Mémoire de la FTQ et la FTQ-Construction

La page est créée Pascal Caron
 
CONTINUER À LIRE
Mémoire de la FTQ et la FTQ-Construction
Mémoire de la FTQ et la
                 FTQ-Construction

Sur le projet de loi no 61, Loi visant la relance de l’économie
  du Québec et l’atténuation des conséquences de l’état
d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la
                  pandémie de la COVID-19

Déposé au ministre responsable de l’administration gouvernementale et président du
                                Conseil du trésor

                                   9 juin 2020
Mémoire de la FTQ et la FTQ-Construction
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
565, boulevard Crémazie Est, bureau 12100
Montréal (Québec) H2M 2W3
Téléphone : 514 383-8000
Télécopieur : 514 383-8000
Sans frais : 1 877-897-0057
www.ftq.qc.ca

Dépôt légal – 2er trimestre 2020
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN 978-2-89639-438-8
TABLE DES MATIERES

1.     INTRODUCTION .......................................................................................................... 4

2. UNE OCCASION RATÉE D’ENTREPRENDRE UNE RELANCE STRUCTURANTE,
RASSEMBLEUSE ET DURABLE ........................................................................................... 5

     2.1     Gouvernance et éthique : des droits sacrifiés sur l’autel de la précipitation .......................... 5
     2.2     Relance économique : quel projet de relance ? ................................................................................ 6
     2.3     Miser sur le dialogue social ....................................................................................................................... 8
     2.4     Pour une relance écologique et solidaire ............................................................................................ 9
3.     INFRASTRUCTURE ET CONSTRUCTION : DES DEVOIRS INACHEVÉS .................. 11

     3.1     PROJETS VISÉS ET BESOINS DE MAIN-D’ŒUVRE : QUEL EST LE PLAN ?.............................. 11
4.     COMMENTAIRES SUR LES CHANGEMENTS PROPOSÉS PAR LE PROJET DE LOI NO 61
       14

     4.1     Planification des travaux publics ........................................................................................................... 14
     4.2     Économie régionale.................................................................................................................................... 14
     4.3     Travail au noir ............................................................................................................................................... 17
     4.4     Octroi des contrats publics ...................................................................................................................... 18
5.     RECOMMANDATIONS.............................................................................................. 19

6.     CONCLUSION ............................................................................................................ 20
1. INTRODUCTION
Imprévisible, la pandémie de Covid-19 a pris la société québécoise par surprise et lourdement
affecté son économie. Cette dernière accusait encore un taux de chômage de 13,7% en mai
dernier, alors que le Québec, faisant face au plein-emploi encore quelques mois auparavant,
s’affairait alors à relever le défi d’une pénurie de main d’œuvre historique. La crise économique
soudaine actuelle exige certainement une mobilisation des partenaires sociaux et économiques
et une intervention accrue de l’État. La population du Québec est en droit de s’attendre à ce qu’il
agisse en leader, en rassembleur et, dans une certaine mesure, en entrepreneur visionnaire.

La plus grande centrale syndicale québécoise, la Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec (FTQ) et la FTQ-Construction 1, principal syndicat du secteur de la construction, agissent
en acteurs sociaux proactifs depuis le début de la pandémie. À l’écoute de leurs membres sur le
terrain qui sont confrontés aux contrecoups économiques de la pandémie, nos organisations
travaillent fort pour imaginer et proposer des solutions constructives afin de permettre à
l’économie québécoise de rapidement retrouver le chemin de la prospérité. En ce sens, l’annonce
de consultations parlementaires faisant suite au dépôt du projet de loi no 61 par le gouvernement
les interpelle comme une occasion importante de contribuer aux discussions sur la relance de
l’économie québécoise et les principaux défis à relever à cette fin à court terme.

Compte tenu des délais qui nous ont été impartis, nous ne nous livrerons pas à une analyse
détaillée du projet de loi mais nous nous contenterons, dans ce mémoire, d’émettre quelques
commentaires généraux. Nous présenterons les principales préoccupations que soulève à nos
yeux le projet de loi, notamment, en matière de gouvernance et d’éthique, de droits fondamentaux,
de relance économique et pour l’industrie de la construction. La précipitation à laquelle le dépôt
et le traitement de ce projet de loi semblent répondre, de même que l’hermétisme qui semble le
gouverner nous font craindre une vision étroite, opaque et antidémocratique de la relance
économique qui, pourtant, devrait être un chantier ouvert et rassembleur qui concerne l’ensemble
des travailleurs et des travailleuses, ainsi que les acteurs sociaux et économiques.

Nous ne saurions que recommander aux parlementaires la plus grande prudence et la retenue la
plus avisée dans l’étude et, le cas échéant, l’adoption de ce projet de loi, qui pose selon nous
d’importants problèmes de moyens et de ressources, bien que ses intentions nous apparaissent
des plus louables.

1
  La FTQ-Construction est la plus importante association syndicale de l’industrie de la construction avec plus de 79 000
membres et 140 représentants syndicaux œuvrant sur tous les projets publics et privés de toutes les régions et tous
les secteurs d’activité économique du Québec. Par sa structure composée de dix-sept (17) syndicats affiliés (par métiers
et occupations), la FTQ- Construction s’assure d’être en lien direct avec ceux et celles qui travaillent quotidiennement
sur les chantiers de construction. Elle représente ainsi toute la diversité reliée aux différents projets de construction.

                                                                                                                        4
2. UNE OCCASION RATÉE D’ENTREPRENDRE UNE RELANCE
      STRUCTURANTE, RASSEMBLEUSE ET DURABLE
Après plus de deux mois et demi de confinement, et alors que les mesures sanitaires se
desserrent, l’ensemble des travailleurs et des travailleuses, des acteurs et des secteurs
économiques s’attendent à recevoir un grand bol d’air frais de la part du gouvernement. Un plan
de relance robuste, qui réponde aux défis auxquels sont désormais confrontés tous les secteurs,
régions, communautés est nécessaire.

