LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE
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LE POINT SUR LA MALADIE DU HÊTRE EN WALLONIE OLIVIER HUART Unité de Gestion et Économie forestières Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux MICHEL DE PROFT Département de Phytopharmacie Centre de Recherches Agronomiques de Gembloux JEAN-CLAUDE GRÉGOIRE Laboratoire de Biologie animale et cellulaire Université Libre de Bruxelles FRÉDÉRIC PIEL Biologie des Communautés animales Université Libre de Bruxelles BETTY GAUBICHER Département de Phytopharmacie Centre de Recherches Agronomiques de Gembloux FRANÇOIS-XAVIER CARLIER Unité de Phytopathologie Université catholique de Louvain HENRI MARAÎTE Unité de Phytopathologie Université catholique de Louvain JACQUES RONDEUX Unité de Gestion et Économie forestières Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux © O. Huart
Le hêtre, troisième essence feuillue (en volume) de Wallonie, est actuellement Partie 1 victime, essentiellement en Ardenne et en Gaume, d’un important problème CARACTÉRISTIQUES sanitaire mettant en jeu des attaques d’insectes et de champignons, commu- nément appelé « maladie du hêtre ». PRINCIPALES DE LA MALADIE : Les premiers symptômes inquiétants • importance, répartition et évolution du phénomène ont été identifiés à • principaux symptômes et hypothèses explicatives l’automne 1999, puis se sont considé- rablement amplifiés en 2000 et sur- • conséquences sylvicoles tout en 2001, et se sont accompagnés de dégâts très importants et sans pré- État des lieux à l’échelle de IMPORTANCE, RÉPARTITION ET cédent connu. la Région wallonne ÉVOLUTION DE LA MALADIE La nature et la dynamique d’appari- Quatre pays sont concernés par cette maladie : la Belgique (en Wallonie) dont Méthodologie tion des symptômes observés suggé- les hêtraies sont les plus touchées, et des Devant l’ampleur des dégâts constatés raient d’emblée qu’il s’agissait d’un zones limitrophes de France, du Grand- au printemps 2001 en Wallonie, il s’est phénomène inhabituel et apparem- Duché du Luxembourg et d’Allemagne. avéré indispensable de réaliser un état ment distinct des dépérissements des lieux spécifique à l’échelle des « classiques » du hêtre, bien que la En Région wallonne, deux outils d’ana- hêtraies de la Région wallonne. Une pre- lyse et de suivi de la maladie ont été mis mière opération d’inventaire fut menée possibilité d’interactions entre ces en œuvre : d’une part, des campagnes de mi-mai à début-juillet 2001. Afin de deux problèmes ne puisse être écartée d’inventaires ciblés menées à l’échelle de suivre l’évolution de la maladie, une a priori. L’ampleur de la zone géogra- la Région wallonne et, d’autre part, des seconde campagne a été menée de mi- phique au sein de laquelle les symptô- dispositifs permanents d’observations mai à mi-juillet 2002. Ces deux campa- mes se sont déclarés de manière relati- approfondies à l’échelle de trois peuple- gnes, issues d’une collaboration entre la vement brusque et simultanée ments. FUSAGx (Professeur Jacques Rondeux) et la « Cellule Inventaire permanent des constitue également une caractéris- Un aperçu des principaux résultats issus Ressources forestières de Wallonie » de la tique remarquable du phénomène de ces deux types d’analyse sont présen- DNF (ir. Hugues Lecomte), ont concerné observé. tés ci-dessous. 381 unités d’échantillonnage de l’Inven- taire permanent des Ressources forestiè- res de Wallonie (IPRFW), situées dans des peuplements soumis au régime forestier du sud du sillon Sambre-et- Meuse, et dans lesquelles le hêtre repré- sentait au moins 50 % de la surface ter- rière1. L’inventaire a porté sur environ 38 000 hectares, soit la quasi-totalité des hêtraies publiques wallonnes. Les hêtres d’au moins 40 cm de circonférence à 1,5 m ont fait l’objet d’observation rela- tives notamment à la présence de pi- qûres d’insectes, de carpophores, de décollements d’écorce, de bris de tronc et d’une description sommaire de l’aspect du feuillage. Résultats principaux des campagnes d’inventaire 2001 et 2002 L’interprétation des principaux résultats issus de ces campagnes de mesures doit F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 être prudente et doit tenir compte de plu- sieurs éléments ayant trait à l’échantillon- Mai-Juin 2003 nage (un certain nombre de tiges ont été abattues entre les deux inventaires, l’é- © O. Huart chantillon a donc varié) et aux conditions d’observation (conditions météorolo- 3
giques d’observation moins favorables phores n’ont pu être observés lors du pas- des symptômes (piqûres d’insectes qu’en 2001, observations des arbres sage annuel de l’équipe de l’inventaire. et/ou champignons et/ou décolle- depuis le sol). De même, la période choi- Les principales informations fournies ments d’écorce), se serait élevé à sie pour l’observation des arbres échan- par l’inventaire et extrapolées sur base 627 000 m3, soit 9 % du volume sur tillonnés, de mi-mai à mi-juillet, cor- d’arbres « atteints » quelque soient les pied en Région wallonne (soit respond à celle au cours de laquelle symptômes (piqûres d’insectes et/ou car- 6 906 000 m3 estimés en 2002), contre apparaissent de manière la plus évidente pophores et/ou décollements d’écorce et 1 327 000 m3 en 2001 (soit 18 % des les attaques de scolytes, symptôme de loin leur intensité, sont les suivantes : 7 360 000 m3 sur pied estimés en le plus fréquent en 2001. Mais d’autres lors de l’observation de mai à juillet 2001) (figure 1) ; symptômes, comme l’apparition autom- 2002, le volume bois fort tige* d’arb- en nombre de tiges, 304 000 auraient nale (surtout en 2002) de certains carpo- res « atteints », c’est-à-dire présentant été atteintes en 2002 (soit 5 % des 6 354 000 tiges estimées en 2002), contre 747 000 en 2001 (soit 11 % des FIGURE 1 – AMPLEUR DE LA MALADIE EXPRIMÉE EN VOLUME (TIGES) 6 350 000 tiges estimées en 2001) POUR 2001 ET 2002 (figure 2) ; Atteint Atteint (9 %) les superficies de hêtraies soumises (18 %) concernées, à des degrés divers, par la maladie en 2002 représentent envi- ron 12 000 hectares, contre environ 17 000 hectares en 2001 (estimations Non atteint sur base de la présence d’au moins un Non atteint (82 %) (91 %) arbre atteint par point de sondage) ; le volume moyen atteint par hectare est FIGURE 2 – AMPLEUR DE LA MALADIE EXPRIMÉE EN NOMBRE DE TIGES estimé à 16 m3 en 2002, contre 35 m3 POUR 2001 ET 2002 en 2001, avec de très fortes variations Atteint Atteint entre régions et entre peuplements. (11 %) (5 %) Ces chiffres montrent que, sur base des symptômes visibles sur les hêtres tou- jours sur pied lors de l’inventaire 2002, les volumes, comme les nombres de tiges atteints, seraient deux fois moins Non atteint Non atteint (89 %) (95 %) importants qu’en 2001. FIGURE 3 – ÉVOLUTION DU STATUT DES ARBRES ENTRE LE PREMIER INVENTAIRE Les deux inventaires successifs ont éga- (2001) ET LE SECOND (2002) (EN VOLUME) lement montré que : 6 % du volume (455 000 m3) a été Diagnostic en 2001 Atteint (18 %) exploité entre 2001 et 2002, se répar- tissant en 271 000 m3 d’arbres atteints et 184 000 m3 d’arbres non-atteints lors de l’inventaire 2001, ce qui repré- Non atteint (82 %) sente 226 000 tiges dont 115 000 jugées atteintes et 111 000 jugées non- Statut en 2002 des arbres Statut en 2002 des arbres non atteints en 2001 atteints en 2001 atteintes en 2001 ; Non atteint Plus de traces visibles (95 %) (42 %) en ce qui concerne les arbres toujours sur pied lors de l’inventaire 2002, sur un total d’environ 6 906 000 m3 (6 354 000 tiges) estimé en 2002, Atteint 1 180 000 m3, soit 17 %, ont été Atteint Coupé (38 %) Coupé (2 %) (3 %) (20 %) atteints en 2001 et/ou en 2002 (soit en nombre de tiges : 710 000 tiges sur Diagnostic en 2002 un total de 6 354 000, soit 11 %) ; Atteint sur le plan de l’évolution de la mala- (9 %) die, illustrée par la figure 4, il est plu- tôt rassurant de constater que sur les 627 000 m3 considérés « atteints » en Non atteint 2002, 502 000 m3 l’étaient déjà en (91 %) 2001, seuls 125 000 m3 (soit moins de Diagnostic cumulé 2001 + 2002 2 % du volume total sur pied) ont F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 des arbres sur pied en 2002 présenté des symptômes de maladie en 2002 alors qu’aucun n’avait été Mai-Juin 2003 * Volume bois fort tige : volume sur écorce de Non atteint en 2001 Atteint en 2001 la tige calculé jusqu’à la recoupe de 22 cm ni en 2002 et/ou en 2002 de circonférence, appellé par la suite « volu- (83 %) (17 %) me » afin de ne pas alourdir le texte. 4
FIGURE 4 – DISTRIBUTION POUR 2001 ET 2002 DES VOLUMES (BOIS FORT TIGE) 2 % (125 000 m3) présentent des ESTIMÉS DE HÊTRES ATTEINTS ET DES TAUX D’ATTEINTE PAR CATÉGORIES DE CIR- symptômes en 2002 ; CONFÉRENCE COMMERCIALES 3 % (184 000 m3) ont été exploités. 600 25 Notons encore les résultats suivants : 500 par rapport à 2001, nous observons 20 une augmentation de la part du volu- Volume (m3 x 1 000) me « fortement atteint », ce qui sem- Taux atteint (%) 400 15 ble logique en considérant que 80 % 300 du volume atteint en 2002 l’était déjà 10 en 2001 ; 200 environ le tiers (34 %) du volume atteint en 2002 appartient à la catégo- 5 100 rie 120-179 et environ la moitié (48 %) à la catégorie 180-239. Plus de 80 % de 0 0 ce volume correspond donc à des arb- 40 - 69 70 - 119 120 - 179 180 - 239 240 et + res de circonférence comprise entre C 150 (cm) 120 et 240 cm. Des tiges de faible cir- % atteint en 2001 Volume atteint en Volume atteint en conférence sont également touchées, 2001 (m3 x 1 000) % atteint en 2002 2002 (m3 x 1 000) bien que dans une proportion bien moindre. Par rapport au volume sur FIGURE 5 – DISTRIBUTION POUR 2001 ET 2002 DES VOLUMES (BOIS FORT TIGE) pied, la catégorie de circonférence ESTIMÉS DE HÊTRES ATTEINTS ET DES TAUX D’ATTEINTE PAR CLASSES D’ALTITUDE commerciale la plus touchée en 2002 est celle des « 120-179 », tandis que 800 25 celle des « 180-239 » était la plus tou- chée en 2001 (figure 4) ; 700 20 comme en 2001, la région forestière 600 de l’Ardenne comporte le plus grand Volume (m3 x 1 000) Taux atteint (%) 500 volume d’arbres atteints, soit 95 % du 15 total ; le solde (5 %) provient de la 400 région jurassique ; 300 10 comme en 2001, le taux d’arbres atteints augmente fortement avec 200 5 l’altitude. La plus grande part du 100 volume total atteint a cependant été 0 identifiée à une altitude comprise 0 entre 350 et 449 mètres (figure 5) ; < 350 350 à 450 450 et + Altitude (m) la province de loin la plus touchée est % atteint en 2001 Volume atteint en Volume atteint en celle du Luxembourg, suivie de % atteint en 2002 2001 (m3 x 1 000) 2002 (m3 x 1 000) Namur et Liège, tandis que celle du Hainaut resterait non concernée ; à l’image des observations de 2001, les détecté lors du premier passage. Il s’a- évidemment pu être décelés. Cepen- deux directions forestières de loin les git donc soit de véritables « nouveaux dant, nos observations, menées égale- plus touchées restent respectivement cas », soit de hêtres sur lesquels des ment au sein des dispositifs perma- Arlon et Neufchâteau ; viennent symptômes n’ont pas pu être détectés nents, montrent qu’il s’agit là ensuite Marche-en-Famenne, Dinant, en 2001 (symptômes non vus ou toujours d’arbres qui étaient déjà Malmédy et Liège, tandis que Mons et symptômes apparus après le moment atteints auparavant, le plus souvent Namur ne seraient pas concernées. de l’observation). des « nouveaux scolytés » de 2001. À Au total, les 1 327 000 m3 jugés atteints titre exploratoire et de vérification, Sans entrer dans les détails, l’analyse sta- en 2001 se répartissaient comme suit en un rapide inventaire portant sur de tistique des données de l’inventaire 2002 : nouvelles observations au sein de 30 2001 a montré que l’importance des 38 % (502 000 m3) ont à nouveau été unités d’échantillonnage (11 