Le marché du démantèlement nucléaire en Europe - Enjeux et recommandations pour la filière
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2 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe Synthèse Le démantèlement couvre l’ensemble des activités, Les projets de démantèlement se distinguent par techniques et administratives, réalisées après une incertitude forte sur les données d’entrée et de l’arrêt définitif d’une installation nucléaire, afin sortie du projet : d’atteindre un état final prédéfini où la totalité des • Incertitudes liées à l’état radiologique des installa- substances dangereuses et radioactives a été tions à démanteler et aux modifications physiques évacuée de l’installation. réalisées sur l’installation au cours de son existence, soit l’état initial de l’installation à démanteler Si le démantèlement des centrales nucléaires ne • Incertitudes liées aux filières pour traiter et stoc- pose a priori pas de défis technologiques majeurs, ker les déchets qui seront produits au cours des la maîtrise des plannings à long-terme et son indus- opérations de démantèlement. trialisation vont devenir des enjeux de premier plan pour la filière. La maîtrise de l’état initial est un paramètre fonda- Jusqu’à récemment, le démantèlement d’une mental dans la planification et l’optimisation d’un centrale nucléaire était considéré comme techni- projet de démantèlement car elle permet d’appré- quement réalisable mais très peu standardisable, hender la complexité des travaux à réaliser, tout en puisque cela ne concernait que des centrales de re- préservant la sécurité et la sûreté des personnels. cherche ou des prototypes fondés sur des techno- De même, la performance de l’activité de déman- logies au gaz ou au graphite, qui n’ont guère été tèlement étant intimement liée à la capacité de mi- développés par la suite. Mais certaines technolo- nimiser le volume des déchets radioactifs produits, gies, comme celle des réacteurs à eau pressurisée la priorité doit être d’intégrer au plus vite les nou- (REP), ont désormais été déployées à l’échelle com- velles technologies qui produisent le moins de dé- merciale et approche de leur limite de durée de chets possible, et de mieux partager les évolutions fonctionnement. qui concernent l’acceptation des déchets en site de Compte tenu du nombre croissant de réacteurs stockage afin d’en évaluer les impacts au plus tôt. de puissance, notamment des réacteurs REP, qui A l’inverse, les systèmes de contractualisation mis devront être fermés dans les vingt prochaines an- en place par les donneurs d’ordres n’ont pas été nées dans le monde, et en particulier en Europe et conçus pour des marchés à fortes incertitudes, indui- en France, il devient désormais obligatoire pour sant de fait des difficultés sur la mise en place et le l’industrie nucléaire de prouver que des projets de suivi des marchés et des provisions pour aléas qui démantèlement peuvent être gérés de manière in- font augmenter les devis des acteurs potentiels. dustrialisée et ce, en respectant les délais, budgets L’industrialisation d’une filière de gestion du dé- et normes de sûreté les plus élevées. L’enjeu de mantèlement requiert ainsi la conception et la mise taille pour les entreprises du secteur est de faciliter en œuvre d’une organisation et d’une méthodologie l’acceptation sociétale du renouvellement du parc, spécifiques, suffisamment flexibles pour gérer les en démontrant une capacité à démanteler une pre- incertitudes, garder un contrôle strict du planning et mière génération de réacteurs. des coûts, et susciter l’intérêt des acteurs de la filière.
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 3 Sommaire Etat des lieux du démantèlement des centrales nucléaires dans le monde ..................................... 4 Perspectives du marché du démantèlement en Europe ......................................................... 18 Structure et acteurs du marché du démantèlement en France ......................................................... 28 Conclusion ................................................................................................................... 39 Photo de couverture : piccaya / IStock
4 Etat des lieux du démantèlement des centrales nucléaires dans le monde Photo : AVTG / IStock
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 5 1.1 Le parc nucléaire mondial compte à ce jour 1.2 De nombreux réacteurs nucléaires en fin de vie environ 450 réacteurs de puissance, dont le nombre ont été arrêtés mais seulement une vingtaine ont été est relativement stable depuis 30 ans complètement démantelés 178 réacteurs nucléaires (de puissance et de recherche) ont été arrêtés dans le monde depuis le début des an- ON DISTINGUE 3 TYPES nées 1960 et plus de la moitié de ces réacteurs sont si- tués en Europe. → B DE RÉACTEURS NUCLÉAIRES : Parmi ces 178 réacteurs de puissance à l’arrêt, seuls 19 réacteurs ont été complètement démantelés1, mais • R éacteurs de puissance destinés seulement 10 ont été rendus à l’état de « greenfield » (ter- à la production d’électricité rain libéré pour toute activité ultérieure par opposition au « brownfield » permettant seulement une réutilisation • R éacteurs de recherche permettant entre industrielle assortie de restrictions d’usages). autres de produire des isotopes médicaux