La maladie des embolies de cristaux de cholestérol

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La maladie des embolies de cristaux de cholestérol
Mini-revue
Sang Thrombose Vaisseaux 2005 ;
17, n° 4 : 197-203

La maladie des embolies de cristaux de cholestérol
Marc Lambert, Pierre Yves Hatron

Service de Médecine Interne, hôpital Claude Huriez, rue Polonovski, CHRU Lille, 59035 Lille cedex

                                          La maladie des embolies de cristaux de cholestérol est une
                                          pathologie dont l’incidence est évaluée à 6 cas par million
                                          d’habitants qui touche essentiellement les patients polyathéro-
                                          mateux. Elle survient le plus souvent au décours d’un geste
                                          endovasculaire artériel, après l’introduction d’un traitement
                                          anticoagulant mais peut aussi être spontanée. Si les formes
                                          cutanées et rénales sont classiques et témoignent de l’atteinte de
                                          la microcirculation artériolaire, la maladie peut prendre le
                                          masque d’une pathologie digestive infectieuse ou inflamma-
                                          toire, d’une vascularite. Son diagnostic repose essentiellement
                                          sur la recherche des facteurs la favorisant, dans un contexte de
                                          patient polyvasculaire. Il faut s’attacher à rechercher un livedo,
                                          une ischémie digitale et une atteinte rénale qui font le pronostic
                                          de la maladie. Un syndrome inflammatoire accompagne volon-
                                          tiers la pathologie ainsi qu’une hyperéosinophilie transitoire.
                                          Une preuve histologique est indispensable quand un diagnostic
                                          différentiel est évoqué car la prise en charge thérapeutique
                                          justifie dans un premier temps de ne pas nuire au patient en
                                          évitant la récidive du processus embolique. L’adjonction d’aspi-
                                          rine à dose anti-agrégante et d’une statine permettent alors de
                                          stabiliser la plaque d’athérome. Cette maladie reste grevée
                                          d’une mortalité hospitalière de près de 16 % et 30 à 60 % des
                                          patients décèdent la première année.
                                          Mots clés : embolie, cristal de cholestérol, patient polyathéromateux

                                          L
                                                      a maladie des embolies de cristaux de cholestérol est une pathologie
                                                      peu connue, souvent sous-estimée, aux multiples facettes, décrite
                                                      initialement par Panum en 1862 [1]. Son incidence est estimée à 6 par
                                                      million d’habitants [2]. Elle serait retrouvée à l’autopsie chez 0,3 %
                                          d’une population non sélectionnée [3] et jusqu’à 15 % d’une population por-
                                          teuse d’une athérosclérose, décédée après chirurgie aortique [4]. L’âge moyen
                                          de survenue est de 66 ans, avec un sex ratio de trois hommes pour une femme
                                          [5]. Le vieillissement de la population, le développement des indications
                                          d’angioplasties ne peuvent que favoriser l’émergence de cette pathologie
                                          comme le soulignent TC Leertouwer et al. dans leur méta-analyse de la
                                          littérature [6] ainsi que Modi et al. pour qui la fréquence des patients dialysés
Tirés à part :                            pour une maladie des embolies de cristaux de cholestérol est passée de 1,9 %
M. Lambert                                dans les années 80 à 2,7 % dans les années 90 [7]. De par la diffusion systémique

                                                   STV, vol. 17, n° 4, avril 2005
                                                                                                                               197
La maladie des embolies de cristaux de cholestérol
des embols, les présentations cliniques sont variables et              nes [23]. L’échocardiographie transœsophagienne permet
      peuvent entraîner une certaine errance diagnostique justi-             alors de repérer les plaques à haut risque embolique [24]
      fiant d’avoir toujours en tête les signes cardinaux de cette           (cf. bilan morphologique).
      pathologie mais aussi de savoir l’évoquer devant une pré-
      sentation atypique.
