Langues des signes et genres discursifs - Appel à contributions pour la revue Lidil Numéro 60 - Décembre 2019 Marion Blondel & Agnès Millet ...
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Appel à contributions pour la revue Lidil Numéro 60 – Décembre 2019 Marion Blondel & Agnès Millet, coordinatrices Langues des signes et genres discursifs Ce numéro de Lidil vise à rassembler un ensemble de contributions susceptibles d’éclairer la façon dont les genres discursifs se marquent dans les langues des signes, tant au niveau prosodique que lexical ou morphosyntaxique, et de préciser en quoi la prise en compte des genres peut apporter une plus-value à l’analyse et à la compréhension de certains phénomènes propres à ces langues gestuelles. Bien des recherches sur les genres discursifs ont été entreprises pour les langues vocales – que ce soit à l’oral ou à l’écrit – tandis que les recherches sur les genres dans les langues gestuelles sont rares, et ce, malgré la constitution relativement récente de nombreux corpus en France comme à l’international. Or la prise en compte de cet « ancrage générique » peut éclairer certains mécanismes linguistiques et textuels propres à ces langues, gestuelles et sans écriture. Sans aucun doute, il convient de définir des outils de description adéquats aux différentes modalités, mais il nous parait aussi intéressant de tenir compte des apports des recherches sur les genres discursifs dans les langues vocales. Les « genres discursifs » dans les langues vocales La question des genres discursifs et de leur analyse a été très débattue (Charaudeau, 2002 ; Beacco, 2004, entre autres), voire parfois battue en brèche comme résultant d’un artéfact de linguistes, tant les limites des genres « se dérobent » (Rastier & Pincemin, 1999), comme se dérobent les limites de la « langue » (Calvet, 2005). Cette question nous semble néanmoins pertinente, en particulier pour distinguer des instances ou des « formations discursives » (Foucault, 1969) susceptibles d’engendrer des structures énonciatives et syntaxiques différenciées. Nous reprenons donc cette question des genres, sans rappeler toutes les discussions qui ont accompagné leur conceptualisation (Maingueneau, 2016, p. 53-67) et retenons les genres décrits en termes prototypiques par Adam (2011a), qui les définit comme des « séquences » s’insérant dans un énoncé ne pouvant être caractérisé globalement, tant les genres discursifs s’imbriquent au sein d’une prise de parole. Ces séquences relèvent de genres discursifs différenciés qui sont : le descriptif, le narratif, l’argumentatif, l’explicatif, le dialogal. Ces séquences ont pu être étudiées au sein des deux instances énonciatives proposées par Benveniste (1974[1966]) « histoire » ou « récit » ; au sein de discours oraux ou écrits, écrits « ordinaires » ou littéraires – ces derniers, qui concernent l’instance de récit, étant subsumés par Adam (2016, p. 101-127) dans la notion de genre « narratif » – ce qui est partiellement juste, puisqu’il existe des « séquences narratives » dans une instance de discours (Millet, 2002). À ce propos, on soulignera que le genre poétique constitue une forme de genre littéraire tout à fait particulière et qui ne correspond pas nécessairement aux critères définissant le « narratif » ou le « littéraire ». Ce genre « poétique » a été exploré par Jakobson qui y a associé une fonction qu’il définissait comme la projection du « principe d’équivalence de l’axe de la sélection sur l’axe de la combinaison » (1963, p. 220) – ce que l’on peut reformuler comme « une projection de l’axe paradigmatique sur l’axe syntagmatique » – et à laquelle il a consacré un essai (1973). Nous considérons ici que « le poétique » est un genre
particulier, que Adam (2011b, p. 127-140) analyse essentiellement avec les termes « liages du signifiant », « implicite » et « ellipse ». Nous retenons donc ici les « genres discursifs majeurs » définis par Adam : descriptif, narratif, argumentatif, explicatif, dialogal (entendu ici comme « interactions entre les protagonistes d’une situation de communication orale donnée ») ; et nous ajoutons comme genre singulier « le genre poétique ». Ces types majeurs peuvent cependant se combiner et se subdiviser, selon le type de texte (oral ou écrit) que l’on analyse, ainsi que selon les instances énonciatives « histoire » / « récit ». De ce point de vue, la notion de genres discursifs parait très liée aux medium et outils d’analyse employés. Ainsi, le discours politique, très analysé dans les années 1970-1980 (Courtine, 1981) ou le discours journalistique (Moirand, 2007), ont été étudiés en tant que tels, et pour les séquences qu’ils contenaient, relevant des cinq genres discursifs majeurs. « Genres discursifs » et langues des signes Concernant les langues gestuelles, tous les discours et les genres relèvent de l’oralité, même si la vidéo permet de les fixer, voire de les retravailler et de les recomposer. La LS-vidéo est une forme stabilisée, tout comme un enregistrement sonore d’une langue vocale, mais pas une écriture. Les corpus de LSF révèlent, à l’évidence, différents types de discours (Boutet & Blondel, 2016) mais les études adossées à ces corpus ne traitent pas ou peu des genres discursifs concernés. À l’exception du genre narratif et du genre poétique, les différents types de discours en LSF sont généralement sollicités pour étudier un domaine linguistique en particulier ou un ensemble d’aspects, sans que leur appartenance à tel ou tel genre discursif ne fasse l’objet d’une analyse spécifique. Dans le cadre de la recherche internationale sur les langues des signes, les genres discursifs sont considérés en tant que tels lorsqu’ils relèvent du registre narratif ou conversationnel (Winston, 1999), mais aussi artistique (Bauman, Nelson & Rose, 2006) ou lorsque les conditions expérimentales réclament une uniformisation des tâches linguistiques (entretien semi-dirigé pour recueillir un récit de vie ou tâche de description d’itinéraire, par exemple). Les données analysées dans la littérature linguistique de la LSF se répartissent approximativement selon les rubriques (non exclusives) suivantes : registre narratif ou argumentatif-explicatif, élaboré ou spontané, littéraire ou non, interactif ou monologué. Ainsi, contes, fables, comptines et poèmes font l’objet d’études ciblant notamment la structure polyphonique (Bouvet, 1996), la dynamique sémantique (Le Corre, 2007) ou la fonction poétique (Blondel, 2000 ; Blondel, Miller & Parisot, 2006). D’autres corpus sont conçus pour l’étude contrastive de la narration vs description (Cuxac et coll., 2002), l’élicitation d’un registre narratif (Niederberger, 2004 ; Jacob, 2007 ; Sallandre, Courtin, Fusellier Souza, & L’Huillier, 2010 ; Estève, 2011), d’un registre métalinguistique, d’interactions spontanées en contexte familial (Tuller, Blondel & Niederberger, 2007 ; Limousin, 2011). D’autres corpus encore concernent des récits de vie ou d’expériences (Millet & Estève, 2009 ; Risler, 2014), des interactions recueillies en contexte didactique (Mugnier, 2006) avec des sous-catégories de genres narratifs comme des descriptions d’itinéraires (Boutora & Braffort, 2011), des brèves journalistiques (LIMSI, Corpus 40 brèves – 2012). Concernant l’étude de la LSF, c’est essentiellement sur la dichotomie « instance de discours » vs « instance de récit » que les études se sont concentrées ; la description des narrations en instance de récit a donné lieu à des théorisations diverses et parfois antagonistes (Cuxac, 2000 ; Millet, 2002).
Dans les inventaires descriptifs inter-langues des signes (Brentari, 2010 ; Bakken Jepsen, De Clerck, Lutalo-Kiingi & McGregor, 2015), l’attention est portée en particulier sur les niveaux d’analyse de phonologie, morphosyntaxe, prosodie des langues des signes, mais moins sur le niveau discursif, sa dimension pragmatique, et très peu sur l’étude contrastée des genres et des registres (Meurant & Sinte, 2016). On notera un intérêt particulier porté à la structure du discours narratif avec notamment l’étude des procédés de référence, de la structure évènementielle (event packaging), des marqueurs de fonction évaluative (Labov & Waletzky, 1967) ainsi qu’à certaines caractéristiques des interactions entre signeurs, comme la gestion des tours de parole, les liens entre input et output en contexte d’acquisition, ainsi que les formes de contact liées au plurilinguisme et à la bimodalité (Lucas, 2006a ; 2006b entre autres). Langues des signes et genres discursifs : horizons des investigations Par la diversité des articles ou dans le contenu même des articles, l’objectif de ce numéro est de croiser, dans les langues des signes, des analyses des genres discursifs et des analyses plus ciblées sur des situations ou des supports d’énonciations spécifiques. On portera un intérêt particulier aux éléments linguistiques sur lesquels les analyses se concentrent. On peut en effet émettre un certain nombre d’hypothèses sur les liens privilégiés entre des catégories d’unités linguistiques et tel ou tel genre : par exemple, l’observation