Le Cabinet des Larmes - Auteur : Christophe Tostain -Extrait
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Le Cabinet des Larmes Auteur : Christophe Tostain -Extrait-
Personnages : - Lindi - Bill the fridge (anciennement réfrigérateur transformé au fil des années en intelligence domotique artificielle) - Contrôleur SS44 - Gatta - Des vieux hommes - Des vieilles femmes - Des voix Note : pour les rêves de Lindi, les paroles des vieux et des vieilles sont à dire d’une façon strictement aléatoire en suivant le temps indiqué de la durée du rêve. 2
Quelque part, dans une ville démesurée, dans un bloc déshumanisé, dans une tour délabrée, dans un appartement aseptisé vit Lindi, l’un des derniers poètes survivant, peut- être le dernier, qui sait… 3
26 janvier. Télésurveillance 36422. Caméra optique 62-13. Bloc Nord 8472. Zone respirable 731 sous Climatisation Universelle Eusaport. Pression atmosphérique 1029Hpa. Température extérieure 24.4° celsius. Température intérieure 28° celsius. Rien à signaler…. 30 secondes…. 25 secondes…. 20 secondes….15 secondes…. 10…9… 8… 7… 6… 5… 4… 3… 2… 1… 4
Lindi’s WebCamBlog. Fragment du matin Lindi …j’écris pour qui ? J’écris pour qui ? J’extrais mes idées des enfeux de mes pensées. Tiens. Première du jour. Est-ce ? Est-ce que ? Est-ce que je vais sortir aujourd’hui ? Ce serait bien. Que je sorte un peu. Oui. Un peu. Histoire de. Prendre un peu l’air. Histoire de. Respirer. Mais. Sans doute je respire mieux ici. Que dehors. Va savoir. Regarde. Le temps. Tout triste. Bientôt le froid. Dans quelques jours je crois. Oui. C’est ça. C’est bien ça. Dans quelques jours. Je vais commencer à avoir froid. Mais ce qui est bizarre c’est cette chaleur. Malgré la Climatisation Universelle. Et dehors. Il fait encore plus chaud. Ah. Oui. Aujourd’hui. Il faut absolument que je pense au domofridge. Interroger le domofridge. Il faut. Que j’y pense. Il faut que j’y pense. Y penser. Y penser. Je vais le noter. Oui. Mais non. Si je le note je vais oublier. D’y penser. Je me connais. Parce que. Si je le note quelque part tout s’inscrira ailleurs. Que dans ma mémoire. Ailleurs. Bien ailleurs. C’est stupide. Se lever le matin et n’avoir comme seule idée en tête que son domofridge. Complètement stupide. Je dois toujours toujours penser à des choses bassement matérielles qui m’indiffèrent. Je sens mon abnégation s’effacer. De jour en jour. Je sens ma seule force qui légitime mon existence s’effriter. Comme une feuille morte. Parfaitement. Mais. Bon. Je parviens encore à me coucher. A dormir. Profondément. Rêver. Me taire. Regarder. Contempler. Observer. Ecouter. Orienter mon désir vers des choses simples. Je ne demande rien à personne. Surtout que personne ne vienne me demander quoique ce soit. Que me demanderait- on ? Je suis incapable de faire autre chose que ce que je sais faire. Je ne vois pas qui viendrait s’échouer ici. Au hasard. D’une tempête extérieure. Non. Qu’on me laisse tranquille. Bon. Aller. Arrête de pavoiser pour rien. Tu te rumines comme une vache. Tu perds ton temps. Qu’est-ce que tu vas faire ? Avant de t’occuper de ton domofridge ? Tu poursuis tes tentatives poétiques ? Tu attends ? Tu te reposes ? Tu vas courir ? Oh. Oui. Un peu d’exercice. Cela fait si longtemps que je n’ai pas couru. Combien de temps arriverai-je à tenir ? Maintenant on nous impose de courir avec un masque à oxygène. Depuis le Grand Plan de Lutte contre le Cancer des Poumons. Pour éviter toute mauvaise surprise. Un masque. Je n’en ai pas. Bon. Alors. Qu’est-ce que tu décides ? Qu’est-ce que tu décides ? Qu’est-ce que tu décides ? Qu’est-ce que tu vas faire ? Je ne sais pas. Pour l’instant. Si je vais poursuivre oui non. C’est difficile. Ce matin. Je n’ai pas un mot. Pour commencer. Même pas une image. Même pas un souvenir. Je me traîne. J’ai bien dormi pourtant. Malgré ces voisins de merde. Qui me font chier. Depuis qu’ils sont arrivés. Avant avec le voisin précédent j’étais tranquille. J’étais bien. Il était discret. Respectueux comme une ombre. Mais là. A côté. Comment font-ils pour vivre tous ensemble dans une même pièce ? A neuf. Dans une seule pièce. Avec un chien. Un jour. Un jour viendra. Je serai à bout de nerf. Oui. Un jour. J’arriverai au bout de mes nerfs. Comme on arrive au bout d’une rue. Sans issue. Parce que je n’aurai pas réussi à trouver un espace pour me reposer. Et là je crois que je tuerai leur chien. Pour qu’il arrête d’aboyer. Du soir au matin. Le chien. Avant de le tuer je le regarderai. Droit dans les yeux. Je lui dirai tu sais mon toutou j’ai été patient mais là tu as dépassé les 5