                                                                             Facteurs de risque
                                                                             Le sexe masculin est 3 fois plus fréquemment associé à la
      Physiopathologie                                                       maladie des embolies de cristaux de cholestérol qu’elle soit
                                                                             symptomatique [5] ou asymptomatique (odds ratio : 2,7 ;
      La maladie des embolies de cristaux de cholestérol est
                                                                             95 % IC : 1,5- 4,8) [25]. Les facteurs de risque convention-
      secondaire à l’ulcération de plaques d’athérome, le plus
                                                                             nels d’athérothrombose sont présents: une hypertension
      souvent aortique ou sur les gros troncs artériels du fait
                                                                             artérielle dans 57 % à 75 % des cas, un tabagisme actif dans
      d’une hémorragie ou d’une dissection de plaque d’athé-
                                                                             70 % des cas, un diabète dans 15 à 42 % des cas, une
      rome [8]. Un thrombus fibrino-plaquettaire sépare habi-
                                                                             hypercholestérolémie dans 28 % des cas [10, 14, 25]. Une
      tuellement le contenu de la plaque constitué de cristaux de
                                                                             maladie coronarienne est retrouvée dans 73 % des cas, une
      cholestérol du courant sanguin. Si ce thrombus est mobi-
                                                                             artériopathie des membres inférieurs dans 54 % des cas,
      lisé, les cristaux de cholestérol sont au contact du flux
                                                                             une maladie cérébrale vasculaire dans 37 % des cas [10].
      sanguin et peuvent alors migrer dans la circulation systémi-
                                                                             En outre la présence d’une HTA, d’une pathologie vascu-
      que et emboliser les artérioles de 250 à 500 lm de diamètre
                                                                             laire, d’un tabagisme actif ou ancien sont associés à la
      [9].
                                                                             présence d’embolies cholestéroliques rétiniennes asympto-
                                                                             matiques avec un odds ratio allant de 2,2 à 2,6 [25].
      Facteurs favorisant la maladie
                                                                             Présentation clinique
      Bien qu’elle puisse survenir spontanément dans près de
      12 % des cas [10, 11], de nombreux facteurs favorisant la              Le diagnostic de la maladie des embolies de cristaux de
      maladie des embolies de cristaux de cholestérol sont recon-            cholestérol se fait donc habituellement chez un patient âgé
      nus, que ce soit un cathétérisme artériel en vue d’une                 de plus de 60 ans, présentant de multiples facteurs de risque
      artériographie couplée ou non à une angioplastie, l’utilisa-           cardiovasculaires. Les symptômes apparaissent en général
      tion de traitements anticoagulants voire fibrinolytiques ou            de quelques semaines à quelques mois après une artériogra-
      encore un acte de chirurgie vasculaire ou cardiaque.                   phie, la mise en route d’un traitement anticoagulant ou une
      Le cathétérisme artériel est une cause reconnue d’embolie              intervention de chirurgie vasculaire [26]. Le contexte de
      cholestérolique [12], que ce soit à l’occasion d’angiogra-             survenue et l’interrogatoire sont donc primordiaux pour
      phies cérébrales [13], de coronarographies touchant envi-              évoquer le diagnostic de maladie des embolies de cristaux
      ron 1,4 % des patients [14], de manoeuvres endovasculai-               de cholestérol.
      res de recanalisation iliaque [15], de la prise en charge des          Les symptômes cliniques à rechercher seront donc la consé-
      sténoses d’artères rénales avec pose de stent [6]. Plus d’un           quence des embols distaux artériels. Les atteintes rénales et
      tiers des 71 complications (9 %) décrites dans cette méta-             cutanées sont retrouvées respectivement chez plus de 50 %
      analyse sont attribuables à des embolies de cholestérol qui            des patients. L’atteinte rénale se caractérise par l’apparition
      n’ont pu être toujours prouvées histologiquement [6].                  ou l’aggravation d’une insuffisance rénale accompagnée
      Les traitements anticoagulants sont un facteur déclenchant             d’une hématurie, d’une protéinurie chez un patient polya-
      reconnu d’embolies de cristaux de cholestérol que ce soit              théromateux. Elle est volontiers compliquée d’une hyper-
      les héparines non fractionnées, de bas poids moléculaires à            tension artérielle sévère à maligne. En cas d’insuffisance
      dose hypo ou isocoagulante, les antivitamines K ou les                 rénale et d’hypertension artérielle préexistante, les emboles
      fibrinolytiques [10, 16-20].                                           peuvent précipiter l’évolution vers l’insuffisance rénale
      Les actes de chirurgie cardiaque ou vasculaire entraînent              terminale [10].
