Mémoire de la FTQ et la FTQ-Construction
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Mémoire de la FTQ et la FTQ-Construction Sur le projet de loi no 61, Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19 Déposé au ministre responsable de l’administration gouvernementale et président du Conseil du trésor 9 juin 2020
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) 565, boulevard Crémazie Est, bureau 12100 Montréal (Québec) H2M 2W3 Téléphone : 514 383-8000 Télécopieur : 514 383-8000 Sans frais : 1 877-897-0057 www.ftq.qc.ca Dépôt légal – 2er trimestre 2020 Bibliothèque et Archives nationales du Québec ISBN 978-2-89639-438-8
TABLE DES MATIERES 1. INTRODUCTION .......................................................................................................... 4 2. UNE OCCASION RATÉE D’ENTREPRENDRE UNE RELANCE STRUCTURANTE, RASSEMBLEUSE ET DURABLE ........................................................................................... 5 2.1 Gouvernance et éthique : des droits sacrifiés sur l’autel de la précipitation .......................... 5 2.2 Relance économique : quel projet de relance ? ................................................................................ 6 2.3 Miser sur le dialogue social ....................................................................................................................... 8 2.4 Pour une relance écologique et solidaire ............................................................................................ 9 3. INFRASTRUCTURE ET CONSTRUCTION : DES DEVOIRS INACHEVÉS .................. 11 3.1 PROJETS VISÉS ET BESOINS DE MAIN-D’ŒUVRE : QUEL EST LE PLAN ?.............................. 11 4. COMMENTAIRES SUR LES CHANGEMENTS PROPOSÉS PAR LE PROJET DE LOI NO 61 14 4.1 Planification des travaux publics ........................................................................................................... 14 4.2 Économie régionale.................................................................................................................................... 14 4.3 Travail au noir ............................................................................................................................................... 17 4.4 Octroi des contrats publics ...................................................................................................................... 18 5. RECOMMANDATIONS.............................................................................................. 19 6. CONCLUSION ............................................................................................................ 20
1. INTRODUCTION Imprévisible, la pandémie de Covid-19 a pris la société québécoise par surprise et lourdement affecté son économie. Cette dernière accusait encore un taux de chômage de 13,7% en mai dernier, alors que le Québec, faisant face au plein-emploi encore quelques mois auparavant, s’affairait alors à relever le défi d’une pénurie de main d’œuvre historique. La crise économique soudaine actuelle exige certainement une mobilisation des partenaires sociaux et économiques et une intervention accrue de l’État. La population du Québec est en droit de s’attendre à ce qu’il agisse en leader, en rassembleur et, dans une certaine mesure, en entrepreneur visionnaire. La plus grande centrale syndicale québécoise, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et la FTQ-Construction 1, principal syndicat du secteur de la construction, agissent en acteurs sociaux proactifs depuis le début de la pandémie. À l’écoute de leurs membres sur le terrain qui sont confrontés aux contrecoups économiques de la pandémie, nos organisations travaillent fort pour imaginer et proposer des solutions constructives afin de permettre à l’économie québécoise de rapidement retrouver le chemin de la prospérité. En ce sens, l’annonce de consultations parlementaires faisant suite au dépôt du projet de loi no 61 par le gouvernement les interpelle comme une occasion importante de contribuer aux discussions sur la relance de l’économie québécoise et les principaux défis à relever à cette fin à court terme. Compte tenu des délais qui nous ont été impartis, nous ne nous livrerons pas à une analyse détaillée du projet de loi mais nous nous contenterons, dans ce mémoire, d’émettre quelques commentaires généraux. Nous présenterons les principales préoccupations que soulève à nos yeux le projet de loi, notamment, en matière de gouvernance et d’éthique, de droits fondamentaux, de relance économique et pour l’industrie de la construction. La précipitation à laquelle le dépôt et le traitement de ce projet de loi semblent répondre, de même que l’hermétisme qui semble le gouverner nous font craindre une vision étroite, opaque et antidémocratique de la relance économique qui, pourtant, devrait être un chantier ouvert et rassembleur qui concerne l’ensemble des travailleurs et des travailleuses, ainsi que les acteurs sociaux et économiques. Nous ne saurions que recommander aux parlementaires la plus grande prudence et la retenue la plus avisée dans l’étude et, le cas échéant, l’adoption de ce projet de loi, qui pose selon nous d’importants problèmes de moyens et de ressources, bien que ses intentions nous apparaissent des plus louables. 1 La FTQ-Construction est la plus importante association syndicale de l’industrie de la construction avec plus de 79 000 membres et 140 représentants syndicaux œuvrant sur tous les projets publics et privés de toutes les régions et tous les secteurs d’activité économique du Québec. Par sa structure composée de dix-sept (17) syndicats affiliés (par métiers et occupations), la FTQ- Construction s’assure d’être en lien direct avec ceux et celles qui travaillent quotidiennement sur les chantiers de construction. Elle représente ainsi toute la diversité reliée aux différents projets de construction. 4
