La schizophrénie insaisissable Elusive schizophrenia - Érudit
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Document generated on 03/22/2021 4:13 a.m. Santé mentale au Québec La schizophrénie insaisissable Elusive schizophrenia Robert Pelsser Structures intermédiaires ou alternatives? Article abstract Volume 8, Number 1, June 1983 Schizophrenia is caused above all, by a biochemical disorder, and, consequently, the treatment should be primarily of a psycho pharmacological URI: https://id.erudit.org/iderudit/030167ar nature. The author examines the most important researches related to this DOI: https://doi.org/10.7202/030167ar subject to demonstrate the gaps both at the level of actio-logical theories and of treatment methods centered, above all, on biochemical aspects. Schizophrenics are not cured and they are hardly treated, since delusional thoughts and the See table of contents psychotic life style remain present many years. Schizophrenia stymies the knowledge and the power of therapists as a result of its inexplicable and irréductible character. Publisher(s) Revue Santé mentale au Québec ISSN 0383-6320 (print) 1708-3923 (digital) Explore this journal Cite this article Pelsser, R. (1983). La schizophrénie insaisissable. Santé mentale au Québec, 8 (1), 90–99. https://doi.org/10.7202/030167ar Tous droits réservés © Santé mentale au Québec, 1983 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
LA SCHIZOPHRÉNIE INSAISISSABLE Robert Pelsser* La schizophrénie serait due avant tout à un désordre biochimique et par conséquent le traitement devrait avant tout être d'ordre psychopharmacologique. L'auteur examine les recherches les plus importantes faites à ce sujet pour montrer les lacunes tant au plan des théories étiologiques que des méthodes de traitement, avant tout centrées sur les aspects biochimiques. Les schizophrènes ne sont pas guéris et ils sont à peine soignés, puisque la pensée délirante et le mode de vie psychotique restent présents pendant de longues années. La schizophrénie met en échec le savoir et le pouvoir des thérapeutes en raison de son caractère inexplicable et irréductible. «J'entends derrière nous résonner les LA RÉVOLUTION pas de l'endocrinologie, elle va PSYCHOPHARMACOLOGIQUE nous rattraper et nous dépasser. Mais même alors la psychanalyse sera encore très utile. Car l'endocrinologie II est indéniable que les traitements pharmaco- sera comme un géant aveugle qui ne logiques ont entraîné des conséquences pratiques sait où aller, tandis que la psychana- lyse sera le nain qui lui montre vers importantes qu'il ne faudrait pas mésestimer sous où aller». risque de passer pour un esprit borné. Sigmund Freud L'effet le plus frappant est que les hôpitaux psychiatriques se sont de plus en plus vidés. Il Le traitement des patients psychotiques a été suffit de penser simplement à ce qu'étaient des radicalement bouleversé, depuis une vingtaine hôpitaux comme St-Jean-de-Dieu et St-Michel- d'années, par la découverte des mécanismes de Archange à l'époque où ils portaient encore ces transmission de l'influx nerveux et la mise au point noms. Les études indiquent d'ailleurs que le nom- de médicaments neuroleptiques. Le système de bre absolu d'hospitalisations (ce qui est différent distribution des soins en santé mentale a été pro- du taux de réhospitalisation) a été fortement réduit fondément modifié depuis que l'accent est de plus et que la prescription de neuroleptiques y est pour en plus mis sur les aspects biochimiques de la mala- quelque chose. die mentale et sur les traitements d'ordre psycho- Par ailleurs, autre changement important, ceux pharmacologique. qui côtoient quotidiennement les psychotiques Nous voudrions ici considérer le progrès fait doivent reconnaître qu'il est possible enfin de les dans le traitement médicamenteux de la maladie écouter et de leur parler, en d'autres mots qu'une mentale par excellence, à savoir la schizophrénie, relation véritable peut s'établir dans les deux sens. pour tenter de montrer que les questions fonda- Il est loisible aux psychotiques non seulement mentales restent en suspens. La schizophrénie, d'halluciner et de délirer, mais aussi, ce qui est malgré les progrès médicaux et scientifiques, reste nouveau, de parler de leurs hallucinations et de irréductible et inexplicable et met en échec les leurs délires (si l'on retient ces deux critères fla- désirs de savoir et de pouvoir de ceux qui s'atta- grants et symptomatiques de la psychose). quent à elle. Pour certains, la psychose, particulièrement la schizophrénie, pourrait être ramenée à un désordre * L'auteur travaille depuis plusieurs années dans le do- biochimique au niveau des neuro-transmetteurs maine de la santé mentale. Il est actuellement rattaché à la Cité de la Santé de Laval. (Iversen, 1979; Le Moal, 1980; Boissier et coll.,