limites oui je sais bien mon pauvre toutou ce n’est pas de ta faute tu n’as rien demandé à personne et tes maîtres pourraient se passer de toi parce que pour eux avoir un môme ou un chien c’est pareil. Oui. Ce n’est pas de ta faute non plus si les murs des appartements sont en papiers. Et puis je lui expliquerai que sa vie est bien inutile. Qu’elle ne sert à rien du tout. Qu’elle encombre tout le monde. Comme. Non. Pas plus que la mienne. Et puis. Je lui flanquerai un bon gros coup de poing. Sur sa truffe. Ou non. Je lui écraserai la cage thoracique. D’un grand coup de pied. Ou non. Mieux. Je lui cognerai la tête. Dans le mur. Oui. Et puis tiens je frapperai aussi le voisin père. D’une grande claque. Parce qu’il ne me fait pas peur. Il est si petit. Et je frapperai sa femme. Et tous ses gamins. Surtout le grand. Qui est petit aussi. Qui ne me dit jamais bonjour dans l’escalier. Qui fait comme si je n’existais pas. Ah oui. Je lui flanquerai bien une bonne grosse tarte. Voire même un aller retour. Histoire de lui décoller la tête. Histoire de lui dire eh oh il y a des gens autour de toi il y a des humains des vivants des individus qui forment encore une société dans laquelle existent des règles de savoir vivre alors eh oh on se réveille on vit on fait attention à son entourage. Oh. Oui. Une vraie bonne beigne. Ce serait pour le ramener à la vie. Tu dis ça mon pauvre Lindi mais. En es-tu capable ? Très bonne question. Oui. C’est vrai je. N’ai jamais fait du mal à qui que ce soit. Enfin. Une fois j’ai. Pour dire. La violence me fait peur. Mais. La violence m’attire. M’aspire. Comme un vide. Alors une fois je. Non. Le môme. Je ne sais même pas ce qu’il voit dans ses lunettes virtuelles. Et j’aime bien les chiens. Moi. Je préfère les chiens aux chats. Peut-être qu’un jour. J’en aurai un. Quand je ne saurai plus écrire une ligne. Où plutôt quand je ne pourrai plus écrire. Une seule ligne. Parce que toutes les possibilités toutes les combinaisons de mots auront été usées. Epuisées. Que je serai en quête d’un nouveau langage. Mais comme je serai vieux je n’en aurai plus la force. J’arrêterai d’écrire. Alors il faudra bien que je m’occupe. Je m’occuperai d’un chien. Je lui apprendrai à mordre. Les voisins. Et toi. Peut-être que ça te fera revenir à la maison. Oui. D’avoir un bon gros chien. En attendant t 'es où ? Toi ? Hein ? T’es où ? T’es où qu’est-ce que tu fais ? Vas-tu revenir oui ou non ? Ce vide. Ce vide. Où es– tu ? Des nouvelles. Avoir de tes nouvelles. C’est tout ce que je demande. Pour vivre mieux. Savoir ce que tu fais. Comment tu vis. Voilà. C’est tout. Après basta. M’ajourner des souvenirs mauvais. Capituler avec toi. J’ai tant de silences à te raconter. Où es-tu ? Disparue. Disparue. Et moi. Seul sur le pavé. Comme un chien écrasé. Moi le cœur comme de la bouillie. Moi j’en crève. Oh. Que ça cesse. Du calme. Mon pauvre Lindi du calme. Tous les matins tu rabaches tu ressasses. Bon. Je vais peut-être me mettre à travailler. Chut. Décontraction. Ah. Oui. Le domofridge. Chut. Chut. Assouplissement du cou par une légère torsion vers la droite assouplissement du cou par une légère torsion vers la gauche. Déraidir. Vide vider vide vider vide vider. 6
Centrale de Surveillance Individualisée. Etiquettes relevées de 7h31 à 7h48. 61. (Lindi fait le vide) 62. (Lindi chasse toutes les pensées de son blog matinal.) 63. (Lindi s’allonge sur son tapis d’Orient EUSAPORT fabriqué en Pologne par les entreprises DYWAN.) 64. (Lindi se détend.) 65. (Lindi écoute une chanson ruine.) 66. (Lindi se concentre sur ses oreilles qui se délectent des paroles anciennes de la chanson ruine.) 67. (Lindi chante les paroles d’amour de la chanson ruine.) 68. (Lindi pleure d’une intensité moyenne) 69. (Lindi est surpris par cette émotion légère) 70. (Lindi se repose.) 71. (Lindi étire ses muscles au plus profond des tissus.) 