Radiologie interventionnelle du tube digestif

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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 33-665-A-50

                                                                                                                                                                                                                                                       33-665-A-50

                                               Radiologie interventionnelle du tube digestif
                                                  AS Rangheard
                                                  T de Baere
                                                                                                    Résumé. – Le traitement des sténoses digestives a pendant longtemps été de ressort chirurgical.
                                                                                                    Parallèlement au développement des endoprothèses métalliques, qui étaient initialement utilisées
                                                                                                    uniquement dans le traitement palliatif de tumeurs œsophagiennes, les gestes interventionnels pratiqués, soit
                                                                                                    sous fluoroscopie, soit sous endoscopie, se sont étendus à l’ensemble du tube digestif et généralisés à de
                                                                                                    multiples indications, le but final étant de diminuer significativement les taux de mortalité et de morbidité liés
                                                                                                    à une chirurgie lourde dès que cela est possible. De la même façon, la mise en place de sondes de gastrostomie
                                                                                                    et de jéjunostomie, initialement pratiquée par laparotomie et sous anesthésie générale, s’effectue à présent le
                                                                                                    plus souvent sous guidage fluoroscopique ou endoscopique.
                                                                                                    © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

                                                                                                    Mots-clés : stents, endoprothèses, cancer, obstruction ou sténose colique, estomac, duodénum,
                                                                                                                gastrostomie, jéjunostomie, œsophage.

                                               Abord transpariétal du tube digestif :                                                                              gastrique ou jéjunale. Plus rarement, ces abords sont utilisés pour
                                                                                                                                                                   réaliser une vidange du tube digestif en amont d’un obstacle. Il peut
                                               gastrostomie et jéjunostomie                                                                                        s’agir d’une gastrostomie « de décharge » pour pallier des
                                               sous guidage fluoroscopique                                                                                         vomissements répétés dus à un obstacle duodénal ou grêle. Il peut
                                                                                                                                                                   s’agir d’une colostomie en amont d’un obstacle colique pour
                                               L’apport nutritionnel est un problème majeur chez les patients                                                      résoudre une distension colique majeure [69]. Ce geste constitue alors
                                               incapables de maintenir un apport adéquat per os. Dans une optique                                                  le plus souvent un temps préopératoire. Enfin, le but de l’abord
                                               de long terme, une nutrition entérale est toujours préférable à une                                                 digestif transpariétal peut être d’accéder au tube digestif ou à une
                                               nutrition parentérale, car elle permet un apport alimentaire plus                                                   structure proche pour y réaliser un geste thérapeutique (pose d’une
                                               équilibré, génère moins de complications et est également d’un coût                                                 prothèse duodénale non réalisable par voie transbuccale, abord
                                               bien plus faible. De nombreuses techniques, chirurgicales ou autres,                                                rétrograde des voies biliaires chez un patient porteur d’une
                                               ont évolué pour être capables de mettre en place de tels abords pour                                                anastomose biliodigestive).
                                               nutrition. La première gastrostomie chirurgicale fut réalisée en 1876,
                                               et depuis 1894, la technique de Stam est la méthode chirurgicale
                                               standard de gastrostomie. Jusqu’à la fin des années 1970, cette                                                                                            GASTROSTOMIE
                                               approche chirurgicale ou la mise en place d’une sonde nasogastrique
                                                                                                                                                                   ¶ Technique
                                               étaient les seuls moyens d’assurer un apport alimentaire
                                               intragastrique. En 1980, la première gastrostomie percutanée                                                        Une étude par ultrasons, dont le but est de repérer le bord inférieur
                                               endoscopique (GPE) fut rapportée [24]. La première gastrostomie                                                     du foie gauche, est le premier temps de la procédure.
                                               percutanée sous guidage fluoroscopique (GPF) fut décrite une année                                                  Une insufflation gastrique est toujours nécessaire pour permettre
                                               plus tard [52]. Les systèmes de gastropexie percutanée furent décrits                                               une ponction de l’estomac dans de bonnes conditions. Si une sonde
                                               pour la première fois en 1986 [7]. Ils ont permis un développement                                                  nasogastrique est déjà en place, celle-ci est utilisée. S’il n’y a pas de
                                               important de la gastrostomie sous guidage fluoroscopique. De la                                                     sonde nasogastrique en place, l’extrémité d’un cathéter
                                               même façon, la mise en place d’une sonde de jéjunostomie a                                                          d’angiographie de calibre 5 F est placée dans l’estomac. Pour mettre
                                               longtemps nécessité une laparotomie, mais depuis peu, les guidages                                                  en place ce cathéter, on a recours à l’utilisation de matériel de
                                               endoscopiques ou radiologiques permettent de tels gestes.                                                           cathétérisme vasculaire (guide hydrophile, cathéter angulé, guide
                                                                                                                                                                   rigide, produit de contraste...), qui est parfois nécessaire pour
                                                                                        INDICATIONS
                                                                                                                                                                   franchir les sténoses œsophagiennes éventuelles, souvent présentes
                                                                                                                                                                   lors d’une pratique dans un milieu cancérologique. Enfin, dans les
                                               Les abords transpariétaux du tube digestif sont le plus souvent                                                     très rares cas où la mise en place d’un cathéter nasogastrique n’est
                                               utilisés pour mettre en place une sonde de nutrition entérale,                                                      pas possible, il est le plus souvent possible de réaliser l’insufflation
                                                                                                                                                                   gastrique par abord direct de la poche gastrique. On utilise pour
                                                                                                                                                                   cela une aiguille fine, de type Chiba de calibre 22 G, dont l’extrémité
                                                 Anne-Sophie Rangheard : Chef de clinique-assistant, service de radiologie, hôpital Beaujon, 92110 Clichy,         est positionnée dans la poche à air gastrique préalablement repérée
                                                 France.
                                                 Thierry de Baere : Praticien hospitalier, service de radiologie interventionnelle, institut Gustave-Roussy,
                                                                                                                                                                   par fluoroscopie [13]. L’insufflation gastrique est obtenue à l’aide
                                                 94805 Villejuif cedex, France.                                                                                    d’une seringue de 60 mL, avec laquelle 300 à 500 mL d’air sont