La schizophrénie insaisissable 91 1980); il suffirait dès lors que le patient absorbe reproche est fréquemment adressé aux neurolep- une substance chimique permettant de rétablir tiques. Dans un sens, il n'est pas dénué de fonde- l'équilibre perdu et ainsi de faire disparaître les ment puisque ces médicaments ne font pas dispa- symptômes, c'est-à-dire les effets directs du désor- raître la maladie schizophrénique» (p. 69). L'effet dre biochimique. Cette conception revient à éta- des médicaments connaît des limites évidentes, blir une équation plus ou moins explicite entre même s'il réduit heureusement les symptômes les psychose et biochimie. L'atténuation et la dispa- plus flamboyants et les plus dramatiques. rition des symptômes à la suite de l'absorption Les symptômes disparaissent dans la mesure où d'une substance médicamenteuse seraient juste- le patient prend et continue à prendre des médica- ment la preuve la plus évidente que les symptô- ments. Il ne se produit pas une guérison véritable mes trouvent leur origine dans un trouble biochi- qui impliquerait la disparition des symptômes mique. Il s'agit d'une preuve qu'on pourrait d'une maladie par l'absorption d'une médication qualifier d'empirique. Une telle thèse établissant pour un temps limité. Il est possible, bien sûr, de une équation entre schizophrénie et désordre mentionner que de nombreuses maladies physiques biochimique, et entre traitement de la psychose ne peuvent être guéries une fois pour toutes, mais et neuroleptiques est courante, pour ne pas dire peuvent seulement être soignées, par exemple le majoritairement acceptée, tant dans la littérature diabète, Pépilepsie, etc. C'est déjà reconnaître les que dans la pratique clinique. Il existe, bien sûr, des grandeurs mais aussi les misères de la psychophar- différences de position entre les personnes qui macologie. Le médicament ferait disparaître les mettent l'accent sur la neuro ou la biochimie et symptômes, mais à y regarder de plus près, les sur la psychopharmacothérapie : elles vont de symptômes sont en fait simplement atténués (nous l'exclusivisme, qui écarte purement et simplement y reviendrons) ; dès lors l'introduction de substan- les aspects psychologiques et sociaux, à une ces étrangères dans l'organisme ne rétablit pas attitude éclectique, en passant par l'affirmation de l'équilibre, n'apporte pas «ce qui manque» et ne la prévalence voire de la prédominance de la corrige pas la situation. La structure de la person- dimension biologique, sans écarter cependant les nalité, si du moins on peut hypostasier qu'il existe autres aspects du problème. quelque chose de semblable à l'arrière des troubles Une telle proposition laisse beaucoup de de la pensée, de l'affect et du comportement du questions sans réponse, même si apparemment elle schizophrène, n'est pas du tout modifiée. règle tous les problèmes. Un auteur comme Engel (1977), qui cherche à promouvoir dans ses écrits LA NON-RÉHOSPITALISATION COMME une approche bio-psychosociale en médecine, CRITÈRE D'EFFICACITÉ THÉRAPEUTIQUE reconnaît implicitement la limite d'un traitement psychopharmacologique lorsqu'il mentionne que Les études de Hogarty et coll. (1973 et 1974a) celui-ci «ne tient compte que de l'anomalie chimi- souvent citées sont particulièrement instructives. que et ne redonne pas nécessairement la santé au Les auteurs tentent de comparer l'efficacité théra- patient, même s'il y a correction ou soulagement peutique de différentes méthodes de traitement en de l'anomalie.» (p.132). Une telle opinion, émise prenant comme critère d'échec la réhospitalisation par un médecin psychiatre, incite déjà à se poser {relapsed patients) et par conséquent comme critère des questions sur la nature exacte de l'intervention de succès le fait que le patient n'est pas réhospita- par voie médicamenteuse. lisé. Ils comparent ainsi, à propos des schizophrè- Le traitement et la guérison (si guérison il y a) nes, quatre types de traitements : médicament sont strictement chimiques. Denis (1981) admet placebo seul, médicament placebo et thérapie de ouvertement qu'on ne traite pas (et peut-être support, médicament neuroleptique, médicament qu'on ne peut pas traiter) la cause de la maladie ou neuroleptique et thérapie de support. May (1968) la maladie elle-même dans le cas de la schizophrénie. avait déjà utilisé une méthodologie semblable pour «D'aucuns objecteront que les antipsychotiques analyser le traitement de la schizophrénie, mais les ne traitent pas la cause de la maladie, et c'est vrai» résultats de sa recherche étaient moins précis. Les (p. 67). «Le camouflage des symptômes. Ce taux de rechute, dans les études de Hogarty, après