72. (Lindi lève le pied gauche qui lève la jambe gauche qui lève le genou gauche qui lève la cuisse gauche) 73. (Lindi plie quatre fois le gros orteil du pied gauche) 74. (Lindi pose la cuisse gauche qui pose le genou gauche qui pose la jambe gauche qui pose le pied gauche) 75. (Lindi se repose) 76. (Lindi se détend) 77. (Lindi respire calmement) 78. (Lindi perd une larme sur son tapis d’Orient EUSAPORT fabriqué en Pologne par les entreprises DYWAN.) 79. (Lindi ne pleure plus) 80. (Lindi va à son lavabo) 81. (Lindi se lave les mains) 82. (Lindi utilise son savon INVESIS, produit du groupe ESSEA, filiale d’ EUSAPORT) 83. (Lindi se lave le visage) 84. (Lindi se regarde dans son petit miroir fissuré) 85. (Lindi marmonne maintenant des mots matériaux) 86. (Lindi grimace) 7
Tentative poétique. Lindi (en parlant dans un antique dictaphone numérique DICTEUSAPORT) Trois Quatre Trois Quatre. Nous sommes le 26 janvier. Il est exactement 7h49. Tentative poétique n°1251. Hum. Hum !… Trois, deux, un, top : déjà/ prestement/ promptement/ déshabillés/ déjà déshabillés/ dénudés/ prestement dénudés/ prestement déshabillé/ déjà dénudés/ promptement/ dénudés/ promptement dénudés/ en attendant la pluie/ promptement dénudés/ sans attendre/ la/ pluie/ le/ jour/ sans attendre le jour/ promptement dénudés/ sans attendre/ le jour/ sans attendre/ la nuit/ promptement dénudés sans attendre la nuit/ la pluie/ l’orage/ sans attendre la pluie/ et/ l’orage/ sans attendre la pluie/ un orage/ ou la nuit/ je t’ai/ allongé/ je t’ai/ couché/ tu m’as je t’ai/ sans attendre la pluie / un orage ou la nuit/ je/ nous/ tu/ nous nous/ sommes/ allongés/ sans parler/ sans un mot/ muet/ nous nous allongeons/ muets/ dans/ nos draps/ dans/ nos draps froissés/ délavés/ dans/ nos draps délavés/ mes doigts/ mes caresses/ les caresses/ de mes doigts/ de mes doigts coupables/ les caresses coupables/ de mes doigts/ les empreintes/ de mes doigts/ de mes empreintes/ sur ton corps/ mes empreintes coupables/ sur ton corps / sur ton corps/ étendu/ sur ton corps/ assoupi/ mes empreintes coupables/ impies/ mes empreintes impies/ sur ton corps/ assoupi/ te réveillent/ te réchauffent/ réchauffent/ réchauffent tes parois/ enneigées/ font fondre/ dégèlent/ dégèlent des névés/ dehors/ dans/ la ville/ dans/ la rue/ dans/ les rues de la ville/ dans/ les rues frigides de la ville/ sous l’eau/ la crainte/ la crainte pèse/ comme/ la chaleur/ dans/ les rues frigides de la ville humide/ la crainte pèse/ la crainte plombe/ la peur plombe l’air/ lourd/ et/ les chiens/ les chiens loups/ les loups/ les loups des zones/ des blocs/ des quartiers/ les loups/ des quartiers/ des quartiers illégaux/ des quartiers illicites/ les loups anthracite/ des quartiers illicites/ marchent/ chassent/ passent/ à pas de velours/ errent à pas de velours/ et nous/ nous/ dedans/ dedans/ notre lit/ nous échoués/ dedans/ nous/ sur notre lit radeau/ ta peau/ ta peau/ se réveille/ ta peau/ souriante/ ta peau/ impatiente/ se réveille/ ta peau/ accueillante/ s’éveille et s’impatiente/ à l’ombre des/ à l’ombre du/ à l’ombre de/ à l’ombre de mes mots/ à l’ombre du rideau/ tout en te/ tout en te/ déshabillant/ en te déshabillant/ de ma main/ incandescente/ en découvrant/ en ajourant/ en effeuillant/ ton/ ton dos/ de ma main/ brûlante/ ardente/ de ma main ardente/ ton/ tes ton/ tes ta/ ta/ ta nuque/ ta nuque incandescente/ indécente/ ta nuque indécente/ me plonge/ me noie/ me recouvre/ d’eau/ recouvre mon corps/ d’eau/ qui transpire/ je transpire/ et j’expire/ pour une bataille/ j’exhumerai tes désirs / je transpire/ et j’expire/ pour tes/ soupirs/ exhumant tes/ soupirs/ je me donne/ à toi/ je me donne/ au combat/ je me livre/ je me livre/ au combat/ et je fane/ et je flétris/ ta fleur/ et j’offense/ ta fleur/ agitée/ et j’offense/ ta fleur agitée/ angoissée/ de ma lame affutée/ de mon dur/ de mon dur coutelas/ (silence, souffle puis reprise) Acte poétique n°1251 : Promptement dénudés sans attendre la pluie un orage ou la nuit nous nous allongeons muets Sous nos draps délavés mes empreintes impies sur ton corps assoupi dégèlent des névés 8
Dans les rues frigides de la ville humide la peur plombe l’air lourd Les loups anthracite des quartiers illicites errent à pas de velours Sur notre lit radeau ta peau accueillante s’éveille et s’impatiente sous l’ombre du rideau En effeuillant ton dos de ma main ardente ta nuque indécente recouvre mon corps d’eau Je transpire et j’expire exhumant tes soupirs je me livre au combat Et j’offense ta fleur agitée angoissée par mon dur coutelas 9