                                               Toute référence à cet article doit porter la mention : Rangheard AS et de Baere T. Radiologie interventionnelle du tube digestif. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
                                               Radiodiagnostic - Appareil digestif, 33-665-A-50, 2002, 11 p.
33-665-A-50                                                                     Radiologie interventionnelle du tube digestif                                                       Radiodiagnostic

I. – Récapitulatif des trois séries comparant gastrostomie percutanée endoscopique (GPE) et gastrostomie percutanée sous guidage fluoroscopi-
que (GPF).
                                                                    B Wollman 1997 [70]                                          B Wollman 1995 [71]                  EK Hoffer 1999 [28]
                                                               GPF                              GPE                        GPF                     GPE            GPF                   GPE

 Faisabilité                                                   100 %                            95 %                       99,2 %                 99,7 %          100 %                 91 %

 Complications majeures                                         0%                               3%                        5,9 %                  9,4 %
                                                                                                                                                                  50 %                  71 %
 Complications mineures                                       11,8 %                            12 %                       7,8 %                  5,9 %

 Anesthésie locale                                             25 %                              0%                          -                         -          42 %                      3%

                                                                                                                           elles sont plus diffuses, elles doivent faire redouter une péritonite
Tableau II. – Coûts respectifs de la gastrostomie percutanée endosco-                                                      par fuite de liquide gastrique. Les points d’ancrage sont retirés
pique (GPE) et de la gastrostomie percutanée sous guidage fluorosco-                                                       3 semaines après leur mise en place.
pique (GPF) en dollars US d’après Hoffer et al [28].
                                                                                                                           ¶ Antibioprophylaxie
                                                        GPF                                     GPE
                                                                                                                           Il est habituel de réaliser une antibioprophylaxie par une
 Acte                                                    402                                      375                      administration unique, 30 à 60 minutes avant le geste. Le but est de
 Salle d’intervention                                    322                                       0                       réduire la fréquence des infections péristomiales, même si celles-ci
                                                                                                                           sont moins fréquentes après GPF qu’après GPE. Nous utilisons 1 g
 Complications                                           763                                     1266
                                                                                                                           d’amoxicilline + acide clavulanique. De la même façon, la Société
 Coût total                                             1487                                     1641                      européenne de gastroentérologie recommande l’utilisation d’une
                                                                                                                           antibioprophylaxie systématique lors des GPE [53], suite aux résultats
On peut noter qu’un surcoût est imputé à la GPF car celle-ci est réalisée en salle de radiologie interventionnelle alors
que la GPE est réalisée au lit du malade.                                                                                  de deux études randomisées démontrant une division par un facteur
                                                                                                                           supérieur à deux des infections de l’orifice de stomie respectivement
                                                                                                                           après utilisation d’une antibioprophylaxie par respectivement
injectés manuellement sous contrôle fluoroscopique de l’importance                                                         ceftriaxone ou amoxicilline + acide clavulanique [21, 51].
de la distension gastrique. On a au préalable injecté 1 mg de
glucagon en intraveineux afin de ralentir le transit et permettre une                                                      ¶ Résultats
meilleure distension gastrique qui facilite grandement la suite de la                                                      Le taux de faisabilité de la GPF varie de 94 à 99 % dans les plus
procédure.                                                                                                                 grandes séries publiées [2, 13]. Les rares échecs sont le plus souvent
Après asepsie locale, sous guidage fluoroscopique, l’estomac est                                                           dus à une interposition entre paroi abdominale et paroi antérieure
ponctionné à trois reprises pour mettre en place trois points                                                              de l’estomac, soit d’un volumineux lobe gauche du foie, soit du
d’ancrage. L’abord est habituellement réalisé à la jonction tiers                                                          côlon transverse dilaté. Le geste reste parfois possible malgré une
inférieur-deux tiers supérieurs de l’estomac. La position                                                                  gastrectomie partielle préalable [13]. La faisabilité du geste est donc
intragastrique de l’extrémité de l’aiguille est repérée par injection                                                      bien supérieure à la GPE, puisque dans une méta-analyse [70], aussi
d’une faible quantité de contraste qui se moule sur les plis                                                               bien que dans une étude randomisée [28], le taux de succès de la GPF
gastriques. Une quatrième ponction est réalisée au centre de ces trois                                                     était significativement supérieur à celui de la GPE (tableau I). Dans
points d’ancrage pour placer la sonde de gastrostomie après                                                                notre expérience de la GPF en milieu cancérologique, nous avons
dilatations mécaniques successives. Nous utilisons classiquement                                                           obtenu un taux de succès de 99 % alors que 20 % des patients étaient
une sonde de gastrostomie de 16 à 18 G. Ces sondes sont remplacées                                                         des échecs ou des contre-indications de la GPE [13]. De la même
à la demande lors d’occlusions ou de chutes, ou systématiquement                                                           façon, Thornton et al rapportent une faisabilité de 98 % de la GPF
tous les 6 mois. Lors des changements de sonde, ou immédiatement                                                           sur une série de 42 patients en échec de GPE [65].
après maturation du trajet de gastrostomie (8 semaines environ), on                                                        Un essai randomisé comportant une analyse médicoéconomique a
peut envisager la mise en place d’un « bouton » de gastrostomie. Ce                                                        montré des coûts d’acte légèrement inférieurs de la GPE par rapport
dispositif améliore le confort du patient en réduisant                                                                     à la GPF. En revanche, si le coût de prise en charge des
l’encombrement extérieur du système de nutrition. En effet, après                                                          complications plus nombreuses de la GPE par rapport à la GPF est
pose du bouton, la partie extériorisée de la sonde est remplacée par                                                       intégré dans l’évaluation économique, alors la GPF est moins
un dispositif moins encombrant, pouvant être éventuellement                                                                onéreuse pour une faisabilité bien supérieure [28] (tableau II).
occulté complètement par un simple pansement. Deux types de
boutons sont actuellement disponibles : un système champignon,                                                             ¶ Complications
nécessitant d’être passé en force au travers d’un introducteur                                                             Les taux de complications majeures varient de 0,5 à 1,4 % et
pelable ; un système maintenu en place par un ballonnet gonflable.                                                         concernent essentiellement des fuites péritonéales de liquide
On préfère du matériel en silicone pour sa meilleure tolérance à long                                                      gastrique. Quelques rares hémorragies gastriques sont rapportées,
terme.                                                                                                                     et traitées le plus souvent par embolisation. Le taux de mortalité
Une anesthésie locale généreuse (20 à 30 mL de Xylocaïnet) et                                                              due à l’acte est inférieur à 0,5 % à 30 jours pour les plus grandes
relativement étendue (couvrant les sites de ponction de la                                                                 séries.
gastrostomie et des trois points de gastropexie) est le plus souvent                                                       Les complications mineures sont en revanche extrêmement
suffisante. En effet, dans notre expérience récente, le geste s’est                                                        fréquentes, de l’ordre de 5 à 8 % dans les 30 jours postprocédures.
déroulé sous anesthésie locale uniquement pour 72 % des 200                                                                Elles concernent essentiellement des dysfonctionnements de la
dernières procédures. Dans les autres cas, nous utilisons une                                                              sonde à type de déplacement, obstruction ou rupture, ou des fuites
sédation par midazolam et Fentanylt.                                                                                       péristomiales. Ces complications sont le plus souvent résolues par
La gastrostomie peut être utilisée après 48 heures ou après                                                                échange ou remise en place d’une nouvelle sonde de gastrostomie.
disparition des douleurs abdominales. Les 48 heures après le geste
                                                                                                                           ¶ Gastropexie ou non ?
sont parfois assez algiques et le recours aux antalgiques est
systématique. Parfois, des morphiniques sont nécessaires. Ces                                                              L’utilisation de point d’ancrage ou système de gastropexie est
douleurs doivent rester localisées proches du point de ponction ; si                                                       systématique pour la plupart des auteurs, afin de limiter les risques