Autrement dit, la majeure partie des unités arrêtées est soit en cours de démantèlement, soit en situation de • Réacteurs militaires (e.g. propulsion navale) stand-by, c’est-à-dire en état de « démantèlement différé ». Par ailleurs, le rythme des mises à l’arrêt s’est accéléré ces dernières années, notamment depuis l’accident nu- cléaire de Fukushima en 2011. Les décisions politiques Si la première électricité d’origine nucléaire a été pro- qui s’en sont suivies ont conduit à l’arrêt de 42 réacteurs, duite en 1951 aux Etats-Unis, c’est l’Union soviétique soit 25% des réacteurs à l’arrêt en 2019. qui mit en service la première centrale nucléaire de puissance significative trois ans plus tard. En France, à 1.3 Différentes stratégies de démantèlement la suite de la création du CEA (Commissariat à l’Energie ont été adoptées par les pays concernés Atomique) en 1945 et au développement de réacteurs d’essai, le premier réacteur français producteur d’élec- L’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) tricité fut mis en service en 1956. préconise un démantèlement dans un délai aussi court Au milieu des années 1960, l’énergie nucléaire abor- que possible après l’arrêt définitif. Un démantèlement da une ère d’industrialisation rapide, notamment aux différé présente en effet des risques en matière de États-Unis et en Europe. Le choc pétrolier de 1973 et la maintien des compétences dans la filière (voir 1.5), hausse brutale du prix du pétrole viendront renforcer la de surcoûts liés au maintien de plusieurs servitudes tendance. nécessaires à la sécurité de l’installation, et de répartition En 2019, 453 réacteurs de puissance sont opération- des rôles et responsabilités. nels dans le monde, un nombre relativement stable de- En pratique, le choix d’une stratégie dépend des puis la fin des années 1980. → A Ces réacteurs, répartis 1 Ces 19 réacteurs représentent 8% de la puissance déconnectée dans une trentaine de pays, satisfont 11% de la demande des réseaux électriques. Parmi ces 19 unités, 13 sont situées aux mondiale en électricité. Etats-Unis, 5 en Allemagne et 1 au Japon.
6 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe A: Evolution du parc mondial de réacteurs nucléaires opérationnels Réacteurs de puissance en opération dans le monde [# ; 2019] 500 450 400 350 300 En 2019, 453 réacteurs de 250 puissance sont opérationnels dans 200 le monde, un nombre relativement stable 150 depuis la fin des années 1980. 100 50 0 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014 2019 Source : WNA
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 7 B: Les réacteurs à l’arrêt dans le monde sont situés principalement en Europe [# ; 2019] Asie du Sud-Est 26 (15%) Amérique du Nord 43 86 Europe de l’Ouest (24%) (48%) 23 (13%) Europe Centrale et Europe de l'Est 178 RÉACTEURS À L’ARRÊT Sources : IAEA, Roland Berger
8 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe règlementations nationales, du financement des 1.4 Un retour d’expérience limité pour mesurer opérations, de l’existence et de la disponibilité des le potentiel d’industrialisation de la filière filières d’élimination des déchets, de la disponibilité technique des équipements nécessaires aux travaux et Les premiers démantèlements concernaient souvent de personnels qualifiés. de petites unités, voire des prototypes à faible puis- En France, la stratégie de démantèlement immédiat sance, dont la durée d’exploitation demeurait relative- est inscrite dans la loi de 2015 sur la transition ment courte. Le faible échantillon de travaux de dé- énergétique pour la croissance verte. Les réacteurs mantèlement complètement achevés dans le monde arrêtés antérieurement (e.g. Chinon, Bugey, St Laurent, n’est pas suffisant pour consolider un planning indus- Brennilis et Marcoule) ont fait l’objet d’une stratégie de triel fiable, d’autant plus qu’il dépend des technologies démantèlement différé. de réacteurs. Les opérations de démantèlement d’une installation A ce jour, en raison du caractère spécifique de ces nucléaire suivent un processus réglementaire qui com- installations, le retour d’expérience est donc insuffisant mence par une déclaration d’arrêt définitif au ministre pour bénéficier d’une vue réelle sur le potentiel d’in- chargé de la sûreté nucléaire et à l’Autorité de Sûreté nu- dustrialisation de ces activités. Les premiers démantèle- cléaire (ASN) dès lors (ou au moins 2 ans avant) que l’ex- ments complets de réacteurs nucléaires, effectués dans le ploitant envisage d’arrêter définitivement son installation, cadre de stratégies de démantèlement immédiat, démon- et se termine par le déclassement officiel de l’installation. trent que les durées des travaux de démantèlement se Il comprend généralement trois étapes : → C révèlent souvent supérieures aux durées de construction • L a première étape du démantèlement consiste en la fer- et d’exploitation combinées. meture de l’installation : la production est arrêtée, tout Les illustratifs → F → G présentent des études de cas le combustible est déchargé, les circuits sont vidangés concernant des réacteurs, dont le démantèlement n’a pas et plus aucune matière radioactive n’est utilisée dans encore été mené à son terme. l’installation. Cette phase de fermeture peut durer plusieurs années et comprend l’arrêt de production 