Le pavillon des Sessions - Chefs-d'oeuvre du musée du quai Branly au Louvre
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* SOMMAIRE * Editorial du Président Jacques Chirac * Editorial de Stéphane Martin, Président du musée du quai Branly * Introduction * Le Pavillon des Sessions, une Ambassade au cœur du Louvre Genèse d’un grand projet A rebours du regard occidental : les Taïnos au Petit Palais en 1994 Les arts premiers au Louvre : manifeste et polémiques Le musée imaginaire de Jacques Kerchache Du pavillon des Sessions au musée du quai Branly Calendrier * Le pavillon des Sessions, une sélection de 108 chefs-d’œuvre L’Afrique Sculpture zoulou Sculpture fon L’Asie Sculpture d’ancêtre adu zatua L’Océanie Figures de rituel funéraire Uli Statue du dieu Rao Les Amériques Sculputre aztèque. Serpent à plumes Quetzalcoatl Sculpture yup’ik La scénographie du Pavillon des Sessions * Eléments biographiques * Informations pratiques 2
* EDITORIAL DU PRESIDENT JACQUES CHIRAC Le 13 avril 2000, « l'art premier » entrait dans le XXIe siècle ; enfin considéré pour lui-même. La création du pavillon des Sessions devint symbole d'ouverture au monde et de reconnaissance. A l'issue de près d'un siècle de controverses et de débats passionnés, un art qualifié tour à tour de « primitif », de « premier », de « primordial » selon les époques ou les exégètes, entrait au Louvre, l'un des plus grands musées du monde, d'où il était injuste d'écarter des civilisations entières. Pour les pays d'origine des œuvres, il était important de voir leurs cultures enfin reconnues et dignes d'être présentées dans ces murs. Changer le regard, le regard sur l'œuvre, le regard sur l'autre, telle était bien l'ambition de cette première étape, l'entrée au Louvre. Cet emblème culturel, ce lieu de consécration, accueillait une centaine de chefs-d'œuvre des « arts lointains », sculptures reconnues depuis longtemps par les spécialistes mais jusqu'alors ignorées du grand public. Cette sélection de chefs-d’œuvre était et reste un manifeste. Le choix éclairé de mon ami Jacques Kerchache, inspirateur de cette première étape du musée du quai Branly, ne prétendait pas être un condensé de l'histoire culturelle de quatre continents, ni même un musée idéal. La cohérence et la beauté du parcours proposé, dont la scénographie a été subtilement pensée par Jean-Michel Wilmotte, servent une anthologie éclairée, sensible et inspirée. Elle réunit les œuvres issues des collections nationales du Musée de l'Homme et du Musée des arts d'Afrique et d'Océanie ainsi que des prêts généreux de musées de régions, des dons et prêts de collectionneurs, de musées des pays d'origine. Avec ceux-ci progressivement, nous avons construit de nouveaux rapports fondés sur la compréhension, le respect mutuel, le dialogue et l'échange. L'émotion est toujours aussi présente devant ces sculptures d'Afrique, d'Insulinde, d'Océanie, des Amériques et d'Arctique. Elle conforte le pavillon des Sessions en tant que porteur d’un message qui a gardé intacte une force esthétique et scientifique. Le succès indéniable du musée du quai Branly ne rend pas moins nécessaire la présence de chefs-d’œuvre de ces civilisations non européennes parmi les icônes respectées de la culture occidentale. Aujourd’hui, l’objectif n’est plus seulement de légitimer des cultures trop longtemps méprisées, mais de les rendre accessibles, de les faire vivre en instaurant un véritable dialogue des cultures. C’est grâce à ce dialogue, c'est dans le respect de la singularité et de la différence, que nous parviendrons ensemble à bâtir un monde plus tolérant. Editorial publié dans le hors-série de Connaissance des arts « le pavillon des Sessions, chefs-d’œuvre du musée du quai Branly au Louvre », édité en 2010. 3
* EDITORIAL DE STEPHANE MARTIN, PRESIDENT DU MUSEE DU QUAI BRANLY Les sculptures présentées au pavillon des Sessions offrent un vaste panorama des arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, et rendent compte du génie créatif des cultures non occidentales. Ce lieu d’exposition, inauguré au sein du Louvre le 13 avril 2000, précède l’ouverture, en juin 2006, du musée du quai Branly. Près d’un siècle après qu’Apollinaire l’eut réclamé, plus d’une centaine de chefs-d’œuvre issus des cultures d’Afrique, des Amériques, d’Insulinde et d’Océanie ont pris place aux côtés de la Joconde et de la Vénus de Milo. Geste audacieux mais légitime, pour une juste reconnaissance de ces arts chargés - presque au sens magique du terme - d’un siècle d’aventure artistique intense, de découvertes