Etude ROSIE : Etat des lieux national de l'utilisation des robots sociaux en établissement gériatrique
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Etude ROSIE : Etat des lieux national de l’utilisation des robots sociaux en établissement gériatrique Anna Goncalves1,2, Maribel Pino1,2,3, Etienne Berger1,2, Samuel Benveniste1,3, Melody Monthéard4, Anne-Sophie Rigaud1,2 1 Université de Paris, EA 4468, Paris, France 2 Hôpital Broca, AP-HP, Paris, France 3 Centre d’Expertise National en Stimulation Cognitive (CENSTIMCO), Paris, France 4 Gerond’IF-Gerontopôle d’Ile de France, Paris France Résumé mécaniques dotées d’une intelligence artificielle) capables Les interventions à médiation robotique (IMR) se sont beaucoup d’interactions sociales avec l’utilisateur [2]. développées ces dernières années en France, notamment dans le Deux catégories de robots-sociaux peuvent jouer un rôle en secteur gériatrique. Cependant, les pratiques dans ce domaine gériatrie. Les robots d’assistance ou de service dont le rôle est demeurent particulièrement hétérogènes, rendant leur vision à d’aider l’utilisateur dans les activités de la vie quotidienne et l’échelle nationale opaque et parcellaire. les robots compagnons, caractérisés par leur comportement Face à ce constat, le projet ROSIE a vu le jour. L’un de ses objectifs social (parole, expression faciale, gestuelle…), développés était de dresser un état des lieux national de l’implémentation des pour tenter d’améliorer l’état de santé et le bien-être des robots sociaux en gériatrie à travers l’analyse des dimensions personnes [2]. Ces derniers présentent des traits humanoïdes clinique, médico-économique, organisationnelle et éthique. (comme NAO, petit robot humanoïde autonome et Pour cela, une étude qualitative a été menée sur la base d’un programmable développé en France) ou animaloïdes (comme questionnaire informatique mis en ligne complété par des interviews le robot japonais Paro, en forme de bébé phoque). téléphoniques enregistrés et retranscrits. Au total, 59 établissements Ces deux robots, par leur capacité à réagir de manière ont participé. L’analyse de l’ensemble de ces verbatims a été faite autonome aux comportements humains, peuvent aider dans la selon la méthode thématique inductive. prise en charge des personnes âgées présentant des troubles Elle a permis de mieux comprendre les usages et les limites des IMR neurocognitifs modérés à sévères, notamment celles éprouvant en gériatrie, en particulier leurs indications, les effets cliniques des difficultés à communiquer par la parole [3][4][5][6]. observés, leurs conditions d’utilisation, les ressources humaines et L’utilisation de la robotique sociale en secteur gériatrique économiques engagées et les questionnements éthiques soulevés. soulève de multiples questions balayant de nombreux Cette étude, en ayant dressé un état des lieux national des IMR en domaines aussi bien clinique, éthique, organisationnel que établissement gériatrique, pourra servir de socle dans médico-économique [7]. l’identification des pistes d’accompagnement des différents acteurs L’utilisation des robots-sociaux en gériatrie est une impliqués dans ce domaine. discipline relativement nouvelle. La plupart des études ont évalué l’efficacité clinique et l’acceptabilité de ces Keywords: Intervention à médiation robotique, personne âgée, technologies dans le champ de la gériatrie, fournissant des troubles neurocognitifs, accompagnement du patient résultats prometteurs dans ce secteur [8][9]. En revanche, peu d’études ont porté sur l’évaluation des autres aspects I. INTRODUCTION (organisationnel, médico-économique et éthique) de ces technologies, pourtant essentiels à l’analyse de leur implantation dans les lieux d’expérimentation et de leur Le vieillissement de la population soulève de nombreux potentiel de généralisation à l’ensemble du secteur gériatrique. défis dans le domaine de la santé et des services sociaux. En France, plus d’une centaine de structures