Or, déposé sans avoir fait l’objet d’une concertation rigoureuse avec les partenaires sociaux et
économiques, le projet de loi no 61, bien qu’il s’annonce comme un levier de la relance
économique, mise essentiellement sur des projets d’infrastructures déjà prévus et fait l’impasse
sur de nombreux secteurs qui attendent toujours un signal clair pour relancer ou carrément
restructurer leurs activités. Pour atteindre ses objectifs, il emprunte, de plus, des voies et
méthodes qui sacrifient aux droits fondamentaux, à la transparence, à l’imputabilité et à
l’environnement, voire même à la démocratie. Cela ne peut que nous inquiéter au plus haut point,
alors que des voix multiples et concertées se sont élevées dans les dernières semaines pour
proposer des issues à la crise sanitaire et économique. La société civile a des solutions, et il
devient urgent de l’écouter.

       2.1 Gouvernance et éthique : des droits sacrifiés sur l’autel de la
       précipitation
Si, d’un côté, nous ne pouvons qu’encourager le gouvernement à investir dans des projets
d’intérêt public pour favoriser une reprise économique vigoureuse, nous ne saurions appuyer la
démarche par laquelle le gouvernement compte entreprendre cette relance. Nous voyons un
risque à ce qu’en suspendant certaines dispositions de reddition de compte et la capacité pour la
population de faire valoir ses droits devant les tribunaux, que le gouvernement s’expose à des
recours visant la légitimité même de la loi et passe ainsi à côté des objectifs qu’il affirme défendre
dans le présent projet de loi.

Selon nous, l’adhésion de la population aux règles sanitaires qui doivent être observées en
période de pandémie passe par un dialogue ouvert et franc entre le gouvernement et l’ensemble
des représentants de la population, que ce soit les élus à l’Assemblée nationale ou les membres
de la société civile. En prévoyant des dispositions pouvant maintenir l’état d’urgence sanitaire ad
vitam aeternam par la simple adoption de ce projet de loi, le gouvernement risque de se retrouver
dans une situation où la population n’approuve pas le maintien de l’état d’urgence, la conteste ou
l’ignore, contribuant ainsi au maintien d’un niveau de propagation intolérable et la poursuite des
difficultés économiques. Le gouvernement raterait donc deux objectifs, soit le contrôle de la
pandémie et la reprise économique. Or, les dispositions de l’article 119 de la Loi sur la santé
publique prévoient déjà un mécanisme flexible assurant au gouvernement la possibilité de

                                                                                                    5
prolonger l’état d’urgence sanitaire, au besoin, et un dialogue ouvert et franc assurant l’adhésion
de la population aux mesures de contrôle de la pandémie :

        « 119. L’état d’urgence sanitaire déclarée par le gouvernement vaut pour une
        période maximale de 10 jours à l’expiration de laquelle il peut être renouvelé
        pour d’autres périodes maximales de 10 jours ou, avec l’assentiment de
        l’Assemblée nationale, pour des périodes maximales de 30 jours.

        SI le gouvernement ne peut se réunir en temps utile, le ministre peut déclarer
        l’état d’urgence sanitaire pour une période maximale de 48 heures ».

Dans la même optique, serait-il envisageable qu’en l’absence de toute possibilité de s’adresser
devant les tribunaux dans des cas d’expropriation, par exemple, on assiste à des débordements
sociaux? Il nous semble qu’en situation de crise sanitaire et économique, au moment même où la
population est fragilisée sur deux fronts, le gouvernement aurait intérêt à adopter une approche
rassurante, mesurée, permettant à la population de maintenir son droit de se faire entendre de
manière effective tout en s’assurant que le gouvernement répond présent avec des moyens
financiers conséquents pour assurer une reprise qui bénéficie à tout le monde.

À cet égard, les dispositions du projet de loi prévoyant que de simples règlements pourraient
modifier des lois nous semblent de nature à dénaturer le processus parlementaire en vertu duquel
la population, par ses représentants élus ou par l’exercice des commissions parlementaires, a un
droit de regard tant sur une proposition que sur la manière dont celle-ci est traitée. D’autant plus
qu’en plus d’une immunité politique, le gouvernement se donne une immunité juridique. En réponse
au problème qu’il se crée lui-même, le gouvernement prévoit que les ministres responsables des
projets devront rendre compte, une fois par an, de l’état d’avancement des travaux. Il nous semble
que ces dispositions affaiblissent celles déjà en place, et placent le Québec derrière d’autres
législations en matière de gouvernance démocratique. Il eût été souhaitable que le gouvernement
profite de l’occasion pour réfléchir à une relance basée sur l’adoption des meilleures pratiques
démocratiques possible. Sans juger de la volonté personnelle des ministres, nous souhaitons
rappeler au gouvernement qu’il se place dans une situation intenable dans laquelle le processus
de reddition de compte repose sur quelques ministres plutôt que sur un mécanisme solide, public
et transparent.

       2.2    Relance économique : quel projet de relance ?
   Il faut le reconnaître, l’effort que le gouvernement propose de réaliser dans le contexte actuel,
   en accélérant un ensemble de projets d’infrastructures dont il est vrai que le Québec a bien
   besoin, est important. Nous saluons également le caractère national de la stratégie privilégiée
   et ses retombées bénéfiques et concrètes tant pour les régions que pour les communautés. Il
   ne fait pas de doute que l’amélioration des infrastructures scolaires et hospitalières, le
   parachèvement de certaines voies de communication, le développement accéléré de projets
   de transport collectif longtemps attendus contribueront durablement au développement de

                                                                                                  6
certaines communautés et souvent même permettront d’y bonifier voire d’y maintenir l’offre de
services publics de première ligne.