92 Santé mentale au Québec des périodes respectives d'un an et de deux ans, ques) ont une incidence sur l'apparition et la doivent être analysés de près (cf. tableau 1). réapparition de la maladie, ce qui écarte la simple équation «schizophrénie = biochimie». Tableau 1 : taux de réhospitalisation LA SITUATION DU SCHIZOPHRÈNE après 1 an après 2 ans DANS LA COMMUNAUTÉ Le critère retenu - la non-réhospitalisation des Placebo 67% 80% patients - est un critère aisément mesurable et Placebo et thérapie 63% 80% permet jusqu'à un certain point de déterminer de support l'efficacité du traitement à partir du postulat que Neuroleptique 31% 48% l'état psychique d'une personne hospitalisée est Neuroleptique et 26% 36% plus détérioré que celui d'une personne traitée en thérapie de support clinique externe. Mais on peut franchement se demander quel est l'état des patients non réhos- pitalisés : sont-ils véritablement guéris et débar- Ces résultats sont intéressants à plusieurs égards rassés de leurs symptômes lorsqu'ils ne nécessitent mais nous ne retiendrons que trois aspects pour la plus l'hospitalisation, ou bien les symptômes sont- discussion : ils simplement moins critiques, moins apparents? 1. Un maximum de 80% de schizophrènes rechu- Les études de Hogarty et coll. dans leur dernier tent, ce qui indique que 20% de schizophrènes volet (1974b), curieusement moins souvent citées, n'ont besoin d'aucun traitement, sans que cela nous indiquent quelle est la condition psycholo- n'entraîne pour autant une décompensation. gique et sociale des patients schizophrènes ne pré- Comment peut-on expliquer qu'un désordre sentant pas de rechute {non relapsed patients)', biochimique grave disparaisse spontanément, cette étude montre que la condition de ces patients comme par magie, sans l'intervention de l'exté- reste souvent pitoyable, misérable. Les auteurs rieur d'une substance chimique correctrice? s'attardent à relever des facteurs de comportement 2. Le rajout de la thérapie de support, de type ou de personnalité pour en arriver à la conclusion psychosocial, à l'absorbtion d'une médication que parmi les patients qui n'ont pas décompensé, neuroleptique permet de diminuer le taux de l'adaptation à la communauté ne s'est pas montrée réhospitalisation de 48% à 36%; la thérapie meilleure chez ceux recevant un médicament actif serait donc rentable dans 12% des cas. Comment que chez ceux ne recevant pas de médication du expliquer ce phénomène si on réduit la schizo- tout. Il s'agit d'une constatation qui n'est guère phrénie à un simple désordre biochimique? La encourageante : la réhospitalisation est évitée, mais psychothérapie pourrait-elle avoir une quelcon- la réinsertion sociale échoue clairement. May (1968) que efficacité? - c'est une question qui pourrait avait déjà démontré que 95% des schizophrènes sembler «non pertinente» dans le contexte. traités avec les neuroleptiques et la psychothérapie Certaines personnes répondront que la psycho- quittent l'hôpital en deçà de six mois, mais que thérapie s'avère efficace parce qu'elle a comme seulement 30% d'entre eux sont capables à leur effet d'inciter le patient à prendre plus fidèle- sortie de l'hôpital de fournir un rendement moyen, ment les neuroleptiques. Mais c'est là une par exemple de conserver un emploi ou d'occuper explication passe-partout et non valable. un rôle de ménagère. 3. Un pourcentage important (48%) fait des rechu- Si l'on se limite au seul critère de la non- tes malgré la prise régulière d'une médication réhospitalisation des patients pour juger du degré neuroleptique, ce qui indique que la maladie, de guérison, il est clair que les neuroleptiques sont comprise comme un dérèglement biochimique, d'une aide appréciable puisqu'ils parviennent à n'est pas suffisamment contrôlée par la seule maintenir le schizophrène hors les murs de l'asile. médication neuroleptique. Il est permis de Ce progrès est très important parce que d'une part supposer que d'autres facteurs (non biochimi- une journée en milieu hospitalier coûte plus cher
La schizophrénie insaisissable 93 financièrement à la société qu'une journée dans la sinon d'avoir provoqué, le délire du schizophrène communauté, et d'autre part le maintien dans le en le faisant parler et d'affirmer que ses idées milieu naturel permet au patient de mener une délirantes n'étaient pas présentes antérieurement. vie sociale plus normale que s'il était institution- Mais nous n'en croyons rien, ... sinon comment nalisé. Mais, et c'est là que réside le problème de pourrait-on expliquer le manque d'activité et de base, il faut se demander quelle est la qualité de socialisation de ce même schizophrène? Guay vie des schizophrènes qui de la sorte ne rechutent (1981), dans une revue de la littérature, démontre pas. que le réseau social du schizophrène, comparative- Certains thérapeutes, surtout parmi les psy- ment à celui de la personne normale, présente chiatres, ont parfois l'impression ou proclament certaines caractéristiques propres : il se révèle avec énergie que la schizophrénie est guérie du seul plus petit, les gens se connaissent peu entre eux à fait que les symptômes les plus paroxystiques, l'exception du groupe familial, et le type de rela- c'est-à-dire les hallucinations et les délires, sont tions qui y est entretenu favorise la dépendance. disparus et qu'on parvient à maintenir une tran- Si l'on a coutume de dire que «les neuro- quillité