LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE

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LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
LE POINT SUR
LA MALADIE
DU HÊTRE
EN WALLONIE
OLIVIER HUART
Unité de Gestion et Économie forestières
Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux

MICHEL DE PROFT
Département de Phytopharmacie
Centre de Recherches Agronomiques de Gembloux

JEAN-CLAUDE GRÉGOIRE
Laboratoire de Biologie animale et cellulaire
Université Libre de Bruxelles

FRÉDÉRIC PIEL
Biologie des Communautés animales
Université Libre de Bruxelles

BETTY GAUBICHER
Département de Phytopharmacie
Centre de Recherches Agronomiques de Gembloux

FRANÇOIS-XAVIER CARLIER
Unité de Phytopathologie
Université catholique de Louvain

HENRI MARAÎTE
Unité de Phytopathologie
Université catholique de Louvain

JACQUES RONDEUX
Unité de Gestion et Économie forestières
Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux
                                                              © O. Huart
LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
Le hêtre, troisième essence feuillue (en
             volume) de Wallonie, est actuellement
                                                        Partie 1
             victime, essentiellement en Ardenne et
             en Gaume, d’un important problème          CARACTÉRISTIQUES
             sanitaire mettant en jeu des attaques
             d’insectes et de champignons, commu-
             nément appelé « maladie du hêtre ».
                                                        PRINCIPALES DE LA MALADIE :
             Les premiers symptômes inquiétants
                                                        • importance, répartition et évolution
             du phénomène ont été identifiés à          • principaux symptômes et hypothèses explicatives
             l’automne 1999, puis se sont considé-
             rablement amplifiés en 2000 et sur-
                                                        • conséquences sylvicoles
             tout en 2001, et se sont accompagnés
             de dégâts très importants et sans pré-                                                    État des lieux à l’échelle de
                                                        IMPORTANCE, RÉPARTITION ET
             cédent connu.                                                                                 la Région wallonne
                                                          ÉVOLUTION DE LA MALADIE

             La nature et la dynamique d’appari-        Quatre pays sont concernés par cette
                                                        maladie : la Belgique (en Wallonie) dont      Méthodologie
             tion des symptômes observés suggé-
                                                        les hêtraies sont les plus touchées, et des   Devant l’ampleur des dégâts constatés
             raient d’emblée qu’il s’agissait d’un      zones limitrophes de France, du Grand-        au printemps 2001 en Wallonie, il s’est
             phénomène inhabituel et apparem-           Duché du Luxembourg et d’Allemagne.           avéré indispensable de réaliser un état
             ment distinct des dépérissements                                                         des lieux spécifique à l’échelle des
             « classiques » du hêtre, bien que la       En Région wallonne, deux outils d’ana-        hêtraies de la Région wallonne. Une pre-
                                                        lyse et de suivi de la maladie ont été mis    mière opération d’inventaire fut menée
             possibilité d’interactions entre ces
                                                        en œuvre : d’une part, des campagnes          de mi-mai à début-juillet 2001. Afin de
             deux problèmes ne puisse être écartée      d’inventaires ciblés menées à l’échelle de    suivre l’évolution de la maladie, une
             a priori. L’ampleur de la zone géogra-     la Région wallonne et, d’autre part, des      seconde campagne a été menée de mi-
             phique au sein de laquelle les symptô-     dispositifs permanents d’observations         mai à mi-juillet 2002. Ces deux campa-
             mes se sont déclarés de manière relati-    approfondies à l’échelle de trois peuple-     gnes, issues d’une collaboration entre la
             vement brusque et simultanée               ments.                                        FUSAGx (Professeur Jacques Rondeux) et
                                                                                                      la « Cellule Inventaire permanent des
             constitue également une caractéris-
                                                        Un aperçu des principaux résultats issus      Ressources forestières de Wallonie » de la
             tique remarquable du phénomène             de ces deux types d’analyse sont présen-      DNF (ir. Hugues Lecomte), ont concerné
             observé.                                   tés ci-dessous.                               381 unités d’échantillonnage de l’Inven-
                                                                                                      taire permanent des Ressources forestiè-
                                                                                                      res de Wallonie (IPRFW), situées dans
                                                                                                      des peuplements soumis au régime
                                                                                                      forestier du sud du sillon Sambre-et-
                                                                                                      Meuse, et dans lesquelles le hêtre repré-
                                                                                                      sentait au moins 50 % de la surface ter-
                                                                                                      rière1. L’inventaire a porté sur environ
                                                                                                      38 000 hectares, soit la quasi-totalité des
                                                                                                      hêtraies publiques wallonnes. Les hêtres
                                                                                                      d’au moins 40 cm de circonférence à
                                                                                                      1,5 m ont fait l’objet d’observation rela-
                                                                                                      tives notamment à la présence de pi-
                                                                                                      qûres d’insectes, de carpophores, de
                                                                                                      décollements d’écorce, de bris de tronc
                                                                                                      et d’une description sommaire de
                                                                                                      l’aspect du feuillage.

                                                                                                      Résultats principaux des campagnes
                                                                                                      d’inventaire 2001 et 2002
                                                                                                      L’interprétation des principaux résultats
                                                                                                      issus de ces campagnes de mesures doit
                                                                                                                                                     F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

                                                                                                      être prudente et doit tenir compte de plu-
                                                                                                      sieurs éléments ayant trait à l’échantillon-
                                                                                                                                                     Mai-Juin 2003

                                                                                                      nage (un certain nombre de tiges ont été
                                                                                                      abattues entre les deux inventaires, l’é-
© O. Huart

                                                                                                      chantillon a donc varié) et aux conditions
                                                                                                      d’observation (conditions météorolo-

                                                                                                                                                             3
LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
giques d’observation moins favorables                   phores n’ont pu être observés lors du pas-                des symptômes (piqûres d’insectes
                                   qu’en 2001, observations des arbres                     sage annuel de l’équipe de l’inventaire.                  et/ou champignons et/ou décolle-
                                   depuis le sol). De même, la période choi-               Les principales informations fournies                     ments d’écorce), se serait élevé à
                                   sie pour l’observation des arbres échan-                par l’inventaire et extrapolées sur base                  627 000 m3, soit 9 % du volume sur
                                   tillonnés, de mi-mai à mi-juillet, cor-                 d’arbres « atteints » quelque soient les                  pied en Région wallonne (soit
                                   respond à celle au cours de laquelle                    symptômes (piqûres d’insectes et/ou car-                  6 906 000 m3 estimés en 2002), contre
                                   apparaissent de manière la plus évidente                pophores et/ou décollements d’écorce et                   1 327 000 m3 en 2001 (soit 18 % des
                                   les attaques de scolytes, symptôme de loin              leur intensité, sont les suivantes :                      7 360 000 m3 sur pied estimés en
                                   le plus fréquent en 2001. Mais d’autres                 ‹ lors de l’observation de mai à juillet                  2001) (figure 1) ;
                                   symptômes, comme l’apparition autom-                       2002, le volume bois fort tige* d’arb-              ‹ en nombre de tiges, 304 000 auraient
                                   nale (surtout en 2002) de certains carpo-                  res « atteints », c’est-à-dire présentant              été atteintes en 2002 (soit 5 % des
                                                                                                                                                     6 354 000 tiges estimées en 2002),
                                                                                                                                                     contre 747 000 en 2001 (soit 11 % des
                                          FIGURE 1 – AMPLEUR DE LA MALADIE EXPRIMÉE EN VOLUME (TIGES)
                                                                                                                                                     6 350 000 tiges estimées en 2001)
                                                               POUR 2001 ET 2002
                                                                                                                                                     (figure 2) ;
                                                                  Atteint                                                  Atteint
                                                                                                                           (9 %)                  ‹ les superficies de hêtraies soumises
                                                                  (18 %)
                                                                                                                                                     concernées, à des degrés divers, par la
                                                                                                                                                     maladie en 2002 représentent envi-
                                                                                                                                                     ron 12 000 hectares, contre environ
                                                                                                                                                     17 000 hectares en 2001 (estimations
                                      Non atteint
                                                                                                                                                     sur base de la présence d’au moins un
                                                                                                   Non atteint
                                       (82 %)                                                       (91 %)                                           arbre atteint par point de sondage) ;
                                                                                                                                                  ‹ le volume moyen atteint par hectare est
                                          FIGURE 2 – AMPLEUR DE LA MALADIE EXPRIMÉE EN NOMBRE DE TIGES                                               estimé à 16 m3 en 2002, contre 35 m3
                                                                 POUR 2001 ET 2002                                                                   en 2001, avec de très fortes variations
                                                                 Atteint                                               Atteint                       entre régions et entre peuplements.
                                                                 (11 %)                                                (5 %)
                                                                                                                                                  Ces chiffres montrent que, sur base des
                                                                                                                                                  symptômes visibles sur les hêtres tou-
                                                                                                                                                  jours sur pied lors de l’inventaire 2002,
                                                                                                                                                  les volumes, comme les nombres de
                                                                                                                                                  tiges atteints, seraient deux fois moins
                                          Non atteint                                        Non atteint
                                           (89 %)                                             (95 %)                                              importants qu’en 2001.

