Les maladies du foie au Canada - UNE CRISE EN DEVENIR - ÉVALUATION DES MALADIES DU FOIE AU CANADA
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Les maladies du foie au Canada UNE CRISE EN DEVENIR ÉVALUATION DES MALADIES DU FOIE AU CANADA MARS 2013
TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ 2 INTRODUCTION 6 MÉTHODES 6 MALADIES DU FOIE 7 CHAPITRE 1 8 L’hépatite B CHAPITRE 2 26 L’hépatite C CHAPITRE 3 41 L’hépatopathie alcoolique CHAPITRE 4 45 La stéatose hépatique non alcoolique CHAPITRE 5 49 La cirrhose et ses complications CHAPITRE 6 52 Le carcinome hépatocellulaire CHAPITRE 7 59 Les ressources pour la prise en charge des maladies du foie au Canada CHAPITRE 8 63 Les coûts des maladies du foie CHAPITRE 9 67 Résumé CHAPITRE 10 70 Recommandations CONCLUSION 73 EXPLICATION DES SIGLES 74 1
RÉSUMÉ Le foie, notre plus gros organe interne, participe à presque tous les processus essentiels de l’organisme. En dépit de son rôle vital, la majorité des Canadiens font comme s’il n’existait pas. Malheureusement, cette négligence a des conséquences dangereuses pour la qualité et l’espérance de vie et peu de gens comprennent la gravité des enjeux. Au cours d’une période de seulement huit ans, le taux de mortalité lié aux maladies du foie a augmenté de presque 30 %. Ceux qui participent directement aux soins des patients souffrant d’une maladie du foie ont été trop souvent témoins de cette tragédie dans des hôpitaux partout au pays. Pourtant, il n’y a aucun sentiment d’urgence en ce qui concerne la collecte ou l’évaluation des données visant à mesurer la vraie portée du fardeau de ces maladies, ou de leur traitement. Même s’il est indéniable que l’abus d’alcool provoque certaines maladies du foie, la fausse impression que toutes les maladies du foie sont causées par l’alcool n’aide pas à surmonter l’indifférence du public et du gouvernement dans ce domaine. Selon les estimations, un Canadien sur dix, ou plus de trois millions de personnes, est atteint d’une forme ou l’autre de maladie du foie. Les maladies du foie les plus fréquentes, soit l’hépatite virale, la stéatose hépatique et le cancer du foie, sont toutes en hausse, ce qui signifie que les taux de mortalité liés à ces maladies et à leurs complications continueront de s’élever en l’absence d’une intervention efficace. Être diagnostiqué d’une maladie du foie ne devrait pas être une sentence de mort. Même s’il existe des solutions efficaces de dépistage, de diagnostic et de traitement pour bon nombre de patients, en l’absence de stratégies coordonnées, de politiques gouvernementales de soutien et d’investissements financiers dans la recherche et le soin des patients, les maladies du foie continueront d’être la cause de nombreux décès qui imposeront un lourd fardeau aux systèmes de santé du pays. Les résultats clés de cette étude mettent en lumière les occasions manquées de prévention, les lacunes en matière de soins, et l’effet de ces maladies sur la vie des patients. HÉPATITE VIRALE L’hépatite virale est une infection fréquente au Canada. Même si sa prévalence exacte est inconnue, il est probable que plus de 500 000 personnes sont infectées par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C. L’hépatite virale est beaucoup plus fréquente que l’infection par le VIH, qui arrive au troisième rang des infections transmissibles par le sang. Ceux qui sont infectés par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C sont exposés à un risque accru de développer une cirrhose, une insuffisance hépatique ou un cancer du foie. Le taux de mortalité liée à l’hépatite virale dépasse celui attribuable au VIH, et la tendance risque de se maintenir. Surveillance : La prévalence des hépatites chroniques B ou C et le taux de mortalité liée à ces maladies sont inconnus. Les données recueillies par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) sur l’hépatite B sont axées sur l’infection aiguë et non sur l’infection chronique. Cependant, la maladie est surtout transmise par des personnes atteintes d’une infection chronique et la mortalité est principalement attribuable à l’hépatite virale chronique. En outre, les données recueillies par l’ASPC sur l’hépatite C ne font pas la distinction entre les infections aiguës guéries et les infections chroniques. L’absence de données précises masque l’ampleur du problème. Les études de modélisation indiquent une augmentation du nombre de décès liés aux hépatites B et C, contribuant ainsi à la hausse générale de la mortalité attribuable aux maladies du foie. Dépistage : Il est recommandé de procéder à un test de dépistage de l’hépatite B chez toutes les femmes enceintes. Contrairement aux pratiques d’autres pays, il n’existe aucune recommandation gouvernementale officielle concernant le dépistage de l’hépatite B ou de l’hépatite C chez d’autres populations. Des occasions d’intervenir sont donc manquées. 2
Recherche : Le Canada a investi dans la recherche sur le VIH dix fois plus que sur l’hépatite B et cinq fois sur l’hépatite C, en dépit du plus grand nombre de décès attribuables chaque année à l’hépatite B ou à l’hépatite C qu’au VIH. Soutien : L’Agence de la santé publique du Canada investit environ 10 M$ par année dans les programmes sur l’hépatite C, mais très peu pour l’hépatite B. Certaines provinces possèdent des programmes de soutien pour les hépatites B et C, mais ceux-ci sont incomplets. Le traitement de l’hépatite B et de l’hépatite C est insatisfaisant au Canada. Moins de 10 % des patients atteints d’hépatite B et moins de 25 % de ceux qui sont atteints d’hépatite C ont été traités efficacement. Il y a plusieurs obstacles au traitement : Politiques de remboursement limitées : Dans la foulée des recommandations en matière de remboursement du Comité canadien