Le plaisir des sons et des spectacles - Roger Chamberland - Érudit
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Document generated on 09/22/2021 3:12 a.m. Québec français Le plaisir des sons et des spectacles Roger Chamberland Enseignement stratégique Number 96, Winter 1995 URI: https://id.erudit.org/iderudit/44351ac See table of contents Publisher(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (print) 1923-5119 (digital) Explore this journal Cite this review Chamberland, R. (1995). Review of [Le plaisir des sons et des spectacles]. Québec français, (96), 89–91. Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1995 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
CHANSON Roger CHAMBERLAND LES ALBUMS DE L'AUTOMNE Le plaisir des sons et des spectacles Avec la rentrée d'automne, l'industrie du disque se remet en piste après un été où les surprises ont été plutôt rares. Mais voici que paraissent enfin les albums tant attendus de Térez Montcalm, Zébulon, Abbittibbi avec Richard Desjardins alors que la chanson française nous présente, entre autres, les nouveautés d'Alain Bashung et Mano Solo. V ^ e t t e musique, généralement calme jusque dans ses moindres replis, se fait passablement secouer par tout un cou- rant musical marginal, ignoré des ondes radio mais bien implanté dans la culture parallèle d'une jeunesse désabusée tant par la société que par les compagnies de disques qui ne pensent que produits faci- éclectique, la thématique reste néanmoins les, marketing et profits. Phénomène de centrée sur l'amour, ses aléas et avatars. socialisation plus que d'esthétisation, la Térez Montcalm ne joue pourtant pas culture « alternative » offre une autre vi- l'amoureuse éplorée ou mélancolique ; sion d'un monde à notre image; celle elle se présente plutôt comme la femme d'une jeunesse volontairement icono- lucide et forte qui remet en question et claste à qui échappe une véritable prise tente de rédéfinir sa relation amoureuse. en charge du réel. Je vous propose d'écou- ter Les Secrétaires Volantes, histoire de se intérêt pour cette nouvelle venue même C h a u d e é t a i t la n u i t mettre à l'écoute de ce qui sourd d'un si elle n'est pas entièrement débutante R i c h a r d Desjardins avec A b b i t t i b b i groupe social pour qui « le baise-main ne dans le métier. Sa carrière de choriste est Sur disque ou en spectacle, Richard Des- fait pas les mains propres », comme l'écri- bien assise, et la seule fois où je l'ai jardins a la cote ; depuis quatre ans, tout vait Léo Ferré. entendue chanter seule en spectacle, c'est ce qu'il fait paraître ou les prestations lors de la présentation du Café des aveu- qu'il donne, seul ou avec son groupe Risque gles de Carbone 14, alors qu'elle emplis- nouvellement reconstitué après plus de Térez M o n t c a l m sait la scène à elle seule. Son disque est dix ans de séparation, reçoit les meilleurs Son premier vidéoclip, « Risque »,m'avait une agréable surprise pour l'oreille ; 12 critiques. Son récent album, et la tournée accroché ; une voix plutôt basse et rau- chansons, dont 8 sont de sa plume, aux- de spectacle qui va de pair, ne font pas que, une mélodie accrocheuse et un texte quelles s'ajoutent 1 reprise du succès de exception à la règle : Chaude était la qui nous sort du ronron des chansons Claude Nougaro, « Le cinéma », « For nuit est probablement l'un des meilleurs d'amour clichés. La parution de son dis- me... Formidable » popularisée parChar- albums parus cette année. Et que dire du que, qui porte le même titre que la chan- les Aznavour, 1 chanson de Tom Waits et spectacle ! Les 14 chansons du disque son qui l'a fait connaître, confirme mon une de Willie Dixon. Si l'ensemble est offrent une autre facette du Desjardins QUWUCfrançais • HIVER 1995 «NUMÉRO96 89
que l'on avait connu sur Tu m'aimes-tu interprète la majorité des pièces de son est à vivre avec son corps dans le déchaî- et Les derniers humains : un côté beau- album avec, en prime, une nouvelle ver- nement des gestes et le tumulte de la coup plus rock'n roll avec des emprunts sion de « Boomtown Café » et une inter- foule. Comme pour la musique rap, le au boogie-woogieetà la musique country prétation tout à fait saisissante de « Le punk-rock ne passe bien que s'il est saisi auxquels s'ajoutent des accents arabi- cœur est un oiseau » et « Les Yankees ». et vécu dans toute sa densité, dans les sants. Peu importe le style musical puis- Un superbe spectacle dont les supplé- mouvements de laisser-aller où l'autre que persiste cette écriture poétique aux mentaires se multiplient partout où il représente le rempart contre la médio- images éloquentes, surréalistes ou, au passe. crité. Rares sont les groupes de punk- contraire, d'un réalisme criant, qui tou- rock québécois, plus rares encore sont chent l'auditeur à tout coup. Si le dépay- Zébulon ceux qui peuvent endisquer - on devine sement s'opère sur le plan musical, sur le Comme Térez Montcalm, Zébulon a long- aisément la réticence des compagnies de plan de la thématique nous sommes à temps tourné à la radio et en vidéoclip disques importantes à privilégier ce type nouveau confronté aux thèmes habi- (« Job Steady ») avant de lancer son pre- de musique ; avec Meconium, Les Secré- tuels de Desjardins : l'amour et ses plai- mieralbum simplement intitulé Zébulon. taires Volantes viennent d'élargir leur sirs, la femme, la vie en région éloignée O n attendait beaucoup de ce groupe public jusque là recruté dans les salles où et le plaisir