Le management environnemental des PME rentables Une étude exploratoire en France - Érudit
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Document generated on 10/10/2021 1:08 a.m. Revue internationale P.M.E. Économie et gestion de la petite et moyenne entreprise Le management environnemental des PME rentables Une étude exploratoire en France Sandrine Berger-Douce Les PME et la responsabilité sociale des entreprises Article abstract Volume 20, Number 3-4, 2007 This article focuses on one “pillar” of sustainable development, i.e. environmental management, by drawing an empirical research on profitable URI: https://id.erudit.org/iderudit/1008528ar Small and Medium-Sized Enterprises (SMEs) to identify their characteristics. DOI: https://doi.org/10.7202/1008528ar Literature insists on the lack of financial resources of SMEs as the main barrier to a more voluntary commitment in environmental issues. A quantitative survey was carried out among 84 French most profitable SMEs (ranking from See table of contents an economic magazine published in July 2006). The main findings are presented in terms of strengths (environmental reporting practices, high reduction of environmental impacts) and weaknesses (insufficient information Publisher(s) and poor environmental communication). Tracks of further exploratory research could refer to the environmental communication of SMEs and the Presses de l’Université du Québec necessity of a financial assessment of their “green” practices. Practical recommendation consists in improving and redefining the environmental ISSN communication to SMEs and, so, convincing them of the strategic nature of 0776-5436 (print) environmental management. 1918-9699 (digital) Explore this journal Cite this article Berger-Douce, S. (2007). Le management environnemental des PME rentables : une étude exploratoire en France. Revue internationale P.M.E., 20(3-4), 165–190. https://doi.org/10.7202/1008528ar Tous droits réservés © Presses de l’Université du Québec, 2007 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
Le management environnemental des PME rentables Une étude exploratoire en France Sandrine BERGER-DOUCE LARIME, IAE de Valenciennes MOTS CLÉS PME – Management environnemental – Engagement Développement durable – Rentabilité – Pratiques environnementales L’AUTEURE Sandrine Berger-Douce est maître de conférences à l’IAE de Valenciennes, Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis et directrice du Laboratoire d’analyses et de recher- ches interdisciplinaires en management des entreprises (LARIME). Ses travaux de recherche portent sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE), le management environnemental en contexte PME et l’accompagnement des entrepreneurs. Adresse : IAE de Valenciennes, rue des Cent-Têtes, Les Tertiales, 59313 Valenciennes, Cédex 9, France. Courriel : . RÉSUMÉ Pilier du développement durable, le volet environnemental demeure la préoccupa- tion majeure des PME françaises. Le manque de moyens, notamment financiers, est l’un des freins récurrents à un engagement plus volontariste des PME en la matière. Afin de neutraliser ce facteur, notre étude se focalise sur une popula- tion spécifique, à savoir des PME rentables. Cet article analyse les pratiques de management environnemental des PME françaises rentables afin d’en relever les particularités. Une étude quantitative par questionnaire a été menée auprès de 84 PME françaises issues d’un classement publié par un magazine économique en juillet 2006. Globalement, les pratiques de management environnemental des PME rentables se déclinent en forces (pratiques de reporting environnemental, forte réduction des impacts environnementaux) et faiblesses (déficit d’information et de communication en matière environnementale). Ces résultats ouvrent la voie à de futures recherches portant sur la communication environnementale des PME ou soulignent la nécessité de l’évaluation financière des pratiques environnementales. Des efforts de communication sont indispensables afin de convaincre les dirigeants de PME de la nature stratégique du management environnemental. © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
166 Sandrine Berger-Douce ABSTRACT This article focuses on one “pillar” of sustainable development, i.e. environmental management, by drawing an empirical research on profitable Small and Medium- Sized Enterprises (SMEs) to identify their characteristics. Literature insists on the lack of financial resources of SMEs as the main barrier to a more voluntary com- mitment in environmental issues. A quantitative survey was carried out among 84 French most profitable SMEs (ranking from an economic magazine published in July 2006). The main findings are presented in terms of strengths (environmen- tal reporting practices, high reduction of environmental impacts) and weaknesses (insufficient information and poor environmental communication). Tracks of further exploratory research could refer to the environmental communication of SMEs and the necessity of a financial assessment of their “green” practices. Practical recommendation consists in improving and redefining the environmental commu- nication to SMEs