ethnologiques, historiques, sociales ; en bref, pour paraphraser Roland Barthes, de strates, de discours et de sens. Les curiosités ethnographiques des voyageurs d’autrefois ou même les « bois nègres » qui nourrissaient la curiosité de Picasso et de ses amis ont changé de statut et, désormais, des chefs- d’œuvre de la création universelle sont entrés au Louvre. La plupart des œuvres présentées au pavillon des Sessions sont des archétypes célèbres exposés à maintes reprises dans le monde entier. Alors, pourquoi le Louvre ? Parce qu’on ne saurait méconnaître l’incommensurable force symbolique du premier musée de France. Depuis vingt-cinq ans, le paysage des musées de France a beaucoup changé. L’impact du Centre Georges Pompidou et des expositions des Galeries nationales du Grand Palais sur le rôle culturel et social des collections publiques a bouleversé la fonction muséale. La création d’institutions nouvelles ambitieuses, comme le musée d’Orsay, la Galerie du Jeu de Paume, le musée Picasso, a considérablement enrichi l’offre parisienne. Le Louvre, comme Versailles dans le domaine patrimonial, n’en conserve pas moins une place à part. La présence du musée du quai Branly au pavillon des Sessions est bien un manifeste. C’est d’abord un geste politique, voulu comme tel par Jacques Chirac, Président de la République de 1995 à 2007: pour une reconnaissance des arts d’Afrique, des Amériques, d’Océanie et d’Asie au cœur d’un lieu éminemment emblématique de nos hiérarchies culturelles et artistiques ; et pour une porte ouverte au plus grand nombre. Trois partis pris ont été mis en œuvre : Tout d’abord, celui d’une sélection d’œuvres à la fois personnelle et chargée de sens. Il aurait été illusoire de prétendre organiser un tour du monde en cent sculptures où chaque société aurait été représentée de façon exhaustive. La sélection de Jacques Kerchache, d’une remarquable qualité, s’appuie sur l’excellence formelle des œuvres en excluant tout risque d’anecdote ou d’exotisme. L’inscription, ensuite, dans l’esprit architectural et muséographique du Palais. Ces sculptures rejoignent un palais dont la rénovation a préservé l’âme architecturale, tout en y déployant la diversité inouïe des collections. Jean-Michel Wilmotte détient cette intime connaissance du Louvre. Il a su, avec intelligence et sensibilité, combiner dans son travail au pavillon des Sessions le respect qu’imposent de grands chefs-d’œuvre et des effets de lumières tamisés et subtils. La création enfin, dans un salon séparé, d’un « espace d’interprétation » qui donne au visiteur accès à la plupart des informations disponibles à ce jour sur chacune des sculptures exposées. Par les informations qu’il fournit sur l’origine de l’œuvre, son histoire depuis qu’elle est connue, sa fonction comme son contexte de création, on mesure l’alchimie mystérieuse issue de l’imbrication de l’état actuel des connaissances occidentales sur ces sociétés. Il permet de dépasser la querelle supposée entre les « esthètes » et les « savants » : dès lors qu’il est admis avec humilité que l’entrée au musée d’un objet l’installe, par définition, hors de son contexte d’origine, nul ne peut résister à l’envie d’aller au-delà de l’émotion qu’il procure, de recueillir les commentaires de ceux qui ont vécu parmi ses pairs et cherché à comprendre ses mystères. Editorial publié dans le hors-série de Connaissance des arts « le pavillon des Sessions, chefs-d’œuvre du musée du quai Branly au Louvre », édité en 2010. 4
* INTRODUCTION « Le temps était venu de donner une plus grande visibilité à ces relations nouvelles, placées sous le signe de la reconnaissance, du partage, de la fraternité… C'est pourquoi j'ai souhaité que les arts premiers trouvent en l'an 2000 leur juste place dans les institutions muséales de France. [...] Je me réjouis que les œuvres exposées dans cette salle des Sessions puissent être confrontées aux nombreuses formes d'expression artistique présentes au Louvre. En cela, parce qu'il y a possibilité d'une mise en relation avec d'autres productions culturelles, ce lieu est un manifeste, porteur d'un message fort. Tant que le message aura besoin d'être transmis, tant que le Louvre sera pour le public le symbole de reconnaissance qu'il est aujourd'hui, ces salles rempliront leur juste mission. » Jacques Chirac, Président de la République, Discours d'inauguration du pavillon des Sessions au musée du Louvre, le 13 avril 2000. Le pavillon des Sessions est inauguré le 13 avril 2000, près de 100 ans après le souhait formulé par Apollinaire pour