des « spécificateurs de taille et de forme » au sein du genre descriptif, la fréquence des « proformes corporelles » (Millet, 2002) – ou « prises de rôle » (Moody, 1983) ou « transferts » (Cuxac, 2000) – dans le genre narratif, la présence d’espaces contrastés liée au genre argumentatif, un usage spécifique des configurations manuelles et des mouvements pour le genre poétique. Les articles pourront traiter des six genres retenus – descriptif, narratif, argumentatif, explicatif, dialogal, poétique. Le genre narratif ayant été assez largement exploré pour la LSF, on souhaite ici que les autres genres suscitent également l’intérêt des chercheur.e.s. En ce qui concerne le genre dialogal – finalement assez peu étudié en LSF – l’intérêt des chercheur.e.s pourra se porter sur les marqueurs phatiques, la gestion des tours de parole, les enchainements thématiques, etc. Ce genre pourra être exploré en situation ordinaire ou scolaire, dans des interactions sourd/sourd ou sourd/entendant. Des propositions concernant des séquences caractéristiques de situations d’énonciation diverses (médiatique ou artistique, par exemple) seront aussi les bienvenues. Par ailleurs, des propositions pourront croiser l’utilisation d’un élément formel (regard, utilisation de l’espace, des spécificateurs de taille et de forme, etc.) en fonction des genres discursifs considérés. Les propositions devront préciser les corpus sur lesquels elles s’appuient et les éléments linguistiques servant à caractériser le genre discursif étudié. Toutes les études contrastives inter-langues des signes ou inter-genres seront les bienvenues. Selon la politique éditoriale de la revue, des articles écrits en anglais ou dans une autre langue que le français pourront trouver place dans la revue. Calendrier Envoi d’une proposition d’article : 15 juin 2018 Notification d’acceptation de la proposition : 15 juillet 2018 Date limite d’envoi des articles rédigés : 1er décembre 2018 Retour après évaluation par le comité scientifique : 1er juin 2019
Date limite d’envoi des textes révisés : 1er septembre 2019 Publication Décembre 2019 Format de la proposition d’article Le résumé comportera : Nom de l’auteur Appartenance institutionnelle 5000 signes hors bibliographie Format des articles Les articles soumis devront faire 35000 à 40000 signes maximum, tout compris (espaces et notes incluses) et devront comporter un résumé en anglais et en français ainsi qu’une liste de mots clefs. Chaque article sera envoyé ensuite en version anonyme à deux relecteurs. Toutes les autres précisions utiles seront fournies aux contributeurs retenus. Des recommandations aux auteurs ainsi que des informations relatives à la feuille de style sont d’ores et déjà disponibles sur le site http://maisondesrevues.org/300. Par ailleurs, la revue étant dorénavant en ligne, il est possible de créer des liens actifs vers des contenus externes, mais également des données multimédias (son, vidéo, animation), placées dans le corps du texte ou en annexe de l’article le cas échéant. Adresse d’envoi des contributions millet.agnes@free.fr marion.blondel@cnrs.fr Bibliographie ADAM, Jean-Michel. (2011a). Les textes : types et prototypes (3e éd. revue et augmentée). Paris : Armand Colin. ADAM, Jean-Michel. (2011b). La linguistique textuelle. Paris : Armand Colin. BAKKEN, Jepsen Julie, DE CLERCK, Goedele, LUTALO-KIINGI, Sam & MCGREGOR, William B. (dir.) (2015). Sign Languages of the World. A comparative Handbook. Preston, UK: Ishara Press & Berlin, Boston: Mouton de Gruyter. BAUMAN, H-Dirksen L., NELSON, Jennifer L. & ROSE, Heidi M. (2006) Signing the Body Poetic, Essays on American Sign Language Literature. Oakland: University of California Press. BEACCO, Jean-Claude. (2004). Trois perspectives linguistiques sur la notion de genre discursif. Langages, 153(1), 109-119. BENVENISTE, Emile. (1974 [1966]). Problèmes de linguistique générale, (tome 1, chapitre XIX). Paris : Gallimard. BLONDEL, Marion. (2000). Fonction poétique dans les langues des signes. Recherches Linguistiques de Vincennes, 29, 9-28. . BLONDEL, Marion, MILLER, Christopher & PARISOT, Anne-Marie. (2006). Tortoise, hare, children: Evaluation and narrative genre in LSQ. Dans C. Lucas (dir.), Sociolinguistics in Deaf communities (vol. 12, p. 188-251). Washington DC: Gallaudet University Press. BOUTET, Dominique & BLONDEL, Marion. (2016). Les corpus de Langue des Signes Française. Dans A. Braffort (dir.), La Langue des Signes Française (LSF) : modélisations, ressources et applications (p. 47-85). ISTE éditions.
