Etude ROSIE : Etat des lieux national de l'utilisation des robots sociaux en établissement gériatrique

 
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Etude ROSIE : Etat des lieux national de l’utilisation
    des robots sociaux en établissement gériatrique
    Anna Goncalves1,2, Maribel Pino1,2,3, Etienne Berger1,2, Samuel Benveniste1,3, Melody Monthéard4, Anne-Sophie
                                                       Rigaud1,2
                                              1
                                              Université de Paris, EA 4468, Paris, France
                                                2
                                                  Hôpital Broca, AP-HP, Paris, France
                        3
                          Centre d’Expertise National en Stimulation Cognitive (CENSTIMCO), Paris, France
                                       4
                                         Gerond’IF-Gerontopôle d’Ile de France, Paris France

    Résumé                                                               mécaniques dotées d’une intelligence artificielle) capables
Les interventions à médiation robotique (IMR) se sont beaucoup           d’interactions sociales avec l’utilisateur [2].
développées ces dernières années en France, notamment dans le                Deux catégories de robots-sociaux peuvent jouer un rôle en
secteur gériatrique. Cependant, les pratiques dans ce domaine            gériatrie. Les robots d’assistance ou de service dont le rôle est
demeurent particulièrement hétérogènes, rendant leur vision à            d’aider l’utilisateur dans les activités de la vie quotidienne et
l’échelle nationale opaque et parcellaire.                               les robots compagnons, caractérisés par leur comportement
Face à ce constat, le projet ROSIE a vu le jour. L’un de ses objectifs   social (parole, expression faciale, gestuelle…), développés
était de dresser un état des lieux national de l’implémentation des      pour tenter d’améliorer l’état de santé et le bien-être des
robots sociaux en gériatrie à travers l’analyse des dimensions           personnes [2]. Ces derniers présentent des traits humanoïdes
clinique, médico-économique, organisationnelle et éthique.               (comme NAO, petit robot humanoïde autonome et
Pour cela, une étude qualitative a été menée sur la base d’un            programmable développé en France) ou animaloïdes (comme
questionnaire informatique mis en ligne complété par des interviews      le robot japonais Paro, en forme de bébé phoque).
téléphoniques enregistrés et retranscrits. Au total, 59 établissements       Ces deux robots, par leur capacité à réagir de manière
ont participé. L’analyse de l’ensemble de ces verbatims a été faite      autonome aux comportements humains, peuvent aider dans la
selon la méthode thématique inductive.                                   prise en charge des personnes âgées présentant des troubles
Elle a permis de mieux comprendre les usages et les limites des IMR      neurocognitifs modérés à sévères, notamment celles éprouvant
en gériatrie, en particulier leurs indications, les effets cliniques     des difficultés à communiquer par la parole [3][4][5][6].
observés, leurs conditions d’utilisation, les ressources humaines et         L’utilisation de la robotique sociale en secteur gériatrique
économiques engagées et les questionnements éthiques soulevés.           soulève de multiples questions balayant de nombreux
Cette étude, en ayant dressé un état des lieux national des IMR en       domaines aussi bien clinique, éthique, organisationnel que
établissement gériatrique, pourra servir de socle dans                   médico-économique [7].
l’identification des pistes d’accompagnement des différents acteurs          L’utilisation des robots-sociaux en gériatrie est une
impliqués dans ce domaine.                                               discipline relativement nouvelle. La plupart des études ont
                                                                         évalué l’efficacité clinique et l’acceptabilité de ces
   Keywords: Intervention à médiation robotique, personne âgée,          technologies dans le champ de la gériatrie, fournissant des
troubles neurocognitifs, accompagnement du patient                       résultats prometteurs dans ce secteur [8][9]. En revanche, peu
                                                                         d’études ont porté sur l’évaluation des autres aspects
                        I.   INTRODUCTION                                (organisationnel, médico-économique et éthique) de ces
                                                                         technologies, pourtant essentiels à l’analyse de leur
                                                                         implantation dans les lieux d’expérimentation et de leur
    Le vieillissement de la population soulève de nombreux               potentiel de généralisation à l’ensemble du secteur gériatrique.
défis dans le domaine de la santé et des services sociaux.                   En France, plus d’une centaine de structures d’accueil pour
    L’intelligence artificielle, et notamment la robotique, qui          personnes âgées en perte d’autonomie ont participé ou
avaient déjà trouvé des applications dans le domaine de la               participent à des expérimentations avec des robots sociaux,
santé, tendent de fournir un élément de réponse aux                      mais nous possédons peu de retours sur l’analyse de leurs
problématiques soulevées par le vieillissement de la population          pratiques.
[1], notamment avec l’émergence de la robotique sociale,                     L’objectif de cette enquête est de dresser un état des lieux
branche de la robotique, développant des robots (entités                 national sur les expérimentations des robots sociaux en
                                                                         gériatrie, en s’appuyant sur les retours d’expérience des acteurs