1.5 Le démantèlement est un processus mobilisant définitif (ADP), la cessation définitive d’exploitation d’importantes ressources humaines à long-terme (CDE) et la mise à l’arrêt définitif (MAD). • L a seconde étape démarre après l’obtention d’un décret A l’heure où l’emploi, l’équilibre des territoires et de démantèlement à la suite d’un avis de l’ASN et en- l’évolution de l’industrie en France sont au cœur des quête publique. Ce décret fixe les principales étapes du préoccupations et des débats, il est plus que jamais démantèlement, sa date de fin et l’état final à atteindre. impératif d’envisager toutes les décisions et les Lors de cette étape, tous les bâtiments (à l’exception orientations industrielles sous l’angle social. Décider du bâtiment réacteur) et tous les équipements sont de fermer et démanteler une installation nucléaire démontés et l’ensemble des déchets produits est condi- constitue une décision industrielle forte. En effet, le tionné vers les centres de stockage adaptés. démantèlement est un processus pouvant s’échelonner • L a troisième et dernière étape correspond au démantè- sur plusieurs décennies (même en cas de stratégie de lement de la cuve, à la démolition du bâtiment réacteur démantèlement immédiat) et mobilisant des ressources et à l’assainissement des sols. humaines importantes, même si les effectifs requis
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 9 C: Les trois stratégies de démantèlement des centrales nucléaires Stratégies de démantèlement possibles et cas concrets DÉMANTÈLEMENT IMMÉDIAT DÉMANTÈLEMENT DIFFÉRÉ MISE EN TOMBEAU Démarrage des opérations de Sécurisation des parties de Adaptation de l’installation démantèlement après la fin des l’installation nucléaire contenant des permettant aux matières opérations de l’installation (après matériaux radioactifs pendant radioactives résiduelles de demeurer mise à l’arrêt définitif) plusieurs décennies avant sur le site sans jamais les éliminer démantèlement France France Etats-Unis Stratégie de démantèlement Réacteurs de type UNGG – 3 réacteurs expérimentaux de faible immédiat désormais privilégiée Chinon, Bugey & St-Laurent puissance développés pour le par EDF Department of Energy (DoE) : Réacteur à eau lourde de Brennilis Bonus (réacteur de type REB) Allemagne Usine MP1 Marcoule Piqua (réacteur de type OCR) 11 des 19 unités arrêtées à ce jour : Royaume-Uni Gundremminge, Greifswald, Hallam Niederaichbach, etc. Démantèlement initié pour 29 réacteurs Incertitude quant à la stratégie et la temporalité retenues pour les Espagne 8 unités arrêtées en 2011 Réacteur de type UNGG – Etats-Unis Vandellos 1 16 réacteurs nucléaires : Japon Shippingport, Fort St Vrain, Shoreham, Pathfinder, Haddam Réacteur magnox – Tokai 1 Neck, Maine Yankee etc. Etats-Unis 13 réacteurs nucléaires Sources : revue de presse, Roland Berger
10 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe D: Les effectifs humains à mobiliser lors du processus de démantèlement d’une centrale nucléaire Processus simplifié de démantèlement d’un site nucléaire et besoin en personnel associé (cas d’un CNPE Français) VIE OPÉRATIONNELLE DE MISE À L’ARRÊT DÉFINITIVE DÉMANTÈLEMENT L’INSTALLATION NUCLÉAIRE ET PRÉPARATION DU DÉMANTÈLEMENT 40 à 70 ans 2 à 7 ans Variable 20 à 40 ans (en fonction de la stratégie retenue : immédiat vs. différé) ~1 500 ETP ~100 ETP ~500-600 ETP Sources : revue de presse, Roland Berger lors de phases de préparation et de réalisation du doivent donc être redéployées sur d’autres installa- démantèlement sont nettement inférieurs aux effectifs tions. En résumé, cette nouvelle configuration re- en charge de l’exploitation d’une centrale nucléaire. → D quiert encore des compétences d’exploitation mais De même, la nature des activités menées en phase de avec des volumes très limités et une complexité tech- démantèlement se distingue sensiblement des activités nique moindre. nécessaires à l’exploitation. Certaines disparaissent ou • Les activités de démantèlement sur site s’articulent es- sont fortement réduites, d’autres émergent. Par exemple : sentiellement autour de la déconstruction de bâti- • L’exploitation se réduit à la surveillance du confine- ments ainsi que de la décontamination, découpe, ment (nécessaire à la sûreté nucléaire des travaux) et à constitution et manutention de colis de déchets, qui ne l’entretien des fonctions support (distribution élec- sont pas le « cœur de métier » d’un exploitant nucléaire. trique, ventilations, effluents, etc.). Les métiers liés au pilotage de l’installation nucléaire, à la maintenance Il en résulte une adaptation nécessaire des ressources, des systèmes supports diminuent fortement, voire des compétences et de l’organisation lorsque l’installa- disparaissent et les ressources correspondantes tion passe en phase de démantèlement. → E
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 11 E: La phase de démantèlement d’une centrale est souvent supérieure à sa durée d’exploitation Vue d’ensemble des réacteurs nucléaires complètement démantelés ETATS-UNIS Shippingport Yankee NPS Elk River Pathfinderr Saxton CVTR Big Rock Point Haddam Neck Fort St. Vrain Maine Yankee Rancho Seco-1 Trojan Shoreham VAK Kahl ALLEMAGNE Gundremmingen-A (KRB A) HDR Grosswelzheim Niederaichbach (KKN) Wuergassen (KWW) JAPON JPDR 1954 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2017 Construction Exploitation Démantèlement Sources : WNISR, IAEA