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Appel à contributions Lidil, no 61 LE MÉPRIS EN DISCOURS COORDINATRICES Geneviève Bernard Barbeau (Université du Québec à Trois-Rivières, CRIFUQ) Claudine Moïse (Université Grenoble Alpes, LIDILEM) Les deux dernières décennies ont donné lieu à un foisonnement de travaux sur la violence verbale (Moïse, Auger, Fracchiolla & Schultz-Romain, 2008), sur le discours de confrontation (Vincent, Laforest & Turbide, 2008) et sur le discours polémique (Amossy, 2014 ; Hayward & Garand, 1998). Parmi les actes de qualification péjorative (Laforest & Vincent, 2004) constitutifs de la violence verbale (Moïse, Meunier & Romain, 2015) et qui se caractérisent par la disqualification d’autrui, les actes directs et explicites, tels la provocation (Arrivé, 2008), l’insulte (Lagorgette, 2003 ; Rosier, 2006), la menace (Laforest, Fortin & Bernard Barbeau, 2017), le reproche (Laforest, 2002) et la médisance (Mougin, 2006), ont été assez bien décrits. En revanche, parmi les actes indirects, le mépris n’a pas encore fait l’objet de beaucoup d’études, à tout le moins dans une perspective linguistique. C’est dans cette optique que nous souhaitons y consacrer le numéro 61 de la revue Lidil. Mépriser signifie n’accorder aucune valeur ou bien une valeur dérisoire à un être ou à une chose. La même étymologie produit le mot méprise, au sens d’une erreur, qui est une autre sorte de mauvaise estimation ou de mauvaise évaluation d’une situation. Ressentir et exprimer du mépris pour ce qui est bassesse et abjection est un sentiment qui participe au processus de construction de notre système de valeurs. « L’on a besoin d’éprouver librement mépris ou adoration, et cela non seulement pour parvenir à une évaluation réaliste de la réalité extérieure, mais aussi pour pouvoir procéder à une identification sélective – en assimilant les qualités désirables que l’on aperçoit chez les autres et en barrant la route aux traits de personnalité indésirables ou en s’en débarrassant » (Searles, 2008, p. 521). Le mépris – et réciproquement l’aptitude à se percevoir comme méprisable en certaines circonstances – renvoie donc à la sphère des valeurs et des identifications à des modèles que nous nous efforçons d’atteindre. Le mépris peut aussi être un mécanisme de défense qui nous permet de nous protéger d’éventuelles frustrations. À l’inverse, le mépris prend une tonalité destructive dès lors qu’il devient le moyen de se valoriser par défaut, mécanisme par lequel rabaisser autrui ou ses valeurs et idéaux devient le moyen de se sentir supérieur aux autres. Le mépris est d’autant plus destructeur s’il réactive chez le méprisé des blessures plus ou moins conscientes qui vont accuser chez lui le sentiment d’être méprisable, et ce particulièrement si le contempteur est un être estimé. Selon une perspective de philosophie sociale, au-delà de la seule dimension individuelle, les dérives de la société capitaliste et l’injustice sociale se voient tolérées, voire justifiées, en raison d’un certain contrôle social et dans le cadre d’une idéologie du profit. Les souffrances engendrées constituent ce qu’Axel Honneth (2006) appelle les pathologies sociales, qui naissent alors d’un manque de reconnaissance sociale et d’un sentiment de mépris généralisé. C’est dans de telles situations que
le mépris devient moteur de discours « contre », servant à assurer la domination d’une personne ou d’un groupe sur autrui, et qu’il est possible de le repérer et d’en observer les mécanismes de production. Nous invitons à soumettre toute contribution qui, suivant une approche linguistique, sociolinguistique, interactionnelle et/ou discursive, tant en synchronie qu’en diachronie, permettra de circonscrire la notion de mépris en s’inscrivant dans l’une des orientations suivantes : 1) Approche descriptive Les actes de discours se caractérisent par des formes lexicales et syntaxiques particulières et par certains effets pragmatiques notamment en jeu dans la co-construction de l’interaction. Il serait intéressant de voir quels sont les caractéristiques linguistiques et les processus discursifs à la base de l’acte de mépris. 2) Approche pathémique Le mépris est un acte de discours indirect, mais il est à mettre en relation avec des émotions négatives qui le sous-tendent ou qui l’alimentent, par exemple la frustration ou le ressentiment proches de la colère (Angenot, 1997 ; Bernard Barbeau, 2015 ; Ferro, 2008), la honte (Bretegnier, 2016 ; Cyrulnik, 2010 ; de Gaulejac, 1996) ou le dégoût (Margat, 2011). On pourrait voir comment, selon une visée pathémique, s’articulent ces émotions avec l’acte de mépris, comment elles peuvent être repérées en discours ou en interaction et quelles en sont les stratégies argumentatives. 3) Approche pragmatique D’autres actes de discours, tels le dédain (Koselak, 2005), le dénigrement (Vincent, Turbide & Laforest, 2008), la moquerie et la raillerie (Charaudeau, 2013 ; Rainville, 2009), l’humiliation (Haroche, 2007 ; Miller, 1993), l’indifférence (Cupa, 2012) et la calomnie (Lagorgette, 2012), sont proches des effets pragmatiques de ceux du mépris, qui ont pour visée la prise de pouvoir sur autrui, que ce soit au plan individuel ou entre les groupes sociaux. On essaiera alors de saisir comment distinguer le mépris d’autres actes de discours apparentés et comment en circonscrire les caractéristiques pragmatiques. 