Le courage Printemps des poètes 2020 - Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020 - La Petite B
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Printemps des poètes 2020 Le courage 27/03/2019 Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020
Vieillevigne en poésie Parcours poétique 1 Le déserteur Mairie 2 Prends ton courage Intermarché 3 Après la bataille Salon de coiffure L'atelier Be’Good 4 Courage (Renan Luce) Secrets des sens 5 Et un sourire Salon de coiffure Hair Océan 6 Courage (Anna Akhmatova) Madame Joyaux, rue Beausoleil 7 La mort du loup Mutuelles Ligériennes 8 Je trahirai demain Crédit Agricole 9 Courage (Jean-Paul Dubois) Boulangerie Sorin 10 Du courage (La grande Sophie) Boulangerie Orieux 11 Invictus Restaurant L'atelier des 2 Saveurs 12 Du courage (Nashmia Noormohamed) Restaurant Le Pied’Vigne 13 Sans elle Fleurs d’émotion 14 Non violence Salon de coiffure Thébaud 15 Les clandestins Parvis de l’église 16 La mort de Gavroche Grand Chêne 17 Courage (Paul Eluard) Puits, jardin Paul Claudel 18 La comptine du courage Halte-garderie La Maison de Camille 19 La volonté Bibliothèque La Petite B 20 Le cancre Boulangerie Au Fournil de Vieillevigne 21 Courage (Coralie) Maison de santé 22 Complainte du petit cheval EHPAD Champfleuri 23 La légende du colibri École Paul-Émile Victor 24 La chèvre du Monsieur Seguin École Sainte-Jeanne d’Arc 1
Le déserteur Monsieur le président Je vous fais une lettre Que vous lirez peut-être Si vous avez le temps. Je viens de recevoir Mes papiers militaires Pour partir à la guerre Avant mercredi soir. Monsieur le président Je ne veux pas la faire Je ne suis pas sur terre Pour tuer de pauvres gens. C'est pas pour vous fâcher, Il faut que je vous dise, Ma décision est prise, Je m'en vais déserter. Depuis que je suis né, J'ai vu mourir mon père, J'ai vu partir mes frères Et pleurer mes enfants. Ma mère a tant souffert Qu'elle est dedans sa tombe Et se moque des bombes Et se moque des vers. Quand j'étais prisonnier, On m'a volé ma femme, On m'a volé mon âme, Et tout mon cher passé. Demain de bon matin Je fermerai ma porte Au nez des années mortes, J'irai sur les chemins. Je mendierai ma vie Sur les routes de France, De Bretagne en Provence Et je dirai aux gens : "Refusez d'obéir, Refusez de la faire, N'allez pas à la guerre, Refusez de partir". S'il faut donner son sang, Allez donner le vôtre, Vous êtes bon apôtre Monsieur le président. Si vous me poursuivez, Prévenez vos gendarmes Que je n'aurai pas d'armes Et qu'ils pourront tirer. Boris Vian 2
Prends ton courage Pour tirer ta pauvre charrette Par tous les vents et les tempêtes Pour marcher ton chemin tout droit Sans trébucher à chaque pas Pour ne jamais baisser le front Et sous l’insulte et sous l’affront Pour ne pas suivre les idées Qu’on glisse sous ton oreiller Pour pouvoir regarder en face Cet homme qui vieillit dans ta glace Prends ton courage à deux mains Suffira-t-il ? Je n’en sais rien Pour faire tourner dans le bon sens La grande roue de l’existence Prends ton courage à deux mains Suffira-t-il ? Je n’en sais rien Pour faire tourner jour après jour La grande roue du temps qui court Pour aimer ton unique femme Parmi trois cent millions de femmes Pour lui garder le cœur fidèle Malgré le temps et les querelles Ne pas céder aux opinions Des loups qui mènent les moutons Ni des moutons qui mènent les gens Comme ça arrive trop souvent Pour bien savoir pour qui tu roules Sur ce billard rempli de boules Prends ton courage à deux mains Suffira-t-il ? Je n’en sais rien Pour faire tourner jour après jour La grande roue du temps qui court Prends ton courage à deux mains ! Pierre Bachelet 3
Après la bataille Mon père, ce héros au sourire si doux, Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille, Parcourait à cheval, le soir d’une bataille, Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit. Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit. C’était un Espagnol de l’armée en déroute Qui se traînait sanglant sur le bord de la route, Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié. Et qui disait : "À boire! À boire par pitié !" Mon père, ému, tendit à son housard fidèle Une gourde de rhum qui pendait à sa selle, Et dit : "Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé." Tout à coup, au moment où le housard baissé Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure, Saisit un pistolet qu’il étreignait encore, Et vise au front mon père en criant : "Caramba!" Le coup passa si près que le chapeau tomba Et que le cheval fit un écart en arrière. "Donne-lui tout de même à boire", dit mon père. Victor Hugo 4