and, so, convincing them of the strategic nature of environmental management. RESUMEN Fundamento del desarrollo sostenible, el medio ambiente sigue siendo una preocu- pación mayor de las PyMEs francesas. La falta de recursos, especialmente finan- cieros, es un freno a un compromiso mas voluntario por parte de las PyMEs en cuanto al tema. Con el fin de neutralizar ese factor, nuestro estudio se focaliza en una población especifica, las PyMEs rentables. Este articulo analiza las prácticas del management medio ambiental de las PyMEs francesas rentables con el motivo de identificar sus características. Un estudio cuantitativo por cuestionario ha sido realizado sobre un muestro de 84 PyMEs francesas salidas de una clasificación publicada por una revista económica en Julio del 2006. Por lo general, las prácticas del management medio ambiental de las PyMEs francesas rentables se destaca en fortalezas (prácticas de reporting medio ambiental, importante reducción de los impactos medio ambientales) y debilidades (déficit de información y de comunica- ción en cuanto al medio ambiente). Esos resultados abren el camino hacia futuras investigaciones sobre la comunicación medio ambiental de las PyMEs o más sobre la necesidad de evaluación financiera de las prácticas medio ambiental. Unos esfuerzos de comunicación son de mismo modo imprescindibles para convencer mas eficientemente los directivos de las PyMEs de la naturaleza estratégica del management medio ambiental. ZUSAMMENFASSUNG Als eine Säule der nachhaltigen Entwicklung sind die umweltrechtlichen Aspekte nach wie vor das Hauptanliegen der französischen KMU. Fehlende Mittel, nament- lich Finanzmittel, ist eines der Haupthindernisse für eine verstärkte, freiwillige Verpflichtung in diesem Bereich. Um dieses Faktum zu neutralisieren, fokussiert sich die vorliegende Studie auf eine spezifische Population, nämlich die rentablen KMU. Und analysiert dabei die umweltbezogenen Managementpraktiken, um die Besonderheiten zu identifizieren. Eine quantitative Studie mittels Fragebogen wurde bei 84 französischen PME durchgeführt. Die Stichprobe wurde aus einer in einem Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Le management environnemental des PME rentables 167 Wirtschaftsmagazin publizierten Liste erstellt. Global betrachtet können die umwelt- bezogenen Managementpraktiken der KMU in Stärken (Umweltreport, Reduktion der Umwelteinflüsse) und Schwächen (umweltbezogene Kommunikations- und Informationsdefizite) eingeteilt werden. Diese Resultate bereiten den Weg frei für weitere Studien im Bereich der Umweltkommunikation von KMU oder die finanzielle Auswertung der umweltrechtlichen Praktiken. Die Kommunikationsbemühungen in diesem Bereich sind unverzichtbar, um die Entscheidträger der KMU von der strategischen Bedeutung des Umweltmanagements zu überzeugen. Introduction Stratégie d’entreprise et écologie sont désormais considérées comme étroi- tement liées (Martinet et Reynaud, 2004). Pourtant, les travaux de recherche français en milieu PME demeurent marginaux à l’exception de Gondran (2001) et souvent focalisés sur les freins à un engagement plus fort de ces acteurs (Berger-Douce, 2006). L’obstacle majeur est le manque de moyens, notamment financiers, des PME (Gunningham, Sinclair et Burritt, 1997 ; Tilley, 1999). L’idée centrale de cet article est de tenter de « neutraliser » ce facteur en étudiant une population spécifique, à savoir les PME rentables. À l’instar de Nasi et al. (1997), nous postulons que les PME rentables ont des pratiques environnementales différentes des PME « en général », en raison de leurs ressources financières. L’apport de cet article est d’explorer sur le terrain français les pratiques de management environnemental des PME rentables et de relever leurs particularités en comparant avec les résultats d’études antérieures sur les PME françaises (OSEO, 2003), en région Île-de-France (Crocis-CCIP, 2006) et en région Rhône-Alpes (Dupuis, Haned et Le Bas, 2006). Ces particularités se déclinent en forces et faiblesses relatives notamment à la communica- tion environnementale et à l’évaluation financière défaillante des activités environnementales. L’échantillon de 84 PME étudiées est issu du classement des PME les plus rentables de France publié par le magazine économique L’Entreprise en juillet 2006. Une méthodologie quantitative a été utilisée pour saisir les réalités multiples des pratiques du management environnemental dans ces PME. La revue de littérature présentée en partie 1 revient sur les résultats d’études antérieures en termes de pratiques et de freins à l’engagement environnemental des PME, ainsi que sur la relation symbiotique avec leur situation financière. La méthodologie d’étude est décrite dans la partie 2 tandis que les principaux résultats sont discutés en partie 3 sur la base de comparaisons avec la littérature existante. Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