Cependant, nous ne pouvons que relever le caractère bien étroit de la stratégie de relance
économique que propose un projet de loi qui ne mise que sur des investissements en
infrastructures. Mise à part l’autorisation aux établissements de restauration de vendre des
boissons alcoolisées pour emporter, à travers des assouplissements très spécifiques sur les
permis d’alcool, nous ne voyons aucune intervention stratégique dans aucun autre secteur de
l’économie. Pourtant, l’ensemble de l’économie a été affecté par la pandémie et le besoin
d’aide et de projets structurants se fait sentir dans tous les secteurs d’activité, depuis les
services de restauration et d’hôtellerie aux manufactures et usines de montage, en passant
par les soins aux personnes, l’industrie de production alimentaire et ce, dans toutes les
communautés et régions. Il est donc impératif qu’un vaste plan soit déployé et embrasse tous
les besoins connus pour y répondre rapidement. Bien qu’important, le levier économique de
la construction et des infrastructures n’est pas le seul moteur de l’économie québécoise, dont
la grande force est d’être très diversifiée, ce qui en fait cependant aussi le grand défi. Et il
importe de le relever dans son ensemble pour ne laisser personne derrière. La vitalité de trop
de communautés en dépend.

La vision de la relance que traduit ce projet de loi ne nous apparaît pas claire, par ailleurs.
Depuis des semaines, divers milieux se mobilisent pour réfléchir à la sortie de crise et à
l’après-pandémie. On entend régulièrement des membres du gouvernement évoquer
l’importance stratégique de miser sur une relance structurante, autour de la transition
énergétique, de la transition numérique (au cœur de laquelle le télétravail apparaît comme un
élément-clé), d’un renforcement du commerce intérieur (circuits courts, achat local,
souveraineté alimentaire), etc. Or, rien ne nous permet dans ce projet de loi de constater une
cohérence d’ensemble avec de telles intentions. Le développement d’infrastructures
numériques en est par exemple totalement absent, et les industries motrices de même que
les expertises qui caractérisent les divers secteurs économiques concernés par ces chantiers
ne sont pas concernés par le projet de loi. C’est dire combien d’occasions nous risquons de
manquer si, rapidement, un plan complémentaire n’est déployé pour concrètement stimuler
ces secteurs et réellement donner le ton à une stratégie de relance originale et tournée vers
l’avenir.

C’est probablement en matière d’objectifs et d’éthique environnementaux que la rupture entre
le plan que sous-tend le projet de loi et les attentes sociales est la plus marquée. Sous prétexte
d’accélérer la réalisation de nombreux projets d’infrastructures, le projet de loi permettrait de
contourner des dispositions en matière de protection des habitats, de couper court aux
processus d’évaluation ou carrément de sacrifier des milieux humides contre compensation
financière, alors que les attentes environnementales élevées de la population québécoise ont
fait l’objet d’une mobilisation historique pas plus tard qu’à l’automne 2019. Alors que le
ministre de l’Environnement disposera de plus de pouvoirs, notamment avec l’adoption du
projet de loi no 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les
changements climatiques et à favoriser l’électrification, son absence du quatuor économique

                                                                                                7
et du plan de relance ne peut qu’ajouter à notre inquiétude que l’environnement ne soit
simplement sacrifié sur l’autel d’une relance mal ficelée et précipitée. En témoigne
l’accélération de certains projets de bonification d’autoroutes, qui entrent en contradiction avec
la nécessaire réduction du trafic routier émetteur de gaz à effet de serre (GES), ainsi que de
la volonté d’encourager le télétravail… Contradictoire également la volonté gouvernementale
d’accélérer des projets à forte empreinte environnementale d’un côté, tout en soutenant de
l’autre des cibles de réduction des émissions de GES au Québec, alors que les ressources du
ministère de l’Environnement font défaut pour assurer le contrôle des normes et évaluations.
On s’explique ainsi d’autant mal quelle logique a présidé aux choix de certains projets à
accélérer par rapport à d’autres, que ceux-ci n’aient pas fait l’objet de débats ou de
concertation préalables, sans compter le test climat désormais nécessaire à l’heure de la mise
en œuvre de l’Accord de Paris. Ainsi, les projets exposent certains milieux naturels à une
destruction partielle ou totale sans évaluation. Cette perte de biodiversité a des impacts sur
les conditions de vie, nous n’avons qu’à penser à l’eau potable. Les évaluations
environnementales n’ont pas pour fonction de bloquer les projets, mais bien d’évaluer les
impacts environnementaux qui peuvent rapidement devenir économiques. Par exemple, bâtir
dans un milieu inondable peut vouloir dire déplacer les maisons, les vendre à perte, un rachat
du gouvernement, sans oublier le coût des assurances. On doit prendre le temps ! C’est
économique ! En coupant court à la concertation et aux précautions de mise, le gouvernement
s’expose à un blocage de la population, qui est déjà très mobilisée (ex : la marche pour
l’environnement du 27 septembre 2019) et cela ralentira systématiquement les projets. La
relance n’en serait que ralentie.

Un projet de relance robuste doit s’appuyer sur l’ensemble des secteurs et priorités de la
société et de l’économie québécoises, et répondre à des impératifs de cohérence entre ces
derniers. Cela nécessite un effort de consultations, de concertation et de coordination que ne
démontre manifestement pas le projet de loi no 61. Malheureusement, ce sont des pans
importants de nos régions, de nos communautés et de notre main-d’œuvre qui risquent d’en
payer le prix.