d’accueil pour L’intelligence artificielle, et notamment la robotique, qui personnes âgées en perte d’autonomie ont participé ou avaient déjà trouvé des applications dans le domaine de la participent à des expérimentations avec des robots sociaux, santé, tendent de fournir un élément de réponse aux mais nous possédons peu de retours sur l’analyse de leurs problématiques soulevées par le vieillissement de la population pratiques. [1], notamment avec l’émergence de la robotique sociale, L’objectif de cette enquête est de dresser un état des lieux branche de la robotique, développant des robots (entités national sur les expérimentations des robots sociaux en gériatrie, en s’appuyant sur les retours d’expérience des acteurs p. 1 Colloque JETSAN 2021
de terrain, en intégrant les différentes dimensions (aussi bien résidents et les soignants et les réticences rencontrées clinique, éthique, organisationnelle que médico-économique) à (résidents, soignants, proches) lors de leur mise en œuvre. l’analyse de leur usage, de façon à identifier les facteurs Une déclaration de mise en conformité a été faite auprès du facilitateurs et les freins à leur utilisation. DPO (Data Protection Officer) de l’APHP. Au total, 59 établissements ont répondu au questionnaire et le questionnaire a été complété par un entretien téléphonique II. MÉTHODE avec un des professionnels dans 55 établissements. A. Participants D. Analyse des données Nous avons mené une étude mixte (quantitative et qualitative), exploratoire, prospective, multicentrique et Les interviews téléphoniques ont été enregistrés et nationale sur la base de questionnaires en ligne. retranscrits. Ces données ont été ajoutées aux verbatims Les personnes interrogées étaient des professionnels de (commentaires libres) issus des questionnaires. santé issus de formations différentes (aide-soignant, infirmier, Nous avons réalisé une analyse descriptive des données IDEC, cadre de santé, médecin, ergothérapeute, psychologue, quantitatives et une analyse qualitative de l’ensemble des directrice d’EHPAD…) exerçant dans des établissements verbatims (commentaires libres écrits des questionnaires et gériatriques ayant mené une expérimentation en matière de données des entretiens téléphoniques) selon la méthode robotique sociale. thématique inductive [13]. Tous les verbatim des professionnels ont été classés dans les thèmes et sous thèmes B. Outils auxquels ils faisaient référence dans la classification HTA. Le contenu du questionnaire a été élaboré sur la base du III. RÉSULTATS modèle HTA (modèle d’évaluation des technologies de santé développé par European Network for Health Technology A. Données administratives et générales concernant les Assesment) [10] [11] comprenant 9 dimensions d’étude : établissements étudiés problème de santé et utilisation actuelle de la technologie (CUR), Aspects techniques (TEC), Sécurité (SAF), Efficacité 1) Données administratives concernant les clinique (EFF), Coûts et évaluation économique (ECO, établissements étudiés Analyse éthique (ETH), Aspects organisationnels (ORG), Patients et aspects sociaux (SOC), Aspects juridiques (LEG). Le questionnaire a été complété par 59 établissements. Ce questionnaire était divisé en trois parties : une partie Ces établissements étaient répartis dans 31 départements. 20 générale permettant de renseigner des données essentielles sur établissements étaient situés en Île-de-France. l’établissement ; une partie générale concernant le rapport de Dans l’ensemble des établissements, 41 (69,5%) étaient des l’établissement avec la robotique sociale et une partie EHPAD, 15 (25,4%) des services cliniques, 2 (3,4%) des spécifique portant sur les expérimentations menées en matière résidences seniors et on comptait 1 (1,7%) foyer logement. de robotique sociale. Les établissements publics étaient au nombre de 32 (54%) les Les participants étaient également invités à produire des établissements privés à but non lucratif 17 (29%), les commentaires