que le Louvre recueille « certains chefs-d’œuvre exotiques dont l’aspect n’est pas moins émouvant que celui des beaux spécimens de la statuaire occidentale ». Il aura fallu l’exceptionnelle intuition d’un amateur et spécialiste de la sculpture mondiale, Jacques Kerchache, et surtout l’appui et le soutien sans relâche du Président Jacques Chirac pour que ce lieu emblématique, le Louvre, abrite enfin des sculptures d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. La curiosité de Jacques Chirac envers les arts non occidentaux et son goût des voyages donnent naissance à un premier projet qui va à l’encontre de la sempiternelle célébration du 500e anniversaire de la découverte de l’Amérique. En 1994, l’art des Taïnos des Grandes Antilles est présenté au Petit Palais. Le commissariat en est confié à Jacques Kerchache, ami du Président. Il s’agit là d’un geste politique novateur qui permet de porter un regard noble sur des sculptures exceptionnelles et pourtant méconnues, sur une civilisation anéantie en quelques décennies. Cette exposition à l’ambiance chargée de mystère propose un point de vue à rebours de l’ethnocentrisme ambiant et reflète un souci d’universalité qui relève aussi d’un profond humanisme. Dans le prolongement de cette manifestation, l’idée est lancée de donner aux arts non occidentaux la place qui leur revient sous le regard de l’Occident. Elle est accompagnée d’un manifeste : « Les chefs-d’œuvre du monde entier naissent libres et égaux… ». Le combat reprend sous l’égide des grandes figures intellectuelles du 20e siècle, comme Fénéon ou Malraux. Une inscription des « arts premiers », selon un terme cher à Jacques Chirac, dans le panthéon de l’art occidental s’impose avant la création d’une grande institution entièrement dédiée à ces trois quarts de l’humanité. Le pavillon des Sessions, antenne et « préfiguration » du musée du quai Branly, dont Jacques Kerchache est le concepteur ainsi que le scénographe avec Jean-Michel Wilmotte, est inauguré le 13 avril 2000 et connaît un immense succès populaire. Dans le même temps, les préparatifs de cette institution consacrée aux arts et civilisations non occidentaux se profilent : bientôt à Paris, au pied de la tour Eiffel, le musée du quai Branly sortira de son écrin de verdure pour devenir une véritable cité culturelle, lieu de dialogue entre les cultures. 5
* LE PAVILLON DES SESSIONS, UNE AMBASSADE AU CŒUR DU LOUVRE e L’art dit « primitif » est aujourd’hui engagé dans un nouveau destin. Il entre dans le XXI siècle avec un autre visage. Il est enfin admis à être considéré pour lui-même, dans la complexité et la différence assumée des sociétés qui ont suscité sa création mais sans se dérober, au prétexte d’un contexte par définition étranger, à l’admiration universelle. Stéphane Martin, Président du musée du quai Branly, avril 2000 Inauguré le 13 avril 2000, le pavillon des Sessions, situé au palais du Louvre entre l’aile de Flore et l’aile Denon, expose 108 chefs-d’œuvre du monde entier au cœur de l’un des plus grands musées des beaux-arts classiques au monde. Dans l’espace de 1400 m2 aménagé par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, ces pièces exceptionnelles, choisies par Jacques Kerchache pour leur force esthétique et leur pouvoir d’évocation, voisinent avec les plus grands chefs-d’œuvre de l’art occidental conservés au musée du Louvre. L’ouverture du pavillon des Sessions a marqué un tournant important dans l’histoire du regard que l’Occident porte sur les arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, soit les trois quarts de l’humanité et 6000 ans d’histoire du monde : la Victoire de Samothrace et la Vénus de Milo cohabitent aujourd’hui avec la maternité rouge dogon ou avec le serpent à plumes « Quetzalcoatl ». L’entrée au Louvre des arts tenus longtemps et injustement pour « primitifs » est l’aboutissement d’un rêve porté par bien des hommes depuis plus d’un siècle : poètes, artistes, scientifiques, collectionneurs, chefs d’Etat ou simples citoyens. * Genèse d’un grand projet D’après décision royale, sous le règne de Charles X, un musée de marine et d’ethnographie appelé « musée Dauphin » est créé en 1827. Il ouvre ses portes au public en 1830. On peut y voir quelques très belles sculptures rapportées par de grands voyageurs tels que Bougainville, Cook, Lapérouse, au milieu de panoplies d’armes ou d’objets usuels classés par séries. Toutes ces pièces sont alors considérées comme des « spécimens ethnographiques ». Jules Ferry prend d’ailleurs le parti d’isoler ces « curiosités exotiques » dans un musée à vocation purement scientifique. Ainsi les trois quarts de l’humanité sont-ils malheureusement exclus du Louvre et de « l’exposition des produits de l’art le plus élevé ». Le 23 janvier 1878, le musée d’Ethnographie du Trocadéro est inauguré. Il rassemble des collections jusqu’alors dispersées dans différentes institutions publiques : le musée Dauphin, la bibliothèque Sainte-Geneviève, la bibliothèque nationale, les collections de Saint-Germain en Laye… 6