                                     FIGURE 3 – ÉVOLUTION DU STATUT DES ARBRES ENTRE LE PREMIER INVENTAIRE
                                                                                                                                                  Les deux inventaires successifs ont éga-
                                                     (2001) ET LE SECOND (2002) (EN VOLUME)                                                       lement montré que :
                                                                                                                                                  ‹ 6 % du volume (455 000 m3) a été
                                                                              Diagnostic en 2001             Atteint
                                                                                                             (18 %)                                  exploité entre 2001 et 2002, se répar-
                                                                                                                                                     tissant en 271 000 m3 d’arbres atteints
                                                                                                                                                     et 184 000 m3 d’arbres non-atteints
                                                                                                                                                     lors de l’inventaire 2001, ce qui repré-
                                                               Non atteint
                                                                (82 %)                                                                               sente 226 000 tiges dont 115 000
                                                                                                                                                     jugées atteintes et 111 000 jugées non-
                                              Statut en 2002 des arbres                              Statut en 2002 des arbres
                                                non atteints en 2001                                      atteints en 2001                           atteintes en 2001 ;
                                      Non atteint                                                                       Plus de traces visibles
                                       (95 %)                                                                                  (42 %)             ‹ en ce qui concerne les arbres toujours
                                                                                                                                                     sur pied lors de l’inventaire 2002, sur
                                                                                                                                                     un total d’environ 6 906 000 m3
                                                                                                                                                     (6 354 000 tiges) estimé en 2002,
                                                                                             Atteint                                                 1 180 000 m3, soit 17 %, ont été
                                                Atteint        Coupé                         (38 %)                                  Coupé
                                                (2 %)          (3 %)                                                                 (20 %)          atteints en 2001 et/ou en 2002 (soit
                                                                                                                                                     en nombre de tiges : 710 000 tiges sur
                                                                              Diagnostic en 2002
                                                                                                                                                     un total de 6 354 000, soit 11 %) ;
                                                                                                                 Atteint                          ‹ sur le plan de l’évolution de la mala-
                                                                                                                 (9 %)                               die, illustrée par la figure 4, il est plu-
                                                                                                                                                     tôt rassurant de constater que sur les
                                                                                                                                                     627 000 m3 considérés « atteints » en
                                                                    Non atteint                                                                      2002, 502 000 m3 l’étaient déjà en
                                                                     (91 %)
                                                                                                                                                     2001, seuls 125 000 m3 (soit moins de
                                                                     Diagnostic cumulé 2001 + 2002                                                   2 % du volume total sur pied) ont
F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

                                                                      des arbres sur pied en 2002
                                                                                                                                                     présenté des symptômes de maladie
                                                                                                                                                     en 2002 alors qu’aucun n’avait été
Mai-Juin 2003

                                                                                                                                                  * Volume bois fort tige : volume sur écorce de
                                                        Non atteint en 2001                                Atteint en 2001                          la tige calculé jusqu’à la recoupe de 22 cm
                                                            ni en 2002                                     et/ou en 2002                            de circonférence, appellé par la suite « volu-
                                                              (83 %)                                            (17 %)
                                                                                                                                                    me » afin de ne pas alourdir le texte.

        4
LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
FIGURE 4 – DISTRIBUTION POUR 2001 ET 2002 DES VOLUMES (BOIS FORT TIGE)                                                                                                                ‹ 2 % (125 000 m3) présentent des
 ESTIMÉS DE HÊTRES ATTEINTS ET DES TAUX D’ATTEINTE PAR CATÉGORIES DE CIR-                                                                                                                   symptômes en 2002 ;
                         CONFÉRENCE COMMERCIALES
                                                                                                                                                                                        ‹ 3 % (184 000 m3) ont été exploités.

                                         600                                                                                             25
                                                                                                                                                                                        Notons encore les résultats suivants :
                                         500                                                                                                                                            ‹ par rapport à 2001, nous observons
                                                                                                                                         20
                                                                                                                                                                                            une augmentation de la part du volu-
   Volume (m3 x 1 000)

                                                                                                                                                                                            me « fortement atteint », ce qui sem-

                                                                                                                                                  Taux atteint (%)
                                         400
                                                                                                                                         15                                                 ble logique en considérant que 80 %
                                         300                                                                                                                                                du volume atteint en 2002 l’était déjà
                                                                                                                                         10                                                 en 2001 ;
                                         200                                                                                                                                            ‹   environ le tiers (34 %) du volume
                                                                                                                                                                                            atteint en 2002 appartient à la catégo-
                                                                                                                                         5
                                         100                                                                                                                                                rie 120-179 et environ la moitié (48 %)
                                                                                                                                                                                            à la catégorie 180-239. Plus de 80 % de
                                          0                                                                                              0
                                                                                                                                                                                            ce volume correspond donc à des arb-
                                                     40 - 69           70 - 119        120 - 179        180 - 239   240 et +
                                                                                                                                                                                            res de circonférence comprise entre
                                                                                     C 150 (cm)
                                                                                                                                                                                            120 et 240 cm. Des tiges de faible cir-
                                                                                                                               % atteint en 2001
                                               Volume atteint en                  Volume atteint en                                                                                         conférence sont également touchées,
                                               2001 (m3 x 1 000)                                                               % atteint en 2002
                                                                                  2002 (m3 x 1 000)                                                                                         bien que dans une proportion bien
                                                                                                                                                                                            moindre. Par rapport au volume sur
 FIGURE 5 – DISTRIBUTION POUR 2001 ET 2002 DES VOLUMES (BOIS FORT TIGE)
                                                                                                                                                                                            pied, la catégorie de circonférence
ESTIMÉS DE HÊTRES ATTEINTS ET DES TAUX D’ATTEINTE PAR CLASSES D’ALTITUDE                                                                                                                    commerciale la plus touchée en 2002
                                                                                                                                                                                            est celle des « 120-179 », tandis que
                                          800                                                                                                25                                             celle des « 180-239 » était la plus tou-
                                                                                                                                                                                            chée en 2001 (figure 4) ;
                                          700
                                                                                                                                             20
                                                                                                                                                                                        ‹   comme en 2001, la région forestière
                                          600                                                                                                                                               de l’Ardenne comporte le plus grand
                   Volume (m3 x 1 000)