168 Sandrine Berger-Douce 1. Revue de littérature Le management environnemental est devenu un enjeu stratégique des entre- prises (Chen, Lai et Wen, 2006 ; Madsen et Ulhoi, 2003 ; Allenby, 1999 ; Starik et al., 1996). Les travaux de recherche portant sur les PME présentent néan- moins des résultats partagés (1.1). L’appropriation du management environ- nemental par les PME se heurte à de nombreux obstacles (1.2), notamment sa situation financière (1.3). 1.1. Management environnemental en PME : quelle(s) réalité(s) ? Globalement, le management environnemental en PME semble bien marginal et mal documenté. Longtemps considéré comme l’apanage des grandes entre- prises (Thompson et Smith, 1991), il doit désormais s’intégrer harmonieuse- ment aux pratiques des entreprises de toutes tailles. Le véritable enjeu se situe bien au niveau des PME qui représentent 99,8 % des 20 millions d’entreprises de moins de 250 salariés dans l’Union européenne (Observatoire des PME européennes, 2002). Une difficulté récurrente concerne le peu de données fiables permettant des évaluations quantitatives de la pression environne- mentale réelle des PME (Petts, 2000). Cependant, leur très grand nombre pourrait justifier une pression élevée sur l’environnement (Lawrence et al., 2006 ; Hillary, 2000 ; Geiser et Crul, 1996). Les études menées jusqu’en 2000 montrent que la majorité des PME dans les pays développés n’ont pas de management environnemental organisé (Madsen et Ulhoi, 1996 ; Spence, Rutherfoord et Blackburn, 1998 ; Chiu et al., 1999 ; Gerstenfeld et Roberts, 2000). À titre d’illustration, l’étude de Savary (1999) auprès de 50 PME canadiennes indique que 45 % d’entre elles avaient des pratiques de management environnemental qualifiées d’artificielles et de « non systématiques ». En 1998, Merritt aboutissait à des conclusions similaires à l’issue de son enquête auprès de 143 PME britanniques. Depuis 2000, la réalité du management environnemental en PME semble évoluer vers une prise de conscience accrue, fruit des campagnes de sensibilisation menées par les instances régionales, gouvernementales et supranationales comme la Commission européenne et, surtout, une intégration plus mani- feste dans les pratiques managériales (OSEO, 2003). La première enquête d’envergure nationale1 menée en France sur le thème de l’environnement par OSEO à l’automne 2002 a été publiée en 2003. L’objectif était d’explorer sur le terrain des PME la réalité du management environnemental supposé ne pas intéresser suffisamment ces acteurs faute de temps, de moyens et 1. Pour cette enquête, 1 080 PME françaises ont été interrogées. Notons que tous les secteurs d’activité y étaient inclus. Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Le management environnemental des PME rentables 169 d’information. Globalement, 69,3 % des dirigeants de PME considéraient la protection de l’environnement comme une préoccupation importante dans la gestion de leur entreprise (OSEO, 2003). Précisons que cette prise de conscience augmentait sensiblement avec la taille des entreprises. L’étude de Glachant, Vicarelli et Vincent (2004)2 portant sur 270 entreprises industrielles françaises, dont 206 employant moins de 500 salariés, décrivait la diffusion des systèmes de management environnemental ainsi que les pratiques et performances environnementales de ces établissements. Depuis, des études régionales font le constat d’une sensibilisation accrue des PME aux enjeux du développement durable (Crocis-CCIP, 2006, pour l’Île-de-France). Le management environnemental arrive largement en tête des préoccupations durables des PME (88 % des PME de l’échantillon3 interrogé par Crocis- CCIP). Concrètement, les actions prioritaires concernent la réduction des factures énergétiques et le recyclage des déchets. Ces données confirment la littérature dans la mesure où les dirigeants de PME attendent du mana- gement environnemental des retombées économiques rapides, d’où le choix de mesures liées à la consommation d’énergie et au tri sélectif des déchets (Garrod et Chadwick, 1996). En région Rhône-Alpes, Dupuis, Haned et Le Bas (2006) ont mené une enquête sur les pratiques de RSE (responsabilité sociale des entreprises) auprès de 214 PME. Leurs résultats renforcent ceux du baromètre du Crocis-CCIP (2006). En effet, plus des deux tiers des PME de leur échantillon déclarent intégrer des préoccupations environnemen- tales dans leur stratégie. La majorité (80,4 %) ont notamment réduit leur consommation d’énergie et leurs émissions de produits nocifs. Quant à la certification environnementale de type ISO 14001, elle demeure confiden- tielle (16,4 % des PME sont certifiées) malgré une progression à la hausse depuis quelques années. Ces réalités contrastées sont le reflet de freins à un engagement plus volontariste des PME en faveur de l’environnement. 2. Cette enquête s’inscrivait dans un projet international piloté par l’OCDE portant sur 4 000 sites industriels dans sept pays (Allemagne, Canada, France, Hongrie, Japon, Norvège et États-Unis). 3. L’échantillon de Crocis-CCIP (2006) était constitué de 4 434 dirigeants de PME de moins de 500 salariés de la région Île-de-France (Paris et sa proche banlieue) interrogés par téléphone par l’Institut Médiamétrie. Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