   2.3     Miser sur le dialogue social
Malheureusement, il apparaît que le gouvernement passe à côté d’une occasion d’établir les
bases d’un véritable partenariat avec la société civile pour plancher sur un plan de relance qui
profite à tout le monde. Ce n’est un secret pour personne que la précipitation avec laquelle la
préparation du projet de loi, incluant le délai de convocation, a pris tout le monde par surprise.
S’agit-il d’un péché par omission ou s’agit-il plutôt d’une conviction que la société civile ne
peut constituer une alliée du gouvernement? Quoi qu’il en soit, il nous apparaît que le
gouvernement aurait eu tout intérêt à inclure dans sa vision du nationalisme économique les
membres qui constituent, justement, cette nation que ce gouvernement prétend représenter.
L’Assemblée nationale peut siéger pendant l’été. Si le gouvernement souhaite toujours aller
de l’avant avec un projet de loi pour encadrer la relance économique et redéfinir les bases
d’un Québec plus innovateur, démocratique et à l’avant-garde des meilleures pratiques en

                                                                                                8
matière d’environnement et de création d’emplois, il aurait intérêt à consulter l’ensemble des
acteurs impliqués dans la relance.

Les travailleurs et les travailleuses du Québec répondent présents lorsque les défis leur sont
soumis : construction d’infrastructures importantes, soins pour les personnes vulnérables et
les personnes âgées, recherche pour trouver un traitement contre la COVID-19, livraison et
maintien des services d’épicerie et d’alimentation pour notre population, etc. Les travailleuses
et les travailleurs mettent leur santé à risque pour maintenir les services pour l’ensemble de
la population. Le gouvernement souhaite diriger le Québec, mais il semble oublier qu’au final
sont les travailleuses et les travailleurs qui rendent effective la bonne marche de l’économie.
On aurait pu les mettre à contribution dans l’élaboration de la relance économique. Est-il donc
envisageable que le gouvernement, en précipitant les choses, se coupe de celles et de ceux
qui rendent possible la reprise économique, de celles et ce ceux qui s’assurent que le territoire
est protégé, qu’un environnement sain bénéficie à tous et à toutes et que la gestion des
finances publiques soit la plus transparente et la plus efficace possible?

Ce genre de concertation est non seulement possible, mais elle a déjà été une norme au
Québec. Le premier ministre lui-même n’est pas étranger aux exercices de consultation et de
concertation, ayant occupé des fonctions ministérielles dès la fin des années 1990 où il a mis
en place des forums et autres sommets afin d’assurer au gouvernement un minimum
d’adhésion pour certains de ses projets.

Les forces vives économiques, sociales, culturelles et politiques sont prêtes à contribuer à la
relance économique, mais encore faut-il les impliquer. Il nous apparaît que le gouvernement
aurait tout à gagner en faisant preuve de leadership dans l’établissement d’un forum où tout
le monde pourrait être dans le coup.

   2.4     Pour une relance écologique et solidaire
Le gouvernement semble confondre la reprise des activités à la suite du confinement et la
relance économique qui s’impose pour affronter la récession économique post-pandémie.
Nous sommes d’avis que la première doit être opérée avec prudence et transparence, et vise
strictement le court-terme. Nous comprenons que le gouvernement, par les pouvoirs conférés
par l’état d’urgence sanitaire, contrôle la reprise dans le cadre d’un processus décisionnel
évoluant de haut en bas de type top-down. La FTQ travaille d’arrache-pied à cette reprise
depuis le déconfinement graduel décrété par le gouvernement du Québec à la fin avril. Dans
le cadre de cet exercice, notre objectif est d’utiliser tous les moyens nécessaires pour
retourner le plus grand nombre de travailleurs et de travailleuses en emploi. Nous sommes
particulièrement à l’écoute de leurs besoins et de leurs craintes. C’est pourquoi nous avons
priorisé la protection de la santé et de la sécurité dans nos revendications auprès du
gouvernement qui, pour l’occasion, a ouvert un canal de dialogue avec les partenaires socio-
économiques. Somme toute, cette opération se déroule assez bien.

                                                                                               9
Toutefois, l’arrêt volontaire de l’activité économique a plongé le Québec, du jour au
lendemain, dans la pire récession qu’il n’ait jamais connue, laquelle s’étirera sur plusieurs
années. Malgré des perspectives économiques sombres, nous croyons qu’avec la crise vient
un espace de réflexion, une promesse de changement. Elle offre l’opportunité d’effectuer un
virage en matière de stratégie de développement vers un système économique qui bénéficie
à tous et à toutes. En particulier, il nous faut retrouver un meilleur équilibre entre la stricte
logique du marché et une économie où tous les partenaires socio-économiques mettent
l’épaule à la roue pour faire les choses autrement, de manière plus démocratique, plus
respectueuse de l’environnement et en ayant à cœur la protection du bien commun. Par
conséquent, le plan de relance économique doit être fonction du long terme et ne peut se
déployer top-down ni se définir en silo ; or, c’est précisément ce que le gouvernement fait
avec son projet de loi actuel.

Contrairement aux récessions précédentes où le recul de l’économie s’expliquait par des taux
d’intérêt élevés ou des dérapages financiers, c’est l’économie réelle qui a été frappée de plein
fouet : arrêt soudain de la consommation et du système productif. Du jamais vu! Devant une
telle crise atypique, on doit faire preuve d’imagination pour repenser à fond le tissu
économique et identifier les enjeux rassembleurs et cohérents. Il importe de définir de
nouvelles stratégies de croissance et de développement qui permettront au Québec de
relancer une économie plus juste et plus durable.

Ce que le gouvernement soumet à la population est un outil classique de relance économique
soit des grands chantiers d’infrastructures. C’est une approche louable qui vise à pallier un
ralentissement prévisible de la part du secteur privé. Nous saluons la décision du
gouvernement de contribuer à la reprise économique en devançant des projets déjà prévus
dans le Plan québécois des infrastructures (PQI), notamment en matière de transport collectif.
En revanche, il n’y avait aucun motif raisonnable pour assortir ce programme accéléré
d’infrastructures à une abolition de droits fondamentaux et une absence de redditions de
compte. Ceci constitue un geste antidémocratique que nous dénonçons haut et fort.