d’expertise sur les médicaments (CCEM) et de la plupart des provinces, de nombreux patients n’ont pas accès au traitement. Ces restrictions ne sont pas fondées sur des données scientifiques et ne respectent pas non plus les recommandations cliniques. Elles semblent basées uniquement sur les coûts. Sensibilisation à l’hépatite : Les patients et les collectivités où ces maladies sont prévalentes ne sont pas sensibilisés à la gravité de ces infections et à leurs conséquences. Cette situation s’explique en partie par un manque d’éducation au sein des communautés d’immigrants, ainsi que par une honte injustifiée et des notions médicales culturelles propres à ces communautés. Il est nécessaire de sensibiliser davantage les médecins de famille à la signification des anomalies du bilan hépatique chez les patients atteints d’une hépatite virale chronique, et il est souhaitable qu’ils comprennent mieux l’évolution naturelle de ces infections. Personnel insuffisant : Très peu d’hôpitaux au Canada offrent des lits réservés aux patients atteints d’une maladie chronique du foie. Le nombre de médecins formés pour traiter les patients atteints d’une maladie du foie, particulièrement l’hépatite C et le carcinome hépatocellulaire, est limité. Le traitement de l’hépatite C est complexe et exige beaucoup de travail ainsi que des soins infirmiers spécialisés. Au Canada, la majorité des infirmières et infirmiers qui s’occupent de patients atteints d’hépatite C sont rémunérés par l’industrie pharmaceutique plutôt que par les ministères de la santé provinciaux, comme c’est le cas habituellement pour les autres maladies. Coûts : Le traitement des hépatites B et C est dispendieux, mais les coûts à vie sont inférieurs à ceux du traitement du VIH. Une économie de coûts serait possible si les personnes infectées étaient traitées avant de développer un stade avancé de leur maladie du foie. Compte tenu de toutes les restrictions imposées aux soins adéquats des individus atteints d’hépatite virale, le Canada fait face à une augmentation massive imminente de la mortalité liée à ces maladies. Les données de Statistique Canada indiquent déjà une augmentation de la mortalité liée aux maladies chroniques du foie ainsi que des décès imputables au cancer du foie. Selon les prévisions, la mortalité associée à l’hépatite virale continuera de s’élever jusqu’en 2020 et au-delà. Le seul taux de mortalité pour le cancer du foie lié à l’hépatite B augmentera de 50 %. Des hausses de la mortalité liée à l’hépatite C sont également prévues. Des centaines de milliers de Canadiens sont exposés à ce risque, même si cette situation est en grande partie évitable. Il existe d’excellents traitements pour l’hépatite B qui permettent de contrôler adéquatement cette infection et de diminuer ou même d’éliminer le risque de cirrhose et de cancer du foie. Le traitement de l’hépatite C s’améliore, certaines formes de la maladie pouvant être guéries dans environ 70 % des cas, et de meilleurs traitements seront bientôt disponibles. Pour ceux qui ont reçu un diagnostic de cirrhose et qui présentent un risque plus élevé de contracter un cancer du foie, il existe des méthodes de dépistage de ce cancer, et des traitements curatifs pour la plupart des petits cancers décelés par le dépistage. 3
Toutefois, afin d’atteindre ces objectifs, le Canada doit améliorer la surveillance, la collecte de données, les programmes de sensibilisation, d’accès au traitement et accroître le financement de la recherche sur ces maladies. En l’absence de ces améliorations, le taux de mortalité des maladies du foie restera inchangé. Ailleurs dans le monde, les gouvernements ont reconnu la menace posée par les hépatites virales et ont élaboré des programmes complets pour y faire face. Le Canada n’a aucun programme similaire. STÉATOSE HÉPATIQUE NON ALCOOLIQUE La stéatose hépatique non alcoolique (SHNA) est le résultat de l’accumulation de graisses dans le foie, conséquence de plusieurs problèmes de santé dont l’obésité et le diabète. Cette maladie s’appelle la stéatose hépatique non alcoolique parce que le foie, observé au microscope, a la même apparence que dans le cas de la maladie alcoolique, malgré le fait que cette pathologie survient chez des personnes sans problème de consommation excessive d’alcool. La SHNA est la maladie du foie dont la prévalence est la plus élevée au Canada, touchant jusqu’à 25 % de la population. Comme pour l’hépatite virale, la SHNA est une maladie du foie qui évolue au fil des ans, pouvant mener à une cirrhose et au cancer du foie. Étant donné la prévalence croissante de l’obésité et du diabète, une augmentation du nombre de cas de SHNA ainsi que de son impact sur la mortalité liée aux maladies du foie sont à prévoir. Le plein impact de cette forme de maladie du foie ne sera probablement connu que dans plusieurs années lorsque la génération actuelle de personnes atteintes d’embonpoint aura vieilli. Ainsi, on s’attend à ce que la stéatose hépatique non alcoolique devienne vraisemblablement le principal facteur responsable de la prévalence élevée des maladies chroniques du foie. MALADIE ALCOOLIQUE DU FOIE La maladie alcoolique du foie est le résultat d’une consommation excessive d’alcool, et elle existe dans tous les groupes sociaux, y compris ceux qui consomment régulièrement de l’alcool sans être alcooliques. La maladie alcoolique du foie peut se présenter sous deux formes : l’hépatite alcoolique aiguë et la cirrhose alcoolique. Les deux maladies peuvent parfois coexister et sont souvent mortelles. La consommation d’alcool augmente au Canada. Il existe une relation directe entre la consommation globale d’alcool dans un pays ou une région, et l’incidence des maladies du foie liées à l’alcool. La maladie alcoolique du