libres écrits sur les expérimentations en établissements privés à but commercial 10 (17%). robotique faites dans leur établissement. Les expérimentations avec les robots existaient depuis C. Procédure 2007. A la date de la passation du questionnaire, 93,2% des établissements utilisaient un robot social. Le questionnaire a été mis en ligne au cours du premier trimestre 2019, pour une durée de 3 mois, en utilisant pour sa 2) Identification des personnes ayant répondu au questionnaire diffusion, la plateforme « Survey Monkey », une application web gratuite permettant de créer des sondages en ligne, des formulaires et des enquêtes [12]. Parmi l’ensemble des personnes ayant répondu au Le questionnaire pouvait ensuite être complété par un questionnaire en ligne, 22 (37,3%) étaient des IDE et aides- entretien téléphonique avec un des professionnels de soignants, 16 (27,1%) étaient des IDEC, cadres infirmiers, IDE l’établissement afin de compléter les données manquantes. Les IPA, 15 (25%) des administratifs, 5 (8,5%) d’entre eux étaient principaux thèmes abordés concernaient les modalités des médecins et 1 (1,7%) personne provenait de l’équipe d’utilisation des robots, la formation des professionnels à leur d’animation. utilisation, les effets des interventions robotiques sur les p. 2 Colloque JETSAN 2021
3) Nombre de robots par établissement 3) Domaines d’utilisation de l’IMR Concernant le nombre de robots dont disposait chaque Les interventions à médiation robotique étaient faites à établissement, 51 (86,4%) établissements avaient 1 robot, 4 visée thérapeutique et d’animation. (6,8%) en possédaient 2, 3 (1,7 %) en détenaient 3, 2 (3,4%) en « L’établissement a acquis PARO en 2016 dans le but de avaient 4 et enfin 1 (1,7%) établissement n’avait pas de robot l’utiliser dans les activités quotidiennes des résidents (soins, (lui appartenant). animation etc.) et d’améliorer leur état clinique » (IDEC) 4) Type de robots utilisés Les robots animaloïdes, comme Paro, étaient principalement utilisés, par différents types de professionnels (infirmière, aide- soignant, psychologue, médecin) pour calmer les personnes en Les robots utilisés dans les établissements étaient Paro cas de crise (angoisse, tristesse, troubles du sommeil, agitation) dans 50 établissements (82%), suivi des robots NAO dans 7 ou pour stimuler des personnes souffrant d’apathie. établissements (11,5 %), Pepper dans 1 établissement (1,6%,), « Paro s’est révélé être un véritable outil pour canaliser les Kompai dans 1 établissement (1,6%), Spoon dans 1 crises d’angoisse et l’anxiété des résidents également pour établissement (1,6%), et un robot d’un autre type dans 1 l’endormissement » (Ergothérapeute) établissement (1,6%). Certains établissements ont utilisé plusieurs robots Les robots humanoïdes comme Nao, étaient surtout utilisés différents. pour des thérapies, par exemple des séances de remédiation cognitive, sensorielle et/ou motrice en présence de 5) Médiateurs rééducateurs ou de psychologues ou pour des ateliers d’animation en présence d’animateur. Les intervenants et médiateurs des robots pour les patients « Seules les deux psychologues l'ont déjà utilisé avec les étaient, dans certains établissements, des professionnels patients. Le but est d'utiliser le robot comme un objet identifiés, en particulier psychologues, kinésithérapeutes, thérapeutique/médiateurs autour d'ateliers de groupe de infirmières. Dans d’autres établissements, les IMR étaient mémoire, de jeux etc » (psychologue). dispensées de façon indifférente par un membre du personnel (infirmières, aide soignantes, médecins, rééducateurs). C. Aspects techniques (TEC) - Regard porté par les utilisateurs sur la technologie B. Problèmes de santé et utilisation du robot (CUR) Plusieurs professionnels ont insisté sur le caractère novateur 1) Population cible de l’utilisation des nouvelles technologies, mais d’autres professionnels ont signalé des inconvénients pouvant limiter leur utilisation. La