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de terrain, en intégrant les différentes dimensions (aussi bien    résidents et les soignants et les réticences rencontrées
clinique, éthique, organisationnelle que médico-économique) à      (résidents, soignants, proches) lors de leur mise en œuvre.
l’analyse de leur usage, de façon à identifier les facteurs            Une déclaration de mise en conformité a été faite auprès du
facilitateurs et les freins à leur utilisation.                    DPO (Data Protection Officer) de l’APHP.
                                                                       Au total, 59 établissements ont répondu au questionnaire et
                                                                   le questionnaire a été complété par un entretien téléphonique
                         II. MÉTHODE                               avec un des professionnels dans 55 établissements.
A.     Participants
                                                                   D. Analyse des données
    Nous avons mené une étude mixte (quantitative et
qualitative), exploratoire, prospective, multicentrique et             Les interviews téléphoniques ont été enregistrés et
nationale sur la base de questionnaires en ligne.                  retranscrits. Ces données ont été ajoutées aux verbatims
    Les personnes interrogées étaient des professionnels de        (commentaires libres) issus des questionnaires.
santé issus de formations différentes (aide-soignant, infirmier,       Nous avons réalisé une analyse descriptive des données
IDEC, cadre de santé, médecin, ergothérapeute, psychologue,        quantitatives et une analyse qualitative de l’ensemble des
directrice d’EHPAD…) exerçant dans des établissements              verbatims (commentaires libres écrits des questionnaires et
gériatriques ayant mené une expérimentation en matière de          données des entretiens téléphoniques) selon la méthode
robotique sociale.                                                 thématique inductive [13]. Tous les verbatim des
                                                                   professionnels ont été classés dans les thèmes et sous thèmes
B.     Outils                                                      auxquels ils faisaient référence dans la classification HTA.

    Le contenu du questionnaire a été élaboré sur la base du                              III. RÉSULTATS
modèle HTA (modèle d’évaluation des technologies de santé
développé par European Network for Health Technology               A. Données administratives et générales concernant les
Assesment) [10] [11] comprenant 9 dimensions d’étude :                établissements étudiés
problème de santé et utilisation actuelle de la technologie
(CUR), Aspects techniques (TEC), Sécurité (SAF), Efficacité            1) Données       administratives        concernant      les
clinique (EFF), Coûts et évaluation économique (ECO,                      établissements étudiés
Analyse éthique (ETH), Aspects organisationnels (ORG),
Patients et aspects sociaux (SOC), Aspects juridiques (LEG).           Le questionnaire a été complété par 59 établissements.
    Ce questionnaire était divisé en trois parties : une partie    Ces établissements étaient répartis dans 31 départements. 20
générale permettant de renseigner des données essentielles sur     établissements étaient situés en Île-de-France.
l’établissement ; une partie générale concernant le rapport de     Dans l’ensemble des établissements, 41 (69,5%) étaient des
l’établissement avec la robotique sociale et une partie            EHPAD, 15 (25,4%) des services cliniques, 2 (3,4%) des
spécifique portant sur les expérimentations menées en matière      résidences seniors et on comptait 1 (1,7%) foyer logement.
de robotique sociale.
                                                                   Les établissements publics étaient au nombre de 32 (54%) les
Les participants étaient également invités à produire des
                                                                   établissements privés à but non lucratif 17 (29%), les
commentaires libres écrits sur les expérimentations en
                                                                   établissements privés à but commercial 10 (17%).
robotique faites dans leur établissement.
                                                                        Les expérimentations avec les robots existaient depuis
C.     Procédure                                                   2007. A la date de la passation du questionnaire, 93,2% des
                                                                   établissements utilisaient un robot social.
    Le questionnaire a été mis en ligne au cours du premier
trimestre 2019, pour une durée de 3 mois, en utilisant pour sa         2) Identification des personnes ayant répondu au
                                                                          questionnaire
diffusion, la plateforme « Survey Monkey », une application
web gratuite permettant de créer des sondages en ligne, des
formulaires et des enquêtes [12].                                      Parmi l’ensemble des personnes ayant répondu au
    Le questionnaire pouvait ensuite être complété par un          questionnaire en ligne, 22 (37,3%) étaient des IDE et aides-
entretien téléphonique avec un des professionnels de               soignants, 16 (27,1%) étaient des IDEC, cadres infirmiers, IDE
l’établissement afin de compléter les données manquantes. Les      IPA, 15 (25%) des administratifs, 5 (8,5%) d’entre eux étaient
principaux thèmes abordés concernaient les modalités               des médecins et 1 (1,7%) personne provenait de l’équipe
d’utilisation des robots, la formation des professionnels à leur   d’animation.
utilisation, les effets des interventions robotiques sur les

