Les maladies du foie au Canada - UNE CRISE EN DEVENIR - ÉVALUATION DES MALADIES DU FOIE AU CANADA

La page est créée Genevieve Besson
 
CONTINUER À LIRE
Les maladies du foie au Canada - UNE CRISE EN DEVENIR - ÉVALUATION DES MALADIES DU FOIE AU CANADA
Les maladies du foie au Canada
UNE CRISE EN DEVENIR

ÉVALUATION DES MALADIES DU FOIE AU CANADA
MARS 2013
TABLE DES MATIÈRES
    RÉSUMÉ                                                                        2

    INTRODUCTION                                                                  6

    MÉTHODES                                                                      6

    MALADIES DU FOIE                                                              7

    CHAPITRE 1                                                                    8
          L’hépatite B

    CHAPITRE 2                                                                    26
          L’hépatite C

    CHAPITRE 3                                                                    41
          L’hépatopathie alcoolique

    CHAPITRE 4                                                                    45
          La stéatose hépatique non alcoolique

    CHAPITRE 5                                                                    49
          La cirrhose et ses complications

    CHAPITRE 6                                                                    52
          Le carcinome hépatocellulaire

    CHAPITRE 7                                                                    59
          Les ressources pour la prise en charge des maladies du foie au Canada

    CHAPITRE 8                                                                    63
          Les coûts des maladies du foie

    CHAPITRE 9                                                                    67
          Résumé

    CHAPITRE 10                                                                   70
          Recommandations

    CONCLUSION                                                                    73

    EXPLICATION DES SIGLES                                                        74

1
RÉSUMÉ
Le foie, notre plus gros organe interne, participe à presque tous les processus essentiels de l’organisme. En dépit de son
rôle vital, la majorité des Canadiens font comme s’il n’existait pas. Malheureusement, cette négligence a des
conséquences dangereuses pour la qualité et l’espérance de vie et peu de gens comprennent la gravité des enjeux.

Au cours d’une période de seulement huit ans, le taux de mortalité lié aux maladies du foie a augmenté de presque
30 %. Ceux qui participent directement aux soins des patients souffrant d’une maladie du foie ont été trop souvent
témoins de cette tragédie dans des hôpitaux partout au pays. Pourtant, il n’y a aucun sentiment d’urgence en ce qui
concerne la collecte ou l’évaluation des données visant à mesurer la vraie portée du fardeau de ces maladies, ou de leur
traitement. Même s’il est indéniable que l’abus d’alcool provoque certaines maladies du foie, la fausse impression que
toutes les maladies du foie sont causées par l’alcool n’aide pas à surmonter l’indifférence du public et du
gouvernement dans ce domaine.

Selon les estimations, un Canadien sur dix, ou plus de trois millions de personnes, est atteint d’une forme ou l’autre
de maladie du foie. Les maladies du foie les plus fréquentes, soit l’hépatite virale, la stéatose hépatique et le cancer du
foie, sont toutes en hausse, ce qui signifie que les taux de mortalité liés à ces maladies et à leurs complications
continueront de s’élever en l’absence d’une intervention efficace.

Être diagnostiqué d’une maladie du foie ne devrait pas être une sentence de mort. Même s’il existe des solutions
efficaces de dépistage, de diagnostic et de traitement pour bon nombre de patients, en l’absence de stratégies
coordonnées, de politiques gouvernementales de soutien et d’investissements financiers dans la recherche et le soin
des patients, les maladies du foie continueront d’être la cause de nombreux décès qui imposeront un lourd fardeau
aux systèmes de santé du pays. Les résultats clés de cette étude mettent en lumière les occasions manquées de
prévention, les lacunes en matière de soins, et l’effet de ces maladies sur la vie des patients.

HÉPATITE VIRALE
L’hépatite virale est une infection fréquente au Canada. Même si sa prévalence exacte est inconnue, il est probable que
plus de 500 000 personnes sont infectées par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C. L’hépatite virale est beaucoup
plus fréquente que l’infection par le VIH, qui arrive au troisième rang des infections transmissibles par le sang. Ceux
qui sont infectés par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C sont exposés à un risque accru de développer une
cirrhose, une insuffisance hépatique ou un cancer du foie. Le taux de mortalité liée à l’hépatite virale dépasse celui
attribuable au VIH, et la tendance risque de se maintenir.

         Surveillance : La prévalence des hépatites chroniques B ou C et le taux de mortalité liée à ces maladies sont
         inconnus. Les données recueillies par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) sur l’hépatite B sont
         axées sur l’infection aiguë et non sur l’infection chronique. Cependant, la maladie est surtout transmise par
         des personnes atteintes d’une infection chronique et la mortalité est principalement attribuable à l’hépatite
         virale chronique. En outre, les données recueillies par l’ASPC sur l’hépatite C ne font pas la distinction
         entre les infections aiguës guéries et les infections chroniques. L’absence de données précises masque
         l’ampleur du problème.

         Les études de modélisation indiquent une augmentation du nombre de décès liés aux hépatites B et C,
         contribuant ainsi à la hausse générale de la mortalité attribuable aux maladies du foie.

         Dépistage : Il est recommandé de procéder à un test de dépistage de l’hépatite B chez toutes les femmes
         enceintes. Contrairement aux pratiques d’autres pays, il n’existe aucune recommandation gouvernementale
         officielle concernant le dépistage de l’hépatite B ou de l’hépatite C chez d’autres populations. Des occasions
         d’intervenir sont donc manquées.

                                                                                                                         2
Recherche : Le Canada a investi dans la recherche sur le VIH dix fois plus que sur l’hépatite B et cinq fois sur
         l’hépatite C, en dépit du plus grand nombre de décès attribuables chaque année à l’hépatite B ou à
         l’hépatite C qu’au VIH.

         Soutien : L’Agence de la santé publique du Canada investit environ 10 M$ par année dans les programmes
         sur l’hépatite C, mais très peu pour l’hépatite B. Certaines provinces possèdent des programmes de soutien
         pour les hépatites B et C, mais ceux-ci sont incomplets.