population cible utilisant les robots était, pour la « La maturité de la technologie est un aspect important à majorité des expérimentations, des sujets avec des troubles tenir compte car certains robots peuvent demander un temps cognitifs évolués (type maladie d’Alzheimer ou apparentée) de préparation très important et des compétences techniques présentant des troubles du comportement. Les IMR étaient pas toujours disponibles au sein des établissements de santé. également à destinée de patients ayant des troubles Les difficultés techniques peuvent freiner l'adoption de ces psychiatriques isolés. Pour quelques expérimentations, les IMR outils » (Médecin) concernaient des sujets sans ou avec peu de troubles cognitifs. « Il apporte réellement un bénéfice dans la relation avec le Le coût du robot (achat, maintenance, réparation) était patient âgé présentant ou non des troubles cognitifs… » également signalé comme une limite à son acquisition. (IDEC) « Les robots coutent chers à l’achat. Par ailleurs, il y a un cout de maintenance des robots : nettoyage, réparation… » 2) Principaux objectifs visés par l’IMR (Cadre administratif) Le principal objectif de l’IMR dans l’établissement était D. Aspects organisationnels (ORG) l’amélioration de l’état clinique, de l'environnement de vie des personnes âgées (loisir, animation, socialisation), ainsi que 1) Modes d’utilisation des robots sociaux l'organisation du travail au sein des établissements pour tous les robots. Le mode d’utilisation était variable selon les institutions. p. 3 Colloque JETSAN 2021
Les robots sociaux étaient préférentiellement utilisés dans La plupart des professionnels insistait sur l’importance de les pratiques courantes comme les soins, l’animation, la vie cette formation pour permettre aux soignants de se familiariser quotidienne de l’établissement dans 52 établissements (88,1%). avec le robot. Ils étaient mobilisés dans le cadre de la recherche dans 7 Ils soulignaient également la nécessité de répéter cette établissements (11,9%). formation dans le temps afin de maintenir la connaissance du Leur emploi était fait de façon régulière dans 32 maniement du robot dans l’institution malgré le turn-over des établissements ou de façon ponctuelle dans 20 établissements. soignants. Le robot pouvait être utilisé soit en groupe, soit de façon « Les professionnels ont noté un manque de formation individuelle. ayant entrainé une sous-utilisation des robots : Paro est utilisé « Les modes d’utilisation sont variables : En individuel dans le PASA et pas du tout dans l'EHPAD, quand bien même PARO est utilisé pour calmer uniquement dans la matinée. En il serait utile aux soignants la nuit ou le matin. Il y a une collectif c'est un outil d'animation : il est déposé sur une table méconnaissance des soignants de l'EHPAD sur Paro. Une à la disposition des résidents durant les temps morts (post réflexion est menée avec l'ergothérapeute d’un autre activités) » (Psychologue) établissement de la Fondation pour la création de fiches de Les soignants pouvaient avoir recours aux robots de jour type "quand utiliser PARO ?", "comment l'utiliser" car il y a comme de nuit. une vraie difficulté à l'aborder. Il y a une nécessité de former le personnel soignant » (Ergothérapeute). 2) Elaboration d’un protocole d’utilisation par Pour les activités utilisant des robots humanoides l’établissement nécessitant habituellement la présence de deux professionnels (l’un étant l’intervenant principal auprès des patients et l’autre Dans 28 (44,1%) établissements, il existait un protocole maniant le robot), la formation de ces professionnels à d’utilisation des robots. Pour Paro, 28 (36%) établissements l’utilisation du robot était indispensable en particulier pour ont fait un protocole tandis que 31 (63,3%) établissements n’en celui des deux en charge de la manipulation du robot. ont pas établi. Plusieurs professionnels ont insisté sur la nécessité de 4) Impact de l’utilisation des robots sur l’organisation