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3) Nombre de robots par établissement                           3) Domaines d’utilisation de l’IMR

     Concernant le nombre de robots dont disposait chaque              Les interventions à médiation robotique étaient faites à
établissement, 51 (86,4%) établissements avaient 1 robot, 4        visée thérapeutique et d’animation.
(6,8%) en possédaient 2, 3 (1,7 %) en détenaient 3, 2 (3,4%) en      « L’établissement a acquis PARO en 2016 dans le but de
avaient 4 et enfin 1 (1,7%) établissement n’avait pas de robot     l’utiliser dans les activités quotidiennes des résidents (soins,
(lui appartenant).                                                 animation etc.) et d’améliorer leur état clinique » (IDEC)

       4) Type de robots utilisés                                     Les robots animaloïdes, comme Paro, étaient principalement
                                                                   utilisés, par différents types de professionnels (infirmière, aide-
                                                                   soignant, psychologue, médecin) pour calmer les personnes en
     Les robots utilisés dans les établissements étaient Paro      cas de crise (angoisse, tristesse, troubles du sommeil, agitation)
dans 50 établissements (82%), suivi des robots NAO dans 7          ou pour stimuler des personnes souffrant d’apathie.
établissements (11,5 %), Pepper dans 1 établissement (1,6%,),         « Paro s’est révélé être un véritable outil pour canaliser les
Kompai dans 1 établissement (1,6%), Spoon dans 1                   crises d’angoisse et l’anxiété des résidents également pour
établissement (1,6%), et un robot d’un autre type dans 1           l’endormissement » (Ergothérapeute)
établissement (1,6%).
     Certains établissements ont utilisé plusieurs robots            Les robots humanoïdes comme Nao, étaient surtout utilisés
différents.                                                        pour des thérapies, par exemple des séances de remédiation
                                                                   cognitive, sensorielle et/ou motrice en présence de
       5) Médiateurs                                               rééducateurs ou de psychologues ou pour des ateliers
                                                                   d’animation en présence d’animateur.
     Les intervenants et médiateurs des robots pour les patients     « Seules les deux psychologues l'ont déjà utilisé avec les
étaient, dans certains établissements, des professionnels          patients. Le but est d'utiliser le robot comme un objet
identifiés, en particulier psychologues, kinésithérapeutes,        thérapeutique/médiateurs autour d'ateliers de groupe de
infirmières. Dans d’autres établissements, les IMR étaient         mémoire, de jeux etc » (psychologue).
dispensées de façon indifférente par un membre du personnel
(infirmières, aide soignantes, médecins, rééducateurs).            C. Aspects techniques (TEC) - Regard porté par les
                                                                      utilisateurs sur la technologie
B. Problèmes de santé et utilisation du robot (CUR)
                                                                     Plusieurs professionnels ont insisté sur le caractère novateur
       1) Population cible                                         de l’utilisation des nouvelles technologies, mais d’autres
                                                                   professionnels ont signalé des inconvénients pouvant limiter
                                                                   leur utilisation.
   La population cible utilisant les robots était, pour la
                                                                     « La maturité de la technologie est un aspect important à
majorité des expérimentations, des sujets avec des troubles
                                                                   tenir compte car certains robots peuvent demander un temps
cognitifs évolués (type maladie d’Alzheimer ou apparentée)
                                                                   de préparation très important et des compétences techniques
présentant des troubles du comportement. Les IMR étaient
                                                                   pas toujours disponibles au sein des établissements de santé.
également à destinée de patients ayant des troubles
                                                                   Les difficultés techniques peuvent freiner l'adoption de ces
psychiatriques isolés. Pour quelques expérimentations, les IMR
                                                                   outils » (Médecin)
concernaient des sujets sans ou avec peu de troubles cognitifs.
  « Il apporte réellement un bénéfice dans la relation avec le
                                                                     Le coût du robot (achat, maintenance, réparation) était
patient âgé présentant ou non des troubles cognitifs… »
                                                                   également signalé comme une limite à son acquisition.
(IDEC)
                                                                     « Les robots coutent chers à l’achat. Par ailleurs, il y a un
                                                                   cout de maintenance des robots : nettoyage, réparation… »
       2) Principaux objectifs visés par l’IMR
                                                                   (Cadre administratif)