Le traitement de l’hépatite B et de l’hépatite C est insatisfaisant au Canada. Moins de 10 % des patients atteints
d’hépatite B et moins de 25 % de ceux qui sont atteints d’hépatite C ont été traités efficacement. Il y a plusieurs
obstacles au traitement :

         Politiques de remboursement limitées : Dans la foulée des recommandations en matière de remboursement
         du Comité canadien d’expertise sur les médicaments (CCEM) et de la plupart des provinces, de nombreux
         patients n’ont pas accès au traitement. Ces restrictions ne sont pas fondées sur des données scientifiques et
         ne respectent pas non plus les recommandations cliniques. Elles semblent basées uniquement sur les coûts.

         Sensibilisation à l’hépatite : Les patients et les collectivités où ces maladies sont prévalentes ne sont pas
         sensibilisés à la gravité de ces infections et à leurs conséquences. Cette situation s’explique en partie par un
         manque d’éducation au sein des communautés d’immigrants, ainsi que par une honte injustifiée et des
         notions médicales culturelles propres à ces communautés. Il est nécessaire de sensibiliser davantage les
         médecins de famille à la signification des anomalies du bilan hépatique chez les patients atteints d’une
         hépatite virale chronique, et il est souhaitable qu’ils comprennent mieux l’évolution naturelle de ces
         infections.

         Personnel insuffisant : Très peu d’hôpitaux au Canada offrent des lits réservés aux patients atteints d’une
         maladie chronique du foie. Le nombre de médecins formés pour traiter les patients atteints d’une maladie
         du foie, particulièrement l’hépatite C et le carcinome hépatocellulaire, est limité. Le traitement de
         l’hépatite C est complexe et exige beaucoup de travail ainsi que des soins infirmiers spécialisés. Au Canada,
         la majorité des infirmières et infirmiers qui s’occupent de patients atteints d’hépatite C sont rémunérés par
         l’industrie pharmaceutique plutôt que par les ministères de la santé provinciaux, comme c’est le cas
         habituellement pour les autres maladies.

         Coûts : Le traitement des hépatites B et C est dispendieux, mais les coûts à vie sont inférieurs à ceux du
         traitement du VIH. Une économie de coûts serait possible si les personnes infectées étaient traitées avant de
         développer un stade avancé de leur maladie du foie.

Compte tenu de toutes les restrictions imposées aux soins adéquats des individus atteints d’hépatite virale, le Canada
fait face à une augmentation massive imminente de la mortalité liée à ces maladies. Les données de Statistique Canada
indiquent déjà une augmentation de la mortalité liée aux maladies chroniques du foie ainsi que des décès imputables
au cancer du foie. Selon les prévisions, la mortalité associée à l’hépatite virale continuera de s’élever jusqu’en 2020 et
au-delà. Le seul taux de mortalité pour le cancer du foie lié à l’hépatite B augmentera de 50 %. Des hausses de la
mortalité liée à l’hépatite C sont également prévues. Des centaines de milliers de Canadiens sont exposés à ce risque,
même si cette situation est en grande partie évitable. Il existe d’excellents traitements pour l’hépatite B qui permettent
de contrôler adéquatement cette infection et de diminuer ou même d’éliminer le risque de cirrhose et de cancer du
foie. Le traitement de l’hépatite C s’améliore, certaines formes de la maladie pouvant être guéries dans environ 70 %
des cas, et de meilleurs traitements seront bientôt disponibles. Pour ceux qui ont reçu un diagnostic de cirrhose et qui
présentent un risque plus élevé de contracter un cancer du foie, il existe des méthodes de dépistage de ce cancer, et des
traitements curatifs pour la plupart des petits cancers décelés par le dépistage.

3
Toutefois, afin d’atteindre ces objectifs, le Canada doit améliorer la surveillance, la collecte de données, les
programmes de sensibilisation, d’accès au traitement et accroître le financement de la recherche sur ces maladies. En
l’absence de ces améliorations, le taux de mortalité des maladies du foie restera inchangé.

Ailleurs dans le monde, les gouvernements ont reconnu la menace posée par les hépatites virales et ont élaboré des
programmes complets pour y faire face. Le Canada n’a aucun programme similaire.

STÉATOSE HÉPATIQUE NON ALCOOLIQUE
La stéatose hépatique non alcoolique (SHNA) est le résultat de l’accumulation de graisses dans le foie, conséquence de
plusieurs problèmes de santé dont l’obésité et le diabète. Cette maladie s’appelle la stéatose hépatique non alcoolique
parce que le foie, observé au microscope, a la même apparence que dans le cas de la maladie alcoolique, malgré le fait
que cette pathologie survient chez des personnes sans problème de consommation excessive d’alcool. La SHNA est la
maladie du foie dont la prévalence est la plus élevée au Canada, touchant jusqu’à 25 % de la population. Comme
pour l’hépatite virale, la SHNA est une maladie du foie qui évolue au fil des ans, pouvant mener à une cirrhose et au
cancer du foie. Étant donné la prévalence croissante de l’obésité et du diabète, une augmentation du nombre de cas
de SHNA ainsi que de son impact sur la mortalité liée aux maladies du foie sont à prévoir. Le plein impact de cette
forme de maladie du foie ne sera probablement connu que dans plusieurs années lorsque la génération actuelle de
personnes atteintes d’embonpoint aura vieilli. Ainsi, on s’attend à ce que la stéatose hépatique non alcoolique
devienne vraisemblablement le principal facteur responsable de la prévalence élevée des maladies chroniques du foie.

MALADIE ALCOOLIQUE DU FOIE
La maladie alcoolique du foie est le résultat d’une consommation excessive d’alcool, et elle existe dans tous les groupes
sociaux, y compris ceux qui consomment régulièrement de l’alcool sans être alcooliques. La maladie alcoolique du
foie peut se présenter sous deux formes : l’hépatite alcoolique aiguë et la cirrhose alcoolique. Les deux maladies
peuvent parfois coexister et sont souvent mortelles.

La consommation d’alcool augmente au Canada. Il existe une relation directe entre la consommation globale d’alcool
dans un pays ou une région, et l’incidence des maladies du foie liées à l’alcool. La maladie alcoolique du foie
contribuera donc probablement aussi à l’augmentation du taux de mortalité lié aux maladies du foie.

CIRRHOSE
La cirrhose est l’aboutissement final de la plupart des formes de maladie du foie. Le terme désigne un état
pathologique caractérisé par une forte cicatrisation du foie associée à la diminution de la masse des cellules hépatiques,
à une réduction de la circulation sanguine dans le foie et à une capacité réduite de régénération. Au début, il est
possible que la cirrhose ne donne aucun symptôme, ou même aucune anomalie dans les analyses sanguines ou sur les
examens radiologiques. Avec le temps, une perte de la fonction hépatique et d’autres complications, telles que
l’accumulation de liquide dans la cavité abdominale, des épisodes de confusion mentale et des hémorragies internes
peuvent se développer.