foie contribuera donc probablement aussi à l’augmentation du taux de mortalité lié aux maladies du foie. CIRRHOSE La cirrhose est l’aboutissement final de la plupart des formes de maladie du foie. Le terme désigne un état pathologique caractérisé par une forte cicatrisation du foie associée à la diminution de la masse des cellules hépatiques, à une réduction de la circulation sanguine dans le foie et à une capacité réduite de régénération. Au début, il est possible que la cirrhose ne donne aucun symptôme, ou même aucune anomalie dans les analyses sanguines ou sur les examens radiologiques. Avec le temps, une perte de la fonction hépatique et d’autres complications, telles que l’accumulation de liquide dans la cavité abdominale, des épisodes de confusion mentale et des hémorragies internes peuvent se développer. L’incidence et la prévalence de la cirrhose et de la mortalité liée au foie ont augmenté, et la tendance risque de se maintenir. Les principales causes des maladies du foie précitées ont également connu une augmentation de leur incidence. Les établissements qui peuvent prendre en charge les maladies du foie à leur stade avancé sont à peine capables de le faire actuellement, et il y a lieu de penser qu’ils seront bientôt complètement débordés. Le seul traitement d’une maladie du foie à un stade avancé est la transplantation hépatique, et l’ampleur du problème apparaît clairement lorsqu’on note qu’il y a plus de 5 000 décès liés aux maladies du foie par année, et environ 400 transplantations hépatiques seulement. Il est donc évident que la transplantation hépatique n’est pas la solution aux maladies chroniques du foie. 4
CARCINOME HÉPATOCELLULAIRE (CHC) Les lésions chroniques infligées au foie, peu importe la cause, endommagent le foie de deux façons, soit en générant des tissus cicatriciels menant à la cirrhose, soit en provoquant le développement d’un cancer du foie. Les deux types principaux de cancer qui se développent à partir du foie sont le carcinome hépatocellulaire (CHC) et le cholangiocarcinome intrahépatique (CCIH). Le cancer du foie est l’un des rares cancers dont l’incidence et la mortalité sont en hausse. Cette situation est attribuable à l’augmentation de la prévalence des maladies du foie sous- jacentes et au vieillissement de la population atteinte de ces maladies. Cependant, contrairement à bien d’autres cancers, il existe des méthodes reconnues permettant de réduire la mortalité liée au cancer du foie, nommément la prévention et le traitement de la maladie hépatique sous-jacente. Il existe aussi d’autres méthodes pour réduire la mortalité chez les personnes atteintes d’un CHC, en particulier le dépistage chez les patients présentant un risque accru. Cependant, ces mesures ne sont pas mises en œuvre à une grande échelle. RESSOURCES Au Canada, les installations et les ressources permettant de traiter les maladies du foie à un stade avancé ne suffisent pas aux besoins. Il n’y a pas suffisamment d’hôpitaux, ainsi que de médecins et de personnel infirmier ayant reçu une formation pour traiter les maladies du foie en phase avancée. Les maladies du foie sont devenues des causes d’hospitalisation très fréquentes, et leurs coûts sont élevés. Cette situation mettra une pression supplémentaire sur le nombre déjà restreint de lits d’hôpitaux dans l’ensemble du pays. Les coûts du traitement des maladies du foie sont élevés. Un traitement complet de l’hépatite C coûte entre 20 000 et 70 000 $ selon le sous-type du virus (génotype). Le traitement de l’hépatite B coûte entre 7 000 $ et 9 000 $ par année pendant une période de 10 à 20 ans ou plus. La pharmacothérapie du carcinome hépatocellulaire coûte 6 000 $ par mois. La transplantation hépatique coûte plus de 100 000 $ par cas, compte tenu des frais pour les soins médicaux et les médicaments immunodépresseurs. Les gouvernements devront mieux organiser les soins des patients souffrant de ces maladies, tant pour améliorer le pronostic que pour réduire les coûts associés. Le présent document propose un certain nombre de recommandations qui permettront d’améliorer la prise en charge globale de ces maladies, et de réduire peut-être les coûts qui s’y rattachent. 5
INTRODUCTION Même si le foie est un organe vital, trop de gens jouent à l’autruche et ne se soucient pas de son existence. Cette indifférence, combinée à une croyance populaire selon laquelle seuls les alcooliques et les toxicomanes sont à risque de contracter une maladie du foie, a conduit la population à ne pas s’intéresser au grave problème de santé national que constituent les maladies du foie. Cependant, étant donné l’augmentation nette des taux de mortalité et le coût grandissant des soins de santé associés aux hépatites te virales et aux autres maladies du foie, il est temps d’examiner globalement le problème de ces pathologies au Canada avant qu’il ne soit trop tard. La Fondation canadienne du foie a commandé le présent rapport afin de révéler, pour la première fois, toute l’étendue du problème des maladies du foie au pays. À l’aide de renseignements provenant de diverses sources, y compris des bases de données gouvernementales, universitaires et d’établissements de santé, ainsi que de médecins traitants, nos spécialistes ont recueilli des faits et des chiffres, et ont extrapolé les données sur les formes les plus prévalentes des maladies du foie. Ce ne fut pas une tâche facile. Les maladies du foie sont souvent classées parmi les troubles digestifs, les maladies infectieuses ou les cancers, ou elles ne font l’objet d’aucun suivi. Ce que nous avons découvert est alarmant, mais ce qui reste dans l’ombre à cause du manque de données l’est bien davantage. Nos connaissances sur la prévalence et la mortalité associées aux hépatites virales et