LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS UN HOPITAL PUBLIC

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Ecole des Mines de Paris
                         Centre de Gestion Scientifique

                          Centre Hospitalier
                          de Lagny Marne la Vallée

Damien TOURNOUD
Alexandre MONTIGNY

Elèves-Ingénieurs
de l’Ecole des Mines de Paris

    septembre 2004
    LA REDUCTION
    DU TEMPS DE TRAVAIL
    DANS UN HOPITAL PUBLIC
    L’autonomie des services en question
Résumé

   La mise en œuvre de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux publics a mécaniquement
induit une perte de temps de travail. Celle-ci n’a, dans le cadre de l’accord signé en 2001, que
partiellement été compensée par de nouvelles embauches. Dans ces conditions, la plupart des
hôpitaux ont choisi de réduire partiellement le temps de travail de leurs agents, de 39 heures à 37
heures 30, et de leur donner ainsi le bénéfice de jours de RTT.
    Une étude de terrain, réalisée au Centre Hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée (CHLMV), nous a
permis de montrer que la mise en œuvre de la RTT pose indéniablement des problèmes, mais que les
organisations du travail n’ont pas été bouleversées au niveau des services. L’augmentation de
productivité demandée aux agents, qui ne concerne que la période réservée aux transmissions,
durant laquelle deux équipes sont simultanément présentes, ne semble pas à la source du sentiment
d’intensification du travail qu’ils expriment.
   Pourtant, même sans volonté claire de réorganisation, l’hôpital a été contraint d’affecter une grosse
partie de ses nouveaux moyens à des équipes transversales, et principalement à l’équipe de
compensation, chargée de remplacer les personnels absents des services. Cela a contribué à faire
émerger un nouveau modèle de répartition du personnel, fondé sur l’éclatement des frontières et la
polyvalence, véritable révolution dans l’hôpital.
   En contexte de rigueur budgétaire, il sera nécessaire pour l’hôpital de justifier précisément de ses
besoins. Cela passe peut être par la promotion de fonctions d’expertise qui permettraient, en
complément des méthodes objectives traditionnelles, d’accéder à une connaissance plus fine des
organisations et des besoins, seule source de souplesse dans la gestion de ressources limitées.

   2       D. TOURNOUD / A. MONTIGNY
           La réduction du temps de travail dans un hôpital public
Sommaire

Remarque liminaire                                                                        4

Introduction                                                                              5

La réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière : une
réforme à bilan nul ?                                                         6
  1. La négociation nationale de la réduction du temps de travail                         6
  2. Le protocole local au Centre Hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée                    8
  3. La réorganisation du travail et les nouveaux moyens                                 10
  4. Une réforme à bilan nul ?                                                           10

Les services face à la réduction du temps de travail                                     12
  1. Les services au CHLMV                                                               12
  2. L’organisation du temps en imagerie médicale                                        14
  3. L’organisation du temps dans les services administratifs                            15
  4. L’organisation du temps dans les services de soins                                  16
  5. L’organisation du travail de nuit                                                   17
  6. Une réforme perçue négativement dans les services de soin                           19
  7. Les jours de RTT et les conditions de travail                                       20

Une révolution à l’hôpital : vers la fin de l’autonomie des services ?                   21
  1. La répartition des nouveaux moyens a réduit les ressources propres aux services     21
  2. Une mise en œuvre difficile de la flexibilité entre les services                    22
  3. La prédominance de l’équipe de compensation                                         23
  4. La recherche d’autres ressources à l’extérieur de l’hôpital                         25
  5. Vers un nouveau modèle de répartition des personnels ?                              26

Valoriser l’expertise face à l’insuffisance des indicateurs                              28
  1. L’insuffisance des indicateurs existants                                            28
  2. La difficulté de la mise en œuvre d’indicateurs plus précis                         29
  3. Une fonction à promouvoir : le conseiller technique en affectation des personnels   29

Conclusion                                                                               31

Bibliographie                                                                            32

Liste des tables et figures                                                              33

Table des matières détaillée                                                             34

  3       D. TOURNOUD / A. MONTIGNY
          La réduction du temps de travail dans un hôpital public
Remarque liminaire

   La présente étude s’est déroulée au Centre Hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée (CHLMV)
d’octobre 2003 à mai 2004. Elle correspond au travail de fin d’étude que nous avons réalisé à l’Ecole
des Mines de Paris dans le cadre de l’option Gestion Scientifique. Elle a fait l’objet d’une présentation
publique, le lundi 28 juin 2004.
    Nous tenons à remercier la direction et l’ensemble du personnel du CHLMV pour la qualité de
l’accueil qui nous a été réservé lors de notre travail de terrain. Nous remercions également les
chercheurs du Centre de Gestion Scientifique de l’Ecole des Mines de Paris, et en particulier
Dominique TONNEAU et Frédéric KLETZ, pour leurs conseils et leur soutien tout au long de ce travail.