Par ailleurs, cette approche seule ne peut être garante du succès de la relance. Il faut voir
plus loin, différemment, et adopter des mesures structurantes qui auront un impact à long
terme sur l’économie et les régions. De nombreux secteurs d’activités auront des besoins
particuliers. Des choix importants seront à faire pour soutenir la création d’emplois et pour
réaliser la nécessaire transition écologique de l’économie.

                                                                                              10
3. INFRASTRUCTURE ET CONSTRUCTION : DES DEVOIRS
       INACHEVÉS

        3.1      PROJETS VISÉS ET BESOINS DE MAIN-D’ŒUVRE : QUEL EST LE
                 PLAN ?
Par ce projet de loi no 61, le gouvernement veut relancer l’économie à travers les régions du
Québec en accélérant le processus menant à la construction de 202 projets annoncés à
l’Annexe 1. En plus, il se donne le pouvoir d’accélérer tout projet d’infrastructure publique, tout
projet élaboré par des organismes municipaux ou publics ou visant à accroître l’autosuffisance
médicale ou l’autonomie alimentaire du Québec sans les nommer, ni les définir (article 3).

Le gouvernement veut également pouvoir prendre toutes les mesures qu’il estime nécessaires
afin de prévenir ou atténuer toute conséquence découlant de la pandémie de la COVID-19 en
modifiant toute disposition d’une loi ou d’un règlement qui prévoit :

              1) « à l’égard d’un permis ou d’une autre autorisation de même nature, des
              conditions, des restrictions ou d’autres modalités qui sont afférentes à ce permis
              ou qui sont relatives à son renouvellement, ainsi que les obligations qui en
              découlent pour celui qui en est le titulaire;

              2) un délai ou une date d’échéance;

              3) le paiement d’une somme due à l’État, y compris l’intérêt y afférent ou
              l’indexation qui s’y applique;

              4) une aide fournie par un organisme public, qu’elle soit financière ou d’autre
              nature;

              5) une règle dont l’application est difficilement réalisable ou trop onéreuse dans
              les circonstances découlant de la pandémie 2 ».

Nous comprenons, en d’autres mots, que le gouvernement veut reconstruire le Québec au
complet selon ses propres règles ! Or, nous souhaitons que cela se fasse de la bonne manière
pour les travailleurs et les travailleuses de la construction.

Sans connaître l’échéancier de tous les projets annoncés et non annoncés ainsi que les intentions
du gouvernement concernant les nouveaux aménagements qu’il entend mettre en place pour
prévenir et atténuer la pandémie, nous nous interrogeons : quel est le plan ?

2
 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Projet de loi no 61, Loi visant la relance de l’économie du Québec et l’atténuation des
conséquences de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19, juin
2020, article 36, p. 17.

                                                                                                               11
La conception et la construction de tous ces projets dureront plusieurs années et exigeront de la
main-d’œuvre en quantité et en qualité suffisante dans toutes les régions du Québec.

Compte tenu du nombre et de l’envergure des projets visés, nous craignons une surchauffe dans
les besoins quantitatifs et qualitatifs de main-d’œuvre. Nos craintes sont également à savoir que
le gouvernement prenne des mesures afin de remédier à cette surchauffe qui aurait des
conséquences néfastes sur la compétence de la main-d’œuvre ou sur les droits fondamentaux
des travailleurs et des travailleuses de la construction.

Si on veut être réaliste et s’assurer que l’industrie de la construction du Québec réussisse ce
grand projet de relance, le gouvernement doit miser sur des mesures durables : planifier les
projets à travers les régions, estimer les besoins de main-d’œuvre, former, développer les
compétences et assurer une rétention de la main-d’œuvre.

Dans son document Enjeux de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction au Québec de
mars 2019, la Commission de la construction du Québec (CCQ) mentionne :

    « Il demeure essentiel que l’industrie de la construction ait accès à un nombre
    approprié de personnes diplômées pour combler ses besoins. La baisse de
    diplômes émis soulève des inquiétudes dans le contexte de rareté de la main-
    d’œuvre ; il est donc important d’en comprendre les causes. Des difficultés de
    recrutement d’élèves pour certains programmes d’études ont été soulevées par
    certains centres de formation, amenant même, dans certains cas, à l’annulation
    de cohortes. L’attraction des métiers de la construction est-elle en diminution
    depuis la baisse d’activité, ou est-ce pour des questions démographiques ? La
    prochaine section tentera de répondre à ces questions en étudiant les inscriptions
    aux programmes d’études liés à la construction 3. »

En juin 2018 survient un autre constat. Il est pertinent de rappeler les mots du Vérificateur général
du Québec (VGQ) à l’Assemblée nationale dans son rapport :

       « La compétence des travailleurs de l’industrie de la construction est un enjeu
       important et d’intérêt public. Le manque de compétence peut avoir un impact sur
       la qualité des travaux et sur la sécurité des travailleurs, et engendrer des coûts
       supplémentaires. De plus, la sophistication des technologies ainsi que la
       compétitivité des marchés obligent les employeurs à avoir recours à une main-
       d’œuvre toujours mieux qualifiée 4. »

3
  COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUEBEC (CCQ), Enjeux de main-d’œuvre dans l’industrie de la
construction au Québec, mars 2019, p.23, [En ligne] [www.ccq.org/-/media/Project/Ccq/Ccq-
Website/PDF/Etude_enjeux_main_oeuvre_VF.pdf].
4 Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2018-2019,

Compétence de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, p.7, [En ligne] [www.vgq.qc.ca
/Fichiers/Publications//rapport-annuel//2018-2019-juin2018//fr_Rapport2018-2019-PRINTEMPS-
Chap02.pdf].