Bill the fridge. Lindi Bonjour Bill Bill Avec plaisir. Bonjour Lindi Lindi Je viens te consulter. Cher Bill. Voir un peu l’état de ton contenu. De ce qu’il te reste. Dans ton petit ventre. Bill Avec plaisir Lindi. Tu as treize jours de retard. Lindi C’est grave ? Bill Avec plaisir Lindi. Que souhaites tu savoir exactement ? Lindi Tout. Bill Avec plaisir Lindi. Enregistre ton poids de ce jour. Lindi 63.5 kg. Alors ? Bill Avec plaisir Lindi. Ton indice de masse corporelle est de 16.4. Tu es maigre moyen plus. Lindi Merci pour le petit « plus ». Dis moi le diagnostique. Bill Avec plaisir Lindi. Diagnostique du compartiment fruits légumes : reste une tomate déshydratée – péremption d’ici trois jours. Diagnostique du compartiment viande : vide. Diagnostique du compartiment poisson : vide. Diagnostique du compartiment fruit : reste deux pommes Goldeusaport – péremption d’ici trois semaines. Diagnostique du compartiment boisson : reste deux litres d’eau potable en poudre. Diagnostique du compartiment des laitages : reste une crème de soja saveur « anis - champignon des bois » périmée depuis cinq jours. Diagnostique du compartiment divers : reste douze tablettes hyper-protéinées, huit gélules dîner de la mer, trois sachets plateaux de fromages forts, deux pilules repas du monde. Diagnostique vital : tu as encore trois repas revitalisants de disponible. Diagnostique du complément : passer une commande de réapprovisionnement complet. 10
Lindi Je veux un autre choix. Je ne veux pas une commande de réapprovisionnement complet. Bill Avec plaisir Lindi. Aucun autre choix n’est actuellement disponible. Lindi Pourquoi ? Bill Avec plaisir Lindi. Aucun autre choix n’est actuellement disponible. Lindi Bon. Que me proposes-tu ce mois ci mon cher Bill ? Bill Avec plaisir Lindi. Nous avons ce mois-ci une nouvelle gamme de produits qui fera la joie de ton compartiment fruits légumes : les fruits hybrides Goldeusaport de dernière génération conditionnés en tablettes de vingt-quatre gélules comme les merveilleuses banananas à la fraise ; les fantastiques pommoignons à la framboise ; les extraordinaires poirtichauts à la figue ; les subtils betteradis noirs à l’orange ; sans oublier les betteravocats aux fruits exotiques ; les surprenantes clémentolées à la vanille ; les succulentes… Lindi D’accord. D’accord. Appétissant. Bill Avec plaisir Lindi. Maintenant je calcule ton réapprovisionnement pour le mois en fonction de ta masse corporelle. Lindi Et moi je veux rester comme je suis. Bill Avec plaisir Lindi. Aucun autre choix n’est disponible. Lindi Quel monde ! Bill Avec plaisir Lindi. Les compartiments seront très prochainement réapprovisionnés en aliments frais, en aliments irradiés, en aliments partiellement déshydratés, en aliments réhydratables en aliments thermostabilisés pour une durée de trente jours et une capacité de trois repas jours d’une moyenne de 2536 calories. Pour passer ta commande, dis « je valide ma commande ». Lindi Et si je ne veux pas ? 11
Bill Avec plaisir Lindi. Aucun autre choix n’est disponible. Lindi Je valide ma commande. 12
INTERMEDE Contrôleur SS44 C’est agréable, non ? Qu’en pensez vous ? D’être ici. Assis. Là. Simplement. Ensemble. Comme vous ma femme et moi aimons nous distraire. Nous éprouvons beaucoup de plaisir ensemble à satisfaire notre curiosité intellectuelle. Je remarque que, les années passant comme une roue sur le chemin du désert, une petite sortie fait souvent naître en elle une plus grande disponibilité pour me recevoir, moi et mon raide désir. C’est-à-dire. Nous sortons, nous nous amusons, nous rentrons, jamais bien tard évidemment, puis nous nous couchons, et là, bon, je vous épargne publiquement les détails. Mais qu’en pensez vous ? Etrange non que la femme s’assouvisse de si peu. Chaque fois j’en reste pantois. 13