   4       D. TOURNOUD / A. MONTIGNY
           La réduction du temps de travail dans un hôpital public
Introduction

   Depuis sa mise en place, la réduction du temps de travail a beaucoup fait débat. Certains
considèrent qu’elle est l’occasion de mettre à plat les organisations, dans une logique de progrès.
D’autres considèrent qu’elle est un frein insupportable à la compétitivité de nos entreprises. Tout le
monde s’accorde néanmoins pour y voir un progrès des conditions de travail, au bénéfice des
salariés.
    Les hôpitaux publics ont réduit le temps de travail de leurs personnels (à l’exception des médecins,
biologistes, pharmaciens et orthodontistes, qui font l’objet d’un statut séparé) au 1er janvier 2002.
L’objectif de cette réforme, précisé dans le préambule de l’accord signé par le ministre de tutelle et les
syndicaux hospitaliers, était « d’améliorer la qualité du service pour les usagers et les conditions de
travail et de vie privée » de l’ensemble des agents.
    Presque deux ans après la mise en place de cette réforme, nous avons été sollicités par le Centre
Hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée (CHLMV), situé dans l’Est parisien. La direction de cet hôpital
d’environ 700 lits voulait mieux comprendre pourquoi la RTT était mal perçue par les agents auxquels
elle devait bénéficier.
   A partir d’une étude de terrain approfondie, nous avons cherché à qualifier et quantifier l’impact
réel de la réduction du temps de travail sur les organisations de cet hôpital, et à comprendre son
impact sur le vécu de agents.
   Nous montrerons que face à la réduction du temps de travail (I), les services de l’hôpital n’ont pas
réellement bouleversé les organisations du travail (II), mais que la modalité de la réforme et les
nouvelles contraintes auxquelles est soumis l’hôpital laissent se dessiner un nouveau modèle de
répartition des personnels (III).
   Nous verrons enfin que ce nouveau modèle de répartition, plus flexible, nécessite pour fonctionner
une connaissance plus fine des organisations (IV). Cette connaissance, qui existe déjà dans l’hôpital,
devra être révélée et valorisée et nous proposerons pour cela l’introduction de deux rôles inédits, celui
de conseiller expert et celui de médiateur.

   5       D. TOURNOUD / A. MONTIGNY
           La réduction du temps de travail dans un hôpital public
CHAPITRE 1

La réduction du temps de travail dans la fonction
publique hospitalière : une réforme à bilan nul ?

   La réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière (FPH) est souvent montrée
du doigt comme source des dysfonctionnements qui frappent le système public de santé. Après avoir
détaillé les modalités de la réduction du temps de travail dans la FPH au niveau national et au niveau
du CHLMV, nous montrerons pourtant que, moyennant une réorganisation des postes de travail dans
les services de soin, la réduction du temps de travail n’a pas sensiblement réduit les ressources en
personnel disponibles dans les hôpitaux.

1. La négociation nationale de la réduction du temps de travail

La fonction publique hospitalière

   La présente étude se limite volontairement à la réduction du temps de travail des personnels de la
fonction publique hospitalière, c'est-à-dire l’ensemble des emplois des établissements publics de
santé, à l’exception des professions médicales (médecins, biologiste, pharmaciens et orthodontistes),
qui sont soumis à un statut différent.
    La fonction publique hospitalière compte, selon les statistiques nationales, environ 750 000 agents
titulaires 1 . Ces agents occupent un nombre varié de professions : des personnels soignants et
éducatifs (infirmiers, aides soignants, agents des services hospitaliers) et des administratifs, mais
aussi des personnels techniques (ouvriers, cuisiniers, …) et médico-techniques (manipulateurs,
laborantins, …).

                                                           Répartition des effectifs (%)

                          Administratifs                                12

                          Soignants et éducatifs                        71

                          Techniques                                    12

                          Médico-techniques                             5

                Table 1 – Répartition des effectifs (en temps de travail) selon les catégories professionnelles
                                                                                           [8]
                dans les établissements hospitaliers, d’après l’enquête 2003 de la DHOS

1
   Nous avons retenu ce chiffre. Le protocole du 27 septembre 2001 indique 757 000
                                                     [1]                                                   agents
alors que le dossier vie-publique.fr avance le chiffre de 722 000 agents au 31 décembre 2001.
                                 [3]

    6      La réduction du temps de travail dans la FPH,
           une réforme à bilan nul ?
Les objectifs de la réduction du temps de travail

   La réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière a fait l’objet d’une
négociation entre le Ministère de la Santé et les syndicats hospitaliers qui s’est déroulée du 17 janvier
2001 à la fin de l’année 2001. Le protocole d’accord [1] signé le 27 septembre 2001 fixe le cadre
national de la réforme : il définit les modalités de mise en œuvre de réduction du temps de travail,
précise les garanties et les nouvelles organisations du temps de travail. Il prévoit notamment que
certaines modalités de la réforme devront faire l’objet de négociations au niveau de chaque
établissement.

   A l’occasion du préambule de ce texte, le gouvernement et les quatre organisations syndicales
signataires (CFDT, UNSA, SNCH, CGC) ont énoncé les objectifs généraux de la réduction du temps
de travail dans les établissements de santé :

    ƒ   améliorer les organisations du travail ;
    ƒ   améliorer les conditions de travail ;
    ƒ   définir des règles nationales précises ;
    ƒ   renforcer le dialogue social.
   Dans une logique de progrès, la réduction du temps de travail est ainsi considérée comme une
opportunité de remettre à plat les organisations au profit d’abord des conditions de travail des
personnels, mais aussi, par l’amélioration des organisations du travail, de la prise en charge des
usagers.

Le protocole national

   Le protocole national [1], signé le 21 septembre 2001, a fait l’objet d’une traduction réglementaire
                                                   [4]
par le biais du décret 2002-9 du 4 janvier 2002          . Les principales dispositions de ce texte sont :

    ƒ   la diminution de la durée légale hebdomadaire du travail de 39 à 35h à partir du 1er janvier
        2002 pour les personnels de jour ;
    ƒ   la diminution de la durée légale hebdomadaire du travail de 35 à 32h30 à partir du 1er janvier
        2004 pour les personnels de nuit ;
    ƒ   le compte du temps de manière annuelle, en prenant en compte non plus des jours de
        présence, mais du temps de travail effectif. La durée annuelle de travail, qui intègre jusqu’à 28
        jours de congés annuels, est ainsi fixée à un maximum de 1600 heures ;
    ƒ   la reconnaissance de sujétions spécifiques (agents en repos variables, agents travaillant
        exclusivement de nuit), qui voient leur durée annuelle de travail effectif réduite.
Sont également prévues des garanties, parmi lesquelles :

    ƒ   la limitation des heures supplémentaires ;
    ƒ   la limitation de l’amplitude journalière à 9h de jour et 10h de nuit ;
    ƒ   un repos quotidien minimum de 12 heures consécutives et un repos hebdomadaire minimum
        de 36 heures consécutives ;
    ƒ   quatre jours de repos hebdomadaire sur deux semaines, dont au moins deux consécutifs et
        un dimanche ;
    ƒ   une pause de vingt minutes, intégrée au temps de travail pour les postes dépassant 6h de
        travail consécutives.