Le goût évolue à partir de 1905-1906 avec le regard nouveau posé par les artistes fauves, cubistes, expressionnistes sur l’art nègre, terme désignant à la fois l’art africain et océanien. Le patrimoine universel des formes est enfin reconnu et l’art occidental s’en trouve profondément marqué. En 1909, Guillaume Apollinaire estime que « Le Louvre devrait recueillir certains chefs-d’œuvre exotiques dont l’aspect n’est pas moins émouvant que celui des beaux spécimens de la statuaire occidentale. » Dans une enquête intitulée « Seront-ils admis au Louvre ? », Félix Fénéon, en 1920, s’interroge à son tour. De longues années s’écouleront avant que Claude Lévi-Strauss, à propos des Indiens de la côte nord du Pacifique, ne déclare : « l’époque n’est pas lointaine, sans doute, où les collections provenant de cette partie du monde quitteront les musées ethnographiques pour prendre place dans le musées des Beaux-Arts entre l’Egypte ou la Perse antique et le Moyen-âge européen. Car cet art n’est pas inégal aux plus grands… », puis qu’André Malraux affirme en 1976, dans « l’Intemporel », que « beaucoup veulent l’art nègre au Louvre où il entrera ». En 1990, un manifeste paraît dans la presse, intitulé « les chefs-d’œuvre du monde entier naissent libres et égaux ». Il prône l’ouverture au Louvre d’un département consacré aux arts d’Afrique, d’Océanie, des Amériques et d’Insulinde. Jacques Kerchache, qui en est l’initiateur, réunit près de trois cents signatures d’artistes, d’écrivains, de philosophes, d’anthropologues, d’historiens de l’art… C’est un signe fort mais s’agissant d’une question éminemment politique, il faut qu’elle soit portée aussi par une volonté de même nature. Elle s’exprime en 1995. Un an après son élection à la Présidence de la République, Jacques Chirac annonce la création d’un musée – le musée du quai Branly - qui regroupe les collections du musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie et celles du laboratoire d’ethnologie du musée de l’Homme, soit près de 300.000 objets. Ce musée aura trois fonctions : une fonction de conservation et de présentation des collections, une fonction de recherche et une fonction d’enseignement. Parmi les missions du musée du quai Branly figurait, en tête du calendrier, l’ouverture en 2000 du pavillon des Sessions, qui avait accueilli plus de 6 millions de visiteurs en 2010, 10 ans après son ouverture. * A rebours du regard occidental : les Taïnos au Petit Palais en 1994 A la faveur d'un questionnement sur l'ethnocentrisme, Jacques Chirac, amoureux des arts premiers, saisit l'occasion d'une rencontre par laquelle débutera l'histoire du pavillon des Sessions : il confie, en 1994, les clés d'un grand musée parisien à Jacques Kerchache. L'exposition L’Art des sculpteurs Taïno, chefs-d’œuvre des Grandes Antilles précolombiennes au Petit Palais, du 24 février au 29 mai 1994, met pour la première fois à l'honneur les sculpteurs des Grandes Antilles précolombiennes dans un espace muséal à leur mesure. * Les arts premiers au Louvre : manifeste et polémiques Je ne pense pas que le Louvre du 21e siècle pourra être vraiment un grand musée s'il ne comporte pas une section importante consacrée aux arts premiers, dont les sculptures africaines font partie. Jacques Kerchache (Entretien avec Jean Marie Drot réalisé à l'occasion de l'exposition Sculpture africaine organisée par Jacques Kerchache à la Villa Medicis de Rome (7 mai – 15 juin 1986), 1986) Le projet de faire entrer les chefs-d’œuvre de l’art non occidental au musée du Louvre, loin d’emporter une adhésion générale, suscite de nombreuses polémiques relayées à l’époque par les médias français. 7
