Le Lab Santé Ile-de-France | Le Déconfinement, 2020

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Mesures barrières, mesures de confinement et leur
            libération dans 3 pays d’Asie
 Chine (Wuhan et la province Hubei), Corée du Sud et Singapour

Depuis l’émergence de l’épidémie de COVID-19, les différents gouvernements dans le monde ont mis
en place des mesures barrières et des mesures de confinement diverses. Ces interventions non-
pharmaceutiques, adaptées aux différences culturelles, présentent des résultats variés, en termes de
nombre de cas confirmés et d’efficacité.

Ce document s’appuie sur la littérature existante jusqu’en date à mi-avril, permettant de répertorier
les mesures adoptées dans certains pays, régions ou villes afin d’endiguer l’épidémie. Il revient sur
l’ordre chronologique des évènements et des décisions.

        1.1. Mesures barrières et de confinement

Le premier cas de COVID-19 déclaré remonte au 8 décembre 2019 dans la ville de Wuhan, en Chine.
Ce n’est que fin décembre, qu’un nombre anormalement élevé de cas de pneumonie est remarqué. La
détection du nouveau virus est rapportée à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en date du 3
janvier, le virus est identifié le 7 janvier comme une nouvelle forme du coronavirus, le COVID-19.

Selon le rapport conjoint de l’OMS et de la Chine écrit sur la période du 16 au 24 février1, trois phases
ont été distinguées :

        ► 1ère phase : décembre 2019 jusqu’au 19 janvier 2020

 Au 1er janvier, les marchés de produits frais sont fermés et les efforts focalisés sur l’identification de
la source du virus. Le COVID-19 n’étant pas encore répertorié comme maladie infectieuse de classe B
par l’OMS, les mesures barrières partielles prises par le gouvernement chinois étaient justifiées :

    •   Suivi de température de la population à l’entrée des bâtiments et immeubles,
    •   Port de masque dans les lieux publics
    •   Hygiène communautaire (lavage des mains régulier)

Sur cette période, les citoyens n’avaient pas de restriction de sortie. Cependant des mesures plus
strictes de confinement se sont rapidement mises en place pendant la seconde phase2.

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► 2nd phase : du 20 janvier 2020 au 7 février 2020

La stratégie principale était de réduire l’intensité de l’épidémie et le nombre de cas. A Wuhan et dans
la province d’Hubei, les efforts étaient tournés vers les soins des patients et la réduction de la
mortalité (de nouveaux lieux d’accueil des malades graves ont été construits).

Toutes les provinces de Chine ont adopté des mesures de sécurité en termes de prévention pour éviter
l’importation du virus. Au 20 janvier, la circulation a été très restreinte et les cas contaminés isolés.

Les contacts proches ont été mis en quarantaine et sous surveillance sanitaire. Ils ont pu être tracés
grâce au déploiement de 1800 équipes d’épidémiologistes (constituée chacune d’au moins 5
membres). Les déplacements étaient contrôlés, les rassemblements interdits. La population était
régulièrement tenue informée des évolutions de la situation.

Au vu du nombre croissant de cas, le gouvernement chinois décide le 23 janvier de fermer les
transports publics à destination et en provenance ou faisant escale à Wuhan. Avant l’annonce de
cette fermeture, 5 millions de personnes avait déjà quitté la ville et la province de Hubei en vue des
vacances de Printemps et de la nouvelle année chinoise, pour rejoindre leur famille, causant
l’expansion de l’épidémie sur l’ensemble du territoire3,4.

               Figure 1. Dispersion de la population de Wuhan vers d'autres villes et provinces de Chine
                                                du 1 au 24 Janvier 2020

C’est pourquoi le gouvernement annonce également, le 23 janvier, le prolongement des vacances et
le report de la reprise scolaire, mesures jugées nécessaires pour endiguer la crise. Le port du masque
obligatoire dans les lieux publics en début d’épidémie, est devenu obligatoire pour toute sortie du
domicile.

A cette même date, le confinement a été mis en place à Wuhan et dans la province d’Hubei. Les règles
différaient d’un quartier à l’autre, mais aucune précision n’est donnée sur l’exacte délimitation de
ceux-ci.
Dans certains quartiers, seul un membre d’une même famille était autorisé à sortir tous les 2 jours,
voire tous les 5 jours pour des courses de première nécessité. Dans d’autres quartiers, les sorties
étaient strictement interdites, les résidents devaient alors se faire livrer leurs courses à leur domicile.