   7       La réduction du temps de travail dans la FPH,
           une réforme à bilan nul ?
Lors de la négociation, le ministère s’etait également engagé à créer 45 000 nouveaux postes sur
la période 2002 – 2004 au sein de la FPH, dont 37 000 pour le champ sanitaire (dont 34 600 hors
unités de soins de longue durée), et 8 000 pour le champ social. D’après la circulaire ministérielle du
31 octobre 2001 [2], ces créations devaient être réparties sur les budgets 2002, 2003 et 2004 selon
les modalités suivantes :

                                       2002                          2003                             2004

       Postes de jour                  9 108                        15 668                            6 194

       Postes de nuit                     -                            -                              3 630

                           Table 2 – Créations de postes au titre des 35h dans le secteur sanitaire
                                                                                [2]
                           (hors soins de longue durée) d’après la circulaire         du 31 octobre 2001

  Les données manquent pour comprendre comment ces créations budgétaires ont été traduites en
emplois dans les établissements de santé. Une étude statistique publiée par la DREES 2 en mars
2003 [5] indique néanmoins que : « on peut estimer à un peu plus de 37 000 le nombre total de
créations de postes programmées pour la mise en œuvre de la RTT dans les établissements publics
de santé », ce qui est remarquablement cohérent avec les objectifs annoncés fin 2001.

Une vision contestée des hôpitaux publics

   Alors que la réduction du temps de travail de 39 à 35 heures entraîne un besoin en personnel
supplémentaire de près de 11,5 %, les créations de postes représentent ainsi à peine 6 %
d’augmentation des effectifs. Les hôpitaux publics ont donc été invités à apprendre à offrir de
meilleures conditions de travail à leurs agents et une meilleure qualité de service pour les usagers,
tout en bénéficiant de moins de ressources en personnel.
    Cette vision de l’avenir des hôpitaux publics contraste avec celle des organisations syndicales, qui
affirmaient déjà avant la réforme que les hôpitaux publics étaient sous dotés en personnels, ce qui
explique pourquoi certaines grandes organisations syndicales ont refusé de signer le protocole
d’accord.

2. Le protocole local au Centre Hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée

   Cette étude concerne plus précisément le centre hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée. Cet
établissement de santé est situé dans la banlieue Est de Paris, au centre d’un bassin de peuplement
en forte expansion démographique. Il compte 640 lits installés dont 330 lits de médecine générale
(MCO), 30 lits de soins de suite et de réadaptation, 110 lits de psychiatrie et 170 lits de long séjour
(chiffres fin 2000). Généraliste, il couvre un large spectre de spécialités médicales, des urgences à la
gériatrie, en passant par la radiologie (conventionnelle et scanner), la chirurgie orthopédique et
viscérale, la radiothérapie et la psychiatrie.
   Avec plus de 1 500 personnels non-médicaux et près de 300 médecins, le CHLMV est un centre
hospitalier d’une taille médiane, à mi-chemin entre les gros centres hospitaliers régionaux et les
hôpitaux locaux. Sa vocation est d’assurer les soins dans une zone géographique comprenant
notamment les agglomérations de Chelles, Pontault Combault et Marne la Vallée.

2
  La DRESS, Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques, est une composante du
Ministère des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité.

   8        La réduction du temps de travail dans la FPH,
            une réforme à bilan nul ?
Conformément à ce que prévoyait le protocole national, la réduction du temps de travail a fait
l’objet au CHLMV d’une négociation locale de décembre 2001 à fin février 2002. L’ouverture tardive
des négociations, qui a irrité les représentants syndicaux, s’explique selon la direction par la lenteur
du ministère à fixer des règles nationales précises (le décret d’application du protocole national est
paru au journal officiel le 5 janvier 2002). Un protocole d’accord local a finalement été signé le 26
février 2002. Il définit les grandes modalités de mise en œuvre de la réforme et prévoit que chaque
service devra définir une nouvelle organisation du travail et la soumettre pour validation au comité
technique d’établissement (CTE).

Des conditions parfois plus favorables qu’au niveau national

   Les agents du CHLMV disposaient historiquement, comme ceux de nombreux autres
établissements, de conditions plus favorables que celles prévues par la loi. La négociation locale a
conduit au maintien de certaines de ces conditions : les agents bénéficient de 30 jours de congés
annuels au lieu des 28 prévus au protocole national. Le compte des heures, qui se fait sur une base
annuelle est également plus favorable (voir l’encadré et le tableau ci-dessous).

                                         Durée annuelle de                 Durée annuelle de
                                         travail effectif prévue au        travail effectif au
                                         décret 2002-4                     CHLMV en 2003

               Cas général               1600                              1547

               Repos variable            1575                              1540
               Repos variable
                                         1575 + 2 repos
               (plus de 20 dimanches                                       1526
                                         compensateurs
               travaillés par an)

                          Table 3 – Comparaison des durées annuelles de travail effectif
                          prévues au décret 2002-4 et dans le protocole local du CHLMV

    De l’enveloppe nationale de 45 000 postes, le CHLMV a bénéficié de la création de 98 postes
(97,6 postes exactement), répartis au titre de 2002, 2003 et 2004. Rapportée aux 1 545 agents à
temps plein rémunérés par l’hôpital en 2001, cette augmentation correspond à une augmentation des
effectifs de 6,5 %.
  Comparée aux créations de postes dont ont bénéficié les hôpitaux publics au niveau national, cette
compensation en personnel se situe donc dans une fourchette haute (6-7 %) représentant environ un
                                                                 [5]
quart des centres hospitaliers selon l’enquête de la DREES             .