170 Sandrine Berger-Douce 1.2. Les principaux freins à l’engagement environnemental des PME Les nombreux travaux sur les obstacles perçus par les PME dans le domaine du management environnemental recensent des freins désormais « classiques » (Rabbe, Schulz et Welge, 2006 ; Berger-Douce, 2006). Ainsi, les dirigeants de PME sont souvent accusés de scepticisme quant aux bénéfices réels (notamment économiques) à retirer du management envi- ronnemental (Tilley, 2000). Pour 31,2 % des PME françaises interrogées par OSEO (2003), l’engagement environnemental demeure étroitement associé à des coûts supplémentaires sans pour autant engendrer de réelles retombées commerciales. Cet argument se trouve renforcé par leur prétendue vision à court terme de l’économie (Hutchinson et Chaston, 1994) et leur difficulté à établir des plans stratégiques (Gerstenfeld et Roberts, 2000). Le manque de ressources humaines et financières est également pointé du doigt par les chercheurs (Gunningham, Sinclair et Burritt, 1997 ; Rutherfoord, Blackburn et Spence, 2000) comme l’obstacle majeur à l’engagement environnemental des PME. En 1981, Welsh et White dénonçaient déjà le manque de temps comme obstacle à l’engagement environnemental des PME. Concernant les PME françaises, le manque de temps est considéré comme le frein le plus important (35 %) devant le manque de ressources financières (25,1 % ; OSEO, 2003). Selon une étude de l’IFEN4 de 2000 (citée par OSEO, 2003), 14 % des entreprises françaises de 20 à 500 salariés disposaient d’une fonction spéciale pour l’environnement. Le déficit chronique d’informations est aussi incriminé (Allenby, 1999 ; Clark, 2000), associé à une expertise technique limitée. Ce manque d’information concerne les organismes susceptibles d’aider les PME dans leur démarche environnementale ; la législation environnementale en vigueur et l’existence d’aides financières françaises et européennes en la matière (OSEO, 2003). Néanmoins, les efforts de sensibilisation d’acteurs locaux et nationaux auprès des PME semblent changer la donne depuis quelques années, notamment en France. En effet, le baromètre du Crocis- CCIP de 2006 indique un net recul du manque d’informations comme obstacle à une meilleure intégration du développement durable dans les pratiques des PME franciliennes depuis 2003 (le pourcentage est ainsi passé de 52 % à 42 %), ce qui constitue un signe encourageant. Selon Hitchens et al. (2005), les PME n’ont pas réellement conscience de l’impact de leurs activités sur l’environnement naturel et se sentent donc peu concernées par ce débat tant qu’elles n’y sont pas contraintes par la législation (Smith, Kemp et Duff, 2000). Dans la même optique, les démarches volontaires initiées par des PME connaissent encore peu de succès (Madsen et Ulhoi, 1996 ; Williamson, 4. IFEN : Institut français de l’environnement. Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Le management environnemental des PME rentables 171 ynch-Wood et Ramsay, 2006) et demeurent largement impopulaires auprès L des dirigeants de PME (Windatt, 1999). Ces dirigeants sont parfois présumés être peu motivés pour aller au-delà des obligations légales (Greening et Gray, 1994 ; Russo et Fouts, 1997 ; Sharma et Vredenburg, 1998). Par ailleurs, selon Scott (1990), les PME seraient moins incitées que les grandes entreprises par les pouvoirs publics à adopter des pratiques respectueuses de l’environne- ment. Enfin, l’inadéquation des outils du management environnemental aux spécificités des PME est régulièrement dénoncée (Starkey, 2000 ; Aragon- Correa et Matias-Reche, 2005), d’où le développement de dispositifs pour les PME (Fay, 2000), ce à quoi travaille activement la Commission euro- péenne dans le cadre de son projet baptisé « Entrepreneuriat responsable » (Observatoire des PME européennes, 2002). Selon l’étude de Palmer (2000), les modèles de management environnemental ne sont pas des solutions uni- verselles pour les PME. Ainsi, l’attrait purement économique du management environnemental semble très limité en PME, du moins pour pérenniser la démarche. Cet auteur suggère ainsi de prendre davantage en considération des facteurs personnels du dirigeant, notamment ses valeurs, pour asseoir la légitimité du management environnemental (Tilley, 1999). 1.3. L’impact de la situation financière sur l’engagement environnemental Le débat sur la relation entre RSE et performance financière des entreprises se fonde sur l’analyse de plus de 120 études empiriques selon Gond (2006). Cet auteur fait ainsi référence aux méta-analyses de Allouche et Laroche (2005 ; 82 études) et de Orlitzky, Schmidt et Rynes (2003 ; 53 études). En résumé, ces auteurs relèvent l’existence d’un lien certes faible, mais positif entre RSE et performance financière. D’autres comme Vogel (2005), Jenkins (2004) et McWilliams et Siegel (2000) insistent sur l’ambiguïté de ce lien et les difficultés à le démontrer. L’étude de Russo et Fouts (1997) auprès de 243 entreprises américaines concluait à l’existence d’un lien positif entre performance environnementale et rentabilité, un résultat confirmé par Willsher (2004). La situation financière de l’entreprise est un élément essentiel en matière d’engagement environnemental (Reiter, 2003 ; Clark et al., 2002 ; Tilley, 1999) dans la mesure où le manque de ressources financières est souvent considéré comme l’obstacle majeur perçu par les dirigeants de PME (Bowen, 2002 ; Hillary, 2000 ; Ludevid Anglada, 2000). Glachant, Vicarelli et Vincent (2004) concluaient que pour 61 % des entreprises de leur échan- tillon, les aides financières constituaient les outils de diffusion les plus effi- caces du management environnemental. Le coût financier de l’engagement Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