                                                                                                                                                                     Taux atteint (%)

                                          500
                                                                                                                                                                                            volume d’arbres atteints, soit 95 % du
                                                                                                                                             15
                                                                                                                                                                                            total ; le solde (5 %) provient de la
                                          400
                                                                                                                                                                                            région jurassique ;
                                          300
                                                                                                                                             10                                         ‹   comme en 2001, le taux d’arbres
                                                                                                                                                                                            atteints augmente fortement avec
                                          200
                                                                                                                                             5                                              l’altitude. La plus grande part du
                                          100                                                                                                                                               volume total atteint a cependant été
                                               0
                                                                                                                                                                                            identifiée à une altitude comprise
                                                                                                                                             0
                                                                                                                                                                                            entre 350 et 449 mètres (figure 5) ;
                                                               < 350                       350 à 450                450 et +
                                                                                      Altitude (m)                                                                                      ‹   la province de loin la plus touchée est
                                                                                                                                 % atteint en 2001
                                                   Volume atteint en                Volume atteint en
                                                                                                                                                                                            celle du Luxembourg, suivie de
                                                                                                                                 % atteint en 2002
                                                   2001 (m3 x 1 000)                2002 (m3 x 1 000)                                                                                       Namur et Liège, tandis que celle du
                                                                                                                                                                                            Hainaut resterait non concernée ;
                                                                                                                                                                                        ‹   à l’image des observations de 2001, les
   détecté lors du premier passage. Il s’a-                                                          évidemment pu être décelés. Cepen-                                                     deux directions forestières de loin les
   git donc soit de véritables « nouveaux                                                            dant, nos observations, menées égale-                                                  plus touchées restent respectivement
   cas », soit de hêtres sur lesquels des                                                            ment au sein des dispositifs perma-                                                    Arlon et Neufchâteau ; viennent
   symptômes n’ont pas pu être détectés                                                              nents, montrent qu’il s’agit là                                                        ensuite Marche-en-Famenne, Dinant,
   en 2001 (symptômes non vus ou                                                                     toujours d’arbres qui étaient déjà                                                     Malmédy et Liège, tandis que Mons et
   symptômes apparus après le moment                                                                 atteints auparavant, le plus souvent                                                   Namur ne seraient pas concernées.
   de l’observation).                                                                                des « nouveaux scolytés » de 2001. À
Au total, les 1 327 000 m3 jugés atteints                                                            titre exploratoire et de vérification,                                             Sans entrer dans les détails, l’analyse sta-
en 2001 se répartissaient comme suit en                                                              un rapide inventaire portant sur de                                                tistique des données de l’inventaire
2002 :                                                                                               nouvelles observations au sein de 30                                               2001 a montré que l’importance des
‹ 38 % (502 000 m3) ont à nouveau été                                                                unités d’échantillonnage (11 canton-                                               dégâts augmentait lorsque les para-
   jugés atteints en 2002 ;                                                                          nements) a été mené à la mi-février                                                mètres suivants augmentaient :
‹ 42 % (554 000 m3) ne présentaient                                                                  2003 afin d’évaluer sommairement la                                                ‹ l’altitude du peuplement ;
   plus de symptômes visibles en mai-                                                                situation. Le traitement des données                                               ‹ l’acidité des sols (évaluée par les espè-
   juillet 2002. Les observations de ter-                                                            est en cours ;                                                                        ces indicatrices).
   rain ont cependant montré que des                                                               ‹ 20 % (271 000 m3) ont été exploités.
                                                                                                                                                                                                                                       F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

   champignons sont apparus sur de                                                                                                                                                      À l’inverse, l’importance des dégâts
   nombreux arbres en octobre-novem-                                                               Enfin, les 6 033 000 m3 jugés non-                                                   diminuait lorsque les variables suivantes
                                                                                                                                                                                                                                       Mai-Juin 2003

   bre 2002 (après le passage des équipes                                                          atteints en 2001 se répartissent comme                                               augmentaient :
   d’inventaire). Ces champignons, s’ils                                                           suit en 2002 :                                                                       ‹ la pente du sol ;
   n’étaient pas déjà présents lors de la                                                          ‹ 95 % (5 725 000 m3) ne présentent                                                  ‹ la surface terrière totale à l’hectare ;
   visite des points de sondage, n’ont                                                                toujours pas de symptômes en 2002 ;                                               ‹ la proportion de très petits bois

                                                                                                                                                                                                                                               5
LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
FIGURE 6 – PROPORTIONS DE HÊTRES « SCOLYTÉS » OU NON EN 2000, 2001 ET 2002                                         tions des carpophores en octobre-
                                     (DISPOSITIF PERMANENT DE SAINTE-CÉCILE, CANTONNEMENT DE FLORENVILLE)                                              novembre 2002), tous les arbres atteints
                                                                                                                                                       l’ayant déjà été précédemment.
                                                                                    100

                                                                                                                                                       Au total, ce sont donc 48 % qui ont été
                                                                                    80

