Les alliances françaises au Royaume de Siam des objectifs disparates adaptés à leurs territoires

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BAHIJA KIBOU
Master 2 Professionnel Conduite de projets culturels- Connaissances des publics
UNIVERSITE PARIS X, Nanterre

                             Note de Synthèse
                            Politique culturelle :

Les alliances françaises au Royaume
de Siam … des objectifs disparates
adaptés à leurs territoires

                                                                    E.Wallon
                                                                  2007/2008

                                                                                  1
Les alliances françaises au Royaume de Siam … des objectifs
                 disparates adaptés à leurs territoires

Introduction : Histoire de la création Alliances Française de Thaïlande

   I Alliance Française, des objectifs différenciés
                1. Bangkok, le centre de tous les centres
                       a)L’alliance active

                       b)Rayonnement artistique internationale : des projets au-delà des
                       frontières

                2. Les Alliances de « province » :
                       a)Chang Mai

                       b)Chang Rai

                       c)Phuket

                       d)Les alliances françaises au service de l’économie touristique

   II Le français dans le monde du sourire

                1. Le rayonnement de la France dans le monde, un passé révolu
                ou une réalité actuelle
                       a)L’analyse au travers du cas Thaïlandais

                 2. L’inscription de l’action culturelle dans son territoire
                indispensable

Conclusion

                                                                                           2
Les alliances françaises au Royaume de Siam … des objectifs
                disparates adaptés à leurs territoires
INTRODUCTION

Le réseau des Alliances françaises s'étend à 138 pays et comprend 1098 établissements qui sont
autant d'associations culturelles de droit local, à but non lucratif, et qui pour l'essentiel s'inspirent de
l'esprit de la loi française dite de 1901. Chaque année, 385.000 étudiants de tous âges, de toutes
nationalités et de toutes professions recourent aux services de l'Alliance Française dans le monde.
Chaque Alliance possède à sa tête un comité élu comprenant exclusivement des nationaux, ce qui lui
permet d'œuvrer en étroite collaboration avec la société et les institutions locales. Le label « Alliance
française » est octroyé après accord de l'Alliance française de Paris, avec laquelle il n'existe pas de
liens juridiques formels mais à qui est reconnue une autorité morale. Dans certains pays, les
différentes Alliances se regroupent en une Fédération nationale, avec à sa tête un président élu, afin
de mieux coordonner leurs diverses activités et assurer une meilleure visibilité auprès de leurs
partenaires. C’est le cas de la Thaïlande, présidé par le Dr Jingjai Hanchanlash1, l’alliance de Bangkok
possède trois antennes de province : au Nord, Chang Mai et Chang Rai et Phuket au sud2. La création
d'une Alliance française s'organise habituellement à partir d'une démarche spontanée locale, émanant
d'un certain nombre de personnes francophiles, mais pas nécessairement francophones. Il ne revient
donc pas au Ministère des Affaires étrangères de créer et encore moins de supprimer une Alliance
française.3 Toutefois, ce dernier est susceptible d'encourager le phénomène de création par la mise à
disposition de personnel et/ou l'attribution d'une subvention de fonctionnement. 263 Alliances sont
ainsi liées avec le Ministère des Affaires étrangères dans le cadre de conventions de partenariat, et
reçoivent son aide en contrepartie.

L'Alliance Française est née au Royaume du Siam en 1912, fondée le 4 septembre "par 31 membres
de la colonie française". A ses débuts, elle n'était qu'un "club" de francophones se réunissant dans les
salons de l'Hôtel Oriental, organisant occasionnellement des séances théâtrales, cinématographiques,
des conférences et réunions, des repas amicaux et... quelques cours de français. L'Alliance comptait
85 membres en 1914. Elle traversa placidement les deux conflits mondiaux dans une succession de
problèmes internes, d'ordre financier, locatif ou relationnel... Le gouvernement français construit de
nouveaux bâtiments en 1965. Ce n'est que vers les années 50 que commença à se développer à
l'Alliance l'étude du français. L'Alliance Française en Thaïlande appartient au réseau des Alliances
Françaises dans le monde mis en place par l'Alliance Française de Paris, fondée en 1883. Elle est une
association sans but lucratif, reconnue d'utilité publique, étrangère à toute préoccupation religieuse,
politique et raciale. 4