172 Sandrine Berger-Douce e nvironnemental comprend à la fois des investissements environnementaux (notamment des procédés de production respectueux de l’environnement) et des charges courantes de maintenance des installations « vertes ». Selon l’étude d’OSEO (2003), les investissements environnementaux représen- taient un tiers des investissements globaux pour un tiers des PME de 50 à 250 salariés. Cette même proportion se retrouvait pour les charges courantes inhérentes à l’environnement. Adapter ou développer une nouvelle techno- logie environnementale est une proposition coûteuse dont les retombées économiques sont incertaines et à long terme (Lindsey, 1998). Ainsi, seules les firmes rentables auraient les moyens de s’en prévaloir. Nasi et al. (1997) ont constaté que l’engagement environnemental des entreprises forestières canadiennes et finlandaises observées avait tendance à décliner lorsque ces entreprises enregistraient une rentabilité moindre. « Business is not bad, it is just difficult – and in difficult times, the first goal of a business is to survive » (Fassin, 2005, p. 269). Les PME dont les ressources financières sont limitées ne peuvent vraisemblablement pas investir dans de longs processus d’acqui- sition de compétences liées à l’environnement ou allouer des fonds pour des initiatives vertes, ce qui nuit au développement d’un engagement environne- mental (Azzone et Noci, 1998 ; Noci et Verganti, 1999). Il est donc légitime de penser qu’une situation financière saine constitue un préalable indispensable à la mise en œuvre d’une stratégie environnementale. En ce sens, le choix de notre échantillon de référence semble pertinent, les PME françaises les plus rentables sont vraisemblablement dotées de moyens financiers suffisants pour s’engager dans la voie du management environnemental. 2. Méthodologie La méthodologie de l’étude est de nature exploratoire et repose sur une analyse quantitative de données recueillies par questionnaire. 2.1. Échantillonnage L’échantillon de l’étude a été constitué à partir du classement des 200 PME les plus rentables de France publié par le magazine économique L’Entreprise5 en juillet 2006. Ce magazine a sélectionné, avec le concours de Coface Services, les 6 000 entreprises françaises dont les résultats correspondaient aux critères suivants : − au moins trois années d’existence ; − un chiffre d’affaires supérieur à 10 millions d’euros pour 2005 ; 5. Magazine L’Entreprise no 247 de juillet-août 2006. Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Le management environnemental des PME rentables 173 − au moins 20 % de croissance cumulée entre 2002 et 2005 ; − une rentabilité avant impôt sur le dernier exercice supérieur à 5 % ; − le chef d’entreprise doit contrôler au minimum 10 % du capital. Ont également été retenues dans le classement les entreprises avec une rentabilité comprise entre 4 % et 5 % et une croissance cumulée (sur trois années) supérieure à 30 %. Sur la base de ce classement, seules les entreprises avec un effectif maximal de 250 salariés (critère d’effectif conforme à la réglementation européenne : recommandation 2003/361/CE du 6 mai 2003, en vigueur depuis le 1er janvier 2005) ont été retenues, soit un sous-total 1 de 155 PME. Les fiches détaillées de ces 155 PME présélectionnées ont ensuite été téléchargées sur le site du magazine économique afin d’obtenir leurs coordonnées. Huit PME présélectionnées n’avaient pas de fiche détaillée et une PME présentait une fiche incomplète, donc inexploitable, soit un sous-total 2 de 146 PME. Enfin, les coordonnées des 146 PME ont été vérifiées à l’aide d’annuaires professionnels. Pour huit PME, les coordonnées étaient erronées. Au final, la population de l’étude comprend donc 138 PME. 2.2. Rédaction du questionnaire Un questionnaire6 de 42 questions fermées a été construit en quatre parties : Partie 1 − La responsabilité sociale et environnementale des entreprises, en général, soit 10 questions sur les perceptions de la RSE ; la connais- sance d’organismes et de référentiels ; les pratiques de reporting ; les avantages retirés de la RSE ; les principaux freins relevés ; l’évaluation financière des actions de RSE ; Partie 2 − L’engagement social, soit cinq questions sur le dialogue social ; l’impact sur le fonctionnement de l’entreprise ; l’engagement en termes de diversité ; l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ; le développement des compétences des salariés ; Partie 3 − L’engagement sociétal, soit cinq questions sur les relations avec les sous-traitants ; la sélection des fournisseurs ; les liens avec la société civile et le tissu économique local ; le traitement des réclamations ; 6. Le questionnaire s’inspire notamment de celui utilisé par Dupuis, Haned et Le Bas (2006) dans leur étude sur les PME de la région Rhône-Alpes. Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