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La plupart de la population de Wuhan avait interdiction complète de sortir pendant une période de 40
jours5.

La politique de restriction des mesures a été accentuée au fur et à mesure, avec des visites effectuées
par les représentants du gouvernement, de porte à porte pour vérifier l’état de santé des résidents.
Les personnes malades étaient obligatoirement placées en isolement. Les entrées d’immeubles ou de
quartier résidentiel étaient surveillées par les comités de quartier (en contact direct avec la police
locale), l’accès n’était autorisé qu’aux résidents et leur température corporelle était vérifiée à leur
arrivée ou dans leurs appartements respectifs plusieurs fois par semaine.

Certains habitants de Wuhan ne respectant pas les mesures de confinement total étaient enfermés
chez eux par les autorités locales qui scellaient les portes d’entrée.

Ces mesures drastiques ont dû être adoptées, car le virus dépassait déjà largement les capacités
médicales de la province d’Hubei selon le professeur Chen Xi de la « Yale School of Public Health
University ».

        ► 3ème phase : du 8 février 2020 à aujourd’hui

Les efforts étaient orientés vers la diminution des foyers épidémiques. La capitale chinoise Pékin a
donc accentué ces mesures de contrôle : toute personne entrant dans la ville devait suivre une
quarantaine de 14 jours et un formulaire d’entrée-sortie est distribué à chaque résident.

De plus, les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle ont été utilisés pour tracer les
déplacements et les contacts entre les individus dans une politique de prévention stricte.

        1.2. Application de traçage

Deux applications de traçage ont été développées sur l’ensemble du territoire chinois, rendues
obligatoires principalement par les grandes villes pendant cette période de crise. Elles contiennent le
statut de santé des utilisateurs, permettent de récupérer leurs données de déplacements et ainsi
d’accroître la surveillance de groupe. Elles sont basées sur un code couleur (figure 2) qui indiquent à
l’utilisateur s’il possède une autorisation de sortie et de fréquentation des lieux publics ou s’il doit
rester en quarantaine. Les codes sont revus quotidiennement.

                          Figure 2. code couleur de l'application de traçage en Chine

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Alipay Health Code

Le New York Times a étudié le code mis en place par l’application Alipay Health Code qui indique à un
citoyen son niveau de contagiosité6.

Un code vert permet des déplacements non restreints, le code jaune est une demande de mise en
quarantaine pour une durée d’une semaine, le code rouge indique une quarantaine obligatoire de 14
jours. Aucune explication n’est donnée sur la classification de la population dans le système. Lors de
leurs déplacements, les habitants sont contrôlés et doivent montrer leur code couleur.

The Times a observé qu’une fois que l’utilisateur autorise l’accès à ses données personnelles, la
localisation est automatiquement envoyée à la police locale. Ce lien n’est pas explicitement détaillé.
En revanche, le lien avec les autorités semble systématique, puisqu’à chaque fois qu’une personne est
contrôlée, son QR code est scanné par les forces de l’ordre envoyant ainsi la localisation de la personne
sur le serveur de l’application.

Alipay a d’abord été testée dans la ville de Hangzhou à partir du 11 février. Une page officielle rapporte
qu’un code jaune ou rouge peut être attribué à un individu qui a été en contact avec une personne
infectée, qui a visité une zone à risques, ou qui présente des symptômes.

De nombreux cas ne présentant aucun symptôme, mais se situant dans la province d’Hubei se sont vu
attribuer un code rouge sans autre raison. Le gouvernement aurait annoncé que l’application peut
dysfonctionner et que les personnes dans cette situation doivent se rapprocher des autorités.

Fuxuema (Tencent)

Tencent a également développé une application en partenariat avec le logiciel de collaboration
WeChat. Ce logiciel est plus focalisé sur les enfants pour leur permettre de réintégrer les écoles,
toujours basé sur le principe de QR code en couleur. Le système s’appelle « Fuxuema ».