L'Alliance Française assure la diffusion de la langue et de la culture françaises par différents moyens :
enseignement du français (langue parlée et écrite, français professionnel, littérature...), organisation
de spectacles, échanges et rencontres des différentes cultures du monde. Elle est un acteur important
de la coopération internationale franco-thaï, tant au niveau de son action culturelle que dans ses
relations avec les questions économiques. Nous nous attacherons à analyser la place de l’Alliance
Française et de ses quatre antennes dans leurs territoires. Nous chercheront à comprendre dans
quelle mesure elles répondent à un besoin locale, au niveau économique mais surtout d’un point de
vue culturel. Puis nous verrons comment l’Alliance s’inscrit dans une politique de développement
culturel international, et quels en sont les enjeux.

1
  Annexe 1 : Organigramme de l’alliance française de Bangkok
2
  Annexe 2 : Carte des antennes de l’Alliance Française de Thaïlande
3
  Annexe 3 : Les statuts type d’une Alliance Française
4
  Annexe 4 : Les statuts de l’Alliance Française de Bangkok

                                                                                                          3
I Les Alliance Française, des objectifs différenciés
             1. Bangkok, le centre de toutes les alliances
                     a) L’alliance active

    L'Alliance française de Bangkok, association de droit thaïlandais créée en 1912, a pour missions
    l'enseignement de la langue française et la promotion des cultures francophones. Indépendamment
    des cours de français, et dans le souci de répondre à un plus large public, l'Alliance a mis en place des
    cours de thaï et des cours d'espagnol. Elle dispose également d'un Centre d'art international offrant
    une gamme de cours très étendue dans les domaines des arts appliqués, de la mode, de la danse et
    de la musique.
    Des efforts ont visé à pérenniser cette institution, à ce jour, elle accueille 7000 étudiants environ.
    L’Alliance Française de Bangkok comprend à l’heure actuelle 320 membres actifs et une moyenne de
    1 800 étudiants par trimestre.
    Elle se constitue en plus des salles de cours aussi par :
                     - une Médiathèque riche de plus de 26 000 documents
                     - un auditorium (organisation de spectacles, concerts, conférences, séances de
                         cinéma...)
                     - un restaurant et une librairie française

    La médiathèque désormais accueille environ 150 visiteurs par jour et contient 26 000 ouvrages.
    L’équipe pédagogique est composée de francophones natifs. Sont proposés aujourd'hui une gamme
    de cours de français, des cours de thaï, des cours de haute-couture, gradation, stylisme-modélisme et
    un atelier d’art.
    Les activités culturelles de l’Association, quant à elles, s’organisent autour de trois axes : diffusion et
    promotion du cinéma français, organisation de spectacles en tournée, aide aux jeunes artistes et
    organisateurs locaux. Précisons que ces activités peuvent être organisées grâce à l’aide des
    entreprises-membres du Club des Partenaires, créé en 1998. Le Centre d’art et sa résidence d’artistes
    (Cité de Siam) joue également un rôle important, en tant qu’opérateur d’activités artistiques
    internationales.
    Par ailleurs, l’Alliance publie un magazine bimestriel bilingue d’informations sur la France, tiré à 4 000
    exemplaires, et distribué dans toute la Thaïlande.

    L'Alliance Française de Bangkok vient d'entamer une nouvelle étape dans son processus de
    croissance. Elle a entrepris des efforts conséquents dans le domaine de la pédagogie (création d'une
    coordination pédagogique), de la diversification (ouverture du Centre d'Art International), des
    nouvelles technologies (mise en réseau, accès Internet, modernisation de son site), tout en
    privilégiant l'accueil du public étudiant (réaménagement de la réception, de la médiathèque)

Figure 1 Stéphane Doutrelant sous le regard du Président du Conseil d'administration le Docteur Jingjai Hanchanlash, le
Président d'honneur S.E.M. Laurent Aublin, et le Vice-Président Jean-Marie Pithon

                                                                                                                   4
« L’Alliance Française de Bangkok tenait mercredi (mai 2006) dernier son assemblée générale
annuelle. Satisfaite de la modernisation de ses infrastructures, l’institution franco-thaïlandaise quasi-
centenaire entend maintenant faire parler d’elle et affirmer son identité, celle d'une vrai entreprise »5

« Cela devrait se traduire par une nouvelle signalétique plus visible de la rue, la refonte du site
Internet - disponible à partir du 1er juillet - des campagnes de communication et davantage
d’événementiel dont une plus grande implication dans l’organisation de La Fête.
Par ailleurs, Stéphane Doutrelant souligne l’importance pour l’Alliance d’affirmer son statut d’institution
de droit local. »

"L’Alliance passe toujours pour être une école de l’ambassade, regrette-t-il. Cela peut avoir pour effet
de tenir les Thaïs à l’écart tandis que les Français ont tendance à nous prendre pour un centre culturel
tel que celui de Phnom Pehn ou de Vientiane".