canton- dégâts augmentait lorsque les para- jugés atteints en 2002 ; nements) a été mené à la mi-février mètres suivants augmentaient : 42 % (554 000 m3) ne présentaient 2003 afin d’évaluer sommairement la l’altitude du peuplement ; plus de symptômes visibles en mai- situation. Le traitement des données l’acidité des sols (évaluée par les espè- juillet 2002. Les observations de ter- est en cours ; ces indicatrices). rain ont cependant montré que des 20 % (271 000 m3) ont été exploités. F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 champignons sont apparus sur de À l’inverse, l’importance des dégâts nombreux arbres en octobre-novem- Enfin, les 6 033 000 m3 jugés non- diminuait lorsque les variables suivantes Mai-Juin 2003 bre 2002 (après le passage des équipes atteints en 2001 se répartissent comme augmentaient : d’inventaire). Ces champignons, s’ils suit en 2002 : la pente du sol ; n’étaient pas déjà présents lors de la 95 % (5 725 000 m3) ne présentent la surface terrière totale à l’hectare ; visite des points de sondage, n’ont toujours pas de symptômes en 2002 ; la proportion de très petits bois 5
FIGURE 6 – PROPORTIONS DE HÊTRES « SCOLYTÉS » OU NON EN 2000, 2001 ET 2002 tions des carpophores en octobre- (DISPOSITIF PERMANENT DE SAINTE-CÉCILE, CANTONNEMENT DE FLORENVILLE) novembre 2002), tous les arbres atteints l’ayant déjà été précédemment. 100 Au total, ce sont donc 48 % qui ont été 80 % de hêtres scolytés piqués au moins une fois au cours de ces 3 années, ce qui en fait un peuplement 60 assez fortement touché. 40 Grâce au recul que procurent des états des 20 lieux successifs effectués depuis l’été 2000, nous observons que (figure 7) : 0 environ la moitié des hêtres n’ont été scolytés ni en 2000, ni en 2001, ni en 2002 ; Année 2000 Année 2001 Année 2002 5 % ont été scolytés en 2000 puis en Non scolytés (%) 87 52 75 2001 ; Scolytés (%) 13 48 25 18 % n’ont été scolytés qu’en 2001 (« nouveaux scolytés » de 2001) ; 17 % ont été scolytés en 2001 et en (C150 < 40 cm) et de petits bois qu’aucun arbre, même atteint, ne soit 2002 (sans l’avoir été en 2000) ; (C150 entre 40 et 89 cm) ; abattu, ont véritablement acquis une 8 % ont été scolytés lors des 3 années. valeur de référentiel, puisqu’ils permet- Les territoires écologiques de l’« Ardenne tent actuellement, grâce à l’ensemble des Il est intéressant de constater que parmi méridionale » (caractérisée par ses surfaces observations et mesures régulièrement les « nouveaux scolytés » de 2001, environ planes et ses versants situés à des altitudes effectuées dont ils ont fait l’objet, de la moitié ont été ré-attaqués en 2002, tan- élevées entre 380 et 500 m) et des « Vallées mieux connaître la symptomatologie dis que l’autre moitié ne l’a plus été. supérieures des bassins mosans » présen- développée par les arbres atteints, ainsi taient des taux de dégâts nettement plus que leur cinétique d’apparition et les En ce qui concerne l’observation de car- importants que les autres territoires écolo- interactions entre symptômes. pophores, la répartition suivante a été giques de l’Ardenne. notée en octobre-novembre 2002 : L’exposition nord-est associée à des pentes Nous ne reprendrons ici que quelques parmi les hêtres déjà atteints en 2000, de plus de 5° présentait en moyenne une résultats parmi les plus importants issus 97 % ont présenté des carpophores en intensité de dégâts supérieure à celle des du dispositif ardennais, en complément 2000 et/ou en 2001 et/ou en 2002 : il autres expositions. de résultats issus des campagnes d’inven- s’agit d’arbres porteurs de grandes taire régionales, menées à une échelle plus lésions de gel, dont l’espérance de sur- Quelques résultats issus de large mais basées sur des observations one- vie est à peu près nulle ; plus du tiers de dispositifs d’observation per- shot annuelles. L’interprétation de ces ces arbres ont d’ailleurs été brisés lors résultats sera discutée ci-dessous. d’un épisode venteux de novembre manents 2002 ; Trois dispositifs d’observation et de suivi Sur un total de 210 hêtres (d’au moins parmi les hêtres nouvellement scolytés ont été installés au sein du cantonnement 40 cm de circonférence), le pourcentage en 2001, 25 % ont présenté des carpo- de Florenville dans les deux régions natu- de hêtres « scolytés » (présentant des piqû- phores en 2001 et/ou en 2002, ce qui relles les plus touchées, au sein desquels res d’insectes xylophages) en 2000 était de donne une idée, à l’échelle locale de ce plus de 430 hêtres font l’objet d’observa- 13 %, puis a grimpé à 48 % durant le prin- dispositif, de l’évolution de ces arbres tions périodiques et approfondies. Le temps 2001. Ce taux est redescendu à environ un an et demi après leur dispositif ardennais est installé et suivi 25 % en 2002 (figure 6). attaque par les Trypodendron ; depuis l’été 2000, tandis que les deux parmi les hêtres attaqués par des scoly- autres le sont depuis l’automne 2001. Ces Aucun nouveau cas n’a été observé au tes au printemps 2002, 59 % ont pré- dispositifs, dans lesquels il est prévu cours de l’année 2002 (dernières observa- senté des carpophores en 2000 et/ou en 2001 et/ou en 2002, ce qui confirme FIGURE 7 – STATUT GLOBAL DES ARBRES EN JUIN 2002 ET STATUT ANTÉRIEUR DES le fait que les arbres attaqués par les HÊTRES NOUVELLEMENT SCOLYTÉS EN 2001 Trypodendron en 2002 étaient générale- ment dans un état sanitaire assez dégradé. Remarquons que généralement, l’action Re-scolytés Non re-scolytés de champignons lignivores n’implique F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 en 2002 en 2002 Non scolytés en 2000, 2001 et 2002 52 % (47 %) (53 %) pas une mort rapide des hêtres atteints. Scolytés en 2000 et 2001 5% Par contre, l’extention de la colonisation Mai-Juin 2003 Scolytés en 2001 18 % des tissus enduits, conduit souvent après Scolytés en 2001 et 2002 17 % plusieurs années, au bris du tronc ou à son Scolytés en 2000, 2001 et 2002 8% « teinturage » complet, induisant la mort de l’arbre. 6