En 1990, Jacques Kerchache publie dans la presse le manifeste « Les chefs-d'œuvre du monde entier naissent libres et égaux ». Le Manifeste de Jacques Kerchache Le 15 mars 1990, paraît dans la presse, un manifeste pour l’ouverture au Louvre d’un département consacré aux arts d’Afrique, d’Océanie, des Amériques et d’Insulinde. Jacques Kerchache, qui en est l’initiateur, réunit près de 300 signatures de personnalités du monde artistique, culturel et scientifique. « Pour que les chefs-d’œuvre du monde entier naissent libres et égaux… La huitième section du Grand Louvre ». « Le Grand Louvre du 21e siècle constituera le lieu de reconnaissance des formes d’art existant dans ce qu’elles ont de plus remarquable. Pourtant rien n’est officiellement prévu pour accueillir les objets issus des cultures africaines, américaines, arctiques, asiatiques et océaniennes dans ce qui deviendrait alors la huitième section. En effet, malgré le soutien de principe que les plus hautes autorités de la république apportent à cette proposition, des freins semblent se manifester à plusieurs niveaux du Grand Louvre. Ces résistances sont d’autant plus inquiétantes que le cahier des charges concernant la distribution des surfaces doit être prochainement déposé. Si aucune décision n’est prise, la France de 1989 aura entériné, par un aveuglement qui n’est sans rappeler celui qui a justifié la nuit coloniale, l’exclusion pour les décennies à venir des œuvres majeures produites par les trois-quarts de l’humanité. Nous demandons instamment l’ouverture de la 8e section du Grand Louvre. (…) » Parmi les signataires : Arman, Peintre Maurice Godelier, EHESS, CNRS Tahar Ben Jelloun, Ecrivain Michel Guy, Ancien ministre de la Culture Claude Berri, Réalisateur-producteur Jacques Lanzmann, Ecrivain Christian Boltanski, Peintre Marc Lebot, Historien d’art Peter Brook, Metteur en scène Jean-François Lyotard, Philosophe Henri Cartier-Bresson, Photographe Jean-Hubert Martin, Directeur du MNAM César, Sculpteur Euzham Palcy, Cinéaste Hubert Damish, Professeur et historien d’art Anne Parillaud, Comédienne Claire Denis, Cinéaste Claude Roy, Ecrivain Léo Ferré, Artiste pour le dialogue des Léopold-Sédar Senghor, Académicien civilisations Daniel Spoerri, Peintre Pierre Gaudibert, Conservateur Musée Jean Tinguely, Sculpteur Nationaux Paul Virilio, Urbaniste * Le musée imaginaire de Jacques Kerchache Il aura fallu plus d’un siècle de débats animés et de farouches controverses, portés par des poètes et des peintres, des anthropologues et des historiens, des collectionneurs et des critiques d’art… Mais il aura fallu aussi la volonté politique du chef de l’Etat qui a voulu engager la France, à l’aube du troisième millénaire, dans un nouveau type de relations avec les pays héritiers de ces civilisations trop longtemps méconnues, pour qu’enfin, au musée du Louvre début 2000, des salles consacrées aux arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques soient proposées au public. Et un musée situé quai Branly, à Paris, qui a ouvert ses portes en juin 2006. L’inauguration officielle du pavillon des Sessions a lieu le 13 avril 2000, en présence de Jacques Chirac qui apporte tout son soutien à cette présentation muséale ; présentation qui lui tient particulièrement à cœur et dans laquelle chaque œuvre a sa place unique et sa raison d’être. Jacques Kerchache a en tête ce que sera le pavillon des Sessions dès le démarrage du projet. Sa sélection de chefs-d’œuvre est magnifiée par sa collaboration scénographique avec Jean-Michel Wilmotte. Dans l’espace multimédia, sont projetées des images d’archives inédites de la préparation de l’ouverture qui montrent Jacques Kerchache procédant avec minutie aux derniers réglages. Des 8
interviews et coupures de presse, annonçant l’ouverture de ce lieu inédit sont également présentées, ainsi que les captures sur le vif des moments clés de l’inauguration : discours des parrains, interviews de personnalités, séquences filmées de l’entrée du public dans un espace sacralisé qui découvre avec étonnement les arts premiers au musée du Louvre, etc. * Du pavillon des Sessions au musée du quai Branly En 2006, le musée du quai Branly ouvre ses portes : six ans après le pavillon des Sessions, la présence des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques dans les musées parisiens a désormais un double ancrage symbolique : au musée du Louvre et au pied de la Tour Eiffel. Le pavillon des Sessions a préfiguré un projet unique au monde et totalement nouveau : le musée du dialogue des cultures. Un emblème – La Chupicuaro : Culture Chupicuaro (600 - 200 avant J.-C.) Etat du Guanajuato - Mexique Terre cuite polychrome Cette statuette de Chupicuaro, emblème du musée du quai Branly, est exposée au pavillon des Sessions. Elle est la première œuvre entrée dans les collections du musée du quai Branly. Cette céramique mexicaine aux formes généreuses doit son nom au site archéologique de Chupicuaro, au Mexique occidental. Elle est remarquable par son exceptionnel état de conservation, l’éclat des couleurs et le modernisme du graphisme qui orne ses formes généreuses Issues d’un complexe funéraire, ces statuettes étaient associées à des rites liés à la fertilité et au renouveau des saisons. Caractérisée par sa couleur rouge agrémentée de motifs géométriques noirs, blancs et beiges, la Chupicuaro n’a rien perdu de son extraordinaire vitalité malgré ses 25 siècles. 9