                                                                                                    12
La meilleure alternative pour réussir le plan d’infrastructure du gouvernement présenté dans le
projet de loi no 61 est de former davantage de travailleurs et travailleuses. Il faut plus de diplômés
dans les écoles. Il faut également AMÉLIORER les mécanismes en place pour répondre plus
efficacement aux besoins de main-d’œuvre et de formations spécifiques.

Nous favorisons des mesures qui valorisent la diplomation et l’acquisition des compétences de
façon à assurer une bonne productivité, une meilleure rétention de la main-d’œuvre et des milieux
de travail plus sécuritaires. Il est temps que les chantiers de construction deviennent des lieux de
travail conformes aux meilleures pratiques en matière de gestion de la main-d’œuvre!

Si le gouvernement désire réaliser tous les projets du projet de loi no 61, il faut des solutions
durables afin d’assurer une bonne productivité et une relève prête à intégrer les chantiers de
construction et à s’y maintenir. Il est impensable de faire des compromis sur la qualité de cette
main-d’œuvre au profit de la quantité ou de la polyvalence. Il est essentiel pour l’industrie de
pouvoir compter sur un nombre approprié de diplômés pour combler les besoins à venir et assurer
une vraie relève.

Force est de constater que les certificats de compétence émis lors des « ouvertures de bassins
en situation de pénurie » ne sont pas des solutions durables. En effet, cette main-d’œuvre, qui
accède à l’industrie de la construction sans détenir aucune qualification, n’arrive pas à se former
et abandonne majoritairement dans les cinq ans qui suivent. Nous constatons, sur le terrain, que
les ouvertures de bassins ont plusieurs effets négatifs. Cela :

      1) Permet aux employeurs d’attirer la main-d’œuvre en lui faisant miroiter des emplois
         payants, mais qui deviennent seulement un moyen ponctuel de combler des besoins
         spécifiques de l’employeur plutôt que d’offrir une carrière durable ;
      2) Dévalorise et diminue la diplomation, car les jeunes attendent l’ouverture des
         bassins plutôt que de compléter leur DEP, ce qui affecte grandement leur préparation
         lorsqu’ils entrent dans l’industrie ;
      3) Augmente les taux d’abandon ;
      4) Diminue la qualité des travaux et la productivité ;
      5) Augmente les risques sur la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses.

Dans son ensemble, l’industrie de la construction souffre d’un problème de rétention de la main-
d’œuvre. Le taux d’abandon chez les hommes diplômés est de 35 % après 5 ans. Ce taux est de
55 % chez les femmes diplômées 5. Plusieurs personnes détiennent les qualifications pour
travailler dans l’industrie de la construction, mais préfèrent travailler ailleurs dans d’autres
industries. La stabilité de l’emploi et la santé et la sécurité sur les chantiers sont des facteurs
importants dans le choix de carrière des travailleurs et des travailleuses de la construction.

On ne peut pas tourner les coins ronds. La productivité de cette industrie repose sur la
compétence de ces travailleurs et ces travailleuses. Il faut donc privilégier la formation
professionnelle en améliorant la planification des besoins de main-d’œuvre.

5
    Bilan annuel 2018 du Programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie de la construction 2015-2024

                                                                                                                  13
4. COMMENTAIRES SUR LES CHANGEMENTS PROPOSÉS PAR
      LE PROJET DE LOI NO 61

       4.1     Planification des travaux publics
Le gouvernement et les organismes publics sont les principaux donneurs d’ouvrages des projets
visés par le projet de loi no 61. Les grands travaux d’infrastructures et d’édifices publics, ciblés par
le projet de loi, exigent les meilleures pratiques en termes de planification des échéanciers et des
coûts. L’importance de ces enjeux a été démontrée à plusieurs reprises dans le passé notamment,
à la Commission Charbonneau. Afin de doter le Québec d’infrastructures publiques de qualité
répondant aux besoins actuels, des compétences spécialisées sont exigées. Le gouvernement
doit continuer d’assurer une saine planification et gestion des projets afin de mieux gérer les coûts,
stabiliser la demande de main-d’œuvre et garantir la qualité des travaux et la santé et sécurité de
façon continue sur ces chantiers.

       4.2     Économie régionale
Chaque travailleur et travailleuse qui détient une formation professionnelle (DEP) est un travailleur
et une travailleuse qui a plus de possibilités d’emploi et plus de stabilité financière. Nous sommes
heureux de constater que le projet de loi no 61 met en place des projets dans toutes les régions
du Québec. L’activité économique régionale nous tient à cœur. Nous considérons ces projets
comme une opportunité de créer un bassin de travailleuses et de travailleurs qualifiés dans les
régions pour aujourd’hui et pour l’avenir.

Les 140 représentants syndicaux et représentantes syndicales de la FTQ-Construction travaillent
partout au Québec et connaissent très bien les enjeux économiques de leur région.
Les travailleurs et les travailleuses habitant dans les régions désirent avant tout travailler près de
leur famille. L’embauche régionale est un des principes fondamentaux de notre système de
gestion de la main-d’œuvre. Les travailleurs et les travailleuses de la région doivent pouvoir
compter sur une priorité d’embauche pour les projets qui sont dans leur cour.

Nous demandons au gouvernement de conserver notre industrie forte et productive partout en
région : il s’agit d’un enjeu fondamental!

