La nation allemande à l'université de Paris au Moyen Âge, une intrusion dans la norme ? - OpenEdition Journals

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                          Travaux des jeunes chercheurs du CIERA
                          13 | 2020
                          Intrus

La nation allemande à l’université de Paris au
Moyen Âge, une intrusion dans la norme ?
Pauline Spychala

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/trajectoires/4656
ISSN : 1961-9057

Éditeur
CIERA - Centre interdisciplinaire d'études et de recherches sur l'Allemagne

Référence électronique
Pauline Spychala, « La nation allemande à l’université de Paris au Moyen Âge, une intrusion dans la
norme ? », Trajectoires [En ligne], 13 | 2020, mis en ligne le 30 mars 2020, consulté le 01 avril 2020.
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La nation allemande à l’université de Paris au Moyen Âge, une intrusion dans ...   1

    La nation allemande à l’université
    de Paris au Moyen Âge, une
    intrusion dans la norme ?
    Pauline Spychala

1   Au début du 13e siècle, l’auteur Jacques de Vitry (c. 1170–1240), étudiant à l’université
    de Paris, est marqué par la foule de groupes d’universitaires d’origines différentes qu’il
    côtoie. Il en rapporte les stéréotypes suivants :
         « Anglicos potatores et caudatos affirmantes, francigenas superbos, molles et
         muliebriter compositos asserantes, teutonicos furibundos et in conuiuiis suis
         obscenos dicebant, normanos autem inanes et gloriosos, pictauos proditores et
         fortune amicos. Hos autem qui de Burgundia erant brutos et stultos reputabant.
         Britones autem leues et uagos iudicentes […], Lombardos auaros, militiosos et
         imbelles ; romanos seditiosos, uiolentos et manus rodentes ; siculos tyrannos et
         crudeles ; brabantios uiros sanguinum, incendarios, rutarios et raptores ;
         flandranses superfluos, prodigos, comessiatonibus deditos, et more butyri molles et
         remissos, appellabant. Et propter huiusmodi conuitia, de uerbis frequenter ad
         uerbera procedebant »1.
2     Les nombreux peuples mentionnés dans cette liste, gratifiés de spécificités
    caricaturales, reflètent le recrutement de l’université de Paris au Moyen Âge. Dès leur
    fondation, les universités incitent et favorisent la mobilité estudiantine, considérant
    celle-ci comme la manifestation concrète de leur inspiration universaliste (Verger,
    1991 : 70). Cette inspiration provient de l’objectif suivi par les études universitaires,
    celui d’appréhender le monde créé par Dieu dans toute sa complexité afin de mieux
    comprendre les Écritures Saintes et la Bible. Placée dès sa création sous la tutelle de
    l’Église, qui lui accorde notamment des chartes de fondation, l’universitas concentre la
    totalité de la production théorique et dogmatique de l’époque. La corporation est
    soumise à la justice ecclésiastique et tient une partie de ses privilèges de la tutelle
    laïque (rois, empereur ou princes). Son universalité se traduit en pratique par le
    recrutement théorique de ses membres dans tout l’Occident latin. L’université
    médiévale est conçue comme un lieu « sans frontière », figure de l’internationalité de la
    culture savante (Kintzinger, 2014 : 262).

    Trajectoires, 13 | 2020
La nation allemande à l’université de Paris au Moyen Âge, une intrusion dans ...   2

