UBS ou l'industrialisation de la fraude fiscale

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UBS ou l'industrialisation de la fraude fiscale

              Extrait du AEUD.INFO : L'action prend corps
              http://www.aeud.fr/UBS-ou-l-industrialisation-de-la.html

    UBS ou l'industrialisation de la
                                       fraude fiscale
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                                               AEUD.INFO : L'action prend corps

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UBS ou l'industrialisation de la fraude fiscale

La visite de la présidente de la confédération suisse, Éveline Widmer-Schlumpf, ce vendredi après-midi à l'Élysée,
n'a sans doute pas été qu'une visite de courtoisie à l'égard de François Hollande. Les deux dirigeants ont beaucoup
de choses à discuter, notamment en matière fiscale. Quelque 100 milliards d'euros d'avoirs français, selon les
estimations les plus basses, ont trouvé refuge en Suisse.

Les attaques répétées des pays européens et des États-Unis contre le secret bancaire suisse, les banques suisses
et l'évasion fiscale inquiètent de plus en plus les responsables de la confédération helvétique. La Suisse a bien tenté
de trouver un arrangement en proposant l'accord Rubik : les banques suisses proposent de prélever des impôts -
faibles - sur les comptes des ressortissants étrangers et d'en reverser le produit aux différents pays concernés. En
contrepartie, les clients étrangers sont assurés de conserver leur anonymat et de ne plus être poursuivis par le fisc
de leur pays.

Après le refus de parlementaires du Bundestag d'adopter un tel accord - contre l'avis du gouvernement Merkel -, le
plan Rubik est donc compromis. La France, qui s'interrogeait sur la suite à donner à cette proposition, peut
difficilement y souscrire dans les circonstances actuelles. Dans son rapport (consultable ici), la commission
d'enquête du Sénat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France disait son opposition à cette proposition
fiscale.

Au menu de ces discussions, un autre sujet risquait de s'inviter : l'Union des banques suisses (UBS). Car le sujet
devient brûlant. Le dossier est resté enterré pendant des mois chez le procureur général de Paris et y serait
peut-être resté sans les révélations fracassantes du journaliste Antoine Peillon dans son livre Ces 600 milliards qui
manquent à la France.

Depuis, tout s'est accéléré. En avril, un juge d'instruction, Guillaume Daïeff, a été désigné pour enquêter sur les
pratiques d'évasion fiscale de la banque en France. Depuis, le siège d'UBS à Paris, ses succursales à Bordeaux,
Strasbourg, Lille ont été perquisitionnés. Les directeurs des bureaux d'UBS à Strasbourg et Lille ont été mis en
examen pour complicité de démarchage illicite. Et un des anciens directeurs d'UBS France, Patrick de Fayet, a été
mis en examen à la mi-novembre pour complicité de démarchage illicite, blanchiment et recel.

Arrivé il y a six mois à la tête d'UBS France et de Monaco, après avoir été un des responsables du Crédit agricole,
Jean-Frédéric de Leusse assure avoir mené des audits internes approfondis qui n'ont rien révélé. Pourtant, le juge
Daïeff s'apprêterait à mettre en examen en tant que personne morale UBS France et UBS Suisse pour complicité de
démarchage illicite et mise en place d'un système d'évasion fiscale dans les prochaines semaines.

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UBS ou l'industrialisation de la fraude fiscale
Enquête pénale

C'est un séisme pour le monde bancaire suisse, d'autant que l'affaire française ne fait que confirmer des charges
déjà très lourdes. UBS a industrialisé son système d'évasion fiscale partout dans le monde. Dès 2007, la justice
américaine avait attaqué la filiale américaine de la banque pour ces pratiques. La banque, qui s'offusquait dans un
premier temps d'être traitée comme un organisme criminel, avait fini par négocier avec la justice américaine en
acceptant de payer 700 millions de dollars d'amende et de livrer les fiches de 1 450 de ses clients américains au fisc
des États-Unis.

Accepter une telle entorse au légendaire secret bancaire suisse prouvait que le dossier était des plus sérieux.

Depuis, les dénonciations des agissements se multiplient. La banque se trouve sous pression en Allemagne. Elle a
dû fermer quatre succursales et ses clients font l'objet de nombreuses perquisitions. En début de semaine encore, le
Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a acheté un CD contenant des informations sur 750 fondations et sur des
placements dépassant les 3,5 milliards de francs suisses (environ 3 milliards d'euros). UBS a protesté en indiquant
que les données avaient été volées par un salarié indélicat qui les a revendues par la suite.