Il pourra permettre aux responsables des établissements scolaires de suivre la santé de leurs élèves7.
Les étudiants doivent reporter quotidiennement leur température dans l’application, celle-ci générant
à postériori un QR code de couleur indiquant à l’élève s’il peut ou non se rendre à l’école. Le corps
enseignant a accès à toutes les données de ses élèves.

Cette application est réservée aux élèves et ne remplace pas l’application Alipay nécessaire pour les
adultes comme pour les enfants dans les lieux publics.

Depuis le déconfinement, chaque province possède sa propre plateforme, mais l’échelle attribuant la
coloration des QR Code serait fournie par le gouvernement et non par les compagnies indépendantes.

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L’utilisation d’une application de traçage semble permettre d’obtenir un R0 < 1, c’est-à dire de limiter
fortement la transmission de la maladie, d’après l’étude menée par Ferretti et coll.8

                      Figure 3. Bénéfice de l'utilisation d'une application de traçage en Chine

Le schéma ci-dessus (Figure 3) illustre le bénéfice de l’utilisation d’une application de traçage.

    •   Par exemple, un individu A, porteur asymptomatique du virus COVID-19, effectue sa journée
        de travail en étant en contact proche avec 6 personnes (B, C, D, E, F et G) et en contact éloigné
        avec 2 autres (H et I).

    •   Si le jour 2, le patient A déclare des symptômes et alerte les autorités, ces dernières vont
        pouvoir directement identifier et placer en quarantaine les 6 individus ayant été en contact
        proche pour éviter qu’ils ne contaminent à leur tour. Les individus H et I ayant été en contact
        éloigné devront accroitre leurs distanciations sociales, sans pour autant être placés en
        quarantaine.

    •   L’ensemble de ces contacts peuvent être identifiés seulement s’ils possèdent eux aussi une
        des applications : les données de géolocalisation étant connectées avec la police, les forces de
        l’ordre peuvent donc retracer la chaine de contamination.

    •   La localisation permet également de décontaminer tous les lieux dans lesquels s’est trouvé le
        patient contaminé.

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1.3. Chronologie des évènements

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                                                       Figure 4. Evolution des mesures en fonction du nombre

7
                                                      de cas contaminés jusqu'au 21 Avril 2020 (courbe reprise
                                                                          du Financial Time)
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1.4. Libération

Les levées des restrictions n’ont pas eu lieu au même moment entre Wuhan et la province de Hubei.
Bien que l’activité économique du pays ait été relancée à partir du 8 février dans le reste du territoire
chinois, il a fallu attendre le 17 mars pour la province d’Hubei (Figure 4).

Après une période de 5 jours de suite sans aucun nouveau cas local, les résidents d’Hubei présentant
un code vert sur l’application de traçage (après avoir effectué un test d’acide nucléique) ont été
autorisés à se déplacer, le confinement était partiellement levé.

Après 76 jours (10 semaines) de confinement, les habitants de Wuhan ont eu cette même autorisation
à partir du 30-31 mars. En revanche les sorties n’étaient autorisées que pour 1 personne par foyer et
ce sur une durée maximale de 2 heures.

Le 8 avril, les résidents de Wuhan avec un code vert ont pu à nouveau voyager sur le territoire chinois.

Certains quartiers résidentiels sont encore sous confinement et ont même vu les mesures
s’endurcirent après le 8 avril. Le gouvernement chinois conseille encore fortement de limiter les
déplacements et de respecter les distanciations sociales.

Bien que les mesures barrières comme le port du masque, le contrôle de la température et la limitation
des accès aux lieux publics soient toujours en place, la Chine a vu une augmentation du nombre de cas,
dans les suites au déconfinement. Ces nouveaux cas étaient des résidents chinois qui rentrait de
Russie. C’est pourquoi, le gouvernement maintient les règlementations concernant les frontières :
seuls les individus présentant un motif estimé essentiel par le gouvernement peuvent entrer dans le
pays et sont soumis à une période de quarantaine à leur arrivée9.

Les écoles sont toujours fermées dans les grandes villes et le gouvernement attend de voir comment
évolue la situation pour établir d’une réouverture. Les provinces les moins touchées par l’épidémie ont
pu rouvrir les établissements scolaires à partir de début mars.

A Shanghai, une réouverture progressive des écoles est prévue à partie du 27 avril.