2. UNE OCCASION RATÉE D’ENTREPRENDRE UNE RELANCE STRUCTURANTE, RASSEMBLEUSE ET DURABLE Après plus de deux mois et demi de confinement, et alors que les mesures sanitaires se desserrent, l’ensemble des travailleurs et des travailleuses, des acteurs et des secteurs économiques s’attendent à recevoir un grand bol d’air frais de la part du gouvernement. Un plan de relance robuste, qui réponde aux défis auxquels sont désormais confrontés tous les secteurs, régions, communautés est nécessaire. Or, déposé sans avoir fait l’objet d’une concertation rigoureuse avec les partenaires sociaux et économiques, le projet de loi no 61, bien qu’il s’annonce comme un levier de la relance économique, mise essentiellement sur des projets d’infrastructures déjà prévus et fait l’impasse sur de nombreux secteurs qui attendent toujours un signal clair pour relancer ou carrément restructurer leurs activités. Pour atteindre ses objectifs, il emprunte, de plus, des voies et méthodes qui sacrifient aux droits fondamentaux, à la transparence, à l’imputabilité et à l’environnement, voire même à la démocratie. Cela ne peut que nous inquiéter au plus haut point, alors que des voix multiples et concertées se sont élevées dans les dernières semaines pour proposer des issues à la crise sanitaire et économique. La société civile a des solutions, et il devient urgent de l’écouter. 2.1 Gouvernance et éthique : des droits sacrifiés sur l’autel de la précipitation Si, d’un côté, nous ne pouvons qu’encourager le gouvernement à investir dans des projets d’intérêt public pour favoriser une reprise économique vigoureuse, nous ne saurions appuyer la démarche par laquelle le gouvernement compte entreprendre cette relance. Nous voyons un risque à ce qu’en suspendant certaines dispositions de reddition de compte et la capacité pour la population de faire valoir ses droits devant les tribunaux, que le gouvernement s’expose à des recours visant la légitimité même de la loi et passe ainsi à côté des objectifs qu’il affirme défendre dans le présent projet de loi. Selon nous, l’adhésion de la population aux règles sanitaires qui doivent être observées en période de pandémie passe par un dialogue ouvert et franc entre le gouvernement et l’ensemble des représentants de la population, que ce soit les élus à l’Assemblée nationale ou les membres de la société civile. En prévoyant des dispositions pouvant maintenir l’état d’urgence sanitaire ad vitam aeternam par la simple adoption de ce projet de loi, le gouvernement risque de se retrouver dans une situation où la population n’approuve pas le maintien de l’état d’urgence, la conteste ou l’ignore, contribuant ainsi au maintien d’un niveau de propagation intolérable et la poursuite des difficultés économiques. Le gouvernement raterait donc deux objectifs, soit le contrôle de la pandémie et la reprise économique. Or, les dispositions de l’article 119 de la Loi sur la santé publique prévoient déjà un mécanisme flexible assurant au gouvernement la possibilité de 5
prolonger l’état d’urgence sanitaire, au besoin, et un dialogue ouvert et franc assurant l’adhésion de la population aux mesures de contrôle de la pandémie : « 119. L’état d’urgence sanitaire déclarée par le gouvernement vaut pour une période maximale de 10 jours à l’expiration de laquelle il peut être renouvelé pour d’autres périodes maximales de 10 jours ou, avec l’assentiment de l’Assemblée nationale, pour des périodes maximales de 30 jours. SI le gouvernement ne peut se réunir en temps utile, le ministre peut déclarer l’état d’urgence sanitaire pour une période maximale de 48 heures ». Dans la même optique, serait-il envisageable qu’en l’absence de toute possibilité de s’adresser devant les tribunaux dans des cas d’expropriation, par exemple, on assiste à des débordements sociaux? Il nous semble qu’en situation de crise sanitaire et économique, au moment même où la population est fragilisée sur deux fronts, le gouvernement aurait intérêt à adopter une approche rassurante, mesurée, permettant à la population de maintenir son droit de se faire entendre de manière effective tout en s’assurant que le gouvernement répond présent avec des moyens financiers conséquents pour assurer une reprise qui bénéficie à tout le monde. À cet égard, les dispositions du projet de loi prévoyant que de simples règlements pourraient modifier des lois nous semblent de nature à dénaturer le processus parlementaire en vertu duquel la population, par ses représentants élus ou par l’exercice des commissions parlementaires, a un droit de regard tant sur une proposition que sur la manière dont celle-ci est traitée. D’autant plus qu’en plus d’une immunité politique, le gouvernement se donne une immunité juridique. En réponse au problème qu’il se crée lui-même, le gouvernement prévoit que les ministres responsables des projets devront rendre compte, une fois par an, de l’état d’avancement des travaux. Il nous semble que ces dispositions affaiblissent celles déjà en place, et placent le Québec derrière d’autres législations en matière de gouvernance démocratique. Il eût été souhaitable que le gouvernement profite de l’occasion pour réfléchir à une relance basée sur l’adoption des meilleures pratiques démocratiques possible. Sans juger de la volonté personnelle des ministres, nous souhaitons rappeler au gouvernement qu’il se place dans une situation intenable dans laquelle le processus de reddition de compte repose sur quelques ministres plutôt que sur un mécanisme solide, public et transparent. 2.2 Relance économique : quel projet de relance ? Il faut le reconnaître, l’effort que le gouvernement propose de réaliser dans le contexte actuel, en accélérant un ensemble de projets d’infrastructures dont il est vrai que le Québec a bien besoin, est important. Nous saluons également le caractère national de la stratégie privilégiée et ses retombées bénéfiques et concrètes tant pour les régions que pour les communautés. Il ne fait pas de doute que l’amélioration des infrastructures scolaires et hospitalières, le parachèvement de certaines voies de communication, le développement accéléré de projets de transport collectif longtemps attendus contribueront durablement au développement de 6