    Le principal objectif de l’IMR dans l’établissement était      D. Aspects organisationnels (ORG)
l’amélioration de l’état clinique, de l'environnement de vie des
personnes âgées (loisir, animation, socialisation), ainsi que          1) Modes d’utilisation des robots sociaux
l'organisation du travail au sein des établissements pour tous
les robots.                                                           Le mode d’utilisation était variable selon les institutions.

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Les robots sociaux étaient préférentiellement utilisés dans               La plupart des professionnels insistait sur l’importance de
les pratiques courantes comme les soins, l’animation, la vie            cette formation pour permettre aux soignants de se familiariser
quotidienne de l’établissement dans 52 établissements (88,1%).          avec le robot.
Ils étaient mobilisés dans le cadre de la recherche dans 7                    Ils soulignaient également la nécessité de répéter cette
établissements (11,9%).                                                 formation dans le temps afin de maintenir la connaissance du
    Leur emploi était fait de façon régulière dans 32                   maniement du robot dans l’institution malgré le turn-over des
établissements ou de façon ponctuelle dans 20 établissements.           soignants.
    Le robot pouvait être utilisé soit en groupe, soit de façon               « Les professionnels ont noté un manque de formation
individuelle.                                                           ayant entrainé une sous-utilisation des robots : Paro est utilisé
   « Les modes d’utilisation sont variables : En individuel             dans le PASA et pas du tout dans l'EHPAD, quand bien même
PARO est utilisé pour calmer uniquement dans la matinée. En             il serait utile aux soignants la nuit ou le matin. Il y a une
collectif c'est un outil d'animation : il est déposé sur une table      méconnaissance des soignants de l'EHPAD sur Paro. Une
à la disposition des résidents durant les temps morts (post             réflexion est menée avec l'ergothérapeute d’un autre
activités) » (Psychologue)                                              établissement de la Fondation pour la création de fiches de
    Les soignants pouvaient avoir recours aux robots de jour            type "quand utiliser PARO ?", "comment l'utiliser" car il y a
comme de nuit.                                                          une vraie difficulté à l'aborder. Il y a une nécessité de former
                                                                        le personnel soignant » (Ergothérapeute).
       2) Elaboration d’un protocole d’utilisation par                        Pour les activités utilisant des robots humanoides
          l’établissement                                               nécessitant habituellement la présence de deux professionnels
                                                                        (l’un étant l’intervenant principal auprès des patients et l’autre
     Dans 28 (44,1%) établissements, il existait un protocole           maniant le robot), la formation de ces professionnels à
d’utilisation des robots. Pour Paro, 28 (36%) établissements            l’utilisation du robot était indispensable en particulier pour
ont fait un protocole tandis que 31 (63,3%) établissements n’en         celui des deux en charge de la manipulation du robot.
ont pas établi.
    Plusieurs professionnels ont insisté sur la nécessité de                4) Impact de l’utilisation des robots sur l’organisation
mettre en place des protocoles d’utilisation des robots et sur                 des soins
l’importance de la préparation de l’intervention robotique.
   « Si les interventions à médiation robotique ont un objectif              L’impact de l’utilisation des robots sur l’organisation des
bien défini et sont bien préparées (intégration dans                    soins était apprécié de façon variable.
l'organisation du travail et réflexion autour du partage des               Certains     professionnels     signalaient    l’absence     de
rôles humains/robots, identification des personnes pouvant en           retentissement sur l’organisation des soins en soulignant que le
bénéficier, personnalisation des contenus...), elles peuvent            robot s’intégrait à des activités préexistantes.
avoir des effets très positifs sur l'estime de soi, le lien social et      « L’organisation du travail des soignants n’a donc pas été
la communication des patients âgés… » (Médecin)                         impactée puisque l’utilisation de PARO entre dans le cadre
   Cette préparation était particulièrement importante pour les         d’activités de l’après-midi déjà établie dans leur emploi du
interventions utilisant un robot humanoïde comme NAO qui                temps » (Infirmière coordonnatrice)
nécessitent que le robot soit programmé avant l’activité.                  D’autres professionnels (n=8) observaient des bénéfices tels
                                                                        qu’un gain de temps, un allègement de la charge mentale sur
       3) Mise en place d’une formation à l’utilisation des             l’organisation du travail des soignants entrainant une baisse du
          robots par l’établissement                                    stress des soignants.
                                                                           « Pour l'organisation du travail des soignants, PARO est un
     Pour les interventions utilisant le robot Paro, certaines          outil d'allègement émotionnel, le soignant peut s'appuyer sur le
institutions ont mis en place des formations, d’autres non.             robot pour calmer les anxiétés ou l’agressivité de certains
     Ces formations étaient hétérogènes comportant souvent la           résidents. Le travail effectué en est ainsi de meilleure qualité »
formation par l’entreprise de commercialisation du robot,               (Psychomotricienne)
parfois associée à une formation complémentaire par des                    Cependant, beaucoup de professionnels soulignaient des
professionnels de l’institution (par exemple une initiation ou          difficultés pour organiser les interventions robotiques dans le
une supervision par un collègue).                                       cadre des soins. Certaines limites étaient liées au manque de
     Certains professionnels souhaitaient rédiger un guide              formation et de temps disponible pour organiser l’IMR.
d’utilisation.                                                          D’autres raisons concernaient les contraintes d’entretien du
                                                                        robot et le fait qu’il était placé dans un endroit peu accessible
                                                                        afin de ne pas être volé ce qui limitait son emploi.