      eux aussi des embolies de cristaux de cholestérol [21]. Le             L’atteinte cutanée se manifeste par l’apparition de troubles
      clampage aortique, la canulation artérielle sont reconnus              microcirculatoires cutanés à l’origine d’un livedo (figure 1),
      comme facteurs favorisant les embolies artérielles [22]                de pétéchies, d’une ischémie distale (figure 2) ou d’une
      amenant certains auteurs à développer des techniques vi-               nécrose digitale (figure 3).
      sant à prévenir les embolies à l’occasion de la prise en               La maladie des embolies de cristaux de cholestérol peut se
      charge de plaques d’athérome particulièrement emboligè-                révéler par des manifestations bien plus surprenantes. Elle

198                                                        STV, vol. 17, n° 4, avril 2005
La maladie des embolies de cristaux de cholestérol
neurologique trop rarement décrite faute de preuve histolo-
                                                                           gique patente confirmant le diagnostic de la maladie céré-
                                                                           brale des embolies de cristaux de cholestérol. Le terrain et
                                                                           les facteurs déclenchants sont strictement identiques aux
                                                                           autres présentations cliniques. L’atteinte cérébrale est sou-
                                                                           vent sévère (10 comas et 4 encéphalites). L’atteinte rénale
                                                                           est trouvée dans 76 % des cas. L’imagerie cérébrale recon-
                                                                           naît en général des infarctus lacunaires multiples (47 % des
                                                                           cas) mais est prise en défaut dans 35 % des cas.
                                                                           L’atteinte rétinienne est décelée dans 22 % des cas [29] ;
                                                                           elle est le plus souvent asymptomatique. Une embolie de
                                                                           cristaux de cholestérol asymptomatique peut d’ailleurs être
                                                                           retrouvée chez 1,4 % de la population de plus de 49 ans
Figure 1. Livedo au cours d’une maladie des embolies de cristaux           [25]. Par ailleurs, la présence d’embolies de cristaux de
de cholestérol.
                                                                           cholestérol asymptomatiques au niveau rétinien est signifi-
                                                                           cativement associée à la survenue d’accidents vasculaires
                                                                           cérébraux avec un risque relatif de 9,9 (95 % IC : 2,3 –
peut en effet être à l’origine de manifestations digestives                43,1 ; p = 0,002) [30].
associant douleurs abdominales, diarrhées voire des rector-                La maladie des embolies de cristaux de cholestérol peut
ragies. C’est le troisième site touché par la maladie dans                 prendre le masque d’une vascularite systémique : l’inflam-
près de 30 % des cas, en particulier au niveau du colon. Le                mation segmentaire des vaisseaux de petit calibre induite
diagnostic peut être confirmé par les biopsies digestives qui              par les cristaux de cholestérol est d’ailleurs semblable à
doivent prendre la sous-muqueuse, siège de prédilection                    l’atteinte liée aux vascularites. L’atteinte systémique, pluri-
des embolies [27]. Une atteinte pancréatique voire hépato-                 organique, dans un contexte de fièvre, d’altération de l’état
biliaire peut être retrouvée. Cependant, le tableau digestif               général avec livedo, insuffisance rénale aigue, des douleurs
est fréquemment associé aux manifestations cutanées de la                  des membres inférieurs potentiellement rattachables à une
maladie des embolies de cristaux de cholestérol rendant son                multinévrite et une hyperéosinophilie fait évoquer le dia-
diagnostic plus aisé.                                                      gnostic de micropolyangéite [31]. La négativité des anti-
Le système nerveux central est le quatrième site le plus                   corps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles
touché [3]. L’étude autopsique de M.A Ezzeddine et al. [28]                (ANCA) peut orienter le clinicien vers le diagnostic de la
sur 29 patients, permet de dresser le tableau de l’atteinte                maladie des embolies de cristaux de cholestérol. Cepen-

Figure 2. Ischémie digitale au cours d’une maladie des embolies de cristaux de cholestérol.