2
Radiodiagnostic                                                  Radiologie interventionnelle du tube digestif                                                            33-665-A-50

    a                                    b                                        c
                       paroi                                     paroi
                abdominale antérieure                     abdominale antérieure

                   Paroi de l'estomac                       Paroi de l'estomac

                                        aiguille
                                        à pointe fendue

                                                                                                3    Vue radiographique de la figure 2. Les trois points d’ancrages métalliques
1    Représentation schématique de la mise en place du système de gastropexie ou point          se projettent sur la clarté gastrique. Le cathéter ayant servi à obtenir la réplétion aéri-
d’ancrage, ou T-fastener.                                                                       que de l’estomac est visible.
a. L’extrémité de l’aiguille contenant le T-fastener est dans l’estomac après avoir tra-
versé la paroi abdominale et la paroi antérieure de l’estomac ; b. le T-fastener a été libéré
dans l’estomac en introduisant un guide métallique dans l’aiguille, et l’aiguille va
maintenant pouvoir être retirée ; c. après traction douce sur le fil d’ancrage pour accoler
la paroi gastrique et la paroi abdominale, le point d’ancrage est serti.

                                                                                                4    La sonde de gastrostomie de type Malecot est maintenant en place dans l’estomac.
                                                                                                Elle chemine entre les trois points d’ancrage. La sonde d’insufflation, encore visible, va
                                                                                                être retirée.
2 Vue externe de trois points d’ancrage en place (étape 1c). On distingue le système
de sertissage qui a été écrasé sur les fils de rappel du point d’ancrage et les tampons de
gaz évitant un contact « agressif » entre les systèmes de sertissage et la paroi abdomi-
nale.

de fuites péritonéales après mise en place de la sonde de
gastrostomie et de favoriser une maturation plus rapide du trajet de
gastrostomies. Ces points d’ancrages permettent surtout d’éviter les
fuites de liquide gastrique intrapéritonéales et un repositionnement
plus aisé de la sonde en cas d’arrachement précoce de celle-ci [2, 13].
De plus, l’utilisation de ces systèmes de gastropexie permet de
réaliser des gastrostomies de décharge en toute sécurité, même chez
des patients ayant une ascite carcinomateuse [35]. Par ailleurs, les
équipes utilisant les points d’ancrages mettent le plus souvent en
place des sondes de gastrostomie de plus gros calibre (14 à 20 F)
que les autres équipes (10 à 11 F). Même si l’utilisation de tels
dispositifs de gastropexie augmente le nombre de ponctions
gastriques, et donc théoriquement le risque d’hémorragie gastrique
par plaie vasculaire, ce risque reste extrêmement modéré puisque
nous avons rencontré une hémorragie gastrique sur 500
gastrostomies, correspondant donc à 2 000 ponctions gastriques.
Cette bonne tolérance est peut-être expliquée par le fait que les                               5    Vues de deux boutons de gastrostomie différents. À gauche, il s’agit d’un modèle
points d’ancrages induisent un certain degré de compression des                                 avec système de rétention par ballonnet gonflable. À droite, il s’agit d’un modèle qui
tissus et évitent ainsi une potentielle hémorragie [54] (fig 1, 2, 3, 4, 5,                     doit être mis en place après déformation du bouton par élongation sur le mandrin as-
                                                                                                socié.
6).

                                                                                                                                                                                         3
33-665-A-50                                               Radiologie interventionnelle du tube digestif                                             Radiodiagnostic

                                                                                          complexe après GPE. Ce geste, d’une relative simplicité technique et
                                                                                          qui est bien toléré, le fait réalisé de plus en plus souvent, avec même
                                                                                          une extension des indications à une population ne nécessitant
                                                                                          qu’une alimentation entérale pour une durée temporaire et
                                                                                          supportant difficilement une sonde nasogastrique, souvent en raison
                                                                                          de mucite, notamment dans le cadre de traitement par
                                                                                          radiochimiothérapie pour des cancers de la sphère ORL [11, 41].