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« Malgré l'intérêt que les robots peuvent susciter pour les            Certains professionnels (n=2) décrivaient une absence
professionnels il y a un vrai impact dans l'organisation du         d’effet et avaient abandonné l’utilisation des robots sociaux.
travail car l'intégration du robot demande un temps de                    « PARO reste un simple outil et n'améliore pas le
préparation plus important des activités (vs. Pratiques             quotidien des patients » (Ergothérapeute)
traditionnelles), le temps de formation à l'utilisation du robot
peut être longue (Nao) ce qui peut décourager leur utilisation           3) Effets négatifs
» (Médecin)
                                                                      De rares effets négatifs étaient rapportés (n=3) tels qu’une
E. Efficacité clinique (EFF)                                        angoisse provoquée par les « cris » et l’émergence de mauvais
                                                                    souvenirs.
       1) Effets positifs                                             « PARO peut faire émerger de mauvais souvenirs propres à
                                                                    l’histoire personnelle des patients et qu’il est nécessaire qu’un
      Des effets très positifs pour les patients étaient observés   psychologue intervienne dans ces cas-là » (IDE, IPA)
par de nombreux professionnels (n =33).
     Les professionnels observaient une amélioration de la               4) Utilité perçue par les professionnels de santé
communication des résidents entre eux, avec leurs proches et
avec les soignants.                                                      L’utilité perçue des interventions à médiation robotique
     « Le robot délie la conversation soignants-patients, permet    dans les différents établissements (exprimée en nombre
aux personnes âgées de parler de leur passé dans certains cas       d’établissements et en % du nombre total d’établissement) est
et entraîne une bonne dynamique d’échanges » (Médecin)              présentée dans le tableau ci-dessous (Table I).
   Ils constataient une réduction des troubles du comportement,
notamment un apaisement en cas d’agitation, une réassurance                                         TABLE I.
lors d’épisodes d’anxiété, une facilitation de l’endormissement,
une réduction de l’apathie permettant dans certains cas une         Utilité           Très utiles        Plutôt utiles   Peu utiles
réduction du recours aux psychotropes.                              Tous les robots   24 (40, 0%)        34 (57,6%)      1 (1,7%)
                                                                    Paro              21 (42,0%)         28 (56,0%)      1 (2,0)
     « Il (le robot) permet de diminuer le niveau d'anxiété         Nao               2 (33,3%)          4 (66,7%)       0
notamment au sein de l'unité protégée. Les effets sont
globalement positifs sur les moments de tristesse et
d'agressivité » (Ergothérapeute)                                    F. Aspects éthiques (ETH)
   Certains professionnels notaient que l’utilisation des robots
changeaient leur regard sur les patients.                                Des questions éthiques ont été soulevées par les
   « Le regard des soignants sur les patients change également      professionnels.
grâce à PARO puisqu’ils découvrent de nouveaux sentiments              Elles portaient essentiellement sur le risque d’infantilisation