                                                         STV, vol. 17, n° 4, avril 2005
                                                                                                                                             199
Figure 3. Lésions livédoïdes et nécrose d’orteil au cours d’une maladie des embolies de cristaux de cholestérol.

      dant, il a été décrit des cas de maladie des embolies de                    Examens complémentaires
      cristaux de cholestérol avec p-ANCA [31, 32] justifiant
      donc d’obtenir en urgence une preuve histologique de la                     Biologie
      vascularite avant de débuter un traitement potentiellement                  Un syndrome inflammatoire est retrouvé chez la majorité
      délétère pour une maladie des embolies de cristaux de                       des patients [5] avec pour corollaire une hyperleucocytose
      cholestérol passée inaperçue.                                               et une anémie normocytaire. L’hyperéosinophilie est in-
      Une atteinte pulmonaire peut être trouvée au cours de la                    constante, retrouvée dans 14 à 75 % des cas en fonction des
      maladie des embolies de cristaux de cholestérol [33]. Elle                  études, probablement du fait de son caractère transitoire
      est habituellement liée à l’atteinte des artères bronchiques,               [29, 38, 39]. Il faut donc particulièrement porter son atten-
      qui sont issues de l’aorte. Elle peut cependant toucher les                 tion sur le bilan biologique réalisé immédiatement après
      artères pulmonaires en cas de fistule artérioveineuse [34],                 l’apparition des symptômes voire même avant le geste
      de shunt artérioveineux voire d’athérosclérose de l’artère                  favorisant. Dans l’étude de Fukumoto Y et al. [14], on note
      pulmonaire. Le tableau pulmonaire est dominé par une                        en effet une hyperéosinophilie avant le cathétérisme cardia-
      insuffisance respiratoire aigue avec hémorragie alvéolaire.                 que chez les patients qui vont se compliquer d’une maladie
      La présence de facteurs déclenchants, le tableau clinique                   des embolies de cristaux de cholestérol. Cette hyperéosino-
      cutané et rénal sont fréquemment retrouvés soulignant ainsi                 philie est par ailleurs corrélée à l’importance de l’atteinte
      que la maladie des embolies de cristaux de cholestérol peut                 rénale.
      être considérée comme un diagnostic différentiel du syn-                    Une hypocomplémentémie a été décrite [40] mais n’est pas
      drome pneumo-rénal [35].                                                    toujours retrouvée [29]. Sa présence va plutôt retarder le
      La fièvre est un symptôme finalement peu décrit au cours                    diagnostic de maladie des embolies de cristaux de cholesté-
      de la maladie des embolies de cristaux de cholestérol                       rol en orientant le clinicien vers un lupus érythémateux aigu
      concernant 7 % des patients de l’étude de Fine et al. [5].                  disséminé ou une cryoglobulinémie.
      C’est un symptôme qu’il faut pourtant avoir à l’esprit car,
      dans un contexte de livedo, de nécroses digitales, d’insuffi-               Histologie
      sance rénale aigue, le diagnostic différentiel à évoquer est                Une preuve histologique doit être obtenue si un diagnostic
      l’endocardite bactérienne dont la mise en évidence est                      différentiel peut être évoqué car la prise en charge thérapeu-
      parfois difficile pouvant entraîner une errance diagnostique                tique peut être à l’opposé de celle de la maladie des embo-
      [36].                                                                       lies de cristaux de cholestérol comme, par exemple, face à
      Plus rarement un tableau évocateur de myosite focale peut                   un tableau de vascularite [31, 32]. Les biopsies seront donc
      révéler en fait une maladie des embolies de cristaux de                     orientées par la clinique, la biologie et en fonction du risque
      cholestérol [37].                                                           inhérent à ce type de geste. La biopsie d’une maille de

200                                                             STV, vol. 17, n° 4, avril 2005
livedo est simple à réaliser mais sa rentabilité n’est pas                Évolution
clairement définie. Si cette dernière n’est pas envisageable,
une biopsie musculaire peut être réalisée et orientée par la              L’évolution se fait à court terme vers le décès, principale-
présence de myalgies. Si une biopsie digestive est néces-                 ment de cause cardiovasculaire, au cours de l’hospitalisa-
saire, elle devra prendre la sous-muqueuse pour être renta-               tion initiale dans 16 % des cas avec une mortalité qui peut
ble [27]. La ponction biopsie rénale sera essentiellement                 atteindre 80 % à 1 an [14, 29]. Dans l’étude prospective de
réalisée en cas de tableau de glomérulonéphrite rapidement                Scolari F et al., le décès est conditionné par la présence
progressive ou si l’atteinte est isolée au rein, en soupesant le          d’un diabète, d’une cardiopathie sous-jacente préexistants
ratio bénéfice/risque d’un tel geste. Dans tous les cas, le               et la survenue d’une insuffisance rénale terminale qui reste
diagnostic évoqué devra être spécifié à l’anatomopatholo-                 le principal facteur péjoratif dans cette pathologie [10].