                                                                                                                     JÉJUNOSTOMIE
                                                                                          Cette technique percutanée, décrite en 1987 pour la première fois
                                                                                          [11, 41]
                                                                                                  , est beaucoup moins souvent réalisée que la gastrostomie. En
                                                                                          effet, chaque fois qu’une gastrostomie est possible, on préfère celle-ci
                                                                                          à une jéjunostomie, car l’alimentation gastrique est moins
                                                                                          contraignante, principalement par la durée plus courte du
                                                                                          « gavage ». De plus, la jéjunostomie, qui est de difficulté technique
                                                                                          variable suivant les situations, est de réalisation toujours plus
                                                                                          délicate qu’une gastrostomie. Le plus souvent, la jéjunostomie est
                                                                                          réalisée pour nutrition entérale à long terme chez des patients dont
                                                                                          l’estomac a préalablement été réséqué ou utilisé pour remplacement
                                                                                          œsophagien.
6    Coupe tomodensitométrique du bouton visible sur la partie droite de la figure 5.     Le principe de la jéjunostomie est, comme pour la gastrostomie,
On distingue la « tête » du bouton dans la cavité gastrique partiellement remplie d’air
et on visualise la partie extériorisée du bouton qui est à peine proéminente à la peau.
                                                                                          l’abord du tube digestif sous contrôle de l’image. Lors de la ponction
                                                                                          jéjunale, les organes à éviter sont principalement le côlon et les
                                                                                          autres anses grêles. Les difficultés techniques sont le plus souvent
¶ Chirurgie : GPE ou GPF ?
                                                                                          liées à la difficulté de ponctionner la paroi jéjunale sans la transfixier.
Bien que la gastrostomie chirurgicale ait été la méthode de référence
pendant des années, il y a un consensus pour l’abandonner au profit                       ¶ Technique
de gestes moins invasifs que sont les GPE ou les GPF. L’énorme
avantage de la GPF sur la GPE réside dans son taux de faisabilité                         En pratique, beaucoup d’équipes administrent du produit de
très nettement supérieur, notamment en raison des difficultés parfois                     contraste digestif hydrosoluble la veille au soir de la jéjunostomie
rencontrées à mettre en place un endoscope là où un fin cathéter                          afin d’obtenir un « balisage » du cadre colique [10]. D’autres préfèrent
chemine facilement.                                                                       opacifier le côlon par lavement aux produits de contraste
                                                                                          hydrosolubles, immédiatement avant la ponction jéjunale. Rares sont
Si l’on compare les taux de complication des GPF et des GPE,
                                                                                          ceux qui se passent de toute opacification.
comme Wollman et al dans une méta-analyse, il semble exister
moins de complications majeures à la GPF (5,9 %) qu’à la GPE (9,                          Une distension aérique ou liquidienne modérée du segment jéjunal
4 %) [71]. En revanche, il n’existe pas de différence significative du                    cible est très utile, sinon indispensable. Dans ce but, une sonde est
taux de complications mineures.                                                           placée dans le duodénum, ou au mieux au-delà de l’angle de Treitz
                                                                                          dans les premières anses grêles. Cette sonde, mise en place sous
Les avantages théoriques de la GPE sont évidemment le fait que
                                                                                          guidage fluoroscopique par voie nasale, permet d’injecter 20 à 50 mL
celle-ci peut être réalisée au lit du malade. Cependant, deux
                                                                                          d’air ou d’eau, après avoir injecté 1 mg de glucagon intraveineux.
opérateurs sont nécessaires et des risques d’ensemencement du trajet
                                                                                          L’anse cible doit être immédiatement sous-cutanée pour que la
de gastrostomie à partir de cellules tumorales prélevées dans les
                                                                                          ponction de celle-ci ne transfixie aucune autre structure. La position
cancers oto-rhino-laryngologiques (ORL) ont été rapportés [29]. Par
                                                                                          sous-cutanée est au mieux repérée par fluoroscopie de face et de
ailleurs, les infections du site de gastrostomie surviennent dans 3 à
                                                                                          profil. La palpation de la paroi abdominale sous contrôle
7 % des cas, un peu plus fréquemment après GPE qu’après GPF [28,
                                                                                          fluoroscopique peut permettre de confirmer la position sous-cutanée
70, 71]
        . Dans ce contexte, l’intérêt d’une antibioprophylaxie par
                                                                                          par déplacement de l’anse cible à la palpation douce. Le guidage
amoxicilline + acide clavulanique ou par une céphalosporine a été
                                                                                          tomodensitométrique peut parfois être utile [10], mais s’avère souvent
clairement démontré pour la GPE [21, 51, 53], et il semble intéressant
                                                                                          décevant en raison du manque de caractère temps réel. Idéalement,
d’étendre cette attitude d’antibioprophylaxie à la GPF.
                                                                                          il devrait être couplé à la fluoroscopie ou on devrait utiliser des
Enfin, quelques ensemencements de l’orifice de gastrostomie ont été                       scanners de dernière génération (fluoroscanners) [12] . D’autres
rapportés, uniquement après GPE [22]. Ces ensemencements sont                             auteurs utilisent la fluoroscopie qui permet de repérer l’anse cible,
vraisemblablement dus à une greffe sur la cicatrice opératoire de                         dans laquelle sont injectés 100 à 150 mL de liquide [68]. Enfin, certains
cellules tumorales « prélevées » par la sonde de GPE insérée en                           auteurs mettent en place un ballonnet qui est gonflé dans le jéjunum
transbuccale. La même explication vaut probablement pour le taux                          afin de guider la ponction vers ce ballonnet.
d’infections plus élevé après GPE qu’après GPF, et ceci en raison
                                                                                          En pratique, dans notre expérience, la combinaison de
d’un état buccodentaire très altéré dans la population porteuse de
                                                                                          l’ultrasonograhie et de la fluoroscopie permet au mieux de s’adapter
cancers ORL.
                                                                                          à toutes les situations et de rendre le geste techniquement plus sûr.
¶ Au total                                                                                La conjonction de ces deux techniques permet de repérer l’anse cible
                                                                                          sous échographie pour être certain que celle-ci est bien en position
Le taux de faisabilité extrêmement élevé de la GPF, même chez des                         sous-cutanée, puis de guider l’aiguille jusqu’à son contact en évitant
patients en échec de GPE, devrait probablement faire préférer la GPF                      les organes de voisinage. Ensuite, la fluoroscopie visualise la
comme technique de première intention. Ceci est tout                                      pénétration de l’aiguille dans le jéjunum où elle est le plus souvent
particulièrement vrai chez les patients cancéreux qui présentent                          perdue de vue par l’échographie en raison des artefacts gazeux. Le
souvent un obstacle haut difficile à franchir par l’endoscope, associé                    point le plus délicat est de loin la ponction de l’anse grêle. Cette
à un risque de sepsis et de greffe tumorale induit par le trajet                          difficulté est due à la relative mobilité de cette anse qui ne peut être
transbuccal de la sonde de GPE. L’efficacité à long terme de la GPF                       distendue que modérément, et qui va donc fuir sous l’aiguille
apparaît satisfaisante et les dysfonctionnements de la sonde sont                         comme on le voit lors du monitorage échographique aussi bien que
facilement résolus par un échange de celle-ci. Cet échange est                            fluoroscopique. L’utilisation d’aiguille fine (21 ou 22 G) facilite la
extrêmement simple après GPF, alors qu’il est beaucoup plus                               ponction mais implique la mise en place d’un guide très fin. Les