à d’autres formes de maladies du foie au Canada comportent de nombreuses lacunes. Les bases de données gouvernementales ciblent le suivi des infections aiguës plutôt que des infections chroniques, et la collecte de données dans l’ensemble des organismes de surveillance n’est ni systématique ni complète. Cependant, les conséquences dévastatrices des maladies du foie pour les victimes et leur famille ainsi que leur fardeau croissant sur notre système de soins de santé sont parfaitement visibles. Les Canadiens souffrent et meurent à cause de maladies du foie qui sont traitables et, dans certains cas, évitables. Les raisons qui expliquent cette situation sont complexes, mais les solutions possibles ne sont pas inatteignables. Même si nous possédons déjà les connaissances et les outils pour prévenir ou traiter les maladies du foie, l’égalité d’accès, la coordination et un sentiment d’urgence nous font encore défaut. Et lorsque nous ne possédons pas les connaissances ou les ressources, il n’y a pas de stratégie pour le changement ou de volonté politique pour investir dans ce type de stratégie. La vérité est que le système de soins de santé du Canada ne s’occupe pas des Canadiens atteints d’une maladie du foie. Afin de prévenir des milliers de décès évitables, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent reconnaître l’ampleur du problème et prendre les mesures nécessaires pour améliorer la surveillance, le dépistage, l’accès au traitement, les ressources en matière de soins des patients et la recherche. Les maladies du foie sont devenues trop fréquentes et mortelles pour qu’il soit encore possible d’en faire abstraction. MÉTHODES La documentation médicale a été examinée afin de trouver des données pertinentes sur les maladies du foie au Canada. Les auteurs ont invité les gouvernements fédéral et provinciaux à fournir des renseignements sur leurs politiques concernant les hépatites virales et les autres maladies du foie, ainsi que sur le financement de programmes visant à traiter ces maladies. Les sites Web gouvernementaux ont été consultés afin de trouver de l’information sur les approbations de médicaments, la prévalence, l’incidence et la mortalité des maladies, les conditions de remboursement et les mesures de santé publique en cas d’épidémies d’hépatite virale (voir plus loin). Des données supplémentaires ont été obtenues auprès de l’industrie pharmaceutique. Un chercheur a été embauché afin de rassembler tous les résultats, et le présent rapport propose une synthèse de ces renseignements. 6
LES MALADIES DU FOIE Les principales maladies du foie responsables des niveaux les plus élevés de morbidité et de mortalité sont les hépatites virales (hépatites chroniques B et C), la maladie alcoolique du foie, la stéatose hépatique non alcoolique, la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. Ces maladies représentent plus de 95 % de tous les décès liés aux maladies du foie. Les données démontrent l’incidence croissante de ces maladies. Chaque maladie sera traitée séparément. Lorsqu’il est pertinent de le faire, le mode de prise en charge de l’hépatite B et de l’hépatite C sera comparé à celui du VIH. En effet, le VIH est transmis par les mêmes voies que les hépatites B et C, et cause aussi une infection chronique pouvant entraîner la mort. De plus, comme dans le cas des hépatites B et C, il est possible de le traiter. 7
CHAPITRE 1 L’HÉPATITE B L’hépatite virale est une infection causée par un virus qui entraîne une inflammation du foie et l’endommage. Lorsqu’il s’agit d’une hépatite aiguë, les dommages sont généralement légers et de courte durée et sont suivis d’un rétablissement complet. Dans certains cas cependant, les dommages sont suffisamment graves pour causer une insuffisance hépatique qui peut entraîner la mort ou requérir une transplantation hépatique. Il s’agit heureusement d’une situation assez rare. Dans le cas d’une hépatite virale chronique, l’infection ne cause pas initialement beaucoup de dommages, mais elle persiste indéfiniment et pourrait, sur une période de plusieurs années, mener à la cirrhose, au cancer du foie, à l’insuffisante hépatique et à la mort. Même si plusieurs virus ciblent le foie, les plus fréquents et potentiellement les plus mortels sont ceux des hépatites B et C. Le présent rapport ne traitera donc que de ces deux formes d’hépatite virale. TRANSMISSION DE L’HÉPATITE B L’hépatite B est une infection transmissible par le sang. Cela signifie que la maladie est transmise par un contact des liquides corporels d’une personne avec des liquides corporels infectés. Tous les liquides corporels d’une personne infectée, y compris le sang, la salive, le sperme et les sécrétions vaginales, peuvent contenir le virus de l’hépatite B, et sont en conséquence potentiellement infectieux. Le virus se transmet par un contact intime. Même si le mécanisme de transmission exact dans ces circonstances n’est pas toujours clair, les études supposent qu’il est associé à l’exposition aux liquides corporels infectés. Les principales voies de transmission sont les suivantes : au sein d’une famille immédiate, surtout entre une mère infectée et ses très jeunes enfants; à l’occasion de relations sexuelles; l’exposition au sang infecté lors de la consommation de drogues administrées par injection; lors d’un tatouage, d’un perçage ou d’une intervention médicale avec de l’équipement contaminé; ou parmi les professionnels de la santé. L’allaitement ne transmet pas l’infection. L’hépatite B est considérablement plus contagieuse que le VIH. ÉVOLUTION NATURELLE DE L’HÉPATITE B Il existe deux formes d’hépatite B. Toute nouvelle infection d’hépatite B comporte une phase aiguë. Par définition, l’hépatite B aiguë disparaît dans les six mois, ce résultat