4) Approche intersubjective Le mépris est sans doute l’aboutissement de différents états émotionnels et processus à l’œuvre. On pourrait aussi le situer par rapport aux effets qu’il est susceptible de provoquer chez l’autre dans la relation intersubjective : dévaluation (Bres, 1993), auto-odi ou haine de soi (Garabato & Colonna, 2016 ; Kremnitz, 1981) et silence (Oger, 2006), pour n’en nommer que quelques-uns. On pourrait également voir les procédés de retournement face au mépris, tels les mécanismes de valorisation et de fierté (Heller & Duchêne, 2012) ou encore d’humour (Charaudeau, 2006). Les propositions, d’une longueur maximum de trois pages, pourront s’inscrire dans des domaines variés de la linguistique (description, pratiques éducatives, sociolinguistique des minorités, discours politiques, interactions quotidiennes, etc.) et s’appuyer sur différentes approches (linguistiques, analyse de discours et d’interactions, représentations linguistiques, rapports de
genre, etc.). Elles devront, en revanche, présenter des données contextualisées issues de corpus qui serviront de base à une analyse empirique. ADRESSES POUR L’ENVOI DES PROPOSITIONS genevieve.bernardbarbeau@uqtr.ca claudine.moise@univ-grenoble-alpes.fr CALENDRIER • 15 décembre 2018 : date limite d’envoi des propositions • Février 2019 : avis d’acceptation ou de refus des propositions (un avis positif aura valeur d’encouragement à soumettre un article, mais ne signifiera pas automatiquement l’acceptation de ce dernier) • Juin 2019 : date limite d’envoi des articles • Décembre 2019 : retour de l’évaluation des articles • Février 2020 : remise de la version finale des articles • Juin 2020 : parution du numéro INFORMATIONS PRATIQUES • Les propositions ne dépasseront pas trois pages. • Les articles complets ne dépasseront en aucun cas 40 000 signes (espaces et notes comprises). • Les articles pourront être rédigés en français ou en anglais. La version finale de l’article devra comprendre un résumé rédigé dans l’autre langue. • La feuille de style et les consignes rédactionnelles se trouvent à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/lidil/3304?file=1.
Call for papers Lidil, n° 61 CONTEMPT IN DISCOURSE COORDINATORS Geneviève Bernard Barbeau (Université du Québec à Trois Rivières, CRIFUQ) Claudine Moïse (Université Grenoble Alpes, LIDILEM) Over the last two decades, there has been an abundance of work on verbal violence (Moïse, Auger, Fracchiolla & Schultz-Romain, 2008), on confrontational discourse (Vincent, Laforest & Turbide, 2008) and on controversy (Amossy 2014; Hayward & Garand, 1998). Among acts of pejorative characterization (Laforest & Vincent, 2004) that are inherent to verbal violence (Moïse, Meunier & Romain, 2015) and characterized by the discrediting of the other, direct and explicit acts, such as provocation (Arrivé, 2008), insult (Lagorgette, 2003; Rosier 2006), threat (Laforest, Fortin & Bernard Barbeau, 2017), blame (Laforest, 2002) and slander (Mougin, 2006) have all been rather well described. In contrast, among indirect acts, contempt has not yet been the object of much research, at least from a linguistic point of view. It is precisely this angle we wish to highlight in the 61st issue of the journal Lidil. To despise (mépriser) means to not value or to attribute very little value to a being or a thing. In French, the word méprise (meaning an error, a misunderstanding), which is close, etymologically speaking, refers to another kind of wrong valuation or assessment of a situation. Feeling and expressing contempt for meanness and abjectness is part of the system through which we construct our values. “We need to feel, freely, contempt or adoration, not only to reach a realistic assessment of the external reality, but also to be able to achieve a selective identification, by absorbing the desirable qualities and, on the contrary, by stopping or getting rid of less desirable personality traits we observe amongst other people.” (Searles, 2008, p. 521) Therefore, contempt – and reciprocally the ability to perceive oneself as contemptible in given circumstances – refers to our sphere of values and identifications to models we are striving to reach. Contempt can also be a defence mechanism which enables us to protect ourselves against potential frustrations. Conversely, contempt turns destructive from the moment it becomes a mean to improve one’s self image by default, i.e. a mechanism through which belittling other people, their values or ideals, helps someone feel superior. Contempt is all the more destructive when it revives in the despised person more or less conscious wounds which are going to increase the feeling he/she has of being worthy of contempt. This is particularly true if the despiser is a person held in high esteem. From the perspective of social philosophy, beyond the sheer individual dimension, capitalistic excesses and social injustices have come to be tolerated, even justified, due to some degree of social control and within the frame of an ideology of profit. The sufferings thus caused create what Axel Honneth (2006) calls social pathologies, born out of a lack of social recognition and a widespread feeling of contempt. Under such circumstances, contempt adds fuel to a discourse “against”, helping the domination of one person or group over another. It is then possible to detect it and to observe the mechanisms of its production.