4
Radiodiagnostic                                Radiologie interventionnelle du tube digestif                                         33-665-A-50

échanges sur un tel guide sont souvent difficiles, car une fois encore    prothèse digestive basse. Elle peut constituer un substitut à la
le jéjunum fuit sous la poussée du système de gros calibre que l’on       cæcostomie chirurgicale. La perforation ou la nécrose coliques sont
tente de mettre en place sur ce guide fin. Nous préférons utiliser        à l’évidence des contre-indications absolues, alors que les troubles
d’emblée une aiguille de 17 G contenant le point d’ancrage. Une fois      de l’hémostase restent une contre-indication relative.
l’extrémité de cette aiguille placée dans la lumière jéjunale, le bon
positionnement est affirmé par aspiration d’air et injection de           ¶ Technique
quelques millilitres de contraste radio-opaque qui doivent opacifier
l’anse cible. Ensuite, un guide de gros calibre (0,035 inch) est passé    La technique est très superposable à celle de la gastrostomie. L’abord
dans l’aiguille et poussé vers le jéjunum d’aval. Le passage de ce        est antérieur sur un côlon dilaté, avec mise en place de systèmes
guide a pour conséquence de libérer le point d’ancrage dans le            d’ancrage.
jéjunum. Après fixation du point d’ancrage, la plupart des auteurs
dilatent le trajet sur ce guide pour mettre en place une sonde de         ¶ Résultats
jéjunostomie de 10 à 14 F [10, 68]. Après le placement de ce point        Peu de résultats sont disponibles et la plupart des publications sont
d’ancrage, et grâce à la fixité de l’anse jéjunale qu’il assure, il est   des case-reports ou de courtes séries. La seule série importante
cependant assez aisé de réaliser une seconde ponction jéjunale pour       comporte 28 patients [55] . La quasi-totalité des cæcostomies
mettre en place la sonde par un trajet différent de celui du point        percutanées sont réalisées lors de syndromes d’Ogilvie, sans
d’ancrage. Comme après une gastrostomie, les points d’ancrage sont        complications et avec des résultats excellents.
retirés après 2 à 4 semaines.
Il est à noter que lorsque la jéjunostomie doit être réalisée au site
d’une ancienne jéjunostomie chirurgicale, le geste est techniquement      Traitement des sténoses digestives
plus simple en raison de la fixité habituelle de l’anse cible [10].
Par ailleurs, on peut rappeler qu’en cas d’échec de jéjunostomie par      La chirurgie a pendant longtemps été le seul traitement des sténoses
abord antérieur direct, certains auteurs proposent la mise en place       digestives bénignes et malignes. Les traitements endocanalaires de
de sondes jéjunales, soit par voie transhépatique après abord             ces sténoses, d’apparition récente, ont pris une place de plus en plus
percutané des voies biliaires et cathétérisme descendant, soit            grande. À travers les différentes techniques qu’elle offre, la
par voie translombaire avec abord du deuxième duodénum                    radiologie interventionnelle partage le premier rang de ces
sous contrôle tomodensitométrique [32, 58], soit plus récemment           traitements endocanalaires avec l’endoscopie.
par abord antérieur du duodénum [67]. Il est à noter que ces
dernières techniques n’ont été décrites que rarement, voire
exceptionnellement.                                                                                   ŒSOPHAGE
Enfin, on peut souligner qu’un abord jéjunal d’une anse montée
                                                                          ¶ Indications
pour anastomose biliodigestive est presque toujours possible afin de
faciliter des manœuvres de cathétérisme biliaire [10].
                                                                          Sténoses d’origine néoplasique
¶ Résultats                                                               Ce sont les plus fréquentes. Elles sont avant tout la conséquence de
                                                                          carcinomes épidermoïdes de l’œsophage (90 % des cas), alors que
La faisabilité rapportée dans les deux plus grandes séries publiées       l’envahissement secondaire de l’œsophage par une tumeur adjacente
est de 87 et 89 %, avec la nécessité de deux procédures pour 8 % des      bronchopulmonaire ou médiastinale est plus rare. Le traitement non
patients avant succès de la technique [10, 68]. La perméabilité des       chirurgical de ces sténoses, réalisé à titre palliatif pour ces cancers
sondes à moyen et long termes est satisfaisante, et l’échange de          inopérables, est une bonne alternative à la chirurgie qui était
sonde en cas d’obstruction à distance de la pose ne pose aucun            associée à des taux élevés de mortalité et de morbidité
problème technique particulier.                                           (respectivement 13-22 % et 36-71 %) [17, 46].