Centrale de Surveillance Individualisée. Etiquettes relevées de 21h47 à 21h59. 137. (Lindi baille) 138. (Lindi affiche le soulagement du travail accompli) 139. (Lindi étire ses bras vers le plafond, d’abord le bras droit, puis le bras gauche, puis les deux en même temps) 140. (Lindi ressent pleinement le temps d’une journée qui s’achève) 141. (Lindi boit un verre d’eau potable en poudre EUSADRINK) 142. (Lindi soupire deux fois) 143. (Lindi absorbe une gélule dîner de la mer) 144. (Lindi savoure la demi douzaine de bulots, la douzaine d’huîtres et le dos d’Espadon façon Riviera) 145. (Lindi rote trois fois) 146. (Lindi va à sa fenêtre) 147. (Lindi contemple les milliards de lumières urbaines chatoyer dans la nuit noire) 148. (Lindi est invisible aux yeux des milliards d’hommes et de femmes qui l’entourent) 149. (Lindi éprouve une grande solitude teintée d’une légère angoisse) 150. (Lindi se déshabille entièrement devant sa fenêtre) 151. (Lindi est nu devant sa fenêtre) 152. (Lindi regarde le reflet de sa maigre nudité dans la fenêtre) 153. (Lindi se couche dans son lit péruvien EUSAPORT, fabriqué par les entreprises PUNUNA en Belgique) 154. (Lindi s’endort profondément la bouche ouverte) 14
(…) 28 février. Télésurveillance 83856. Caméra optique 62-13. Bloc Nord 8472. Zone respirable 731 sous Climatisation Universelle Eusaport. Pression atmosphérique 1012Hpa. Température extérieure 26.8° celsius. Température intérieure 28° celsius. Rien à signaler… 30 secondes…. 25 secondes…. 20 secondes…. 15 secondes…. 10…9… 8… 7… 6… 5… 4… 3… 2… 1… 15
Lindi’s WebCamBlog. Fragment de l’après-midi. Lindi …les mots virevoltent dans ma bouche. Frémissent sur ma langue. Font bouillir ma salive. Glissent sur mes dents. Mais. Mon Lindi. Tu es lent à l’ouvrage. Surtout en ce moment. Pourquoi ? Je ne sais pas. Plus les jours les semaines les mois les années passent, plus j’accouche des combinaisons de mots, plus je sens mon écriture s’appauvrir. Ou. Plus exactement. Je sens ma capacité d’écrire s’éreinter. Est-ce irrémédiable ? Docteur ? Est-ce que je vais m’en sortir ? Est-ce une légère saturation qui vient m’envahir au fil des jours difficiles de l’hiver ? Peut-être. Je pourrais prendre quelques vacances. Est-ce que un poète peut prendre des vacances ? Est-ce que je suis un poète ? Ça c’est une question. C’est quoi un poète ? Un vrai poète ? Aujourd’hui surtout. En existe t’il quelque part ? Depuis les résolutions draconiennes imposées par la Mesure de Moralisation. Mesure cadre du Plan de la Grande Réforme Intellectuelle. La grande lessive. Qui n’a fait que serrer les ceintures autour des cervelles. Qui les serre encore. Jusqu’à la rupture d’anévrisme. Tout ça pour nettoyer la société. De toute tentation. De toute subversion. De toute dérive jugée dangereuse pour la santé mentale d’autrui. Partout ont été dressés des interdits. Interdit la création. Interdit la liberté d’expression. Interdit l’expressivité. Interdit l’art. Interdit la contemplation. Interdit la réflexion. Interdit la philosophie. Interdit la libre circulation. Interdit la libre intimité Nous sommes dans le Tout Interdit. Le Tout Surveillé. Le Tout Contrôlé. Le Tout Calculé. Chacun se doit de faire attention à ne pas déborder du cadre moral imposé. A rester contenu. Interdit de naviguer dans la marge. Marcher dans la rue devient un exercice de style. Faire un pas de côté comporte beaucoup de risques. Le risque de marcher dans la merde. Et de sentir la merde. Moi je survis. Qu’on me laisse tranquille. Je ne demande rien à personne. Oh. J’ai chaud. Qu’est-ce que j’ai chaud. Oh non ! non ! non ! Tout ce bruit ! Encore une fête populaire ! Une de plus. Hier c’était la Grande Fête Populaire de la Sodomie. Organisée pour que le peuple entier s’adonne à la sodomie. Synchronisée à une heure bien précise. Afin de diminuer le nombre de flatulences humaines. Pendant quelques minutes. Pour ralentir le réchauffement climatique. Et aujourd’hui ? C’est la fête de. Quoi. Ah. Non ah oui. C’est le Grand Plan de Décafardisation. C’est vrai. Ils décafardisent toute la ville. Bloc par bloc. Ils sont déjà venus. Ici. Je crois. A moins que je ne confonde. Avec la Grande Stérilisation Générale. Non. Ils sont déjà venus décafardiser. La Grande Stérilisation c’était autre chose. C’était bien avant. Une entreprise gigantesque. Financée par de généreux donateurs. Ils ont passé toute la ville au kärscher antiseptique. Afin de lutter contre la propagation des maladies nosocomiales. Mais là. Ils peuvent toujours essayer. De décafardiser le bloc. Ils n’y arriveront pas. Ils n’y arriveront