mettre en place des protocoles d’utilisation des robots et sur des soins l’importance de la préparation de l’intervention robotique. « Si les interventions à médiation robotique ont un objectif L’impact de l’utilisation des robots sur l’organisation des bien défini et sont bien préparées (intégration dans soins était apprécié de façon variable. l'organisation du travail et réflexion autour du partage des Certains professionnels signalaient l’absence de rôles humains/robots, identification des personnes pouvant en retentissement sur l’organisation des soins en soulignant que le bénéficier, personnalisation des contenus...), elles peuvent robot s’intégrait à des activités préexistantes. avoir des effets très positifs sur l'estime de soi, le lien social et « L’organisation du travail des soignants n’a donc pas été la communication des patients âgés… » (Médecin) impactée puisque l’utilisation de PARO entre dans le cadre Cette préparation était particulièrement importante pour les d’activités de l’après-midi déjà établie dans leur emploi du interventions utilisant un robot humanoïde comme NAO qui temps » (Infirmière coordonnatrice) nécessitent que le robot soit programmé avant l’activité. D’autres professionnels (n=8) observaient des bénéfices tels qu’un gain de temps, un allègement de la charge mentale sur 3) Mise en place d’une formation à l’utilisation des l’organisation du travail des soignants entrainant une baisse du robots par l’établissement stress des soignants. « Pour l'organisation du travail des soignants, PARO est un Pour les interventions utilisant le robot Paro, certaines outil d'allègement émotionnel, le soignant peut s'appuyer sur le institutions ont mis en place des formations, d’autres non. robot pour calmer les anxiétés ou l’agressivité de certains Ces formations étaient hétérogènes comportant souvent la résidents. Le travail effectué en est ainsi de meilleure qualité » formation par l’entreprise de commercialisation du robot, (Psychomotricienne) parfois associée à une formation complémentaire par des Cependant, beaucoup de professionnels soulignaient des professionnels de l’institution (par exemple une initiation ou difficultés pour organiser les interventions robotiques dans le une supervision par un collègue). cadre des soins. Certaines limites étaient liées au manque de Certains professionnels souhaitaient rédiger un guide formation et de temps disponible pour organiser l’IMR. d’utilisation. D’autres raisons concernaient les contraintes d’entretien du robot et le fait qu’il était placé dans un endroit peu accessible afin de ne pas être volé ce qui limitait son emploi. p. 4 Colloque JETSAN 2021
« Malgré l'intérêt que les robots peuvent susciter pour les Certains professionnels (n=2) décrivaient une absence professionnels il y a un vrai impact dans l'organisation du d’effet et avaient abandonné l’utilisation des robots sociaux. travail car l'intégration du robot demande un temps de « PARO reste un simple outil et n'améliore pas le préparation plus important des activités (vs. Pratiques quotidien des patients » (Ergothérapeute) traditionnelles), le temps de formation à l'utilisation du robot peut être longue (Nao) ce qui peut décourager leur utilisation 3) Effets négatifs » (Médecin) De rares effets négatifs étaient rapportés (n=3) tels qu’une E. Efficacité clinique (EFF) angoisse provoquée par les « cris » et l’émergence de mauvais souvenirs. 