(jalousie) et comportements (sourires, tendresse…) chez les         et de tromperie du résident.
résidents » (IDE IPA)                                                  « Il y a eu des réticences, les soignants ont une crainte
                                                                    d’infantilisation, et le fait d'utiliser "un faux" animal, cela a un
    Mais ces effets positifs étaient décrits comme immédiats        caractère dérangeant » (Psychomotricienne)
après la présentation du robot et de courte durée.                     Certains soignants craignaient que les robots remplacent les
    « Le PARO n’a pas d’effets à moyen-long terme, il agit sur      soignants, alors que d’autres considéraient le robot comme un
le patient uniquement au moment de l’utilisation »                  simple outil.
(Ergothérapeute)                                                       « Un malaise en lien avec leur identité professionnelle
    Et selon eux, les effets étaient susceptibles de s’épuiser      fortement imprégnée de l'éthique du care confrontée au
avec une utilisation trop fréquente.                                manque de sentiment interne d'empathie de Paro, un sentiment
    « L'établissement possède un robot PARO mais ne l'utilise       de dévalorisation de leur travail /perplexité voire peur vis à vis
pas beaucoup en ce moment car a constaté qu'une utilisation         de l'ontologie de Paro (Altérité intrigante : vivant/non ; vivant/
trop fréquente (1 fois par semaine dans chaque unité)               animal/chose/ collègue ; collaboration / efficacité
provoquait un désintérêt de la part des résidents/patients »        relationnelle) » (Psychologue)
(Animatrice)
                                                                    G. Aspects sociologiques (SOC)
       2) Absence d’effet
                                                                         Dans 25 établissements, il n’était observé aucune réticence
                                                                    à l’utilisation des robots sociaux. Cependant des réticences à

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leur utilisation étaient constatées dans 33 (55,9%)                H. Perception de l’impact de l’IMR par les professionnels de
établissements.                                                       santé
La réticence provenait dans 24 établissements des
professionnels, dans 16 établissements des patients ou résidents        L’impact de l’intervention robotique est présentée dans la
et dans 3 établissements des proches des patients ou résidents.    figure ci-dessous (Figure 1) :

       1) Rapport des soignants à l’utilisation des robots
          sociaux

    L’adhésion des soignants à l’intervention robotique était
variable.
Les causes de la réticence étaient diverses comme la crainte
d’utiliser de nouvelles technologies, le manque de temps dans
les soins, la peur d’être remplacé par des machines, le fait que
la médiation robotique était imposée par la hiérarchie.
Un point notable était que l’adhésion pouvait survenir
secondairement dans une équipe.
    « Dans un premier temps, le robot est resté dans un
placard (manque de temps, d’intérêt des soignants, refus des
psy d’utiliser le robot car problème d’éthique, dévalorisation
du travail) puis une phase d’appropriation du robot par les
soignants (acceptation tardive) » (Médecin)