En ce qui concerne les observations de sence de symptômes parmi les suivants, Bien qu’inhabituel, ce type d’attaques de bris de tronc, effectuées à la mi-novembre systématiquement localisés sur une xylophages n’avait en réalité rien d’é- 2002, soit après un épisode très venteux, seule face du fût en orientation nord à tonnant sur le plan entomologique, elles présentent un intérêt d’un point de est et plutôt en hauteur sur le tronc puisque les insectes concernés sont vue « sécurité » notamment : (depuis une certaine distance du sol jus- connus pour être très fortement attirés parmi les arbres observés cassés, tous qu’à la base du houppier), était caracté- par l’éthanol du bois en fermentation. ont présenté des carpophores en 2000, ristique : piqûres d’insectes xylophages Leurs piqûres ne faisaient donc que révé- 2001 ou 2002 ; (essentiellement Trypodendron domesti- ler un problème sous-jacent d’origine parmi l’ensemble des arbres ayant pré- cum, T. signatum et Lymexylon dermestoi- antérieure et, initialement, invisible senté des carpophores en 2000, 36 % des), taches noires, décollements d’écor- extérieurement. étaient cassés ; ce et/ou carpophores. Grâce à l’écorçage parmi les hêtres ayant développé des des troncs, une relation étroite a été sys- Le prélèvement systématique de rondel- carpophores à partir de 2001, 14 % tématiquement observée entre la présen- les de bois au cours de nos observations étaient cassés ; ce de piqûres de Trypodendron sur le a permis d’effectuer plusieurs constata- parmi les hêtres ayant développé des tronc et celle, sous-jacente, d’altérations tions importantes. En coupe transversale carpophores à partir de 2002, aucun et de nécroses corticales prenant la au niveau de lésions corticales, se trou- n’était cassé. forme de grandes bandes d’écorce nécro- vait soit un bourrelet de cicatrisation, sée seulement visibles après écorcement. soit un « manque de cernes » lié à la Ces constatations ont été confirmées à mort du cambium. L’examen minutieux PRINCIPAUX SYMPTÔMES de nombreuses reprises, notamment lors des rondelles a permis de compter systé- OBSERVÉS ET HYPOTHÈSES d’une opération d’abattage systématique matiquement un même nombre de cer- de 120 hêtres au sein de points de son- nes manquants ou constitutifs de bour- EXPLICATIVES dage installés dans différents peuple- relets, permettant de dater, sans La majorité des symptômes observés et ments d’Ardenne et de Gaume, menée exception, l’événement qui a provoqué leurs caractéristiques principales ayant été en automne-hiver 2000-2001 (avant le la mort du cambium à la saison de repos précédemment décrits et illustrés2, nous printemps 2001, celui des attaques spec- de végétation 1998-1999. À noter que ne les détaillerons pas ici. Seuls seront taculaires de scolytes). l’examen de rondelles prélevées dans évoqués ceux intervenant dans l’explica- toutes les régions concernées par la tion des hypothèses suivantes. En effet, il s’est avéré que, à quelques maladie y compris dans les Ardennes très rares exceptions près : françaises, a conduit aux mêmes conclu- Bien que plusieurs faits restent sans tous les hêtres présentant des sions. explications précises, l’observation de attaques de xylophages (Trypodendron très nombreux arbres sur pied et abattus, domesticum et T. signatum essentielle- L’hypothèse d’un incident climatique la consultation d’experts et les recher- ment) présentaient des lésions corti- comme facteur déclenchant ches bibliographiques permettent de cales de dimensions parfois très Un événement géographiquement éten- confirmer les hypothèses explicatives importantes (figure 8) et dégagaient du mais ponctuel dans le temps semblait déjà émises3 quant au facteur déclen- une forte odeur de « fermentation » et donc être la cause première de la forma- chant à l’origine de cette maladie. Quant d’éthanol ; tion de ces grandes lésions corticales très à son processus de développement ulté- tous les hêtres présentant ce type de attractives pour des insectes xylophages rieur, comprenant les attaques de xylo- lésions d’écorce présentaient des secondaires. Une analyse des données phages du printemps 2001 et l’évolution attaques de scolytes localisées, au climatiques de l’Institut Royal Météoro- plutôt favorable constatée en 2002, il fait moins en phase de début d’attaque, logique de Belgique a permis d’identi- l’objet de plusieurs hypothèses qui, jus- précisément au niveau de la zone d’é- fier plusieurs épisodes de froid intense qu’ici n’ont pu être vérifiées de manière corce lésée. au cours de la période concernée. Celui rigoureuse. Pour plus de clarté, nous distinguons les FIGURE 8 – NÉCROSE SOUS-CORTICALE (DÉLIMITÉE PAR LE TRAIT BLEU) DE TAILLE IMPORTANTE ET ORIENTÉE AU SECTEUR NORD-EST SUR UNE GRUME symptômes et constats importants, ainsi « SCOLYTÉE » EN 2000 (C150 : 175 CM) que les hypothèses susceptibles de les expliquer, respectivement pour les dégâts observés en 1999-2000 et 2001- 2002. Enfin, quelques éléments du contexte général antérieur, qui globale- ment, s’est montré plutôt défavorable à la bonne vigueur du hêtre, seront égale- ment rappelés. Dégâts observés F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 en 1999 et 2000 Mai-Juin 2003 Symptômes et observations En été 2000, dès les premières observa- tions d’arbres malades abattus, la pré- 7
