conférés par le droit de la mer ont donc montré leurs limites soit par
manque de volonté politique des États capteurs, soit en raison d’une violation éventuelle des
droits de l’homme. Dès lors, la communauté internationale tente de lutter contre cette impunité
en coopérant avec les États de la région.

La voie juridique choisie par l’Union européenne : les accords de transfèrement avec les
États régionaux

    Les États riverains de la zone ne disposant que rarement des moyens pour appréhender les
pirates, ils ne sont en pratique que peu conduits à juger les pirates présumés. Trois facteurs
plaident pourtant pour un traitement régional de jugement des pirates :
- la réticence des États capteurs pour juger les pirates sur leur territoire ;
- la remise controversée des pirates à la Somalie ;

12
   CEDH, Grande Chambre, Saadi c. Italie, affaire n°37201/06, 28 février 2008.
13
   Amendement proposé par le groupe socialiste au Sénat et rejeté lors de la séance publique du 6 mai 2010.
14
   CEDH, 2 mars 2010, Al Saadoon et Mufdhi c. Royaume Uni, affaire n°61498/08, arrêt devenu définitif le 4
octobre 2010.

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- et la demande croissante des États capteurs pour le partage du fardeau de la lutte contre la
piraterie avec les autres États de la région.

    Suite à cet état de fait, l’Union européenne a conclu des accords de transfèrement de pirates à
des fins de jugement avec certains États de la région à défaut de rapatriement dans l’État capteur,
permettant alors aux États capteurs d’exercer leur compétence s’ils le souhaitent. L’UE a conclu
avec le Kenya le 6 mars 2009 un premier accord de transfèrement des pirates appréhendés par les
forces de l’opération EUNAVFOR Atalanta, suivi d’un deuxième avec les Seychelles le 10
novembre 2009. 15 Ces accords fixent les conditions et les modalités de transfèrement des
suspects aux autorités kenyanes à des fins de jugement :
- application de la législation de l’État receveur ;
- large pouvoir de vérification et de contrôle sur le sort du prisonnier de la part
d’EUNAVFOR ;
- les décisions administratives individuelles sont prises en commun entre l’UE et l’État
receveur ;
- aucune personne transférée n’est passible d’une condamnation à la peine de mort : l’État
receveur prend les mesures nécessaires, conformément aux lois applicables, pour que la
condamnation à la peine de mort soit commuée en peine d’emprisonnement.

    Contrairement à l’accord avec le Kenya, l’accord UE-Seychelles laisse aux autorités
seychelloises le choix de recevoir des pirates au cas par cas. Il prévoit également que l’UE
apporte toute l’aide nécessaire aux Seychelles en matière de finances, de ressources humaines,
d’équipement, de logistique et d’infrastructures. Ce dernier accord innove sur un dernier point :
s’ajoutant au droit de visite des représentants de l’opération européenne, il permet aux agences
humanitaires nationales et internationales de rendre visite aux personnes transférées. Un accord
similaire est sur le point d’être conclu avec l’Île Maurice qui, à ce jour, refuse d’introduire une
provision explicite excluant l’application de la peine de mort aux pirates inculpés.

    Seulement, confrontées à un afflux judiciaire à gérer de plus en plus important, les autorités
kenyanes ont décidé le 30 septembre 2010 de dénoncer cet accord dont les bases juridiques
semblaient de plus en plus contestées par les juges et avocats kenyans eux-mêmes 16 . En
conséquence, moins d’un pirate sur dix a été transféré devant une autorité judiciaire depuis
l’automne 2010.

   Néanmoins, comme le souligne Jack Lang, conseiller spécial du Secrétaire général des
Nations unies pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, ces

15
   D’autres Etats tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Danemark ont également opté pour le transfèrement
des pirates appréhendés à des autorités judiciaires régionales.
16
   Voir l’arrêt de principe rendu par la Haute Cour de Mombasa le 9 novembre 2010 qui déclare que le Kenya n’a
pas la capacité juridictionnelle d’intervenir dans des infractions commises hors de ses eaux territoriales et qu’aucune
cour n’a de compétence en la matière : actuellement devant la Cour d’Appel, on attend les délibérations de
l’audience qui s’est tenue le 28 mars 2011.

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accords restent l’outil le plus efficace pour traduire les pirates devant une autorité judiciaire 17. Le
manque de soutien financier de la communauté internationale est au centre de la dénonciation
kenyane. Comme le demande le Conseil de Sécurité18, il est donc nécessaire de renforcer les
capacités juridictionnelles des États de la région en spécialisant une partie de ses institutions
judiciaires à la lutte contre la piraterie sur le modèle de ce qu’avait commencé à faire l’ONUDC
en finançant la mise en place au Kenya d’une cour spécialisée dans le crime de piraterie.

La recherche de solutions alternatives

    Tout en tentant de rendre plus efficaces ces accords de transfèrement, le Conseil de Sécurité
s’interroge sur des solutions alternatives pour transférer les pirates devant une autorité judiciaire.
Étudiant les sept propositions19 du Secrétaire Général des Nations Unies le 25 août 2010, les
États membres ont montré leur intérêt pour la création d’un tribunal international (Russie,
Ukraine, Chine), pour la mise en place d'une juridiction ou chambre régionale (Turquie, France,
Inde) ou pour une solution locale de soutien (Royaume-Uni, Norvège). Quant à Jack Lang, il
conseillait dans son rapport de janvier 2011 une « somalisation » de la réponse judiciaire à
l’encontre des pirates. Souhaitant à terme que la Somalie juge tous ses ressortissants 20 , il
préconise l’utilisation temporaire des capacités de jugement des États régionaux avant que les
autorités somaliennes soient en mesure de poursuivre les pirates sur leur territoire. 21

    Au centre de cette « somalisation » de la lutte contre la piraterie se trouve la question de
l’incarcération. Suivant les recommandations de Jack Lang, le Conseil de Sécurité appelle au
développement d’accords de transfèrement à des fins d’incarcération entre la Somalie et les États
régionaux 22 . Les Seychelles ont en effet conclu en février 2011 un accord avec le GFT, le
Puntland et le Somaliland pour que les pirates somaliens condamnés dans l’archipel puissent
exécuter leur peine en Somalie. Cet accord entrera en vigueur dès que les capacités pénitentiaires
somaliennes seront suffisantes, obstacle solvable à moyen terme avec un soutien financier
approprié de la communauté internationale.

Références :
DAEMERS (J.), La répression pénale de la piraterie maritime au large de la Corne de
l’Afrique, Mémoire, Aix-en-Provence, juin 2010.
LANG (J.), Rapport du Conseiller spécial du Secrétaire Général pour les questions juridiques
liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, New York, janvier 2011.

17
   Les huit premiers mois d’application de l’accord UE-Kenya a permis de présenter 136 pirates devant une autorité
judiciaire à même de les juger.
18
   CS Rés. 1976 du 11 avril 2011, §20, pp. 5 et 6.
19
   Déclaration du Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 25 août 2010 (S/PRST/2010/16).
20
   Selon lui, la lutte contre la piraterie pourrait servir de levier pour une réforme globale du système judiciaire
somalien.
21
   Proposition accueillie favorablement par le Conseil de Sécurité des Nations Unies le 11 avril 2011 (CS, Rés. 1976,
§26, p. 6) : le Secrétaire général des Nations Unies devra présenter, dans un délai de deux mois, un rapport sur les
modalités de ces mécanismes de poursuites.
22
   CS Rés. 1976 du 11 avril 2011, §§21 et 22, p. 6.

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