L’incidence et la prévalence de la cirrhose et de la mortalité liée au foie ont augmenté, et la tendance risque de se
maintenir. Les principales causes des maladies du foie précitées ont également connu une augmentation de leur
incidence. Les établissements qui peuvent prendre en charge les maladies du foie à leur stade avancé sont à peine
capables de le faire actuellement, et il y a lieu de penser qu’ils seront bientôt complètement débordés. Le seul
traitement d’une maladie du foie à un stade avancé est la transplantation hépatique, et l’ampleur du problème
apparaît clairement lorsqu’on note qu’il y a plus de 5 000 décès liés aux maladies du foie par année, et environ
400 transplantations hépatiques seulement. Il est donc évident que la transplantation hépatique n’est pas la solution
aux maladies chroniques du foie.

                                                                                                                        4
CARCINOME HÉPATOCELLULAIRE (CHC)
Les lésions chroniques infligées au foie, peu importe la cause, endommagent le foie de deux façons, soit en générant
des tissus cicatriciels menant à la cirrhose, soit en provoquant le développement d’un cancer du foie. Les deux types
principaux de cancer qui se développent à partir du foie sont le carcinome hépatocellulaire (CHC) et le
cholangiocarcinome intrahépatique (CCIH). Le cancer du foie est l’un des rares cancers dont l’incidence et la
mortalité sont en hausse. Cette situation est attribuable à l’augmentation de la prévalence des maladies du foie sous-
jacentes et au vieillissement de la population atteinte de ces maladies.

Cependant, contrairement à bien d’autres cancers, il existe des méthodes reconnues permettant de réduire la mortalité
liée au cancer du foie, nommément la prévention et le traitement de la maladie hépatique sous-jacente. Il existe aussi
d’autres méthodes pour réduire la mortalité chez les personnes atteintes d’un CHC, en particulier le dépistage chez les
patients présentant un risque accru. Cependant, ces mesures ne sont pas mises en œuvre à une grande échelle.

RESSOURCES
Au Canada, les installations et les ressources permettant de traiter les maladies du foie à un stade avancé ne suffisent
pas aux besoins. Il n’y a pas suffisamment d’hôpitaux, ainsi que de médecins et de personnel infirmier ayant reçu une
formation pour traiter les maladies du foie en phase avancée. Les maladies du foie sont devenues des causes
d’hospitalisation très fréquentes, et leurs coûts sont élevés. Cette situation mettra une pression supplémentaire sur le
nombre déjà restreint de lits d’hôpitaux dans l’ensemble du pays. Les coûts du traitement des maladies du foie sont
élevés. Un traitement complet de l’hépatite C coûte entre 20 000 et 70 000 $ selon le sous-type du virus (génotype).
Le traitement de l’hépatite B coûte entre 7 000 $ et 9 000 $ par année pendant une période de 10 à 20 ans ou plus.
La pharmacothérapie du carcinome hépatocellulaire coûte 6 000 $ par mois. La transplantation hépatique coûte plus
de 100 000 $ par cas, compte tenu des frais pour les soins médicaux et les médicaments immunodépresseurs. Les
gouvernements devront mieux organiser les soins des patients souffrant de ces maladies, tant pour améliorer le
pronostic que pour réduire les coûts associés. Le présent document propose un certain nombre de recommandations
qui permettront d’améliorer la prise en charge globale de ces maladies, et de réduire peut-être les coûts qui s’y
rattachent.

5
INTRODUCTION
Même si le foie est un organe vital, trop de gens jouent à l’autruche et ne se soucient pas de son existence. Cette
indifférence, combinée à une croyance populaire selon laquelle seuls les alcooliques et les toxicomanes sont à risque de
contracter une maladie du foie, a conduit la population à ne pas s’intéresser au grave problème de santé national que
constituent les maladies du foie. Cependant, étant donné l’augmentation nette des taux de mortalité et le coût
grandissant des soins de santé associés aux hépatites te virales et aux autres maladies du foie, il est temps d’examiner
globalement le problème de ces pathologies au Canada avant qu’il ne soit trop tard.

La Fondation canadienne du foie a commandé le présent rapport afin de révéler, pour la première fois, toute l’étendue
du problème des maladies du foie au pays. À l’aide de renseignements provenant de diverses sources, y compris des
bases de données gouvernementales, universitaires et d’établissements de santé, ainsi que de médecins traitants, nos
spécialistes ont recueilli des faits et des chiffres, et ont extrapolé les données sur les formes les plus prévalentes des
maladies du foie. Ce ne fut pas une tâche facile. Les maladies du foie sont souvent classées parmi les troubles digestifs,
les maladies infectieuses ou les cancers, ou elles ne font l’objet d’aucun suivi. Ce que nous avons découvert est
alarmant, mais ce qui reste dans l’ombre à cause du manque de données l’est bien davantage.

Nos connaissances sur la prévalence et la mortalité associées aux hépatites virales et à d’autres formes de maladies du
foie au Canada comportent de nombreuses lacunes. Les bases de données gouvernementales ciblent le suivi des
infections aiguës plutôt que des infections chroniques, et la collecte de données dans l’ensemble des organismes de
surveillance n’est ni systématique ni complète. Cependant, les conséquences dévastatrices des maladies du foie pour les
victimes et leur famille ainsi que leur fardeau croissant sur notre système de soins de santé sont parfaitement visibles.

Les Canadiens souffrent et meurent à cause de maladies du foie qui sont traitables et, dans certains cas, évitables. Les
raisons qui expliquent cette situation sont complexes, mais les solutions possibles ne sont pas inatteignables. Même si
nous possédons déjà les connaissances et les outils pour prévenir ou traiter les maladies du foie, l’égalité d’accès, la
coordination et un sentiment d’urgence nous font encore défaut. Et lorsque nous ne possédons pas les connaissances
ou les ressources, il n’y a pas de stratégie pour le changement ou de volonté politique pour investir dans ce type de
stratégie.