                                                             % de hêtres scolytés
                                                                                                                                                       piqués au moins une fois au cours de ces
                                                                                                                                                       3 années, ce qui en fait un peuplement
                                                                                    60
                                                                                                                                                       assez fortement touché.
                                                                                     40
                                                                                                                                                       Grâce au recul que procurent des états des
                                                                                    20                                                                 lieux successifs effectués depuis l’été 2000,
                                                                                                                                                       nous observons que (figure 7) :
                                                                                      0                                                                ‹ environ la moitié des hêtres n’ont été
                                                                                                                                                          scolytés ni en 2000, ni en 2001, ni en
                                                                                                                                                          2002 ;
                                                                                          Année 2000   Année 2001     Année 2002
                                                                                                                                                       ‹ 5 % ont été scolytés en 2000 puis en
                                                   Non scolytés (%)                          87            52             75                              2001 ;
                                                   Scolytés (%)                              13            48             25                           ‹ 18 % n’ont été scolytés qu’en 2001
                                                                                                                                                          (« nouveaux scolytés » de 2001) ;
                                                                                                                                                       ‹ 17 % ont été scolytés en 2001 et en
                                      (C150 < 40 cm) et de petits bois                                  qu’aucun arbre, même atteint, ne soit             2002 (sans l’avoir été en 2000) ;
                                      (C150 entre 40 et 89 cm) ;                                        abattu, ont véritablement acquis une           ‹ 8 % ont été scolytés lors des 3 années.
                                                                                                        valeur de référentiel, puisqu’ils permet-
                                   Les territoires écologiques de l’« Ardenne                           tent actuellement, grâce à l’ensemble des      Il est intéressant de constater que parmi
                                   méridionale » (caractérisée par ses surfaces                         observations et mesures régulièrement          les « nouveaux scolytés » de 2001, environ
                                   planes et ses versants situés à des altitudes                        effectuées dont ils ont fait l’objet, de       la moitié ont été ré-attaqués en 2002, tan-
                                   élevées entre 380 et 500 m) et des « Vallées                         mieux connaître la symptomatologie             dis que l’autre moitié ne l’a plus été.
                                   supérieures des bassins mosans » présen-                             développée par les arbres atteints, ainsi
                                   taient des taux de dégâts nettement plus                             que leur cinétique d’apparition et les         En ce qui concerne l’observation de car-
                                   importants que les autres territoires écolo-                         interactions entre symptômes.                  pophores, la répartition suivante a été
                                   giques de l’Ardenne.                                                                                                notée en octobre-novembre 2002 :
                                   L’exposition nord-est associée à des pentes                          Nous ne reprendrons ici que quelques           ‹ parmi les hêtres déjà atteints en 2000,
                                   de plus de 5° présentait en moyenne une                              résultats parmi les plus importants issus        97 % ont présenté des carpophores en
                                   intensité de dégâts supérieure à celle des                           du dispositif ardennais, en complément           2000 et/ou en 2001 et/ou en 2002 : il
                                   autres expositions.                                                  de résultats issus des campagnes d’inven-        s’agit d’arbres porteurs de grandes
                                                                                                        taire régionales, menées à une échelle plus      lésions de gel, dont l’espérance de sur-
                                    Quelques résultats issus de                                         large mais basées sur des observations one-      vie est à peu près nulle ; plus du tiers de
                                   dispositifs d’observation per-                                       shot annuelles. L’interprétation de ces          ces arbres ont d’ailleurs été brisés lors
                                                                                                        résultats sera discutée ci-dessous.              d’un épisode venteux de novembre
                                              manents                                                                                                    2002 ;
                                   Trois dispositifs d’observation et de suivi                          Sur un total de 210 hêtres (d’au moins         ‹ parmi les hêtres nouvellement scolytés
                                   ont été installés au sein du cantonnement                            40 cm de circonférence), le pourcentage          en 2001, 25 % ont présenté des carpo-
                                   de Florenville dans les deux régions natu-                           de hêtres « scolytés » (présentant des piqû-     phores en 2001 et/ou en 2002, ce qui
                                   relles les plus touchées, au sein desquels                           res d’insectes xylophages) en 2000 était de      donne une idée, à l’échelle locale de ce
                                   plus de 430 hêtres font l’objet d’observa-                           13 %, puis a grimpé à 48 % durant le prin-       dispositif, de l’évolution de ces arbres
                                   tions périodiques et approfondies. Le                                temps 2001. Ce taux est redescendu à             environ un an et demi après leur
                                   dispositif ardennais est installé et suivi                           25 % en 2002 (figure 6).                         attaque par les Trypodendron ;
                                   depuis l’été 2000, tandis que les deux                                                                              ‹ parmi les hêtres attaqués par des scoly-
                                   autres le sont depuis l’automne 2001. Ces                            Aucun nouveau cas n’a été observé au             tes au printemps 2002, 59 % ont pré-
                                   dispositifs, dans lesquels il est prévu                              cours de l’année 2002 (dernières observa-        senté des carpophores en 2000 et/ou
                                                                                                                                                         en 2001 et/ou en 2002, ce qui confirme
                                    FIGURE 7 – STATUT GLOBAL DES ARBRES EN JUIN 2002 ET STATUT ANTÉRIEUR DES                                             le fait que les arbres attaqués par les
                                                     HÊTRES NOUVELLEMENT SCOLYTÉS EN 2001
                                                                                                                                                         Trypodendron en 2002 étaient générale-
                                                                                                                                                         ment dans un état sanitaire assez
                                                                                                                                                         dégradé.

                                                                                                                                                       Remarquons que généralement, l’action
                                                                                                        Re-scolytés                Non re-scolytés     de champignons lignivores n’implique
F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

                                                                                                         en 2002                     en 2002
                                         Non scolytés en 2000, 2001 et 2002                   52 %
                                                                                                          (47 %)                      (53 %)
                                                                                                                                                       pas une mort rapide des hêtres atteints.
                                         Scolytés en 2000 et 2001                              5%                                                      Par contre, l’extention de la colonisation
Mai-Juin 2003

                                         Scolytés en 2001                                     18 %                                                     des tissus enduits, conduit souvent après
                                         Scolytés en 2001 et 2002                             17 %                                                     plusieurs années, au bris du tronc ou à son
                                         Scolytés en 2000, 2001 et 2002                        8%                                                      « teinturage » complet, induisant la mort
                                                                                                                                                       de l’arbre.

        6
LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
En ce qui concerne les observations de         sence de symptômes parmi les suivants,        Bien qu’inhabituel, ce type d’attaques de
bris de tronc, effectuées à la mi-novembre     systématiquement localisés sur une            xylophages n’avait en réalité rien d’é-
2002, soit après un épisode très venteux,      seule face du fût en orientation nord à       tonnant sur le plan entomologique,
elles présentent un intérêt d’un point de      est et plutôt en hauteur sur le tronc         puisque les insectes concernés sont
vue « sécurité » notamment :                   (depuis une certaine distance du sol jus-     connus pour être très fortement attirés
‹ parmi les arbres observés cassés, tous       qu’à la base du houppier), était caracté-     par l’éthanol du bois en fermentation.
    ont présenté des carpophores en 2000,      ristique : piqûres d’insectes xylophages      Leurs piqûres ne faisaient donc que révé-
    2001 ou 2002 ;                             (essentiellement Trypodendron domesti-        ler un problème sous-jacent d’origine
‹ parmi l’ensemble des arbres ayant pré-       cum, T. signatum et Lymexylon dermestoi-      antérieure et, initialement, invisible
    senté des carpophores en 2000, 36 %        des), taches noires, décollements d’écor-     extérieurement.
    étaient cassés ;                           ce et/ou carpophores. Grâce à l’écorçage
‹ parmi les hêtres ayant développé des         des troncs, une relation étroite a été sys-   Le prélèvement systématique de rondel-
    carpophores à partir de 2001, 14 %         tématiquement observée entre la présen-       les de bois au cours de nos observations
    étaient cassés ;                           ce de piqûres de Trypodendron sur le          a permis d’effectuer plusieurs constata-
‹ parmi les hêtres ayant développé des         tronc et celle, sous-jacente, d’altérations   tions importantes. En coupe transversale
    carpophores à partir de 2002, aucun        et de nécroses corticales prenant la          au niveau de lésions corticales, se trou-
    n’était cassé.                             forme de grandes bandes d’écorce nécro-       vait soit un bourrelet de cicatrisation,
                                               sée seulement visibles après écorcement.      soit un « manque de cernes » lié à la
                                               Ces constatations ont été confirmées à        mort du cambium. L’examen minutieux
    PRINCIPAUX SYMPTÔMES                       de nombreuses reprises, notamment lors        des rondelles a permis de compter systé-
    OBSERVÉS ET HYPOTHÈSES                     d’une opération d’abattage systématique       matiquement un même nombre de cer-
                                               de 120 hêtres au sein de points de son-       nes manquants ou constitutifs de bour-
         EXPLICATIVES
                                               dage installés dans différents peuple-        relets, permettant de dater, sans
La majorité des symptômes observés et          ments d’Ardenne et de Gaume, menée            exception, l’événement qui a provoqué
leurs caractéristiques principales ayant été   en automne-hiver 2000-2001 (avant le          la mort du cambium à la saison de repos
précédemment décrits et illustrés2, nous       printemps 2001, celui des attaques spec-      de végétation 1998-1999. À noter que
ne les détaillerons pas ici. Seuls seront      taculaires de scolytes).                      l’examen de rondelles prélevées dans
évoqués ceux intervenant dans l’explica-                                                     toutes les régions concernées par la
tion des hypothèses suivantes.                 En effet, il s’est avéré que, à quelques      maladie y compris dans les Ardennes
                                               très rares exceptions près :                  françaises, a conduit aux mêmes conclu-
Bien que plusieurs faits restent sans          ‹ tous les hêtres présentant des              sions.
explications précises, l’observation de           attaques de xylophages (Trypodendron
très nombreux arbres sur pied et abattus,         domesticum et T. signatum essentielle-     L’hypothèse d’un incident climatique
la consultation d’experts et les recher-          ment) présentaient des lésions corti-      comme facteur déclenchant
ches bibliographiques permettent de               cales de dimensions parfois très           Un événement géographiquement éten-
confirmer les hypothèses explicatives             importantes (figure 8) et dégagaient       du mais ponctuel dans le temps semblait
déjà émises3 quant au facteur déclen-             une forte odeur de « fermentation » et     donc être la cause première de la forma-
chant à l’origine de cette maladie. Quant         d’éthanol ;                                tion de ces grandes lésions corticales très
à son processus de développement ulté-         ‹ tous les hêtres présentant ce type de       attractives pour des insectes xylophages
rieur, comprenant les attaques de xylo-           lésions d’écorce présentaient des          secondaires. Une analyse des données
phages du printemps 2001 et l’évolution           attaques de scolytes localisées, au        climatiques de l’Institut Royal Météoro-
plutôt favorable constatée en 2002, il fait       moins en phase de début d’attaque,         logique de Belgique a permis d’identi-
l’objet de plusieurs hypothèses qui, jus-         précisément au niveau de la zone d’é-      fier plusieurs épisodes de froid intense
qu’ici n’ont pu être vérifiées de manière         corce lésée.                               au cours de la période concernée. Celui
rigoureuse.