12 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe F: Etude de cas : ALLEMAGNE Centrale Synthèse des événements marquants du processus de démantèlement GREIFSWALD • C entrale construite entre 1968 et 1979 et composée de 8 réacteurs VVER (conception soviétique), d’une puissance unitaire de 408 MW, dont seulement 4 ayant fait l’objet d’une exploitation commerciale • F ermeture commerciale de la centrale en 1989 (arrêt des 4 réacteurs en service, arrêts des tests de mise en service du 5ème réacteur, arrêt de la construction des 3 réacteurs restants), après la réunification, faisant suite à des débats sur la sécurité et la sûreté de l’installation • Mise à l’arrêt définitif (MAD) des réacteurs en 1995 • S tratégie de démantèlement immédiat adoptée, avec une fin des travaux initialement prévue pour 2012, finalement réévaluée à 2028 (démantèlement total sur 33 ans) • Coût total du démantèlement estimé à 800 millions d’euros • Chantier de démantèlement mobilisant 800 personnes à plein temps KERNKRAFTWERK • Centrale mise en service en 1972 et composée d’un réacteur de 672 MW (technologie REP) STADE • Mise à l’arrêt des réacteurs en 2003 • Première autorisation de démantèlement en septembre 2005, puis une seconde en 2006 • D émarrage des travaux de démantèlement en 2010, avec une fin du chantier initialement prévue pour 2015 et un montant des travaux estimé à 500 millions d’euros • R éévaluation de la durée de démantèlement et des coûts associés, respectivement à 2023 et d’un milliard d’euros, faisant suite à la découverte en 2014 d’une contamination radioactive à la base du bâtiment réacteur
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 13 G: Etude de cas : FRANCE Centrale Synthèse des événements marquants du processus de démantèlement CHOOZ A • Réacteur de type REP mis en service en 1967 et arrêté en 1991 • S tratégie de démantèlement différé initialement adoptée, puis changement de stratégie d'EDF en 1999 avec un décret de démantèlement complet, finalement publié en 2007 • Déconstruction de tous les bâtiments extérieurs conventionnels (non radioactifs) entre 1999 et 2004 • Fin du chantier attendue en 2022 BRENNILIS • R éacteur à eau lourde mis en service en 1967 et arrêté en 1985, avec une stratégie de démantèlement différé • P remière phase de démantèlement lancée en 1985 avec le déchargement du combustible, la vidange des circuits et la mise à l'arrêt définitive (achevée en 1992) • E nquête publique en vue du démantèlement partiel lancée en 1995 et débouchant sur un décret, puis un démarrage des travaux en 1997, avec pour objectif de réaliser la décontamination et le démontage des bâtiments hors réacteur, l'évacuation des déchets et le confinement du réacteur • D écret de démantèlement total signé par l'Etat en 2006 visant à démanteler les échangeurs thermiques et le bâtiment réacteur • Annulation du décret par le Conseil d'Etat en 2007 • O btention d'un nouveau décret de démantèlement partiel en 2011, concernant notamment les échangeurs de chaleur, les structures de la station de traitement des effluents, le hangar à déchets • A vis de non recevabilité du démantèlement total émis par l'ASN en 2012, pour cause d'absence de solution de stockage pour les déchets • Nouveau dossier de déconstruction du cœur du réacteur déposé en 2018 par EDF • Achèvement du démantèlement complet à prévoir après 2038 CREYS • R éacteur à neutrons rapides (prototype industriel du CEA) mis en service en 1986 et arrêté en 1998, sur décision gouvernementale après plusieurs années d’opérations ponctuées d’incidents, d’arrêts, de redémarrages et de changements de mission du réacteur • S tratégie de démantèlement immédiat adoptée, notamment de la vidange du sodium de la cuve du réacteur Superphénix • Travaux de démantèlement prévus pour durer jusqu’en 2027 (estimation de 2007) • 400 personnes travaillant en continu sur le site
14 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe En France, plusieurs études ont été réalisées (étude EDF Bien que les premiers démantèlements concernent Dampierre 2009, audit de l’étude Dampierre 2015, rap- des réacteurs prototypes ou non standardisés par la port OCDE 2016) et convergent vers un coût total de dé- suite, plusieurs constats peuvent être dressés des mantèlement par réacteur de l’ordre de 300 à 350 mil- études de cas précédentes : lions d’euros, pour une centrale équipée de 4 réacteurs REP d’une puissance unitaire de 900 MW. → H • L es enveloppes budgétaires et délais initialement De manière globale, les différentes études réalisées estimés ont été sous-estimés récemment à travers le monde montrent un coût de dé- • L es travaux de démantèlement présentent des mantèlement par réacteur qui diffère fortement, de spécificités techniques propres à chaque réacteur ~200 millions d’euros à ~1 milliard d’euros, avec une • Il n'existe pas encore de retour d'expérience moyenne autour de 550 millions d’euros. → I suffisant pour industrialiser les travaux de La puissance ou la technologie des réacteurs consi- démantèlement dérés dans ces différentes estimations semble faible- ment corrélée au coût final et n’explique donc pas les • L es aspects règlementaires et les contestations écarts observés. → J de