rassurante : pas de désorganisation, pas leptiques font disparaître les symptômes et non la de décompensation. Mais il s'agirait de se de- maladie», il serait plus exact de dire que les mander pourquoi ces schizophrènes soi-disant symptômes restent totalement présents, mais de asymptomatiques «fonctionnent» bien (des schizo- façon plus sournoise. Les idées délirantes sub- phrènes résiduels ou ambulatoires, pour reprendre sistent, mais sous forme atténuée, la conviction le jargon diagnostique) sont totalement inactifs ayant disparu; il serait possible de parler de et asociaux, pourquoi ils ne sortent pas de chez psychose douce {soft psychosis) par opposition eux, n'ont ni relations avec des amis, ni activités à psychose violente (hard psychosis). Il est très ou intérêts particuliers. Si l'on suppose que le manifeste que les symptômes primaires de la schizo- schizophrène est guéri, il y a là matière à inter- phrénie (les fameux quatre A de Bleuler) : l'ambi- rogation . valence, l'affect inadéquat, les associations d'idées En effet, ce qui nous a toujours frappé, c'est perturbées et l'autisme, ne disparaissent pas véri- que lorsqu'on prend le temps d'établir une relation tablement, même si le délire envahissant et les de confiance avec ces schizophrènes, de «se taire hallucinations ne sont plus présents; d'ailleurs, et écouter» et de les laisser parler, on constate certains cliniciens commencent de nouveau à qu'ils délirent encore et beaucoup. Les troubles s'intéresser aux symptômes dits négatifs de la de la pensée si caractéristiques de la schizophrénie schizophrénie (par opposition aux symptômes restent entièrement présents, de façon moins positifs), c'est-à-dire précisément à ceux qui ne flamboyante certes (il n'existe plus de danger sont pas accessibles à la médication neurolep- pour soi ou pour autrui), mais tout aussi insis- tique, tels l'affect aplati ou émoussé, la dété- tante. Un tel nous apprend qu'il ne peut sortir rioration du langage (alogia), Pavolition et l'apa- de chez lui parce qu'il craint de se faire bousculer thie, l'anhédonie et l'asocialité, la détérioration et piétiner par la foule; un autre indique qu'il de l'attention (Andreasen, 1982). Le problème risque toujours de lui arriver un incident ou un est de diminuer ou de faire disparaître ces symp- accident parce qu'il doit payer pour une faute tômes, et il faudra probablement faire appel à mystérieuse qu'il aurait commise, sans trop pou- d'autres moyens que la pharmacothérapie pour voir préciser laquelle (qui serait le simple fait de avancer dans ce sens. vivre); un dernier ne peut aller dans la rue ou prendre l'autobus parce que tout le monde le LE PRONOSTIC ET L'ÉVOLUTION regarde et veut lui tendre «des pièges». Les exem- AU LONG COURS ples pourraient être multipliés à l'infini. Si une personne est pratiquement sans activités Si l'on considère l'évolution et le pronostic et sans relations sociales, il est clair que quelque à long terme de la schizophrénie, on arrive à la chose d'anormal se produit chez elle. Il est tou- même conclusion : les neuroleptiques ne guéris- jours possible de nous accuser d'avoir stimulé, sent pas la schizophrénie mais ne font que la
94 Santé mentale au Québec soigner, ce qui reste un euphémisme si l'on con- ont tendance à s'atténuer, voire même à dispa- sidère que la stabilisation des patients qui ne raître : 62% des symptômes isolés observés au causent pas de problèmes laisse entier chez ceux-ci moment de la première hospitalisation avaient un mode de pensée foncièrement délirant. totalement disparu à un âge avancé, 11% s'étaient Stephens (1978) fait un relevé des différentes atténués, alors que 20% restaient inchangés ou études ayant porté sur l'évolution et le pronostic s'étaient aggravés. Une telle étude permet d'entre- de la schizophrénie chronique et aiguë; la durée voir une guérison à très long terme au moment du follow up est variable selon les études, de de la phase que les auteurs qualifient de séquel- même que le pourcentage de patients guéris, laire. Il est possible au cours de l'évolution de améliorés et inchangés (cf. tableau 2). Les pa- la schizophrénie d'observer une tendance générale tients sont considérés comme guéris lorsqu'on à l'amélioration et à la tranquillité avec un «apla- constate l'absence de toute pathologie résiduelle ; tissement de la symptomatologie» (Ciompi et ils sont considérés comme améliorés lorsqu'il Muller). Il est permis de se demander ce qui existe une pathologie résiduelle modérée ou des entraîne cette atténuation des symptômes : rechutes entrecoupées de périodes de normalité; çst-ce simplement le vieillissement naturel de la ils sont considérés comme inchangés lorsqu'on personne ou est-ce l'absorption régulière d'un constate une schizophrénie chronique toujours médicament neuroleptique ? Les schizophrènes active. chroniques, il faut l'avouer, sont des personnes Le pourcentage de patients inchangés varie appauvries psychologiquement et