étant accompagné d’une élimination du virus dans l’organisme, de l’acquisition d’une immunité à une infection future, et de l’absence de dommages hépatiques à long terme. Cependant, la persistance de l’infection au-delà de six mois signifie généralement une infection à vie ou la présence de la forme chronique de l’hépatite B. Chez l’enfant, l’infection initiale est généralement asymptomatique, tandis que chez l’adulte, l’infection risque davantage de provoquer des symptômes. Lorsque des symptômes se manifestent, ils prennent le plus souvent la forme de fatigue, de fièvre, de douleurs articulaires et abdominales et de jaunisse. La plupart des enfants infectés ne sont pas diagnostiqués à cause de l’absence de symptômes. Les très jeunes enfants (de moins de cinq ans) infectés ne réussissent pas à éliminer le virus et conservent l’infection pendant le reste de leur vie. Chez les enfants plus vieux et les adultes, la maladie est plus souvent de courte durée et éliminée complètement. L’hépatite chronique B est définie comme une infection qui est présente pendant plus de six mois. La plupart des infections chroniques sont acquises dans la petite enfance. La probabilité de chronicité après cette période décline jusqu’à l’âge adulte, où le taux de chronicité est inférieur à 1 %. L’issue de l’hépatite chronique B est variable. Plus de 50 % des infections deviennent plus ou moins dormantes sans conséquences nuisibles à long terme pour le foie. Cependant, vers l’âge de 40 ans environ, l’incidence du cancer du foie est d’à peu près 0,2 à 0,6 % par année dans cette population. La cirrhose apparaît dans environ 15 à 20 % des cas et, avec la cirrhose, le risque de cancer est de 5 à 8 % par année approximativement. Les complications de la cirrhose 8
peuvent aussi entraîner la mort. Globalement, environ 25 % des hommes et de 8 à 10 % des femmes souffrant d’hépatite chronique B non traitée décèdent de complications de la maladie. ÉPIDÉMIOLOGIE DE L’HÉPATITE B AU CANADA PRÉVALENCE ET INCIDENCE L’hépatite B est une maladie à déclaration obligatoire. Toutes les administrations de santé publique consignent toutes les analyses sanguines positives pour l’hépatite B (analyse positive à l’égard de l’AgHBs qui est le marqueur pour une infection active), et déclarent les données sur les cas aigus et « indéterminés » au Système canadien de surveillance des maladies à déclaration obligatoire (SSMDO). En plus du SSMDO, le Système de surveillance accrue des souches de l’hépatite (SSASH) (1) a recueilli jusqu’à tout récemment des données supplémentaires dans des régions sanitaires qui représentent environ 41 % de la population canadienne. Le SSASH n’a publié aucune donnée sur l’hépatite chronique B, et ce système n’existe plus à cause de contraintes budgétaires. Les données du SSMDO et du SSASH confirment que l’incidence de l’hépatite B aiguë présente une tendance à la baisse (figure 1). Cependant, en raison de la nature asymptomatique des nouvelles infections, seuls les cas d’hépatite aiguë diagnostiqués sont indiqués à la figure 2 (1). Selon la figure 2, l’incidence d’hépatite B aiguë ayant connu la plus grande baisse est observée chez le groupe d’âge qui aurait profité d’une vaccination universelle (de 20 à 39 ans). Cela confirme les avantages de la vaccination pour ce qui est de la réduction de l’incidence de l’hépatite B aiguë symptomatique. (Cependant, il ne s’agit pas d’une preuve de la prévalence réduite de l’hépatite chronique B, c’est-à-dire le principal objectif de la vaccination contre l’hépatite B.) FIGURE 1 : TAUX D’HÉPATITE B AIGUË ET INDÉTERMINÉE* POUR UNE POPULATION DE 100 000 PERSONNES (1) 12 10.8 10 9.4 TAUX/1000 000 PERSONNES 8 6.9 6.1 6 4.8 5.8 4 3.1 4.1 2.4 2.7 3.4 1.9 1.8 1.7 2 2.6 1.9 1.8 2.2 1.8 0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 ANNÉE * Les cas indéterminés sont des cas où il n’a pas été possible de déterminer avec certitude s’il s’agissait d’une hépatite B aiguë ou chronique. Ces cas pourraient découler d’analyses sérologiques portant à confusion, ou d’un suivi incomplet. 9
FIGURE 2 : TAUX DE CAS D’HÉPATITE B AIGUË ET INDÉTERMINÉE* PAR ANNÉE ET GROUPE D’ÂGE(1) 25 0-9 ANS TAUX/D'INCIDENCE/100 000 20 10-19 ANS 15 20-39 ANS 40+ ANS ET PLUS 10 5 0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 ANNÉE DU DIAGNOSTIC * Les cas indéterminés sont des cas où il n’a pas été possible de déterminer avec certitude s’il s’agissait d’une hépatite B aiguë ou chronique. Ces cas pourraient découler d’analyses sérologiques portant à confusion, ou d’un suivi incomplet. Les données précitées représentent des cas d’hépatite B aiguë signalés. Cependant, le signalement de cas d’hépatite chronique B laisse à désirer. L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) constate ainsi (1) : « Les données agrégées sur l’infection par le VHB provenant de toutes les provinces et tous les territoires sont envoyées à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) de manière régulière. Cependant, les pratiques de déclaration ne sont pas uniformes d’une administration à l’autre en raison du fait que certaines administrations ne déclarent que les cas aigus d’infection par le VHB, tandis que d’autres rapportent aussi bien les cas aigus qu’indéterminés d’infection par le VHB. Depuis 2004, les cas d’infection chronique par le VHB sont également signalés par quelques provinces et territoires. Les efforts consentis pour rechercher et éliminer les déclarations en double des cas d’infection par le VHB varient d’une administration à l’autre (1). » En l’absence d’une collecte officielle de données, les études de séroprévalence pourraient fournir de l’information. Malheureusement, il n’existe que quelques études sur la prévalence de l’hépatite B au Canada, et celles-ci ont été entreprises il y a bon nombre d’années. Une étude effectuée dans le Nord de l’Ontario indiquait une prévalence de 0,24 à 0,47 % (2). Cependant, une étude portant sur les immigrants a montré que la prévalence variait entre 5 et 10 % (3). Une étude effectuée chez les réfugiés vietnamiens arrivant au Canada a constaté que 11,7 % d’entre eux étaient infectés par le VHB (4). Un dépistage au moment de la grossesse en Nouvelle-Écosse a montré un taux de prévalence de 0,87 % (5). Étant donné qu’aucune de ces études n’était représentative de la population générale, nous pouvons conclure que la prévalence de l’hépatite chronique B au Canada est inconnue. Cependant, ces études laissent penser qu’au Canada, l’hépatite B est très prévalente chez les populations d’immigrants (5 à 12 %, comparativement à