3    Ce choix d’accueillir les étrangers est tout à fait exceptionnel dans la société
    médiévale. Les personnes mobiles, qu’elles soient pèlerins, marchands, vagabonds ou
    étudiants, sont la plupart du temps mal considérées. Le caractère « étranger »
    commence à partir de la ville voisine et il est accompagné de tout un imaginaire
    inquiétant et terrifiant : porteur de maladies, de mauvaises nouvelles, voleur, il n’est
    pas inclus dans le réseau de fidélités médiévales qui s’implante dans un territoire.
4    L’université médiévale se différencie fondamentalement de cette vision. L’étudiant
    étranger est protégé dès 1158 par l’empereur Frédéric Ier Barberousse, qui se
    revendique comme l’équivalent laïc de l’universalisme de l’Église. Son texte concerne
    d’abord les étudiants du Saint Empire et d’Italie souhaitant assister aux cours de droit
    de Bologne mais sa portée est en théorie universelle. Il est interdit de toucher à la
    personne de l’étudiant et à ses biens ou de spéculer sur son besoin de logement en tant
    que nouvel arrivant dans une ville. Cette protection exceptionnelle permet à
    l’université d’intégrer toujours plus d’étrangers en son sein. Son organisation fait ainsi,
    dès ses débuts, place à une institution dédiée à la répartition de ses étudiants en
    fonction de leur origine géographique : les nations universitaires. La communauté se
    fonde sur des règles strictes, qui forment des schémas récurrents d’une université à
    l’autre. L’usage d’une langue commune, le latin, est également unique, tandis que les
    langues régionales sont réprouvées. Le contenu des enseignements est le même
    partout. La délivrance de l’ancêtre de notre grade actuel, la licencia ubique docendi, la
    licence d’enseigner partout, n’est rien d’autre que le symbole d’un cursus que l’on peut
    suivre dans toutes les universités de l’Occident latin.
5   Outre ces aspects internes, l’université se présente également au monde parée de signes
    d’appartenance distinctifs clairs. En tant que corporation, elle a son propre sceau qui
    lui donne un poids règlementaire important dans la ville. Les membres de la
    communauté se doivent de respecter un code vestimentaire différencié en fonction du
    grade et de la discipline étudiée et de nombreuses processions publiques font l’étalage
    de sa puissance et de son unité. Enfin, la cohésion du groupe est assurée par un serment
    prêté par tous les membres lors de leur inscription.
6   Durant les deux derniers siècles du Moyen Âge, de nombreux faits politiques et
    religieux modifient la société médiévale et ont des répercussions sur le rôle et sur la
    fonction occupée par l’universitaire en son sein. L’université commence à contribuer
    plus étroitement à la défense des intérêts du pouvoir civil local et, dans l’ensemble,
    l’aire de recrutement des universités à la fin du Moyen Âge apparaît bien plus régionale
    (Schwinges, 1984). Ces phénomènes se retrouvent dans de nombreuses autres
    universités médiévales mais l’université de Paris constitue un creuset intéressant de
    ces tensions. Comme le souligne déjà Jacques de Vitry au début du 13 e siècle, des
    tensions existent entre les membres d’origines géographiques différentes, des groupes
    qui réagissent différemment aux mutations de leur époque. Parmi les nations
    universitaires, la nation allemande en particulier est sensible à ces mutations, du fait de
    ses caractéristiques innées et acquises mais également du fait de ses interactions avec
    le reste de l’université de Paris. Analyser sa place au sein de l’université revient ainsi à
    s’interroger sur la fabrication potentielle d’une intruse au sein de l’université de Paris.
    Il est dans un premier temps essentiel de rappeler les mutations qui secouent
    l’université à cette époque afin d’analyser dans un second temps les réactions voulues
    ou subies par la nation allemande à ces changements.

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     De l’universalité revendiquée à l’université régionale
7      Comme toutes les universités médiévales, celle de Paris forme aux techniques
     d’argumentation et aux différentes sciences autorisées. La protection que lui accorde
     l’Église fait d’elle une corporation urbaine tout à fait à part, théoriquement
     indépendante du pouvoir royal. Le poids exceptionnel des maîtres dans la fondation de
     l’université parisienne au 13e siècle a par ailleurs permis de créer une certaine liberté
     de mouvement par rapport à la tutelle ecclésiastique représentée à Paris par le
     chancelier de l’église Notre-Dame (Gorochov, 2012). Celui-ci n’a ainsi pas le pouvoir de
     délivrer lui-même un diplôme mais seulement de confirmer celui-ci au candidat qui est
     examiné par un collège de maîtres à l’intérieur de l’université.
8     Ce rapport de force fait de l’université une institution à part dans le paysage médiéval,
     laquelle va aller jusqu’à se revendiquer comme un pouvoir complémentaire du pouvoir
     royal et du pouvoir religieux (Rexroth, 2002 : 512). Cette philosophie est en partie
     héritée de l’Antiquité grecque qui inspire fortement l’enseignement universitaire, où le
     philosophe était le conseiller le roi et se distinguait clairement du prêtre. Le roi de
     France fait ainsi appel à de multiples reprises aux maîtres de l’université afin de
     connaître leur avis sur des doctrines nouvelles ou concernant des litiges juridiques.
     Cependant, à partir du 14e siècle, le pouvoir royal ne se contente plus de demander
     l’avis de l’université de Paris mais intervient également dans les positions qu’elle
     adopte, mettant à mal une liberté de débat chère à la corporation. Cette nouvelle
     proximité, alimentée par le fait que de plus en plus de maîtres font carrière au sein de
     l’administration royale ou au Parlement de Paris, est symbolisée par la nouvelle
     formulation prestigieuse adoptée dans les protocoles des diplômes royaux de Charles V
     (1364–1380) : « notre fille l’Université de Paris ». Sans nier la capacité de l’université de
     Paris à produire un contenu intellectuel de qualité, cette formulation souligne que la
     corporation devient un outil de défense des intérêts de la couronne et du Royaume de
     France.
9     La position prise par l’université de Paris dans le Grand Schisme (1378–1417) est à la
     fois révélatrice de cette défense des intérêts de la couronne de France et a de fortes
     conséquences pour les universitaires parisiens2. Le conflit se joue à la fois sur le plan
     militaire et le plan diplomatique mais il passe également par la mise en place d’une
     propagande et d’un argumentaire justifiant les positions de chacun. C’est en ce sens que
     le roi Charles V puis son successeur Charles VI demandent en 1379 et 1383 à l’université
     de Paris, alors très réticente à l’idée de s’aliéner l’un des deux papes, de prendre
     explicitement position pour le parti clémentiste :
          « A noz tres chiers et bien amés les recteur et maistres de nostre fille Université de
          Paris de par le roy. Tres chiers et bien amez, pour ce que tous jours avons grant
          desir et affection, ainsi que a tout prince catholique appartient, que en saincte
          eglise ait vraye unité et concorde, et tout schisme et division soit ostée, et
          meismement de nostre royaume et d’entre nos subgiez, […] nous […] vous
          requerons très acertes et si chier que vous avez et devez avoir le bien et
          soustenement de nostre foy, que vous maistres en votre assemblée veuillez avoir
          deliberation ensemble collegialemenet, et vous decliner à la dicte vraye et sainte
          partie de notre dit sainct père le pape Clement. [...] sachans que ce vous le metez en
          reffuz ou delay, vous nous ferez deplesir, [...] »3
10   Cet épisode est révélateur des difficultés que l’université de Paris a à conserver une
     vision universaliste s’affranchissant des considérations politiques et lui permettant