* Calendrier 1995 Mai. Le Président de la République constitue une commission chargée de réfléchir aux moyens les plus appropriés pour que l’art dit « primitif » trouve sa juste place dans les institutions muséales de la France. 1996 Avril. Cette commission, présidée par M. Jacques Friedmann, rend ses conclusions. Elle préconise de réunir les collections du musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie avec celles du laboratoire d’ethnologie du musée de l’Homme, au sein d’une institution nouvelle placée sous la double tutelle du ministère de la Culture et du ministère de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, avec une triple mission : préserver et présenter les collections, développer la recherche de l’enseignement. Octobre. Le Président de la République, M. Jacques Chirac, en accord avec le gouvernement de M. Alain Juppé, décide de la création, à Paris, d’un musée des Arts et des Civilisations ainsi que de l’ouverture de salles au Palais du Louvre qui présentent des chefs-d’œuvre d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. 1997 Février. Création de la mission de préfiguration du musée des Arts et des Civilisations, sous la forme d’une association 1901 présidée par M. Jacques Friedmann. 1998 Mars. Un jury présidé par M. Jean Lebras, président de l’établissement du Grand Louvre, retient le projet de M. Jean-Michel Wilmotte pour l’aménagement du pavillon des Sessions du Palais du Louvre. Mai. Lancement d’une politique d’acquisition d’œuvres d’art dont la mise en œuvre sur cinq ans permet de compléter les collections nationales. Juin. Début des travaux d’aménagement du pavillon des Sessions, au Palais du Louvre. Juillet. Le Président de la République, en accord avec le gouvernement de M. Lionel Jospin, choisit un terrain de l’Etat situé 29/55, quai Branly à Paris (VII), pour l’implantation du futur musée. Décembre. Création de l’établissement public du musée du quai Branly, établissement public administratif maître d’ouvrage placé sous la double tutelle du ministre de la Culture et de la Communication, Mme Catherine Trautmann et du ministre de l’Education nationale, de la Recherche, de la Technologie, M. Claude Allègre. Désignation en conseil des ministres de son Président-directeur général, M. Stéphane Martin. La mission de préfiguration cesse ses activités. 1999 Janvier. Lancement du concours international de maîtrise d’œuvre pour la construction du musée du quai Branly. Décembre : Le projet présenté par le groupement Architectures Jean Nouvel, AJN-OTH Bâtiment- Ingérop est lauréat du concours d’architecture. 2000 Le 13 avril 2000. Inauguration du pavillon des Sessions au Palais du Louvre qui présente plus de cent chefs-d’œuvre des arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques issus des collections nationales et territoriales, ainsi que de collections publiques des pays d’origine. 2001 Octobre : Début du chantier des collections en provenance du musée des arts d’Afrique et d’Océanie, ainsi que du laboratoire d’Ethnologie du musée de l’Homme. Début des travaux sur le site du quai Branly. 2003 Mise en place de la muséographie du musée du quai Branly. 2006 Le 23 juin 2006 : Ouverture du musée du quai Branly. 10
* LE PAVILLON DES SESSIONS, UNE SELECTION DE 108 CHEFS-D’ŒUVRE Les 108 œuvres exposées au pavillon des Sessions ont été choisies par Jacques Kerchache en raison de leur identité singulière. Le choix de ces pièces incontestables sur le plan plastique est le résultat d’un projet longuement mûri. Ce sont avant tout la valeur esthétique et l’exigence de qualité qui ont orienté la sélection des œuvres, et non l’exhaustivité ou l’encyclopédisme. Regroupées par aires géographiques – Afrique, Asie, Océanie et Amériques – les sculptures présentées proviennent des collections publiques françaises - musée de l’Homme, musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie, musées territoriaux… Ces collections exceptionnelles ont également été enrichies grâce à un plan pluriannuel d’acquisitions, par le biais de dépôts consentis par plusieurs musées nationaux et territoriaux