Courage Courage, je t'écris Ça fait longtemps qu'ta p'tite gueule M'a laissé un peu seul Tu me manques ces temps-ci Courage, tu t'souviens Quand t'étais mon armure Les vertes et les pas mûres Qu'on a faites, tu t'souviens ? Courage, je te veux dans ma poche Pour les jours où j'me sens moche Et petit Vois comme j'dandine J'ai le regard qui s'débine, bien trop souvent Pas comme avant Courage, à pas de loup T'es sorti de la danse Et ma piaule j'la sous-loue À ma pote la prudence … Courage, je te veux comme reflet Pour les jours où j'me sens laid Et petit Vois comme j'm'agite Je prends l'eau, pars à la gîte En un coup d'vent Plus comme avant Courage, ton adresse S'écrit pas au stylo Liberté, cette bougresse M'a refilé le tuyau J'ai vu que tu crèches Sur les places Tahrir Du jasmin dans la mèche De l'espoir sans faillir Courage, je te veux comme lumière Pour les jours où j'me sens fier D'être ici Vois, j'applaudis ceux-là qui s'croyaient maudits Et qui ont mon âge Ont du courage Renan Luce 5
Et un sourire La nuit n’est jamais complète, Il y a toujours, puisque je le dis, Puisque je l’affirme, Au bout du chagrin Une fenêtre ouverte, Une fenêtre éclairée, Il y a toujours un rêve qui veille, Désir à combler, faim à satisfaire, Un cœur généreux, Une main tendue, une main ouverte, Des yeux attentifs, Une vie, la vie à se partager. Paul Eluard 6
Courage (23 février 1942 à Tachkent) Nous savons ce qui maintenant est en balance Et ce qui maintenant s’accomplit. Nos horloges sonnent l’heure du courage, Et le courage ne nous abandonnera pas. Il n’est pas terrible de tomber sous les balles, Il n’est pas amer de rester sans toit, Et nous te garderons, langue russe, Immense parole russe. Nous te porterons libre et pure, Nous te transmettrons à nos descendants, Et nous te sauverons de la captivité, À jamais Anna Akhmatova (poétesse russe1889-1966) ENEZ-NOUS ! 7
La mort du loup (extrait) "Hélas ! Ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes, Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes ! Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C'est vous qui le savez, sublimes animaux ! À voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse. - Ah ! Je t'ai bien compris, sauvage voyageur, Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au cœur ! Il disait : "Si tu peux, fais que ton âme arrive, À force de rester studieuse et pensive, Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté. Gémir, pleurer, prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler, Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler." Alfred de Vigny 8
Je trahirai demain Je trahirai demain, pas aujourd’hui. Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles, Je ne trahirai pas. Vous ne savez pas le bout de mon courage. Moi je sais. Vous êtes cinq mains dures avec des bagues. Vous avez aux pieds des chaussures Avec des clous. Je trahirai demain, pas aujourd’hui, Demain. Il me faut la nuit pour me résoudre, Il ne faut pas moins d’une nuit Pour renier, pour abjurer, pour trahir. Pour renier mes amis, Pour abjurer le pain et le vin, Pour trahir la vie, Pour mourir. Je trahirai demain, pas aujourd’hui. La lime est sous le carreau, La lime n’est pas pour le barreau, La lime n’est pas pour le bourreau, La lime est pour mon poignet. Aujourd’hui je n’ai rien à dire, Je trahirai demain. Marianne Cohn (Résistante allemande, 1922-1944) 9
Il faut un certain courage Pour dresser le compte de ses échecs, De ses déceptions Et recommencer quelque chose avec soi-même. Il faut aussi pas mal de vaillance Pour déterrer sa dignité, Ne pas céder à la panique Et faire bonne figure, seul, Perdu quelque part au milieu de sa vie. Jean-Paul Dubois 10