Le 20 avril, les autorités chinoises ont annoncé la reprise scolaire dans la province d’Hubei pour les
lycées à partir du 6 mai.

La réouverture concerne principalement les lycées et les élèves de terminales pour les préparer aux
concours, leur permettant d’accéder aux universités qui auront lieu le 7 juillet.

        2.1. Mesures barrières et confinement
Le premier cas a été détecté en Corée du Sud le 20 janvier. Deux mois plus tard, en date du 30 mars,
9 661 cas sont enregistrés dont 158 décès sur une population de 50 millions de personnes. Le pays
avait beaucoup appris sur les maladies infectieuses suite aux grandes vagues de contamination du
SRAS en 2003 et du MERS en 2015.10 Le gouvernement a alors choisi, dès l’arrivée de l’épidémie sur
leur territoire, d’informer quotidiennement la population sur l’évolution du COVID-19.

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Cette mesure avait pour but de responsabiliser les citoyens face au virus. Le pays était en alerte de
stade 2 depuis début janvier, il est passé en stade 3 le 28 janvier et en stade d’alerte maximale le 23
février.

     ► Alerte de stade 2 : du 3 janvier au 27 janvier
Dès le 3 janvier, des mesures de quarantaine étaient obligatoires pour tout visiteur venant de Wuhan.
La culture asiatique a d’emblée poussé la population à porter un masque, dans les lieux publics.

     ► Alerte de stade 3 : du 28 janvier au 22 février
Dès la fin janvier, le gouvernement déconseillait les activités en extérieur (mais ne les a pas interdites).
Les écoles ont été fermées à partir du 18 février, les vacances scolaires prolongées pour éviter une
réouverture et les lieux publics (musées, centres culturels) ont été fermés et les évènements (sportifs,
culturels, etc.) ont été annulés. Pour prévenir la contamination, les lieux très fréquentés ont été
désinfectés régulièrement (comme les halls d’entrée, les transports...). Des contrôles de température
à l’entrée des immeubles ont été mis en place. De plus, les bases militaires ont toutes été confinées
vers la fin février pour prévenir d’une expansion du virus (la date exacte n’est pas connue).

     ► Alerte maximum : du 23 février à aujourd’hui
Le confinement n’est pas obligatoire pour la population en Corée du Sud, le gouvernement fait
confiance à ses citoyens et appelle à la responsabilité de chacun. Pour éviter une pénurie de masque,
les exportations ont été interdites pour ce produit à partir du 4 mars. De plus, pour régulariser la
vente, le gouvernement a mis en place des réglementations à partir du 9 mars. Chaque personne avait
autorisation d’acheter 2 masques par semaine et par personne. Pour éviter les fraudes et réguler le
flot d’acheteurs, les accès aux pharmacies étaient règlementés en fonction du dernier chiffre de
l’année de naissance des personnes (ex. les années finissant par 1 et 6 le lundi, celles finissant par 2 et
7 le mardi…).11

En revanche, une stratégie de test est déployée très rapidement dans le pays. Avec une capacité
initiale de 15 000 tests par jour, la Corée avait diagnostiqué 316 664 personnes le 20 mars. Le
gouvernement a lancé un appel, fin janvier, aux entreprises pour développer des kits de tests. La
construction de centre de tests ainsi que les points permettant le dépistage des citoyens dans leur
voiture12, augmentent la capacité à 140 000 tests par jour. Cette politique a permis au gouvernement
de placer en quarantaine et d’isoler les personnes porteuses du virus. De plus, il encourage les
citoyens à signaler les cas potentiels du COVID-19 afin qu’ils soient directement pris en charge.

Début mars, la Corée du Sud a lancé le déploiement d’une campagne de 2 semaines de distanciation
sociale volontaire qui a été mise en application à partir du 22 mars. Cette mesure est
vraisemblablement en rapport avec la constatation d’un plateau stable à 100 cas/jour (figure 6). Le
gouvernement a conseillé à la population, pendant ces quinze jours, de télétravailler lorsque cela était
possible, de rester chez eux le plus possible, de limiter les contacts avec l’extérieur, de diminuer les
rassemblements religieux, sportifs…et d’éviter toute activité provoquant des contacts rapprochés de
personnes. Cette campagne a été prolongée jusqu’au 16 avril.
Avec l’expansion de la pandémie, les mesures de quarantaine ont été rendues obligatoires pour toute
personne entrant le pays à partir du 29 mars, et tous les visiteurs européens devaient effectuer un
test de dépistage. Toutes ces mesures ont permis au pays de contenir au maximum le virus et de
réduire le nombre de nouveaux cas contaminés quotidiennement.