174 Sandrine Berger-Douce Partie 4 − L’engagement environnemental, soit 22 questions sur l’inté- gration dans la stratégie d’entreprise ; les motivations ; les pratiques de management environnemental (prise en compte des impacts environne- mentaux ; moyens humains dédiés à l’environnement ; communication interne et externe ; certification ISO 14001 ; coût de la politique envi- ronnementale ; système de management environnemental ; connaissance de la réglementation ; outil de mobilisation interne). Treize questions de cette partie 4 étaient des échelles de Likert à cinq points (1, totalement en désaccord, à 5, totalement d’accord). 2.3. Administration du questionnaire et traitement des données Le questionnaire a été administré par téléphone aux dirigeants des 138 PME de l’échantillon initial durant l’automne 2006 (du 19 septembre au 10 novembre 2006). Les difficultés éprouvées sont relatives au barrage téléphonique exercé par la secrétaire de direction et au manque de disponibilité des répondants, d’où parfois un nombre élevé de rappels avant d’obtenir un questionnaire renseigné. L’administration du questionnaire a duré, en moyenne, une ving- taine de minutes. L’accueil réservé à l’étude a été globalement favorable, les répondants se montrant très sensibles au sujet traité ; certains ont même spontanément ajouté des commentaires en marge des entretiens. Au final, 84 questionnaires ont été renseignés, ce qui correspond à un taux de réponse de 60,87 %. La répartition par taille figure dans le tableau 1. Tableau 1 Répartition des répondants de l’échantillon par taille Effectif 0-19 20-49 50-99 100-149 150-250 Total Répondants 11 26 16 15 16 84 Les effectifs des PME de l’échantillon sont compris entre 5 et 250 salariés, avec un effectif moyen de 84 salariés, ce qui correspond à des entreprises de taille importante pour des PME. Cependant, les petites entreprises sont assez bien représentées avec 44 % de l’échantillon final. La rentabilité moyenne (2005 : année du dernier exercice) est de 11,77 %, avec des valeurs comprises entre 4,09 et 51,15 %. À titre indicatif, la moitié des PME analysées affichaient une rentabilité inférieure à 9,04 %. Les données collectées ont été traitées à l’aide du logiciel SPSS (Statistical Package for Social Sciences). Pour les données descriptives, des Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Le management environnemental des PME rentables 175 moyennes et des pourcentages ont été calculés. Dans cet article, seule la partie 4 du questionnaire a été exploitée, le volet environnemental n’étant qu’un aspect d’une étude plus vaste sur la RSE des PME rentables. 3. Présentation et discussion des résultats Les résultats de l’étude sont présentés et discutés au regard des études dispo- nibles en France, d’abord sous l’angle des pratiques observées dans les PME rentables (3.1), puis sous celui des motivations en faveur de leur engagement environnemental (3.2), avant de préciser les faiblesses relevées (3.3), ainsi que les forces potentielles (3.4). Enfin, une synthèse des résultats est proposée en conclusion (3.5). 3.1. Le management environnemental des PME rentables Deux tiers des PME interrogées7 (66,7 % contre 69,3 % pour OSEO, 2003, et 71,3 % pour Dupuis, Haned et Le Bas, 2006) déclarent intégrer des préoc- cupations environnementales dans leur stratégie, résultat encourageant dans la mesure où l’échantillon ne distingue pas les secteurs d’activité fort diffé- rents des entreprises étudiées. Une majorité de ces PME ne sont pas a priori particulièrement polluantes. Moins d’une PME rentable sur deux (46,5 %) considère le management environnemental comme une opportunité stra- tégique. Par ailleurs, pour un répondant sur cinq (21,4 %), cette question d’opportunité stratégique le laisse totalement indifférent. Dans 53,6 % des PME rentables, la direction de l’entreprise se mobilise clairement en faveur d’un engagement environnemental de tous. Cependant, cette mobilisation est absente dans près de quatre PME interrogée sur dix, ce qui jette le doute sur leur réelle volonté d’agir en faveur de l’environnement. Cette préoccupation environnementale s’est traduite au cours des trois dernières années par des efforts portant sur la réduction des impacts envi- ronnementaux de leurs activités. Les actions portent majoritairement sur la réduction et le recyclage des déchets (91,7 %) ; la consommation d’énergie (70,2 %) ; la prévention de la pollution (54,8 %) ; la préservation de l’environ- nement naturel (54,8 %) et le choix d’options de transport durable (15,5 % ; covoiturage, plan de déplacement entreprise, achat de véhicules propres). Les thèmes majoritaires ont fait l’objet de campagnes de sensibilisation depuis de nombreuses années en France, sous l’impulsion de l’Ademe8, ce qui peut expliquer ce résultat. De plus, les retombées économiques sont rapidement 7. Ce pourcentage est identique (66 %) dans la vaste étude de NetRegs (2005), l’agence de l’environnement, auprès de 5 554 PME britanniques. 8. Ademe : Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie. Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