giste car les techniques de routine de préparation des frag-              Cependant, quelques cas de récupération partielle ou com-
ments biopsiques peuvent dissoudre le cristal de cholesté-                plète de la fonction rénale ont été décrits justifiant donc une
rol.                                                                      prise en charge active de cette pathologie dont les séquelles
                                                                          sont considérées par beaucoup comme définitives [44]
C’est parfois après le décès du patient que le diagnostic est
                                                                          comme le soulignent Belenfant et al. [29].
fait grâce à une autopsie. Dans l’étude de Zehr et al.,
portant sur 600 décès à l’occasion d’une chirurgie cardia-
que, le décès est attribué à une maladie des embolies de                  Prise en charge thérapeutique
cristaux de cholestérol dans 4 % des cas (n = 6), la maladie
des embolies des cristaux de cholestérol n’ayant pas été                  La prise en charge thérapeutique doit tout d’abord être
identifiée chez la moitié des patients avant le décès [41].               prudente et éviter tous les facteurs favorisant la maladie :
                                                                          introduction intempestive d’anticoagulants que ce soit une
                                                                          héparine de bas poids moléculaire, une héparine non frac-
Morphologie                                                               tionnée ou un antivitamine K, un cathéterisme artériel (cf.
                                                                          facteurs favorisant la maladie).
La confirmation du diagnostic peut être apportée par la                   L’aspirine à dose antiagrégante est une thérapeutique sédui-
réalisation d’un fond d’œil qui ne sera pathologique que                  sante de la maladie des embolies de cristaux de cholestérol
dans 22 % des cas, objectivant les cristaux de cholestérol                et n’a jamais été décrite comme un facteur favorisant.
[29].                                                                     Cependant son efficacité n’a pu être démontrée formelle-
L’artériographie n’apporte pas d’élément complémentaire                   ment en dehors de quelques cas rapportés [45].
au diagnostic de la maladie des embolies de cristaux de                   L’utilisation des corticoïdes peut être envisagée, en particu-
cholestérol. Elle peut au contraire l’aggraver et doit donc               lier s’il existe des signes biologiques d’inflammation: Na-
être proscrite ce qui est logique quand le diagnostic de                  kahama et al. décrivent l’amélioration de la fonction rénale
maladie des embolies de cristaux de cholestérol est évoqué                d’une patiente évitant ainsi la dialyse [46]. De même Belen-
puisqu’il s’agit du principal facteur favorisant. Le bilan                fant et al. décrivent 18 patients qui tirent bénéfice d’une
étiologique justifie donc de recourir à des explorations                  corticothérapie dans un contexte inflammatoire lié à une
non-invasives qui apportent des informations complémen-                   maladie des embolies de cristaux de cholestérol [29]. La
taires que ce soient l’écho-Doppler, l’oxymétrie transcuta-               posologie de corticoïdes utilisée dans cette étude était de
née ou les pressions systoliques digitales pour évaluer un                0,3 mg/kg/j.