jamais. Le cafard est tenace. Le cafard est coriace. Moi ça m’arrange. Parce qu’il m’arrive parfois d’en manger. Oh. Cela fait bien longtemps que je ne me suis pas fait une bonne petite soupe de cafard. Dire que dans certains pays ils ont fait de la mouche leur ingrédient principal. Ils font des galettes de mouches. Des steaks de mouches. Des soupes à la mouche. Des fromages moulés à la mouche. Avec du lait de brebis fermenté. Tout le monde en mange. Tout le monde se porte bien. Pourquoi pas. La mouche est riche en protéines. On en trouve partout. Tiens. D’ailleurs il faut que je pense au domofridge. Tout à l’heure. Vraiment. Je dois y penser. Oh. Ce vacarme. Cette manie 16
d’employer les grands moyens pour les Grands Plans de la Grande Réforme. Faire du bruit. Du tapage. C’est étrange. Dès que le Grand Pouvoir met en place une action à grande échelle il faut que cela se sache. Absolument. Tout le monde se doit de savoir. Ce que le Grand Pouvoir entreprend. Comme pour nous dire regardez. Ne soyez pas médisants. Regardez ce que le Grand Pouvoir qui veille sur vous sur votre vie sur votre bonheur fait pour vous. Comme pour s’excuser de toutes les malversations parallèles dont ils sont responsables. Un vrai spectacle. Vulgaire. Regarde moi ça. Oh ! Mon bon Lindi ! Ne t’en occupe pas. Oui. Je sais mais. Tout ce bruit n’arrange pas ma concentration. Je ne sais pas si ma vieillesse imminente m’aidera à supporter. Cette vie absurde. Je ressasse je ressasse je ressasse et je me rumine comme une vache. Pendant ce temps rien ne se fait. Rien ne s’écrit. Tout est immobile. Aller mon bon Lindi. Faut se remettre à l’ouvrage. A la tâche. Au labeur. A la besogne. Oh hisse. Reconcentre toi. Oui mais d’abord du vide. Du vide du… 17
Centrale de Surveillance Individualisée. Etiquettes relevées de 15h12 à 15h21. 1813. (Lindi ferme les yeux) 1814. (Lindi chasse toutes les pensées de son blog.) 1815. (Lindi cherche un mouvement utile.) 1816. (Lindi est agité.) 1817. (Lindi frotte la plante de son pied droit sur l’ongle de l’orteil de son pied gauche.) 1818. (Lindi soupire trois fois) 1819. (Lindi grince des dents) 1820. (Lindi mordille l’ongle de son auriculaire gauche) 1821. (Lindi mâchouille les petites peaux de son index droit) 1822. (Lindi s’immobilise soudainement) 1823. (Lindi entend les aboiements du chien de son voisin) 1824. (Lindi ferme les yeux) 1825. (Lindi entend son voisin aboyer sur son chien) 1826. (Lindi entend le chien du voisin aboyer sur son voisin) 1827. (Lindi entend ses voichiens hurler) 1828. (Lindi bouche ses oreilles de ses mains) 1829. (Lindi crie) 1830. (Lindi crie) 1831. (Lindi crie) 1832. (Lindi tombe sur ses genoux sur son tapis d’Orient EUSAPORT fabriqué en Pologne par les entreprises DYWAN) 1833. (Lindi ôte les mains de ses oreilles) 1834. (Lindi n’entend plus un bruit) 1835. (Lindi rit) 1836. (Lindi rit) 1837. (Lindi rit) 1838. (Lindi marmonne des mots matériaux) 18
INTERMEDE Contrôleur SS44 Ma femme me dit toujours que je possède un œil de lynx. Elle est charmante. Vraiment. Car en disant cela elle ne se trompe pas. Je suis capable de voir des choses que personne, ou presque, ne parvient à voir. Des détails infinitésimaux. Ceux qui échappent à l’œil nu. Grâce à cette faculté, j’ai trouvé ma voix ; responsable du contrôle qualité. J’ai développé cette faculté en travaillant dans différents secteurs d’activité. Ensuite j’ai bénéficié de certaines promotions. Adjoint second. Premier adjoint. Chef. Chef de secteur. Chef de service. Responsable. Cadre responsable. Et voilà. Je suis maintenant au service du Grand Pouvoir. Beaucoup de travail bien sûr. Oh je vous rassure. Je n’ai pas sucé pour y arriver. Vous vous en doutez je pense. L’accession au sommet de la hiérarchie ne se fait pas naturellement, même si certaines dispositions génétiques facilitent la tâche. Labeur ! Labeur ! Puis récompense ! 19