Pour plus de clarté, nous distinguons les            FIGURE 8 – NÉCROSE SOUS-CORTICALE (DÉLIMITÉE PAR LE TRAIT BLEU)
                                                  DE TAILLE IMPORTANTE ET ORIENTÉE AU SECTEUR NORD-EST SUR UNE GRUME
symptômes et constats importants, ainsi                             « SCOLYTÉE » EN 2000 (C150 : 175 CM)
que les hypothèses susceptibles de les
expliquer, respectivement pour les
dégâts observés en 1999-2000 et 2001-
2002. Enfin, quelques éléments du
contexte général antérieur, qui globale-
ment, s’est montré plutôt défavorable à
la bonne vigueur du hêtre, seront égale-
ment rappelés.

         Dégâts observés
                                                                                                                                           F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

         en 1999 et 2000
                                                                                                                                           Mai-Juin 2003

Symptômes et observations
En été 2000, dès les premières observa-
tions d’arbres malades abattus, la pré-

                                                                                                                                                   7
LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
FIGURE 9 – PRINTEMPS 2001. PIQÛRES              phages et des portes d’entrée pour des         font état de suintements rougeâtres à
                                     DE TRYPODENDRON (MARQUÉES EN                  champignons. Les scolytes ont ainsi trou-      l’exposition nord, de nécroses, de chutes
                                   JAUNE) LOCALISÉES UNIQUEMENT À LA
                                      BASE DE L’ARBRE ET EN TOUTES                 vé une grande quantité d’arbres réceptifs      d’écorce et d’attaques violentes de Trypo-
                                         ORIENTATIONS (DISPOSITIF                  et ont pu se multiplier fortement.             dendron. Ces auteurs attribuent l’origine
                                       PERMANENT DE SAINTE-CÉCILE,                                                                des dégâts à l’hiver exceptionnellement
                                     CANTONNEMENT DE FLORENVILLE)
                                                                                   De nombreuses observations et analyses         rude de 1941-42.
                                                                                   de peuplements installés en conditions
                                                                                   environnementales contrastées corrobo-         L’autre, ayant fait l’objet d’une descrip-
                                                                                   rent cette hypothèse d’un incident cli-        tion spécifique6, s’est produit dans le
                                                                                   matique comme facteur déclenchant              département français des Vosges (région
                                                                                   initial, incident qui aura eu des consé-       de la Vôge) dans les années 1985-1986,
                                                                                   quences variables en fonction des condi-       qui ont connu une des dernières pério-
                                                                                   tions de croissance (altitude, exposition,     des de grand gel hivernal. Ces condi-
                                                                                   protection vis-à-vis des aléas clima-          tions climatiques très rigoureuses,
                                                                                   tiques) et de la nature des peuplements        notamment caractérisées par une chute
                                                                                   touchés (type et structure, stade de déve-     très spectaculaire de température,
                                                                                   loppement, densité). De même, l’état           auraient atteint de très nombreux hêtres
                                                                                   physiologique, et avec lui une éventuel-       qui ont été récoltés entre 1989 et 1994,
                                                                                   le sensibilité des arbres vis-à-vis de fac-    avec un pic vers 1991 et 1992. Les
                                                                                   teurs environnants comme le froid, peu-        symptômes qui apparaissaient étaient
                                                                                   vent apparemment varier dans une               essentiellement des carpophores sur le
                                                                                   mesure assez large selon de nombreux           tronc et des suintements de l’écorce.
                                                                                   critères comme notamment leur âge,             Après écorcement, des lésions corticales
                                                                                   leur situation isolée ou en peuplement,        pouvaient également être identifiées.
                                                                                   leur statut social, leur vigueur, etc.         Les attaques de xylophages furent appa-
                                                                                                                                  remment nettement moins nombreuses
                                                                                   Enfin, signalons que l’érable sycomore,        que dans le cas qui nous occupe en
                                   qui s’est produit en novembre 1998 se           essence à écorce fine comme celle du hêtre     Wallonie. Il est probable que cette
                                   singularise par son intensité, sa brutali-      a également été touché et présentait dans      moindre présence d’attaques de xylo-
                                   té et surtout par sa précocité exception-       certains peuplements des symptômes             phages puisse expliquer le « retard »
                                   nelle. En effet, des températures aussi         comparables à ceux de hêtres avoisinants,      relatif (récoltes étalées de 1989 à 1994)
                                   basses (de l’ordre de -16°C sur les Hauts-      y compris des attaques de Trypodendron. Le     constaté dans l’extériorisation des
                                   plateaux ardennais) sont exceptionnel-          fait que deux espèces différentes soient       symptômes par les arbres atteints. En
                                   les à la mi-novembre. De plus, des vents        également concernées par un problème           effet, d’une part, les rejets de sciure atti-
                                   soutenus et froids des secteurs nord et         sanitaire de ce type est de nature à renfor-   rent rapidement l’attention et facilitent
                                   est ont accompagné cette chute de tem-          cer cette hypothèse de dégâts de gel.          la détection, et d’autre part, les galeries
                                   pérature et ont certainement contribué                                                         creusées dans le bois permettent une
                                   à accentuer les effets néfastes du gel sur      Puisque les observations montraient que        installation plus rapide de cham-
                                   l’écorce de nombreux hêtres. La mousse          tous les arbres attaqués par les scolytes      pignons xylophages.
                                   présente sur les troncs a pu, par son           présentaient systématiquement des
                                   humidité, renforcer l’effet du froid sur        zones d’écorce lésée, et qu’inversement,
                                   l’écorce. Bien que le hêtre soit une des        tous les arbres qui présentaient ce type                Dégâts observés
                                   essences les plus sensibles aux extrêmes        de lésions étaient « scolytés », il semblait            en 2001 et 2002
                                   climatiques en raison de son écorce fine        qu’une fois que ces arbres, blessés par le
                                   et dépourvue de véritable rhytidome, la         gel et attractifs pour les organismes xylo-
                                   valeur absolue de ces températures n’a          phages, auraient été exploités, la situa-      Caractéristiques principales
                                   rien d’exceptionnel dans son aire naturel-      tion se régulariserait rapidement. Aucun       Le printemps 2001 a été marqué par une
                                   le. C’est plutôt l’état physiologie des arb-    élément ne permettait de penser qu’un          vague d’attaques de Trypodendron massi-
                                   res au moment auquel intervient le froid        scénario tel que celui vécu au printemps       ve, aiguë et très surprenante tant par son
                                   qui aurait été déterminant. En effet, en        2001 allait se dérouler.                       caractère intense que par le fait que,
                                   automne et en début d’hiver, lors de la                                                        contrairement aux attaques constatées
                                   diminution progressive des températures,        Signalement d’antécédents                      en 2000, elles concernaient aussi des
                                   plusieurs mécanismes de résistance au gel       aux causes apparemment similaires              arbres présentant toutes les apparences
                                   de plus en plus efficaces se mettraient         Remarquons que deux accidents appa-            d’arbres « sains », ce qui relève d’un épi-
                                   progressivement en place, par paliers suc-      remment similaires, liés au froid ou au        sode réellement exceptionnel. En effet,
                                   cessifs de diminution de température,           gel, se seraient déjà produits par le passé    des hêtres de deux types ont été attaqués
                                   pour protéger l’arbre. Dans le cas présent,     sur hêtre.                                     par des scolytes au printemps 2001 : les
                                   les températures très douces qui ont pré-                                                      arbres déjà précédemment atteints et
F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

