Le plaisir des sons et des spectacles - Roger Chamberland - Érudit

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Le plaisir des sons et des spectacles - Roger Chamberland - Érudit
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Québec français

Le plaisir des sons et des spectacles
Roger Chamberland

Enseignement stratégique
Number 96, Winter 1995

URI: https://id.erudit.org/iderudit/44351ac

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Publisher(s)
Les Publications Québec français

ISSN
0316-2052 (print)
1923-5119 (digital)

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Chamberland, R. (1995). Review of [Le plaisir des sons et des spectacles].
Québec français, (96), 89–91.

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Le plaisir des sons et des spectacles - Roger Chamberland - Érudit
CHANSON
                Roger
            CHAMBERLAND                        LES ALBUMS DE L'AUTOMNE

                  Le plaisir des sons
                  et des spectacles
Avec la rentrée d'automne, l'industrie du disque se
remet en piste après un été où les surprises ont été
plutôt rares. Mais voici que paraissent enfin les albums
tant attendus de Térez Montcalm, Zébulon, Abbittibbi
avec Richard Desjardins alors que la chanson française
nous présente, entre autres, les nouveautés d'Alain
Bashung et Mano Solo.

 V ^ e t t e musique, généralement calme
jusque dans ses moindres replis, se fait
passablement secouer par tout un cou-
rant musical marginal, ignoré des ondes
radio mais bien implanté dans la culture
parallèle d'une jeunesse désabusée tant
par la société que par les compagnies de
disques qui ne pensent que produits faci-                                                    éclectique, la thématique reste néanmoins
les, marketing et profits. Phénomène de                                                      centrée sur l'amour, ses aléas et avatars.
socialisation plus que d'esthétisation, la                                                   Térez Montcalm ne joue pourtant pas
culture « alternative » offre une autre vi-                                                  l'amoureuse éplorée ou mélancolique ;
sion d'un monde à notre image; celle                                                         elle se présente plutôt comme la femme
d'une jeunesse volontairement icono-                                                         lucide et forte qui remet en question et
claste à qui échappe une véritable prise                                                     tente de rédéfinir sa relation amoureuse.
en charge du réel. Je vous propose d'écou-
ter Les Secrétaires Volantes, histoire de se   intérêt pour cette nouvelle venue même        C h a u d e é t a i t la n u i t
mettre à l'écoute de ce qui sourd d'un         si elle n'est pas entièrement débutante       R i c h a r d Desjardins avec A b b i t t i b b i
groupe social pour qui « le baise-main ne      dans le métier. Sa carrière de choriste est   Sur disque ou en spectacle, Richard Des-
fait pas les mains propres », comme l'écri-    bien assise, et la seule fois où je l'ai      jardins a la cote ; depuis quatre ans, tout
vait Léo Ferré.                                entendue chanter seule en spectacle, c'est    ce qu'il fait paraître ou les prestations
                                               lors de la présentation du Café des aveu-     qu'il donne, seul ou avec son groupe
Risque                                         gles de Carbone 14, alors qu'elle emplis-     nouvellement reconstitué après plus de
Térez M o n t c a l m                          sait la scène à elle seule. Son disque est    dix ans de séparation, reçoit les meilleurs
Son premier vidéoclip, « Risque »,m'avait      une agréable surprise pour l'oreille ; 12     critiques. Son récent album, et la tournée
accroché ; une voix plutôt basse et rau-       chansons, dont 8 sont de sa plume, aux-       de spectacle qui va de pair, ne font pas
que, une mélodie accrocheuse et un texte       quelles s'ajoutent 1 reprise du succès de     exception à la règle : Chaude était la
qui nous sort du ronron des chansons           Claude Nougaro, « Le cinéma », « For          nuit est probablement l'un des meilleurs
d'amour clichés. La parution de son dis-       me... Formidable » popularisée parChar-       albums parus cette année. Et que dire du
que, qui porte le même titre que la chan-      les Aznavour, 1 chanson de Tom Waits et       spectacle ! Les 14 chansons du disque
son qui l'a fait connaître, confirme mon       une de Willie Dixon. Si l'ensemble est        offrent une autre facette du Desjardins