Stéphane Doutrelant poursuit : "L’Alliance, malgré le soutien de la France et les très bons rapports
qu’elle entretient avec l’Ambassade, reste une institution autonome de droit local qui s’adresse en
premier lieu à un public local. Elle n’a pas vocation de service public au même titre qu’un centre
culturel".
En profonde restructuration depuis 2005, l’Alliance Française ne cache pas son choix d’une politique
volontariste basée sur le modèle de l’entreprise, même si elle dit toutefois prendre soin de conserver
une philosophie associative. » Pierre Queffélec (LPJ Bangkok) lundi 22 mai 2006 5

                 b) Rayonnement artistique internationale : des projets au-delà des
          frontières

       Lors du XXXème colloque de l’Alliance française (23-24 janvier 2008) le président de l’AF de
Bangkok, Jingjai Hanchanlash, souligne cette collaboration réussie depuis plusieurs années avec
l’ambassade de France avec qui il organise l’une des manifestations de coopération Franco-thaï les
plus importantes du pays. Tout en soulignant l’autonomie et l’initiative de l’alliance.
Le président se félicitait de cette collaboration notamment par Le french Cultural festival : « La
fête »6, organisé par le centre de création et d’organisation d’événements culturels de l’alliance, en
coopération avec le fond national d’art contemporain (FNAC), Culture France, La maison des cultures
du monde et l’ambassade de France. La programmation7 est de qualité certes, mais reste très
francophone et on regrette un échange artistique franco-thaï plus marqué. Il semble plutôt qu’il s’agit
d’un festival ou la France vient faire « la fête » en Thaïlande plutôt qu’avec les artistes d’Asie du sud-
est.
Dans le cadre de ces manifestations le Service de Coopération et d’Action Culturelle apporte un
soutien aux projets de collaborations entre artistes contemporains français et thaïlandais en particulier
dans le domaine des arts visuels (photo, installation, vidéo et nouveau média) .
       Malgré la volonté de dynamiser Bangkok par création contemporaine, avec par exemple
l’exposition « Métissage »8, qui après plus d’une quinzaine de présentations en France et dans le
monde, se rend dans la capitale thaï, organisé par l’Alliance Française et le Centre d’ Art de la Maison
Jim Thompson de Bangkok du 30 mars au 17 juin 2007.
Conçue et mise en scène par Yves Sabourin, (Délégation aux Arts Plastiques, Ministère de la Culture et
de la Communication) cette exposition rassemble soixante-dix pièces provenant de la collection du
Fonds National d’Art Contemporain et de collections privées. (Avec des artistes contemporains de
différentes nationalités comme Annette Messager, Jean-Michel Othoniel ou encore Christian Lacroix.)

5
    Extrait du « petit journal » du 23 mai 2005 journal francophone thaïlandais sur le web
http://www.lepetitjournal.com/content/view/6059/1013/
6
  Annexe 6 : brochures de manifestations organisée par l’alliance
7
  Site du festival « La fête »: http://www.printemps-francais-
asie.org/events.php?id=MDAwMDAwMDEwMDI2
8
  Site l’Alliance Françaises de Bangkok (lien pour l’exposition « Métissage ») :
 http://fr.alliance-francaise.or.th/index.php?option=com_content&task=view&id=218&Itemid=171

                                                                                                         5
La volonté certes louable de faire de Bangkok, un lieu de l’art contemporain, mais on déplore la
pauvreté du soutiens fait aux artistes locaux pourtant existant, force est de constater que peu
d’exposition organisé par l’Alliance sont le fruit d’artiste thaï et plus largement d’Asie.
       Toute fois, une opération initiée en 2001 s’est structurée en 2004 pour devenir une grande
manifestation de type biennale qui constitue un carrefour de rencontres entre artistes français,
européens et asiatiques : les Mois de la photo en Asie, à Séoul et Busan (Corée du Sud) (avril - mai),
Singapour (3 juin - 18 juillet), Bangkok (Thaïlande) (15 juin - 15 juillet). Initiée et coordonnée par les
Alliances françaises et les services culturels français, avec les plus importantes institutions et galeries
locales, la deuxième édition a compté la Corée du Sud comme nouveau partenaire.