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     d’attirer des maîtres et des étudiants de tout l’Occident latin. Le Grand Schisme partage
     à la fois la hiérarchie ecclésiastique en deux mais touche aussi à l’unité de l’Église,
     essentielle à la philosophie et à la théologie développées à l’université.
11   Le climat délétère créé à Paris par les derniers épisodes de la Guerre de Cent Ans dans
     le premier tiers du 15e siècle, les vagues successives d’épidémie et de peste et enfin la
     fondation ‒ amorcée au milieu du 14e siècle mais qui s’accélère à partir des années 1380
     ‒ d’une quinzaine d’universités en Europe centrale et dans le Saint Empire sont autant
     de coups portés au recrutement international de l’université de Paris. Si tous les
     maîtres sont touchés par ces difficultés, la nation allemande de l’université de Paris, en
     raison de ses spécificités propres, en subit directement les effets.

     Les nations universitaires, une institution inscrite
     dans la norme
12    Face à l’arrivée d’étudiants et de maîtres venus de tout l’Occident latin, les premières
     universités ont eu besoin d’organiser la corporation et de catégoriser ses membres dès
     le début du 12e siècle. Parmi toutes les solutions possibles, celle qui s’est imposée dans
     presque toutes les universités médiévales est la répartition en fonction du critère
     géographique, retranscrit dans la nation universitaire. Cette natio médiévale est
     éloignée de la notion d’entité politique et ethnologique souveraine qu’on lui attache au
     19e siècle. Au Moyen Âge, elle recouvre une idée assez vague et abstraite, s’attachant
     tantôt à la notion de naissance et d’origine, tantôt à celle de peuple ou de pays.
     Cependant, au sein de la corporation universitaire, le mot a le sens restreint
     d’association d’étudiants et de professeurs provenant d’une même région
     (Weijers, 1987 : 56). Cette institution fournit un cadre de solidarité entre individus afin
     d’organiser et d’améliorer leurs conditions de vie et de maintenir les liens avec le pays
     d’origine grâce à un système de messagers. Elle offre une aide juridique et un soutien
     confraternel à l’étudiant déraciné arrivant dans une ville inconnue.
13   L’université de Bologne divise ainsi ses membres entre une nation cismontaine, qui
     regroupe les membres toscans, lombards et siciliens, et une nation ultramontaine
     regroupant treize sous-nations venant de toute l’Europe (Le Goff, 1985 : 82). Paris opte
     pour le chiffre canonique de quatre et pour un découpage très large. La nation
     normande accueille des étudiants proches géographiquement et culturellement de
     Paris, la nation picarde s’étend du diocèse d’Amiens jusqu’aux portes du Saint Empire
     dans les Flandres, celle de France accueille les étudiants des autres diocèses du
     Royaume de France et de rares Italiens et Ibériques, tandis que la dernière, la nation
     allemande, offre le recrutement le plus hétérogène4. Celui-ci couvre les îles
     Britanniques mais également le Saint Empire, la Scandinavie et l’Europe centrale
     (Bohême, Hongrie et Pologne), créant de fait une identité particulière pour cette
     nation, où la mixité culturelle est particulièrement présente et évolue elle-même au
     cours de la période. Ainsi, si les anglais dominent jusqu’au milieu du 14 e siècle, ils
     disparaissent pratiquement au siècle suivant du fait de la Guerre de Cent Ans, laissant
     la place à une majorité de maîtres venus de l’axe rhénan et, dans une moindre mesure,
     d’Europe centrale. La quadripartition de l’université de Paris se retrouve dans les
     universités fondées dans le Saint Empire et en Europe centrale au 14 e et au 15 e siècle,
     celles-ci s’inspirant fortement du modèle parisien.