       2) Rapport des patients et résidents à l’utilisation des
          robots sociaux
                                                                                                  Figure 1. Impact de l’IMR
  Les résidents pouvaient considérer le robot comme une
machine, comme un animal (qui pouvait être plaisant ou             A : Etat des cliniques des personnes âgées ; B : Qualité de vie des personnes âgées ; C :
déplaisant) ou comme un jouet.                                     Sécurité des personnes âgées ; D : Qualité de prise en charge des personnes âgées ; E :
  « Les patients atteints d’Alzheimer se divisent en deux          Organisation du travail des soignants ; F : Rapport coûts/bénéfices ; G : Satisfaction des
groupes : ceux qui projettent en PARO un véritable animal et       personnes âgées ; H : Satisfaction des professionnels ; I : Satisfaction des familles
ceux qui savent que c'est un robot » (Psychomotricienne)
  Les réticences des résidents à l’égard des robots pouvaient
                                                                                                   IV. DISCUSSION
être liées à un manque d’intérêt, une peur du robot ou à une
crainte d’être stigmatisés.                                              A. Rappel des principaux résultats et comparaison aux
  « Une partie des résidents qui identifient Paro (en tant que              études antérieures
robot) ne voient pas l'intérêt de communiquer avec lui,
d’autres avec des troubles cognitifs, étaient dérangés par son           Dans cette étude, les IMR étaient principalement adressées
regard » (Psychomotricienne)                                       aux personnes âgées ayant des troubles neurocognitifs évolués
                                                                   présentant des troubles du comportement.
       3) Existence d’un profil de répondeurs parmi les                  Elles étaient utilisées le plus souvent à visée thérapeutique
          résidents                                                (afin de soulager les angoisses, de calmer les accès d’agitation,
                                                                   de favoriser l’endormissement chez les patients présentant des
     On peut se poser la question de l’existence d’un profil de    troubles du sommeil, de stimuler les patients apathiques, de
répondeurs (accepteurs) à Paro.                                    réguler l’humeur des patients dépressifs) et d’animation en
                                                                   jouant un rôle de médiateur pour faciliter la communication
Certains professionnels ont noté que le robot Paro était plus
                                                                   entre les différents intervenants. Elles étaient également
accepté par les femmes que par les hommes, et par les
                                                                   utilisées dans les séances de stimulation cognitive.
personnes qui avaient déjà eu des animaux dans leur vie.
                                                                         Pour de nombreux professionnels de soins, l’utilisation des
D’autres professionnels notaient que le robot était mieux          IMR permettait de remplir ces objectifs. Cependant, pour
accepté par les personnes qui avaient des troubles cognitifs que   certains, ces effets étaient de courte durée et susceptibles de
par celles en bonne santé sur le plan intellectuel.                s’épuiser avec une utilisation trop fréquente des IMR.