RÔLE DE L’IMMIGRATION Une portion importante des immigrants qui arrivent au Canada proviennent de régions du monde où l’hépatite B est très prévalente, y compris la Chine, les Philippines, et d’autres zones d’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient et d’Afrique. D’après le recensement de 2006, les études fondées sur la taille et l’origine de la population immigrante laissent conclure que le nombre de personnes infectées par le virus de l’hépatite B au pays serait entre 242 749 et 444 500, ce qui correspond à 0,81 % à 1,44 % de la population canadienne (6). Entre 71 % et 89 % de ces personnes sont des immigrants (voir le tableau 1). Étant donné la variation des estimations dans les pays d’origine, l’étude a produit trois estimations, représentant des possibilités de niveau élevé, moyen et faible. TABLEAU 1 : PRÉVALENCE DE L’HÉPATITE CHRONIQUE B CHEZ LES IMMIGRANTS CANADIENS(6) Immigrants Taux de porteurs du VHB (%) Cas de porteurs du VHB Pays/région vivants en 2006 Faible Moyen Élevé Faible Moyen Élevé Amérique du Nord 250 540 0,19 0,25 0,32 477 626 802 Amérique centrale 130 460 0,44 0,88 1,40 577 1 154 1 820 Caraïbes 317 765 1,51 3,25 5,00 4,793 10 339 15 887 Amérique du Sud 250 710 0,59 1,16 1,74 1 477 2 916 4 366 Europe de l’Ouest 424 645 0,32 0,56 0,83 1 356 2 374 3 525 Europe de l’Est 511 095 2,12 2,76 3,39 10 838 14 086 17 318 Europe du Sud 698 085 1,8 2,52 3,24 12 573 17 587 22 634 Europe du Nord 644 530 0,30 0,53 0,59 1 925 3 438 3 827 Afrique de l’Ouest 48 645 10,78 13,46 16,14 5 242 6 545 7 850 Afrique de l’Est 129 920 6,58 9,22 11,87 8 548 11 983 15 420 Afrique du Nord 134 505 3,15 6,12 9,09 4 242 8 234 12 225 Afrique centrale 22 405 8,46 11,44 14,43 1 895 2 563 3 233 Afrique du Sud 39 090 4,68 6,20 7,71 1 829 2 424 3 014 Asie centrale occidentale 370 520 2,65 3,86 5,08 9 826 14 290 18 835 et Moyen-Orient Chine et 682 375 11,70 12,25 12,80 79 837 83 590 87 343 Hong Kong Autres régions de l’Asie 191 995 10,63 11,17 11,71 13 121 14 083 15 055 orientale Philippines 303 190 6,32 7,36 8,39 19 162 22 315 25 438 Autres régions de l’Asie 257 800 7,80 8,94 10,09 24 583 27 862 31 138 du Sud-Est Inde 443 690 2,92 3,23 3,55 12 956 14 331 15 751 Autres régions de l’Asie 275 590 2,66 3,35 4,16 6 179 9 790 14 151 méridionale Océanie 59 410 1,96 3,13 4,30 1 034 1 652 2 270 Effet de la vaccination -5 493 -5 876 -6 262 jusqu’en 2006 Nombre total d’immigrants provenant 6 186 950 3,65 4,38 5,13 216 977 266 306 315 640 de toutes les régions Personnes nées au 24 788 720 0,1 % 0,35 % 0,5 % 25 772 90 201 128 860 Canada Total global 30 975 670 0,81 1,17 1,44 242 749 356 507 444 500 11
La répartition provinciale des personnes infectées par le virus de l’hépatite B est indiquée à la figure 3 (6). Peu importe l’estimation de la prévalence du VHB utilisée, l’Ontario possède 50 % de tous les cas d’hépatite chronique B, c’est-à- dire plus que les trois provinces suivantes combinées. Comme le Canada continue d’accueillir des immigrants provenant de pays où l’hépatite B a une prévalence élevée, les pays d’origine et le nombre d’immigrants de ces pays demeurant constants, la prévalence de l’hépatite B devrait continuer d’augmenter ainsi que l’illustre le tableau 2. L’accroissement du nombre de personnes infectées par le virus de l’hépatite B jusqu’en 2020 représente de 23 000 à 30 000 cas supplémentaires au pays. Ces chiffres tiennent compte de l’effet de la vaccination contre l’hépatite B dans les pays d’origine. Ces données indiquent une augmentation de la prévalence de l’hépatite chronique B, et la tendance risque de se maintenir aussi longtemps que les tendances démographiques en matière d’immigration demeureront semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui, et ce, en dépit de l’introduction de la vaccination contre l’hépatite B. FIGURE 3 : RÉPARTITION DE L’HÉPATITE CHRONIQUE B DANS LES 7 PREMIÈRES PROVINCES (CHIFFRES ARRONDIS) (6) 100% ONT. 90% CANADA ATLANTIQUE 80% QC 53 50 49 70% MAN. SASK. 60% ALB. 50% 3 4 2 C.-B. 40% 17 17 15 30% 3 3 3 1 2 2 20% 9 9 9 10% 17 16 16 0% ESTIMATION PRUDENTE ESTIMATION MOYENNE ESTIMATION ÉLEVÉE 12