l'opinion publique sont des facteurs de com- En revanche, plusieurs raisons peuvent expliquer ces plexité additionnels à prendre en compte écarts dans l’estimation du coût d’un démantèlement entre différents pays : • Le manque de retour d’expérience, notamment sur 1.6 Les enjeux financiers associés au démantèlement des réacteurs de série d’un réacteur sont significatifs • Les disparités entre les réacteurs, que ce soit les par- ties « nucléaires » ou les autres parties industrielles Les coûts de démantèlement d’un site nucléaire varient • Les effets de périmètre compris dans les activités de en fonction de nombreux paramètres : démantèlement • Taille du site et effet de série (en particulier nombre de réacteurs et puissance unitaire) A cela s’ajoute des stratégies différentes en termes de • Technologie des réacteurs à démanteler communication politique sur le sujet : une vision plutôt • Ambition et ampleur des travaux à réaliser (état final agressive en Allemagne en lien avec les compensations greenfield vs. brownfield, gestion du combustible usé ou financières attendues après la décision politique d’arrêt pas, etc.) et techniques de démantèlement retenues des réacteurs ; une approche plutôt conservatrice en • Maturité et retour d’expérience du processus de France pour éviter d’augmenter les provisions pour dé- démantèlement, en particulier sur la technologie à mantèlement. démanteler Par ailleurs, les effets de série et la progression de la • Environnement de contraintes règlementaires liées maturité de la filière auront certainement à terme un au nucléaire et plus spécifiquement au démantèlement impact sur ces estimations de coûts. • Conditions économiques locales (e.g. coût de la main d’œuvre) • Connaissance de l’état initial de l’installation
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 15 H: Décomposition des coûts de démantèlement [millions d’euros] Site Démantèlement hors circuit primaire 8% Ingénierie 20% 9% Mise à l’arrêt définitif 10% Démantèlement 18% circuit primaire 10% Assainissement 11% 14% Démolition Gestion conventionnelle des déchets 300-350 M EUR PAR RÉACTEUR Source : EDF
16 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe I: Benchmark des estimations de coûts de démantèlement par réacteur par pays Par pays et date d’estimation [EUR ; 2018] Suisse 2011 Réacteur générique 997 Allemagne 2011 Gundremmingen C 807 Allemagne 2011 Gundremmingen B 805 Allemagne 2011 Isar 2 798 Allemagne 2011 Philippsburg 2 793 Allemagne 2011 Brokdorf 781 Allemagne 2011 Grohnde 775 Allemagne 2011 Unterweser 766 Allemagne 2011 Emsland 757 Allemagne 2011 Neckarwestheim 2 746 Allemagne 2011 Grafenrheinfeld 726 Allemagne 2011 Krummel 718 Allemagne 2011 Biblis B 707 Etats-Unis 1997-2007 Haddam Neck 680 Allemagne 2011 Biblis A 665 Etats-Unis 2002 Diablo 2 & Common 664 Slovaquie 2012 Bohunice 625 Etats-Unis 2002 Diablo 1 589 Allemagne 2011 Philippsburg 1 558 Allemagne 2011 Isar 1 550 Etats-Unis 2009 LaSalle 2 548 Etats-Unis 2009 Braidwood 2 525 Etats-Unis 2003 Oyster Creek 520 Etats-Unis 2009 Byron 2 518 Etats-Unis 2009 LaSalle 1 506 Etats-Unis 2008 Three Mile Island 501 Etats-Unis 2008 Prairie Island 2 496 Etats-Unis 2006 Vermont Yankee 466 Etats-Unis 2008 Cooper 457 Allemagne 2011 Neckarwestheim 1 447 Allemagne 2011 Brunsbuttel 439 Etats-Unis 2008 Prairie Island 1 434 Etats-Unis 2009 Byron 1 432 Etats-Unis 2009 Braidwood 1 428 Etats-Unis 1997-2005 Maine Yankee 393 Espagne 2011 S M Garona 353 Espagne 2003 Réacteur générique 347 France 2008 Réacteur générique 303 France 2008 Réacteur générique 301 France 2013 Réacteur générique 284 Espagne 2013 José Cabrera 283 Etats-Unis 1993-2005 Trojan 255 Finlande N/C Loviisa 197 557 Source : revue de presse spécialisée
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 17 J: Technologie et puissance, deux paramètres décorrélés du coût final Coûts de démantèlement par réacteur en fonction de sa puissance et de sa technologie Coûts de démantèlement par réacteur [EUR, 2018] 1 000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1 000 1 100 1 200 1 300 1 400 1 500 Puissance électrique par réacteur [MW] REP REB VVER Source : revue de presse spécialisée
18 Perspectives du marché du démantèlement en Europe Photo : MichaelUtech / IStock
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 19 2.1 Encore naissante, l’industrie du démantèlement est amenée à croître en raison du vieillissement du parc nucléaire L’acceptation publique du Exception faite du continent asiatique où de nombreux nucléaire est en net recul réacteurs ont été mis en service ces dernières années, la plupart des réacteurs en service dans le monde a une depuis la catastrophe de durée de fonctionnement supérieure à 20 ans, voire à 30 ans. → K Fukushima en 2011. En Europe, en 2019, l’âge moyen du parc nucléaire est de 33 ans et 90% de la base installée (soit 164 réac- teurs) aura atteint les 40 ans d’ici à 2040, soit la durée de vie initiale prévue pour de nombreuses centrales. → L Ce vieillissement est à contrebalancer avec les exten- sions des durées de vie des centrales fréquemment obser- vées : a priori d’une décennie en France, voire plusieurs décennies comme aux Etats Unis où les centrales sont prolongées jusqu’à 60 ans et peut-être encore au-delà. en France (réduction de la part) et en Allemagne (sortie). 