certaines communautés et souvent même permettront d’y bonifier voire d’y maintenir l’offre de services publics de première ligne. Cependant, nous ne pouvons que relever le caractère bien étroit de la stratégie de relance économique que propose un projet de loi qui ne mise que sur des investissements en infrastructures. Mise à part l’autorisation aux établissements de restauration de vendre des boissons alcoolisées pour emporter, à travers des assouplissements très spécifiques sur les permis d’alcool, nous ne voyons aucune intervention stratégique dans aucun autre secteur de l’économie. Pourtant, l’ensemble de l’économie a été affecté par la pandémie et le besoin d’aide et de projets structurants se fait sentir dans tous les secteurs d’activité, depuis les services de restauration et d’hôtellerie aux manufactures et usines de montage, en passant par les soins aux personnes, l’industrie de production alimentaire et ce, dans toutes les communautés et régions. Il est donc impératif qu’un vaste plan soit déployé et embrasse tous les besoins connus pour y répondre rapidement. Bien qu’important, le levier économique de la construction et des infrastructures n’est pas le seul moteur de l’économie québécoise, dont la grande force est d’être très diversifiée, ce qui en fait cependant aussi le grand défi. Et il importe de le relever dans son ensemble pour ne laisser personne derrière. La vitalité de trop de communautés en dépend. La vision de la relance que traduit ce projet de loi ne nous apparaît pas claire, par ailleurs. Depuis des semaines, divers milieux se mobilisent pour réfléchir à la sortie de crise et à l’après-pandémie. On entend régulièrement des membres du gouvernement évoquer l’importance stratégique de miser sur une relance structurante, autour de la transition énergétique, de la transition numérique (au cœur de laquelle le télétravail apparaît comme un élément-clé), d’un renforcement du commerce intérieur (circuits courts, achat local, souveraineté alimentaire), etc. Or, rien ne nous permet dans ce projet de loi de constater une cohérence d’ensemble avec de telles intentions. Le développement d’infrastructures numériques en est par exemple totalement absent, et les industries motrices de même que les expertises qui caractérisent les divers secteurs économiques concernés par ces chantiers ne sont pas concernés par le projet de loi. C’est dire combien d’occasions nous risquons de manquer si, rapidement, un plan complémentaire n’est déployé pour concrètement stimuler ces secteurs et réellement donner le ton à une stratégie de relance originale et tournée vers l’avenir. C’est probablement en matière d’objectifs et d’éthique environnementaux que la rupture entre le plan que sous-tend le projet de loi et les attentes sociales est la plus marquée. Sous prétexte d’accélérer la réalisation de nombreux projets d’infrastructures, le projet de loi permettrait de contourner des dispositions en matière de protection des habitats, de couper court aux processus d’évaluation ou carrément de sacrifier des milieux humides contre compensation financière, alors que les attentes environnementales élevées de la population québécoise ont fait l’objet d’une mobilisation historique pas plus tard qu’à l’automne 2019. Alors que le ministre de l’Environnement disposera de plus de pouvoirs, notamment avec l’adoption du projet de loi no 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l’électrification, son absence du quatuor économique 7
et du plan de relance ne peut qu’ajouter à notre inquiétude que l’environnement ne soit simplement sacrifié sur l’autel d’une relance mal ficelée et précipitée. En témoigne l’accélération de certains projets de bonification d’autoroutes, qui entrent en contradiction avec la nécessaire réduction du trafic routier émetteur de gaz à effet de serre (GES), ainsi que de la volonté d’encourager le télétravail… Contradictoire également la volonté gouvernementale d’accélérer des projets à forte empreinte environnementale d’un côté, tout en soutenant de l’autre des cibles de réduction des émissions de GES au Québec, alors que les ressources du ministère de l’Environnement font défaut pour assurer le contrôle des normes et évaluations. On s’explique ainsi d’autant mal quelle logique a présidé aux choix de certains projets à accélérer par rapport à d’autres, que ceux-ci n’aient pas fait l’objet de débats ou de concertation préalables, sans compter le test climat désormais nécessaire à l’heure de la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Ainsi, les projets exposent certains milieux naturels à une destruction partielle ou totale sans évaluation. Cette perte de biodiversité a des impacts sur les conditions de vie, nous n’avons qu’à penser à l’eau potable. Les évaluations environnementales n’ont pas pour fonction de bloquer les projets, mais bien d’évaluer les impacts environnementaux qui peuvent rapidement devenir économiques. Par exemple, bâtir dans un milieu inondable peut vouloir dire déplacer les maisons, les vendre à perte, un rachat du gouvernement, sans oublier