La question des moyens

    Comme au niveau national, la négociation a buté sur la question des moyens. Les personnels,
interrogés lors d’un référendum par les partenaires syndicaux début 2002, ont rejetés l’accord,
exprimant par là leur conviction que l’hôpital était déjà sous doté avant la RTT et que les nouvelles
embauches étaient insuffisantes.
   L’accord a finalement été signé par un syndicat, la CFDT, conformément à sa ligne nationale. Ce
syndicat était à l’époque minoritaire dans cet hôpital et n’est plus représenté depuis.
    Le protocole n’a ainsi pas bénéficié de l’accord des agents à l’époque, mais les représentants
syndicaux (CGT, Sud Santé) que nous avons rencontrés s’accordent à le qualifier de « bon accord »
et précisent que c’est bien « la question des moyens » qui a bloqué la discussion.

   9       La réduction du temps de travail dans la FPH,
           une réforme à bilan nul ?
Comme le syndicat ayant signé l’accord a disparu, la mise en place de la réforme n’a pas bénéficié
d’un comité de suivi, comme cela a pu être le cas dans les autres hôpitaux. De ce fait, les choix
d’attribution des nouveaux moyens n’ont pas été expliqués aux représentants syndicaux et aux
personnels : l’arrivée des nouveaux moyens n’a ainsi eu qu’une visibilité très faible, comme nous
allons le voir dans la suite.

 CALCUL du CONTRAT HORAIRE ANNUEL au CHLMV
 Alors que rien ne l’imposait, le CHLMV a choisi de recalculer chaque année la durée annuelle de travail.
 Appliqué à l’année 2003, voici un exemple de calcul :

          365 jours - 104 jours de week-end
          = 261 jours ouvrés

          261 jours ouvrés - 10 jours fériés ouvrés - 30 jours de congés annuels
          = 221 jours travaillés

          221 jours travaillés * 7 heures/jour
          = 1547 heures de travail

 Dans le cas général, les agents sont astreints à 1547 heures de travail pour l’année 2003.

 Les agents en repos variable travaillant entre 10 et 20 week-ends par an bénéficient d’un jour de repos
 supplémentaire : leur contrat horaire est diminué à 1540 heures.

 Les agents en repos variable travaillant plus de 20 week-ends par an bénéficient en outre de deux jours de
 repos supplémentaires : leur contrat horaire est diminué à 1526 heures.

3. La réorganisation du travail et les nouveaux moyens

De 39 heures à 37 heures 30

   Le protocole local précise, au paragraphe 3.1, concernant les modalités d’application de la RTT
pour les services assurant une permanence de soins infirmiers :
          Compte tenu du nombre de postes affectés au Centre Hospitalier de LAGNY, la
       modalité d’application de la RTT est la conjugaison d’une durée hebdomadaire à 37
       heures 30 en moyenne et du bénéfice de 15 jours de RTT. […] La référence de durée
       quotidienne est fixée à 7 heures 30.
    Les services de soins ont ainsi fait le choix d’une organisation du travail en 5 jours de 7 heures 30
c'est-à-dire 37 heures 30 par semaine. Chaque service a été invité à préparer une organisation du
travail cohérente avec les nouvelles exigences du protocole et à la présenter au comité technique
d’établissement.
    La moitié des examens des nouvelles organisations ont eu lieu à partir de l’automne 2002, et se
sont poursuivis jusqu’en mai 2003. Ce retard dans la mise en place d’organisations du travail
compatibles avec la RTT, officiellement entrée en application au 1er janvier 2002, explique en partie
les problèmes rencontrés en 2002.

4. Une réforme à bilan nul ?

   Ce n’est pas un hasard si, comme nous l’avons vu, la plupart des services de l’hôpital ont adopté
                                                                                                 [5] [6]
une organisation en 37 heures 30. Comme le montrent les études publiées par la DRESS                       , c’est
également le cas dans la plupart des hôpitaux au niveau national.

  10       La réduction du temps de travail dans la FPH,
           une réforme à bilan nul ?
Comme l’illustre le schéma ci-dessous, il est en effet possible d’interpréter la réduction du temps
de travail comme la superposition de deux mécanismes : une réorganisation des postes de travail (par
la réduction de la durée quotidienne de travail de 8 heures à 7 heures 30) et le bénéfice pour les
agents de jours de RTT pour réduire le temps de travail de 37 heures 30 à 35 heures

                                       Réorganisation
                            (diminution des périodes de            39 h
                                          transmission)

                                                                          Besoin en
                                              37 h 30                     personnel

                                             Bénéfices
                                       de Jours de RTT             35 h

                         Figure 1 – Décomposition de la réduction du temps de travail

   Revenir à l’équivalent de la capacité de travail à 39 heures avec du personnel travaillant en
35 heures nécessite une augmentation de 11,4 % des personnels. Ce besoin en personnel a été réduit
par la réorganisation des postes de travail, qui est formellement équivalente à une augmentation de
4,3 % du personnel. Il reste donc un besoin en personnel de 7,1 %. Les nouvelles embauches, qui
représentent 98 postes à temps pleins sur les 1 525 postes à temps pleins de l’hôpital, couvrent 6,4 %
d’augmentation des ressources en personnel.
                                           Besoin en personnel : 11,4 %

                                   Nouvelles embauches
                                                 +6,4 %

                          Réorganisation (diminution de la durée quotidienne du travail)
                                                                   équivalente à +4,3 %

                                                                        Déficit non compensé
                                                                                        0,7 %

                         Figure 2 – Compensation du besoin en personnel par les embauches
                         et la réorganisation

   Moyennant la réorganisation des postes de travail sur laquelle nous reviendrons, les nouvelles
embauches de l’hôpital compensent donc presque parfaitement le temps de travail perdu : il existe un
déficit non compensé représentant seulement 0,7 % des ressources des personnels, c’est à dire moins
de 10 postes à temps plein sur les 1 525 que compte le CHLMV.
    Cette première analyse chiffrée est néanmoins insuffisante. Nous verrons dans la partie II qu’une
étude plus précise au niveau des services est nécessaire pour expliquer pourquoi la réforme est
perçue négativement par les personnels. Nous montrerons ensuite dans la partie III que cette analyse
ignore une évolution majeure des hôpitaux depuis ces dernières années : la remise en cause de
l’autonomie en personnel des services.