                                                                                                     14
INDICATEUR DE L’ACTIVITÉ DE L’INDUSTRIE ASSUJETTIE, 2009-2018
                                                                                                                    2018
                   2009        2010       2011       2012       2013        2014     2015      2016    2017
                                                                                                                Nomb Variati
                                                                                                                 re   on
    Nombre
                                                                                                                 165 3
de salariés1      145 857    153 289     159 607 164 045 161 901          158 085   153 587   154 118 157 560          4,9 %
                                                                                                                  21
     Heures
travaillées (en    133,8      144,3       156,4      165,5      155,1      149,6    140,6     145,4    148,4    163,0   9,9 %
millions)
    Moyenne
annuelle des
heures             917         941         980       1 009       958        946      915       944      942     986     4,7 %
travaillées
par salarié
     Salaire
annuel            30 938      32 500     35 200     37 846     36 445      36 889   36 112    38 432   38 807 41 518    7,0 %
moyen ($) 2
     Masse
salariale (en      4 512      4 982       5 618      6 208      5 900      5 832    5 546      5 923   6 114    6 864   12,3 %
millions $) 2
    Nombre
d’employeurs      24 251      24 873     25 096     25 462     25 830      25 855   25 862    25 875   25 802 25 808    0,0 %

   1
    Salariés ayant travaillé au moins une heure dans l’année.
   2
    Incluant les indemnités de congés, les primes et les heures supplémentaires.
   Source : CCQ avril 2019

                                        NOMBRE D’HEURES TRAVAILLÉES
                                             (en millions d’heures)
         Secteur                                                                        2019                 2020
                                                                  2018
                                                                                    (Estimation)        (Prévision)
         Total                                                    163,3                177,0                173,5
                                        Variation                 10 %                   9%                  -2 %
         Génie civil et voirie                                    32,7                  35,0                 33,0
                                        Variation                 11 %                   7%                  -6 %
         Industriel                                               10,6                  12,0                 11,5
                              Variation                            0%                   13 %                 -4 %
         Institutionnel et commercial                             88,9                  98,0                 98,0
                              Variation                           12 %                  10 %                 0%
         Résidentiel                                              30,9                  32,0                 31,0
                              Variation                            7%                    4%                  -3 %
   Source : Perspective 2020, CCQ

                                                                                                                        15
ACTIVITÉ RÉGIONALE
                                  Variation du nombre d’heures travaillées
        Région                                        2017      2018         2019         2020
                                                                          (Estimation) (Prévision)
        Bas St -Laurent-Gaspésie                      -8,9 %    3,0 %        10 %         -7 %
        Saguenay-Lac-St-Jean                          -7,2 %    14,0 %       24 %         -1 %
        Québec                                        5,6 %     9,8 %        3%           1%
        Mauricie-Bois-Francs                          8,9 %     7,8 %        0%           -7 %
        Estrie                                        6,8 %     8,5 %        12 %         -1 %
        Grand Montréal                                1,2 %     10,5 %       9%           -2 %
        Outaouais                                     5,3 %     14,2 %       20 %         -5 %
        Abitibi-Témiscamingue                         -0,4 %    10,5 %       16 %         -12 %
        Côte-Nord                                     35,7 %    -5,5 %       16 %         -15 %
        Baie-James                                    -7,5 %    -4,7 %       12 %         -5 %
        Ensemble du Québec                            1,8 %     9,9 %        9%           -2 %
Source : statistiques CCQ et Perspective 2020, CCQ

                      Moyenne d’heures travaillées selon la région de domicile 6
                      Bas-St-Laurent-Gaspésie                              780,07
                      Saguenay-Lac-Saint-Jean                              757,56
                      Québec                                               973,86
                      Mauricie-Bois-Francs                                 897,15
                      Estrie                                               872,59
                      Grand Montréal                                     1003,31
                          Île de Montréal                                  969,54
                          Montérégie                                     1014,19
                          Laval-Laurentides-Lanaudière                   1006,86
                      Outaouais                                            692,61
                      Abitibi-Témiscamingue                                755,38
                      Baie-James                                           712,33
                      Côte-Nord                                            902,44
                      Extérieur                                            227,06

6
    CCQ, avril 2018. Calcul effectué par FTQ-Construction

                                                                                                16
4.3      Travail au noir
Le travail au noir est un fléau de notre industrie. Il prive le gouvernement de millions de dollars
nécessaires au maintien des services dispensés par l’État et les services publics. Afin de lutter
contre ce dernier, le gouvernement du Québec a investi depuis une vingtaine d’années
d’importantes sommes d’argent. Le tableau suivant fait état des divers montants alloués par le
Conseil du trésor à la lutte contre le travail au noir ainsi que des montants récupérés auprès des
délinquants.

SUBVENTION DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC « LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU
                            NOIR 7 »
                 Année              Montant de la subvention ($)                     Montant récupéré ($)

                  2010                           9 000 000                                  11 400 000

                  2011                           8 725 000                                  12 500 000

                  2012                           6 210 000                                  13 000 000

                  2013                           5 000 000                                  10 400 000

                  2014                           4 250 000                           Donnée non disponible

                  2015                           3 720 000                                  13 900 000

                  2016                           3 507 000                                     10 426 168

                  2017                           3 714 000                                     15 125 594

                  2018                           4 077 000                                     17 763 391

Fait surprenant, les subventions accordées à l’industrie ne cessent de décroitre alors que la lutte
à ce fléau social est loin d’être terminée. On pourra argüer que l’industrie peut lutter elle-même
contre le travail au noir et pourvoir au financement de cette lutte, mais il s’agit d’une réalité qui
dépasse l’industrie de la construction. Le travail au noir persiste et ternit l’image de l’industrie, ce
qui la rend vulnérable et moins attirante pour de futurs travailleurs et travailleuses. La CCQ ne
suffit pas à la tâche, car elle manque de ressources.

Le gouvernement doit tenir compte de cette réalité s’il veut changer les règles. Nous le mettons
en garde : les personnes s’adonnant à des pratiques immorales, illégales, à la fraude et la
corruption auront vite fait de saisir toutes les occasions qui se présenteront.

7   Ces informations apparaissent soit dans le rapport de gestion soit dans les états financiers de la CCQ.

                                                                                                              17
À cet égard, les articles 4, 28, 29, 30, les chapitres 3 et 5 nous inquiètent fortement.