2.2 Les politiques publiques en matière A terme, le calendrier de fermeture des centrales devrait de nucléaire accélèrent les fermetures de centrales s’en trouver accéléré. et la croissance du marché du démantèlement 2.2.1 Etude de cas : Allemagne Les Etats nucléarisés sont souvent tiraillés entre l’exten- Dès 2002, la loi atomique (Atomgesetz 2002) prévoyait sion de la durée de vie des centrales (retardant le besoin déjà l’abandon progressif du nucléaire : chaque réacteur de démanteler), voire le lancement d’une nouvelle géné- se voyait attribué un quota d’électricité restante à pro- ration de réacteurs pour préserver leur indépendance duire avant son arrêt définitif. Si cette loi accordait une énergétique et le ralentissement des ambitions nu- certaine souplesse dans l’utilisation des quotas alloués, cléaires en raison de pressions sociétales, essentielle- puisque le report de quota d’une centrale vers une autre ment par méconnaissance des atouts de l’atome comme plus récente était possible, elle interdisait toutefois la l’atteste un récent sondage BVA réalisé pour Orano en construction de nouvelles centrales nucléaires. 2019 selon lequel « le fait que le nucléaire émette peu de La loi atomique de 2010 devait quant à elle acter CO2 est peu connu des Français, qui considèrent au d’une prolongation des réacteurs pour aller vers un mix contraire très largement (69%) que le nucléaire contri- énergétique comportant 80% de renouvelable à l’hori- bue au dérèglement climatique ». zon 2050. Cette prolongation aurait pris la forme d’une Sous pression de l’opinion publique, des politiques attribution supplémentaire de quotas pour chaque cen- publiques de réduction de la part (voire de sortie) du nu- trale, correspondant à un allongement de durée d’ex- cléaire sont impulsées dans différents pays, notamment ploitation de 12 ans en moyenne.
20 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 112 21 K: Capacité nucléaire installée dans le monde et âge des réacteurs 117 54 80 53 10 Europe de l’Ouest 109 249 MW 1 7 Amérique du Sud 1 3 Amérique du Nord 9 5 080 MW 1 2 112 421 MW 1 0-20 ans 20-30 ans 30-40 ans > 40 ans Sources : IAEA, WNA, Roland Berger
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 21 71 143 10 10 40 31 29 6 15 Europe de l’Est 52 358 MW 73 Afrique et Moyen-Orient 3 2 775 MW 2 1 Asie 116 545 MW
22 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 164 réacteurs (soit 90% de la base actuelle installée) L: Age des réacteurs en Europe en 2019 auront plus de 40 ans en 2040. 22 15 14 13 12 12 19 réacteurs (soit 10% de la base 10 actuelle installée) 9 9 auront moins de 40 ans en 2040. 6 6 5 5 4 3 3 2 2 2 2 2 2 2 2 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 AGE MOYEN Sources : IAEA, WNA, Roland Berger
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 23 A travers sa politique de transition énergétique (En ergiwende), l’Allemagne a défini un cadre législatif l’Allemagne a défini un contraignant en matière de démantèlement de l’en- semble son parc nucléaire : d’ici à 2022, l’ensemble des cadre législatif centrales encore en fonctionnement seront arrêtées dé- finitivement et leur démantèlement devront être ache- contraignant en matière vés dans les 15 années suivantes. L’industrie du démantèlement, forte de l’expérience de démantèlement de acquise dans le démantèlement complet de 4 de ses réac- teurs et d’un cadre législatif volontariste dispose des prin- l’ensemble son parc cipaux facteurs clés de succès à l’industrialisation du dé- mantèlement des réacteurs arrêtés ou encore en opération. nucléaire : d’ici à 2022, 2.2.2 Etude de cas : France l’ensemble des centrales La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), présentée par le gouvernement français en 2018, établit encore en fonctionnement différentes orientations pour atteindre l’objectif de 50% de la production d’électricité d’origine nucléaire d’ici à seront arrêtées 2035 : → M • 14 réacteurs nucléaires 900 MW seront arrêtés d’ici à définitivement et leur 2035, dont ceux de la centrale de Fessenheim qui devraient respectivement fermer les 2 février et 30 démantèlement devront juin 2020 • La version définitive de la PPE identifiera les sites sur être achevés dans les lesquels ces fermetures interviendront prioritaire- ment, EDF devant transmettre une liste privilégiant 15 années suivantes. les arrêts de réacteurs ne conduisant à l’arrêt complet d’un site afin de limiter les impacts sociaux • Le principe général sera l’arrêt des 12 réacteurs (hors Fessenheim) au plus tard à l’échéance de leur 5ème visite décennale, sauf pour deux réacteurs à fermer en 2027 et 2028 afin de lisser le calendrier de fermeture Néanmoins, l’impopularité de cette décision, conjuguée • Deux réacteurs pourraient également être arrêtés au à l’accident de Fukushima, donna lieu à une nouvelle loi cours du prochain quinquennat en 2025-2026, sous Atomique dès 2011. Cette loi entérina la fermeture im- réserve que les critères de sécurité d’approvisionne- médiate et définitive de 8 réacteurs. Pour les 9 réacteurs ment en électricité soient respectés et que les prix de restants, un retour aux quotas de 2002 fut prescrit, avec marché de l’électricité en Europe diminuent sous l’introduction d’une date finale d’exploitation fixe. l’effet de la transition énergétique de nos voisins.