QUWUCfrançais • HIVER 1995 «NUMÉRO96                                                                                                        89
Le plaisir des sons et des spectacles - Roger Chamberland - Érudit
que l'on avait connu sur Tu m'aimes-tu          interprète la majorité des pièces de son        est à vivre avec son corps dans le déchaî-
 et Les derniers humains : un côté beau-         album avec, en prime, une nouvelle ver-         nement des gestes et le tumulte de la
 coup plus rock'n roll avec des emprunts         sion de « Boomtown Café » et une inter-         foule. Comme pour la musique rap, le
 au boogie-woogieetà la musique country          prétation tout à fait saisissante de « Le       punk-rock ne passe bien que s'il est saisi
 auxquels s'ajoutent des accents arabi-          cœur est un oiseau » et « Les Yankees ».        et vécu dans toute sa densité, dans les
 sants. Peu importe le style musical puis-       Un superbe spectacle dont les supplé-           mouvements de laisser-aller où l'autre
 que persiste cette écriture poétique aux        mentaires se multiplient partout où il          représente le rempart contre la médio-
 images éloquentes, surréalistes ou, au          passe.                                          crité. Rares sont les groupes de punk-
 contraire, d'un réalisme criant, qui tou-                                                       rock québécois, plus rares encore sont
 chent l'auditeur à tout coup. Si le dépay-      Zébulon                                         ceux qui peuvent endisquer - on devine
 sement s'opère sur le plan musical, sur le      Comme Térez Montcalm, Zébulon a long-           aisément la réticence des compagnies de
 plan de la thématique nous sommes à             temps tourné à la radio et en vidéoclip         disques importantes à privilégier ce type
 nouveau confronté aux thèmes habi-              (« Job Steady ») avant de lancer son pre-       de musique ; avec Meconium, Les Secré-
 tuels de Desjardins : l'amour et ses plai-      mieralbum simplement intitulé Zébulon.          taires Volantes viennent d'élargir leur
 sirs, la femme, la vie en région éloignée       O n attendait beaucoup de ce groupe             public jusque là recruté dans les salles où
 et le plaisir d'être vivant et de le chanter,   gagnant du concours « L'empire des fu-          ils (elles) se donnent en spectacle. De
 en texte ou en musique.                         turs stars » en 1993 et il faut dire que ce     type« Cabaret Destroy », pour reprendre
       Cette convivialité se retrouve sur        premier disque n'est pas tout à fait à la       l'expression de la pochette de presse,
 scène : Desjardins et ses cinq musiciens        hauteur de nos attentes. Après treize chan-     une soirée avec Les Secrétaires Volantes
 d'Abbittibbi ( Francis Grandmont, Claude        sons, le groupe n'arrive pas à prendre son      permet de mieux saisir la teneur et la
 Vendette, Rémy Perron et Pierre Hébert)         envol à cause de l'impression de répéti-        portée du punk-rock. Doit-on s'étonner
 jouent pour leur plaisir et pour leur pu-       tion qui se dégage de plusieurs pièces          que tant d'adolescents plus ou moins
 blic, multipliant les envolées solistes où      comme si Zébulon s'était donné un               vieux se coltinent avec cette musique ?
 chaque musicien peut donner sa vérita-           « son » qu'il cherchait à exploiter au
 ble mesure. Et quels musiciens !!! Des-         maximum. De la même manière, on                 Chatterton
 jardins sait s'effacer pour que la musique      tourne en rond dans ces chansons qui            Alain Bashung
 prenne toute la place, mais il sait aussi       nous renvoient à la vie de vieux adoles-        J'ai toujours eu un faible pour Alain
 être présent d'une façon efficace en pré-       cents à la libido débordante, pour qui la       Bashung qui, de disque en disque, nous
 sentant quelques pièces avec la verve           baise, la bandaison et les petites culottes     réserve toujours des surprises. Après Osez
 qu'on lui connaît. Pendant plus de deux         occupent un large pan de leurs fantas-          Joséphine, qui n'a pas obtenu le succès
 heures et demie, Abbittibbi fait la fête et     mes. Tout se joue en bas de la ceinture,        escompté, Bashung s'est associé à Jean
                                                 tel aurait pu être le titre de cet album qui,   Fauque pour les textes, en plus de s'en-
                                                 pourtant, s'est longtemps fait attendre         tourer d'un trio de guitares, en plus de la
                                                 afin de répondre aux exigences, disait-         basse, de la batterie et des claviers. Le
                                                 on, du groupe Audiogram. Toutes ces             résultat est saisissant : des chansons qui
                                                 réserves ne tiennent guère si l'on se fie à     créent un univers surréaliste par mo-
                                                 l'accueil qui est fait au groupe lors de son    ments mais combien riche d'images évo-
                                                 spectacle ; il faut croire que, sur scène,      catrices et subtiles. Ces pièces sont en-
                                                 l'énergie explosive des musiciens sup-          core soutenues par des mélodies qui ne
                                                 plée au reste.                                  bousculent rien mais possèdent la pro-
                                                                                                 fondeur des jeux de guitares, mêlant riffs,
                                                 Meconium                                        réverbération, accents plaintifs et notes
                                                 Les Secrétaires V o l a n t e s                 franches. Il faut dire qu'à la première
                                                 Avec Les Secrétaires Volantes au moins          écoute, ce disque est plutôt déconcer-
                                                 on sait à quoi s'en tenir. La musique           tant ; on n'y retrouve pas le style rock de
                                                 décroche de ses mélodies charmeuses et           Bashung, au contraire, nous sommes
                                                 vous entraîne dans ses rythmes fulgurants       emportés dans des rythmes de jazz, de
                                                 où la vitesse d'exécution vise moins à          musique country ou expérimentale, de
                                                 prouver l'excellence des musiciens qu'à          rock léger, bref des styles divers qui for-
                                                 créer un fond sonore sur lequel on dé-          ment pourtant un heureux mélange que
                                                 clame un texte en s'y accordant le plus          l'on apprend à aimer au fil des auditions.
                                                 possible. Musique de dérision s'il en est       Contrairement à ce que l'on rencontre
                                                 où l'on cherche à dénigrer ces guitars          fréquemment dans la musique populaire,
                                                 heroes qui ont fait les belles heures de la      les paroles jouent un rôle de premier
                                                 musique rock ; textes où l'on expose sa         plan, la musique étant par ailleurs placée
                                                 condition et où l'on tourne en ridicule la      derrière la voix, bien en retrait. O n écoute
                                                 société bien-pensante. Certes, cela n'est        Chatterton une première fois, puis on se
                                                 pas nouveau, l'ironie a toujours été l'arme      laisse prendre au jeu d'essayer de saisir le
                                                 favorite des laissés-pour-compte, mais          sens qui ne se dévoile pas à la première
                                                 ici, on ne s'adresse pas qu'à la cons-          écoute, mais commande une attention
                                                 cience, puisque cette musique punk-rock         particulière, permettant, du même coup,