TABLEAU 2 : PRÉVISION DU NOMBRE DE PERSONNES INFECTÉES PAR LE VIRUS DE L’HÉPATITE B AU CANADA JUSQU’EN 2020 (6) Année Estimations faibles Estimations moyennes Estimations élevées 2006 242 749 356 507 444 500 2007 248 826 360 841 446 874 2008 251 556 363 575 449 907 2009 254 131 366 096 452 680 2010 256 550 368 403 455 190 2011 258 820 370 509 457 457 2012 260 952 373 355 459 497 2013 262 943 375 114 461 310 2014 264 802 376 697 462 911 2015 266 542 378 119 464 325 2016 268 144 379 366 465 512 2017 269 511 380 314 466 326 2018 270 718 381 038 468 882 2019 271 756 381 540 467 169 2020 272 640 380 710 467 222 MORTALITÉ ET MORBIDITÉ ASSOCIÉES À L’HÉPATITE B Il n’existe pas de données sur le taux de mortalité et de morbidité liées à l’infection par l’hépatite B au Canada. Statistique Canada consigne les décès imputables aux hépatites virales, mais ne fait pas de distinction entre l’hépatite B et l’hépatite C (ou D). En outre, les décès liés aux hépatites virales sont enregistrés séparément des décès imputables à la cirrhose et au cancer du foie qui surviennent comme conséquence de l’hépatite B. Pour cette raison, le nombre consigné de décès liés à l’hépatite B (11 à 35 cas par année) représente un nombre de cas signalés très en deçà des conséquences réelles de l’infection (7). Même s’il n’existe aucune donnée précise, il est possible de consulter certaines estimations fondées sur des études de modélisation. L’Ontario Burden of Infectious Disease Study (ONBOIDS) (une évaluation de la mortalité et de la morbidité associées aux maladies infectieuses en Ontario) est la seule étude canadienne qui a modélisé les conséquences de l’infection par le virus de l’hépatite B (8). Cette analyse révèle qu’en Ontario, l’hépatite B vient au cinquième rang parmi les causes de mortalité et de morbidité pour toutes les maladies infectieuses (Figure 4). Près de 7 000 années de vie ont été perdues dans la population totale, et la cohorte compte également des données supplémentaires sur les années de vie avec fonctionnement réduit. Étant donné que l’Ontario représente environ 50 % de toutes les personnes infectées par le virus de l’hépatite B, on peut donc supposer que les années de vie perdues (AVP) au Canada atteignent le double de la valeur citée. 13
FIGURE 4 : MORTALITÉ ET MORBIDITÉ DE L’HÉPATITE B COMPARATIVEMENT AU VIH/SIDA EN ANNÉES DE VIE PERDUES (AVP) ET EN ANNÉES DE VIE PERDUES AJUSTÉES SUR LA SANTÉ (AVPAS)(8) 8,000 6,785 HÉPATITE B 6,698 7,000 6,242 VIH/SIDA 6,000 4,929 NOMBRE DE CAS 5,000 4,000 3,000 2,000 1,000 0 AVP AVPAS MORBIDITÉ ET MORTALITÉ FUTURES Les données de modélisation indiquent que le nombre absolu de personnes infectées par le virus de l’hépatite B continuera d’augmenter à cause de l’immigration, même en tenant compte des décès liés à l’hépatite B et aux autres causes (tableau 2) (6). Avec le vieillissement de la population infectée, l’incidence des complications associées aux maladies du foie continuera de s’élever parce qu’elle est directement associée à la durée de l’infection. Leber et coll. (6) calculent que le taux de mortalité attribuable au carcinome hépatocellulaire (CHC) lié à l’hépatite B en 2008 était d’environ 5,5/100 000, et estiment que l’incidence et la mortalité du CHC lié à l’hépatite B continueront de s’élever au cours des huit prochaines années ou plus (voir le chapitre 6 :Carcinome hépatocellulaire). Le modèle n’incluait pas les effets du traitement de l’hépatite B. En utilisant les données de Statistique Canada, la Société canadienne du cancer a aussi démontré que l’incidence du CHC est en hausse. Cependant, comme ces données n’indiquent pas la cause de la maladie sous-jacente, il est difficile de déterminer la contribution de l’hépatite B à ces chiffres (9). D’autres études de modélisation indépendantes de la population d’immigrants ont abouti aux mêmes conclusions (10). Cette étude a révélé que la mortalité liée aux maladies du foie causées par l’hépatite B chez les immigrants augmentera considérablement au cours des cinquante prochaines années et plus. PRISE EN CHARGE DE L’HÉPATITE B (SOINS PRIMAIRES) Il n’existe pas de données qui indiquent si les personnes atteintes de l’hépatite B sont bien soignées par leur médecin de famille. Le fait qu’il semble y avoir une tendance à la hausse du carcinome hépatocellulaire (CHC) lié à l’hépatite B et que la plupart des patients reçoivent un diagnostic lorsque le cancer a atteint un stade avancé laisse penser que les médecins de famille manquent des occasions de traiter les patients et d’effectuer des dépistages pour cette pathologie. Un sondage effectué auprès d’étudiants en médecine qui font un stage de pratique générale a révélé une très mauvaise compréhension de la prise en charge de l’hépatite (11). Les lacunes incluaient le fait de ne pas être en mesure de reconnaître une cirrhose, de demander des consultations inopportunes, et la compréhension moins qu’optimale des marqueurs sérologiques de l’hépatite B. Les auteurs ont conclu que des occasions d’offrir un traitement qui peut sauver une vie étaient manquées. 14
Les médecins de famille ont un rôle clé à jouer dans le diagnostic précoce de l’hépatite B. Étant donné que l’hépatite B est très prévalente dans les communautés d’immigrants, la plupart des patients atteints de cette maladie sont traités par des médecins de leur collectivité. Si, comme le montre l’étude précitée, les résidents en médecine familiale manquent de connaissances nécessaires pour bien reconnaître et prendre en charge l’hépatite B, il devient plus difficile de s’assurer que les patients reçoivent les soins nécessaires en temps opportun et les consultations dont ils ont besoin. Comme il n’y a pas suffisamment de spécialistes pour traiter la population de patients atteints d’hépatite B, il est essentiel que les médecins de famille et les spécialistes travaillent ensemble pour répondre aux besoins de santé de ces patients. SENSIBILISATION DU PATIENT À L’HÉPATITE B Les patients ne sont pas sensibilisés à l’hépatite B et à ses conséquences. Un sondage effectué auprès de femmes chinoises à Vancouver a confirmé que la plupart connaissaient l’existence de l’hépatite B, mais peu savaient quel était le mode de transmission, ou étaient au courant des conséquences, y compris la cirrhose et le CHC. Le niveau d’études et la maîtrise de l’anglais ont un impact sur la sensibilisation à l’hépatite B (12). Il existe des données semblables aux États-Unis (13). Il est probable que les immigrants chinois ailleurs au Canada, et d’autres communautés d’immigrants pour qui l’anglais ou le français ne sont pas leur langue