  11       La réduction du temps de travail dans la FPH,
           une réforme à bilan nul ?
CHAPITRE 2

Les services
face à la réduction du temps de travail

    Le service est la base de notre perception des hôpitaux publics. Unité organisationnelle et
administrative irréductible, il est le premier confronté à la réduction du temps de travail. Après une
description synthétique des services du CHLMV, nous étudierons l’organisation du temps dans les
services médico-techniques et administratifs, avant de nous intéresser plus précisément à
l’organisation du temps dans les services de soins. Nous décrirons enfin les changements induits par
les 35 heures et analyserons le ressenti des acteurs dans les services.

1. Les services au CHLMV

Les différents services

    Parler des services d’un hôpital, c’est avant tout parler des services de soins. Ces services, au sein
desquels résident les patients, sont de loin les plus nombreux (plus de 70 % des effectifs). Ils
structurent l’hôpital autour des disciplines médicales, que sont par exemple la pneumologie,
l’oncologie ou la chirurgie viscérale.
    Ce ne sont pas les seuls services de l’hôpital. Ces services de soins sont en interaction avec de
nombreux autres services : les services médico-techniques (laboratoire d’analyse, imagerie médicale,
bloc opératoire, …), les services techniques et logistiques (par exemple pharmacie, ambulanciers,
service de brancardage, …), et les services administratifs (service du personnel, comptabilité,
direction générale, …).
   Au cours de cette étude au sein du CHLMV, nous avons particulièrement étudié les
fonctionnements :
    ƒ   de deux services de soins : la chirurgie orthopédique et la pneumologie ;
    ƒ   d’un service transversal : l’Equipe de Compensation et de Suppléance, chargée de faire
        d’assurer des remplacements en personnels soignants dans les services ;
    ƒ   d’un service médico-technique : l’imagerie médicale ;
    ƒ   et d’un service administratif : le service du personnel.

 Les SERVICES au CHLMV

 59 services médicaux et médico-techniques
   Anesthésie, Bloc opératoire, Cardiologie, Chirurgie ambulatoire, …, Réanimation, Rééducation
   fonctionnelle, SSR, UHTCD, Urgences
 30 services administratifs
   Affaires Economiques, Affaires Financières, Affaires Médicales et Générales, DRH, …
 16 services techniques
   Atelier Electricité, Atelier Plomberie, …, Restauration, Self, Service de Nettoyage, Transports

  12       Les services
           face à la réduction du temps de travail
La hiérarchie soignante et administrative

    Chaque service est placé sous l’autorité d’un ou plusieurs cadres : cadre de santé pour les
services de soins, chef de bureau pour les services administratifs, chef d’atelier pour certains services
techniques. Ces cadres sont eux placés sous la responsabilité hiérarchique d’un membre de l’équipe
de direction : directeur des soins, directeur des travaux et des services techniques, mais aussi
directeur des ressources humaines, directeur des affaires économiques, directeur des affaires
financières et de la clientèle…
   Cette organisation se complète par un regroupement des services de soins par secteur de soin.
Ces secteurs comptent chacun 5 ou 6 services et sont placés sous l’autorité d’un cadre supérieur de
santé. L’organisation hiérarchique des services de soins est donc la suivante :

                          Figure 3 – La hiérarchie soignante (exemple du secteur ‘spécialités’)

   L’objectif de cette répartition par secteur est de promouvoir le rapprochement et la collaboration
entre les services. Nous en reparlerons à l’occasion de la partie III.
   Les personnels soignants sont représentés au niveau de la direction par le comité technique
d’établissement (CTE), organe important de l’hôpital même s’il n’a réellement qu’un pouvoir
consultatif.

La hiérarchie médicale

   Se superpose à la hiérarchie soignante et administrative une hiérarchie médicale. Chaque service
compte un chef de service chargé de l’organisation médicale. Les membres du corps médical sont
regroupés dans le comité médical d’établissement (CME).
   Les médecins étant nommés directement par le ministère, ils échappent en pratique au contrôle
hiérarchique du directeur de l’hôpital. Les deux hiérarchies médicale et administrative se superposent
en étant largement indépendantes : on comprend qu’il est absolument nécessaire que le chef de
service soit en bonne entente avec le cadre de santé pour qu’un service fonctionne convenablement.

  13       Les services
           face à la réduction du temps de travail
2. L’organisation du temps en imagerie médicale

    Parce que les services médico-techniques et les services administratifs ont des modes de
fonctionnement assez différents des services de soins, il nous est apparu intéressant d’étudier à part
l’organisation du temps de travail dans ces services, avant de nous consacrer à l’étude détaillée du
fonctionnement des services médicaux.

   Livrant une prestation aux services de soins, le service d’imagerie médicale prend en charge la
production d’actes. Sa problématique est industrielle et l’organisation du temps de travail est conçue
de façon à s’adapter à la variation de la charge de travail au cours de la journée.