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14    Si aucun document mentionnant une quelconque fondation des nations à Paris n’a été
     conservé, elles sont attestées dès le premier tiers du 13 e siècle. Elles possèdent
     privilèges, droit de vote, sceau et coffre garantis par de nombreux statuts, inscrivant
     dans la norme la répartition selon des critères géographiques des membres de la
     corporation. Intrinsèquement liées à la mobilité estudiantine, elles sont un rouage
     supplémentaire de l’administration au même titre que les facultés ou les collèges 5.
     L’identité universitaire, particulièrement importante aux 14e et 15e siècles, se fonde en
     partie sur l’appartenance de l’individu à sa nation. Celui-ci est tenu, par exemple,
     d’assister aux funérailles de chaque maître décédé de sa nation (Gorochov, 2014 : 273).
15     La nation universitaire fait partie des premières institutions obligatoires dans
     lesquelles un étudiant doit s’inscrire lorsqu’il arrive à Paris. En mettant directement en
     contact l’étudiant étranger avec des compatriotes venant de la même région, elle est
     aussi un cadre social essentiel dans lequel se développe une identité communautaire
     propre.

     La nation allemande, une nation à part ou une
     intruse ?
16    Si la plupart des membres d’une université au Moyen Âge sont étrangers à la ville qui
     les abrite, seuls environ 20 % de ces étudiants parcourent de longues distances et
     visitent plus d’une université durant leur cursus (Schwinges, 1984 : 12). Les membres de
     la nation allemande présents à Paris ne constituent qu’une infime partie de la
     population estudiantine européenne, et ce malgré le fait que l’université de Paris attire
     une population très internationale. Les plus gros contingents proviennent des régions
     périphériques de la capitale, inscrits dans les nations normande et picarde, la nation de
     France n’arrivant qu’en troisième position. Le faible nombre de maîtres de la nation
     allemande, réduit le plus souvent à quelques dizaines, introduit une première
     différence entre la nation allemande et ses consœurs et modifie son mode de
     fonctionnement. Cela entraînera une différence de traitement envers elle de la part des
     trois autres nations, pouvant créer un sentiment de déclassement et d’infériorité par
     rapport aux autres membres de la corporation (Mornet et Verger, 1999 : 221).
17    Cette différence s’accentue lorsque l’on observe les fonds dont dispose la nation
     allemande pour remplir ses obligations en termes d’organisation de fêtes, messes,
     célébrations mais également de soutien à ses membres par l’exemption de frais
     d’examen pour les plus pauvres ou l’entretien d’un collège. Ses membres proviennent
     de régions très éloignées, distendant d’autant les liens avec les réseaux familiaux restés
     au pays. Ces réseaux sont essentiels car ils fournissent une bonne part du financement
     des études et de la vie quotidienne. Alors que les membres des autres nations peuvent
     compter sur de nombreux collèges pour se loger et fournir un cadre d’études solide, la
     nation allemande n’a jamais reçu suffisamment de soutiens financiers pour être
     entretenue et subsiste donc difficilement au 15e siècle. Une seule maison peut accueillir
     ses maîtres à la fin du Moyen Âge. Située « prope Sanctum Nicholaum de Cardineto ad
     signum Nostre Domine » (Denifle et Châtelain, 1894–1897 : col. 490), un lieu aujourd’hui
     disparu au croisement de la rue des Écoles et de la rue Monge à Paris, cette maison est
     la plupart du temps inhabitable, la nation n’ayant pas les moyens de réaliser les
     réparations nécessaires (Gabriel, 1974 : 56). Une procession de maîtres de la nation
     envoyée auprès de l’empereur Charles IV en visite à Paris en janvier 1378 ne suffit pas à