¶ Complications                                                           Sténoses bénignes
Le taux de complications est variable suivant les séries, mais pour       Plus rarement rencontrées, elles sont secondaires à un reflux gastro-
un total de 90 patients dans les deux séries ci-dessus référencées, on    œsophagien, à une achalasie, d’origine caustique, postradique
recense deux ponctions coliques (pas de balisage digestif) et une         (tumeurs ORL, bronchopulmonaires ou du tiers supérieur de
ponction gastrique par inadvertance, quatre fuites périjéjunales          l’œsophage), ou encore sur le site anastomotique d’une chirurgie
nécessitant une chirurgie d’exploration, six abcès péricathéter à         œsophagienne [ 6 2 ] . Le traitement de telles sténoses relevait
distance du geste (traitement par incision et antibiothérapie).           traditionnellement de dilatations à la bougie. Depuis les années
                                                                          1980, cette technique a été progressivement remplacée par des
¶ Au total                                                                dilatations au ballonnet [38, 44], qui ont à la fois un taux de morbidité
                                                                          moins important et une plus grande efficacité sur la dysphagie [25].
La jéjunostomie percutanée, bien que proche de la GPF sur le
                                                                          La mise en place d’endoprothèse est controversée dans le traitement
principe et la technique, en est éloignée dans la réalité. Elle est
                                                                          de sténoses bénignes, les endoprothèses pouvant entraîner à plus
techniquement beaucoup plus difficile, comme en témoigne sa
                                                                          ou moins long terme des érosions œsophagiennes ou des
moindre faisabilité dans la plupart des séries rapportées. La courbe
                                                                          hyperplasies tissulaires, parfois à l’origine de nouvelles sténoses [64].
d’apprentissage de cette technique est plus longue que celle de la
                                                                          Certaines équipes utilisent des prothèses recouvertes de
GPF. Bien que souffrant d’un taux de complications supérieur à sa
                                                                          polyuréthane et munies d’un système permettant de retirer la
« grande sœur », cette technique irremplaçable reste relativement
                                                                          prothèse une fois la sténose levée, évitant ainsi les risques d’érosion
sûre et efficace dans des mains entraînées.
                                                                          œsophagienne et d’hyperplasie endothéliale [62].

                          CÆCOSTOMIE                                      ¶ Technique et résultats
La cæcostomie chirurgicale fut décrite pour la première fois en 1710
                                                                          Traitement des sténoses bénignes : dilatation au ballonnet
par Litter [20]. Ce geste a le plus souvent pour but d’obtenir une
décompression du côlon distendu en raison, soit d’un obstacle
d’aval, soit d’une dilatation fonctionnelle. La cæcostomie percutanée     • Technique
doit être proposée en cas d’échec des autres méthodes de                  Une anesthésie locale est le minimum nécessaire pour le traitement
décompression, soit par endoscopie et aspiration, soit par pose de        des sténoses du tiers moyen et tiers inférieur de l’œsophage.

                                                                                                                                                 5
33-665-A-50                                     Radiologie interventionnelle du tube digestif                                      Radiodiagnostic