le coût des assurances. On doit prendre le temps ! C’est économique ! En coupant court à la concertation et aux précautions de mise, le gouvernement s’expose à un blocage de la population, qui est déjà très mobilisée (ex : la marche pour l’environnement du 27 septembre 2019) et cela ralentira systématiquement les projets. La relance n’en serait que ralentie. Un projet de relance robuste doit s’appuyer sur l’ensemble des secteurs et priorités de la société et de l’économie québécoises, et répondre à des impératifs de cohérence entre ces derniers. Cela nécessite un effort de consultations, de concertation et de coordination que ne démontre manifestement pas le projet de loi no 61. Malheureusement, ce sont des pans importants de nos régions, de nos communautés et de notre main-d’œuvre qui risquent d’en payer le prix. 2.3 Miser sur le dialogue social Malheureusement, il apparaît que le gouvernement passe à côté d’une occasion d’établir les bases d’un véritable partenariat avec la société civile pour plancher sur un plan de relance qui profite à tout le monde. Ce n’est un secret pour personne que la précipitation avec laquelle la préparation du projet de loi, incluant le délai de convocation, a pris tout le monde par surprise. S’agit-il d’un péché par omission ou s’agit-il plutôt d’une conviction que la société civile ne peut constituer une alliée du gouvernement? Quoi qu’il en soit, il nous apparaît que le gouvernement aurait eu tout intérêt à inclure dans sa vision du nationalisme économique les membres qui constituent, justement, cette nation que ce gouvernement prétend représenter. L’Assemblée nationale peut siéger pendant l’été. Si le gouvernement souhaite toujours aller de l’avant avec un projet de loi pour encadrer la relance économique et redéfinir les bases d’un Québec plus innovateur, démocratique et à l’avant-garde des meilleures pratiques en 8
matière d’environnement et de création d’emplois, il aurait intérêt à consulter l’ensemble des acteurs impliqués dans la relance. Les travailleurs et les travailleuses du Québec répondent présents lorsque les défis leur sont soumis : construction d’infrastructures importantes, soins pour les personnes vulnérables et les personnes âgées, recherche pour trouver un traitement contre la COVID-19, livraison et maintien des services d’épicerie et d’alimentation pour notre population, etc. Les travailleuses et les travailleurs mettent leur santé à risque pour maintenir les services pour l’ensemble de la population. Le gouvernement souhaite diriger le Québec, mais il semble oublier qu’au final sont les travailleuses et les travailleurs qui rendent effective la bonne marche de l’économie. On aurait pu les mettre à contribution dans l’élaboration de la relance économique. Est-il donc envisageable que le gouvernement, en précipitant les choses, se coupe de celles et de ceux qui rendent possible la reprise économique, de celles et ce ceux qui s’assurent que le territoire est protégé, qu’un environnement sain bénéficie à tous et à toutes et que la gestion des finances publiques soit la plus transparente et la plus efficace possible? Ce genre de concertation est non seulement possible, mais elle a déjà été une norme au Québec. Le premier ministre lui-même n’est pas étranger aux exercices de consultation et de concertation, ayant occupé des fonctions ministérielles dès la fin des années 1990 où il a mis en place des forums et autres sommets afin d’assurer au gouvernement un minimum d’adhésion pour certains de ses projets. Les forces vives économiques, sociales, culturelles et politiques sont prêtes à contribuer à la relance économique, mais encore faut-il les impliquer. Il nous apparaît que le gouvernement aurait tout à gagner en faisant preuve de leadership dans l’établissement d’un forum où tout le monde pourrait être dans le coup. 2.4 Pour une relance écologique et solidaire Le gouvernement semble confondre la reprise des activités à la suite du confinement et la relance économique qui s’impose pour affronter la récession économique post-pandémie. Nous sommes d’avis que la première doit être opérée avec prudence et transparence, et vise strictement le court-terme. Nous comprenons que le gouvernement, par les pouvoirs conférés par l’état d’urgence sanitaire, contrôle la reprise dans le cadre d’un processus décisionnel évoluant de haut en bas de type top-down. La FTQ travaille d’arrache-pied à cette reprise depuis le déconfinement graduel décrété par le gouvernement du Québec à la fin avril. Dans le cadre de cet exercice, notre objectif est d’utiliser tous les moyens nécessaires pour retourner le plus grand nombre de travailleurs et de travailleuses en emploi. Nous sommes particulièrement à l’écoute de leurs besoins et de leurs craintes. C’est pourquoi nous avons priorisé la protection de la santé et de la sécurité dans nos revendications auprès du gouvernement qui, pour l’occasion, a ouvert un canal de dialogue avec les partenaires socio- économiques. Somme toute, cette opération se déroule assez bien. 9