socialement ; entre 35 et 84% pour la schizophrénie chronique leur existence est une existence sans satisfaction, et entre 4 et 35% pour la schizophrénie aiguë. sans événement, où les talents et les intérêts de Par ailleurs, le pourcentage de patients guéris la personne n'ont jamais l'occasion de se déve- varie entre 5 et 30% pour la schizophrénie chro- lopper. La schizophrénie évolue vers une véritable nique et entre 26 et 70% pour la schizophrénie détérioration de la personnalité, et ceci malgré aiguë. De tels chiffres donnent une idée du pro- la médication neuroleptique. cessus schizophrénique considéré sur plusieurs années. Le nombre de cas guéris est parfois faible L'INCONNU AU-DELÀ DES RÉPONSES et le nombre de cas inchangés est parfois élevé TOUTE FAITES et ce, malgré les découvertes psychopharmacolo- giques dites révolutionnaires. Les chercheurs et les cliniciens soutenant que Ciompi et Muller (1977) ont fait une étude le délire et l'hallucination sont exclusivement ou portant sur 288 schizophrènes sur une période prioritairement dus à une anomalie de la trans- moyenne de 37 ans. Ils ont observé une sorte de mission de l'influx nerveux ont parfois tendance phase terminale chez les schizophrènes chroni- à apporter une preuve supplémentaire à leur ques et âgés; les symptômes schizophréniques thèse, en faisant la comparaison avec d'autres Tableau 2 : évolution à long terme durée du guéris améliorés inchangés suivi Schizophrénie de 11 à de 5 à de 10 à de 35 à chronique 35 ans 30% 39% 84% Schizophrénie de 7 à de 26 à de 13 à de 4 à aiguë 17.5 ans 70% 61% 35%
La schizophrénie insaisissable 95 phénomènes psychiques, plus ou moins mor- demander si la surface d'un rectangle dépend de sa bides, dont le fondement est également organique. longueur ou de sa largeur. Il faut reconnaître que Si l'on réduit la schizophrénie à un désordre l'endogène agit sur l'exogène, et inversement. Ainsi, biochimique et son traitement à une intervention il est admis que des détails «insignifiants» de la vie psychopharmacologique, il devient possible d'éta- courante sont suffisants pour faire décompenser le blir une analogie entre la schizophrénie et l'effet schizophrène, que ce soit la perte d'un petit chat ou produit par des drogues psychomimétiques ou celle d'une plante d'appartement. Le schizophrène encore l'activité onirique au cours du sommeil. amplifie ces détails et les vit avec un exposant d'an- Les délires et les hallucinations sont l'équivalent goisse multiplié à l'infini, à la différence de la popu- d'un voyage (trip) ou d'un rêve qui impliquent lation normale. La dramatisation des événements des changements physiologiques similaires. Une et des situations ne signifie pas cependant que la telle affirmation proposée par certains auteurs schizophrénie est un processus purement endogène est séduisante. Il existe cependant une différence (biochimique), totalement indépendant de fac- fondamentale : le schizophrène n'a absorbé aucune teurs externes. drogue et il est parfaitement éveillé lorsqu'il Il est permis de faire comme hypothèse que délire ou halluciné. La comparaison entre ces des facteurs extérieurs anodins, agissant chez des divers phénomènes est, dès lors, quelque peu sujets ayant une personnalité plus sensible et boiteuse. Ce n'est pas parce que la drogue et plus fragile peuvent à la longue entraîner des le sommeil entraînent des états similaires au dérèglements biochimiques ; ce qui est vécu par le délire ou à l'hallucination schizophrénique que sujet ou ce que subit le sujet pourra s'inscrire ces phénomènes peuvent être réduits les uns aux au plan somatique et même bouleverser la sé- autres à partir de l'hypothèse d'un dérèglement quence normale de processus hautement sophis- biochimique commun et analogue. Il se produit tiqués. Une telle hypothèse se fonde simplement quelque chose de totalement spécifique dans la sur la relation inextricable entre la psyché et le schizophrénie qui est justement l'appauvrissement soma. de la personnalité et une évolution pernicieuse, Les hypothèses biochimiques laissent également un état chronique que ni le sommeil, ni la drogue inexpliquées une série d'observations étonnantes ne provoquent. à propos de la schizophrénie. Citons-en quelques- Même si on considère le dérèglement bio- unes. Des expériences sur les résultats thérapeu- chimique comme une cause en soi, on laisse en tiques dans les psychoses aiguës ont montré que, suspens la question de savoir ce qui déclenche ce pour obtenir la même efficacité dans le traite- dérèglement biochimique, puisque certains indi- ment, la dose quotidienne utile de halopéridol vidus en sont frappés et d'autres non. Si l'on pré- était de 7.5mg en Belgique et de 73mg à New tend apporter ainsi une réponse scientifique York, soit une différence du simple au décuple (mesurable, quantifiable, prouvable), on ne fait (Murphy, 1972); ainsi, le même médicament que se leurrer; le mystère est simplement reculé exercerait des effets