Les responsables allemands ont décidé de ne pas s'embarrasser de ces remontrances et comme ils l'avaient déjà
fait dans le passé, ils ont confié au fisc allemand les données afin qu'il les exploite, en attendant les premières
perquisitions et redressements. Après avoir saisi les fichiers HSBC, autre banque aux pratiques similaires, la France,
elle, avait préféré s'incliner devant les arguments suisses et a renvoyé les fichiers - tronqués d'ailleurs - sans les
avoir exploités (lire l'entretien du procureur Éric de Mongolfier à ce sujet).

Mais cette fois, l'affaire risque d'être plus difficile à négocier avec les autorités françaises. Car il n'est plus possible de
l'étouffer. Dès mai 2009, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), chargée de surveiller les banques et les assurances,
avait été avertie des agissements illicites d'UBS en France, et notamment de la prospection systématique des
grandes fortunes et des ménages aisés français par des cadres de la banque salariés, ce qui est strictement interdit
par la loi.

Dix-huit mois plus tard, l'ACP, à la suite d'une nouvelle dénonciation anonyme fort documentée sur les pratiques de
la banque en France, ouvrit officiellement le dossier. Un fait aurait dû lui mettre la puce à l'oreille plus tôt : comment
était-il possible que la filiale française d'UBS, spécialisée uniquement dans la gestion de fortune, activité
normalement très lucrative, soit systématiquement déficitaire depuis son installation à Paris en 2000 ? Pourquoi le
groupe, censé être bon gestionnaire, ne prenait aucune mesure mais au contraire continuait à développer son
maillage en France ?

Mais ce qu'allaient découvrir les contrôleurs dans leur enquête dépassait tout ce qu'ils auraient pu supposer : la

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banque organisait sur une large échelle et sur tout le territoire une évasion fiscale massive vers la Suisse, masquée
par une comptabilité occulte et parallèle. Des cadres dirigeants jusqu'au sommet de la banque étaient totalement
impliqués dans la fraude.

L'identité des clients et les numéros de leurs comptes clandestins étaient notés à la main dans « le carnet de lait »
avant d'être reportés dans un répertoire occulte baptisé « fichier vache ». Tout cela était totalement caché dans les
comptes français de la banque mais soigneusement noté en Suisse. Car le calcul des bonus des cadres était aussi
fonction des clients et des fortunes qu'ils avaient su rediriger vers la Suisse.

« Pratiques illicites »

Les dirigeants de la banque en France comme en Suisse ne pouvaient ignorer ce mécanisme, qui ressemble
étrangement à celui qui avait été mis au jour par la justice américaine aux États-Unis. Ils avaient été avertis par
plusieurs salariés français et suisses d'UBS, qui avaient dénoncé la fraude. Tous ceux qui ont osé dénoncer ce
système frauduleux ont été au mieux écartés et mis dans un placard, ou licenciés pour faute grave, sans indemnités.

En attendant la justice pénale, c'est devant les conseils des prud'hommes que se tient le procès d'UBS. Les
témoignages entendus sont bien éloignés de ce qui se dit habituellement devant une chambre sociale. Ainsi, lors du
procès en mai 2010 de Serge H. (lire notre Boîte noire), ancien responsable de l'agence de Strasbourg d'UBS,
licencié pour faute grave, Stéphanie G., une ancienne salariée - licenciée elle aussi - chargée de l'événementiel,
mais aussi secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), témoignait des
agissements à l'intérieur de la banque.