Du Courage J'en connais qui tournent en rond Ou qui longent les murs en comptant les saisons J'en ai vus des dépourvus Des nouveaux départs qui nous mènent nulle part Des guerriers à la télé, Des héros dans ma salle à manger J'en ai lu des histoires vraies Mais la question que j'me pose Sans cesse : Où j'pourrais trouver Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage Tu vois c'est tellement mieux Quand on est sûr de soi Que l'on porte au bout des doigts De la force et l'espoir D'aller chercher plus loin en n'ayant peur de rien De sonner à la porte de l'inconnu sans aucune retenue Et parler c'est si léger Mais la question que j'me pose Sans cesse : Où j'pourrais trouver Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage Quand je vais dans la forêt Que les bras m'en tombent comme le Petit Poucet Des cailloux j'en ai trouvés Mais la question que j'me pose Sans cesse : Où j'pourrais trouver Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage Du courage, du courage, du courage La Grande Sophie 11
Invictus Dans les ténèbres qui m'enserrent Noires comme un puits où l'on se noie Je rends grâce aux dieux, quels qu'ils soient Pour mon âme invincible et fière. Dans de cruelles circonstances Je n'ai ni gémi ni pleuré Meurtri par cette existence Je suis debout, bien que blessé. En ce lieu de colère et de pleurs Se profile l'ombre de la Mort Je ne sais ce que me réserve le sort Mais je suis, et je resterai sans peur. Aussi étroit soit le chemin Nombreux, les châtiments infâmes Je suis le maître de mon destin Je suis le capitaine de mon âme. William Ernest Henley (1843-1903) Out of the night that covers me, Black as the pit from pole to pole, I thank whatever gods may be Le poème préféré de Nelson Mandela For my unconquerable soul. In the fell clutch of circumstance I have not winced nor cried aloud. Under the bludgeonings of fate My head is bloody, but unbowed. Beyond this place of wrath and tears Looms but the Horror of the shade, And yet the menace of the years Finds and shall find me unafraid. It matters not how strait the gate, How charged with punishments the scroll, I am the master of my fate: I am the captain of my soul. William Ernest Henley (1843-1903) 12
Du courage Il faut avoir le courage de se faire face, De regarder son âme dans cette glace, Au travers de ses fissures et blessures, De ses brisures et de toutes ses ratures. Il faut trouver le courage de se faire face, Tous les jours œuvrer, demeurer coriace, Chercher un moyen de relever le regard, Se relever et avancer, sans rester hagard. Il faut avoir le courage de se faire face, Malgré ses échecs et ses disgrâces, Essayer d’oblitérer son abjecte lâcheté, Agir, réagir et ne jamais laisser tomber. Il faut trouver le courage de se faire face, De se pardonner ses mauvaises passes, Ses fautes monumentales et ses erreurs, Avec bienveillance, patience et sans peur. Le courage est une bataille quotidienne, Il n’est jamais acquis, et ainsi se construit, En nous modelant ; à chaque jour sa peine, À chaque détour, le cœur se révèle et éblouit. Nashmia Noormohamed, 2017 13
Sans Elle Regarder devant avoir peur des gens Souffrir en dedans être hors du temps Comment n’avons-nous pas senti alors que tout était parfait que le peu de notre vie s’évaporait comme si de rien n’était Aujourd’hui tout recommencer réapprendre les gestes et les gens pour que demain sublimer me fasse traverser le temps Ethan Street, 2009 14
Non violence Contre toi ceux qui avaient Ceux qui savaient Ceux qui commandaient Contre toi ceux qui obéissaient Contre toi les chiens Les chiens obéissant aux hommes Aux hommes qui obéissaient Tu n’avais aucune chance, Nicolas, Pourquoi, Pourquoi as-tu continué à te lever les mains nues ? Quelle folie t’a fait lever debout, Nicolas, Mains nues, Puisque Tu n’avais aucune chance, Aucune Contre les chiens, Nicolas Vaptzarov ? Jean-Pierre Lambert alias Villebramar, 2016 Nicolas Vaptzarov est un des plus grands poètes bulgares. Révolutionnaire et résistant, il a été exécuté par les allemands en 1942. 15
Les clandestins Des hommes pour la plupart Martyrs du hasard Par une nuit sans lune Sur des esquifs de fortune Commencent leur fuite incertaine Organisée par le passeur Alliance d’argent et de haine On raconte qu’il est une terre Remède à leur malheur Où la satiété est reine Femme, enfant, père et mère Laissés dans leur contrée lointaine Attendront Que par ces héros L’abondance advienne. À vous qui faites ripaille Sourds aux damnés de la faim À vous qui livrez Une inégale bataille À ceux qui vous tendent la main Accueillez dans vos forteresses Un peu de leur grande détresse. Kamal Zerdoumi 16