différents suivant les pays. et non éclairci. Une vaste enquête menée par l'Organisation La réduction de la schizophrénie à des pro- Mondiale de la Santé a démontré que la schizo- cessus biochimiques entraîne également l'affir- phrénie se manifeste par un syndrome commun mation facile qu'il s'agit d'une maladie (au sens dans divers pays, mais des différences ont été physique de ce terme) endogène, entendant par constatées dans l'évolution de la pathologie : là que les situations et les événements extérieurs dans l'ensemble, celle-ci se montre plus favorable n'y sont pour rien. Il s'agit encore une fois d'un dans les pays en voie de développement que dans piège pseudo-scientifique qui vise à départager les pays développés et industrialisés (W.H.0., de façon factice l'endogène et l'exogène, exacte- 1973, 1978, 1979). Certaines collectivités vivant ment de la même façon qu'on cherche à séparer en communautés très organisées et repliées sur les influences de l'hérédité et du milieu. En fait, dis- elles-mêmes, selon des principes de vie religieux tinguer la part de l'hérédité et du milieu dans l'appa- et traditionnels, présentent une incidence de rition d'un phénomène est aussi arbitraire que de se schizophrénie et d'hospitalisation psychiatrique
96 Santé mentale au Québec nettement inférieure aux populations environ- Amyot (1981), au cours d'une entrevue, définit nantes. C'est le cas des Huttérites et des Mennonites admirablement la maladie mentale. «La maladie aux États-Unis et au Canada (Eaton et Weil, mentale est une perturbation profonde, une désor- 1955). Ce sont là quelques faits intrigants qui ne ganisation psychique de l'individu. C'est un état peuvent s'expliquer par le seul recours à des de déséquilibre bio-psycho-social de la personne hypothèses biochimiques et qui mériteraient une où celle-ci est en proie à des angoisses, des peurs explication plus complexe. et des craintes qui viennent entraver son fonction- nement au point de lui rendre la vie fort incon- fortable. Le malade mental est menacé de l'inté- LE DÉSIR D^OMNISCIENCE rieur par des pulsions qui viennent compromettre ET D'OMNIPOTENCE sa propre intégrité personnelle et aussi celle des Le désir de trouver des causes palpables pou- autres» (p. 22). Il s'agit de reconnaître dans cette vant expliquer la pathologie psychique (un terme ligne l'importance d'une approche globale, d'un plus indiqué que la maladie mentale) et également modèle bio-psycho-social, de l'équipe multidis- de mettre au point des moyens permettant de la ciplinaire, des relations entre l'esprit et le corps, supprimer radicalement trouve son origine dans un entre la psyché et le soma et de l'analyse des désir plus ou moins avoué d'omniscience et d'om- facteurs bio-psycho-sociaux. nipotence. Il s'agit de découvrir l'élément dernier Cette façon de voir les choses n'est hélas! (ou premier) à propos des phénomènes humains pas toujours acceptée avec toutes ses consé- (ce que la schizophrénie reste en dernier ressort) quences. Deux articles récents (écrits par des et de trouver des moyens d'intervention agissant psychiatres) insistent sur la nécessité pour la de manière perceptible et observable. psychiatrie de se définir comme une spécialité de Ce sont ces désirs de savoir et de pouvoir qui la science médicale (Nérée, 1979, Fontaine, 1980).. donnent à la médecine-psychiatrie ou à la «psy- On ne peut que se rallier à un tel souhait et il chiatrie biologique» une place dominante dans le est même impérieux que la psychiatrie se défi- champ de la santé mentale. En effet c'est le nisse avant tout (nous allions écrire uniquement) même postulat implicitement admis et jamais comme science médicale, ce qui l'inciterait à remis en question (l'organogénèse, qu'elle soit respecter davantage la spécificité, la compétence génétique, biochimique ou psychophysiologique) et l'autonomie des autres disciplines impliquées qui explique une certaine façon bien particulière dans le domaine de la santé mentale au sens large de définir la maladie mentale et son traitement, (à savoir la psychologie, l'ergothérapie, le nursing, et d'envisager la multidisciplinarité dans l'équipe le travail social, etc.). Mais dans la pratique, on de soins. L'abord de la schizophrénie est directe- constate souvent deux façons de déroger à la ment tributaire d'une telle perspective «médicali- définition de la psychiatrie comme spécialité sante». Nous nous permettrons dès lors un détour médicale : d'abord la récupération à l'intérieur à propos de la nature de la maladie mentale et de la psychiatrie de connaissances et de techniques de la définition des rôles dans l'équipe de soins. qui n'ont aucun rapport avec la médecine au sens Le lecteur pourra constater que ce détour illustre strict; ensuite l'envahissement des disciplines (peut-être) un des aspects du fond du problème. environnantes par la médecine-psychiatrie qui L'équipe multidisciplinaire se réduit parfois à souhaite exercer un contrôle sur des