français, mais aussi par des institutions des pays d’origine. L’Afrique est représentée par 42 sculptures. Une cuillère zoulou d’Afrique du sud de la première moitié du 20e siècle, montrant le caractère essentiel de la mixité entre beauté et fonction, mais aussi une représentation du dieu Gou en fer venant du Bénin, font également partie des pièces majeures de cette collection. Sculpture zoulou Cuiller 19e siècle – début du 20e siècle Région du Kwazulu-Natal, Afrique du Sud Bois Chaque habitant du peuple zoulou possède sa cuiller qu’il utilise en différentes occasions, pour prélever de la nourriture d’un plat commun. C’est un objet très personnel, rangé après usage dans un étui. Sa grâce est caractérisée par l’extrême finesse dans sa forme, et par son cou, démesurément allongé. Sculpture fon Sculpture dédiée à Gou, divinité du fer et de la guerre Attribuée à Akati Ekplékendo Avant 1858 Pays : République du Bénin Fer La singularité de cette statue réside dans le fait qu’elle est entièrement fabriquée à partir de métal de provenance européenne : ses pieds sont en fer forgé, le socle en tôle d'acier et la tête est une boule creuse sur laquelle le visage est attaché comme un masque et coiffée d'un chapeau surmonté par un écrou vissé sur le boulon. Des épaules jusqu'au milieu des cuisses, le corps est revêtu d'une tunique sans manches en tôle mince dont les feuilles, découpées au ciseau, récréent l'ampleur des tuniques de guerre dahoméennes. Cette représentation de Gou, le dieu de la Guerre, présente tous ses emblèmes : un hameçon (le tonnerre), un poignard et une lance (attributs du soldat), un serpent (le dieu arc-en-ciel), un couteau, une houe (attributs du cultivateur et du forgeron). Aujourd'hui, Gou est le dieu des chauffeurs et des mécaniciens. 11
L’Asie s’illustre par 6 pièces, dont notamment cette statue en bois de l’Île de Nias figurant un esprit ancestral et ayant appartenu à André Breton. Sculpture d’ancêtre adu zatua 19e siècle Nord de l’île de Nias – Indonésie occidentale Bois Cette statuette en bois sculpté représente un personnage masculin de haut rang assis sur un siège. Paré de ses atours, il porte une couronne dentelée, sa tête est ceinte d'un diadème, son cou est orné d'un collier à torsade « nifatali », son oreille droite d'une grande boucle. Ces statuettes sont gardées à l’intérieur des maisons, placées près des fenêtres ou sur un autel. Elles sont destinées à accueillir l’âme du mort et lui redonner vie. Des rites spéciaux leur étaient adressés, en contrepartie de leur bienveillance et de leur protection en cas de conflits ou de maladies. L’Océanie est mise en valeur par 28 sculptures provenant principalement de Mélanésie et de Polynésie. Une sculpture des îles Carolines de Micronésie, un Uli de Nouvelle-Irlande et des sculptures de l’île de Pâques évoquant des revenants figurent parmi les pièces majeures. Sculpture Figure de rituel funéraire Uli 18e - début 19e siècle île de Nouvelle-Irlande – Papouasie-Nouvelle-Guinée Bois, pigments naturels, opercules de turbo Cette statue hermaphrodite est l’un des plus beaux spécimens de la culture de l’île centrale de la Nouvelle-Irlande, sur le plateau de Lelet. Ces statues étaient utilisées pour honorer les morts, tradition qui s’est éteinte au 20e siècle. Elles représentaient les ancêtres dotés du pouvoir et de la force d’un chef de clan. Sculpture Statue du dieu Rao 10e siècle ? île de Mangareva, Archipel des Gambier, Polynésie française Bois Cette statue est l’un des vestiges exceptionnels de la culture de l’île de Mangareva. Avec quelques onze autres statues, elle a échappé à la destruction liée à l’arrivée des missionnaires. D’après la liste du père Caret, cette représentation serait celle du dieu Rao. Rao était dédié au curcuma (renga), racine dont les Mangaréviens extrayaient un condiment mais aussi un colorant jaune. Ils teignaient ainsi les ceintures d’écorces végétales portées lors de certaines cérémonies liées à la fertilité. La forme fuselée du corps et des bras en balancier n’est pas sans évoquer celle des pirogues. 12