La mort de Gavroche (extrait) Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d’une borne, une balle frappa le cadavre. — Fichtre ! fit Gavroche. Voilà qu’on me tue mes morts. Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui. Une troisième renversa son panier. Gavroche regarda, et vit que cela venait de la banlieue. Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l’œil fixé sur les gardes nationaux qui tiraient, et il chanta : On est laid à Nanterre, C’est la faute à Voltaire ; Et bête à Palaiseau, C’est la faute à Rousseau. Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient tombées, et, avançant vers la fusillade, alla dépouiller une autre giberne Là une quatrième balle le manqua encore. Gavroche chanta : Je ne suis pas notaire, C’est la faute à Voltaire ; Je suis petit oiseau, C’est la faute à Rousseau. Une cinquième balle ne réussit qu’à tirer de lui un troisième couplet : Joie est mon caractère, C’est la faute à Voltaire ; Misère est mon trousseau, C’est la faute à Rousseau. Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l’air de s’amuser beaucoup…. On le visait sans cesse, on le manquait toujours…Il se couchait, puis se redressait, s’effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez, et cependant pillait les cartouches, vidait les gibernes et remplissait son panier. Les insurgés, haletants d’anxiété, le suivaient des yeux. La barricade tremblait ; lui, il chantait… Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l’enfant feu follet…. Gavroche n’était tombé que pour se redresser ; il resta assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air, regarda du côté d’où était venu le coup, et se mit à chanter. Je suis tombé par terre, C’est la faute à Voltaire, Le nez dans le ruisseau, C’est la faute à… Il n’acheva point. Une seconde balle du même tireur l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s’envoler. Les Misérables, Tome V Victor Hugo 17
Courage Paris a froid Paris a faim Paris ne mange plus de marrons dans la rue Paris a mis de vieux vêtements de vieille Paris dort tout debout sans air dans le métro Plus de malheur encore est imposé aux pauvres Et la sagesse et la folie De Paris malheureux C’est l’air pur c’est le feu C’est la beauté c’est la bonté De ses travailleurs affamés Ne crie pas au secours Paris Tu es vivant d’une vie sans égale Et derrière la nudité De ta pâleur de ta maigreur Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux Paris ma belle ville Fine comme une aiguille forte comme une épée Ingénue et savante Tu ne supportes pas l’injustice Pour toi c’est le seul désordre Tu vas te libérer Paris Paris tremblant comme une étoile Notre espoir survivant Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue Frères ayons du courage Nous qui ne sommes pas casqués Ni bottés ni gantés ni bien élevés Un rayon s’allume en nos veines Notre lumière nous revient Les meilleurs d’entre nous sont morts pour nous Et voici que leur sang retrouve notre cœur Et c’est de nouveau le matin un matin de Paris La pointe de la délivrance L’espace du printemps naissant La force idiote a le dessous Ces esclaves nos ennemis S’ils ont compris S’ils sont capables de comprendre Vont se lever. Paul Eluard 18
La comptine du courage Chante la comptine du courage et tente de te souvenir de tous les gestes. Parfois la nuit, J’ai peur un peu J’entends des bruits, Je ferme les yeux Et puis je compte, 1, 2, 3, 4 Est-ce un fantôme Ou un millepattes ? Je compte encore, 1, 2, 3, 4 J’ai du courage Je me rendors ! 19
La volonté Parfois, quand nos doutes nous assaillent, On se lance dans une grande bataille, Au fond de nos têtes ces détails, Font dans notre confiance une entaille, Mais on se lance à corps perdu, Dans cette guerre incongrue, Ces craintes on ne les redoute plus, Et on est loin d’être abattu, On ne pliera point sous le poids, De tout ce qui s’opposera à nous, On ne cédera point au désarroi, Et nous retrouverons la joie, C’est cette vie qui autorise, À désirer ce qui attise, On laissera ce qui aseptise, On écrasera ce qui nous brise, On laissera là nos doutes, nos craintes, On ne tiendra pas compte des plaintes, On ne cédera pas sous la contrainte, On verra le bonheur qui pointe, On ira toujours plus loin chercher, Au fond de nous la volonté, Celle qui nous pousse à avancer, Faire de nos rêves réalité. Alexandra Julien, extrait du livre des pensées positives 20