1) Effets positifs « PARO peut faire émerger de mauvais souvenirs propres à l’histoire personnelle des patients et qu’il est nécessaire qu’un Des effets très positifs pour les patients étaient observés psychologue intervienne dans ces cas-là » (IDE, IPA) par de nombreux professionnels (n =33). Les professionnels observaient une amélioration de la 4) Utilité perçue par les professionnels de santé communication des résidents entre eux, avec leurs proches et avec les soignants. L’utilité perçue des interventions à médiation robotique « Le robot délie la conversation soignants-patients, permet dans les différents établissements (exprimée en nombre aux personnes âgées de parler de leur passé dans certains cas d’établissements et en % du nombre total d’établissement) est et entraîne une bonne dynamique d’échanges » (Médecin) présentée dans le tableau ci-dessous (Table I). Ils constataient une réduction des troubles du comportement, notamment un apaisement en cas d’agitation, une réassurance TABLE I. lors d’épisodes d’anxiété, une facilitation de l’endormissement, une réduction de l’apathie permettant dans certains cas une Utilité Très utiles Plutôt utiles Peu utiles réduction du recours aux psychotropes. Tous les robots 24 (40, 0%) 34 (57,6%) 1 (1,7%) Paro 21 (42,0%) 28 (56,0%) 1 (2,0) « Il (le robot) permet de diminuer le niveau d'anxiété Nao 2 (33,3%) 4 (66,7%) 0 notamment au sein de l'unité protégée. Les effets sont globalement positifs sur les moments de tristesse et d'agressivité » (Ergothérapeute) F. Aspects éthiques (ETH) Certains professionnels notaient que l’utilisation des robots changeaient leur regard sur les patients. Des questions éthiques ont été soulevées par les « Le regard des soignants sur les patients change également professionnels. grâce à PARO puisqu’ils découvrent de nouveaux sentiments Elles portaient essentiellement sur le risque d’infantilisation (jalousie) et comportements (sourires, tendresse…) chez les et de tromperie du résident. résidents » (IDE IPA) « Il y a eu des réticences, les soignants ont une crainte d’infantilisation, et le fait d'utiliser "un faux" animal, cela a un Mais ces effets positifs étaient décrits comme immédiats caractère dérangeant » (Psychomotricienne) après la présentation du robot et de courte durée. Certains soignants craignaient que les robots remplacent les « Le PARO n’a pas d’effets à moyen-long terme, il agit sur soignants, alors que d’autres considéraient le robot comme un le patient uniquement au moment de l’utilisation » simple outil. (Ergothérapeute) « Un malaise en lien avec leur identité professionnelle Et selon eux, les effets étaient susceptibles de s’épuiser fortement imprégnée de l'éthique du care confrontée au avec une utilisation trop fréquente. manque de sentiment interne d'empathie de Paro, un sentiment « L'établissement possède un robot PARO mais ne l'utilise de dévalorisation de leur travail /perplexité voire peur vis à vis pas beaucoup en ce moment car a constaté qu'une utilisation de l'ontologie de Paro (Altérité intrigante : vivant/non ; vivant/ trop fréquente (1 fois par semaine dans chaque unité) animal/chose/ collègue ; collaboration / efficacité provoquait un désintérêt de la part des résidents/patients » relationnelle) » (Psychologue) (Animatrice) G. Aspects sociologiques (SOC) 2) Absence d’effet Dans 25 établissements, il n’était observé aucune réticence à l’utilisation des robots sociaux. Cependant des réticences à p. 5 Colloque JETSAN 2021
leur utilisation étaient constatées dans 33 (55,9%) H. Perception de l’impact de l’IMR par les professionnels de établissements. santé La réticence provenait dans 24 établissements des professionnels, dans 16 établissements des patients ou résidents L’impact de l’intervention robotique est présentée dans la et dans 3 établissements des proches des patients ou résidents. figure ci-dessous (Figure 1) : 1) Rapport des soignants à l’utilisation des robots sociaux L’adhésion des soignants à l’intervention robotique était variable. Les causes de la réticence étaient diverses comme la crainte d’utiliser de nouvelles technologies, le manque de temps dans les soins, la peur d’être remplacé par des machines, le fait que la médiation robotique était imposée par la hiérarchie. Un point notable était que l’adhésion pouvait survenir secondairement dans une équipe. « Dans un premier temps, le robot est resté dans un placard (manque de temps, d’intérêt des soignants, refus des psy d’utiliser le robot car problème d’éthique, dévalorisation du travail) puis une phase