L’utilisation de gels ou de sprays anesthésiques est utile. Une            celle-ci est réalisée avec des ballons de calibre moyen (ballons de 12
anesthésie générale est utile pour les sténoses plus hautes. On peut       à 14 mm). Les endoprothèses plastiques ont été abandonnées à cause
avoir recours à de l’atropine en cas d’augmentation du tonus vagal.        du risque de complications élevé (5 à 30 %) (déplacement,
La voie d’abord est orale plus souvent que nasale, en raison du            perforation), d’une mise en place nécessitant une anesthésie
calibre parfois important des matériels utilisés, ce qui renforce          générale [17] et d’un diamètre nettement inférieur amenant à des
l’intérêt de l’anesthésie générale.                                        occlusions fréquentes [17]. Bien que leur coût unitaire soit faible, le
Le geste est réalisé sous guidage fluoroscopique ou endoscopique.          coût lié à la gestion des complications et obstructions a été démontré
Un transit œsophagien opaque préalable est utile pour préciser la          comme rédhibitoire lors d’un essai randomisé [17]. Le caractère le plus
topographie et la morphologie. Un cathéter angiographique de 5 à 7         souvent autoexpansif de la prothèse lui permet de se déployer
F sert à franchir la sténose en utilisant du matériel de cathétérisme      progressivement sur 24 à 48 heures avec un moindre traumatisme
vasculaire (guide hydrophile-cathéter artériel) si nécessaire. Une fois    pour l’œsophage.
la sténose franchie, un guide rigide échangeur est mis en place            Les prothèses utilisées sont les prothèses non couvertes Wallstents
(> 180 cm) ; l’extrémité est placée loin en aval de la sténose, au mieux   (Boston Scientific, Medi-tech, Natick, MA), Ultraflex stents (Boston
dans l’estomac. Sur ce guide, on amène le cathéter de dilatation dont      Scientific, Medi-tech) et Esophacoil (Instent, Eden Prairie, MN). Leur
le ballon est centré sur la sténose. La dilatation est progressive afin    diamètre varie de 20 à 25 mm, les longueurs sont adaptées à la
de limiter les risques de rupture œsophagienne. On débute                  sténose. Les introducteurs ont des diamètres de 12 à 18 F.
généralement par un ballon de 12 mm de diamètre, puis 20 mm en             Les endoprothèses œsophagiennes peuvent être couvertes,
gardant une pression d’inflation inférieure à 10 bar. S’il persiste une    essentiellement dans le but d’éviter une prolifération tumorale à
dysphagie aux aliments solides après dilatation, les séances de            travers les mailles du stent ou afin d’occlure des fistules
dilatation peuvent être répétées environ 15 jours plus tard. Pour des      œsophagiennes. Le polyuréthane, plus résistant, doit être préféré au
sténoses très serrées, ainsi que chez les enfants, on débute la            silicone comme matériel de couverture pour éviter les lacérations
dilatation avec des ballons de 4 à 6 mm de diamètre [30].                  par les mailles du stent lors de sa mise en place [56, 60, 62]. Les
                                                                           principales prothèses couvertes utilisées sont les covered Ultraflex
• Résultats
                                                                           stents (Boston Scientific, Medi-tech) et Gianturco-Rösch Z stents
Le taux de succès immédiat après dilatation de la sténose, apprécié        (William Cook Europe, Bjaeverskov, Denmark). Le stent Flamingo
24 heures après le geste, est de 80 à 90 % juste après le geste, 70 %      (Boston Scientific Corp) est une prothèse couverte de forme conique
des patients restant asymptomatiques à 2 ans, 40 % nécessitant une         qui présente le double avantage de prévenir le risque d’obstruction
ou plusieurs séances supplémentaires [61]. Les sténoses d’origine          prothétique par prolifération tumorale tout en ayant moins de
caustique semblent être plus difficiles à traiter, avec un taux d’échec    risques de migration, le matériel recouvrant étant situé à la face
de 45 %. Il en est de même pour les sténoses postradiques du tiers         interne de la prothèse, contrairement aux autres prothèses. Une
supérieur de l’œsophage où le taux de succès après dilatation à            étude contrôlée et randomisée entre les stents Flamingo et Covered
2 ans est de l’ordre de 30 % [61]. La dilatation des sténoses dans         Ultraflex ayant pour but de comparer les risques de migration est
l’achalasie œsophagienne a un taux de succès de l’ordre de 88 à            actuellement en cours [46].
93 % [46].
• Complications                                                            • Résultats
Le taux de morbidité liée à la dilatation au ballonnet est inférieur       Le taux de succès de la pose de prothèse est proche de 100 %, avec
à celui des dilatations par bougies (0-1,8 % versus 9 %) [16, 43]. La      une efficacité immédiate sur la dysphagie de 90 à 100 % et d’environ
complication majeure, qui est la rupture œsophagienne, est                 90 % à long terme. Une étude triple randomisée, comparant la
rencontrée dans 0,9 à 4,8 % des cas en fonction des séries [45].           thérapie par laser sous endoscopie et la pose de prothèses couvertes
Le risque de rupture œsophagienne est majoré lors du traitement de         et non couvertes, a montré une différence significative en termes
sténoses caustiques, avec 32 % de perforations [61]. En revanche, il       d’efficacité sur la dysphagie après pose de prothèse [46].
n’y a pas de différence entre les sténoses postradiques et tumorales       Certaines équipes ne retrouvent pas de différence significative en
(2,9 % versus 3,2 % par procédure et 7,7 % versus 5,7 % par patient).      termes d’efficacité entre les prothèses couvertes et non couvertes [17].
Des séances répétées de dilatation utilisant des ballons de taille         En revanche, d’autres préconisent l’utilisation de prothèses
croissante semblent diminuer le risque de perforation [30, 45, 49].        couvertes dans les sténoses du haut, moyen et bas œsophage, afin
La rupture se classifie en trois stades différents sur l’opacification     de diminuer les risques d’envahissement tumoral et d’hyperplasie
œsophagienne :                                                             endothéliale, et de prothèses non couvertes dans les sténoses situées
                                                                           au niveau du cardia en raison du risque plus élevé de migration [46].
– type 1 : rupture intramurale ;
– type 2 : rupture transmurale sans fuite de produit de contraste          • Complications
baryté dans le médiastin ;
                                                                           La perforation peut survenir, soit lors de la dilatation, soit par
– type 3 : rupture transmurale avec fuite de la baryte dans le
                                                                           lacération par les extrémités du stent (8 %) [64] . La migration
médiastin. Elle se manifeste le plus souvent par des douleurs
                                                                           prothétique survient dans 0 à 50 % des cas. Elle est particulièrement
thoraciques et une hyperthermie [30].
                                                                           plus fréquente dans le traitement des sténoses œsogastriques et avec
Le traitement des perforations dépend du degré de gravité. Il repose       les endoprothèses plastiques [ 4 6 ] . Les autres complications
sur la mise en place d’endoprothèses couvertes pour les ruptures de        comprennent l’impaction de nourriture (6 %), l’envahissement
type 2, sur la chirurgie pour les ruptures de type 3 et sur une            tumoral intraprothétique ou au-delà des extrémités du stent (5 à
nutrition parentérale avec antibiothérapie pour les ruptures de type       50 %), ainsi que la dysphagie secondaire à une hyperplasie
1, à savoir que celles-ci peuvent passer inaperçues en l’absence           épithéliale apparaissant aux extrémités supérieure et inférieure de
d’opacification œsophagienne et guérir spontanément [30] . Une             la prothèse [ 6 4 ] . L’envahissement tumoral et l’hyperplasie
réaction inflammatoire précoce, associée à une dysphagie, peut             endothéliale ne semblent pas être rencontrés avec les endoprothèses
survenir dans 10 à 20 % des cas, nécessitant un traitement par             couvertes [ 6 4 ] . D’après Kinsman, le risque de complications
corticoïdes sur 48 à 72 heures.                                            (perforation, hémorragie digestive, fistule œsotrachéale) suite à la
Traitement des sténoses malignes : dilatation et mise en place             pose d’endoprothèses métalliques serait plus important chez les
d’endoprothèses                                                            patients précédemment traités par radio- et/ou chimiothérapie [31].
                                                                           Le taux de mortalité rapporté est de 0 à 6 %, lié à des hémorragies
• Technique                                                                cataclysmiques (une hémorragie grave survient dans 6 % des cas [46])
La dilatation est rarement utilisée de façon isolée et elle constitue      ou des pneumopathies d’inhalation. Le reflux gastro-œsophagien est
souvent le premier temps de la pose d’une prothèse. C’est pourquoi         fréquent si le stent est placé au niveau du cardia. De nouveaux

6
Radiodiagnostic                                 Radiologie interventionnelle du tube digestif                                         33-665-A-50