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de dévoiler toute la richesse de cette
musique.

La m a r m a i l l e n u e , M a n o Solo
Dans la pure tradition française, voilà La
marmaille nue, texte, musique et inter-
prétation de Mano Solo. Quinze chan-
sons bien ficelées avec leurs paroles qui
évoquent Paris avec ses accordéons et
ses histoires tristes d'écorchés vifs. Solo
joue à fond la carte du Paris typique et
raconte la vie longue et pénible de ceux
qui ne se sont pas encore fait à la dureté
de la ville. On sera particulièrement saisi
par cette voix éraillée et chevrotante qui
ajoute des effets dramatiques à ces petits
scénarios qui ne sont déjà pas drôles. Un
disque digne des boîtes à chanson ou
d'une journée où l'on se sent particuliè-
rement en forme car le propos confine à
la nostalgie, voire à la tristesse.       •

         DISCOGRAPHIE

         Térez Montcalm, Risque,
         BMG 74321-19854-2

         Richard Desjardins/Abbittibbi,
         Chaude était la nuit,
         FUCD-5

         Zébulon, Zébulon,
         Audiogram ADCD 10080

         Les Secrétaires Volantes, Meconium,
         ENC 033

         Alain Bashung, Chatterton,
         Barclay 523 111-2

         Mano Solo, La marmaille nue,
         Carrere Music/East West
         4509-94122-2

                                                     rue Sainte-Catherine Est
                                               Montréal (Québec) H2X 1K9
                                               Tél.: (514)875-8972
                                               Télécopieur: (514) 875-1590
                                               Ov PuWicition WaGBEC Inc

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