Le courage Printemps des poètes 2020 - Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020 - La Petite B

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Le courage Printemps des poètes 2020 - Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020 - La Petite B
Printemps des poètes 2020

     Le courage

           27/03/2019

   Vieillevigne en poésie
  Déambulation poétique
   du 3 au 27 mars 2020
Le courage Printemps des poètes 2020 - Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020 - La Petite B
Vieillevigne en poésie
                                       Parcours poétique
1 Le déserteur        Mairie

2 Prends ton courage           Intermarché

3 Après la bataille      Salon de coiffure L'atelier Be’Good

4 Courage (Renan Luce)          Secrets des sens

5 Et un sourire       Salon de coiffure Hair Océan

6 Courage (Anna Akhmatova)           Madame Joyaux, rue Beausoleil

7 La mort du loup        Mutuelles Ligériennes

8 Je trahirai demain       Crédit Agricole

9 Courage (Jean-Paul Dubois)         Boulangerie Sorin

10 Du courage (La grande Sophie)          Boulangerie Orieux

11 Invictus       Restaurant L'atelier des 2 Saveurs

12 Du courage (Nashmia Noormohamed)                Restaurant Le Pied’Vigne

13 Sans elle      Fleurs d’émotion

14 Non violence        Salon de coiffure Thébaud

15 Les clandestins       Parvis de l’église

16 La mort de Gavroche          Grand Chêne

17 Courage (Paul Eluard)         Puits, jardin Paul Claudel

18 La comptine du courage          Halte-garderie La Maison de Camille

19 La volonté       Bibliothèque La Petite B

20 Le cancre      Boulangerie Au Fournil de Vieillevigne

21 Courage (Coralie)       Maison de santé

22 Complainte du petit cheval         EHPAD Champfleuri

23 La légende du colibri        École Paul-Émile Victor

24 La chèvre du Monsieur Seguin          École Sainte-Jeanne d’Arc

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Le courage Printemps des poètes 2020 - Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020 - La Petite B
Le déserteur
Monsieur le président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir.
Monsieur le président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer de pauvres gens.
C'est pas pour vous fâcher,
Il faut que je vous dise,
Ma décision est prise,
Je m'en vais déserter.
Depuis que je suis né,
J'ai vu mourir mon père,
J'ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants.
Ma mère a tant souffert
Qu'elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers.
Quand j'étais prisonnier,
On m'a volé ma femme,
On m'a volé mon âme,
Et tout mon cher passé.
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes,
J'irai sur les chemins.

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France,
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens :
"Refusez d'obéir,
Refusez de la faire,
N'allez pas à la guerre,
Refusez de partir".
S'il faut donner son sang,
Allez donner le vôtre,
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le président.
Si vous me poursuivez,
Prévenez vos gendarmes
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer. Boris Vian

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Le courage Printemps des poètes 2020 - Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020 - La Petite B
Prends ton courage

Pour tirer ta pauvre charrette
Par tous les vents et les tempêtes
Pour marcher ton chemin tout droit
Sans trébucher à chaque pas
Pour ne jamais baisser le front
Et sous l’insulte et sous l’affront
Pour ne pas suivre les idées
Qu’on glisse sous ton oreiller
Pour pouvoir regarder en face
Cet homme qui vieillit dans ta glace

Prends ton courage à deux mains
Suffira-t-il ? Je n’en sais rien
Pour faire tourner dans le bon sens
La grande roue de l’existence
Prends ton courage à deux mains
Suffira-t-il ? Je n’en sais rien
Pour faire tourner jour après jour
La grande roue du temps qui court

Pour aimer ton unique femme
Parmi trois cent millions de femmes
Pour lui garder le cœur fidèle
Malgré le temps et les querelles
Ne pas céder aux opinions
Des loups qui mènent les moutons
Ni des moutons qui mènent les gens
Comme ça arrive trop souvent
Pour bien savoir pour qui tu roules
Sur ce billard rempli de boules

Prends ton courage à deux mains
Suffira-t-il ? Je n’en sais rien
Pour faire tourner jour après jour
La grande roue du temps qui court
Prends ton courage à deux mains !