Le Cancre Il dit non avec la tête mais il dit oui avec le cœur il dit oui à ce qu'il aime il dit non au professeur il est debout on le questionne et tous les problèmes sont posés soudain le fou rire le prend et il efface tout les chiffres et les mots les dates et les noms les phrases et les pièges et malgré les menaces du maître sous les huées des enfants prodiges avec les craies de toutes les couleurs sur le tableau noir du malheur il dessine le visage du bonheur Jacques Prévert 21
Courage Tu te demandes pourquoi rester Tu n'as plus envie de lutter Tout autour de toi semble disparaître Tu crois déjà tout connaître? Tu penses à te suicider Tu veux la facilité Mais pense à ceux qui restent Et que tu vas laisser en miettes !... Si tu te sens déprimé Tu as des amis pour parler Si tu te sens gai Tu as des amis pour délirer Si tu es mal barré Tu as des amis pour t'aider… Je sais que cette vie Est tout sauf jolie Mais un jour on m'a raconté Qu'elle avait des bons côtés ! Alors stop ta dérive Il faut que tu vives Le bonheur n'est pas si loin que ça C'est à toi de lui montrer la voie ! Ton destin est entre tes mains Toi seul peut décider des lendemains La vie est ce que tu en fais Alors vas-y à toi de jouer ! Coralie C. novembre 2004 22
Complainte du petit cheval blanc Le petit cheval dans le mauvais temps, qu’il avait donc du courage ! C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant. Il n’y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage. Il n’y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant. Mais toujours il était content, menant les gars du village, à travers la pluie noire des champs, tous derrière et lui devant. Sa voiture allait poursuivant sa belle petite queue sauvage. C’est alors qu’il était content, eux derrière et lui devant. Mais un jour, dans le mauvais temps, un jour qu’il était si sage, il est mort par un éclair blanc, tous derrière et lui devant. Il est mort sans voir le beau temps, qu’il avait donc du courage ! Il est mort sans voir le printemps ni derrière ni devant. Paul Fort Extrait de "Ballades du beau hasard - Lieds, complaintes, élégies" 23
La légende du colibri Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : "Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces quelques gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !" Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais je fais ma part." Légende amérindienne 24
La chèvre de Monsieur Seguin (extrait) La chèvre entendit derrière elle un bruit de feuilles. Elle se retourna et vit dans l'ombre deux oreilles courtes, toutes droites, avec deux yeux qui reluisaient... C'était le loup. Énorme, immobile, assis sur son train de derrière, il était là regardant la petite chèvre blanche et la dégustant par avance. Comme il savait bien qu'il la mangerait, le loup ne se pressait pas ; seulement, quand elle se retourna, il se mit à rire méchamment… Blanquette se sentit perdue... Un moment, en se rappelant l'histoire de la vieille Renaude, qui s'était battue toute la nuit pour être mangée le matin, elle se dit qu'il vaudrait peut-être mieux se laisser manger tout de suite ; puis, s'étant ravisée, elle tomba en garde, la tête basse et la corne en avant, comme une brave chèvre de M. Séguin qu'elle était... Non pas qu'elle eût l'espoir de tuer le loup, les chèvres ne tuent pas le loup, mais seulement pour voir si elle pourrait tenir aussi longtemps que la Renaude... Alors le monstre s'avança, et les petites cornes entrèrent en danse. Ah ! La brave chevrette, comme elle y allait de bon cœur ! Plus de dix fois, je ne mens pas, Gringoire, elle força le loup à reculer pour reprendre haleine. Pendant ces trêves d'une minute, la gourmande cueillait en hâte encore un brin de sa chère herbe ; puis elle retournait au combat, la bouche pleine... Cela dura toute la nuit. De temps en temps la chèvre de M. Séguin regardait les étoiles danser dans le ciel clair et elle se disait : - Oh ! Pourvu que je tienne jusqu'à l'aube... L'une après l'autre, les étoiles s'éteignirent. Blanquette redoubla de coups de cornes, le loup de coups de dent... Une lueur pâle parut dans l'horizon... Le chant du coq enroué monta d'une métairie. - Enfin ! dit la pauvre bête, qui n'attendait plus que le jour pour mourir ; et elle s'allongea par terre dans sa belle fourrure blanche toute tachée de sang... Alors le loup se jeta sur la petite chèvre et la mangea ! Alphonse Daudet 25
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