       4.4     Octroi des contrats publics
La FTQ Construction propose l’abolition de la règle du plus bas soumissionnaire. Cette méthode
d’octroi des contrats publics a un impact direct sur l’application des conventions collectives et sur
la santé et sécurité des travailleurs et travailleuses. En effet, pour s’assurer l’octroi d’un contrat,
certains soumissionnaires font des coupures sur le dos des travailleurs et des travailleuses en
réduisant leurs conditions de travail illégalement et en négligeant la prévention en santé et sécurité
au travail.

Nous proposons que la sélection des soumissionnaires se fasse sur la base de bonnes pratiques
en santé et sécurité du travail ainsi qu’ en matière de conformité des conventions collectives.
L’entrepreneur devrait fournir une attestation préalablement obtenue auprès des organismes
publics en cause soit la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du
travail (CNESST) et la CCQ.

                                                                                                    18
5. RECOMMANDATIONS
1) Agir de manière plus démocratique, les articles 4, 28, 29, 30, les chapitres 3 et 5 nous inquiète
   fortement ;
2) Le gouvernement doit assurer une saine planification des appels d’offres et des travaux
   publics et grands projets ;
3) Une estimation quantitative et qualitative des besoins de main-d’œuvre par région doit être
   réalisée par l’industrie de la construction selon la planification des travaux publics et grands
   projets ;
4) Prioriser la compétence de la main-d’œuvre ;
5) Prioriser l’embauche régionale ;
6) Le Ministère de l’Éducation doit augmenter et promouvoir les activités de formation et
   perfectionnement en région ;
7) Le gouvernement doit assurer, promouvoir et améliorer la lutte contre le travail au noir ;
8) Abolir la règle du plus bas soumissionnaire.

Au-delà des objectifs du projet de loi no 61 pour assurer la relance économique du Québec, à
laquelle souscrivent la FTQ, la FTQ-Construction et nos affiliés, nous sommes particulièrement
interpellés par l’échéancier des projets visés et les moyens qui seront mis en place pour l’atteinte
de ces objectifs.

Il est essentiel de bien mesurer l’efficacité des moyens choisis, car les défis pour notre industrie
sont énormes. La relance du Québec repose en grande partie sur la stabilité de la main-d’œuvre.
Depuis toujours, l’industrie de la construction du Québec est reconnue pour la compétence de sa
main-d’œuvre. Aujourd’hui, nous devons constater que nous avons perdu beaucoup en termes
de qualité de main-d’œuvre. Pour la FTQ et la FTQ Construction, cette situation n’est plus
tolérable. L’industrie de la construction a besoin d’une relève forte et compétente pour relever ce
nouveau défi.

La FTQ et la FTQ Construction souhaitent être des partenaires actifs afin de trouver les solutions
nécessaires pour répondre à la demande de main-d’œuvre.

                                                                                                 19
6. CONCLUSION

Bien que la FTQ et la FTQ-Construction soulignent la volonté du gouvernement de procéder à
d’importants investissements publics pour contribuer à la relance de l’économie du Québec, nous
portons à l’attention de ce dernier que la précipitation avec laquelle il procède pour arriver à ses
objectifs risque de fragiliser à la fois la gestion de la pandémie, l’économie du Québec et
l’adhésion de la population et des groupes de la société civile à son plan de relance.

Nous constatons plusieurs problèmes dans le projet de loi, tel qu’il est présenté à l’heure actuelle.
Déposé sans avoir fait l’objet d’une concertation rigoureuse avec les partenaires sociaux et
économiques, le projet de loi mise essentiellement sur des projets d’infrastructures déjà prévus et
fait l’impasse sur de nombreux secteurs. Pour la FTQ et la FTQ-Construction, une relance
structurante de l’économie ne peut se faire au détriment des droits fondamentaux des citoyens et
des citoyennes du Québec. À cet égard, la suspension du droit de contester une expropriation ou
la compensation financière en cas de dérogation aux lois et règlements pour la protection de
l’environnement auront pour effet de miner la cohésion sociale en plus de détériorer un territoire
qui doit bénéficier à tous et à toutes. Pour la FTQ et la FTQ-Construction, la qualité de vie des
Québécois et des Québécoises passe par une relance économique qui s’inscrit dans les principes
de la transition juste, assurant au Québec de jeter les bases d’un avenir prospère, à l’avant-garde
des nouveaux emplois respectueux de l’environnement et des meilleures conditions de travail
possibles.

Chemin faisant, même s’il se base en bonne partie sur les investissements en infrastructures, le
projet de loi a de nombreux angles morts en matière de construction. La FTQ et la FTQ-
Construction sont d’avis que le gouvernement aurait tout intérêt à s’assurer, notamment, que les
projets d’une région particulière puissent bénéficier d’une main-d’œuvre locale et compétente. Le
gouvernement gagnerait à inclure des dispositions assurant l’augmentation et la promotion des
activités de formation et de perfectionnement en région. De plus, afin de s’assurer que la relance
profite à tous et à toutes et évite de revenir dans les scandales du passé, il est impératif que le
gouvernement mette les moyens nécessaires à la lutte à l’évasion fiscale, à la lutte travail au noir
ainsi qu’à la surveillance publique des dépenses en infrastructures. Enfin, il serait à l’avantage du
gouvernement à impliquer l’Assemblée nationale et les partenaires socio-économiques dans le
suivi et la gestion de la relance économique.

En définitive, nous avons devant nous un projet de loi indéniablement perfectible, tant sur le plan
de la protection des droits fondamentaux, que la protection de l’environnement, l’inclusion des
partenaires socio-économiques dans la conception et la gestion de la relance économique. Les
travailleurs et les travailleuses répondront toujours présents et présentes aux défis de notre
génération. Il importe maintenant de les inclure dans la planification du Québec de demain.

LC/JVP/WC/SV/mk
SEPB574
09JUIN2020

                                                                                                  20
Vous pouvez aussi lire