Toutefois, l’arrêt volontaire de l’activité économique a plongé le Québec, du jour au lendemain, dans la pire récession qu’il n’ait jamais connue, laquelle s’étirera sur plusieurs années. Malgré des perspectives économiques sombres, nous croyons qu’avec la crise vient un espace de réflexion, une promesse de changement. Elle offre l’opportunité d’effectuer un virage en matière de stratégie de développement vers un système économique qui bénéficie à tous et à toutes. En particulier, il nous faut retrouver un meilleur équilibre entre la stricte logique du marché et une économie où tous les partenaires socio-économiques mettent l’épaule à la roue pour faire les choses autrement, de manière plus démocratique, plus respectueuse de l’environnement et en ayant à cœur la protection du bien commun. Par conséquent, le plan de relance économique doit être fonction du long terme et ne peut se déployer top-down ni se définir en silo ; or, c’est précisément ce que le gouvernement fait avec son projet de loi actuel. Contrairement aux récessions précédentes où le recul de l’économie s’expliquait par des taux d’intérêt élevés ou des dérapages financiers, c’est l’économie réelle qui a été frappée de plein fouet : arrêt soudain de la consommation et du système productif. Du jamais vu! Devant une telle crise atypique, on doit faire preuve d’imagination pour repenser à fond le tissu économique et identifier les enjeux rassembleurs et cohérents. Il importe de définir de nouvelles stratégies de croissance et de développement qui permettront au Québec de relancer une économie plus juste et plus durable. Ce que le gouvernement soumet à la population est un outil classique de relance économique soit des grands chantiers d’infrastructures. C’est une approche louable qui vise à pallier un ralentissement prévisible de la part du secteur privé. Nous saluons la décision du gouvernement de contribuer à la reprise économique en devançant des projets déjà prévus dans le Plan québécois des infrastructures (PQI), notamment en matière de transport collectif. En revanche, il n’y avait aucun motif raisonnable pour assortir ce programme accéléré d’infrastructures à une abolition de droits fondamentaux et une absence de redditions de compte. Ceci constitue un geste antidémocratique que nous dénonçons haut et fort. Par ailleurs, cette approche seule ne peut être garante du succès de la relance. Il faut voir plus loin, différemment, et adopter des mesures structurantes qui auront un impact à long terme sur l’économie et les régions. De nombreux secteurs d’activités auront des besoins particuliers. Des choix importants seront à faire pour soutenir la création d’emplois et pour réaliser la nécessaire transition écologique de l’économie. 10
3. INFRASTRUCTURE ET CONSTRUCTION : DES DEVOIRS INACHEVÉS 3.1 PROJETS VISÉS ET BESOINS DE MAIN-D’ŒUVRE : QUEL EST LE PLAN ? Par ce projet de loi no 61, le gouvernement veut relancer l’économie à travers les régions du Québec en accélérant le processus menant à la construction de 202 projets annoncés à l’Annexe 1. En plus, il se donne le pouvoir d’accélérer tout projet d’infrastructure publique, tout projet élaboré par des organismes municipaux ou publics ou visant à accroître l’autosuffisance médicale ou l’autonomie alimentaire du Québec sans les nommer, ni les définir (article 3). Le gouvernement veut également pouvoir prendre toutes les mesures qu’il estime nécessaires afin de prévenir ou atténuer toute conséquence découlant de la pandémie de la COVID-19 en modifiant toute disposition d’une loi ou d’un règlement qui prévoit : 1) « à l’égard d’un permis ou d’une autre autorisation de même nature, des conditions, des restrictions ou d’autres modalités qui sont afférentes à ce permis ou qui sont relatives à son renouvellement, ainsi que les obligations qui en découlent pour celui qui en est le titulaire; 2) un délai ou une date d’échéance; 3) le paiement d’une somme due à l’État, y compris l’intérêt y afférent ou l’indexation qui s’y applique; 4) une aide fournie par un organisme public, qu’elle soit financière ou d’autre nature; 5) une règle dont l’application est difficilement réalisable ou trop onéreuse dans les circonstances découlant de la pandémie 2 ». Nous comprenons, en d’autres mots, que le gouvernement veut reconstruire le Québec au complet selon ses propres règles ! Or, nous souhaitons que cela se fasse de la bonne manière pour les travailleurs et les travailleuses de la construction. Sans connaître l’échéancier de tous les projets annoncés et non annoncés ainsi que les intentions du gouvernement concernant les nouveaux aménagements qu’il entend mettre en place pour prévenir et atténuer la pandémie, nous nous interrogeons : quel est le plan ? 2 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Projet de loi no 61, Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19, juin 2020, article 36, p. 17. 11
La conception et la construction de tous ces projets dureront plusieurs années et exigeront de la main-d’œuvre en quantité et en qualité suffisante dans toutes les régions du Québec. Compte tenu du nombre et de l’envergure des projets visés, nous craignons une surchauffe dans les besoins quantitatifs et qualitatifs de main-d’œuvre. Nos craintes sont également à savoir que le gouvernement prenne des mesures afin de remédier à cette surchauffe qui aurait des conséquences néfastes sur la compétence de la main-d’œuvre ou sur les droits fondamentaux des travailleurs et des travailleuses de la construction. Si on veut être réaliste et s’assurer que l’industrie de la construction du Québec réussisse ce grand projet de relance, le gouvernement doit miser sur des mesures durables : planifier les projets à travers les régions, estimer les besoins de main-d’œuvre, former, développer les compétences et assurer une rétention de la main-d’œuvre. Dans son document Enjeux de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction au Québec de mars 2019, la Commission de la construction du Québec (CCQ) mentionne : « Il demeure essentiel que l’industrie de la construction ait accès à un nombre approprié de personnes diplômées pour combler ses besoins. La baisse de diplômes émis soulève des inquiétudes dans le contexte de rareté de la main- d’œuvre ; il est donc important d’en comprendre les causes. Des difficultés de recrutement d’élèves pour certains programmes d’études ont été soulevées par certains centres