La vérité est que le système de soins de santé du Canada ne s’occupe pas des Canadiens atteints d’une maladie du foie.
Afin de prévenir des milliers de décès évitables, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent reconnaître
l’ampleur du problème et prendre les mesures nécessaires pour améliorer la surveillance, le dépistage, l’accès au
traitement, les ressources en matière de soins des patients et la recherche. Les maladies du foie sont devenues trop
fréquentes et mortelles pour qu’il soit encore possible d’en faire abstraction.

MÉTHODES
La documentation médicale a été examinée afin de trouver des données pertinentes sur les maladies du foie au
Canada. Les auteurs ont invité les gouvernements fédéral et provinciaux à fournir des renseignements sur leurs
politiques concernant les hépatites virales et les autres maladies du foie, ainsi que sur le financement de programmes
visant à traiter ces maladies. Les sites Web gouvernementaux ont été consultés afin de trouver de l’information sur les
approbations de médicaments, la prévalence, l’incidence et la mortalité des maladies, les conditions de remboursement
et les mesures de santé publique en cas d’épidémies d’hépatite virale (voir plus loin). Des données supplémentaires
ont été obtenues auprès de l’industrie pharmaceutique. Un chercheur a été embauché afin de rassembler tous les
résultats, et le présent rapport propose une synthèse de ces renseignements.

                                                                                                                        6
LES MALADIES DU FOIE
Les principales maladies du foie responsables des niveaux les plus élevés de morbidité et de mortalité sont les hépatites
virales (hépatites chroniques B et C), la maladie alcoolique du foie, la stéatose hépatique non alcoolique, la cirrhose et
le carcinome hépatocellulaire. Ces maladies représentent plus de 95 % de tous les décès liés aux maladies du foie. Les
données démontrent l’incidence croissante de ces maladies. Chaque maladie sera traitée séparément. Lorsqu’il est
pertinent de le faire, le mode de prise en charge de l’hépatite B et de l’hépatite C sera comparé à celui du VIH. En
effet, le VIH est transmis par les mêmes voies que les hépatites B et C, et cause aussi une infection chronique pouvant
entraîner la mort. De plus, comme dans le cas des hépatites B et C, il est possible de le traiter.

7
CHAPITRE 1
L’HÉPATITE B
L’hépatite virale est une infection causée par un virus qui entraîne une inflammation du foie et l’endommage.
Lorsqu’il s’agit d’une hépatite aiguë, les dommages sont généralement légers et de courte durée et sont suivis d’un
rétablissement complet. Dans certains cas cependant, les dommages sont suffisamment graves pour causer une
insuffisance hépatique qui peut entraîner la mort ou requérir une transplantation hépatique. Il s’agit heureusement
d’une situation assez rare. Dans le cas d’une hépatite virale chronique, l’infection ne cause pas initialement beaucoup
de dommages, mais elle persiste indéfiniment et pourrait, sur une période de plusieurs années, mener à la cirrhose, au
cancer du foie, à l’insuffisante hépatique et à la mort. Même si plusieurs virus ciblent le foie, les plus fréquents et
potentiellement les plus mortels sont ceux des hépatites B et C. Le présent rapport ne traitera donc que de ces deux
formes d’hépatite virale.

TRANSMISSION DE L’HÉPATITE B
L’hépatite B est une infection transmissible par le sang. Cela signifie que la maladie est transmise par un contact des
liquides corporels d’une personne avec des liquides corporels infectés. Tous les liquides corporels d’une personne
infectée, y compris le sang, la salive, le sperme et les sécrétions vaginales, peuvent contenir le virus de l’hépatite B, et
sont en conséquence potentiellement infectieux. Le virus se transmet par un contact intime. Même si le mécanisme de
transmission exact dans ces circonstances n’est pas toujours clair, les études supposent qu’il est associé à l’exposition
aux liquides corporels infectés. Les principales voies de transmission sont les suivantes : au sein d’une famille
immédiate, surtout entre une mère infectée et ses très jeunes enfants; à l’occasion de relations sexuelles; l’exposition au
sang infecté lors de la consommation de drogues administrées par injection; lors d’un tatouage, d’un perçage ou d’une
intervention médicale avec de l’équipement contaminé; ou parmi les professionnels de la santé. L’allaitement ne
transmet pas l’infection. L’hépatite B est considérablement plus contagieuse que le VIH.

ÉVOLUTION NATURELLE DE L’HÉPATITE B
Il existe deux formes d’hépatite B. Toute nouvelle infection d’hépatite B comporte une phase aiguë. Par définition,
l’hépatite B aiguë disparaît dans les six mois, ce résultat étant accompagné d’une élimination du virus dans
l’organisme, de l’acquisition d’une immunité à une infection future, et de l’absence de dommages hépatiques à long
terme. Cependant, la persistance de l’infection au-delà de six mois signifie généralement une infection à vie ou la
présence de la forme chronique de l’hépatite B. Chez l’enfant, l’infection initiale est généralement asymptomatique,
tandis que chez l’adulte, l’infection risque davantage de provoquer des symptômes. Lorsque des symptômes se
manifestent, ils prennent le plus souvent la forme de fatigue, de fièvre, de douleurs articulaires et abdominales et de
jaunisse. La plupart des enfants infectés ne sont pas diagnostiqués à cause de l’absence de symptômes. Les très jeunes
enfants (de moins de cinq ans) infectés ne réussissent pas à éliminer le virus et conservent l’infection pendant le reste
de leur vie. Chez les enfants plus vieux et les adultes, la maladie est plus souvent de courte durée et éliminée
complètement.

L’hépatite chronique B est définie comme une infection qui est présente pendant plus de six mois. La plupart des
infections chroniques sont acquises dans la petite enfance. La probabilité de chronicité après cette période décline
jusqu’à l’âge adulte, où le taux de chronicité est inférieur à 1 %.

L’issue de l’hépatite chronique B est variable. Plus de 50 % des infections deviennent plus ou moins dormantes sans
conséquences nuisibles à long terme pour le foie. Cependant, vers l’âge de 40 ans environ, l’incidence du cancer du
foie est d’à peu près 0,2 à 0,6 % par année dans cette population. La cirrhose apparaît dans environ 15 à 20 % des cas
et, avec la cirrhose, le risque de cancer est de 5 à 8 % par année approximativement. Les complications de la cirrhose

                                                                                                                          8
peuvent aussi entraîner la mort. Globalement, environ 25 % des hommes et de 8 à 10 % des femmes souffrant
d’hépatite chronique B non traitée décèdent de complications de la maladie.