Tentative poétique. Lindi (en parlant dans un antique dictaphone numérique DICTEUSAPORT) Trois Quatre Trois Quatre. Nous sommes le 28 février. Il est exactement 15h22. Tentative poétique n°1351. Hum. Hum !… Trois, deux, un, top : un/ à l’ombre /à l’abri /à l’abri de/ l’arbre /à l’ombre de/ l’arbre /obombrée /obombrée par/ l’arbre /frais /obombré par/ l’arbre frais/ toi/ là/ tu es/ tu es allongée/ assoupie/ alanguie/ tu es/ tu rêves/ tu rêves/ alanguie/ et/ tes lèvres/ ta bouche/ un doigt/ sur tes lèvres/ dans ta bouche/ un doigt/ dans ta bouche/ deux/ le ciel/ noir/ bleu/ le ciel bleu/ un oiseau/ un oiseau/ dans le ciel bleu/ et moi/ mon/ mon sexe/ tes cheveux/ ta peau/ ta main/ ta main/ sur mon sexe/ je/ m’endors/ je/ m’en/ je/ ferme les yeux/ trois/ la route/ le chemin/ le pont/ sur le pont/ le pont/ de bois/ toi/ ta robe/ ta jupe/ ta jupe/ toi/ ta jupe/ rose/ mes doigts/ tremblants/ mes doigts/ fébriles/ soulèvent/ mes doigts/ fébriles/ glissent/ sous ta jupe rose/ quatre/ l’été/ à l’été/ sur ton sein/ à l’approche de l’été/ sur ton sein/ laiteux/ soyeux/ moelleux/ sur ton sein moelleux/ la/ un/ une/ une libellule/ cinq/ dehors/ dedans/ dedans/ à l’ abri/ à l’abri/ de/ la bise/ à l’abri/ du vent/ ta peau/ je/ lèche/ je lèche/ ta peau/ ta peau de pêche/ un chien/ une chatte/ un chat/ un chat nous regarde/ six/ dans la/ sous la/ sur la/ table/ sur la table/ toi/ moi/ nous/ nous/ nous mélangeons/ nos cœurs/ nos sueurs/ nos sueurs se mélangent/ un/ un verre/ un/ un couteau/ un couteau tombe/ sept/ ton/ ton/ cul/ ton cul nu/ tes fesses nues/ blondes/ rondes/ rebondies/ tes fesses nues rebondies/ l’eau/ coule/ l’eau/ du rui / du ruisseau/ de la rivière/ et rien/ rien d’autre/ et surtout/ rien d’autre/ huit/ ce/ matin/ matin/ pas réveillé/ pas/ matin froissé/ pas/ matin chiffonné/ brouillard/ du brouillard/ un brouillard/ un brouillard épais/ dans toi/ dans ton/ dans ton vase/ ma/ ma fleur/ dans ton vase/ ma fleur/ meurt/ neuf/ sous/ sous toi/ sous ton/ dos/ l’herbe/ l’herbe haute/ sous ton dos/ écrasée/ aplatie/ couchée/ je te/ je t’embrasse/ et/ la pluie/ et tombe/ la pluie/ la bruine/ et tombe la bruine/ la nuit/ froide/ la nuit/ gelée/ la nuit s’engèle/ d’étoiles/ dans le/ dans la/ dans la cabane/ ton/ visage/ ton/ sourire/ ton sourire triste/ dix/ toi/ tu/ tu regardes/ tu me regardes/ tu me regardes/ nu/ je/ je pense/ j’oublie/ mon âge/ j’oublie/ mon vieil âge/ la neige/ la neige/ tombe/ onze/ mon/ mon/ amour/ ma morte/ adorée/ sur/ les ruines/ sur/ les os/ du monde/ du vieux monde/ sur/ les os du vieux monde/ tu me/ je t’aime/ je/ j’ai/ j’ai froid/ (silence, souffle puis reprise) Acte poétique n°1351 : Un. Obombrée par l’arbre frais tu rêves alanguie un doigt dans la bouche Deux. Un oiseau dans le ciel bleu ta main sur mon sexe je ferme les yeux 20
Trois. Sur le pont de bois mes doigts fébriles glissent sous ta jupe rose Quatre. A l’approche de l’été sur ton sein moelleux une libellule Cinq. A l’abri du vent je lèche ta peau de pêche un chat nous regarde Six. Sur la table nos sueurs se mélangent un couteau tombe Sept Tes fesses nues rebondies l’eau de la rivière et surtout rien d’autre Huit. Matin chiffonné un brouillard épais dans ton vase ma fleur meurt Neuf. La nuit s’engèle d’étoile dans la cabane ton sourire triste Dix. Tu me regardes tout nu j’oublie mon vieil âge et la neige tombe Onze. Ma morte adorée sur les os du vieux monde je t’aime j’ai froid 21
Bill the Fridge. Lindi Bonjour Bill Bill Avec plaisir Lindi. Bonjour Lindi. Lindi Il fait trop chaud. Pas normal. Bill Avec plaisir Lindi. Je trouve aussi. J’ai relevé une moyenne de 27,2° Celsius sur les cinq derniers jours. Lindi Tente de joindre la centrale de climatisation EUSAPORT. Me mettre en contact avec eux. Bill Avec plaisir Lindi. Dois-je joindre la centrale de climatisation EUSAPORT maintenant ou ultérieurement ? Lindi Maintenant. Bill Connexion. « Bonjour. Vous êtes en relation avec le service d’intervention de la Centrale de Climatisation Universelle EUSAPORT. Où habitez vous ? » Lindi Bloc Nord 8472. Zone respirable 731. Bill « Je n’ai pas compris votre réponse. Où habitez vous ? » Lindi Bloc Nord 8472. Zone respirable 731. Bill « Bonjour Monsieur Lindi. » Lindi Bonjour Mademoiselle. Bill « Pouvez vous me décrire le problème que vous rencontrez ? » 22