FIGURE 9 – PRINTEMPS 2001. PIQÛRES phages et des portes d’entrée pour des font état de suintements rougeâtres à DE TRYPODENDRON (MARQUÉES EN champignons. Les scolytes ont ainsi trou- l’exposition nord, de nécroses, de chutes JAUNE) LOCALISÉES UNIQUEMENT À LA BASE DE L’ARBRE ET EN TOUTES vé une grande quantité d’arbres réceptifs d’écorce et d’attaques violentes de Trypo- ORIENTATIONS (DISPOSITIF et ont pu se multiplier fortement. dendron. Ces auteurs attribuent l’origine PERMANENT DE SAINTE-CÉCILE, des dégâts à l’hiver exceptionnellement CANTONNEMENT DE FLORENVILLE) De nombreuses observations et analyses rude de 1941-42. de peuplements installés en conditions environnementales contrastées corrobo- L’autre, ayant fait l’objet d’une descrip- rent cette hypothèse d’un incident cli- tion spécifique6, s’est produit dans le matique comme facteur déclenchant département français des Vosges (région initial, incident qui aura eu des consé- de la Vôge) dans les années 1985-1986, quences variables en fonction des condi- qui ont connu une des dernières pério- tions de croissance (altitude, exposition, des de grand gel hivernal. Ces condi- protection vis-à-vis des aléas clima- tions climatiques très rigoureuses, tiques) et de la nature des peuplements notamment caractérisées par une chute touchés (type et structure, stade de déve- très spectaculaire de température, loppement, densité). De même, l’état auraient atteint de très nombreux hêtres physiologique, et avec lui une éventuel- qui ont été récoltés entre 1989 et 1994, le sensibilité des arbres vis-à-vis de fac- avec un pic vers 1991 et 1992. Les teurs environnants comme le froid, peu- symptômes qui apparaissaient étaient vent apparemment varier dans une essentiellement des carpophores sur le mesure assez large selon de nombreux tronc et des suintements de l’écorce. critères comme notamment leur âge, Après écorcement, des lésions corticales leur situation isolée ou en peuplement, pouvaient également être identifiées. leur statut social, leur vigueur, etc. Les attaques de xylophages furent appa- remment nettement moins nombreuses Enfin, signalons que l’érable sycomore, que dans le cas qui nous occupe en qui s’est produit en novembre 1998 se essence à écorce fine comme celle du hêtre Wallonie. Il est probable que cette singularise par son intensité, sa brutali- a également été touché et présentait dans moindre présence d’attaques de xylo- té et surtout par sa précocité exception- certains peuplements des symptômes phages puisse expliquer le « retard » nelle. En effet, des températures aussi comparables à ceux de hêtres avoisinants, relatif (récoltes étalées de 1989 à 1994) basses (de l’ordre de -16°C sur les Hauts- y compris des attaques de Trypodendron. Le constaté dans l’extériorisation des plateaux ardennais) sont exceptionnel- fait que deux espèces différentes soient symptômes par les arbres atteints. En les à la mi-novembre. De plus, des vents également concernées par un problème effet, d’une part, les rejets de sciure atti- soutenus et froids des secteurs nord et sanitaire de ce type est de nature à renfor- rent rapidement l’attention et facilitent est ont accompagné cette chute de tem- cer cette hypothèse de dégâts de gel. la détection, et d’autre part, les galeries pérature et ont certainement contribué creusées dans le bois permettent une à accentuer les effets néfastes du gel sur Puisque les observations montraient que installation plus rapide de cham- l’écorce de nombreux hêtres. La mousse tous les arbres attaqués par les scolytes pignons xylophages. présente sur les troncs a pu, par son présentaient systématiquement des humidité, renforcer l’effet du froid sur zones d’écorce lésée, et qu’inversement, l’écorce. Bien que le hêtre soit une des tous les arbres qui présentaient ce type Dégâts observés essences les plus sensibles aux extrêmes de lésions étaient « scolytés », il semblait en 2001 et 2002 climatiques en raison de son écorce fine qu’une fois que ces arbres, blessés par le et dépourvue de véritable rhytidome, la gel et attractifs pour les organismes xylo- valeur absolue de ces températures n’a phages, auraient été exploités, la situa- Caractéristiques principales rien d’exceptionnel dans son aire naturel- tion se régulariserait rapidement. Aucun Le printemps 2001 a été marqué par une le. C’est plutôt l’état physiologie des arb- élément ne permettait de penser qu’un vague d’attaques de Trypodendron massi- res au moment auquel intervient le froid scénario tel que celui vécu au printemps ve, aiguë et très surprenante tant par son qui aurait été déterminant. En effet, en 2001 allait se dérouler. caractère intense que par le fait que, automne et en début d’hiver, lors de la contrairement aux attaques constatées diminution progressive des températures, Signalement d’antécédents en 2000, elles concernaient aussi des plusieurs mécanismes de résistance au gel aux causes apparemment similaires arbres présentant toutes les apparences de plus en plus efficaces se mettraient Remarquons que deux accidents appa- d’arbres « sains », ce qui relève d’un épi- progressivement en place, par paliers suc- remment similaires, liés au froid ou au sode réellement exceptionnel. En effet, cessifs de diminution de température, gel, se seraient déjà produits par le passé des hêtres de deux types ont été attaqués pour protéger l’arbre. Dans le cas présent, sur hêtre. par des scolytes au printemps 2001 : les les températures très douces qui ont pré- arbres déjà précédemment atteints et F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 cédé de peu ce coup de froid brutal n’ont L’un, évoqué par deux auteurs4-5, se porteurs de lésions corticales étendues, pas permis une protection efficace des serait produit en Ardenne belge et aurait mais aussi, étonnamment, un très grand Mai-Juin 2003 arbres vis-à-vis du froid. La mort et la fer- conduit, à partir de 1943, à la délivrance nombre d’arbres sans lésion et d’aspect mentation des tissus lésés, accompagnées de milliers de vieux hêtres. Bien que extérieur « sain », ainsi qu’un houppier d’émissions d’éthanol, ont constitué des n’ayant pas fait l’objet d’une description sans signe de dépérissement antérieur sites d’attraction pour des insectes xylo- approfondie, les symptômes évoqués marqué. 8