ÉPIDÉMIOLOGIE DE L’HÉPATITE B AU CANADA
PRÉVALENCE ET INCIDENCE
L’hépatite B est une maladie à déclaration obligatoire. Toutes les administrations de santé publique consignent toutes
les analyses sanguines positives pour l’hépatite B (analyse positive à l’égard de l’AgHBs qui est le marqueur pour une
infection active), et déclarent les données sur les cas aigus et « indéterminés » au Système canadien de surveillance des
maladies à déclaration obligatoire (SSMDO). En plus du SSMDO, le Système de surveillance accrue des souches de
l’hépatite (SSASH) (1) a recueilli jusqu’à tout récemment des données supplémentaires dans des régions sanitaires qui
représentent environ 41 % de la population canadienne.                   Le SSASH n’a publié aucune donnée sur
l’hépatite chronique B, et ce système n’existe plus à cause de contraintes budgétaires. Les données du SSMDO et du
SSASH confirment que l’incidence de l’hépatite B aiguë présente une tendance à la baisse (figure 1). Cependant, en
raison de la nature asymptomatique des nouvelles infections, seuls les cas d’hépatite aiguë diagnostiqués sont indiqués
à la figure 2 (1). Selon la figure 2, l’incidence d’hépatite B aiguë ayant connu la plus grande baisse est observée chez le
groupe d’âge qui aurait profité d’une vaccination universelle (de 20 à 39 ans). Cela confirme les avantages de la
vaccination pour ce qui est de la réduction de l’incidence de l’hépatite B aiguë symptomatique. (Cependant, il ne s’agit
pas d’une preuve de la prévalence réduite de l’hépatite chronique B, c’est-à-dire le principal objectif de la vaccination
contre l’hépatite B.)

FIGURE 1 : TAUX D’HÉPATITE B AIGUË ET INDÉTERMINÉE* POUR UNE POPULATION DE
100 000 PERSONNES (1)
                              12

                                                10.8

                              10

                                                           9.4

 TAUX/1000 000 PERSONNES

                               8

                                                       6.9

             6.1

                               6

                                                                                                       4.8

                                                                           5.8

                               4

                                                                                              3.1

                                                                                                       4.1

                                                                                                                                                     2.4

                                   2.7

                                                                                                                    3.4

                                                                                                                                                                         1.9

                                        1.8

             1.7

                               2

                                                                                                        2.6

                                                                                                                                                               1.9

              1.8

                2.2

                  1.8

                               0

                                      1990

                                                 1991

                                                             1992

                                                                       1993

                                                                                   1994

                                                                                             1995

                                                                                                          1996

                                                                                                                       1997

                                                                                                                                 1998

                                                                                                                                           1999

                                                                                                                                                     2000

                                                                                                                                                               2001

                                                                                                                                                                         2002

                                                                                                                                                                                    2003

                                                                                                                                                                                               2004

                                                                                                                                                                                                           2005

                                                                                                                                                                                                                     2006

                                                                                                                                                                                                                                2007

                                                                                                                                                                                                                                           2008

                                                                                                                                 ANNÉE

* Les cas indéterminés sont des cas où il n’a pas été possible de déterminer avec certitude s’il s’agissait d’une hépatite B
aiguë ou chronique. Ces cas pourraient découler d’analyses sérologiques portant à confusion, ou d’un suivi incomplet.

9
FIGURE 2 : TAUX DE CAS D’HÉPATITE B AIGUË ET INDÉTERMINÉE* PAR ANNÉE ET GROUPE D’ÂGE(1)
                               25

                                                                                                                                                                                               0-9 ANS

 TAUX/D'INCIDENCE/100 000

                               20

                                                                                                                                                           10-19 ANS

                               15

                                                                                                                                                           20-39 ANS

                                                                                                                                                                                               40+ ANS ET PLUS

                               10

                                5

                                0

                                         1990

                                                   1991

                                                             1992

                                                                       1993

                                                                                 1994

                                                                                           1995

                                                                                                     1996

                                                                                                               1997

                                                                                                                         1998

                                                                                                                                   1999

                                                                                                                                             2000

                                                                                                                                                       2001

                                                                                                                                                                 2002

                                                                                                                                                                           2003

                                                                                                                                                                                     2004

                                                                                                                                                                                               2005

                                                                                                                                                                                                         2006

                                                                                                                                                                                                                   2007

                                                                                                                                                                                                                             2008

                                                                                                       ANNÉE DU DIAGNOSTIC

* Les cas indéterminés sont des cas où il n’a pas été possible de déterminer avec certitude s’il s’agissait d’une hépatite B
aiguë ou chronique. Ces cas pourraient découler d’analyses sérologiques portant à confusion, ou d’un suivi incomplet.

Les données précitées représentent des cas d’hépatite B aiguë signalés. Cependant, le signalement de cas
d’hépatite chronique B laisse à désirer. L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) constate ainsi (1) :

                                       « Les données agrégées sur l’infection par le VHB provenant de toutes les provinces et tous les territoires sont
                                       envoyées à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) de manière régulière. Cependant, les pratiques de
                                       déclaration ne sont pas uniformes d’une administration à l’autre en raison du fait que certaines administrations
                                       ne déclarent que les cas aigus d’infection par le VHB, tandis que d’autres rapportent aussi bien les cas aigus
                                       qu’indéterminés d’infection par le VHB. Depuis 2004, les cas d’infection chronique par le VHB sont également
                                       signalés par quelques provinces et territoires. Les efforts consentis pour rechercher et éliminer les déclarations en
                                       double des cas d’infection par le VHB varient d’une administration à l’autre (1). »

En l’absence d’une collecte officielle de données, les études de séroprévalence pourraient fournir de l’information.
Malheureusement, il n’existe que quelques études sur la prévalence de l’hépatite B au Canada, et celles-ci ont été
entreprises il y a bon nombre d’années. Une étude effectuée dans le Nord de l’Ontario indiquait une prévalence de
0,24 à 0,47 % (2). Cependant, une étude portant sur les immigrants a montré que la prévalence variait entre 5 et 10 %
(3). Une étude effectuée chez les réfugiés vietnamiens arrivant au Canada a constaté que 11,7 % d’entre eux étaient
infectés par le VHB (4). Un dépistage au moment de la grossesse en Nouvelle-Écosse a montré un taux de prévalence
de 0,87 % (5).