Répondant affirmativement à une question du juge demandant si elle avait eu connaissance de pratiques illicites de
la banque, elle poursuivait ainsi :

« Certains cadres commerciaux m'ont expliqué les pressions qu'ils subissaient. J'ai vu des documents prouvant que
le carnet de lait existe et certains m'ont expliqué qu'ils avaient des objectifs inatteignables, qu'ils devaient collaborer
de manière proche avec des cadres commerciaux étrangers et que cette collaboration était demandée lors des
séminaires. »

À la question du juge lui demandant si ces pressions avaient été évoquées dans le cadre du CHSCT, elle répondait :

« Absolument, lors de plusieurs réunions du CHSCT, notamment le 24/03/09 et le 30/06/09, les pressions exercées
sur les salariés ont été évoquées. Les PV mentionnent expressément l'existence d'opérations illicites avec des
pièces jointes qui étayaient mes propos. Je peux affirmer, pour les avoir vus dans les locaux français et dans les
événements que j'organisais, la présence d'au moins 25 cadres commerciaux suisses. » Avant de conclure son
témoignage par cette phrase : « À titre personnel, la banque a porté plainte pour diffamation non publique contre moi
le jeudi 28 janvier pour une partie du PV du CHSCT du 30/06/2009. »

Lors de son procès devant les prud'hommes, Nicolas F., ancien auditeur interne de la banque, qui contestait aussi
son licenciement pour faute grave, « pour avoir, selon la banque, accusé, sans aucune réserve, UBS France d'avoir
organisé un système d'aide à l'évasion fiscale et à la fraude fiscale internationale » (...) alors qu'« une enquête
interne - déjà ! - a conclu à l'absence d'agissements illégaux de la part d'UBS France ». Le conseil des prud'hommes
donnait le 30 juin 2012 entièrement raison à l'ancien auditeur.

Dans son jugement, il indiquait que celui-ci avait été « licencié pour avoir refusé de souscrire aux pratiques illicites de

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UBS France et de la banque UBS ». Jugeant que son licenciement était sans raison réelle ni sérieuse, le juge
ordonnait à la banque de lui verser l'intégralité de ses indemnités assorties de ses intérêts légaux et à rembourser
Pôle emploi pour les indemnités chômage.

Attendus implacables

Mais ce sont les attendus du jugement qui sont les plus terribles et les plus implacables. Toutes les pratiques d'UBS
en France s'y trouvent décortiquées. Il en va ainsi de la comptabilité parallèle et de ses « carnets de lait » :

« M. Nicolas F. explique que le système de compensation trouvait sa source dans une comptabilité parallèle pour les
opérations de transferts de fonds de France vers la Suisse qui n'étaient pas déclarées aux autorités fiscales
françaises (...) La SA UBS France ne conteste pas l'existence de ces carnets mais soutient que leur but était
parfaitement licite. Cependant, il paraît étonnant que toutes les opérations réalisées par la SA UBS France ne soient
pas enregistrées d'une seule façon par un système informatique unique et que certaines opérations donnent lieu à
l'utilisation de carnets de lait. Attendu que le fait que le carnet de lait ne soit utilisé que pour les opérations de
transferts de fonds entre la France et la Suisse ne manque pas non plus de surprendre (...). »

Le jugement s'arrête aussi sur le démarchage systématique des commerciaux suisses en France : « La porosité
étonnante entre les filiales française et suisse de la banque UBS est aussi attestée (...) Les pratiques peu
transparentes de la banque UBS sont également illustrées par l'organisation de réunions de résidents français avec
des commerciaux, que l'objet de ces réunions apparaît si peu licite qu'il était fait interdiction de les mentionner. »

Il poursuit : « Cette recherche d'opacité est aussi attestée par un compte rendu de réunion du 10 juillet 2002 dans
lequel il est expressément indiqué que l'échange d'informations concernant l'activité transfrontalière, c'est-à-dire les
transferts de fonds de résidents français vers la Suisse, ne devait se faire que par téléphone, ce qui exclut tout trace
écrite. »

Le juge relève aussi les règles de conduite imposées aux commerciaux suisses, décrites dans un document interne
de la banque fourni à l'audience, dans le cas de leurs déplacements professionnels à l'étranger. « Sa lecture est
édifiante sur les comportements demandés par la banque à ses commerciaux lors de tout contact avec une autorité
quelconque (douaniers, police) des pays tiers », relève-t-il. Il raille la réponse d'UBS France qui avait justifié que ce «
document ne s'appliquait que pour les situations dangereuses » : « Cependant aucune mention dans ce document
ne permet de considérer que son application était exclue dans les pays démocratiques tels que la France. »

UBS France a fait appel de ce jugement. On comprend que la banque ait envie de faire disparaître toutes les traces
de ces accusations par la justice. Mais tout cela risque d'être vain. Pour UBS France, manifestement, les ennuis ne
font que commencer.

source mediapart.

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