        2. Les Alliances françaises de « province »

                            a)Chiang Mai

                     Créée en 1968, l'Alliance française de Chiang Mai enseigne le français à près de
                     450 étudiants. Elle organise des événements culturels francophones (projection de
                     films, expositions photo,...) et tient à la disposition du public une bibliothèque
riche de plus de 6.000 ouvrages de qualité et de 500 vidéos.
L'Alliance française de Chiang Mai propose des cours de français pour tous niveaux dans ses locaux et
en entreprise (notamment dans les hôtels).
L'Alliance française de Chiang Mai a reçu l'agrément de l'Ambassade de France en Thaïlande pour
effectuer les traductions officielles. L’enseignement est sa principale activité, mis à part quelques
manifestation culturelles ponctuelles, contrairement à sa grande sœur de Bangkok, les projets
artistique de coopération s’ils sont existant sont invisibles sur la scène culturelle mondiale, dans cette
ville qui est pourtant la seconde plus grande agglomération du pays.

                              b)Chiang Rai

                       Créée en 1991, l'Alliance franco-thaïe de Chiang Rai enseigne le français à près
                       de 500 étudiants. Elle organise des événements culturels francophones (expos,
                       concerts, conférences...) et tient à la disposition du public une bibliothèque riche
                       de plus de 1.000 ouvrages de qualité.
Grâce à l'ouverture de nouveaux locaux, l'Alliance franco-thaïe de Chang Rai offre également un
service de cafétéria et un photo-club équipé d’un labo photo.
L'Alliance franco-thaïe de Chiang Rai propose des cours de français pour tous niveaux dans ses locaux,
en entreprise (notamment dans les hôtels) et au lycée et dans l’université de Mae-Fah-Luang. Elle
propose également des cours de photographie et de musique.
Disposant de peu de moyen, le développement culturel reste une activité ponctuelle. L’Alliance
française de Chiang Rai a organisé un défi lé de mode le 2 novembre à l’hôtel Wiang Inn avec l’aide
des sponsors Greenwing, Singha Corp. et la Chambre de Commerce de Chiang Rai. Les manifestations
culturelles sont rares et souvent tournée vers les expatriés ou les francophones issus des classes
aisées. Peu d’actions sont menées vers les populations locales dites « populaires».

« Nous sommes une petite structure de province (environ 500 élèves annuellement et 5 ou 6 projets
culturels par an). Nous avons des problèmes de trésorerie, la subvention de fonctionnement s'élève a
4000 euros, vous pouvez comprendre qu'il faut se battre pour rester en vie ! Et dégager la masse
salariale mensuelle nécessaire pour 5 employés en contrat local... »
Guy Heidelberger, directeur de l’alliance française de Chang Rai

                                                                                                         6
c)Phuket

                       Créée en 1983, l'Alliance française de Phuket enseigne le français à près de 600
                       étudiants. Elle organise des événements culturels francophones (concerts de
                       jazz, conférences, expos-photo) et tient à la disposition du public une
                       bibliothèque riche de plus de 4 000 ouvrages de qualité et de 700 DVD en
langue française.
L'Alliance française de Phuket propose des cours de français pour tous niveaux dans ses locaux, en
entreprise (notamment dans les hôtels), dans les établissements scolaires et à l'université.
L'Alliance française de Phuket a reçu l'agrément de l'Ambassade de France en Thaïlande pour
effectuer les traductions officielles.