Étant donné qu’aucune de ces études n’était représentative de la population générale, nous pouvons conclure que la
prévalence de l’hépatite chronique B au Canada est inconnue. Cependant, ces études laissent penser qu’au Canada,
l’hépatite B est très prévalente chez les populations d’immigrants (5 à 12 %, comparativement à
RÔLE DE L’IMMIGRATION
Une portion importante des immigrants qui arrivent au Canada proviennent de régions du monde où l’hépatite B est
très prévalente, y compris la Chine, les Philippines, et d’autres zones d’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient et d’Afrique.
D’après le recensement de 2006, les études fondées sur la taille et l’origine de la population immigrante laissent
conclure que le nombre de personnes infectées par le virus de l’hépatite B au pays serait entre 242 749 et 444 500, ce
qui correspond à 0,81 % à 1,44 % de la population canadienne (6). Entre 71 % et 89 % de ces personnes sont des
immigrants (voir le tableau 1). Étant donné la variation des estimations dans les pays d’origine, l’étude a produit trois
estimations, représentant des possibilités de niveau élevé, moyen et faible.

TABLEAU 1 : PRÉVALENCE DE L’HÉPATITE CHRONIQUE B CHEZ LES IMMIGRANTS CANADIENS(6)

                              Immigrants        Taux de porteurs du VHB (%)               Cas de porteurs du VHB
      Pays/région
                            vivants en 2006     Faible        Moyen         Élevé       Faible     Moyen        Élevé
   Amérique du Nord            250 540           0,19           0,25         0,32        477         626         802
   Amérique centrale           130 460           0,44           0,88         1,40        577        1 154       1 820
        Caraïbes               317 765           1,51           3,25         5,00       4,793      10 339      15 887
   Amérique du Sud             250 710           0,59           1,16         1,74       1 477       2 916       4 366
   Europe de l’Ouest           424 645           0,32           0,56         0,83       1 356       2 374       3 525
     Europe de l’Est           511 095           2,12           2,76         3,39      10 838      14 086      17 318
     Europe du Sud             698 085            1,8           2,52         3,24      12 573      17 587      22 634
    Europe du Nord             644 530           0,30           0,53         0,59       1 925       3 438       3 827
   Afrique de l’Ouest           48 645          10,78          13,46        16,14       5 242       6 545       7 850
    Afrique de l’Est           129 920           6,58           9,22        11,87       8 548      11 983      15 420
    Afrique du Nord            134 505           3,15           6,12         9,09       4 242       8 234      12 225
    Afrique centrale            22 405           8,46          11,44        14,43       1 895       2 563       3 233
     Afrique du Sud             39 090           4,68           6,20         7,71       1 829       2 424       3 014
Asie centrale occidentale
                               370 520           2,65           3,86        5,08        9 826      14 290      18 835
    et Moyen-Orient
        Chine et
                               682 375          11,70          12,25        12,80      79 837      83 590      87 343
       Hong Kong
Autres régions de l’Asie
                               191 995          10,63          11,17        11,71      13 121      14 083      15 055
        orientale
       Philippines             303 190           6,32           7,36        8,39       19 162      22 315      25 438
Autres régions de l’Asie
                               257 800           7,80           8,94        10,09      24 583      27 862      31 138
       du Sud-Est
           Inde                443 690           2,92           3,23        3,55       12 956      14 331      15 751
Autres régions de l’Asie
                               275 590           2,66           3,35        4,16        6 179       9 790      14 151
       méridionale
        Océanie                 59 410           1,96           3,13        4,30        1 034       1 652       2 270
 Effet de la vaccination
                                                                                        -5 493      -5 876     -6 262
     jusqu’en 2006
      Nombre total
d’immigrants provenant        6 186 950          3,65           4,38        5,13       216 977     266 306    315 640
  de toutes les régions
   Personnes nées au
                              24 788 720        0,1 %         0,35 %        0,5 %      25 772      90 201     128 860
         Canada
      Total global            30 975 670         0,81           1,17        1,44       242 749     356 507    444 500

11
La répartition provinciale des personnes infectées par le virus de l’hépatite B est indiquée à la figure 3 (6). Peu importe
l’estimation de la prévalence du VHB utilisée, l’Ontario possède 50 % de tous les cas d’hépatite chronique B, c’est-à-
dire plus que les trois provinces suivantes combinées. Comme le Canada continue d’accueillir des immigrants
provenant de pays où l’hépatite B a une prévalence élevée, les pays d’origine et le nombre d’immigrants de ces pays
demeurant constants, la prévalence de l’hépatite B devrait continuer d’augmenter ainsi que l’illustre le tableau 2.
L’accroissement du nombre de personnes infectées par le virus de l’hépatite B jusqu’en 2020 représente de 23 000 à
30 000 cas supplémentaires au pays. Ces chiffres tiennent compte de l’effet de la vaccination contre l’hépatite B dans
les pays d’origine. Ces données indiquent une augmentation de la prévalence de l’hépatite chronique B, et la tendance
risque de se maintenir aussi longtemps que les tendances démographiques en matière d’immigration demeureront
semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui, et ce, en dépit de l’introduction de la vaccination contre l’hépatite B.

FIGURE 3 : RÉPARTITION DE L’HÉPATITE CHRONIQUE B DANS LES 7 PREMIÈRES PROVINCES (CHIFFRES
ARRONDIS) (6)

  100%

                                                                                      ONT.

   90%

                                                                                      CANADA ATLANTIQUE

   80%

                                                                                      QC

                      53

                       50

                      49

   70%

                                                                                      MAN.

                                                                                               SASK.

   60%

                                                                                               ALB.

   50%

                                          3

                       4

                       2

                                                                    C.-B.