                                   cédé de peu ce coup de froid brutal n’ont       L’un, évoqué par deux auteurs4-5, se           porteurs de lésions corticales étendues,
                                   pas permis une protection efficace des          serait produit en Ardenne belge et aurait      mais aussi, étonnamment, un très grand
Mai-Juin 2003

                                   arbres vis-à-vis du froid. La mort et la fer-   conduit, à partir de 1943, à la délivrance     nombre d’arbres sans lésion et d’aspect
                                   mentation des tissus lésés, accompagnées        de milliers de vieux hêtres. Bien que          extérieur « sain », ainsi qu’un houppier
                                   d’émissions d’éthanol, ont constitué des        n’ayant pas fait l’objet d’une description     sans signe de dépérissement antérieur
                                   sites d’attraction pour des insectes xylo-      approfondie, les symptômes évoqués             marqué.

        8
LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
Bien qu’apparemment toujours locali-         sont plus reproduites au printemps            des scolytes mis en œuvre par la DNF)
sées de manière préférentielle aux expo-     2002, comme l’a montré la campagne            cette attractivité exacerbée n’avait visi-
sitions nord et est, les coulées de sciure   d’inventaire 2002 et les résultats d’obser-   blement plus cours en 2002 et s’est
issues du creusement de galeries par les     vations dans les dispositifs permanents.      donc avérée passagère. Ainsi, certaines
scolytes, premiers symptômes observa-        Les attaques de xylophages ont en effet       grumes ou des arbres sur pied fortement
bles au cours du printemps 2001, se ren-     concerné environ deux fois moins d’arb-       dégradés faisaient l’objet d’intenses
contraient fréquemment à des orienta-        res qu’en 2001.                               attaques entomologiques, tandis que
tions sud-ouest à sud-est et, en outre,                                                    bon nombre d’arbres sur pied, même
fait nouveau, à la base du tronc (figure 9   L’avenir des arbres piqués en 2001 et         scolytés en 2001, n’étaient pas ré-atta-
et 10). Les insectes semblaient donc ne      indemnes de nouvelles attaques en 2002        qués en 2002.
plus focaliser leurs attaques uniquement     suscite bien des interrogations. Pour ten-
sur une zone précise comme en 1999-          ter d’évaluer les possibilités d’évolution    Nous voyons deux manières d’interpré-
2000 (grande lésion corticale).              d’arbres « nouvellement scolytés de           ter ce constat :
                                             2001 », quelques abattages suivis de          ‹ soit la « santé » des arbres, altérée par
Tout au plus pouvait-on constater dans       l’examen de galeries de Trypodendron ont         les conditions climatiques de 1998
l’épaisseur de l’écorce, la présence de      été effectués en automne 2001 au sein            notamment, a pu se restaurer pro-
petites taches nécrotiques peu étendues,     d’une station d’Ardenne et de Gaume. Il          gressivement jusqu’à les rendre non-
de coloration brun-orangé à brun foncé       s’est avéré qu’une partie des hêtres (ceux       réceptifs vis-à-vis des Trypodendron ;
et prenant naissance à la base de petites    d’Ardenne) comportaient des galeries          ‹ soit l’attractivité particulièrement
fissures. L’origine de ces micro-lésions     occupées par de jeunes adultes de Trypo-         importante des hêtres en 2001 était
serait plutôt à rechercher parmi des cau-    dendron et n’étaient pas parvenus à cica-        liée à un phénomène indépendant.
ses abiotiques (dégâts de gel peu étendus    triser ces galeries. Par contre, une autre
et localisés, influence de sécheresses, de   partie des hêtres abattus, situés en          Ces deux possibilités ont également pu
fortes températures…), sachant que le        Gaume sur station riche, portaient des        intervenir de manière conjointe.
hêtre possède une écorce dont certaines      galeries rebouchées par un bourrelet cica-
caractéristiques anatomiques favorisent      triciel. Bon nombre de ces galeries sem-      Notons également que les résultats de
la fissuration naturelle.                    blaient avoir « avorté », n’étaient profon-   différentes études confirment que les
                                             des que d’environ 5 mm et n’étaient que       deux espèces de Trypodendron restent
Les scolytes semblaient porter préféren-     très peu colorées, tandis que d’autres        bien des espèces au comportement
tiellement leurs attaques sur ces zones      étaient nettement plus profondes et de        secondaire, incapables d’attaquer des
d’écorces fissurées et fréquemment revê-     coloration noirâtre. Il semble donc – et      arbres parfaitement sains et fortement
tues de mousses dépérissantes. A contra-     ce fait nous a également été confirmé à       attirées par des émanations d’éthanol
rio, au moins sur les arbres non excessi-    de multiples reprises – qu’un certain         libérées par des arbres.
vement dégradés, les zones d’écorce lisse,   nombre d’arbres probablement assez
dépourvue de mousse et au périderme          vigoureux, sont aptes à cicatriser un         La seconde possibilité énoncée ci-dessus
toujours vert, généralement situées plus     grand nombre des galeries qu’ils compor-      implique qu’une cause non-directement
en hauteur que les zones d’écorce fissu-     tent. Pour autant que des dégradations        liée au « coup de froid » de 1998 aurait
rée, étaient indemnes de piqûres.            fongiques ne s’en suivent pas, ce fait        été responsable de l’attractivité impor-
                                             apporte évidemment une note d’opti-           tante et passagère dont les hêtres ont fait
Fort heureusement, de telles « explo-        misme quant à l’évolution future de ces       l’objet en 2001 alors que les populations
sions » d’attaques entomologiques ne se      arbres scolytés, à leur maintien en vie et    de Trypodendron étaient anormalement
                                             à leurs possibilités de régénération. Ces     importantes. L’éthanol peut être produit
  FIGURE 10 – ASPECT EN AVRIL 2003           cas d’évolutions favorables ne doivent        essentiellement par des processus de fer-
  DES PIQÛRES DE TRYPODENDRON SP.            cependant pas faire oublier que, dans les     mentation sur grumes abattues, arbres
DATANT DE 2001 (COLORATION NOIRÂ-            prochaines années, ces galeries, alors        moribonds ou arbres lésés (par exemple :
 TRE) ET DE PIQÛRES PLUS ANCIENNES
                                             devenues indécelables sur les bois sur        nécroses corticales) ou, dans des circons-
 LOCALISÉES DANS UNE ZONE DE BOIS
 ALTÉRÉ EN ORIENTATION NORD-EST, À           pied, constitueront des défauts cachés        tances particulières, être libéré par des
 L’APLOMB D’UNE LÉSION CORTICALE             (exemple de galeries vieilles de plusieurs    arbres en état de santé correct, mais
                                             dizaines d’années enfouies dans le bois).     subissant certains types de stress, notam-
                                                                                           ment climatiques.
                                             Les hypothèses de travail
                                             Au vu des différences importantes qui         Or il s’avère que les mois de mars et d’a-
                                             ont pu être identifiées dans la sympto-       vril 2001 ont connu des niveaux de pré-
                                             matologie présentée par les arbres            cipitations extrêmement élevés, à tel
                                             atteints en 1999-2000 d’une part, en          point que, d’après l’IRM, le mois d’avril
                                             2001 d’autre part, et considérant l’évo-      a connu les précipitations les plus éle-
                                             lution de la maladie constatée au prin-       vées depuis le début des observations
                                             temps 2002, il apparaît que l’attractivité    pluviométriques (1833) ! Si on considère
                                                                                                                                         F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