                 d)Les alliances françaises au service de l’économie touristique

Tout comme ses homologues du nord, mais l’antenne de Phuket d’autant plus emblématique, le
contenue pédagogique est très largement tourné vers le tourisme, avec des enseignements destiné
aux professionnels.
L’Alliance française de Phuket a mis au point une nouvelle formule d’enseignement du français du
tourisme et de l’hôtellerie. Les directeurs d’hôtels ne sont désormais plus obligés de se lancer dans
des formations du personnel longues et onéreuses mais ont maintenant la possibilité de choisir une
formation à la carte selon leurs besoins. Les cours du français du tourisme et de l’hôtellerie dispensés
par l’Alliance française de Phuket sont en effet organisés sous forme de modules. Ces modules, au
nombre de 12, analysent des situations professionnelles dans lesquelles le personnel hôtelier devra
utiliser le français, font l’inventaire des actes de communication et des besoins langagiers qui naissent
de ces situations et permettent aux étudiants d’acquérir le corpus de compétences linguistiques et de
communication approprié (vocabulaire, grammaire...). Ces modules s’adressent à un public de faux
débutants. L’alliance dans ce domaine à su s’inscrire dans son territoire en utilisant sa fonction (à
savoir la diffusion de la langue française), et ainsi à répondre à un besoin de terrain qui soutient
l’économie touristique principale ressource de cette région du pays. Elle

II Le français au pays du sourire
               1. Le rayonnement de la France dans le monde, un passé révolu ou une
réalité actuelle

 « Un tel engouement pour la langue et la culture françaises s’explique notamment par la francophilie
des élites, influencée par celle de la famille royale, mais aussi par l’image culturelle forte, faite d’un
certain art de vivre, dont jouit la France auprès des jeunes. Pour d’autres, le succès du français
s’explique paradoxalement par son image de langue minoritaire, au sein d’un ensemble régional
marqué par l’hégémonie de l’anglais et la montée en puissance du chinois et du japonais. »
Gilles Louÿs , Bureau de Coopération linguistique et éducative à Bangkok (Extrait rapport d’activité du
MAE, 2004, Phillipe Douste-Blasy)

Les discours officiel cherchent à traduire une volonté de « conforter le rayonnement linguistique
et culturel par un soutien réaffirmé et amplifié à la francophonie » selon « les cinq axes prioritaires
du budget 2004 du Département du ministère des affaires étrangères » dans le Rapport d’activité du
MAE, 2004. Cependant il semble que la France n’a plus les moyens de sa politique et les budgets mis
en œuvres pour le rayonnement de la France sont insuffisant. Dans un rapport parlementaire rédigé
en 2001, par le député (PS) Yves Dauge9, décrivant les dérives de notre politique culturelle extérieure,
dénonçait déjà « un réseau sans crédits, sans unité ni mémoire et sans vision d’avenir ».
 Le rayonnement français en Thaïlande reste une culture d’initiée, pour reprendre les termes du
Président de l’AF de Bangkok lors du XXXème colloque de l’Alliance Française à Paris en janvier 2008,

9
 N° 2924 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 février 2001 RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement, par la commission des Affaires Etrangères sur les Centres Culturels
Français à l'étranger, M. YVES DAUGE député du PS.

                                                                                                               7
« la France pour nous, c’est le luxe, c’est la mode ». Ces propos du président sont le reflet d’une
action culturelle qui reste sur ses acquis et sur des visions stéréotypés de la culture à la française.

                 2. L’inscription de l’action culturelle dans son territoire indispensable

La valorisation de culture thaïlandaise reste mineur, l’action culturelle franc-thaï mené par les acteurs
de la coopération trop peu nombreuse10, qui permette de connaître les besoins et le problématique du
territoire dans lequel la culture souhaite s’inscrir. Cette connaissance est d'autant plus nécessaire que
l'action culturelle extérieure de la France se présente comme un vecteur de repolarisation de l'espace
public international. Ainsi, Alexis Tadié expose les impératifs d'une action culturelle repensée, en
faveur de la diversité culturelle : « la première exigence consiste à prendre au sérieux les cultures
auxquelles on s'adresse. Cela impose de se mettre à l'écoute de celles-ci, de tenter de les connaître ou
de les comprendre. Et de prendre en compte leurs spécificités et leurs désirs. (...) Cela écarte la
tentation inconsciente de néocolonialisme. » 11Ce n'est, pour Tadié, qu'à cette condition de réciprocité
que la diplomatie culturelle française peut évoquer son rôle de promoteur de la diversité culturelle,
vecteur d'un monde multipolaire. Et ce n’est qu’à travers des actions menés dans une valorisation
commune que le rayonnement culturel français se fera de façon pérenne, tout en sortant d’un regard
désuet et caricatural qu’il transmet aujourd’hui.