   40%

                                         17

                      17

                      15

   30%

              3

                        3

                       3

                       1

                        2

                       2

   20%

              9

                        9

                       9

   10%

             17

                       16

                      16

    0%

            ESTIMATION PRUDENTE

 ESTIMATION MOYENNE

            ESTIMATION ÉLEVÉE

                                                                                                                       12
TABLEAU 2 : PRÉVISION DU NOMBRE DE PERSONNES INFECTÉES PAR LE VIRUS DE L’HÉPATITE B AU
CANADA JUSQU’EN 2020 (6)

           Année                   Estimations faibles          Estimations moyennes            Estimations élevées

            2006                         242 749                       356 507                        444 500
            2007                         248 826                       360 841                        446 874
            2008                         251 556                       363 575                        449 907
            2009                         254 131                       366 096                        452 680
            2010                         256 550                       368 403                        455 190
            2011                         258 820                       370 509                        457 457
            2012                         260 952                       373 355                        459 497
            2013                         262 943                       375 114                        461 310
            2014                         264 802                       376 697                        462 911
            2015                         266 542                       378 119                        464 325
            2016                         268 144                       379 366                        465 512
            2017                         269 511                       380 314                        466 326
            2018                         270 718                       381 038                        468 882
            2019                         271 756                       381 540                        467 169
            2020                         272 640                       380 710                        467 222

MORTALITÉ ET MORBIDITÉ ASSOCIÉES À L’HÉPATITE B
Il n’existe pas de données sur le taux de mortalité et de morbidité liées à l’infection par l’hépatite B au Canada.
Statistique Canada consigne les décès imputables aux hépatites virales, mais ne fait pas de distinction entre
l’hépatite B et l’hépatite C (ou D). En outre, les décès liés aux hépatites virales sont enregistrés séparément des décès
imputables à la cirrhose et au cancer du foie qui surviennent comme conséquence de l’hépatite B. Pour cette raison, le
nombre consigné de décès liés à l’hépatite B (11 à 35 cas par année) représente un nombre de cas signalés très en deçà
des conséquences réelles de l’infection (7). Même s’il n’existe aucune donnée précise, il est possible de consulter
certaines estimations fondées sur des études de modélisation. L’Ontario Burden of Infectious Disease Study
(ONBOIDS) (une évaluation de la mortalité et de la morbidité associées aux maladies infectieuses en Ontario) est la
seule étude canadienne qui a modélisé les conséquences de l’infection par le virus de l’hépatite B (8). Cette analyse
révèle qu’en Ontario, l’hépatite B vient au cinquième rang parmi les causes de mortalité et de morbidité pour toutes
les maladies infectieuses (Figure 4). Près de 7 000 années de vie ont été perdues dans la population totale, et la cohorte
compte également des données supplémentaires sur les années de vie avec fonctionnement réduit. Étant donné que
l’Ontario représente environ 50 % de toutes les personnes infectées par le virus de l’hépatite B, on peut donc supposer
que les années de vie perdues (AVP) au Canada atteignent le double de la valeur citée.

13
FIGURE 4 : MORTALITÉ ET MORBIDITÉ DE L’HÉPATITE B COMPARATIVEMENT AU VIH/SIDA EN ANNÉES
DE VIE PERDUES (AVP) ET EN ANNÉES DE VIE PERDUES AJUSTÉES SUR LA SANTÉ (AVPAS)(8)
                    8,000

                                                                       6,785

                           HÉPATITE B

                                6,698

                    7,000

                                                        6,242

                                                                                                          VIH/SIDA

                    6,000

                                                    4,929

 NOMBRE DE CAS

                    5,000

                    4,000

                    3,000

                    2,000

                    1,000

                         0

                                           AVP

                            AVPAS

MORBIDITÉ ET MORTALITÉ FUTURES
Les données de modélisation indiquent que le nombre absolu de personnes infectées par le virus de l’hépatite B
continuera d’augmenter à cause de l’immigration, même en tenant compte des décès liés à l’hépatite B et aux autres
causes (tableau 2) (6). Avec le vieillissement de la population infectée, l’incidence des complications associées aux
maladies du foie continuera de s’élever parce qu’elle est directement associée à la durée de l’infection. Leber et coll. (6)
calculent que le taux de mortalité attribuable au carcinome hépatocellulaire (CHC) lié à l’hépatite B en 2008 était
d’environ 5,5/100 000, et estiment que l’incidence et la mortalité du CHC lié à l’hépatite B continueront de s’élever
au cours des huit prochaines années ou plus (voir le chapitre 6 :Carcinome hépatocellulaire). Le modèle n’incluait pas
les effets du traitement de l’hépatite B.

En utilisant les données de Statistique Canada, la Société canadienne du cancer a aussi démontré que l’incidence du
CHC est en hausse. Cependant, comme ces données n’indiquent pas la cause de la maladie sous-jacente, il est difficile
de déterminer la contribution de l’hépatite B à ces chiffres (9).

D’autres études de modélisation indépendantes de la population d’immigrants ont abouti aux mêmes conclusions
(10). Cette étude a révélé que la mortalité liée aux maladies du foie causées par l’hépatite B chez les immigrants
augmentera considérablement au cours des cinquante prochaines années et plus.

PRISE EN CHARGE DE L’HÉPATITE B (SOINS PRIMAIRES)
Il n’existe pas de données qui indiquent si les personnes atteintes de l’hépatite B sont bien soignées par leur médecin
de famille. Le fait qu’il semble y avoir une tendance à la hausse du carcinome hépatocellulaire (CHC) lié à l’hépatite B
et que la plupart des patients reçoivent un diagnostic lorsque le cancer a atteint un stade avancé laisse penser que les
médecins de famille manquent des occasions de traiter les patients et d’effectuer des dépistages pour cette pathologie.

Un sondage effectué auprès d’étudiants en médecine qui font un stage de pratique générale a révélé une très mauvaise
compréhension de la prise en charge de l’hépatite (11). Les lacunes incluaient le fait de ne pas être en mesure de
reconnaître une cirrhose, de demander des consultations inopportunes, et la compréhension moins qu’optimale des
marqueurs sérologiques de l’hépatite B. Les auteurs ont conclu que des occasions d’offrir un traitement qui peut
sauver une vie étaient manquées.

                                                                                                                          14
Les médecins de famille ont un rôle clé à jouer dans le diagnostic précoce de l’hépatite B. Étant donné que l’hépatite B
est très prévalente dans les communautés d’immigrants, la plupart des patients atteints de cette maladie sont traités par
des médecins de leur collectivité. Si, comme le montre l’étude précitée, les résidents en médecine familiale manquent
de connaissances nécessaires pour bien reconnaître et prendre en charge l’hépatite B, il devient plus difficile de
s’assurer que les patients reçoivent les soins nécessaires en temps opportun et les consultations dont ils ont besoin.
Comme il n’y a pas suffisamment de spécialistes pour traiter la population de patients atteints d’hépatite B, il est
essentiel que les médecins de famille et les spécialistes travaillent ensemble pour répondre aux besoins de santé de ces
patients.