176 Sandrine Berger-Douce et objectivement quantifiables pour les responsables de PME, ce qui renforce indéniablement leur pouvoir de persuasion. La gestion des déchets représente 44,7 % des dépenses consacrées à l’environnement par les entreprises fran- çaises (PME et grandes entreprises ; OSEO, 2003). Une thématique comme le transport durable est plus discrète et n’a visiblement pas encore atteint la majorité des PME françaises. À titre de comparaison, le tableau 2 reprend les actions (réalisées ou en cours) en faveur de l’environnement par les PME de l’échantillon d’OSEO (2003). Tableau 2 Actions menées en faveur de l’environnement par les PME rentables et les PME françaises en général (OSEO, 2003) PME rentables PME OSEO Rang Actions ( %) ( %) 1 vs 1 Recyclage / valorisation de déchets 91,7 66,9 2 vs 2 Réduction des consommations d’énergie 70,2 48,8 3 vs 5 Réduction des pollutions 54,8 38,3 4 vs 4 Éco-conception 42,9 41,3 5 vs 3 Pratique d’achats responsables 39,3 44,9 − vs 6 Utilisation raisonnée de l’eau NR 36,4 7 vs 7 Achat de véhicules propres 15,5 20,1 − vs 8 Recours à des énergies renouvelables NR 10,3 9 vs 9 Mise en place d’un SME 9,5 9,3 Légende : NR = non renseigné. Pour mémoire, dans l’échantillon de Dupuis, Haned et Le Bas (2006), 80,4 % des PME avaient cherché à diminuer leur consommation d’énergie et leurs émissions de produits nocifs. Globalement, ces résultats confirment ceux de Hauff, Kleine et Jörg (2005) dans la mesure où les PME ont naturellement tendance à privilégier quelques activités environnementales comme la réduction et le recyclage des déchets (action prioritaire pour 55 % des PME britanniques interrogées par NetRegs, 2005) dont les impacts sont plus facilement et plus rapidement visibles. Au regard de la certification environnementale, 19 % des PME renta- bles sont certifiées ISO 14001, soit un peu plus qu’en Rhône-Alpes (16,4 %) pour l’échantillon de Dupuis, Haned et Le Bas (2006). L’année d’obtention du certificat varie entre 2000 et 2006, ce qui est finalement récent au regard de l’année de parution de la norme, en l’occurrence 1996. À titre indicatif, 45,2 % des PME rentables disposent d’une certification qualité, signe de la Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Le management environnemental des PME rentables 177 maturité de cette démarche en milieu PME et de l’intégration de l’environ- nement dans la sphère de la qualité, conformément à l’étude de Almeida, Vieira et Almeida (2006) qui notaient que 48 % des PME portugaises de leur échantillon intégraient le management environnemental au service qualité. 3.2. Des motivations fortement personnelles en faveur de l’engagement environnemental Les motivations en faveur de l’engagement environnemental des PME rentables sont les valeurs personnelles du dirigeant en termes de protection de l’environnement (60,7 %) très loin devant l’anticipation des changements réglementaires (29,8 %) ; une meilleure image de l’entreprise (21,4 %) ; la pression des partenaires financiers (10,7 %) ; la réduction des coûts (9,5 %) ; enfin, la pression de la société civile (1,2 %) ainsi qu’une stratégie de diffé- renciation (1,2 %). La personnalisation du management environnemental en PME se reflète dans l’importance des valeurs éthiques personnelles du dirigeant, en totale conformité avec des travaux antérieurs (Hemingway, 2005 ; Petschow, 2001). Les aspects juridiques semblent assez prégnants et témoignent de la volonté des PME rentables d’adopter une attitude proac- tive en la matière. La recherche d’une meilleure image de l’entreprise est également importante pour une PME rentable sur cinq, un résultat modeste peut-être en raison de la visibilité médiatique faible des PME en général… Quant à la pression des partenaires financiers, elle ne concerne qu’une PME rentable sur dix, signe que le monde financier « PMIste » n’accorde encore qu’une importance toute relative aux préoccupations environnementales. Plus surprenant est le résultat relatif à la réduction des coûts dans la mesure où les PME sont présumées très attentives aux retombées économiques quan- tifiables à court terme. La pression de la société civile est ici bien marginale. Enfin, une différenciation stratégique grâce au management environnemental ne trouve pas d’écho parmi les PME rentables de l’échantillon : seules 1,2 % des PME interrogées le mentionnent comme l’un des facteurs déclencheurs de leurs actions en matière de protection de l’environnement. Il est à noter que 17,9 % des PME rentables ont mentionné d’autres motivations comme l’activité de l’entreprise (4,7 %) ; l’obligation réglementaire (5,9 %) ou encore la pression des clients (7,1 %). Enfin, 7,1 % des PME de l’échantillon décla- rent ne mener aucune action particulière en faveur de l’environnement (83,3 % d’entre elles ont moins de 50 salariés). À titre de comparaison, le tableau 3 présente les motivations pour l’engagement environnemental des PME rentables de notre échantillon et des échantillons de OSEO (2003) et de Dupuis, Haned et Le Bas (2006). Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