d’appropriation du robot par les soignants (acceptation tardive) » (Médecin) 2) Rapport des patients et résidents à l’utilisation des robots sociaux Figure 1. Impact de l’IMR Les résidents pouvaient considérer le robot comme une machine, comme un animal (qui pouvait être plaisant ou A : Etat des cliniques des personnes âgées ; B : Qualité de vie des personnes âgées ; C : déplaisant) ou comme un jouet. Sécurité des personnes âgées ; D : Qualité de prise en charge des personnes âgées ; E : « Les patients atteints d’Alzheimer se divisent en deux Organisation du travail des soignants ; F : Rapport coûts/bénéfices ; G : Satisfaction des groupes : ceux qui projettent en PARO un véritable animal et personnes âgées ; H : Satisfaction des professionnels ; I : Satisfaction des familles ceux qui savent que c'est un robot » (Psychomotricienne) Les réticences des résidents à l’égard des robots pouvaient IV. DISCUSSION être liées à un manque d’intérêt, une peur du robot ou à une crainte d’être stigmatisés. A. Rappel des principaux résultats et comparaison aux « Une partie des résidents qui identifient Paro (en tant que études antérieures robot) ne voient pas l'intérêt de communiquer avec lui, d’autres avec des troubles cognitifs, étaient dérangés par son Dans cette étude, les IMR étaient principalement adressées regard » (Psychomotricienne) aux personnes âgées ayant des troubles neurocognitifs évolués présentant des troubles du comportement. 3) Existence d’un profil de répondeurs parmi les Elles étaient utilisées le plus souvent à visée thérapeutique résidents (afin de soulager les angoisses, de calmer les accès d’agitation, de favoriser l’endormissement chez les patients présentant des On peut se poser la question de l’existence d’un profil de troubles du sommeil, de stimuler les patients apathiques, de répondeurs (accepteurs) à Paro. réguler l’humeur des patients dépressifs) et d’animation en jouant un rôle de médiateur pour faciliter la communication Certains professionnels ont noté que le robot Paro était plus entre les différents intervenants. Elles étaient également accepté par les femmes que par les hommes, et par les utilisées dans les séances de stimulation cognitive. personnes qui avaient déjà eu des animaux dans leur vie. Pour de nombreux professionnels de soins, l’utilisation des D’autres professionnels notaient que le robot était mieux IMR permettait de remplir ces objectifs. Cependant, pour accepté par les personnes qui avaient des troubles cognitifs que certains, ces effets étaient de courte durée et susceptibles de par celles en bonne santé sur le plan intellectuel. s’épuiser avec une utilisation trop fréquente des IMR. p. 6 Colloque JETSAN 2021
De nombreuses revues scientifiques corroborent ces effets [8]. données produites par l’enquête ethnographique figurant dans En effet, les principaux bénéfices de l’utilisation des robots ce projet. sociaux en gériatrie décrits dans la littérature sont la réduction des troubles comportementaux et leur utilisation comme outils V. CONCLUSION ET PERSPECTIVES de médiation et d’aide à la communication au cours d’ateliers d’animation ou de stimulation cognitive [2][8][14][15]. Cette enquête nous a permis de recueillir la vision des Certains aspects organisationnels tels que le manque de professionnels de terrain concernant l’IMR dans les temps et de formation, le coût des robots (à l’achat et pour leur établissements gériatriques en France. maintenance) et certaines questions éthiques telles que le Selon la plupart d’entre eux, l’utilisation des robots sociaux risque d’infantilisation et de tromperie du sujet âgé, le risque dans le secteur gériatrique a un intérêt clinique. En effet la de remplacement de l’homme par la machine étaient identifiés majorité dit avoir observé plusieurs effets positifs au cours de comme des freins à leur utilisation par certains professionnels leur utilisation chez la personne âgée. de santé. Ces obstacles étaient également décrits dans la Néanmoins, de