We invite any contribution which, adopting a linguistic, sociolinguistic, inter-relational and/or discursive perspective, whether diachronically or synchronically, will help define the notion of contempt, choosing among one of the following approaches: 1) Descriptive approach Discourse acts are characterized by specific lexical and syntaxical forms, and by some pragmatic effects especially at work in the co-building of interaction. It would be interesting to show what linguistic characteristics and what discursive processes are found at the basis of the act of contempt. 2) Pathemic approach Contempt is an indirect discourse act, but it needs to be related to negative emotions that underlie or fuel it, such as frustration or resentment close to anger (Angenot, 1997; Bernard Barbeau 2015; Ferro, 2008), shame (Bretegnier, 2016; Cyrulnik, 2010; de Gaulejac, 1996) or disgust (Margat, 2011). It would be interesting to study how, from a pathemic angle, such emotions are consistent with the act of contempt, how they can be spotted in discourse or interaction, and what argumentaive strategies they resort to. 3) Pragmatic approach Other acts of discourse, such as disdain (Koselak, 2005), denigration (Vincent, Turbide & Laforest, 2008), mockery and teasing (Charaudeau 2013; Rainville, 2009), humiliation (Haroche, 2007; Miller, 1993), indifference (Cupa, 2012) and slander (Lagorgette, 2012) are close to the pragmatic effects of contempt, since they aim to seize power over others, be it at an individual level or between social groups. It will be worth studying how to distinguish contempt from other related discourse acts and how to define its pragmatic characteristics. 4) Intersubjective approach Contempt is most certainly the outcome of various emotional states and processes at work. It could also be viewed in relation to the effects it is likely to cause to others in the intersubjective relation: self-deprecation (Bres, 1993), auto-odi or self-hatred (Garabato & Colonna, 2016; Kremnitz, 1981) and silence (Oger, 2006), to name but a few. The processes of reversal when faced with contempt, such as the mechanisms of self- promotion or pride (Heller & Duchêne, 2012) or humour (Charaudeau, 2006), would also be worth studying. Proposals, no longer than three pages, may tackle various aspects of linguistics (description, educational practices, sociolinguistics of minorities, political speeches, everyday interactions, etc.) and rely on various approaches (linguistics, speech and interaction analysis, linguistic representations, gender relations, etc.). They will have to present contextualized data, derived from corpus which will be the foundation of an empirical analysis. ADDRESSES TO SEND PROPOSALS genevieve.bernardbarbeau@uqtr.ca claudine.moise@univ-grenoble-alpes.fr
CALENDAR • December 15th: deadline for sending contribution proposals • February 2019: notice of acceptance or refusal of proposals (a positive answer will mean encouragement to submit an article but not necessarily its acceptance) • June 2019: deadline for sending the articles • December 2019: final assessment and editing of the articles • February 2020: sending of the final version of the articles • June 2020: publication of the issue of the journal PRACTICAL INFORMATION • Contribution proposals must not exceed three pages. • Full articles will not exceed 40,000 type characters (spaces and footnotes included). • Articles may be written in French or English. The final version of the article will include an abstract in the other language. • The style sheet and editorial instructions can be found at the following address: https://journals.openedition.org/lidil/3304?file=1.