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     convaincre ce dernier d’apporter les fonds nécessaires à la fondation d’un collège,
     accentuant encore ces difficultés. Même si seule une minorité d’étudiants se logent
     dans les collèges et si certaines universités, comme celle d’Orléans, n’en possèdent
     aucun, cela entraîne une certaine discrimination à l’encontre des membres de la nation
     allemande. En effet, l’argent nécessaire au logement de ses étudiants mettait plusieurs
     mois à parvenir à Paris, tandis que ce laps de temps était en général plus court pour les
     universitaires normands, picards ou de la nation de France.
18    Ces différences avec les autres nations ne sont pourtant pas suffisantes pour modifier
     le regard porté sur la nation allemande ou pour en provoquer l’exclusion. Sa faiblesse
     structurelle a pu mettre à mal sa fonction d’encadrement de ses membres (Verger,
     1996 : 37) mais son existence institutionnelle est pérenne. Au début du 14 e siècle, la
     nation allemande n’est pas une intruse, elle est tout au plus une « parente pauvre »,
     fréquentée par de grands maîtres réputés, au premier rang desquels figurent le
     théologien Conrad de Megenberg (1309–1374) et Henri de Langenstein (c. 1325–1397),
     premier recteur de l’université de Vienne.
19    C’est en ce qui concerne ses prises de position que la nation allemande montre le plus
     sa différence et sa particularité par rapport aux autres nations. La demande de
     reconnaissance de la légitimité du pape d’Avignon Clément VII en 1383 la place ainsi
     dans une position très délicate. Les universitaires médiévaux sont des clercs et, à ce
     titre, dépendent financièrement des bénéfices ecclésiastiques (prébendes et canonicats)
     se situant en très grande majorité dans leur région d’origine. Depuis les années 1320–
     1330, afin de pallier une partie de leurs difficultés financières, les universités de
     l’Occident latin adressent des suppliques à la papauté qui leur accorde ces bénéfices
     ecclésiastiques. La division de la papauté du fait du Grand Schisme remet en cause ce
     système pour les maîtres de la nation allemande, car ils soutiennent en très grande
     majorité la papauté de Rome, suivant là la position de leur État d’origine et de
     l’empereur. Il s’agit à la fois d’un choix politique, idéologique mais également
     financier : leur légitimité à occuper leurs bénéfices ecclésiastiques situés en Empire
     requiert en effet l’assentiment de la papauté de Rome. Bien que le Saint Empire ne
     constitue pas au 14e et 15 e siècle une unité politique unifiée et que les royaumes de
     Pologne, de Hongrie et de Bohême soient souverains, presque tous les princes de ces
     espaces se soumettent à l’autorité du pape de Rome. Clément VII (Robert de Genève
     avant son élection) est considéré comme trop proche des intérêts de la couronne de
     France. L’université de Paris soutenant une obédience contraire, plusieurs maîtres de la
     nation allemande doivent donc la quitter. L’exemple le plus emblématique est celui du
     maître ès arts Marsile d’Inghen (1340–1396), qui quitte la capitale parisienne pour
     fonder une nouvelle université à Heidelberg en 1386 avec le soutien du comte palatin
     Robert 1er (1309–1390). Son rapport conflictuel avec la papauté d’Avignon et avec
     l’université de Paris est exprimé par le statut qu’il fait édicter en 1387, où il interdit à
     tout étudiant ayant validé des grades auprès de l’anti-chancelier, c’est-à-dire le
     chancelier de Notre-Dame de Paris (anthicancellariis), de s’inscrire à Heidelberg 6. La
     conséquence pour l’université de Paris est la perte des opposants les plus radicaux à la
     royauté et à la papauté d’Avignon, opposants pour la plupart inscrits dans la nation
     allemande.
20    Les débats philosophiques constituent un autre point d’achoppement de l’unité
     revendiquée par l’université de Paris. Là aussi, c’est au sein de la nation allemande que
     se concentrent les principaux opposants. Une première étape est franchie lors de la