de formation, amenant même, dans certains cas, à l’annulation de cohortes. L’attraction des métiers de la construction est-elle en diminution depuis la baisse d’activité, ou est-ce pour des questions démographiques ? La prochaine section tentera de répondre à ces questions en étudiant les inscriptions aux programmes d’études liés à la construction 3. » En juin 2018 survient un autre constat. Il est pertinent de rappeler les mots du Vérificateur général du Québec (VGQ) à l’Assemblée nationale dans son rapport : « La compétence des travailleurs de l’industrie de la construction est un enjeu important et d’intérêt public. Le manque de compétence peut avoir un impact sur la qualité des travaux et sur la sécurité des travailleurs, et engendrer des coûts supplémentaires. De plus, la sophistication des technologies ainsi que la compétitivité des marchés obligent les employeurs à avoir recours à une main- d’œuvre toujours mieux qualifiée 4. » 3 COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUEBEC (CCQ), Enjeux de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction au Québec, mars 2019, p.23, [En ligne] [www.ccq.org/-/media/Project/Ccq/Ccq- Website/PDF/Etude_enjeux_main_oeuvre_VF.pdf]. 4 Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2018-2019, Compétence de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, p.7, [En ligne] [www.vgq.qc.ca /Fichiers/Publications//rapport-annuel//2018-2019-juin2018//fr_Rapport2018-2019-PRINTEMPS- Chap02.pdf]. 12
La meilleure alternative pour réussir le plan d’infrastructure du gouvernement présenté dans le projet de loi no 61 est de former davantage de travailleurs et travailleuses. Il faut plus de diplômés dans les écoles. Il faut également AMÉLIORER les mécanismes en place pour répondre plus efficacement aux besoins de main-d’œuvre et de formations spécifiques. Nous favorisons des mesures qui valorisent la diplomation et l’acquisition des compétences de façon à assurer une bonne productivité, une meilleure rétention de la main-d’œuvre et des milieux de travail plus sécuritaires. Il est temps que les chantiers de construction deviennent des lieux de travail conformes aux meilleures pratiques en matière de gestion de la main-d’œuvre! Si le gouvernement désire réaliser tous les projets du projet de loi no 61, il faut des solutions durables afin d’assurer une bonne productivité et une relève prête à intégrer les chantiers de construction et à s’y maintenir. Il est impensable de faire des compromis sur la qualité de cette main-d’œuvre au profit de la quantité ou de la polyvalence. Il est essentiel pour l’industrie de pouvoir compter sur un nombre approprié de diplômés pour combler les besoins à venir et assurer une vraie relève. Force est de constater que les certificats de compétence émis lors des « ouvertures de bassins en situation de pénurie » ne sont pas des solutions durables. En effet, cette main-d’œuvre, qui accède à l’industrie de la construction sans détenir aucune qualification, n’arrive pas à se former et abandonne majoritairement dans les cinq ans qui suivent. Nous constatons, sur le terrain, que les ouvertures de bassins ont plusieurs effets négatifs. Cela : 1) Permet aux employeurs d’attirer la main-d’œuvre en lui faisant miroiter des emplois payants, mais qui deviennent seulement un moyen ponctuel de combler des besoins spécifiques de l’employeur plutôt que d’offrir une carrière durable ; 2) Dévalorise et diminue la diplomation, car les jeunes attendent l’ouverture des bassins plutôt que de compléter leur DEP, ce qui affecte grandement leur préparation lorsqu’ils entrent dans l’industrie ; 3) Augmente les taux d’abandon ; 4) Diminue la qualité des travaux et la productivité ; 5) Augmente les risques sur la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses. Dans son ensemble, l’industrie de la construction souffre d’un problème de rétention de la main- d’œuvre. Le taux d’abandon chez les hommes diplômés est de 35 % après 5 ans. Ce taux est de 55 % chez les femmes diplômées 5. Plusieurs personnes détiennent les qualifications pour travailler dans l’industrie de la construction, mais préfèrent travailler ailleurs dans d’autres industries. La stabilité de l’emploi et la santé et la sécurité sur les chantiers sont des facteurs importants dans le choix de carrière des travailleurs et des travailleuses de la construction. On ne peut pas tourner les coins ronds. La productivité de cette industrie repose sur la compétence de ces travailleurs et ces travailleuses. Il faut donc privilégier la formation professionnelle en améliorant la planification des besoins de main-d’œuvre. 5 Bilan annuel 2018 du Programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie de la construction 2015-2024 13
4. COMMENTAIRES SUR LES CHANGEMENTS PROPOSÉS PAR LE PROJET DE LOI NO 61 4.1 Planification des travaux publics Le gouvernement et les organismes publics sont les principaux donneurs d’ouvrages des projets visés par le projet de loi no 61. Les grands travaux d’infrastructures et d’édifices publics, ciblés par le projet de loi, exigent les meilleures pratiques en termes de planification des échéanciers et des coûts. L’importance de ces enjeux a été démontrée à plusieurs reprises dans le passé notamment, à la Commission Charbonneau. Afin de doter le Québec d’infrastructures publiques de qualité répondant aux besoins actuels, des compétences spécialisées sont exigées. Le gouvernement doit continuer d’assurer une saine planification et gestion des projets afin de mieux gérer les coûts, stabiliser la demande de main-d’œuvre et garantir la qualité des travaux et la santé et sécurité de façon continue sur ces chantiers. 