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Appel à contributions pour la revue Lidil Numéro 62 – publication prévue en déc. 2020 Katja Ploog, coordinatrice **** English version below **** L’origine interactionnelle de la syntaxe L’origine du langage et la structuration des langues du monde a passionné les scientifiques et philosophes de tous horizons depuis toujours. Longtemps bannie des « sciences » du langage en raison de son caractère spéculatif, la question est vraisemblablement constitutive de l’homme et de sa capacité réflexive, elle-même liée au langage. Sur fond d’études de plus en plus nombreuses en éthologie, anthropologie et sciences cognitives, elle revient à être débattue en linguistique aujourd’hui. Le numéro 62 de LIDIL se propose de thématiser les enjeux interactionnels dans la formation des structures syntaxiques, en mettant en perspective des propositions historiques de la discipline par des résultats d’études linguistiques contemporaines. Partant de l’hypothèse que la nature humaine est sociale (p.ex. Tomasello, 2008), nous souhaitons voir expliciter l’idée que l’interaction constitue le lien entre l’ordre du langage et la syntaxe des langues humaines 1 : c’est dans l’interaction que prend place l’ensemble des processus de développement du langage et des langues. Les plus grands philosophes des Lumières — dont Herder (1772), Rousseau (1781) et Condillac (1798) — puis les théoriciens du langage au 19e siècle — de W.v. Humboldt (1822) à M. Müller (1861-1864) et Whitney (1875) — ont proposé leurs conjectures sur l’origine du langage. La dimension syntaxique est, quant à elle, apparue tardivement dans la réflexion sur les structures langagières, longtemps focalisée sur la constitution des unités sémantiquement autonomes. Ce n’est qu’au seuil de la Grammaire générale à la Grammaire comparée que l’on a commencé à appréhender plus clairement la relation variable entre la syntaxe (qui construit l’énoncé) et la morphologie (qui construit le mot), pour distinguer, progressivement, différents types de relations syntaxiques. Et c’est encore plus tardivement que la linguistique a consacré l’interaction comme objet d’étude à part entière ; aujourd’hui, néanmoins, la complexité des évènements communicatifs est le chantier majeur de différentes orientations de recherches en sciences du langage. Dans quelle mesure l’interaction résonne-t-elle dans la syntaxe des langues, de toutes les langues ? Quels types de caractéristiques de la syntaxe font comprendre celle-ci comme émergence interactionnelle ? En interrogeant l’origine interactionnelle de la syntaxe, c’est le lien entre Alfred et parle2 que nous souhaitons ré-interroger, en tant qu’il porte en lui l’essence de toute théorie syntaxique, qui se déploie dans les deux dimensions de l’observation de l’ordonnancement linéaire, et de l’explicitation de la structuration des séquences en règles, contraintes, tendances ou composants. Tallermann (2013) décrit la syntaxe des langues humaines par les deux 1 En écho à François (2011, p.9), pour qui la syntaxe constitue le « chainon manquant » entre le développement du langage et l’évolution des langues. 2 Première phrase-type commentée dans les Éléments de syntaxe structurale de Tesnière (1959).
caractéristiques majeures suivantes, supposées universelles : les entrées d’une même catégorie sémantique se distinguent par des schèmes constructionnels (ou prédicatifs : frames) différents ; les entrées relèvent par ailleurs tendanciellement de deux types de classes lexicales, respectivement ouverte ou fermée, à savoir, les morphèmes lexicaux et fonctionnels/grammaticaux, indépendamment de leur intégration morphosyntaxique. Les entrées de type fonctionnel sont supposées être issues de morphèmes lexicaux, désigné comme processus de grammaticalisation (Bybee & Hopper, 2001). Dans cette perspective, le codage conceptuel peut être considéré comme premier, et le développement grammatical comme tardif (cf. aussi Nowak et coll., 2000). Comment les principes structurants de l’interaction déterminent-ils l’ordre du langage ? L’émergence structurelle dans l’interaction Processus et produit à la fois, l’interaction peut être caractérisée par trois vecteurs au pouvoir structurant certain : elle est adressée, inscrite dans le temps et co-extensive au contexte d’énonciation. — Dans quelle mesure ces caractéristiques déterminent-elles les relations syntaxiques ? 1. Altérité, co-construction. Dès lors que c’est la présence d’un Autre qui conduit l’Humain à manifester sa perspective propre, l’interaction est la donnée sous-jacente à l’apparition même du langage. Il est notable en effet que la plupart des théories argumentent non pas avec le langage per se, mais avec sa manifestation en actes : incidence syntaxique naturelle, l’énoncé est l’unité élémentaire du langage comme mode d’action et de représentation du monde expérimenté. En étant adressé, l’énoncé porte les traces d’une co-présence de deux sujets, et, le cas échéant, de leur collaboration. Écouter et comprendre un autre dans le but d’agir de concert implique la prise de conscience du dédoublement des perspectives, puis, la coordination des réalités divergentes. Le contrôle de l’activité propre structure la conscience de soi puis la perception de l’objet. La tradition de l’analyse du discours s’inspirant de Bakhtine (1929) — et remontant au moins jusqu’à Humboldt (1836-1839) — décrit en terme d’altérité la perception de soi, du contexte et des entités qui le constituent, en terme de créativité la capacité à la représenter de manière singulière. Restera à expliciter le chemin parcouru depuis le premier signe perçu évoqué jusqu’à la constitution d’un cadre de prédication offrant des possibilités infinies à l’individu. L’hypothèse que le développement du langage est lié à l’intention de faire avec l’Autre semble aujourd’hui corroborée par des fouilles archéologiques qui ont établi l’existence de techniques de construction remontant très loin au-delà du Néandertalien, et qui requièrent une collaboration structurée que l’on ne peut envisager sans échanges correspondants dans un langage articulé (pour un exposé détaillé, cf. Coupé 2003). Dans le même ordre d’idées, Jackendoff (1999) souligne la plus-value apportée par une communication élaborée dans l’approvisionnement en nourriture. Plus encore, l’on peut faire l’hypothèse que le renforcement de liens entre individus constitue le fondement même du langage, de nature intrinsèquement sociale, véritable « instinct » de coopération ancré ontogénétiquement dans l’attention partagée, basée sur la capacité à faire des inférences à partir d’un common ground (Tomasello, 2008 chap.3).