                                             des hêtres nouvellement attaqués en           le couple mars et avril 2001, c’est-à-dire
                                             2001 était très importante vis-à-vis des      précisément l’époque à laquelle ont été
                                                                                                                                         Mai-Juin 2003

                                             Trypodendron. Alors que les populations       constatées les premières attaques
                                             de Trypodendron étaient au moins aussi        extraordinaires de Trypodendron, les
                                             importantes en 2002 qu’en 2001 (mal-          valeurs de précipitations sont encore
                                             gré l’efficacité du dispositif de piégeage    plus remarquables ! Pendant le même

                                                                                                                                                 9
LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
temps, l’insolation présentait aussi un        nutritives, compaction…), climatiques          Pour ce qui regarde les martelages et en
                                   déficit record.                                (déstabilisation des arbres par les tempê-     particulier la sélection des tiges à prélever
                                                                                  tes, déficits hydriques répétés, températu-    en fonction des critères classiques (qualité
                                   Toujours selon l’IRM, « ce début de prin-      res estivales anormalement élevées) et         phénotypique, situation de concurrence
                                   temps est donc le plus mauvais depuis le       physiologiques (fortes faînées successi-       par rapport aux arbres voisins, catégorie
                                   début des observations qu’il réalise, avec     ves), ainsi que des retombées atmosphé-        de grosseur), il est clair que les objectifs
                                   simultanément un déficit record de l’inso-     riques polluantes (notamment acides et         des martelages purement sanitaires, s’ils
                                   lation et un excès record des précipita-       azotées).                                      sont effectués, seront relativement éloi-
                                   tions »7.                                                                                     gnés des objectifs sylvicoles ou d’aména-
                                                                                  Globalement, l’action de ces facteurs n’a      gement définis classiquement pour les
                                   Ceci nous amène à émettre l’hypothèse          pas contribué à assurer au hêtre des           parcelles. Au vu des pourcentages plus éle-
                                   suivante, qui, à ce stade, n’est encore que    conditions favorables de vigueur et de         vés d’arbres atteints dans les catégories de
                                   purement spéculative et doit donc être         résistance aux agressions extérieures. Par     gros bois, la disparition de ces arbres, par
                                   considérée avec prudence. Selon celle-ci,      ailleurs, des recherches menées en             mort naturelle ou par abattage, devrait en
                                   ces conditions météorologiques extrême-        Suède8 ont montré qu’il existerait, dans       principe permettre un rajeunissement
                                   ment pluvieuses (éventuellement combi-         les peuplements suédois étudiés, une           plus rapide des hêtraies fréquemment
                                   nées à des problèmes de déficiences de         corrélation entre les conditions nutri-        déséquilibrées par excès de gros bois.
                                   drainage du sol), ont pu, dans certains cas,   tionnelles des hêtres et la sensibilité de
                                   induire chez les hêtres un stress important    leur écorce au gel.                            Les aménagements forestiers risquent évi-
                                   lié à l’ennoyage temporaire de leur enraci-                                                   demment aussi de subir d’importantes
                                   nement, et une production subséquente                                                         perturbations, essentiellement au niveau
                                   d’éthanol. En effet, par déficit d’oxygène       CONSÉQUENCES SYLVICOLES                      des objectifs poursuivis.
                                   et anoxie racinaire, il peut y avoir produc-          DE LA MALADIE
                                   tion métabolique d’éthanol. Cet éthanol,                                                      En revanche, cet événement assez excep-
                                   qui se retrouve au niveau du cambium et        La maladie qui sévit actuellement dans         tionnel constitue assurément une oppor-
                                   du phloème serait clairement de nature à       les hêtraies d’Ardenne et de Gaume             tunité très intéressante de diversification
                                   déclencher des attaques d’insectes comme       amène un certain nombre de perturba-           des essences de la hêtraie, le plus souvent
                                   les Trypodendron qui, à l’époque considé-      tions plus ou moins importantes au             très pauvre en essences compagnes. Un
                                   rée, constituaient vraisemblablement des       niveau des peuplements en fonction du          certain nombre de trouées créées pour-
                                   populations très importantes et se trou-       taux d’arbres atteints, de leur réparti-       ront bénéficier du potentiel de régénéra-
                                   vaient en pleine période d’émergence et        tion, mais aussi de la structure des peu-      tion naturelle des essences compagnes ou
                                   donc à la recherche d’hôtes attractifs.        plements et des types de stations concer-      faire l’objet de reboisements à but cultural
                                                                                  nés. Parmi celles-ci, citons des               et écologique. Outre l’amélioration de la
                                   D’autres pistes doivent également être         prélèvements souvent excessifs qui peu-        diversité écologique en général, les mélan-
                                   considérées, dont celle du lien fréquent       vent impliquer, outre une déstabilisa-         ges influencent favorablement la décom-
                                   qui existe entre les attaques de Trypoden-     tion des peuplements, une mise en              position de la couverture morte, la forma-
                                   dron et la présence de « mousses noires sur    lumière brutale des arbres restants et du      tion d’un humus de bonne qualité, les
                                   le tronc ».                                    parterre de la coupe. Les arbres isolés ris-   propriétés éco-biologiques intéressantes
                                                                                  quent de subir des dommages directs liés       du sol et la fertilité de la station. Grâce à la
                                   À l’évidence, il s’agit d’aspects complexes    à l’action des agents climatiques (brûlu-      diversité de leurs exigences et à la variété
                                   car on ne peut ignorer les inévitables         res d’écorce, altération de l’écorce liée au   de leur enracinement, les espèces du
                                   interactions entre facteurs incriminés,        froid (!), dommages racinaires liés à l’ac-    mélange exploitent mieux les ressources
                                   chacun d’eux ne pouvant être pris en           tion de vents forts…) ainsi que divers         du milieu que les peuplements purs. De
                                   compte isolément sous peine de graves          stress liés notamment à l’ensoleillement       plus, la régénération naturelle du peuple-
                                   erreurs d’interprétation.                      brutal des cimes. À l’image de ce que          ment mélangé est souvent plus aisée et
                                                                                  l’on constate fréquemment, il semble           mieux assurée, surtout en hêtraie. Enfin,
                                                                                  inéluctable qu’un certain nombre d’arb-        globalement, la résistance des peuple-
                                        Un contexte général                       res encore sains qui se retrouveront iso-      ments mélangés aux divers dangers et
                                      globalement défavorable                     lés suite aux ponctions effectuées vont        accidents est mieux assurée que pour les
                                                                                  souffrir et dépérir progressivement.           peuplements mono-spécifiques9. Il ne faut
                                        à la vigueur du hêtre                                                                    cependant pas nier l’existence de difficul-
                                   Depuis de nombreuses années, bon nom-          Des « régularisations » de trouées seront      tés lorsqu’il s’agit de réimplanter, de
                                   bre de hêtraies notamment ardennaises          donc sans doute à prévoir au cours des         maintenir et de rajeunir les essences cons-
                                   présentent des signes tangibles de dépéris-    prochaines années. L’afflux massif et          titutives du mélange dans une juste pro-
                                   sement « classique », dont le symptôme le      soudain de lumière et de chaleur au sol,       portion.
                                   plus apparent est une dégradation plus ou      s’il peut dans certains cas aider à miné-
                                   moins sévère de l’état des houppiers. L’é-     raliser rapidement une importante cou-         Ainsi, dans les zones les plus atteintes, les
                                   pisode aigu de maladie que nous connais-       che de matière organique, risque égale-        aménagements forestiers devront être
F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