Les Amériques présentent 32 sculptures qui recouvrent de vastes espaces géographiques du Sud au Nord et une histoire très riche, du premier millénaire avant J.-C. à la première moitié du 20e siècle. Une sculpture aztèque du serpent à plumes Quetzalcoatl ou une sculpture Yup’ik y sont notamment exposés. Sculpture aztèque, serpent à plumes Quetzalcoatl 1400-1521 Pays: Vallée de Mexico – Mexique Andésite : pierre couleur brun rougeâtre avec des veines noires Cette sculpture fut certainement exécutée dans l'une des villes les plus importantes de la vallée de Mexico où les Aztèques firent venir des artistes étrangers et des matières nobles, notamment le porphyre. Cette statue est vraisemblablement la représentation du légendaire serpent à plumes, Quetzalcoatl, qui se transforma en soleil, et qui créa la terre et l'homme. Cette divinité créatrice, liée au cycle de la vie est couvert de plumes de quetzal, réputées rares et chères, de couleur verte, comme la végétation, symbole de renouveau. Sculpture Yup’ik (Inuit), masque dit « du cygne et de la baleine » Date : début du 20ème siècle Pays: Alaska – Etats-Unis Bois polychrome et plumes. Ancienne collection d’André Breton Ce masque est avant tout un assemblage. Avec une inventivité totale, l’artiste s’est plu à détourner des éléments disparates pour les organiser dans l’espace, et jouer librement des formes et des volumes. Un oiseau imaginaire déploie le ramage de sa queue, hérissée de pendeloques. Ce masque que l’on imagine vibrant est à l’image d’un mobile de Calder, ou des cadavres exquis chers aux surréalistes. Il illustre merveilleusement l’esthétique inuit : jeux de mots, jeux de formes. Notice de Jacques Kerchache Des fiches illustrées sont disposées tout au long du parcours. Dans l’espace multimédia une douzaine d’écrans interactifs permettent d’accéder de façon ludique à des informations sur l’histoire des objets, leur contexte, leur usage, la société qui les a produits. * La scénographie du pavillon des Sessions Sous l’impulsion de Jean-Michel Wilmotte, les volumes et les lignes sont simplifiés, les motifs de 1930 restaurés, pour un résultat épuré et aéré. Les matériaux - bronze, pierre et verre - respectent la clarté et la pureté du lieu. Les 1400 m² du pavillon des Sessions sont divisés en aires géographiques, comme au musée du quai Branly, les changements entre chaque zone se faisant par une variation de la volumétrie. Le système d’éclairage indirect joue sur l’ombre et la lumière, et se diffuse sur les sculptures réunies par culture, mais aussi par affinités de formes. 13
* ELEMENTS BIOGRAPHIQUES * Jacques Kerchache Né en 1942 à Rouen, Jacques Kerchache était le conseiller scientifique de l’établissement public du musée du quai Branly. Il est à l’initiative de ce musée, avec le Président de la République française M. Jacques Chirac, et il est l’auteur de la sélection exposée au pavillon des Sessions. Il a effectué de nombreux voyages d’études entre 1959 et 1980 en Afrique, en Asie, en Amérique et en Océanie à l’occasion desquels il a dressé un inventaire critique des grandes collections de sculptures. De 1960 à 1981, il tient une galerie d’art et y expose aussi bien des artistes contemporains (Malaval, Pol Bury, Sam Szafran…) que de l’art « primitif ». Durant cette période il rencontre Max-Pol Fouchet et André Breton qui ont exercé sur lui une influence considérable. En 1978, il est nommé conseiller technique du Président Senghor pour le projet du Musée des Civilisations Noires de Dakar. Il a participé à de nombreuses expositions d’importance dans le monde entier, en tant que commissaire ou consultant, dont Sculpture Africaine en hommage à André Malraux en 1986 à la Villa Médicis, l’Art des sculpteurs Taïno en 1994 au Petit Palais, et Picasso/Afrique : Etat d’esprit au centre Pompidou en 1995. Il fut par ailleurs expert et consultant pour l’exposition du musée d’art moderne de New York, Le e Primitivisme dans l’art du 20 siècle en 1984 ainsi que pour l’exposition Afrique, l’art d’un continent, présentée à la Royal Academy de Londres en 1985. Il est l’auteur de l’ouvrage de référence, L’art africain, publié chez Citadelles et Mazenod. Il décède en 2001, bien avant l’inauguration du musée du quai Branly dont il a été l’une des personnalités les plus marquantes. * INFORMATIONS PRATIQUES www.quaibranly.fr A l’occasion des 10 ans du pavillon des Sessions le 13 avril 2010, Connaissance des arts a publié un hors-série de 36 pages, au prix de 10 €. Visuels disponibles pour la presse http://ymago.quaibranly.fr Accès fourni sur demande Contact presse : Pierre LAPORTE Communication - tél : 33 (0)1 45 23 14 14 - info@pierre-laporte.com Contacts musée du quai Branly : Nathalie MERCIER Magalie VERNET Lisa VERAN Directrice de la communication Adjointe de la directrice de la Chargée des relations médias nathalie.mercier@quaibranly.fr Communication 33 (0)1 56 61 70 52 Responsable des relations médias lisa.veran@quaibranly.fr magalie.vernet@quaibranly.fr 14
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