A un niveau élémentaire, la conventionnalisation d’une pratique établit entre individus un lien durable au-delà de l’instant T de la coopération. La coopération durable par des moyens symboliques peut donc être considérée comme véritable technologie ; à ce titre, la syntactisation du langage humain apparait comme métaphore du monde social (Givón, 1979, 2005 ; Halliday, 1978), où la complexification des modalités langagières va de pair avec la constitution des communautés de locuteurs, qui rend nécessaires les échanges et favorise la création de savoirs partagés. Dans la philosophie du langage de Humboldt (1824) l’on trouve développée la notion de forme interne (notion proche de celle de la structure en linguistique moderne) comme congruente de la « vision du monde » d’une communauté de locuteurs. 2. Indexicalité, émergence. Dans la continuité des théories de la Grammaire comparée, de nombreuses études actuelles concluent à la « grammaticalisation » progressive des langues par l’évolution des langues isolantes par les agglutinantes vers les langues flexionnelles, qui reconduit globalement le postulat de la primauté de la compétence lexicale sur la compétence syntaxique, corroborée par de nombreuses études en pathologie et acquisition du langage (Rondal, 2000 ; MacWhinney, 2017), dans les langues gestuelles (R. Clark, 1978 ; Corballis, 2014) ou encore dans les processus de créolisation (Bickerton, 1990). Hombert & Li (2000) suggèrent un modèle de complexification du langage en deux étapes qualitativement distinctes, conditionnées, respectivement, par des facteurs physiologiques et socioculturels. Jackendoff (1999) propose un ensemble d’étapes constitutives de l’évolution de l’activité non verbale jusqu’à l’activité linguistique syntaxiquement développée, susceptibles de variation dans l’ordonnancement. En premier lieu, émerge la capacité à émettre des signes-symboles élémentaires ou des signaux « découplés ». L’évocation (re-création) de la catégorie en différé repose sur le dépassement de l’immédiateté émotionnelle et perceptive et construit une mémoire de l’expérience. L’élaboration des modalités de communication symboliques requiert en effet la prise de conscience de soi, qui rend possible la perception d’une figure comme entité distincte de soi-même, l’association d’une forme symbolique, sa reconnaissance et, enfin, la possibilité de communiquer à propos d’elle (Deacon, 1997 ; R. Clark, 1978). En corollaire à la capacité de s’intéresser à autrui aurait donc émergé celle de l’abstraction. La mise à profit de la technique de découplage du signe de son contexte immédiat, conduit au développement d’une proto-phonologie (MacNeilage, 2008), assurant la stabilité formelle des oppositions créées. Non loin de la thèse du cri chez Rousseau (1781) sur ce point, Schuchardt (1919) identifie comme énoncé élémentaire — à la fois « monolithique » et originel — l’exclamation prévenant l’interlocuteur d’un danger. A minima, l’acte d’énonciation — manifestation du jugement (voir Biard, 2015) — constitue la mise en relation d’un terme-concept avec une réalité perçue. Dans cette perspective, le langage primitif n’est pas constitué de mots mais d’énoncés holophrastiques, dont la conventionnalisation aurait induit petit à petit l’analyse en unités conceptuelles combinées. Un rapprochement s’impose alors avec les productions holophrastiques et le traitement synthétique des constructions dans les premiers stades d’acquisition du langage (Baldwin, 2002 ; Slobin 2002 ; E. Clark, 2003) et, dans certains cas, des langues secondes (W. Klein, 1996 ; Perdue, 1992), où le locuteur mémorise une construction — un mot ou un message complet — en bloc avec la situation d’emploi correspondante, pour la remobiliser dans une situation équivalente. Bien que constitué de
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