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     condamnation acceptée par toutes les nations des idées de Guillaume d’Ockham (1285–
     1347), un maître anglais ayant étudié à Paris. Différents statuts sont pris et réitérés
     entre 1339 et 1340 afin de s’assurer non seulement de la non-propagation de ses idées
     mais également encourager la délation de tout maître enseignant cette doctrine 7. La
     nation allemande est concernée au premier plan par cette interdiction. Ayant accueilli
     Guillaume d’Ockham en son sein lors de son passage à Paris au début du 14 e siècle, les
     maîtres de la nation allemande sont ses anciens collègues et beaucoup soutiennent son
     raisonnement, basé sur une nouvelle approche de l’étude du corpus aristotélicien sur
     lequel s’appuie l’enseignement philosophique universitaire.
21    De plus, dans les années 1330–1340, Guillaume d’Ockham a rejoint le parti impérial de
     Louis de Bavière, en lutte contre le pape pour supprimer toute confirmation papale
     dans l’élection du roi des Romains appelé à devenir empereur. Le pape Clément VI
     cherche à contrôler le discours des universitaires en soulignant la dangerosité des
     thèses philosophiques d’Ockham. Que ce soit le roi de France ou la papauté, les acteurs
     extérieurs, dans leur volonté de contrôler les prises de position de l’université de Paris,
     favorisent indirectement une mise à l’écart de sa nation allemande.
22    Cette fracture s’aggrave avec le développement des idées ockhamistes et la séparation
     entre tenants du nominalisme et tenants du réalisme dans le dernier tiers du 14 e siècle.
     Ce conflit oppose une conception de la philosophie dans laquelle les concepts n’ont
     d’existence que dans les mots servant à les exprimer, d’où le terme de nominalisme, à la
     doctrine réaliste affirmant l’existence d’essences indépendantes des choses dans
     lesquelles elles se manifestent. Cette lutte crée une véritable scission parmi les
     universitaires parisiens. Celle-ci plongeant ses racines dans les théories de Guillaume
     d’Ockham, la séparation se fait principalement entre les maîtres de la nation allemande
     et ceux des autres nations. Il existe toutefois des contre-exemples, tels le nominaliste
     français Jean Buridan (1300–1363). Touchés dans leur liberté d’expression et
     d’enseignement, de nombreux gradués allemands quittent l’université de Paris pour les
     nouvelles universités fondées à cette époque : l’université de Prague (1348), de Vienne
     (1365), ou encore celle de Heidelberg, déjà mentionnée. Près d’un siècle plus tard, la
     condamnation de l’enseignement du nominalisme à Paris par Louis XI en 1474
     parachève un lent détournement des maîtres les plus reconnus venus du Saint Empire
     et d’Europe centrale. Les maîtres et étudiants qui continuent de fréquenter l’université
     de Paris restent moins longtemps, tout juste le temps de valider leur maîtrise, puis
     retournent dans leur région suivre une carrière éloignée de leur formation
     universitaire. La levée de l’interdiction en 1481 n’efface pas la tendance.
23    Les statuts et les condamnations citées ci-dessus ne constituent pas des attaques
     directes envers la nation allemande ou envers ses membres qui se trouveraient
     stigmatisés par rapport au reste de la corporation parisienne. Le résultat de ces
     interventions et de ces conflits est néanmoins inscrit dans le cartulaire de l’université
     de Paris et dans les registres des nations, créant des arguments juridiques allant à
     l’encontre de la nation allemande. Ces distorsions dans la norme établie au 13 e siècle
     dans un contexte d’ouverture à l’universel ne modifient pas intrinsèquement le rôle de
     la nation allemande, qui continue d’accueillir et d’encadrer les étudiants arrivant
     d’outre-Rhin, mais elles perturbent la capacité de l’Université à accueillir des membres
     venant de tout l’Occident latin, sans discrimination d’origine politique ou de
     positionnement philosophique. Le recours aux condamnations entraîne une nécessaire
     recomposition de la pensée scientifique qui se combine avec le contexte conflictuel

     Trajectoires, 13 | 2020
La nation allemande à l’université de Paris au Moyen Âge, une intrusion dans ...   8

     entre la papauté et l’empereur. De ce fait, l’appartenance à des groupes politiques
     opposés, qu’elle soit du fait de son origine géographique ou militante, est de plus en
     plus mal tolérée.
24    La nation allemande occupe une place tout à fait particulière au sein de l’université de
     Paris au Moyen Âge. Caractérisée par une aire de recrutement extrêmement vaste
     entraînant des difficultés financières chroniques, elle se distingue des autres nations
     composant l’université, lesquelles connaissent certes les mêmes difficultés mais
     atténuées par les échelles de distance moins importantes et des mécènes plus actifs. Les
     mutations que connaît l’institution universitaire au cours des 14 e et 15 e siècle,
     mutations fortement induites par les contextes politiques, religieux et sociaux difficiles
     de l’époque, influent également sur la place de la nation allemande. L’universalisme
     revendiqué à la fondation de l’université de Paris au début du 13 e siècle laisse place à
     une nouvelle vision de sa fonction, centrée notamment autour de la défense des
     intérêts de la couronne de France. La régionalisation des aires de recrutement des
     universités fondées durant la période (14e et 15 e siècle) avec le soutien des princes
     territoriaux du Saint Empire et d’Europe centrale suit la même logique. L’université de
     Paris parvient cependant à en atténuer les effets par son ancienneté et par le prestige
     des enseignements dispensés dans ses facultés d’arts libéraux et de théologie. Les
     priorités du roi de France, du pape, de l’empereur et des autres princes sont moins de
     favoriser les migrations universitaires en Europe que de construire une université au
     service de leur gloire. Les frontières de la corporation universitaire se font poreuses et
     les enjeux politiques, culturels et religieux influent sur les nations universitaires. Sans
     être intruse car toujours fondée sur une existence institutionnelle intacte, la nation
     allemande n’en apparaît pas moins fragilisée à l’aube de la Renaissance. Le changement
     de paradigme de la fonction de l’universitaire médiéval entraîne le départ d’un certain
     nombre de maîtres de la nation allemande défendant des positions politiques
     différentes voire critiques envers l’université de Paris. Cependant, la nation allemande
     accueille toujours une infime minorité privilégiée d’universitaires pouvant traverser
     l’Europe pour recevoir l’enseignement parisien. Ces universitaires ne prennent plus
     part aux prises de position politiques de la corporation mais conservent un rôle
     essentiel dans la transmission des savoirs. Ils ont des profils de plus en plus humanistes
     et continuent de faire vivre le mythe de l’étudiant migrateur, voyageant pour l’amour
     des sciences.