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Les tests sont accessibles à tous. Si une personne peut prouver qu’elle a été en contact avec une
personne contaminée, ou qu’elle vient d’une zone à risques alors elle peut avoir une ordonnance pour
être dépistée gratuitement. Sinon les tests sont payants à la charge de la personne.

        2.2. Application de traçage

La Corée du Sud a également mis en place un système de traçage complet : sont utilisées les vidéos de
surveillance, les données GPS des voitures ou des téléphones, les transactions de cartes de crédits et
les informations d’immigration.
Le 11 février, l’application Corona100 (figure 5), développée par Lee Jun-Young, vient compléter ces
démarches13. Les citoyens y intègrent leur état de santé, leur nationalité, leur sexe, leur âge et dans le
cas échéant le lieu de la visite médicale et la date de confirmation de contamination. Cette application
notifie les personnes qui se sont trouvées à moins de 100 mètres d’une personne contaminée.

                                  Figure 5. Interface application Corona 100m

Les données de géolocalisation sont facultatives dans l’application : chacun choisit s’il souhaite donner
aux autorités le droit de connaitre ses déplacements. Le patient se doit de rapporter à son référent
son état de santé 2 fois par jour, si un check-up n’est pas réalisé alors le référent appelle le patient
pour connaitre sa situation.

Cependant bien que la localisation soit facultative, si une personne est contaminée les autorités
contactent la mairie du district concerné, qui a son tour alerte l’ensemble des personnes à porté des
antennes relais des trois opérateurs mobiles couvrant la zone en question.

Tout individu ne respectant pas les règles reçues par le gouvernement sont passibles d’amendes ou
d’emprisonnement.

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2.3. Chronologie des évènements

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                                                      Figure 6. Evolution des mesures en
                                                          fonction du nombre de cas

11
                                                      contaminés jusqu'au 21 Avril 2020
                                                      (courbe reprise du Financial Time)
2.4. Libération

L’assouplissement des mesures barrières est mise en place depuis le 20 avril. Une partie de la
population coréenne a repris le travail. Les parcs, les centres commerciaux et certains restaurants ont
pu ouvrir à nouveau leur porte le week-end du 18-19 avril.

Bien que les autorités aient décidé de prolonger la campagne de distanciation sociale de 15 jours
(jusqu’au 4 mai), les lieux de culte et les centres sportifs ont pu reprendre leur activité. Les écoles,
quant à elles, restent fermées.

        3.1. Mesures barrières et confinement
Au début de l’épidémie, l’état de Singapour s’était distingué pour sa capacité à contenir le virus grâce
à sa méthode de surveillance élevée et à l’incitation de la population à respecter les distanciations
sociales nécessaires. Le 6 avril Singapour recense désormais 1309 cas contaminés contre une centaine
début mars. Depuis, le nombre de cas journaliers recensé ne cesse d’accroître et l’état a dû changer sa
stratégie et a placé les citoyens sous confinement jusqu’au 1er juin 2020.

    ► 1ère phase : 2 janvier au 6 février

Dès le 2 janvier, du fait du rapport rédigé par la Chine, le ministère de la santé de Singapour a décidé
de prévenir les médecins de la ville pour qu’ils soient vigilants face à ce nouveau virus. Ils devaient
utiliser les mesures de sécurité et les protocoles sanitaires publiés lors de l’épidémie du SRAS.

Le 1er cas a été détecté le 23 janvier, venant de Wuhan. En conséquence, le gouvernement
singapourien a interdit l’entrée des visiteurs venant de Chine ou ayant été sur le territoire chinois dans
les 14 jours précédant leur arrivée. De plus des contrôles de température ont été mis en place à tous
les points d’entrée du territoire (terre, mer et air).14

Par ailleurs, fin janvier l’état a mené une campagne de tests auprès de toutes ces catégories de
population15 :

    1) Les patients en hôpital atteint d’une pneumonie (étendu par la suite à tous les patients avec
       symptômes d’une pneumonie)
    2) Les patients en soins intensifs avec possibilité d’infection
    3) Les patients présentant des symptômes grippaux
    4) Les patients décédés pour cause infectieuse
    5) Des patients sur avis médical

Ces tests ont permis la détection de différents cas afin de contenir la chaine de transmission le plus tôt
possible.