territoires une figure de style, l'expression désignant la étrangers. Il suffit de lire ce qu'écrivent les deux simple juxtaposition de personnes travaillant dans auteurs mentionnés, qui souhaitent pourtant que des disciplines différentes, sans qu'il existe une la psychiatrie reste une spécialité de la médecine, véritable collaboration à part égale, respectueuse pour comprendre que leur position est fort ambiguë. des différents points de vues (Pelsser, 1980a). Nérée (1979) souligne qu'il est utile pour les La question implicitement posée est de savoir si médecins psychiatres «d'examiner les liens quasi la psychopathologie peut se ramener à un dys- organiques (sic!) unissant leur spécialité à la fonctionnement organique ou à un dysfonction- psychologie, à la psychanalyse et aux autres nement psychosocial. sciences humaines» (p. 48); il s'en prend à «l'apla-
La schizophrénie insaisissable 97 tissement de la pyramide hiérarchique de l'équipe Hogarty, 1974), même sans médicaments. L'ex- multidisciplinaire de prise en charge» et à «la plication soi-disant scientifique, c'est-à-dire par stigmatisation du savoir bio-médical auquel est des facteurs causaux objectivables, reste éminem- d'ailleurs relié le pouvoir décisionnel du psy- ment utile mais se heurte à une zone d'inconnu, chiatre responsable» (p. 48) ; dès lors le psychiatre ce qui laisse entrevoir les limites de ce modèle se trouverait à un carrefour; il serait «capable de dans le domaine psychiatrique (une loi scientifique cette «écoute bifocale» indispensable en face de ne supporte pas les exceptions). toutes plaintes somatiques ou psychiques, apte Les recherches indiquent que les hospitalisa- à intégrer les données venant des diverses disci- tions pour des problèmes de santé mentale com- plines connexes» (p. 49). Dans une telle optique, prennent en fait 70% de réhospitalisations; ainsi la psychiatrie garderait peu de chose de sa dimen- un lot important de patients connaissent une sion médicale, à rencontre des souhaits de l'auteur. évolution chronique avec des rechutes «à répé- La même confusion se lit sous la plume de tition». Ce sont presque des abonnés de l'hôpital. Fontaine (1980). L'auteur s'arrête aux raisons qui Cette constatation indique clairement que les expliquent pourquoi la psychiatrie a échappé peu traitements pharmacologiques se contentent sou- à peu au modèle médical et il montre l'utilité de vent de soigner et n'arrivent pas facilement à revenir à un semblable modèle. Mais on constate guérir. encore une fois que la psychiatrie est définie Lorsque nous soulevons certaines questions à comme une discipline «melting pot)). «Il importe propos des limites du traitement pharmacologique que le psychiatre connaisse et maîtrise très bien des schizophrènes, il faudrait mentionner pour le modèle médical qui constitue la base de sa être exact qu'il existe, à l'intérieur du champ formation. [...] Ceci ne nous empêche pas de con- de recherche sur la psychopharmacologie, un naître l'apport des autres modèles», ainsi le mo- groupe de personnes, malheureusement minori- dèle social et le modèle psychologique. Et la taires, qui se montrent critiques face aux affir- conclusion s'impose inévitable : «Au moment où mations habituellement acceptées sur le sujet : des ponts semblent vouloir s'établir entre les dif- 1. le schizophrène doit être traité à l'aide de férents modèles, le modèle médical trouve toute médicaments, et si l'on n'agit pas ainsi, c'est un sa signification et sa raison d'être et peut servir manque d'éthique ; 2. de tels patients doivent de lieu de rencontre et de principe d'unification continuer à prendre une médication, même (sic!) afin d'aboutir à une théorie unifiée du après la disparition des symptômes; 3. il faut comportement humain» (p. 754). Le tour est prévenir les rechutes puisque l'état psychotique joué, mais il faut se demander si la psychiatrie en lui-même est pathogène et entraîne un pro- se définit comme science médicale ou comme cessus de détérioration; 4. il n'est pas essentiel science humaine. Il s'agit d'un dilemme presque dans le traitement de la schizophrénie de mettre impossible à résoudre, sinon par la fusion de la l'accent sur autre chose que les médicaments; médecine, de la sociologie et de la psychologie. 5. il existe relativement peu de dangers à utiliser une médication neuroleptique. En fait, certains auteurs soutiennent, sur une base scientifique LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER rigoureuse, que la médication est contre-indiquée LA PSYCHOTHÉRAPIE dans le cas de certains schizophrènes et même Le savoir et le pouvoir ont des limites et il qu'elle peut entraîner des effets néfastes à long serait temps de reconnaître où échouent nos terme, à savoir l'induction ou le renforcement des connaissances et nos interventions puisque d'une symptômes négatifs, l'augmentation du risque de part un certain nombre de patients schizophrènes rechute et d'hospitalisation. Il s'agit d'une voie ne s'améliorent pas (10%, Davis, 1980) ou re- intéressante à explorer (Klein, 1975; Carpenter chutent (36%, Hogarty, 1974), malgré la prise et coll., 1977; Rappaport et Coll., 1978; Buckley, d'une médication neuroleptique, et d'autre part, 1982). un certain nombre d'entre eux s'améliorent La porte reste ouverte pour trouver des tech- (25%, Davis, 1980) ou ne rechutent pas (20%, niques de psychothérapie qui soient véritablement