tableau d’ischémie distale, l’angio-TDM ou l’angio-IRM                    L’intérêt des statines était jusqu’alors discutable, amélio-
dont les améliorations techniques constantes leur permet-                 rant des lésions ischémiques dans un case report [47], une
tent de supplanter l’artériographie diagnostique, en explo-               atteinte rénale dans un autre [48]. L’étude prospective de
rant les parois de l’aorte et le réseau artériel des membres              Scolari et al. confirme l’intérêt des statines afin de ralentir
inférieurs. Ces deux examens permettent alors de dépister                 l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale [10]. Par
les plaques d’athérome potentiellement emboligènes.                       ailleurs, les statines stabilisent la plaque d’athérome, évi-
L’échographie cardiaque transœsophagienne permet de dé-                   tant potentiellement la récidive embolique [49].
pister les plaques d’athérome aortique (> 4 mm) dont la                   À la phase aigue de l’ischémie critique distale, l’ilomédine
présence est corrélée au risque d’accident vasculaire céré-               pourrait être utile par sa puissante action vasodilatatrice.
bral (odds ratio = 9,1 ; 95 % IC : 3,3 – 25,2 ; p < 0,001)                Cependant, peu d’auteurs décrivent son utilité alors que
[42]. Par ailleurs son utilisation préalable à une canulation             Elinav et al. semblent avoir eu d’excellents résultats pour
ou un clampage aortique permet d’adapter le geste afin de                 passer un cap et favoriser la cicatrisation chez quatre pa-
diminuer le risque de rupture de plaque aortique [43].                    tients porteurs d’embolies de cristaux de cholestérol [50].

                                                        STV, vol. 17, n° 4, avril 2005
                                                                                                                                            201
2. Moolenar W, Lamers CBHW. Cholesterol crystal embolyzation in the
       Abstract                                                                    Netherlands. A review of 842 cases filed in the Dutch National pathology
                                                                                   information system from 1973 to 1994. Arch Intern Med 1996 ; 156 :
       Cholesterol crystal embolism                                                653-7.
       Atheroembolic disease has an annual incidence of                            3. Moolenaar W, Lamers C. Cholesterol crystal embolyzation in the
       6/million, with an increased incidence in patients with                     Netherlands. Arch Intern Med 1996 ; 156 : 653-7.
       severe atherosclerosis. There is a clear correlation with                   4. Thurlbeck WM, Castelman B. Atheromatous emboli to the kidneys
       invasive vascular procedures and pharmalogical treat-                       after aortic surgery. N Engl J Med 1957 ; 257 : 442-7.
       ments with anticoagulant agents. If the diagnosis is
                                                                                   5. Fine MJ, Kapoor W, Falanga V. Cholesterol crystal embolyzation : a
       easier in patients with cutaneous and renal lesions,
                                                                                   review of 221 cases in the English literature. Angiology 1987 ; 38 : 769-84.
       atheroembolic disease is a great masquerader that can
       mimic vasculitis for example. The diagnosis should be                       6. Leertouwer TC, Gussenhoven EJ, Bosch JL, et al. Stent Placement for
       suspected in case of invasive vascular procedures in                        Renal Arterial Stenosis : Where do we stand? A Meta-analysis. Radiology
                                                                                   2000 ; 216 : 78-85.
       patients with atherosclerosis. Livedo and acute renal
       failure are the cardinal symptoms. An inflammatory                          7. Modi KS, Rao KV. Atheroembolic renal disease. J Am Soc Nephrol
       syndrome and hypereosinophilia are frequently asso-                         2001 ; 12 : 1781-7.
       ciated. The treatment associates aspirin and statins.                       8. Flory CM. Arterial occlusion produced by emboli from eroded aortic
       Unfortunately prognosis is very poor with 16 % in-                          atheromatous plaques. Am J Pathol 1945 ; 21 : 549-65.
       hospital mortality and about 30 to 60 % secondary
                                                                                   9. Pascual M, Baumgartner JM, Bounameaux H. Stroke secondary to mul-
       mortality during the first year of follow-up.                               tiple spontaneous cholesterol emboli. Vasa 1991 ; 20 : 74-7.