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Le gouvernement de Singapour a choisi, très tôt, de tenir la population informée de l’évolution de
l’épidémie, en envoyant via WhatsApp 2 messages par jour.

     ► 2e phase : du 7 février au 6 avril

Début février une légère augmentation du nombre de nouveaux cas quotidien est donc observée. Mais
la ville étant très connectée, il est facile pour les autorités, grâce à la surveillance, aux transactions de
cartes de crédits et aux données mobiles de retracer la chaine de contamination et ainsi d’isoler les
personnes qui auraient pu être contaminées à leur tour.
Le ministère de la santé singapourien a déterminé comme « contacts proches » l’ensemble des
contacts avec un patient contaminé inférieurs à 2 mètres de distance et sur une durée supérieure à 30
minutes. Tous les individus concernés par cette description et n’ayant aucun symptôme ont été placés
en quarantaine de 14 jours et appelés 3 fois par jour pour vérifier leur état de santé. Les contacts
proches présentant des symptômes ont directement été placés à l’hôpital. Les autres personnes ayant
été en contact éloigné avec le patient contaminé ont été sous surveillance active avec 1 appel par jour
pour vérifier leur état de santé.

Le 7 février, l’état déclare le niveau orange de DORSCON (Disease Outbreak Response System Condition
– Figure 7).

                                       Figure 7. Niveau d'alerte DORSCON

Le 13 mars la population a dû adopter le télétravail lorsque cela était possible, sur recommandation
du gouvernement.

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Le 20 mars le gouvernement lance l’application TraceTogether (figure 10) qui permet de détecter les
contacts entre les individus (des explications complètes sont données dans la partie 3.2.).

Fin mars, le nombre de cas contaminés répertoriés avait fortement augmenté. Le 23 mars, 58% de
l’ensemble des cas enregistrés étaient des cas dits « importés ». C’est pour cela que, le 24 mars,
Singapour a fermé ses frontières et interdits les visiteurs de court séjour et les escales par l’état.

Sur l’ensemble de cette période, Singapour avait mis à disposition de la population une application en
ligne permettant d’indiquer le taux de fréquentation des lieux publics (tels que les parcs, les centres
commerciaux mais les transports ne sont pas inclus dedans). Un point vert indiquait un lieu peu
fréquenté, un point orange indiquait un lieu fréquenté et un point rouge indiquait un lieu trop
fréquenté. Le gouvernement faisait appel au civisme des habitants.

 3e phase : du 7 avril à aujourd’hui

Le 3 avril, le gouvernement de Singapour a annoncé un confinement « circuit breaker » pour mieux
contenir le virus aux vues du nombres croissants de nouveaux cas. La population a eu 3 jours pour se
préparer au durcissement des mesures.

A partir du 7 avril, les lieux de culte, les parcs, les bureaux et les commerces non indispensables
doivent être fermés jusqu’au 4 mai. Les résidents devaient limiter leur déplacement. L’application City
mapper a d’ailleurs publié des graphiques montrant la diminution de la mobilité au sein de Singapour,
avant le confinement et depuis l’annonce de ces mesures.16

        Figure 8. City mapper graphique montrant la diminution des déplacements à Singapour

Ce graphique montre que, bien que les distanciations sociales aient été appliquées par les habitants
de Singapour, elles n’ont pas été suffisantes pour contenir l’expansion du virus avant le confinement.

       Le Lab Santé Ile-de-France | Le Déconfinement, 2020                                       14
En effet, même si la diminution est notable, Singapour a conservé un haut taux de déplacements par
rapport au reste du monde.

                    Figure 9. Evolution de la mobilité dans le monde selon les données de City mapper

La mobilité analysée dans ces études prend en considération les déplacements des résidents de
Singapour comme des touristes, ce qui explique d’autant plus cette diminution.