SENSIBILISATION DU PATIENT À L’HÉPATITE B
Les patients ne sont pas sensibilisés à l’hépatite B et à ses conséquences. Un sondage effectué auprès de femmes
chinoises à Vancouver a confirmé que la plupart connaissaient l’existence de l’hépatite B, mais peu savaient quel était
le mode de transmission, ou étaient au courant des conséquences, y compris la cirrhose et le CHC. Le niveau d’études
et la maîtrise de l’anglais ont un impact sur la sensibilisation à l’hépatite B (12). Il existe des données semblables aux
États-Unis (13). Il est probable que les immigrants chinois ailleurs au Canada, et d’autres communautés d’immigrants
pour qui l’anglais ou le français ne sont pas leur langue d’usage, éprouvent la même difficulté à comprendre la gravité
de l’hépatite B. Cela représente une difficulté à surmonter en matière d’éducation.

PHARMACOTHÉRAPIE DE L’HÉPATITE B
Le traitement de l’hépatite B vise à contrôler l’activité du virus : il est donc rare de pouvoir guérir cette infection à
l’aide de médicaments mais il est toutefois possible de stopper efficacement la réplication du virus et l’inflammation
du foie de façon à ce que le foie ne soit plus endommagé. Comme pour l’infection par le VIH, bon nombre de
patients atteints de l’hépatite B devront suivre une thérapie pendant toute leur vie. Les études montrent que le
traitement de l’hépatite chronique B bloque l’évolution de la maladie, ce qui conduit à une amélioration de la
fonction hépatique, à la régression de la fibrose et même de la cirrhose, et à un risque plus faible d’apparition du
CHC. Même s’il existe beaucoup de données probantes qui soutiennent cette conclusion, une seule étude aléatoire
contrôlée a comparé les résultats chez des patients atteints d’une hépatite B au stade de cirrhose, qui ont été traités
avec des antiviraux (lamivudine), à ceux de témoins non traités. L’étude a montré qu’une aggravation de la maladie
était observée plus fréquemment chez les individus du groupe non traité. En outre, lorsque le groupe traité a acquis
une résistance à la lamivudine, le pronostic de ces patients s’est aggravé. Il n’existe pas d’études aléatoires contrôlées
qui comparent la survie dans un groupe traité à celle dans un groupe non traité de patients non cirrhotiques.
Néanmoins, suffisamment de données indiquent que le traitement réduit la mortalité, même chez les patients non
cirrhotiques, et ces résultats sont généralement acceptés, avec plusieurs méta-analyses et examens systématiques à
l’appui. La profession médicale reconnaît que la suppression de la réplication virale chez les patients atteints
d’hépatite chronique B contribue à réduire la mortalité chez les populations de patients tant cirrhotiques que non
cirrhotiques. Plus récemment, des études démographiques à grande échelle réalisées à Taiwan ont montré que le
traitement de l’hépatite B chez les patients tant cirrhotiques que non cirrhotiques réduit le taux d’apparition du CHC
ainsi que le taux de la mortalité (PJ Chen, communication personnelle).

Malheureusement, les organismes de remboursement des médicaments au Canada ne reconnaissent pas que le
traitement de l’hépatite B permet de réduire la mortalité chez les patients non cirrhotiques en raison de l’absence
d’essais cliniques aléatoires contrôlés. Pourtant, il serait contraire à l’éthique de ne pas traiter un groupe de patients
souffrant d’une forme active de l’hépatite B pendant plus qu’une très courte période. Il existe une quantité
considérable de données provenant d’autres types d’études, qui confirment que le traitement de l’hépatite B à
n’importe quel stade réduit l’incidence du CHC. Des lignes directrices de pratique clinique pour le traitement de
l’hépatite B ont été établies par toutes les associations professionnelles des maladies du foie, ainsi que par l’Association
canadienne pour l’étude du foie, l’association professionnelle d’hépatologie canadienne (14-19). Toutes ces lignes
directrices précisent que les indications pour amorcer un traitement sont la réplication virale active et les dommages
hépatiques continus, peu importe l’absence ou la présence de cirrhose. Ainsi, les critères de remboursement pour le

15
traitement de l’hépatite B dans la plupart des provinces ne respectent pas les données probantes scientifiques et la
pratique médicale reconnue.

Environ deux tiers des patients ont besoin d’aide pour payer leur traitement de l’hépatite B. Les restrictions en
matière de remboursement limitent donc considérablement la capacité de traiter ces patients comme il le faudrait.

Actuellement, la plupart des assureurs privés continuent de rembourser tous les traitements de l’hépatite B. Cette
situation crée une certaine injustice pour ceux qui ne possèdent pas de régime d’assurance privé. Malheureusement,
les assureurs commencent à appliquer les restrictions provinciales à leurs politiques de remboursement. Si elles sont
mises en œuvre complètement, il n’y aura plus d’inégalité, mais alors les patients qui ont une assurance privée seront
défavorisés. Cela correspondrait à un nivelage vers le bas dans l’accès à ce type de médicament.

MÉDICAMENTS DISPONIBLES
Les médicaments disponibles pour traiter l’hépatite B incluent l’interféron alpha standard et l’interféron pégylé ainsi
que les médicaments qui bloquent la réplication virale, dont la lamivudine, l’adéfovir, la telbivudine, l’entécavir et le
ténofovir. Les interférons agissent principalement sur le système immunitaire de l’hôte, même s’il y a aussi
probablement un effet antiviral. Ces substances sont utilisées pendant une période allant de six à douze mois, la
thérapie permettant de supprimer dans une certaine mesure la réplication virale. Cependant, la majorité des patients
font une rechute après la fin de la thérapie. Les inhibiteurs de la réplication virale sont parfois utilisés pendant une
période limitée, mais la plupart du temps, ces agents doivent être utilisés indéfiniment.

HOMOLOGATION ET REMBOURSEMENT
Le processus d’approbation des médicaments au Canada comporte souvent de longues périodes d’attente qui
empêchent les patients d’avoir accès à des médicaments importants en temps opportun. Les retards d’homologation
par Santé Canada sont indiqués au tableau 3. Ces différences sont liées en partie aux soumissions plus tardives par
l’entreprise pharmaceutique au Canada par rapport aux États-Unis, mais aussi à des retards dans le processus
d’approbation.

                                                                                                                     16
Vous pouvez aussi lire