       Key words: atheroembolic disease, patient with severe                       10. Scolari F, Ravani P, Pola A, et al. Predictors of renal and patients
       atherosclerosis, cholesterol crystal                                        outcomes in atheroembolic renal disease : a prospective study. J Am Soc
                                                                                   Nephrol 2003 ; 14 : 1584-90.
                                                                                   11. Scolari F, Tardanico R, Zani R, et al. Cholesterol crystal embolism : a
                                                                                   recognizable cause of renal disease. Am J Kidney Dis 2000 ; 36 : 1089-
      Afin d’éviter la récidive d’embolies à partir de plaques                     109.
      aortiques, l’utilisation de stents couverts peut être envisa-                12. Alamartine E, Phayphet M, Thibaudin D, Barral FG, Veyret C.
      gée. Dans l’expérience de Carroccio et al. sur des patients                  Contrast medium-induced acute renal failure and cholesterol embolism
      ayant présenté une maladie des embolies de cristaux de                       after radiological procedures : incidence, risk factors, and compliance
                                                                                   with recommendations. Eur J Int Med 2003 ; 14 : 426-31.
      cholestérol d’origine aortique, le devenir postopératoire
                                                                                   13. Hagiwara N, Toyoda K, Nakayama M, et al. Renal cholesterol embo-
      des patients est excellent à 30 jours. Dans l’année qui suit                 lism in patients with carotid stenosis : a severe and underdiagnosed com-
      l’intervention, 1 seul des 19 patients pris en charge a pré-                 plication following cerebrovascular procedures. J Neurol Sci 2004 ; 222 :
      senté de nouvelles manifestations évocatrices de la maladie                  109-12.
      [51]. Il convient cependant d’avoir optimisé la prise en                     14. Fukumoto Y, Tsutsui H, Tsuchihashi M, Masumoto A, Takeshita A.
                                                                                   The incidence and risks factors of cholesterol embolization syndrome, a
      charge médicale et en particulier le traitement par statines                 complication of cardiac catheterization : a prospective study. J Am Coll
      afin de stabiliser la plaque d’athérome.                                     Cardiol 2003 ; 42 : 211-6.
                                                                                   15. Gür S, Parildar M, Posacioglu H, Oran I, Memis A. Fatal blue toe
                                                                                   syndrome after recanalization of iliac artery occlusion. Eur J Radiol
                                                                                   2003 ; 47 : 94-7 ; [extra].
      Take-home message
                                                                                   16. Bruns F, Segel D, Alder S. Control of cholesterol embolization by
                                                                                   discontinuation of anticoagulant therapy. Am J Med Sci 1978 ; 275 :
      – Rechercher le facteur favorisant jusqu’à plusieurs mois                    105-7.
      avant les symptômes.
                                                                                   17. Belenfant X, d’Auzac C, Bariéty J, Jacquot C. Embolies de cholesté-
      – Examiner la peau et rechercher des stigmates d’ischémie                    rol au cours de traitements par héparine de bas poids moléculaire. Presse
      distale.                                                                     Med 1997 ; 26 : 1236-7.
      – Faire le fond d’œil le plus précocement possible.                          18. Carron PL, Florea A, Ducloux D, Jamali M, Chalopin JM. Atheroem-
      – Obtenir une preuve histologique, surtout si un diagnostic                  bolic disease associated with the use of low-molecular-weight heparin
                                                                                   during haemodialysis. Nephrol Dial Transplant 1999 ; 14 : 520-1.
      différentiel est envisagé
      – Traiter activement le malade en évitant de surajouter un                   19. Geraets DR, Hoehns JD, Burke TG, Grover-McKay M. Thrombolytic-
                                                                                   associated cholesterol emboli syndrome. Eight cases and a review of the
      facteur favorisant à un autre. ■                                             literature. Pharmacotherapy 1995 ; 15 : 441-50.
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                                                                                   Cholesterol embolism and acute interstitial nephritis : two adverse effects
                                                                                   of streptokinase thrombolytic therapy in the same patient. Nephrol Dial
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                                                                                  chronic renal failure due to cholesterol embolism. Nephrol Dial Trans-
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