Bien qu’apparemment toujours locali- sont plus reproduites au printemps des scolytes mis en œuvre par la DNF) sées de manière préférentielle aux expo- 2002, comme l’a montré la campagne cette attractivité exacerbée n’avait visi- sitions nord et est, les coulées de sciure d’inventaire 2002 et les résultats d’obser- blement plus cours en 2002 et s’est issues du creusement de galeries par les vations dans les dispositifs permanents. donc avérée passagère. Ainsi, certaines scolytes, premiers symptômes observa- Les attaques de xylophages ont en effet grumes ou des arbres sur pied fortement bles au cours du printemps 2001, se ren- concerné environ deux fois moins d’arb- dégradés faisaient l’objet d’intenses contraient fréquemment à des orienta- res qu’en 2001. attaques entomologiques, tandis que tions sud-ouest à sud-est et, en outre, bon nombre d’arbres sur pied, même fait nouveau, à la base du tronc (figure 9 L’avenir des arbres piqués en 2001 et scolytés en 2001, n’étaient pas ré-atta- et 10). Les insectes semblaient donc ne indemnes de nouvelles attaques en 2002 qués en 2002. plus focaliser leurs attaques uniquement suscite bien des interrogations. Pour ten- sur une zone précise comme en 1999- ter d’évaluer les possibilités d’évolution Nous voyons deux manières d’interpré- 2000 (grande lésion corticale). d’arbres « nouvellement scolytés de ter ce constat : 2001 », quelques abattages suivis de soit la « santé » des arbres, altérée par Tout au plus pouvait-on constater dans l’examen de galeries de Trypodendron ont les conditions climatiques de 1998 l’épaisseur de l’écorce, la présence de été effectués en automne 2001 au sein notamment, a pu se restaurer pro- petites taches nécrotiques peu étendues, d’une station d’Ardenne et de Gaume. Il gressivement jusqu’à les rendre non- de coloration brun-orangé à brun foncé s’est avéré qu’une partie des hêtres (ceux réceptifs vis-à-vis des Trypodendron ; et prenant naissance à la base de petites d’Ardenne) comportaient des galeries soit l’attractivité particulièrement fissures. L’origine de ces micro-lésions occupées par de jeunes adultes de Trypo- importante des hêtres en 2001 était serait plutôt à rechercher parmi des cau- dendron et n’étaient pas parvenus à cica- liée à un phénomène indépendant. ses abiotiques (dégâts de gel peu étendus triser ces galeries. Par contre, une autre et localisés, influence de sécheresses, de partie des hêtres abattus, situés en Ces deux possibilités ont également pu fortes températures…), sachant que le Gaume sur station riche, portaient des intervenir de manière conjointe. hêtre possède une écorce dont certaines galeries rebouchées par un bourrelet cica- caractéristiques anatomiques favorisent triciel. Bon nombre de ces galeries sem- Notons également que les résultats de la fissuration naturelle. blaient avoir « avorté », n’étaient profon- différentes études confirment que les des que d’environ 5 mm et n’étaient que deux espèces de Trypodendron restent Les scolytes semblaient porter préféren- très peu colorées, tandis que d’autres bien des espèces au comportement tiellement leurs attaques sur ces zones étaient nettement plus profondes et de secondaire, incapables d’attaquer des d’écorces fissurées et fréquemment revê- coloration noirâtre. Il semble donc – et arbres parfaitement sains et fortement tues de mousses dépérissantes. A contra- ce fait nous a également été confirmé à attirées par des émanations d’éthanol rio, au moins sur les arbres non excessi- de multiples reprises – qu’un certain libérées par des arbres. vement dégradés, les zones d’écorce lisse, nombre d’arbres probablement assez dépourvue de mousse et au périderme vigoureux, sont aptes à cicatriser un La seconde possibilité énoncée ci-dessus toujours vert, généralement situées plus grand nombre des galeries qu’ils compor- implique qu’une cause non-directement en hauteur que les zones d’écorce fissu- tent. Pour autant que des dégradations liée au « coup de froid » de 1998 aurait rée, étaient indemnes de piqûres. fongiques ne s’en suivent pas, ce fait été responsable de l’attractivité impor- apporte évidemment une note d’opti- tante et passagère dont les hêtres ont fait Fort heureusement, de telles « explo- misme quant à l’évolution future de ces l’objet en 2001 alors que les populations sions » d’attaques entomologiques ne se arbres scolytés, à leur maintien en vie et de Trypodendron étaient anormalement à leurs possibilités de régénération. Ces importantes. L’éthanol peut être produit FIGURE 10 – ASPECT EN AVRIL 2003 cas d’évolutions favorables ne doivent essentiellement par des processus de fer- DES PIQÛRES DE TRYPODENDRON SP. cependant pas faire oublier que, dans les mentation sur grumes abattues, arbres DATANT DE 2001 (COLORATION NOIRÂ- prochaines années, ces galeries, alors moribonds ou arbres lésés (par exemple : TRE) ET DE PIQÛRES PLUS ANCIENNES devenues indécelables sur les bois sur nécroses corticales) ou, dans des circons- LOCALISÉES DANS UNE ZONE DE BOIS ALTÉRÉ EN ORIENTATION NORD-EST, À pied, constitueront des défauts cachés tances particulières, être libéré par des L’APLOMB D’UNE LÉSION CORTICALE (exemple de galeries vieilles de plusieurs arbres en état de santé correct, mais dizaines d’années enfouies dans le bois). subissant certains types de stress, notam- ment climatiques. Les hypothèses de travail Au vu des différences importantes qui Or il s’avère que les mois de mars et d’a- ont pu être identifiées dans la sympto- vril 2001 ont connu des niveaux de pré- matologie présentée par les arbres cipitations extrêmement élevés, à tel atteints en 1999-2000 d’une part, en point que, d’après l’IRM, le mois d’avril 2001 d’autre part, et considérant l’évo- a connu les précipitations les plus éle- lution de la maladie constatée au prin- vées depuis le début des observations temps 2002, il apparaît que l’attractivité pluviométriques (1833) ! Si on considère F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 des hêtres nouvellement attaqués en le couple mars et avril 2001, c’est-à-dire 2001 était très importante vis-à-vis des précisément l’époque à laquelle ont été Mai-Juin 2003 Trypodendron. Alors que les populations constatées les premières attaques de Trypodendron étaient au moins aussi extraordinaires de Trypodendron, les importantes en 2002 qu’en 2001 (mal- valeurs de précipitations sont encore gré l’efficacité du dispositif de piégeage plus remarquables ! Pendant le même 9