d'être vivant et de le chanter, gagnant du concours « L'empire des fu- ils (elles) se donnent en spectacle. De en texte ou en musique. turs stars » en 1993 et il faut dire que ce type« Cabaret Destroy », pour reprendre Cette convivialité se retrouve sur premier disque n'est pas tout à fait à la l'expression de la pochette de presse, scène : Desjardins et ses cinq musiciens hauteur de nos attentes. Après treize chan- une soirée avec Les Secrétaires Volantes d'Abbittibbi ( Francis Grandmont, Claude sons, le groupe n'arrive pas à prendre son permet de mieux saisir la teneur et la Vendette, Rémy Perron et Pierre Hébert) envol à cause de l'impression de répéti- portée du punk-rock. Doit-on s'étonner jouent pour leur plaisir et pour leur pu- tion qui se dégage de plusieurs pièces que tant d'adolescents plus ou moins blic, multipliant les envolées solistes où comme si Zébulon s'était donné un vieux se coltinent avec cette musique ? chaque musicien peut donner sa vérita- « son » qu'il cherchait à exploiter au ble mesure. Et quels musiciens !!! Des- maximum. De la même manière, on Chatterton jardins sait s'effacer pour que la musique tourne en rond dans ces chansons qui Alain Bashung prenne toute la place, mais il sait aussi nous renvoient à la vie de vieux adoles- J'ai toujours eu un faible pour Alain être présent d'une façon efficace en pré- cents à la libido débordante, pour qui la Bashung qui, de disque en disque, nous sentant quelques pièces avec la verve baise, la bandaison et les petites culottes réserve toujours des surprises. Après Osez qu'on lui connaît. Pendant plus de deux occupent un large pan de leurs fantas- Joséphine, qui n'a pas obtenu le succès heures et demie, Abbittibbi fait la fête et mes. Tout se joue en bas de la ceinture, escompté, Bashung s'est associé à Jean tel aurait pu être le titre de cet album qui, Fauque pour les textes, en plus de s'en- pourtant, s'est longtemps fait attendre tourer d'un trio de guitares, en plus de la afin de répondre aux exigences, disait- basse, de la batterie et des claviers. Le on, du groupe Audiogram. Toutes ces résultat est saisissant : des chansons qui réserves ne tiennent guère si l'on se fie à créent un univers surréaliste par mo- l'accueil qui est fait au groupe lors de son ments mais combien riche d'images évo- spectacle ; il faut croire que, sur scène, catrices et subtiles. Ces pièces sont en- l'énergie explosive des musiciens sup- core soutenues par des mélodies qui ne plée au reste. bousculent rien mais possèdent la pro- fondeur des jeux de guitares, mêlant riffs, Meconium réverbération, accents plaintifs et notes Les Secrétaires V o l a n t e s franches. Il faut dire qu'à la première Avec Les Secrétaires Volantes au moins écoute, ce disque est plutôt déconcer- on sait à quoi s'en tenir. La musique tant ; on n'y retrouve pas le style rock de décroche de ses mélodies charmeuses et Bashung, au contraire, nous sommes vous entraîne dans ses rythmes fulgurants emportés dans des rythmes de jazz, de où la vitesse d'exécution vise moins à musique country ou expérimentale, de prouver l'excellence des musiciens qu'à rock léger, bref des styles divers qui for- créer un fond sonore sur lequel on dé- ment pourtant un heureux mélange que clame un texte en s'y accordant le plus l'on apprend à aimer au fil des auditions. possible. Musique de dérision s'il en est Contrairement à ce que l'on rencontre où l'on cherche à dénigrer ces guitars fréquemment dans la musique populaire, heroes qui ont fait les belles heures de la les paroles jouent un rôle de premier musique rock ; textes où l'on expose sa plan, la musique étant par ailleurs placée condition et où l'on tourne en ridicule la derrière la voix, bien en retrait. O n écoute société bien-pensante. Certes, cela n'est Chatterton une première fois, puis on se pas nouveau, l'ironie a toujours été l'arme laisse prendre au jeu d'essayer de saisir le favorite des laissés-pour-compte, mais sens qui ne se dévoile pas à la première ici, on ne s'adresse pas qu'à la cons- écoute, mais commande une attention cience, puisque cette musique punk-rock particulière, permettant, du même coup, 90 QUtnCfrançais • HIVER 1995 «NUMÉRO9*
de dévoiler toute la richesse de cette musique. La m a r m a i l l e n u e , M a n o Solo Dans la pure tradition française, voilà La marmaille nue, texte, musique et inter- prétation de Mano Solo. Quinze chan- sons bien ficelées avec leurs paroles qui évoquent Paris avec ses accordéons et ses histoires tristes d'écorchés vifs. Solo joue à fond la carte du Paris typique et raconte la vie longue et pénible de ceux qui ne se sont pas encore fait à la dureté de la ville. On sera particulièrement saisi par cette voix éraillée et chevrotante qui ajoute des effets dramatiques à ces petits scénarios qui ne sont déjà pas drôles. Un disque digne des boîtes à chanson ou d'une journée où l'on se sent particuliè- rement en forme car le propos confine à la nostalgie, voire à la tristesse. • DISCOGRAPHIE Térez Montcalm, Risque, BMG 74321-19854-2 Richard Desjardins/Abbittibbi, Chaude était la nuit, FUCD-5 Zébulon, Zébulon, Audiogram ADCD 10080 Les Secrétaires Volantes, Meconium, ENC 033 Alain Bashung, Chatterton, Barclay 523 111-2 Mano Solo, La marmaille nue, Carrere Music/East West 4509-94122-2 rue Sainte-Catherine Est Montréal (Québec) H2X 1K9 Tél.: (514)875-8972 Télécopieur: (514) 875-1590 Ov PuWicition WaGBEC Inc QUtBËCfrançais • HIVER 1995 «NUMÉRO96 91
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