Le 8 avril toutes les écoles ont été fermées jusqu’à nouvel ordre. Tous les citoyens étaient, dès lors,
encouragés à porter les masques réutilisables, livrés par le gouvernement à chaque foyer.17 Le
gouvernement a autorisé certains lieux de restauration à rester ouverts pour les ventes à emporter :
la population peut se faire livrer à domicile ou amener leurs propres conteneurs s’ils viennent chercher
sur place18.

La quarantaine de 14 jours a été rendue obligatoire, le 10 avril, pour toute personne venant de
l’étranger et entrant sur le territoire.

D’autre part, les dortoirs abritant des dizaines de milliers de travailleurs immigrés ont été recensés
comme foyer d’infection majeur. Ainsi, environ 200 000 immigrés sont soumis à un régime de
quarantaine avec interdiction de sortir de leur dortoir (les repas leur sont fournis). En effet, au 19 avril,
70% des cas contaminés seraient des travailleurs immigrés qui sont logés dans ces dortoirs19.
Le 20 avril, le confinement a été prolongé jusqu’au 1er juin.

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3.2. Application de traçage

Le 20 mars, le gouvernement de Singapour a lancé l’application TraceTogether (dont l’application est
en open source).

Cette application utilise le Bluetooth pour identifier les téléphones avec lesquels une personne
contaminée a été en proximité.

Il suffit de télécharger l’application et d’allumer le Bluetooth du téléphone. Si la personne se trouve
pendant plus de 30 minutes à moins de 2 mètres d’une personne (ayant l’application) les téléphones
génèrent des identifications cryptées et anonymisées, qui sont conserver de manière sécurisée (dans
le téléphone). Si une personne est contaminée, les autorités sanitaires vont lui demander l’accès aux
données chiffrées contenant les identifiants des personnes à risque. Cela permet aux autorités
d’envoyer un message à toutes ces personnes à risque, ayant été en contact proche avec le patient
contaminé. Les données sont conservées pendant 21 jours. Seul le ministère de la santé peut décrypter
la clé de sécurité qui conservent les données.20

                                   Figure 10. Application TraceTogether

Le risque déjà observé est que certains téléphones possèdent un signal Bluetooth trop puissant qui
traverse les surfaces… cela peut ainsi générer de faux signaux d’alerte.

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3.3. Chronologie des évènements

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                                                       Figure 11. Evolution des
                                                       mesures en fonction du
                                                      nombre de cas contaminés

17
                                                        jusqu'au 21 Avril 2020
Conclusion
L’étude de la stratégie de confinement et de déconfinement de ces trois pays d’Asie lors de la
pandémie de COVID-19 est particulièrement instructive. Elle montre en effet l’importance de la
synergie des mesures d’endiguement pour « casser » la montée inexorable des nouveaux cas au début
dans la phase active.

Par exemple, les mesures barrières et la distanciation sociale sont nécessaires mais insuffisantes, à
elles seules, pour contenir l’expansion à cette phase. Comme la situation le montre à Singapour, si 50
à 75% de la population continuent de se déplacer quotidiennement, l’épidémie ne peut pas être
contenue. Il faut que les déplacements soient réduits bien en dessous de 50% par rapport à la normale,
pour pouvoir la gérer. Le confinement strict associé au diagnostic et au suivi des contacts est
fondamental dans la phase active, comme le montrent l’évolution de l’épidémie en Chine et en Corée
du Sud.

Le déconfinement s’est effectué dans ces deux pays progressivement avec une activité d’identification
des cas et un suivi drastique des contacts par de nombreuses équipes d’épidémiologistes, aidés par
des applications dont l’usage en France est plus complexe, du fait des problèmes de confidentialité des
données recueillies. Il est à noter que ce déconfinement partiel n’a débuté en Chine, qu’une fois que
la courbe des nouveaux cas quotidiens a été stabilisée sous la barre des 50 nouveaux cas par jour.

Ces états ont également mis en place une politique d’isolement strict, dans des lieux appropriés, des
nouvelles personnes contaminées, permettant ainsi de réduire les contaminations au sein d’un même
foyer. Bien que les écoles soient toujours fermées en Corée du Sud, le pays a procédé à un
déconfinement partiel et une réouverture des lieux publics, alors que la courbe est passée sous les 20
nouveaux cas journaliers.

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      Le Lab Santé Ile-de-France | Le Déconfinement, 2020                                                            19
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