temps, l’insolation présentait aussi un nutritives, compaction…), climatiques Pour ce qui regarde les martelages et en déficit record. (déstabilisation des arbres par les tempê- particulier la sélection des tiges à prélever tes, déficits hydriques répétés, températu- en fonction des critères classiques (qualité Toujours selon l’IRM, « ce début de prin- res estivales anormalement élevées) et phénotypique, situation de concurrence temps est donc le plus mauvais depuis le physiologiques (fortes faînées successi- par rapport aux arbres voisins, catégorie début des observations qu’il réalise, avec ves), ainsi que des retombées atmosphé- de grosseur), il est clair que les objectifs simultanément un déficit record de l’inso- riques polluantes (notamment acides et des martelages purement sanitaires, s’ils lation et un excès record des précipita- azotées). sont effectués, seront relativement éloi- tions »7. gnés des objectifs sylvicoles ou d’aména- Globalement, l’action de ces facteurs n’a gement définis classiquement pour les Ceci nous amène à émettre l’hypothèse pas contribué à assurer au hêtre des parcelles. Au vu des pourcentages plus éle- suivante, qui, à ce stade, n’est encore que conditions favorables de vigueur et de vés d’arbres atteints dans les catégories de purement spéculative et doit donc être résistance aux agressions extérieures. Par gros bois, la disparition de ces arbres, par considérée avec prudence. Selon celle-ci, ailleurs, des recherches menées en mort naturelle ou par abattage, devrait en ces conditions météorologiques extrême- Suède8 ont montré qu’il existerait, dans principe permettre un rajeunissement ment pluvieuses (éventuellement combi- les peuplements suédois étudiés, une plus rapide des hêtraies fréquemment nées à des problèmes de déficiences de corrélation entre les conditions nutri- déséquilibrées par excès de gros bois. drainage du sol), ont pu, dans certains cas, tionnelles des hêtres et la sensibilité de induire chez les hêtres un stress important leur écorce au gel. Les aménagements forestiers risquent évi- lié à l’ennoyage temporaire de leur enraci- demment aussi de subir d’importantes nement, et une production subséquente perturbations, essentiellement au niveau d’éthanol. En effet, par déficit d’oxygène CONSÉQUENCES SYLVICOLES des objectifs poursuivis. et anoxie racinaire, il peut y avoir produc- DE LA MALADIE tion métabolique d’éthanol. Cet éthanol, En revanche, cet événement assez excep- qui se retrouve au niveau du cambium et La maladie qui sévit actuellement dans tionnel constitue assurément une oppor- du phloème serait clairement de nature à les hêtraies d’Ardenne et de Gaume tunité très intéressante de diversification déclencher des attaques d’insectes comme amène un certain nombre de perturba- des essences de la hêtraie, le plus souvent les Trypodendron qui, à l’époque considé- tions plus ou moins importantes au très pauvre en essences compagnes. Un rée, constituaient vraisemblablement des niveau des peuplements en fonction du certain nombre de trouées créées pour- populations très importantes et se trou- taux d’arbres atteints, de leur réparti- ront bénéficier du potentiel de régénéra- vaient en pleine période d’émergence et tion, mais aussi de la structure des peu- tion naturelle des essences compagnes ou donc à la recherche d’hôtes attractifs. plements et des types de stations concer- faire l’objet de reboisements à but cultural nés. Parmi celles-ci, citons des et écologique. Outre l’amélioration de la D’autres pistes doivent également être prélèvements souvent excessifs qui peu- diversité écologique en général, les mélan- considérées, dont celle du lien fréquent vent impliquer, outre une déstabilisa- ges influencent favorablement la décom- qui existe entre les attaques de Trypoden- tion des peuplements, une mise en position de la couverture morte, la forma- dron et la présence de « mousses noires sur lumière brutale des arbres restants et du tion d’un humus de bonne qualité, les le tronc ». parterre de la coupe. Les arbres isolés ris- propriétés éco-biologiques intéressantes quent de subir des dommages directs liés du sol et la fertilité de la station. Grâce à la À l’évidence, il s’agit d’aspects complexes à l’action des agents climatiques (brûlu- diversité de leurs exigences et à la variété car on ne peut ignorer les inévitables res d’écorce, altération de l’écorce liée au de leur enracinement, les espèces du interactions entre facteurs incriminés, froid (!), dommages racinaires liés à l’ac- mélange exploitent mieux les ressources chacun d’eux ne pouvant être pris en tion de vents forts…) ainsi que divers du milieu que les peuplements purs. De compte isolément sous peine de graves stress liés notamment à l’ensoleillement plus, la régénération naturelle du peuple- erreurs d’interprétation. brutal des cimes. À l’image de ce que ment mélangé est souvent plus aisée et l’on constate fréquemment, il semble mieux assurée, surtout en hêtraie. Enfin, inéluctable qu’un certain nombre d’arb- globalement, la résistance des peuple- Un contexte général res encore sains qui se retrouveront iso- ments mélangés aux divers dangers et globalement défavorable lés suite aux ponctions effectuées vont accidents est mieux assurée que pour les souffrir et dépérir progressivement. peuplements mono-spécifiques9. Il ne faut à la vigueur du hêtre cependant pas nier l’existence de difficul- Depuis de nombreuses années, bon nom- Des « régularisations » de trouées seront tés lorsqu’il s’agit de réimplanter, de bre de hêtraies notamment ardennaises donc sans doute à