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De nombreuses revues scientifiques corroborent ces effets [8].         données produites par l’enquête ethnographique figurant dans
En effet, les principaux bénéfices de l’utilisation des robots         ce projet.
sociaux en gériatrie décrits dans la littérature sont la réduction
des troubles comportementaux et leur utilisation comme outils
                                                                                     V. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
de médiation et d’aide à la communication au cours d’ateliers
d’animation ou de stimulation cognitive [2][8][14][15].                    Cette enquête nous a permis de recueillir la vision des
      Certains aspects organisationnels tels que le manque de          professionnels de terrain concernant l’IMR dans les
temps et de formation, le coût des robots (à l’achat et pour leur      établissements gériatriques en France.
maintenance) et certaines questions éthiques telles que le             Selon la plupart d’entre eux, l’utilisation des robots sociaux
risque d’infantilisation et de tromperie du sujet âgé, le risque       dans le secteur gériatrique a un intérêt clinique. En effet la
de remplacement de l’homme par la machine étaient identifiés           majorité dit avoir observé plusieurs effets positifs au cours de
comme des freins à leur utilisation par certains professionnels        leur utilisation chez la personne âgée.
de santé. Ces obstacles étaient également décrits dans la              Néanmoins,        de    nombreux       acteurs    soulèvent    des
littérature [8].                                                       questionnements d’ordre éthique et pointent du doigt des
      Plusieurs professionnels de santé ont insisté sur la             difficultés d’ordre organisationnel liées au cadre professionnel,
nécessité de mettre en place des protocoles d’utilisation et de        d’ordre technique liées au manque de formation et d’ordre
proposer des formations pour encadrer la pratique des IMR.             économique concernant une pratique relativement récente dont
                                                                       l’implantation dans les établissements gériatriques est en cours
       B. Intérêt de l’étude                                           de développement.
                                                                           Cette enquête de terrain a permis de compléter les données
     Un des aspects positifs de cette étude est qu’il s’agit d’une     de la littérature en collectant les avis de professionnels amenés
étude de grande ampleur à l’échelle nationale puisque plus de          à utiliser cette technique auprès des personnes âgées en
100 établissements gériatriques français ayant mené ou menant          établissement gériatrique français à un instant donné et en
des études sur les IMR ont été inclus, permettant ainsi de             proposant une analyse des données collectées au travers
rendre compte de l’hétérogénéité des pratiques.                        différentes dimensions.
     De plus, la majorité des études figurant dans la littérature          Ces résultats, prenant en compte les besoins des
relative à l’utilisation des IMR dans le secteur gériatrique porte     professionnels de terrain ayant fait l’usage de cette
sur les personnes âgées ciblées par l’intervention et évalue la        technologie, pourront servir de base dans la rédaction de
plupart du temps ces technologies selon deux dimensions, leur          recommandations de bonnes pratiques et l’élaboration d’outils
efficacité clinique et leur acceptabilité. Les dimensions              d’aide à l’utilisation des robots sociaux en secteur gériatrique.
organisationnelles, médico-économiques, éthiques ou légales
faisant souvent défauts. Cette étude, en se basant sur
l’expérience des professionnels de terrain et en proposant une                                 REMERCIEMENTS
évaluation multidimensionnelle de l’utilisation des IMR en                Cette enquête a bénéficié du soutien de la CNSA et du
gériatrie (incluant notamment les dimensions techniques,               groupe Malakoff-Humanis dans le cadre du projet ROSIE, porté
organisationnels et éthiques) permet de fournir une vision plus        par Gérond’if (le Gérontopole d’Ile de France) en partenariat
globale de l’utilisation de cette technologie et d’identifier les      avec le Living Lab LUSAGE (Hôpital Broca, APHP), spécialisé
besoins des utilisateurs ainsi que les facteurs facilitateurs et les   dans l’évaluation de gérontechnologies, et la chaire
freins à son utilisation.                                              Hospinnomics (Paris School of Economics, APHP) en
                                                                       collaboration avec l’EA 2694 « Santé Publique : Epidémiologie
       C. Limites de l’étude                                           et Qualité des Soins » de l’Université de Lille, spécialisé dans le
                                                                       domaine de l’économie de la santé et l’évaluation des
                                                                       technologies de santé.
     En collectant les avis de professionnels de terrain et non
ceux d’observateurs extérieurs, cette étude permet certes
d’analyser le regard porté par l’utilisateur sur l’outils, ses
                                                                                                 REFERENCES
modes d’applications et ses potentiels effets, mais au prix
d’une vision parcellaire et subjective de son implantation dans        [1]   S. Petersen, S. Houston, H. Qin, C. Tague, et J. Studley,
le secteur gériatrique.                                                      « The Utilization of Robotic Pets in Dementia Care », J.
     De plus, malgré la volonté d’exhaustivité dans les critères             Alzheimers Dis. JAD, vol. 55, no 2, p. 569‑ 574, 2017,
d’évaluation des IMR, certains aspects notamment médico-                     doi: 10.3233/JAD-160703.
économiques et légaux ne sont pas abordés dans cette étude.            [2]   J. Broekens, M. Heerink, et H. Rosendal, « Assistive
Cette limite est somme toute relative, puisque les données de                social robots in elderly care: A review »,
cette étude, issue du projet Rosie, pourront être complétées aux             Gerontechnology, vol. 8, no 2, p. 94‑ 103, 2009, doi:
                                                                             10.4017/gt.2009.08.02.002.00.

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