Une organisation du travail flexible

    Depuis 1998, l’organisation du travail dans le service est basée au CHLMV sur le concept du plot
c'est-à-dire de l’occupation pendant quatre heures d’un poste de travail. Les différents postes de
travail du service (trois postes de radiographie conventionnelle, un poste de scanner, un poste de
mammographie, …) sont occupés au long de la journée par ces plots, selon un planning prévisionnel
idéal, conçu pour être le mieux adapté à la charge de travail.
   En fonction des ressources en personnel disponibles, de l’activité prévue et de la disponibilité des
postes de travail, ces plots de travail sont ouverts ou fermés. Les agents du service s’inscrivent eux-
mêmes dans les plots de travail ouverts qu’ils souhaitent occuper, en respectant une contrainte sur le
nombre d’heures à effectuer dans le mois.
   Dans l’extrait d’un planning type du service (voir Figure 4), nous constatons par exemple que
quatre postes de scanner sont ouverts le lundi : de 7h45 à 15h45 (deux plots de quatre heures), de 8h
à 16h (deux plots de quatre heures), de 10h à 18h (deux plots de quatre heures partagés avec la
mammographie) et de 12h à 20h (deux plots de quatre heures).

                         Figure 4 – Extrait d’un planning type du service d’imagerie

  14       Les services
           face à la réduction du temps de travail
Une grande liberté est donc laissée aux agents dans cette organisation, à condition qu’ils
respectent une charte interne prévue pour garantir une certaine équité (en particulier en terme de
nombre de matin/après-midi/nuits travaillées). Une fois que les agents se sont inscrits, le cadre vérifie
la conformité des choix avec ses prescriptions et le respect de la charte avant de valider le planning
ou de l’amender.

La mise en œuvre de la réduction du temps de travail

   Cette organisation du temps de travail n’a que très peu évolué lors de la mise en œuvre de la
réduction du temps de travail. Le service a bénéficié de l’embauche de 1,7 équivalents temps pleins
(ETP) de manipulateurs. Nous avons néanmoins pu constater que les agents du service ne sont pas
conscients de ces embauches supplémentaires : les nombreux mouvements dans le service ces trois
dernières années ont brouillé la visibilité de l’arrivée de ces moyens supplémentaires.
   Avec la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, les cases sont restées les mêmes,
seules les consignes de temps de travail se sont adaptées. Cette organisation pose néanmoins un
certain nombre de problèmes et le cadre du service est en train de revenir progressivement à un
système de planning plus directif, sur la base d’un roulement, comme dans les services de soin.
    Les agents qui peuvent choisir presque librement leurs horaires de travail demandent plus de
visibilité sur leurs plannings et leurs « jours de RTT ». Cela n’est paradoxal qu’en apparence : partout
les agents préfèrent le bénéfice de jours complets à la réduction de leurs horaires de travail, même si
cela doit se faire au détriment de leurs conditions de travail.

3. L’organisation du temps dans les services administratifs

    Les services administratifs, quand à eux, sont beaucoup plus représentatifs des organisations que
l’on pourrait trouver dans une entreprise : ils suivent des horaires de bureau assez classiques. Lors de
la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, ces services ont pour la plupart choisi une
organisation en semaines régulières de 37 heures 30 (5 jours de 7 heures 30).
    Le travail de ces services suit souvent des cycles (cycle de la paye pour le service du personnel,
cycle du reporting financier pour les services économiques et financiers, par exemple). Cela permet
aux agents de planifier très longtemps à l’avance les 15 jours de RTT qui leur sont dus. Ces jours sont
pris sous la forme de semaines de repos ou sont groupés aux congés annuels.

La perception d’une augmentation de la charge de travail

   Nous avons étudié plus précisément le service du personnel. Celui-ci est composé d’un chef de
bureau, de dix agents gestionnaires, d’un agent chargé du suivi budgétaire et de deux secrétaires.
Nous avons pu organiser des entretiens avec l’ensemble du personnel de ce service.
    Nous avons noté que les agents ressentent une augmentation de la charge de travail ces dernières
années qu’ils expliquent à la fois par la mise en place des 35 heures – moins d’heures de travail dans
le service et plus de mouvements à gérer – et par les nombreux mouvements récents à l’intérieur du
service qui induisent d’inévitables pertes de compétences.
   La perception de la charge de travail est néanmoins relativement subjective, et très reliée au
contexte général dans lequel se déroule le travail, qu’il s’agisse de l’environnement technique ou de la
hiérarchie. Nous avons en particulier remarqué que :
    ƒ   les agents ont des perceptions très diverses de leur travail. Leurs méthodes sont hétérogènes
        et diversement efficaces en particulier à cause d’une relation différente avec l’outil
        informatique et peut-être aussi d’un déficit de formation ;

  15       Les services
           face à la réduction du temps de travail
ƒ   les agents regrettent que le cadre du service ne soit pas plus présent. Ils notent que
        l’efficacité de leur travail pourrait être fortement améliorée par la mise en place d’outils et de
        procédures adaptés ; ils souhaitent être consultés lors des réformes et regrettent que les
        réformes précédentes n’aient pas fait l’objet d’une évaluation.

4. L’organisation du temps dans les services de soins

   Toute la suite de notre étude concernera plus précisément le fonctionnement des services de
soins, qui mobilisent une grande part du personnel de l’hôpital. Un service de soins est structuré
autour d’une spécialité médicale et comporte le plus souvent des lits (entre 15 et 30 par service au
CHLMV). Chaque service est composé de trois équipes distinctes et complémentaires : une équipe de
médecins, une équipe soignante et éventuellement une équipe de secrétaires.
   L’équipe soignante, objet de notre étude, est encadrée par un cadre de santé, généralement un
ancien infirmier ou une ancienne infirmière. Un service ‘type’ au CHLMV se composerait :
    ƒ   d’une dizaine d’infirmiers ou d’infirmières (diplômés d’Etat, « IDE »),
    ƒ   d’une dizaine d’aides-soignants ou d’aides-soignantes (« AS »),
    ƒ   et d’au moins deux agents des services hospitaliers (« ASH »).