Pierre Bachelet

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Après la bataille

Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.
C’était un Espagnol de l’armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié.
Et qui disait : "À boire! À boire par pitié !"
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit : "Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé."
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant : "Caramba!"
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
"Donne-lui tout de même à boire", dit mon père.

Victor Hugo

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Le courage Printemps des poètes 2020 - Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020 - La Petite B
Courage
Courage, je t'écris
Ça fait longtemps qu'ta p'tite gueule
M'a laissé un peu seul
Tu me manques ces temps-ci

Courage, tu t'souviens
Quand t'étais mon armure
Les vertes et les pas mûres
Qu'on a faites, tu t'souviens ?

Courage, je te veux dans ma poche
Pour les jours où j'me sens moche
Et petit
Vois comme j'dandine
J'ai le regard qui s'débine, bien trop souvent
Pas comme avant

Courage, à pas de loup
T'es sorti de la danse
Et ma piaule j'la sous-loue
À ma pote la prudence
…
Courage, je te veux comme reflet
Pour les jours où j'me sens laid
Et petit
Vois comme j'm'agite
Je prends l'eau, pars à la gîte
En un coup d'vent
Plus comme avant

Courage, ton adresse
S'écrit pas au stylo
Liberté, cette bougresse
M'a refilé le tuyau

J'ai vu que tu crèches
Sur les places Tahrir
Du jasmin dans la mèche
De l'espoir sans faillir

Courage, je te veux comme lumière
Pour les jours où j'me sens fier
D'être ici
Vois, j'applaudis ceux-là qui s'croyaient maudits
Et qui ont mon âge
Ont du courage
Renan Luce
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Et un sourire

La nuit n’est jamais complète,
Il y a toujours, puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte,
Une fenêtre éclairée,
Il y a toujours un rêve qui veille,
Désir à combler, faim à satisfaire,
Un cœur généreux,
Une main tendue, une main ouverte,
Des yeux attentifs,
Une vie, la vie à se partager.

Paul Eluard

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Courage (23 février 1942 à Tachkent)

Nous savons ce qui maintenant est en balance
Et ce qui maintenant s’accomplit.
Nos horloges sonnent l’heure du courage,
Et le courage ne nous abandonnera pas.
Il n’est pas terrible de tomber sous les balles,
Il n’est pas amer de rester sans toit,
Et nous te garderons, langue russe,
Immense parole russe.
Nous te porterons libre et pure,
Nous te transmettrons à nos descendants,
Et nous te sauverons de la captivité,
À jamais

Anna Akhmatova (poétesse russe1889-1966)
ENEZ-NOUS !

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La mort du loup (extrait)

"Hélas ! Ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !
À voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
- Ah ! Je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au cœur !
Il disait : "Si tu peux, fais que ton âme arrive,
À force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler."

Alfred de Vigny

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Le courage Printemps des poètes 2020 - Vieillevigne en poésie Déambulation poétique du 3 au 27 mars 2020 - La Petite B
Je trahirai demain

Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.

Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.

Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.

Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.

Marianne Cohn (Résistante allemande, 1922-1944)

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Il faut un certain courage
Pour dresser le compte de ses échecs,
De ses déceptions
Et recommencer quelque chose avec soi-même.
Il faut aussi pas mal de vaillance
Pour déterrer sa dignité,
Ne pas céder à la panique
Et faire bonne figure, seul,
Perdu quelque part au milieu de sa vie.

Jean-Paul Dubois

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Du Courage
J'en connais qui tournent en rond
Ou qui longent les murs en comptant les saisons
J'en ai vus des dépourvus
Des nouveaux départs qui nous mènent nulle part
Des guerriers à la télé,
Des héros dans ma salle à manger
J'en ai lu des histoires vraies
Mais la question que j'me pose
Sans cesse : Où j'pourrais trouver
Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage
Tu vois c'est tellement mieux
Quand on est sûr de soi
Que l'on porte au bout des doigts
De la force et l'espoir
D'aller chercher plus loin en n'ayant peur de rien
De sonner à la porte de l'inconnu sans aucune retenue
Et parler c'est si léger
Mais la question que j'me pose
Sans cesse : Où j'pourrais trouver

Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage
Quand je vais dans la forêt
Que les bras m'en tombent comme le Petit Poucet
Des cailloux j'en ai trouvés
Mais la question que j'me pose
Sans cesse : Où j'pourrais trouver
Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage
Du courage, du courage, du courage

La Grande Sophie

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Invictus

Dans les ténèbres qui m'enserrent
Noires comme un puits où l'on se noie
Je rends grâce aux dieux, quels qu'ils soient
Pour mon âme invincible et fière.
Dans de cruelles circonstances
Je n'ai ni gémi ni pleuré
Meurtri par cette existence
Je suis debout, bien que blessé.
En ce lieu de colère et de pleurs
Se profile l'ombre de la Mort
Je ne sais ce que me réserve le sort
Mais je suis, et je resterai sans peur.
Aussi étroit soit le chemin
Nombreux, les châtiments infâmes
Je suis le maître de mon destin
Je suis le capitaine de mon âme.

William Ernest Henley (1843-1903)

Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be                    Le poème préféré de Nelson Mandela
For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of fate
My head is bloody, but unbowed.

Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate:
I am the captain of my soul.

William Ernest Henley (1843-1903)

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Du courage

Il faut avoir le courage de se faire face,
De regarder son âme dans cette glace,
Au travers de ses fissures et blessures,
De ses brisures et de toutes ses ratures.
Il faut trouver le courage de se faire face,
Tous les jours œuvrer, demeurer coriace,
Chercher un moyen de relever le regard,
Se relever et avancer, sans rester hagard.
Il faut avoir le courage de se faire face,
Malgré ses échecs et ses disgrâces,
Essayer d’oblitérer son abjecte lâcheté,
Agir, réagir et ne jamais laisser tomber.
Il faut trouver le courage de se faire face,
De se pardonner ses mauvaises passes,
Ses fautes monumentales et ses erreurs,
Avec bienveillance, patience et sans peur.
Le courage est une bataille quotidienne,
Il n’est jamais acquis, et ainsi se construit,
En nous modelant ; à chaque jour sa peine,
À chaque détour, le cœur se révèle et éblouit.

Nashmia Noormohamed, 2017

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Sans Elle

Regarder devant
avoir peur des gens
Souffrir en dedans
être hors du temps

Comment n’avons-nous pas senti
alors que tout était parfait
que le peu de notre vie
s’évaporait comme si de rien n’était

Aujourd’hui tout recommencer
réapprendre les gestes et les gens
pour que demain sublimer
me fasse traverser le temps

Ethan Street, 2009

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Non violence

Contre toi ceux qui avaient
Ceux qui savaient
Ceux qui commandaient

Contre toi ceux qui obéissaient
Contre toi les chiens
Les chiens obéissant aux hommes
Aux hommes qui obéissaient

Tu n’avais aucune chance, Nicolas,
Pourquoi,
Pourquoi as-tu continué à te lever les mains nues ?

Quelle folie t’a fait lever debout, Nicolas,
Mains nues,
Puisque
Tu n’avais aucune chance,
Aucune
Contre les chiens,
Nicolas Vaptzarov ?

Jean-Pierre Lambert alias Villebramar, 2016

 Nicolas Vaptzarov est un des plus grands poètes bulgares. Révolutionnaire et
résistant, il a été exécuté par les allemands en 1942.

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Les clandestins

Des hommes pour la plupart
Martyrs du hasard
Par une nuit sans lune
Sur des esquifs de fortune
Commencent leur fuite incertaine
Organisée par le passeur
Alliance d’argent et de haine

On raconte qu’il est une terre
Remède à leur malheur
Où la satiété est reine
Femme, enfant, père et mère
Laissés dans leur contrée lointaine
Attendront
Que par ces héros
L’abondance advienne.

À vous qui faites ripaille
Sourds aux damnés de la faim
À vous qui livrez
Une inégale bataille
À ceux qui vous tendent la main
Accueillez dans vos forteresses
Un peu de leur grande détresse.