Pour Lionel Jospin, ce réseau est « sans équivalent » « Ce réseau est unique à travers le monde en ce
sens que dans la plupart des pays et villes importants, un centre culturel et/ou un Institut et/ou une
Alliance Française (en plus des lycées et des écoles françaises) constituent autant d'avant-postes de la
présence française à l'étranger. »12 L'outil majeur de cette coopération culturelle internationale, c'est
le réseau culturel français à l'étranger. Constitué par les centres culturels et autres maisons françaises,
les postes diplomatiques avec conseillers culturels et scientifiques, il est soutenu et animé par l'AFAA.
A ces institutions étatiques, il faut ajouter les alliances françaises et toutes les bibliothèques et centres
privés qui agissent, dans le monde, pour la culture française. Ce réseau est donc un outil précieux
pour l'action culturelle extérieure et pourtant, d'après de récentes publications, il semble inadapté et
inefficace face aux nouveaux enjeux mondiaux. Ainsi l’alliance française se place au cœur de ces
enjeux, d’une part en tant que moyen de diffusion de la francophonie et acteur de lu développement
culturel français à l’international.

Et à l’analyse du cas de la Thaïlande, on constate un le manque d’efficacité de ce réseau aussi riche
soit-il. Yves-Guy Bergès13 dresse un portrait peu élogieux de l’action culturelle française à Bangkok, il
déplore des activités peu adapté qui touche une communauté d’expatriés privilégiés (une micro-
société d’environ quatre mille expatriés)
« A Bangkok, l’Alliance Française, irréprochable pour tout ce qui concerne l’enseignement technique et
celui de la langue au niveau du primaire, est perçue par les Thaïlandais comme un instrument de
promotion professionnelle apportant une valeur ajoutée à la pratique de l’anglais, une vitrine de notre
savoir-faire, un supermarché de produits culturels où chacun, à condition qu’il s’y rende, peut trouver
la documentation qu’il recherche. Les locaux sont spacieux, confortables, l’organisation désormais
rationnelle ; l’accueil froid, poli, impersonnel. Ignorée des couches populaires malgré un réel effort sur
les horaires et les tarifs, elle entretient son image par des concours de poésie, de rares conférences et
les séances de cinéma dans un auditorium rénové dont les quatre cents fauteuils accueillent
quotidiennement une vingtaine de spectateurs, la plupart français. Sa médiathèque, en dépit des
aménagements apportés par une nouvelle équipe, ne remplit encore ni sa vaste salle, ni ses objectifs.

10
   Même si des actions sont menées comme Tout à fait thaï par exmeple, Festival thaïlandais en France14
septembre au 26 novembre 2006 à Paris.
11
   Alexis Tadié, Quelle action culturelle extérieure ?, Esprit, juin 2000
12
   Allocution du premier ministre français, Lionel Jospin, Rendez-vous AFAA 2000, Avignon, 19 juillet 2000
13
   Yves-Guy BergèsL'appel de Bangkok, Gavroche, numéro spécial, juin 2004. Grand reporter à l’ORTF
jusqu’en 1968, envoyé spécial deCinq Colonnes à la Une au Congo en 1964, éditorialiste au Journal du
Dimanche de 1972 à 1978, grand eporter photographe pour France-Soir, l’Espress, Paris-match, Le Point, Le
Figaro... Yves-Guy Bergès a obtenu en 1969 le prix Albert-Londres, qui récompense le meilleur grand reporter
de l’année, pour ses reportages sur la guerre du Biafra. Il réside aujourd’hui à Bangkok.

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Son précieux trésor de 21.000 livres, ses cassettes, ses DVD, ne sont majoritairement consultés ou
empruntés que par des membres français. »12
 Comme le souligne le regard de cet expatrié à la plume incisive, l’Alliance Française ressemble à une
entité poussiéreuse qui manque cruellement de dynamisme. Comme de nombreux organisme culturel,
il semble que malgré des efforts certains, l’Alliance Française en Thaïlande reste figé dans des projets
trop éloigné des conjonctures locales. Une difficulté supplémentaire est d'inscrire ces événements
dans une continuité afin de créer une véritable coopération culturelle et artistique et d'alimenter un
réel courant d'échanges. Trop souvent en effet, une logique de remplissage du programme conduit à
un saupoudrage de manifestations sur lesquelles ne sont exercées aucune évaluation ni en terme de
fréquentation, ni en terme de degré de satisfaction. Faudrait-t-il sans doute comme il est de bon ton
aujourd’hui dans la culture, accorder intérêt plus sérieux à la question des Publics des Alliances
Française à l’étranger?