Lindi Depuis cinq ou six jours il fait plus de 27 degrés Celsius chez moi. Bill « Pouvez vous être plus précis. Depuis cinq ou six jours ? » Lindi Depuis cinq jours. Bill « Votre problème nécessite l’intervention d’un technicien. Souhaitez vous qu’il intervienne aujourd’hui ? » Lindi Oui je veux bien. Bill « Tous nos techniciens sont actuellement indisponibles. Souhaitez vous prendre rendez-vous ? » Lindi Demain ? Bill « Bonjour. Vous êtes en relation avec le service d’intervention de la Centrale de Climatisation Universelle EUSAPORT. Où habitez vous ? » Lindi Oh non ! Bill ! C’est quoi ce cirque ? Bill « Je n’ai pas compris votre réponse. Où habitez vous ? » Lindi Bloc Nord 8472. Zone respirable 731. Bill « Bonjour Monsieur Lindi. » Lindi Bonjour. Bill « Pouvez vous me décrire le problème que vous rencontrez ? » Lindi Depuis cinq ou six … non…depuis cinq jours il fait plus de 27 degrés Celsius chez moi. 23
Bill « Votre problème nécessite l’intervention d’un technicien. Souhaitez vous qu’il intervienne aujourd’hui ? » Lindi Non. Bill « Souhaitez-vous prendre rendez-vous ? » Lindi Oui. Bill « Je n’ai pas compris votre réponse. Souhaitez-vous prendre rendez-vous ? » Lindi Oui Bill « Votre problème nécessite l’intervention d’un technicien. Souhaitez-vous qu’il intervienne aujourd’hui ? » Lindi Non. Bill « Souhaitez-vous prendre rendez-vous ? » Lindi Oui. Oui. Oui. Bill « Vous pouvez avoir un rendez-vous avec un technicien dans douze, seize ou vingt huit jours. Que choisissez vous ? » Lindi Pas avant ? Bill « Je n’ai pas compris votre réponse. Vous pouvez avoir un rendez-vous avec un technicien dans douze, seize ou vingt huit jours. Que choisissez vous ? » Lindi Mais j’ai chaud moi ! Bill « Je n’ai pas compris votre réponse. Vous pouvez avoir un rendez-vous avec un technicien dans douze, seize ou vingt huit jours. Que choisissez vous ? » 24
Lindi Et dans deux ou trois jours ce n’est pas possible ? Bill « Bonjour. Vous êtes en relation avec le service d’intervention de la Centrale de Climatisation Universelle EUSAPORT. Où habitez vous ? » Lindi Non non non non non non c’est pas possible c’est pas possible !!!! Bloc Nord 8472. Zone respirable 731. Bill « Je n’ai pas compris votre réponse. Où habitez vous ? » Lindi Bloc Nord 8472. Zone respirable 731. Bill « Bonjour Monsieur Lindi. » Lindi Bonjour. Bill « Pouvez vous me décrire le problème que vous rencontrez ? » Lindi Depuis cinq jours il fait 27 degrés Celsius chez moi. Bill « Votre problème nécessite l’intervention d’un technicien. Souhaitez-vous qu’il intervienne aujourd’hui ? » Lindi Non. Bill « Souhaitez-vous prendre rendez-vous ? » Lindi Oui. Bill « Vous pouvez avoir un rendez-vous avec un technicien dans douze, seize ou vingt huit jours. Que choisissez vous ? » Lindi Douze jours. 25
Bill « Vous souhaitez que notre technicien intervienne le matin ou l’après-midi ? » Lindi Le matin Bill « Votre demande a bien été enregistrée. Un de nos technicien interviendra dans douze jours Bloc Nord 8472. Zone respirable 731. Souhaitez-vous consulter le catalogue de nos dernières nouveautés ? » Lindi Non merci. Bill « Les Climatisations Universelles EUSAPORT vous remercie et vous souhaite une excellente journée ainsi qu’à votre famille. Au revoir Monsieur Lindi.» Lindi Merci Bill. Bill Avec plaisir Lindi. 26
Centrale de Surveillance Individualisée. Etiquettes relevées de 21h47 à 21h59. 1881. (Lindi vient d’achever le dernier acte poétique de sa journée) 1882. (Lindi souffre de la chaleur) 1883. (Lindi est très fatigué) 1884. (Lindi regarde la reproduction interdite de la peinture vivante de Johan Tinrus intitulée « l’Homme dans la forêt ») 1885. (Lindi se concentre sur le jeu tournoyant des volutes rouges.) 1886. (Lindi se laisse absorbé par le jeu des couleurs rouges.) 1887. (Lindi se déshabille devant la reproduction interdite de la peinture vivante de Johan Tinrus intitulée « l’Homme dans la forêt ») 1888. (Lindi est nu) 1889. (Lindi regarde son sexe durcir) 1890. (Lindi saisit son sexe dur dans sa main droite) 1891. (Lindi se masturbe animalement) 1892. (Lindi est secoué par quelques petites morts saccadées) 1893. (Lindi râle en se couchant dans son lit péruvien EUSAPORT, fabriqué par les entreprises PUNUNA en Belgique) 1894. (Lindi s’endort foetalement) 27
(…) 19 mars. Télésurveillance 113401. Caméra optique 62- 13. Bloc Nord 8472. Zone respirable 731 sous Climatisation Universelle Eusaport. Pression atmosphérique 1005Hpa. Température extérieure 29° celsius. Température intérieure 28° celsius. INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE INCIDENT DE VOISINAGE … 28
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