     BIBLIOGRAPHIE
     Sources

     Chartularium Universitatis Parisiensis, Denifle, Heinrich, Châtelain, Émile (éd.) (1889–1897), tome 2
     et 3, Paris.

     Liber procuratorum nationis Anglicanae (Alemanniae) in Universitate Parisiensi 1333–1492, Denifle,
     Heinrich, Châtelain, Émile (éd.) (1894–1897), tome 1, Paris.

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La nation allemande à l’université de Paris au Moyen Âge, une intrusion dans ...   9

Libri Actorum Universitatis Heidelbergensis, Die Amtsbücher der Universität Heidelberg, Série A Acta
Universitatis Heidelbergensis. Die Rektorbücher der Universität Heidelberg, Miethke, Jürgen (éd.) (1986–
1999), tome 1 « 1386–1410 », Heidelberg.

Bibliographie

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Gorochov, Nathalie (2014) : Genèse et organisation des nations universitaires en Europe aux XII e
et XIIIe siècles, in : Nation et nations au Moyen Âge, Actes des congrès de la Société des historiens
médiévistes de l’enseignement supérieur public, 44ᵉ congrès, Paris, p. 273–286.

Kintzinger, Martin (2014) : Les nations universitaires du Moyen Âge : l’université sous
conditions ?, in : Nation et nations au Moyen Âge : Actes des congrès de la Société des historiens
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Rexroth, Franck (2002), ‘… damit die ganze Schule Ruf und Ruhm gewinne’. Vom umstrittenen
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médiévales. L’Enfance, l’École, l’Église en Occident. Ve-XVe siècles, Paris, p. 65–90.

Verger, Jacques (1996) : Étudiants et gradués allemands dans les universités françaises du XIV e et
du XVe siècle, in : Rainer Christoph Schwinges (dir.), Gelehrte im Reich. Zur Sozial- und
Wirkungsgeschichte akademischer Eliten des 14. bis 16. Jahrhunderts, Berlin, p. 23–40.

Weijers, Olga (1987) : Terminologie des universités au XIII e siècle, Rome.

NOTES
1. « Les Anglais sont buveurs et ridicules, les Français vaniteux, mous et efféminés, les Allemands
furieux et obscènes dans leurs banquets, les Normands vains et orgueilleux, les Poitevins traîtres
et attirés par la fortune, ceux de Bourgogne brutaux et sots, les Bretons légers et inconstants […],
les Lombards avares, fourbes et lâches, les Romains bagarreurs, emportés, toujours prêts à en
venir aux mains, les Siciliens arrogants et cruels ; les Brabançons sont sanguinaires, ce sont des
incendiaires, des méchants, des voleurs ; quant aux Flamands, ils sont excessifs, prodigues,
goinfres, mous comme le beurre et sans énergie ; et souvent après s’être ainsi injurié, on en vient
des mots aux coups », cité d’après Verger, Jacques (1991) : La mobilité étudiante au Moyen Âge, in