CONCLUSION
        Du point de vue des Thaïlandais, il résulte de l’examen de ces données un constat de
détérioration de l’image de la France. Cette affirmation s'applique directement à la diplomatie
moderne, fondée sur l'échange et la coopération, car bien plus qu'à une entente politique, c'est au
rapprochement par la connaissance des sociétés que doit aspirer désormais l'action extérieure. Il
serait faux d’affirmer que l’Alliance Française de Thaïlande, d’ailleurs il plus juste de parler de
l’antenne de Bangkok, n’est pas un élément de la coopération culturelle et du rayonnement français
au-delà de ses frontières, et elle semble indispensable pour rester visible au pays du Royaume de
Siam. D’ailleurs comme le prouve Chang mai, Chang rai et Phuket, l’Alliance Française sait être un
acteur de la vie économique en répondant à des besoins locaux par des programmes adaptés à sa
population, ne pourrais-t-elle pas prendre exemple sur la coopération économique pour ce qui
concerne la diversité culturelle ?
«Au moment où la globalisation et la mondialisation, marquées par une compétition intense sur tous
les plans, nécessitent la définition de nouvelles régulations dans les rapports internationaux, qui
prennent en compte nos approches intellectuelles et nos modes d'organisation de la société... c'est
une chance historique pour la diplomatie française de disposer, avec la DGCID et le réseau des
ambassades et des établissements culturels français à l'étranger, d'un double outil : un réseau
d'influence culturelle (...) et un outil de solidarité(...)». 14
L’alliance Française souhaite souligner son implantation locale, en réaffirmant son indépendance vis-à-
vis du ministère des affaires étrangère, mais ne faudrait-elle qu’elle soit plus près de sa population,
pour pouvoir prétendre au statut d’association de droit local ?
En tant que pivot de ces divers bras du rhizome du rayonnement français dans cette partie du globe,
l’alliance française de Bangkok joue un rôle primordial qui doit être valorisé dans son action locale
pour une efficacité durable.
La Thaïlande ? Pourquoi pas ? Elle possède tous les critères nécessaires pour devenir le site d’une
réforme originale, peut-être même exemplaire, de nos relations culturelles avec les jeunes nations15.
Les Thaïlandais, jamais colonisés, n’ont pas vécu cette intimité ambivalente que, la Hollande,
l’Angleterre ou la France ont légué aux enfants de la colonisation. L’indépendance leur est naturelle,
de ce fait, leurs rois ont pris l’habitude de choisir, et non de subir, les coopérations proposées par des
Etats plus puissants.
« Nous avons souvent été l’un de ces conseillers choisis, jusqu’à ce que l’humiliation de Diên Biên Phu
nous pousse à retirer nos billes en Afrique, jugée continent d’avenir, abandonnant l’Asie du Sud-est à
la marée envahissante d’une américanophonie utilitaire. »16
 Aujourd’hui, “le petit dragon” a grandi. C’est une nation adolescente, en pleine crise de croissance. La
transmission du savoir-faire ne peut-elle être pas le moyen de faire savoir que la France s’inscrit dans
la mondialisation, et qu’elle à un prestige passé au quel son avenir doit faire écho ? Aujourd’hui dans
ce pays est pleine croissance avide découvrir de nouveaux modèles, la France ne doit-t-elle pas
chercher à faire-avec plutôt que faire-pour ? Ne serait-ce que pour ces raisons, les Thaïlandais
demeurent pour la France un peuple à apprivoiser et l’Alliance Française un outil pleins de ressources.

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   Hubert Védrine, en préface du Rapport d'activité de la DGCID, Assemblée nationale, Paris, 7 juin 2001
15
   Annexe 5 : Donnée générale sur la Thaïlande
16
   Yves-Guy Bergès, L'appel de Bangkok, Gavroche, numéro spécial, juin 2004.

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