d’usage, éprouvent la même difficulté à comprendre la gravité de l’hépatite B. Cela représente une difficulté à surmonter en matière d’éducation. PHARMACOTHÉRAPIE DE L’HÉPATITE B Le traitement de l’hépatite B vise à contrôler l’activité du virus : il est donc rare de pouvoir guérir cette infection à l’aide de médicaments mais il est toutefois possible de stopper efficacement la réplication du virus et l’inflammation du foie de façon à ce que le foie ne soit plus endommagé. Comme pour l’infection par le VIH, bon nombre de patients atteints de l’hépatite B devront suivre une thérapie pendant toute leur vie. Les études montrent que le traitement de l’hépatite chronique B bloque l’évolution de la maladie, ce qui conduit à une amélioration de la fonction hépatique, à la régression de la fibrose et même de la cirrhose, et à un risque plus faible d’apparition du CHC. Même s’il existe beaucoup de données probantes qui soutiennent cette conclusion, une seule étude aléatoire contrôlée a comparé les résultats chez des patients atteints d’une hépatite B au stade de cirrhose, qui ont été traités avec des antiviraux (lamivudine), à ceux de témoins non traités. L’étude a montré qu’une aggravation de la maladie était observée plus fréquemment chez les individus du groupe non traité. En outre, lorsque le groupe traité a acquis une résistance à la lamivudine, le pronostic de ces patients s’est aggravé. Il n’existe pas d’études aléatoires contrôlées qui comparent la survie dans un groupe traité à celle dans un groupe non traité de patients non cirrhotiques. Néanmoins, suffisamment de données indiquent que le traitement réduit la mortalité, même chez les patients non cirrhotiques, et ces résultats sont généralement acceptés, avec plusieurs méta-analyses et examens systématiques à l’appui. La profession médicale reconnaît que la suppression de la réplication virale chez les patients atteints d’hépatite chronique B contribue à réduire la mortalité chez les populations de patients tant cirrhotiques que non cirrhotiques. Plus récemment, des études démographiques à grande échelle réalisées à Taiwan ont montré que le traitement de l’hépatite B chez les patients tant cirrhotiques que non cirrhotiques réduit le taux d’apparition du CHC ainsi que le taux de la mortalité (PJ Chen, communication personnelle). Malheureusement, les organismes de remboursement des médicaments au Canada ne reconnaissent pas que le traitement de l’hépatite B permet de réduire la mortalité chez les patients non cirrhotiques en raison de l’absence d’essais cliniques aléatoires contrôlés. Pourtant, il serait contraire à l’éthique de ne pas traiter un groupe de patients souffrant d’une forme active de l’hépatite B pendant plus qu’une très courte période. Il existe une quantité considérable de données provenant d’autres types d’études, qui confirment que le traitement de l’hépatite B à n’importe quel stade réduit l’incidence du CHC. Des lignes directrices de pratique clinique pour le traitement de l’hépatite B ont été établies par toutes les associations professionnelles des maladies du foie, ainsi que par l’Association canadienne pour l’étude du foie, l’association professionnelle d’hépatologie canadienne (14-19). Toutes ces lignes directrices précisent que les indications pour amorcer un traitement sont la réplication virale active et les dommages hépatiques continus, peu importe l’absence ou la présence de cirrhose. Ainsi, les critères de remboursement pour le 15
traitement de l’hépatite B dans la plupart des provinces ne respectent pas les données probantes scientifiques et la pratique médicale reconnue. Environ deux tiers des patients ont besoin d’aide pour payer leur traitement de l’hépatite B. Les restrictions en matière de remboursement limitent donc considérablement la capacité de traiter ces patients comme il le faudrait. Actuellement, la plupart des assureurs privés continuent de rembourser tous les traitements de l’hépatite B. Cette situation crée une certaine injustice pour ceux qui ne possèdent pas de régime d’assurance privé. Malheureusement, les assureurs commencent à appliquer les restrictions provinciales à leurs politiques de remboursement. Si elles sont mises en œuvre complètement, il n’y aura plus d’inégalité, mais alors les patients qui ont une assurance privée seront défavorisés. Cela correspondrait à un nivelage vers le bas dans l’accès à ce type de médicament. MÉDICAMENTS DISPONIBLES Les médicaments disponibles pour traiter l’hépatite B incluent l’interféron alpha standard et l’interféron pégylé ainsi que les médicaments qui bloquent la réplication virale, dont la lamivudine, l’adéfovir, la telbivudine, l’entécavir et le ténofovir. Les interférons agissent principalement sur le système immunitaire de l’hôte, même s’il y a aussi probablement un effet antiviral. Ces substances sont utilisées pendant une période allant de six à douze mois, la thérapie permettant de supprimer dans une certaine mesure la réplication virale. Cependant, la majorité des patients font une rechute après la fin de la thérapie. Les inhibiteurs de la réplication virale sont parfois utilisés pendant une période limitée, mais la plupart du temps, ces agents doivent être utilisés indéfiniment. HOMOLOGATION ET REMBOURSEMENT Le processus d’approbation des médicaments au Canada comporte souvent de longues périodes d’attente qui empêchent les patients d’avoir accès à des médicaments importants en temps opportun. Les retards d’homologation par Santé Canada sont indiqués au tableau 3. Ces différences sont liées en partie aux soumissions plus tardives par l’entreprise pharmaceutique au Canada par rapport aux États-Unis, mais aussi à des retards dans le processus d’approbation. 16
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