prévoir au cours des maintenir et de rajeunir les essences cons- présentent des signes tangibles de dépéris- prochaines années. L’afflux massif et titutives du mélange dans une juste pro- sement « classique », dont le symptôme le soudain de lumière et de chaleur au sol, portion. plus apparent est une dégradation plus ou s’il peut dans certains cas aider à miné- moins sévère de l’état des houppiers. L’é- raliser rapidement une importante cou- Ainsi, dans les zones les plus atteintes, les pisode aigu de maladie que nous connais- che de matière organique, risque égale- aménagements forestiers devront être F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 sons actuellement semble indépendant de ment de provoquer l’apparition d’une revus, sinon au niveau des objectifs géné- ce dépérissement nettement plus progres- strate herbacée très envahissante sus- raux, au moins à celui des calculs de pos- Mai-Juin 2003 sif et dont l’origine, complexe, fait notam- ceptible de poser d’importants problè- sibilités et des prévisions de travaux. Ce ment intervenir des facteurs pédologiques mes de régénération naturelle, par sera l’occasion d’une réflexion approfon- (pauvreté chimique naturelle de certains ailleurs déjà peu aisée à obtenir dans die sur les sylvicultures de la hêtraie en sols, déséquilibres minéraux, carences certains cas. Wallonie. 10
En 2001, les piégeages avaient révélé l’abondance de trois espèces de scolytes dans les hêtraies ardennaises atteintes par Partie 2 la « maladie du hêtre » : Trypodendron domesticum (ou Xyloterus domesticus), Trypodendron signatum (ou Xylo- terus signatus) et Xyleborus (ou Anisandrus) dispar. Divers BIOLOGIE ET RÔLE essais (abattages séquentiels, tests de substances attractives) et de multiples observations sur la distribution des attaques DES SCOLYTES ASSOCIÉS avaient permis de conclure au caractère strictement non-pri- maire de ces espèces : les arbres sains ne sont pas menacés. En revanche, ils avaient établi que les hauts niveaux de popula- À LA MALADIE tions pouvaient entraîner des attaques de scolytes sur des sujets Évolution des connaissances passagèrement susceptibles, et que ces attaques entraînaient une dépréciation économique très grave du bois, même si cer- tains arbres atteints pouvaient se rétablir. E n 2002, l’expérimentation a visé à déterminer quelle menace chacune des trois espèces de scolytes présen- tait pour la hêtraie. En effet, l’abondance des captures d’individus des trois espèces ne signifiait pas nécessai- rement que ces insectes étaient tous capables de nuire d’égale façon. Les préférences de chacune quant aux substrats coloni- sés, les facultés de dispersion en forêt et en milieux ouverts, et les modes d’hivernage ont également été étudiés. Par ailleurs, une grande partie des essais a visé à perfectionner le piégeage et © M. De Proft à mesurer son efficacité en terme de gestion des populations. Quelles espèces menacent les hêtres ? Deux voies ont été suivies pour répondre à cette question : l’utili- Vingt-trois pièges collectifs ont été posés en août 2001 sur 12 gru- sation de pièges d’émergence, afin de déterminer quelles espèces mes à Libin et 21 pièges sur 14 arbres debout à Willerzie. Les cap- étaient responsables des galeries observées dans les arbres, et la tures indiquent que deux espèces sortent des galeries : Trypoden- mise en place de pièges à éthanol et à phéromones, permettant dron signatum et T. domesticum. Les deux espèces ont été capturées une certaine évaluation des populations de scolytes dans des peu- ensemble dans les deux sites. T. signatum semble surtout abondant plements atteints à des degrés divers par la « maladie du hêtre ». sur grumes et T. domesticum domine sur arbres debout. Cette ob- servation confirme les captures abondantes de T. signatum sur Pièges d’émergence grume-piège en 2001. Ceux-ci sont de deux types, collectifs ou individuels. Le princi- pe de cette technique consiste à récolter les insectes émergeant Dans cette première expérimentation de portée limitée, aucun de la surface de l’écorce couverte par le piège. Les pièges collec- X. dispar n’a été récolté ni sur arbres debout, ni sur grumes. En tifs sont constitués d’un récipient opaque (une gouttière en revanche, des observations directes en forêt ont révélé que cette PVC, longueur 40 cm, largeur 12 cm) vissé au tronc à l’aplomb espèce est fréquente sur le bois de hêtre gisant. Elle hiverne à l’in- d’une surface infestée, et muni d’orifices de ventilation grillagés térieur du bois et émerge plus tard que T. domesticum. Les accou- et de 3 flacons collecteurs. plements ont lieu au printemps, lors de l’émergence, sur l’écorce (peut-être également dans les galeries, avant l’émergence). Ensui- Les pièges d’émergence individuels sont des cylindres en PVC te, les femelles, seules capables de voler, s’en vont à la recherche s’enfonçant dans un flacon récepteur, et légèrement enfoncés de nouveaux sites à coloniser. Malgré l’abondance de ses popula- dans l’écorce à l’aplomb de l’orifice de la galerie. tions, aucune installation d’X. dispar n’a (encore) été détectée sur FIGURE 1 – PIÈGES D’ÉMERGENCE : RECOGNE 2001-2002 FIGURE 2 – PIÈGES D’ÉMERGENCE : WILLERZIE 2001-2002 3 500 700 3 000 T. signatum 600 T. domesticum Captures totales Captures totales 2 500 500 T. signatum 2 000 400 T. domesticum 1 500 300 1 000 200 F o r ê t Wa l l o n n e n ° 6 4 500 100 0 0 1er sept. 01 21 oct. 01 10 déc. 01 29 janv. 02 20 mars 02 9 mai 02 1er sept. 01 21 oct. 01 10 déc. 01 29 janv. 02 20 mars 02 9 mai 02 28 juin 02 Mai-Juin 2003 Dates Dates Captures totales, 23 pièges « collectifs » Captures totales, 23 pièges « collectifs » Émergences à partir de grumes, pièges collectifs Émergences à partir d’arbres debouts, pièges collectifs Captures cumulées. Recogne, septembre 2001-mai 2002 Captures cumulées. Willerzie, septembre 2001-juin 2002 11
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