4.2 Économie régionale Chaque travailleur et travailleuse qui détient une formation professionnelle (DEP) est un travailleur et une travailleuse qui a plus de possibilités d’emploi et plus de stabilité financière. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi no 61 met en place des projets dans toutes les régions du Québec. L’activité économique régionale nous tient à cœur. Nous considérons ces projets comme une opportunité de créer un bassin de travailleuses et de travailleurs qualifiés dans les régions pour aujourd’hui et pour l’avenir. Les 140 représentants syndicaux et représentantes syndicales de la FTQ-Construction travaillent partout au Québec et connaissent très bien les enjeux économiques de leur région. Les travailleurs et les travailleuses habitant dans les régions désirent avant tout travailler près de leur famille. L’embauche régionale est un des principes fondamentaux de notre système de gestion de la main-d’œuvre. Les travailleurs et les travailleuses de la région doivent pouvoir compter sur une priorité d’embauche pour les projets qui sont dans leur cour. Nous demandons au gouvernement de conserver notre industrie forte et productive partout en région : il s’agit d’un enjeu fondamental! 14
INDICATEUR DE L’ACTIVITÉ DE L’INDUSTRIE ASSUJETTIE, 2009-2018 2018 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Nomb Variati re on Nombre 165 3 de salariés1 145 857 153 289 159 607 164 045 161 901 158 085 153 587 154 118 157 560 4,9 % 21 Heures travaillées (en 133,8 144,3 156,4 165,5 155,1 149,6 140,6 145,4 148,4 163,0 9,9 % millions) Moyenne annuelle des heures 917 941 980 1 009 958 946 915 944 942 986 4,7 % travaillées par salarié Salaire annuel 30 938 32 500 35 200 37 846 36 445 36 889 36 112 38 432 38 807 41 518 7,0 % moyen ($) 2 Masse salariale (en 4 512 4 982 5 618 6 208 5 900 5 832 5 546 5 923 6 114 6 864 12,3 % millions $) 2 Nombre d’employeurs 24 251 24 873 25 096 25 462 25 830 25 855 25 862 25 875 25 802 25 808 0,0 % 1 Salariés ayant travaillé au moins une heure dans l’année. 2 Incluant les indemnités de congés, les primes et les heures supplémentaires. Source : CCQ avril 2019 NOMBRE D’HEURES TRAVAILLÉES (en millions d’heures) Secteur 2019 2020 2018 (Estimation) (Prévision) Total 163,3 177,0 173,5 Variation 10 % 9% -2 % Génie civil et voirie 32,7 35,0 33,0 Variation 11 % 7% -6 % Industriel 10,6 12,0 11,5 Variation 0% 13 % -4 % Institutionnel et commercial 88,9 98,0 98,0 Variation 12 % 10 % 0% Résidentiel 30,9 32,0 31,0 Variation 7% 4% -3 % Source : Perspective 2020, CCQ 15
ACTIVITÉ RÉGIONALE Variation du nombre d’heures travaillées Région 2017 2018 2019 2020 (Estimation) (Prévision) Bas St -Laurent-Gaspésie -8,9 % 3,0 % 10 % -7 % Saguenay-Lac-St-Jean -7,2 % 14,0 % 24 % -1 % Québec 5,6 % 9,8 % 3% 1% Mauricie-Bois-Francs 8,9 % 7,8 % 0% -7 % Estrie 6,8 % 8,5 % 12 % -1 % Grand Montréal 1,2 % 10,5 % 9% -2 % Outaouais 5,3 % 14,2 % 20 % -5 % Abitibi-Témiscamingue -0,4 % 10,5 % 16 % -12 % Côte-Nord 35,7 % -5,5 % 16 % -15 % Baie-James -7,5 % -4,7 % 12 % -5 % Ensemble du Québec 1,8 % 9,9 % 9% -2 % Source : statistiques CCQ et Perspective 2020, CCQ Moyenne d’heures travaillées selon la région de domicile 6 Bas-St-Laurent-Gaspésie 780,07 Saguenay-Lac-Saint-Jean 757,56 Québec 973,86 Mauricie-Bois-Francs 897,15 Estrie 872,59 Grand Montréal 1003,31 Île de Montréal 969,54 Montérégie 1014,19 Laval-Laurentides-Lanaudière 1006,86 Outaouais 692,61 Abitibi-Témiscamingue 755,38 Baie-James 712,33 Côte-Nord 902,44 Extérieur 227,06 6 CCQ, avril 2018. Calcul effectué par FTQ-Construction 16
4.3 Travail au noir Le travail au noir est un fléau de notre industrie. Il prive le gouvernement de millions de dollars nécessaires au maintien des services dispensés par l’État et les services publics. Afin de lutter contre ce dernier, le gouvernement du Québec a investi depuis une vingtaine d’années d’importantes sommes d’argent. Le tableau suivant fait état des divers montants alloués par le Conseil du trésor à la lutte contre le travail au noir ainsi que des montants récupérés auprès des délinquants. SUBVENTION DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC « LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR 7 » Année Montant de la subvention ($) Montant récupéré ($) 2010 9 000 000 11 400 000 2011 8 725 000 12 500 000 2012 6 210 000 13 000 000 2013 5 000 000 10 400 000 2014 4 250 000 Donnée non disponible 2015 3 720 000 13 900 000 2016 3 507 000 10 426 168 2017 3 714 000 15 125 594 2018 4 077 000 17 763 391 Fait surprenant, les subventions accordées à l’industrie ne cessent de décroitre alors que la lutte à ce fléau social est loin d’être terminée. On pourra argüer que l’industrie peut lutter elle-même contre le travail au noir et pourvoir au financement de cette lutte, mais il s’agit d’une réalité qui dépasse l’industrie de la construction. Le travail au noir persiste et ternit l’image de l’industrie, ce qui la rend vulnérable et moins attirante pour de futurs travailleurs et travailleuses. La CCQ ne suffit pas à la tâche, car elle manque de ressources. Le gouvernement doit tenir compte de cette réalité s’il veut changer les règles. Nous le mettons en garde : les personnes s’adonnant à des pratiques immorales, illégales, à la fraude et la corruption auront vite fait de saisir toutes les occasions qui se présenteront. 7 Ces informations apparaissent soit dans le rapport de gestion soit dans les états financiers de la CCQ. 17