98 Santé mentale au Québec capables de s'en prendre au fonctionnement de par des désirs de guérir à tout prix (Juror sanandi), la pensée délirante, souvent présente malgré la mais aussi par le découragement, le désinves- prise d'un médicament neuroleptique. Les théories tissement face aux obstacles et aux échecs. La de type psychologique ou psychodynamique meilleure défense est la fuite : éviter d'avoir des sur l'origine de la schizophrénie ou sur la nature contacts cliniques avec les patients psychotiques, du traitement se limitent souvent à des généralités mais s'intéresser à eux de façon indirecte (Tanguay, (la forclusion, le bon objet et le mauvais objet, 1981). La fuite pourra prendre des formes di- le double bind, etc.) qui ne fournissent pas de verses : s'engager dans la recherche fondamentale moyens techniques pour s'attaquer aux problèmes sur la biochimie de la schizophrénie, s'adonner à concrets posés par le schizophrène (Pelsser, 1980b). l'enseignement ou à la supervision (faites ce que Il nous apparaît que la psychose ne peut être je dis et non ce que je fais), s'occuper de l'organi- réduite à une seule théorie du fait que par son sation et de la distribution des soins au plan essence même elle fait sauter toute théorie ration- administratif et finalement nier l'existence de la nelle et logique. Il s'agirait d'inventer une infinité psychose (devenir anti-psychiatre ou drop-out). de théories explicatives et également une infinité Il est un phénomène qu'on observe couram- de moyens d'intervention. ment dans les équipes de soins ; ce ne sont pas les Lalonde (1980) souligne l'intérêt de combiner patients qui changent de thérapeutes, mais ces les diverses approches thérapeutiques, l'une derniers qui changent de patients... en allant s'appuyant sur l'autre et vice versa. «La pharma- travailler ailleurs. Ceci en dit long sur notre savoir cothérapie rend souvent le patient accessible à la et notre pouvoir. psychothérapie, et, inversement, la psychothé- rapie, en créant une relation de confiance, incite le patient à maintenir une pharmacothérapie La recherche devrait s'attarder aux cas de parfois indispensable» (p. 279). Une psychothéra- schizophrènes qui déjouent les règles scientifi- pie avec les psychotiques, qui pourrait dignement ques : ceux qui guérissent sans médicaments et porter ce nom, devrait aller un peu plus loin que ceux qui ne guérissent pas malgré les médicaments. le simple établissement d'une relation de confiance, C'est à partir de là que se posent les vraies ques- dans le seul but de favoriser la prise de médica- tions. La schizophrénie met toute forme de thé- ments antipsychotiques. Il s'agit de trouver des rapeutique en échec, lorsqu'on considère son moyens techniques concrets pour défaire les méca- évolution chronique. nismes de la pensée délirante (Will, 1980, Ellen- C'est seulement lorsque les soignants parvien- berger, 1981) ; quelques-uns peuvent être mention- dront à se maintenir sur le terrain de la psychose nés dans ce sens : ramener constamment à la qu'ils pourront y faire face : avoir des idées «folles» réalité, discuter de problèmes actuels et concrets, de types d'intervention possibles, faire «éclater» avoir une attitude de doute systématique face au et multiplier les théories étiologiques existantes. Il délire, expliquer le rapport du délire avec le vécu s'agit de développer des moyens d'intervention qui du patient, etc. Il s'agit de principes élémentaires échappent à la logique et au bon sens et de mettre qui ne donnent guère une idée de ce que devrait «en pièces détachées» les théories rassurantes. être une véritable psychothérapie des psychoses. Il faut lire Gisela Pankow (1969, 1977, 1981) dont l'œuvre est capitale dans le domaine. Les travaux RÉFÉRENCES de May (1968) et Hogarty et coll. (1973, 1974a) indiquent que la place de la psychothérapie dans - AMYOT, A., 1981, Vers la santé mentale (entrevue), le traitement des schizophrènes est réduite ; cepen- Carrefour des Affaires Sociales (numéro spécial : La santé mentale), vol. 3, n° 1, p. 22-28. dant certains travaux de recherche sont plus opti- ANDREASEN, N.C, 1982, Negative Symptoms in Schizo- mistes (Mosher et Keith, 1980; Strauss et Car- phrenia, Arch. Gen. Psychiatry, vol. 39, n° 7, p. 784- penter, 1981). 788. BOISSIER, J.R., EUVRARD, C, GAIGNAULT, J.C, L'attitude des thérapeutes face à la maladie 1980, Les médicaments psychotropes, La recherche, mentale se manifeste parfois par deux extrêmes : n° 116, p. 1235-1246.
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