L’organisation du temps de travail avant la mise en œuvre des 35 heures
   Avant la mise en place de la réduction du temps de travail, l’organisation du temps suivait, dans la
plupart des services de soins du CHLMV, un modèle en 5 jours de 8 heures, c'est-à-dire 40 heures
hebdomadaires.
   Trois postes se succédaient durant la journée de travail (voir Figure 5) :
    ƒ   un poste du matin, de 6h30 à 14h30, d’une durée de huit heures,
    ƒ   un poste de l’après-midi, de 13h30 à 21h30, d’une durée de huit heures,
    ƒ   et un poste de nuit, de 21h à 7h, d’une durée de dix heures.
   Cette organisation du travail a pour caractéristique l’existence de trois périodes sur la journée où
les différents postes se chevauchent : une demi-heure entre le poste de nuit et celui du matin, une
heure entre celui du matin et celui de l’après-midi et enfin une demi-heure entre le poste de l’après-
midi et celui de la nuit.

              6h30     7h                       13h30              14h30                      21h 21h30

                  30 min                                  60 min                                 30 min

                6h45 7h                            13h45       14h15                          21h 21h15

                     15                                   30 min                                 15

                            Figure 5 – L’organisation du temps de travail dans les services de soins
                            avant et après la réduction du temps de travail

    Ces périodes de chevauchement permettent aux équipes soignantes d’assurer le transfert des
informations concernant le suivi des patients et le fonctionnement du service entre les agents qui se
succèdent tout au long de la journée. C’est ce qu’on appelle la transmission (voir encadré ci-dessous).

  16       Les services
           face à la réduction du temps de travail
La période de chevauchement du midi, plus longue, permet également au cadre d’organiser des
réunions de service en bénéficiant de la présence importante de son équipe pendant cette période.

 Les TRANSMISSIONS
     Les périodes de chevauchement entre les différents postes sont essentielles : elles permettent
 à l’équipe soignante de se réunir afin de transmettre les informations sur le suivi du patient.
       Comment cela se passe-t-il concrètement ?
     Il s’agit d’une réunion d’équipe, plus ou moins formelle, autour d’une table. Les infirmières du
 poste sortant s’expriment une à une devant toute l’équipe, en passant en revue les patients, leur
 état et leurs caractéristiques. Dans le même temps, les aides-soignantes se transmettent aussi des
 informations sur les patients (en ce qui concerne en particulier les régimes alimentaires).
       Transmissions ciblées
     La direction voudrait promouvoir le concept de « transmissions ciblées ». Il s’agit de limiter la
 transmission aux informations les plus pertinentes et aux interlocuteurs les plus pertinents. Une
 telle redéfinition des transmissions ne va pas sans difficultés chez le personnel habitué à donner
 beaucoup de détails sans être vraiment pressé par le temps.

L’organisation du temps de travail après la mise en place des 35 heures

   Lors de la mise en place de la réduction du temps de travail, cette organisation a été légèrement
modifiée : les postes de jour ont été réduits d’une demi-heure, ils sont donc passés à 7 heures 30, ce
qui fut rendu possible par la réduction de moitié des périodes de chevauchement.
   Les agents de jour travaillent ainsi 7 heures 30, cinq jours par semaine, c'est-à-dire en
37 heures 30 hebdomadaires. Les agents bénéficient de 15 jours annuels de RTT, ce qui ramène
mathématiquement la moyenne hebdomadaire de temps de travail à 35 heures.

5. L’organisation du travail de nuit

Services autonomes et non autonomes

   L’organisation de la nuit est assez différente de celle du jour. Le CHLMV fait en effet la distinction
entre deux types de services :
    ƒ    Les services dits « autonomes », dans lesquels l’équipe soignante du service assure à la fois
         les postes de jour et les postes de nuit ;
    ƒ    Les services dits « non-autonomes », ou bénéficiant du service commun de nuit, dans
         lesquels la nuit est assurée par un service centralisé.
    La séparation entre services autonomes et non-autonomes est historique et fait débat. Elle se
justifie, selon les cadres que nous avons rencontrés, par une spécificité plus importante des
disciplines concernées, en particulier en ce qui concerne l’utilisation du matériel médical.
    Deux organisations existent dans les services de soins autonomes. Dans la première, certains
agents de l’équipe soignante du service (généralement deux infirmières et deux aides-soignantes)
travaillent uniquement de nuit. Ils sont remplacés par le reste du personnel pendant leurs congés.
Dans la deuxième, les agents du service travaillent tous de nuit, selon un roulement préétabli.

  17        Les services
            face à la réduction du temps de travail
Dans les services autonomes, les agents de nuit font partie intégrante de l’équipe soignante. Ils
peuvent ainsi décharger l’équipe de jour d’un certain nombre de tâches, comme la préparation des
médicaments ou des commandes.