                                   sons actuellement semble indépendant de        ment de provoquer l’apparition d’une           revus, sinon au niveau des objectifs géné-
                                   ce dépérissement nettement plus progres-       strate herbacée très envahissante sus-         raux, au moins à celui des calculs de pos-
Mai-Juin 2003

                                   sif et dont l’origine, complexe, fait notam-   ceptible de poser d’importants problè-         sibilités et des prévisions de travaux. Ce
                                   ment intervenir des facteurs pédologiques      mes de régénération naturelle, par             sera l’occasion d’une réflexion approfon-
                                   (pauvreté chimique naturelle de certains       ailleurs déjà peu aisée à obtenir dans         die sur les sylvicultures de la hêtraie en
                                   sols, déséquilibres minéraux, carences         certains cas.                                  Wallonie.                                  „

  10
En 2001, les piégeages avaient révélé l’abondance de trois
espèces de scolytes dans les hêtraies ardennaises atteintes par                                       Partie 2
la « maladie du hêtre » : Trypodendron domesticum (ou
Xyloterus domesticus), Trypodendron signatum (ou Xylo-
terus signatus) et Xyleborus (ou Anisandrus) dispar. Divers
                                                                                                      BIOLOGIE ET RÔLE
essais (abattages séquentiels, tests de substances attractives) et
de multiples observations sur la distribution des attaques
                                                                                                      DES SCOLYTES ASSOCIÉS
avaient permis de conclure au caractère strictement non-pri-
maire de ces espèces : les arbres sains ne sont pas menacés. En
revanche, ils avaient établi que les hauts niveaux de popula-
                                                                                                      À LA MALADIE
tions pouvaient entraîner des attaques de scolytes sur des sujets                                     Évolution des connaissances
passagèrement susceptibles, et que ces attaques entraînaient
une dépréciation économique très grave du bois, même si cer-
tains arbres atteints pouvaient se rétablir.

E
          n 2002, l’expérimentation a visé à déterminer quelle
          menace chacune des trois espèces de scolytes présen-
          tait pour la hêtraie. En effet, l’abondance des captures
          d’individus des trois espèces ne signifiait pas nécessai-
rement que ces insectes étaient tous capables de nuire d’égale
façon. Les préférences de chacune quant aux substrats coloni-
sés, les facultés de dispersion en forêt et en milieux ouverts, et
les modes d’hivernage ont également été étudiés. Par ailleurs,
une grande partie des essais a visé à perfectionner le piégeage et

                                                                                                                                                                                                             © M. De Proft
à mesurer son efficacité en terme de gestion des populations.

                       Quelles espèces menacent les hêtres ?

Deux voies ont été suivies pour répondre à cette question : l’utili-                                  Vingt-trois pièges collectifs ont été posés en août 2001 sur 12 gru-
sation de pièges d’émergence, afin de déterminer quelles espèces                                      mes à Libin et 21 pièges sur 14 arbres debout à Willerzie. Les cap-
étaient responsables des galeries observées dans les arbres, et la                                    tures indiquent que deux espèces sortent des galeries : Trypoden-
mise en place de pièges à éthanol et à phéromones, permettant                                         dron signatum et T. domesticum. Les deux espèces ont été capturées
une certaine évaluation des populations de scolytes dans des peu-                                     ensemble dans les deux sites. T. signatum semble surtout abondant
plements atteints à des degrés divers par la « maladie du hêtre ».                                    sur grumes et T. domesticum domine sur arbres debout. Cette ob-
                                                                                                      servation confirme les captures abondantes de T. signatum sur
Pièges d’émergence                                                                                    grume-piège en 2001.
Ceux-ci sont de deux types, collectifs ou individuels. Le princi-
pe de cette technique consiste à récolter les insectes émergeant                                      Dans cette première expérimentation de portée limitée, aucun
de la surface de l’écorce couverte par le piège. Les pièges collec-                                   X. dispar n’a été récolté ni sur arbres debout, ni sur grumes. En
tifs sont constitués d’un récipient opaque (une gouttière en                                          revanche, des observations directes en forêt ont révélé que cette
PVC, longueur 40 cm, largeur 12 cm) vissé au tronc à l’aplomb                                         espèce est fréquente sur le bois de hêtre gisant. Elle hiverne à l’in-
d’une surface infestée, et muni d’orifices de ventilation grillagés                                   térieur du bois et émerge plus tard que T. domesticum. Les accou-
et de 3 flacons collecteurs.                                                                          plements ont lieu au printemps, lors de l’émergence, sur l’écorce
                                                                                                      (peut-être également dans les galeries, avant l’émergence). Ensui-
Les pièges d’émergence individuels sont des cylindres en PVC                                          te, les femelles, seules capables de voler, s’en vont à la recherche
s’enfonçant dans un flacon récepteur, et légèrement enfoncés                                          de nouveaux sites à coloniser. Malgré l’abondance de ses popula-
dans l’écorce à l’aplomb de l’orifice de la galerie.                                                  tions, aucune installation d’X. dispar n’a (encore) été détectée sur

                    FIGURE 1 – PIÈGES D’ÉMERGENCE : RECOGNE 2001-2002                                          FIGURE 2 – PIÈGES D’ÉMERGENCE : WILLERZIE 2001-2002

                     3 500                                                                                                 700

                     3 000                                                                                                                 T. signatum
                                                                                                                           600
                                                                                                                                           T. domesticum
                                                                                                        Captures totales
 Captures totales

                     2 500                                                                                                 500
                                           T. signatum
                     2 000                                                                                                 400
                                           T. domesticum
                     1 500                                                                                                 300

                     1 000                                                                                                 200
                                                                                                                                                                                                                             F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4

                      500                                                                                                  100

                         0                                                                                                    0
                      1er sept. 01   21 oct. 01    10 déc. 01   29 janv. 02   20 mars 02   9 mai 02                        1er sept. 01 21 oct. 01 10 déc. 01 29 janv. 02 20 mars 02 9 mai 02   28 juin 02
                                                                                                                                                                                                                             Mai-Juin 2003

                                                            Dates                                                                                               Dates

 Captures totales, 23 pièges « collectifs »                                                            Captures totales, 23 pièges « collectifs »
 Émergences à partir de grumes, pièges collectifs                                                      Émergences à partir d’arbres debouts, pièges collectifs
 Captures cumulées. Recogne, septembre 2001-mai 2002                                                   Captures cumulées. Willerzie, septembre 2001-juin 2002

                                                                                                                                                                                                                              11
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