nombreux acteurs soulèvent des littérature [8]. questionnements d’ordre éthique et pointent du doigt des Plusieurs professionnels de santé ont insisté sur la difficultés d’ordre organisationnel liées au cadre professionnel, nécessité de mettre en place des protocoles d’utilisation et de d’ordre technique liées au manque de formation et d’ordre proposer des formations pour encadrer la pratique des IMR. économique concernant une pratique relativement récente dont l’implantation dans les établissements gériatriques est en cours B. Intérêt de l’étude de développement. Cette enquête de terrain a permis de compléter les données Un des aspects positifs de cette étude est qu’il s’agit d’une de la littérature en collectant les avis de professionnels amenés étude de grande ampleur à l’échelle nationale puisque plus de à utiliser cette technique auprès des personnes âgées en 100 établissements gériatriques français ayant mené ou menant établissement gériatrique français à un instant donné et en des études sur les IMR ont été inclus, permettant ainsi de proposant une analyse des données collectées au travers rendre compte de l’hétérogénéité des pratiques. différentes dimensions. De plus, la majorité des études figurant dans la littérature Ces résultats, prenant en compte les besoins des relative à l’utilisation des IMR dans le secteur gériatrique porte professionnels de terrain ayant fait l’usage de cette sur les personnes âgées ciblées par l’intervention et évalue la technologie, pourront servir de base dans la rédaction de plupart du temps ces technologies selon deux dimensions, leur recommandations de bonnes pratiques et l’élaboration d’outils efficacité clinique et leur acceptabilité. Les dimensions d’aide à l’utilisation des robots sociaux en secteur gériatrique. organisationnelles, médico-économiques, éthiques ou légales faisant souvent défauts. Cette étude, en se basant sur l’expérience des professionnels de terrain et en proposant une REMERCIEMENTS évaluation multidimensionnelle de l’utilisation des IMR en Cette enquête a bénéficié du soutien de la CNSA et du gériatrie (incluant notamment les dimensions techniques, groupe Malakoff-Humanis dans le cadre du projet ROSIE, porté organisationnels et éthiques) permet de fournir une vision plus par Gérond’if (le Gérontopole d’Ile de France) en partenariat globale de l’utilisation de cette technologie et d’identifier les avec le Living Lab LUSAGE (Hôpital Broca, APHP), spécialisé besoins des utilisateurs ainsi que les facteurs facilitateurs et les dans l’évaluation de gérontechnologies, et la chaire freins à son utilisation. Hospinnomics (Paris School of Economics, APHP) en collaboration avec l’EA 2694 « Santé Publique : Epidémiologie C. Limites de l’étude et Qualité des Soins » de l’Université de Lille, spécialisé dans le domaine de l’économie de la santé et l’évaluation des technologies de santé. En collectant les avis de professionnels de terrain et non ceux d’observateurs extérieurs, cette étude permet certes d’analyser le regard porté par l’utilisateur sur l’outils, ses REFERENCES modes d’applications et ses potentiels effets, mais au prix d’une vision parcellaire et subjective de son implantation dans [1] S. Petersen, S. Houston, H. Qin, C. Tague, et J. Studley, le secteur gériatrique. « The Utilization of Robotic Pets in Dementia Care », J. De plus, malgré la volonté d’exhaustivité dans les critères Alzheimers Dis. JAD, vol. 55, no 2, p. 569‑ 574, 2017, d’évaluation des IMR, certains aspects notamment médico- doi: 10.3233/JAD-160703. économiques et légaux ne sont pas abordés dans cette étude. [2] J. Broekens, M. Heerink, et H. Rosendal, « Assistive Cette limite est somme toute relative, puisque les données de social robots in elderly care: A review », cette étude, issue du projet Rosie, pourront être complétées aux Gerontechnology, vol. 8, no 2, p. 94‑ 103, 2009, doi: 10.4017/gt.2009.08.02.002.00. p. 7 Colloque JETSAN 2021
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