24 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe M: Agenda des fermetures des centrales nucléaires en France selon la PPE 2018 (sous une hypothèse de fermeture des réacteurs liée chronologiquement à leur ancienneté) Gravelines Penly Chooz Paluel Flamanville Cattenom Nogent-sur-Seine Fessenheim Saint-Laurent Dampierre Belleville Chinon Civaux Bugey Saint-Alban Le Blayais Cruas Tricastin Golfech D’ici 2020 D’ici 2030 Entre 2031 et 2035 Après 2035 Sources : revue de presse, Roland Berger
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 25 l’horizon 2030. Pour mémoire, elle était d’environ 30% avant Fukushima, et de 2% à la fin de l’année 2017. Après la catastrophe Malgré une volonté certaine de l’Etat central de redé- marrer le programme électronucléaire japonais, il n’existe de Fukushima, pas de planning précis de redémarrage des centrales. Par ailleurs, le renforcement drastique du référentiel de le gouvernement de sûreté post-Fukushima et l’opposition des élus locaux (soutenus par une majorité de Japonais) complexifie le Shinzo Abe a approuvé redémarrage des réacteurs. A titre d’exemple, en 2015, un juge de la région a ordonné à la société Kansai Elec- un plan énergétique tric Power de renoncer à redémarrer les deux réacteurs de sa centrale de Takahama, estimant les nouveaux cri- visant à atteindre une tères de sûreté n’étaient pas respectés. De fait, plus le pays se montre capable de subvenir à proportion de 20% à 22% ses besoins énergétiques avec une faible part de nu- cléaire, plus il devient improbable que certaines cen- d’électricité d’origine trales redémarrent à l’avenir. Ainsi, selon la NRA (autori- té japonaise de régulation nucléaire, créée après nucléaire à l’horizon 2030. l’accident de Fukushima), au moins une quinzaine de réacteurs ne devraient jamais être redémarrés. Pour mémoire, elle était 2.2.4 Eclairage hors Europe : le cas des Etats Unis d’environ 30% avant Forts d’une base installée comprenant 98 réacteurs en exploitation, les Etats-Unis représentent un marché 2011, et de 2% à la fin d’avenir pour l’industrie du démantèlement. En effet, sous les effets conjugués d’un parc vieillissant et de de l’année 2017. l’existence d’un gaz de schiste à prix compétitif, certains électriciens ont été amenés à arrêter précocement leur production, ou ont décidé de ne pas financer les opéra- tions nécessaires à l’extension de la durée de vie de ces centrales, les travaux nécessaires ayant été jugés non 2.2.3 Eclairage hors Europe : le cas du Japon rentables. Pour faire face à ces nombreux et brusques Au Japon, sur les 54 réacteurs du pays, seuls 9 produi- arrêts de centrales, de nouveaux modèles d’affaires, en saient de l’électricité en 2018, alors que tous les réacteurs complète rupture avec ce qui avait expérimenté jusqu’à avaient été arrêtés après la catastrophe de Fukushima. présent, ont récemment vu le jour. Le gouvernement de Shinzo Abe a approuvé cette an- Les Etats-Unis ont laissé le marché du démantèle- née-là un plan énergétique visant à atteindre une propor- ment libre de se structurer. Les démantèlements réalisés tion de 20% à 22% d’électricité d’origine nucléaire à ont permis d’accumuler suffisamment de retour d’expé-
26 Le marché du démantèlement nucléaire en Europe rience pour pratiquement « commoditiser » la filière. Les acteurs investissent dans l’innovation technolo- gique pour baisser les coûts, puis dans des modèles d’af- l’Europe devrait devenir faires permettant de générer de la valeur. Partant du principe que les métiers d’exploitant nu- le plus grand marché du cléaire et ceux liés au démantèlement ne requièrent pas les mêmes compétences, certains ont choisi de céder, démantèlement nucléaire. avec la licence, la responsabilité de la gestion de la fin de vie de leurs installations à des experts du secteur. Des spécialistes du démantèlement achètent ainsi aux ex- ploitants des centrales arrêtées avec leur trust fund dédié aux travaux de démantèlement, espérant les réaliser avec des dépenses inférieures au montant du trust, et ainsi récupérer une partie de la différence. Northstar Group Services Inc. a par exemple racheté à la compagnie Entergy la centrale nucléaire Vermont arrêtée en 2014 pour 1 000 dollars symboliques, récupé- rant par ce biais les fonds provisionnés pour son déman- tèlement. Accompagnée de plusieurs partenaires dont le français Orano, Northstar est désormais persuadée de réaliser les travaux de démantèlement d’ici à 2026, en En France, les unités à démanteler d’ici à 2030 et d’ici à générant des économies par rapport à l’estimation des 2050 représentent respectivement des potentiels de coûts de 1,2 milliard de dollars US que devaient couvrir marché cumulés de l’ordre de ~6 et ~20 milliards d’eu- les provisions. ros (sur la base d’un coût de démantèlement par réac- teur de l’ordre de 300 à 350 millions d’euros en France, 2.3 In fine, le démantèlement représente un potentiel en reprenant les conclusions de l’étude EDF Dampierre de marché important à saisir dans les décennies à venir 2009 et de son audit), pour des travaux qui démarreront majoritairement à partir de 2030 et s’étaleront sur plu- Au cours de la prochaine décennie, faisant face à une sieurs décennies. accélération du nombre de sites à démanteler, l’Europe Si l’horizon de développement de ce marché peut devrait devenir le plus grand marché du démantèlement aujourd’hui paraître lointain, la structuration de la fi- nucléaire. Le stock de réacteurs de puissance arrêtés, lière devra être pensée bien en amont, au regard de incluant ceux déjà arrêtés mais non démantelés à ce l’évolution des politiques publiques en France et en Al- jour, pour lesquels il faudra initier un processus de dé- lemagne. L’ASN a notamment annoncé fin 2018 la créa- mantèlement sera de : tion d’un nouveau groupe permanent d’experts pour les • 186 unités d’ici à 2030 (sous une hypothèse de durée activités liées au démantèlement (GPDEM) « pour faire de vie normative de 40 ans) face aux enjeux croissants du démantèlement des ins- • 270 unités d’ici à 2050 → N tallations nucléaires. »
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 27 N: Réacteurs de puissance arrêtés et non démantelés en Europe aux horizons 2030 et 2050 France 18 59 Royaume-Uni 44 45 Russie 29 38 Allemagne 34 34 Ukraine 7 19 Suède 7 13 Espagne 10 10 Belgique 7 7 Suisse 5 6 186 réacteurs 6 République tchèque 6 arrêtés d’ici à 2030 Bulgarie 4 6 République slovaque 3 5 Finlande 2 4 Hongrie 0 4 Italie 4 4 Lithuanie 2 2 Arménie 2 2 270 réacteurs Pays-Bas 1 2 arrêtés d’ici à 2050 Roumanie 0 2 Slovénie 0 1 Kazakhstan 1 1 Réacteurs arrêtés d’ici 2030 Réacteurs arrêtés d’ici 2050 Sources : IAEA, WNA, Roland Berger
28 Structure et acteurs du marché du démantèlement en France Photo : MichaelUtech / IStock
Le marché du démantèlement nucléaire en Europe 29 3.1 En dépit d’un potentiel de marché avéré, de nombreux défis restent à relever pour structurer la filière du démantèlement Les réacteurs ont La France, dont 71% de la production d’éléctricité pro- été construits dans les vient du nucléaire, dispose d’une base installée de 58 réacteurs de puissance en fonctionnement et des instal- années 70, et après plus lations du cycle du combustible à la pointe de la techno- logie. Construites pour partie dans les années 60, cer- de 40 ans d’activité, taines installations sont aujourd’hui en cours de démantèlement. L’expérience acquise au travers de ces l’état des installations projets en cours et l’excellence que l’industrie du dé- mantèlement a su développer pour répondre aux exi- est majoritairement gences de son autorité de sureté sont autant d’atouts, y compris pour de futurs succès commerciaux à l’export. inconnu. Néanmoins, cette industrie restant relativement jeune, eu égard à la complexité et à la durée des projets qu’elle mène à bien, les leviers de performance restent encore nombreux pour relever le défi de la flotte de réacteurs qui seront à démanteler dans les prochaines années. Gestion des compétences Le cadrage donné par la PPE permet de formaliser un rétroplanning en matière de compétences requises pour les opérations de démantèlement. Si une majorité des travaux implique des gestes « simples » (e.g. dé- coupe, manutention, conditionnement), il subsiste un Gestion des incertitudes sujet de compétences autour des métiers en environne- Les réacteurs ont été construits dans les années 70, et ment nucléaire (Radioprotection / Sureté / Management après plus de 40 ans d’activité, l’état des installations est de projet) qui seront sans doute sous tension, notam- majoritairement inconnu. Les incertitudes qui en dé- ment car ces besoins viendront s’ajouter aux besoins coulent vont probablement conduire les acteurs à empi- liés au programme Grand Carénage. Il ne faut donc plus ler les marges, repousser les risques et les plannings. La tarder à préparer la filière : donner aux salariés de la vi- maitrise de la donnée (état initial des installations, si- sibilité sur l’emploi et préparer le devenir du bassin mulation des activités de démantèlement pour fiabiliser d’emploi (démobilisation puis de remobilisation des les plannings) est donc un enjeu décisif pour la filière si effectifs) mais aussi mettre en avant les métiers du dé- elle veut pouvoir gérer ces incertitudes et améliorer l’in- mantèlement et adapter les formations pour attirer les dustrialisation des démantèlements. Cet aspect est dé- nouveaux talents. veloppé dans la section 3.3 de ce document.
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