À cet égard, les articles 4, 28, 29, 30, les chapitres 3 et 5 nous inquiètent fortement. 4.4 Octroi des contrats publics La FTQ Construction propose l’abolition de la règle du plus bas soumissionnaire. Cette méthode d’octroi des contrats publics a un impact direct sur l’application des conventions collectives et sur la santé et sécurité des travailleurs et travailleuses. En effet, pour s’assurer l’octroi d’un contrat, certains soumissionnaires font des coupures sur le dos des travailleurs et des travailleuses en réduisant leurs conditions de travail illégalement et en négligeant la prévention en santé et sécurité au travail. Nous proposons que la sélection des soumissionnaires se fasse sur la base de bonnes pratiques en santé et sécurité du travail ainsi qu’ en matière de conformité des conventions collectives. L’entrepreneur devrait fournir une attestation préalablement obtenue auprès des organismes publics en cause soit la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et la CCQ. 18
5. RECOMMANDATIONS 1) Agir de manière plus démocratique, les articles 4, 28, 29, 30, les chapitres 3 et 5 nous inquiète fortement ; 2) Le gouvernement doit assurer une saine planification des appels d’offres et des travaux publics et grands projets ; 3) Une estimation quantitative et qualitative des besoins de main-d’œuvre par région doit être réalisée par l’industrie de la construction selon la planification des travaux publics et grands projets ; 4) Prioriser la compétence de la main-d’œuvre ; 5) Prioriser l’embauche régionale ; 6) Le Ministère de l’Éducation doit augmenter et promouvoir les activités de formation et perfectionnement en région ; 7) Le gouvernement doit assurer, promouvoir et améliorer la lutte contre le travail au noir ; 8) Abolir la règle du plus bas soumissionnaire. Au-delà des objectifs du projet de loi no 61 pour assurer la relance économique du Québec, à laquelle souscrivent la FTQ, la FTQ-Construction et nos affiliés, nous sommes particulièrement interpellés par l’échéancier des projets visés et les moyens qui seront mis en place pour l’atteinte de ces objectifs. Il est essentiel de bien mesurer l’efficacité des moyens choisis, car les défis pour notre industrie sont énormes. La relance du Québec repose en grande partie sur la stabilité de la main-d’œuvre. Depuis toujours, l’industrie de la construction du Québec est reconnue pour la compétence de sa main-d’œuvre. Aujourd’hui, nous devons constater que nous avons perdu beaucoup en termes de qualité de main-d’œuvre. Pour la FTQ et la FTQ Construction, cette situation n’est plus tolérable. L’industrie de la construction a besoin d’une relève forte et compétente pour relever ce nouveau défi. La FTQ et la FTQ Construction souhaitent être des partenaires actifs afin de trouver les solutions nécessaires pour répondre à la demande de main-d’œuvre. 19
6. CONCLUSION Bien que la FTQ et la FTQ-Construction soulignent la volonté du gouvernement de procéder à d’importants investissements publics pour contribuer à la relance de l’économie du Québec, nous portons à l’attention de ce dernier que la précipitation avec laquelle il procède pour arriver à ses objectifs risque de fragiliser à la fois la gestion de la pandémie, l’économie du Québec et l’adhésion de la population et des groupes de la société civile à son plan de relance. Nous constatons plusieurs problèmes dans le projet de loi, tel qu’il est présenté à l’heure actuelle. Déposé sans avoir fait l’objet d’une concertation rigoureuse avec les partenaires sociaux et économiques, le projet de loi mise essentiellement sur des projets d’infrastructures déjà prévus et fait l’impasse sur de nombreux secteurs. Pour la FTQ et la FTQ-Construction, une relance structurante de l’économie ne peut se faire au détriment des droits fondamentaux des citoyens et des citoyennes du Québec. À cet égard, la suspension du droit de contester une expropriation ou la compensation financière en cas de dérogation aux lois et règlements pour la protection de l’environnement auront pour effet de miner la cohésion sociale en plus de détériorer un territoire qui doit bénéficier à tous et à toutes. Pour la FTQ et la FTQ-Construction, la qualité de vie des Québécois et des Québécoises passe par une relance économique qui s’inscrit dans les principes de la transition juste, assurant au Québec de jeter les bases d’un avenir prospère, à l’avant-garde des nouveaux emplois respectueux de l’environnement et des meilleures conditions de travail possibles. Chemin faisant, même s’il se base en bonne partie sur les investissements en infrastructures, le projet de loi a de nombreux angles morts en matière de construction. La FTQ et la FTQ- Construction sont d’avis que le gouvernement aurait tout intérêt à s’assurer, notamment, que les projets d’une région particulière puissent bénéficier d’une main-d’œuvre locale et compétente. Le gouvernement gagnerait à inclure des dispositions assurant l’augmentation et la promotion des activités de formation et de perfectionnement en région. De plus, afin de s’assurer que la relance profite à tous et à toutes et évite de revenir dans les scandales du passé, il est impératif que le gouvernement mette les moyens nécessaires à la lutte à l’évasion fiscale, à la lutte travail au noir ainsi qu’à la surveillance publique des dépenses en infrastructures. Enfin, il serait à l’avantage du gouvernement à impliquer l’Assemblée nationale et les partenaires socio-économiques dans le suivi et la gestion de la relance économique. En définitive, nous avons devant nous un projet de loi indéniablement perfectible, tant sur le plan de la protection des droits fondamentaux, que la protection de l’environnement, l’inclusion des partenaires socio-économiques dans la conception et la gestion de la relance économique. Les travailleurs et les travailleuses répondront toujours présents et présentes aux défis de notre génération. Il importe maintenant de les inclure dans la planification du Québec de demain. LC/JVP/WC/SV/mk SEPB574 09JUIN2020 20
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