178 Sandrine Berger-Douce Tableau 3 Motivations pour l’engagement environnemental des PME rentables et des PME françaises en général (OSEO, 2003, et Dupuis, Haned et Le Bas, 2006) Dupuis, PME OSEO Haned Rang Motivations rentables ( %) et Le Bas ( %) ( %) Conviction personnelle 1: 1: 1 60,7 91,4 69,2 du dirigeant. Conformité à la législation / 2: 2: 3 29,8 85,2 39,7 anticipation. 3 : 3 : 2 Amélioration de l’image. 21,4 80,5 46,7 Pression des 4: −: 7 10,7 NR 7,0 partenaires financiers. Augmentation de la rentabilité / 5: 7: 4 9,5 35,7 30,8 réduction des coûts. Pression des clients / 6: 4: 5 7,1/1,2 43,1 22,4 de la société civile. Recherche d’un 8: 5: 6 1,2 40,6 21,5 avantage concurrentiel. 7 : 8 : − Existence de sanctions légales. 5,9 40,2 NR − : 9 : − Norme ISO 14001. NR 32,6 NR − : 10 : − Aides financières / subventions. NR 25,1 NR − : 11 : − Avantages fiscaux. NR 20,9 NR − : 12 : − Obtention de marchés publics. NR 20,8 NR Légende : NR = non renseigné. On remarque l’engagement « citoyen » très fort des dirigeants de PME, signe de l’influence de leur éthique personnelle sur l’engagement environne- mental. Les aspects réglementaires sont généralement prégnants (conformité à la réglementation et crainte des sanctions), ce qui est nettement moins présent dans notre échantillon. Quant à la recherche d’une meilleure image de l’entreprise, les résultats sont très contrastés entre les études de OSEO et de Dupuis, Haned et Le Bas, signe que le consensus sur la légitimité d’une communication environnementale en milieu PME n’est pas encore d’actua- lité. Les aspects stratégiques (pression des clients et recherche d’un avantage concurrentiel) ne sont certes pas oubliés, mais ne constituent qu’un groupe secondaire de motivations. L’augmentation de la rentabilité rassemble un peu plus du tiers des PME interrogées par OSEO, ce qui est un signe très positif. A contrario, les politiques incitatives (aides financières, avantages fiscaux) n’ont qu’un impact faible sur les dirigeants de PME françaises. Concernant Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Le management environnemental des PME rentables 179 l’obtention de marchés publics, alors qu’une PME sur cinq interrogée par OSEO (2003) estimait qu’elle pouvait constituer une motivation pour leur engagement environnemental, cet argument est totalement absent de notre échantillon de PME rentables. Ce résultat est d’autant plus surprenant que des auteurs comme Quairel et Auberger (2005) considèrent ce levier comme un facteur d’intégration de la RSE dans la stratégie des PME. En résumé, les PME rentables semblent moins dépendantes de leur environnement (pression des partenaires financiers, des clients, de la société civile), y compris réglementaire, que les PME en général. Ce résultat va à l’encontre d’idées préconçues selon lesquelles les PME exerceraient plutôt un management « sous influence » et que leurs pratiques de RSE se limiteraient à une simple mise en conformité réglementaire (Quairel et Auberger, 2005). 3.3. Des faiblesses : insuffisance des moyens humains, évaluation du coût financier et déficit d’information La majorité des PME rentables (53,6 %) imaginent qu’elles pourraient utiliser la durabilité de leur offre comme avantage concurrentiel. Selon OSEO (2003), 40,6 % des PME françaises recherchent un avantage concurrentiel à travers leur engagement environnemental, contre seulement 21,5 % des PME de Rhône-Alpes (Dupuis, Haned et Le Bas, 2006). Le décalage avec les prati- ques observées (Tilley, 1999) apparaît si l’on s’intéresse aux moyens humains déployés pour la gestion de l’environnement : 32,1 % des PME rentables déclarent avoir mobilisé des ressources humaines à cet effet. L’étude d’OSEO (2003) révélait que, dans le secteur de l’industrie, 10 % des entreprises de 1 à 9 salariés, 36 % de celles de 10 à 49 salariés et 54 % de celles de 50 à 250 salariés disposaient d’une personne en charge des questions environnemen- tales, d’où l’importance du facteur taille. Précisons également que dans les entreprises de moins de 10 salariés, il s’agissait du dirigeant lui-même, ce qui pose problème puisqu’il ne peut vraisemblablement y consacrer qu’une part infime de son temps de travail. Globalement, les PME disposent rarement de moyens humains dédiés à l’environnement et, si tel est le cas, moins de 20 % de leur temps de travail y est consacré (Rothenberg et Becker, 2004). Dans l’étude de Glachant, Vicarelli et Vincent (2004), les entreprises indus- trielles ayant adopté un système de management environnemental avaient, en moyenne, un effectif dépassant les 100 salariés, signe de l’importance d’une taille critique en la matière. Le manque de moyens humains voués à la gestion environnementale semble poser problème à une courte majorité de PME rentables (48,8 %). Un résultat à affiner concerne la modalité « indifférent », puisque 13,1 % des répondants considèrent que le manque de ressources humaines dédiées n’a pas d’impact sur leurs pratiques. Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, 2007 © 2008 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Revue internationale P.M.E., vol. 20, nos 3-4, sous la direction de Louis Raymond • PME2003N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
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