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: Verger Jacques (dir.), Éducations médiévales. L’Enfance, l’École, l’Église en Occident. V e-XVe siècles.
Histoire de l’éducation 50, p. 65-90.
2. Après près de soixante ans passés à Avignon, la papauté se réinstalle à Rome en 1377 mais la
mort du pape Grégoire XI et l’élection contestée d’Urbain VI en avril 1378 plonge la Chrétienté
dans une longue phase de troubles. Un second pape, Clément VII, est élu par les cardinaux restés
en Avignon en septembre 1378, ouvrant une période de schisme. Elle dure près de quarante ans,
jusqu’à sa résolution par l’élection d’un pape unique Martin V en 1417 lors du concile de
Constance (1414–1418) et marque la politique internationale par la création de deux obédiences
qui partagent l’Europe.
3. « À nos très chers et bien aimés recteurs et maîtres de notre fille, l’Université de Paris, de par
le roi. Très chers et bien aimés pour qui nous avons toujours eu grande affection, car il appartient
à tout prince catholique qu’il y ait une vraie unité et concorde dans la sainte Église, que tout
schisme et division soient ôtés, y compris de notre royaume et d’entre nos sujets […] nous vous
prions très instamment, vous qui devez avoir le souci d’aider notre foi, que vous, maîtres, vous
preniez dans vos assemblées la décision commune de soutenir le saint père, le pape Clément […]
si vous vous y opposez ou établissez un délai, vous nous mécontenterez ... » in : Chartularium
Universitatis Parisiensis, Denifle, Heinrich et Châtelain, Émile (éd.) (1889–1897), Paris, tome 3, p.
564, ci-après abrégé en CUP.
4. La nation porte le nom de « nation anglaise » jusqu’à la fin du 14 e siècle. Le passage à
l’appellation « nation allemande » se fait progressivement au cours du 15 e siècle (Tanaka, 1990).
5. Les collèges sont ici des fondations pieuses fournissant gîte et couvert aux étudiants pauvres
provenant d’une région spécifique.
6. « Consequenter in dicta rectoria plures vocati magistri de universitate Parisiensi nobis advenerunt
licenciati sub anthicancellariis vel pretensis cancellariis auctoritate antipape vel sibi adherentibus Parisius,
super quo post plures congregaciones universitatis decretum fuit eos ut magistros nullatenus admitti
debere. Insuper statutum, quod licenciati auctoritate antipape vel per intrusos cancellarios ab eodem pro
magistris apud nos non deberi acceptum, cum tales sic sustinendo gradum auctoritatem antipape videbitur
approbare », in : Libri Actorum Universitatis Heidelbergensis, Die Amtsbücher der Universität
Heidelberg, Série A Acta Universitatis Heidelbergensis. Die Rektorbücher der Universität Heidelberg,
Miethke, Jürgen (éd.) (1986–1999), tome 1 « 1386–1410 », Heidelberg, n°93, p. 167. Ce document se
trouve retranscrit dans CUP, n°1656, p. 593.
7. CUP tome 2, n°1023 du 25 septembre 1339, repris par le n°1042 du 29 décembre 1340 et « Item in
eadem congregatione ordinatum fuit, quod nullus de cetero admitteretur ad aliquos actus legitimos in dicta
nacione, nisi prius juraret quod revelaret, si sciret aliquos de secta Occanica ad invicem conspirasse de
secta vel opinionibus erroneis fovendis, vel etiam conjuratos esse vel conventicula gabere occulta, aliter nisi
jure dicere si sciret, ex tunc penam perjurii incurreret », in : Liber procuratorum nationis Anglicanae
(Alemanniae) in Universitate Parisiensi 1333–1492, Denifle, Heinrich et Châtelain, Émile (éd.) (1894–
1897), Paris, tome 1 : col. 52-53.

RÉSUMÉS
L’université médiévale connaît de profondes mutations au cours des deux derniers siècles du
Moyen Âge, mutations qui mettent à mal un idéal d’universalité au cœur de sa fondation. Plus
régionale, l’université se fait plus perméable aux interventions d’acteurs extérieurs aux premiers
rangs desquels figurent les princes et la papauté. L’université de Paris, bien que moins touchée

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La nation allemande à l’université de Paris au Moyen Âge, une intrusion dans ...   11

par le phénomène de régionalisation de son aire de recrutement que d’autres universités, en
ressent pourtant toutes les tensions. Sa nation allemande, symbole le plus important de son
recrutement international, est la première à subir les effets de ces mutations qui influent sur sa
place au sein de l’université de Paris.

Die mittelalterliche Universität erlebt in den letzten zwei Jahrhunderten des Mittelalters
tiefgreifende Veränderungen, die das im Mittelpunkt ihrer Gründung stehende Ideal der
Universalität untergraben. Zunehmend orientiert sich die Universität regional und wird
durchlässiger gegenüber externen Akteuren, zu denen zunächst die Fürsten und das Papsttum
gehören. Die Universität Paris ist zwar weniger von dem Phänomen der Regionalisierung ihres
Rekrutierungsbereichs betroffen als andere Universitäten, spürt aber deren Spannungen. Ihre
deutsche Nation, das wichtigste Symbol ihrer internationalen Rekrutierung, ist die erste, die
unter den Auswirkungen dieser Veränderungen leidet.

INDEX
Index géographique : Paris, Saint Empire, Europe centrale
Schlüsselwörter : Mittelalterliche Nation, Universität von Paris
Index chronologique : Moyen Âge, 14e siècle, 15e siècle
Mots-clés : nation médiévale, Université de Paris

AUTEUR
PAULINE SPYCHALA
Doctorante en Histoire Médiévale (CRHEC – UPEC/WWU Münster), pauline.spychala@univ-paris-
est.fr

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