    AUTONOMES et NON AUTONOMES
         Services autonomes
          Urgences, Réanimation, Cardiologie, Pneumologie, Oncologie, Imagerie Médicale, …
         Services non-autonomes
          Chirurgie orthopédique, Chirurgie Viscérale, Médecine, Gériatrie, SSR…

La réduction du temps de travail de nuit

   Depuis le protocole d’accord dit « Durieux » du 15 novembre 1991, les agents travaillant de nuit
doivent 35 heures de travail par semaine. Plus précisément, selon la circulaire DH/FH 3/91-68 3 , il est
considéré que le travail effectué pendant 35 heures de nuit pendant une semaine ou une quinzaine
équivaut à un travail effectué pendant 39 heures. Ces accords n’étaient néanmoins pas appliqués par
tous les hôpitaux vu le flou juridique qui les entourait. Le protocole d’accord de 2001 [1] et le décret du
                  [4]
4 janvier 2002          ont ainsi prévu une réduction du temps de travail en deux étapes :

      ƒ    A compter de la publication du décret (le 5 janvier 2002), la durée annuelle de travail effectif
           est fixée à 1 575 heures pour les agents travaillant exclusivement de nuit, c'est-à-dire
           effectuant au moins 90 % de leur temps de travail annuel de nuit. Cette durée de travail est
           équivalente à celle due par les agents de jour travaillant 35 heures par semaine en repos
           variable, et ne change rien pour les établissements ayant appliqué les accords Durieux ;
      ƒ    A compter du 1er janvier 2004, la durée annuelle de travail effectif est réduite à 1 470 heures,
           soit l’équivalent de 32 heures 30 par semaine 4 .
   Les agents de nuit travaillaient généralement 7 nuits de 10 heures sur une période de deux
semaines (soit 35 heures hebdomadaires). La réduction du temps de travail n’a pas bousculé cette
organisation : les agents bénéficient maintenant de nuits de RTT.

Le lien travail de nuit – équipe de compensation de jour

    La réduction du temps de travail de nuit posent néanmoins aux services autonomes un problème
intéressant. L’équipe des services autonomes a en effet la particularité de couvrir à la fois les postes
de jour et ceux de nuits. Dans la plupart de ces services (les urgences font exception), une partie de
l’équipe travaille exclusivement de nuit.
   Ces personnels de nuit ne sont généralement pas en nombre suffisant pour assurer le service de
nuit toute l’année. Par exemple, en pneumologie, deux infirmières travaillent exclusivement de nuit
alors qu’il en faudrait 2,5 pour couvrir les 365 nuits d’une année 5 .
   Dans ce cas certains agents de jour doivent effectuer des remplacements des personnels de nuit,
ce qui induit un déficit en personnel de jour dans le service. Le service doit alors faire appel à l’équipe
centralisée de compensation de jour pour compenser son manque de personnel de nuit.
   Ce mécanisme, que nous avons pu identifier à partir des plannings du service de pneumologie,
induit deux difficultés :

3
    Citée dans le rapport de la mission Roche [7]

4
    Notons que la durée légale du travail pour ces personnels est néanmoins toujours de 35 heures.
5
    10 heures par nuit x 365 nuits par an / 1 470 heures par agent à temps plein

    18        Les services
              face à la réduction du temps de travail
ƒ   cela complexifie la gestion du planning de jour (il n’est pas simple de faire passer de nuit un
        agent de jour) et augmente les appels à l’équipe de compensation, déjà chargée par les
        remplacements de jour ;
    ƒ   il n’y a pas de mutualisation efficace du remplacement de ces personnels de nuit : un agent
        de nuit d’un service autonome absent de son poste de manière imprévue ne serait
        probablement pas remplacé.
   Toutes les pistes de réflexion qui visent à résoudre ce problème passent par la remise en cause de
ce qui fait la spécificité des services autonomes : la présence dans le service, de jour comme de nuit,
de personnel du service. La présence de personnel n’appartenant au service la nuit serait possible si
des procédures claires sont définies. Il n’est en effet pas forcement nécessaire que le personnel
présent sur place maîtrise parfaitement les spécificités techniques du service, à partir du moment où il
peut solliciter quelqu’un face à un problème qui dépasse sa compétence.
   A supposer ce délicat problème résolu, nous pouvons envisager deux solutions pour résoudre le
problème posé par la gestion du personnel de nuit dans les services autonomes :
    ƒ   la remise en cause complète des services autonomes, dont les personnels de nuit seraient
        réaffectés au service commun de nuit ; les personnels de nuit apportés par le service commun
        pourraient continuer à décharger les personnels de jour de certaines tâches (préparation des
        médicaments,…) à condition de recevoir des instructions précises ;
    ƒ   la création d’une équipe de compensation de nuit en complément de celle de jour ; cette
        solution paraissant difficilement envisageable sans embauches nouvelles de personnel, à
        moins de réussir une délicate réaffectation de certains personnels de jour vers la nuit.

6. Une réforme perçue négativement dans les services de soin

   Comme nous l’avons vu, la réduction du temps de travail a pris la forme de la combinaison d’une
réorganisation du travail (sous la forme de la réduction des périodes de chevauchement entre les
postes) et d’embauche de personnels supplémentaires.
   Cette réforme avait pour objectif annoncé l’amélioration des conditions de travail. Pourtant la
plupart des agents que nous avons interrogés dans les services de soins ont une perception très
négative de l’évolution de leurs conditions de travail et ressentent particulièrement :
    ƒ   une intensification de leur travail ;
    ƒ   et un sentiment d’un manque chronique en personnel.

Le sentiment d’une intensification du travail

    La première est leur impression que leur travail s’est intensifié. Par là, les agents entendent qu’ils
ont l’impression de réaliser des soins techniques à la chaîne en n’ayant plus de temps à consacrer au
suivi humain et au soutien psychologique des patients. Si la dénonciation de « l’industrialisation » du
travail des soignants est bien antérieure à la mise en place des 35 heures, il est remarquable de noter
que les agents attribuent spontanément ce phénomène à la RTT.
    Les agents expliquent cette impression comme un contrecoup de la réorganisation du travail en
semaines de 37h30. Les durées de chevauchement sont plus courtes, et c’est elles qui permettaient
aux agents d’échanger en équipe de manière assez informelle et de pouvoir aller déjeuner dans un
lieu neutre. Les statistiques du self de l’hôpital le montrent : les agents restent de plus en plus dans
leur service pour déjeuner. Les transmissions plus courtes doivent être mieux ciblées, donc moins
conviviales.

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           face à la réduction du temps de travail
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