Kamal Zerdoumi

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La mort de Gavroche (extrait)

Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d’une borne, une
balle frappa le cadavre.
— Fichtre ! fit Gavroche. Voilà qu’on me tue mes morts.
Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui. Une troisième renversa son panier.
Gavroche regarda, et vit que cela venait de la banlieue.
Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l’œil fixé sur les
gardes nationaux qui tiraient, et il chanta :
On est laid à Nanterre,
C’est la faute à Voltaire ;
Et bête à Palaiseau,
C’est la faute à Rousseau.
Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient
tombées, et, avançant vers la fusillade, alla dépouiller une autre giberne Là une quatrième balle le
manqua encore. Gavroche chanta :
Je ne suis pas notaire,
C’est la faute à Voltaire ;
Je suis petit oiseau,
C’est la faute à Rousseau.
Une cinquième balle ne réussit qu’à tirer de lui un troisième couplet :
Joie est mon caractère,
C’est la faute à Voltaire ;
Misère est mon trousseau,
C’est la faute à Rousseau.
Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l’air
de s’amuser beaucoup…. On le visait sans cesse, on le manquait toujours…Il se couchait, puis se
redressait, s’effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait,
revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez, et cependant pillait les cartouches, vidait les
gibernes et remplissait son panier. Les insurgés, haletants d’anxiété, le suivaient des yeux. La
barricade tremblait ; lui, il chantait… Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les
autres, finit par atteindre l’enfant feu follet…. Gavroche n’était tombé que pour se redresser ; il
resta assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air,
regarda du côté d’où était venu le coup, et se mit à chanter.
Je suis tombé par terre,
C’est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C’est la faute à…
Il n’acheva point. Une seconde balle du même tireur l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face
contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s’envoler.

Les Misérables, Tome V Victor Hugo

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Courage
Paris a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C’est l’air pur c’est le feu
C’est la beauté c’est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d’une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme une épée
Ingénue et savante
Tu ne supportes pas l’injustice
Pour toi c’est le seul désordre
Tu vas te libérer Paris
Paris tremblant comme une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien élevés
Un rayon s’allume en nos veines
Notre lumière nous revient
Les meilleurs d’entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve notre cœur
Et c’est de nouveau le matin un matin de Paris
La pointe de la délivrance
L’espace du printemps naissant
La force idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S’ils ont compris
S’ils sont capables de comprendre
Vont se lever.

Paul Eluard
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La comptine du courage

Chante la comptine du courage et tente de te souvenir de tous les gestes.

Parfois la nuit,
J’ai peur un peu
J’entends des bruits,
Je ferme les yeux
Et puis je compte,
1, 2, 3, 4
Est-ce un fantôme
Ou un millepattes ?
Je compte encore,
1, 2, 3, 4
J’ai du courage
Je me rendors !

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La volonté

Parfois, quand nos doutes nous assaillent,
On se lance dans une grande bataille,
Au fond de nos têtes ces détails,
Font dans notre confiance une entaille,

Mais on se lance à corps perdu,
Dans cette guerre incongrue,
Ces craintes on ne les redoute plus,
Et on est loin d’être abattu,

On ne pliera point sous le poids,
De tout ce qui s’opposera à nous,
On ne cédera point au désarroi,
Et nous retrouverons la joie,

C’est cette vie qui autorise,
À désirer ce qui attise,
On laissera ce qui aseptise,
On écrasera ce qui nous brise,

On laissera là nos doutes, nos craintes,
On ne tiendra pas compte des plaintes,
On ne cédera pas sous la contrainte,
On verra le bonheur qui pointe,

On ira toujours plus loin chercher,
Au fond de nous la volonté,
Celle qui nous pousse à avancer,
Faire de nos rêves réalité.