modèles de prothèses avec valve antiretour sont disponibles, mais           ¶ Technique et résultats
leur utilisation n’a pas encore validé leur efficacité. Pour finir, des
douleurs thoraciques peuvent survenir dans 10 à 20 % des cas. Elles         Traitement de sténoses bénignes
sont plus importantes avec les prothèses rigides, comme la prothèse
rigide de Gianturco-Rosch.                                                  • Technique
                                                                            Un transit gastroduodénal permet d’évaluer la localisation, la
                                                                            longueur de la sténose et l’intestin grêle d’aval. Une endoscopie
                    ESTOMAC ET DUODÉNUM                                     gastroduodénale peut être réalisée si des biopsies sont nécessaires.
                                                                            Le geste est réalisé, soit sous diazanalgésie associant 1-3 mg
¶ Indications                                                               d’hydrochloride de midazolam (Hypnovelt) et 20-100 µg de citrate
                                                                            de fentanyl (Fentanylt) avec un monitoring anesthésique continu,
Les sténoses gastroduodénales entraînent une gêne à l’évacuation et
                                                                            soit, plus souvent, sous anesthésie générale.
une distension gastrique qui induisent une symptomatologie mêlant
                                                                            La voie d’abord est de préférence orale en raison de la taille
nausées et vomissements. Il s’ensuit une perte de poids avec
                                                                            importante du matériel parfois utilisé. Dans tous les cas, une sonde
altération de l’état général, et le seul recours est la nutrition
                                                                            d’aspiration nasogastrique de 16 F, mise en place la veille, permet
parentérale [14] . En plus de l’inconfort et de la dénutrition, la
                                                                            de limiter la distension gastrique souvent gênante dans la réalisation
fréquence et l’importance des vomissements augmentent le risque
                                                                            du geste, et d’éviter les risques de pneumopathie d’inhalation. Le
de pneumopathie d’inhalation.                                               cathétérisme de la sténose par voie orale peut être impossible et un
                                                                            abord transgastrique comparable à celui de la gastrostomie peut être
Sténoses gastriques et duodénales                                           choisi pour faciliter ce cathétérisme. Une sonde intragastrique, ainsi
Elles sont le plus souvent néoplasiques, soit par prolifération             que des points d’ancrage sont mis en place. Il faut savoir que si un
tumorale endoluminale, soit par compression extrinsèque de                  tel abord transgastrique est pratiqué et que la pose de la prothèse se
tumeurs de voisinage (tête du pancréas, cholangiocarcinome de la            révèle impossible malgré cela, il faut laisser en place une sonde de
voie biliaire principale, ampullome vatérien, adénopathies                  gastrostomie définitive.
compressives...) [57, 72]. Ces sténoses se développent dans un contexte     Fluoroscopie ou endoscopie ?
de cancer évolué et un traitement symptomatique est souvent le seul         Le contrôle fluoroscopique est indispensable pour guider le geste
envisageable [14]. Jusqu’à présent, le traitement symptomatique de          car un contrôle endoscopique isolé est accompagné d’un taux de
ces sténoses était, soit la mise en décharge de l’estomac par sonde         perforations plus élevé. De plus, le diamètre élevé de l’endoscope
nasogastrique ou de gastrostomie, soit la pose de gastrojéjunostomie        ne permet parfois pas le franchissement de la sténose que permet
associant la mise en place d’une sonde intragastrique d’aspiration et       un cathéter [33]. En revanche, l’endoscope peut être utile pour
d’une sonde jéjunale de nutrition [14]. Enfin, lorsque l’état du patient    rigidifier le cathéter porteur de la prothèse lorsque celle-ci est
le permettait et que son espoir de survie le justifiait, une anastomose     poussée sur guide à travers des estomacs très dilatés [5]. Un cathéter
gastrojéjunale chirurgicale était réalisée.                                 6 F est mis en place par voie transbuccale en regard de la sténose et
                                                                            permet d’injecter un produit de contraste hydrosoluble afin de
La mise en place de prothèses métalliques autoexpansives gastriques         réévaluer la sténose. Celle-ci est franchie à l’aide d’un guide, le plus
ou duodénales est une technique introduite récemment, permettant            souvent hydrophile rigide, de 0,038 inch de diamètre, qui est ensuite
de rétablir la continuité du circuit digestif et par là même une            échangé contre un guide rigide de 2,60 m poussé le plus loin
alimentation orale. Bien que les résultats soient encore préliminaires,     possible dans le jéjunum d’aval et sur lequel sont montés
ce traitement semble représenter une bonne alternative de confort           successivement ballon de dilatation et prothèse.
aux sondes de dérivation, et un traitement moins invasif que l’acte         La dilatation au ballonnet s’effectue à l’aide de cathéters de
chirurgical [59]. En effet, une gastroentérostomie chirurgicale nécessite   dilatation de 16 ou de 20 mm de diamètre (2 à 4 mm plus étroit que
souvent une hospitalisation de 10 à 12 jours (délai moyen pour              la prothèse prévue) et de 40 mm de long (XXL, Meditech,
reprise du transit digestif), contre une moyenne de 2 à 3 jours après       Watertown, États-Unis).
pose d’une prothèse, gastrique ou duodénale [3, 14, 47].
Chez les patients présentant un obstacle digestif d’origine                 • Résultats et complications
néoplasique, un obstacle biliaire survient dans 9 à 14 % des cas. C’est     Dans le traitement des sténoses bénignes, Hewitt et al [26] rapporte
pourquoi, lorsqu’une chirurgie de dérivation digestive est réalisée,        un succès immédiat de 77 % après dilatation sur une série de 46
certains y associent systématiquement une chirurgie de dérivation           patients traités pour sténoses pyloroduodénales peptiques, avec,
biliaire qui alourdit le geste mais est utile dans plus de 80 % des cas.    dans 32 % des cas, un recours à la chirurgie pour récidive,
Les traitements par prothèses autoexpansives des obstacles digestifs        perforation et hémorragie.
permettent de traiter à la demande l’obstacle biliaire lorsqu’il            Dans le traitement par dilatation des sténoses survenant après ulcère
survient, ou de façon combinée s’il est contemporain de la sténose          gastroduodénal, une série de 30 patients montrait un succès de 80 %
digestive [14, 46].                                                         avec nécessité de traitement multiple dans 33 % des cas [18, 19].
                                                                            Une série de trois patients présentant une sténose pylorique
Sténoses bénignes                                                           postopératoire rapporte un succès immédiat de la dilatation dans
Elles surviennent le plus souvent sur une maladie ulcéreuse                 tous les cas et l’absence de récidive sténotique après un suivi de 1 à
chronique, pylorique ou duodénale, ou sur anastomose après                  2 ans [18].
résection chirurgicale œsophagienne pour cancer de l’œsophage [72].         Traitement des sténoses malignes :
La dilatation au ballonnet représente le traitement de première             mise en place d’une endoprothèse métallique
intention des sténoses bénignes, et il y a actuellement peu de place
reconnue pour la mise en place de prothèses autoexpansives.                 • Technique
Les sténoses survenant sur maladie ulcéreuse gastrique relèvent le          Une opacification digestive au-delà de la sténose doit absolument
plus souvent d’un traitement chirurgical et la radiologie                   être obtenue pour s’assurer de l’absence d’obstacle sur l’intestin
interventionnelle a un rôle restreint. Une dilatation au ballonnet peut     d’aval et éviter que la mise en place de la prothèse transforme un
être effectuée dans l’attente du geste chirurgical. De même, la mise        obstacle duodénal en obstacle grêle. Si le transit opaque n’a pas
en place d’endoprothèses autoexpansives peut être indiquée chez             opacifié l’intestin d’aval en raison d’obstacle complet, il est
des patients présentant une contre-indication à l’anesthésie générale,      nécessaire de franchir la sténose pour réaliser une opacification
et donc à un geste chirurgical.                                             d’aval [14].

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