Alexandra Julien, extrait du livre des pensées positives

                                               20
Le Cancre

Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le cœur
il dit oui à ce qu'il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec les craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur

Jacques Prévert

                                         21
Courage

Tu te demandes pourquoi rester
Tu n'as plus envie de lutter
Tout autour de toi semble disparaître
Tu crois déjà tout connaître?
Tu penses à te suicider
Tu veux la facilité
Mais pense à ceux qui restent
Et que tu vas laisser en miettes !...
Si tu te sens déprimé
Tu as des amis pour parler
Si tu te sens gai
Tu as des amis pour délirer
Si tu es mal barré
Tu as des amis pour t'aider…
Je sais que cette vie
Est tout sauf jolie
Mais un jour on m'a raconté
Qu'elle avait des bons côtés !
Alors stop ta dérive
Il faut que tu vives
Le bonheur n'est pas si loin que ça
C'est à toi de lui montrer la voie !
Ton destin est entre tes mains
Toi seul peut décider des lendemains
La vie est ce que tu en fais
Alors vas-y à toi de jouer !

Coralie C. novembre 2004

                                        22
Complainte du petit cheval blanc

Le petit cheval dans le mauvais temps, qu’il avait donc du courage !
C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant.
Il n’y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage.
Il n’y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant.
Mais toujours il était content, menant les gars du village, à travers la pluie noire des
champs, tous derrière et lui devant.
Sa voiture allait poursuivant sa belle petite queue sauvage.
C’est alors qu’il était content, eux derrière et lui devant.
Mais un jour, dans le mauvais temps, un jour qu’il était si sage, il est mort par un
éclair blanc, tous derrière et lui devant.
Il est mort sans voir le beau temps, qu’il avait donc du courage !
 Il est mort sans voir le printemps ni derrière ni devant.

Paul Fort Extrait de "Ballades du beau hasard - Lieds, complaintes, élégies"

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La légende du colibri

Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt.
Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre.
Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les
jeter sur le feu.
Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : "Colibri ! Tu
n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces quelques gouttes d’eau que tu vas éteindre le
feu !"
Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais je fais ma part."

Légende amérindienne

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La chèvre de Monsieur Seguin (extrait)

La chèvre entendit derrière elle un bruit de feuilles.
Elle se retourna et vit dans l'ombre deux oreilles courtes, toutes droites, avec deux
yeux qui reluisaient...
C'était le loup.
Énorme, immobile, assis sur son train de derrière, il était là regardant la petite
chèvre blanche et la dégustant par avance. Comme il savait bien qu'il la mangerait,
le loup ne se pressait pas ; seulement, quand elle se retourna, il se mit à rire
méchamment…
Blanquette se sentit perdue... Un moment, en se rappelant l'histoire de la vieille
Renaude, qui s'était battue toute la nuit pour être mangée le matin, elle se dit qu'il
vaudrait peut-être mieux se laisser manger tout de suite ; puis, s'étant ravisée, elle
tomba en garde, la tête basse et la corne en avant, comme une brave chèvre de M.
Séguin qu'elle était... Non pas qu'elle eût l'espoir de tuer le loup, les chèvres ne
tuent pas le loup, mais seulement pour voir si elle pourrait tenir aussi longtemps
que la Renaude...
Alors le monstre s'avança, et les petites cornes entrèrent en danse.
Ah ! La brave chevrette, comme elle y allait de bon cœur ! Plus de dix fois, je ne
mens pas, Gringoire, elle força le loup à reculer pour reprendre haleine. Pendant ces
trêves d'une minute, la gourmande cueillait en hâte encore un brin de sa chère
herbe ; puis elle retournait au combat, la bouche pleine... Cela dura toute la nuit. De
temps en temps la chèvre de M. Séguin regardait les étoiles danser dans le ciel clair
et elle se disait :
- Oh ! Pourvu que je tienne jusqu'à l'aube...
L'une après l'autre, les étoiles s'éteignirent. Blanquette redoubla de coups de
cornes, le loup de coups de dent...
Une lueur pâle parut dans l'horizon... Le chant du coq enroué monta d'une métairie.
- Enfin ! dit la pauvre bête, qui n'attendait plus que le jour pour mourir ; et elle
s'allongea par terre dans sa belle fourrure blanche toute tachée de sang...
Alors le loup se jeta sur la petite chèvre et la mangea !

Alphonse Daudet

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