LES COMPÉTENCES-CLÉS DU PERSONNEL TRAVAILLANT AUPRÈS - Pour que la pratique du personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté s'adapte ...
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LES COMPÉTENCES-CLÉS DU PERSONNEL TRAVAILLANT AUPRÈS DES ENFANTS PRIVÉS DE LIBERTÉ Pour que la pratique du personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté s’adapte aux droits de l’enfant
REMERCIEMENTS TABLE DES MATIÈRES L ’élaboration de ce référentiel relatif aux compé- de nombreuses autres organisations non gouvernemen- 04 - AVANT-PROPOS 19 Vers l’adoption des compétences-clés du personnel travaillant auprès des enfants tences-clés du personnel travaillant auprès des en- tales, de directions d’administrations pénitentiaires ainsi fants privés de liberté a été rendue possible grâce à que d’expertes et d’experts en protection de l’enfance en privés de liberté la participation et au soutien de partenaires de tous hori- contexte de privation de liberté. Provenant de 38 pays, zons, à qui le Bureau international des droits des enfants ceux-ci ont généreusement pris part à la réflexion et à (l’IBCR ou le Bureau) souhaite exprimer sa plus profonde gratitude. Le Bureau tient à remercier chaleureusement l’amélioration de ce référentiel. 06 - INTRODUCTION 23 - PARTIE 3 l’Organisation internationale de la Francophonie pour son L’IBCR remercie également les membres de son conseil appui technique et financier tout au long du processus. d’administration, notamment Ghizlane Benjelloun, Rober- ta Cecchetti, Mariama Mohamed Cisse, François Crépeau, L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES L’IBCR remercie également l’ensemble des institutions Joanne Doucet, Jean-Claude Legrand, Théophane Nikyè- partenaires qui ont pris part à ce processus, notamment ma et Luis Ernesto Pedernera Reyna pour leur forte mo- 07 - PARTIE 1 24 La notion de compétence-clé Défense des Enfants-International, Global Campus of bilisation au cours de cet exercice, ce qui a favorisé un Human Rights, le Haut-Commissariat des Nations Unies regard croisé sur les pratiques entre l’Europe, l’Afrique, le 25 Pourquoi définir des compétences-clés ? pour les réfugiés, le Comité des droits de l’enfant des Na- Moyen-Orient et les Amériques. LE CONTEXTE RELIÉ AUX ENFANTS PRIVÉS DE LIBERTÉ ET LA NÉCESSITÉ DE 26 Une meilleure sélection et évaluation du tions Unies, l’Office des Nations Unies contre la drogue personnel travaillant auprès des enfants et le crime, l’UNICEF, le Bureau de la Représentante spé- Merci enfin à Martin Nagler ainsi qu’à l’équipe du Bureau RENFORCER LES CAPACITÉS DU PERSONNEL privés de liberté ciale du Secrétaire général chargée de la question de la qui s’est mobilisée sur ce projet, soit Guillaume Landry, TRAVAILLANT AVEC CES ENFANTS violence contre les enfants, la Société John Howard, Terre Cathy Launay-Alcala, Daredjane Assathiany, Patricia des Hommes, Working Group on Justice for Children et Hajjali, Martin Causin, Sabine Zongo, Mahamadi Oubda, 8 Dans quelles circonstances des enfants peuvent-ils être privés de liberté ? Save the Children. Goro Palenfo, Wakilou Senou, Daniel Karama, Alexandra Zongo, Odon du Christ Mupepe Mandola G.N., Gustavo 27 - PARTIE 4 9 Quels sont les lieux dans lesquels s’exerce la Il importe aussi de souligner la contribution significative Duque Martín, Geneviève Trépanier et Ludovic Guerrero. privation de liberté des enfants ? LES COMPÉTENCES-CLÉS DU PERSONNEL 10 Qui sont les personnes travaillant auprès TRAVAILLANT AUPRÈS DES ENFANTS PRIVÉS des enfants privés de liberté et quelles sont DE LIBERTÉ leurs responsabilités ? 36 Quelques ressources pratiques relatives aux 12 Les facteurs à prendre en compte dans compétences-clés le contexte de la privation de liberté des enfants 37 Effets de l’application des compétences- clés sur l’expérience des enfants 15 - PARTIE 2 39 - PARTIE 5 AUX ORIGINES DE L’APPROCHE PAR ANNEXES COMPÉTENCES 40 Glossaire 16 Les compétences-clés des forces de sécurité 44 À propos de l’IBCR 18 Les compétences-clés des praticiennes et 45 Publications de l’IBCR © 123RF - Rawpixel des praticiens du domaine social 46 Textes relatifs à la protection de l’enfant 18 Les compétences-clés des praticiennes et des praticiens du secteur de la justice 48 Liste des personnes participantes -2- -3-
AVANT-PROPOS Organisation internationale de la Bureau international des droits Francophonie des enfants L D ’Organisation internationale de la Francophonie Or l’enfant, quelles que soient les circonstances, doit étenir un enfant et le priver de liberté va à l’en- harmoniser leurs pratiques pour mieux protéger les en- (OIF) œuvre à la promotion et à la protection des bénéficier d’une protection particulière au regard de sa contre de ses droits les plus élémentaires et est en fants et prendre en compte leurs spécificités ainsi que droits de l’enfant dans l’espace francophone, en veil- condition d’enfant. Comme le rappelle le préambule de totale contradiction avec la défense de son intérêt leurs droits ? lant à garantir le respect des principes de la Convention la Convention relative aux droits de l’enfant, « l’enfant, en supérieur. Pourtant, plus de sept millions d’enfants étaient relative aux droits de l’enfant (CDE). Elle soutient, notam- raison de son manque de maturité physique et intellec- encore privés de liberté dans le monde en 2019, selon les Pour l’IBCR, l’adaptation et l’harmonisation des interven- ment, depuis plusieurs années la formation et le renfor- tuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spé- Nations Unies2. Aucun pays n’est épargné, quel que soit tions auprès des enfants doivent se fonder sur une ap- cement des capacités des professionnelles et des profes- ciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, son niveau de développement. Les effets négatifs de la proche par compétences. Après avoir identifié celles qui sionnels chargés de l’application effective de ce texte. avant comme après la naissance ». Cette protection doit privation de liberté sur la santé mentale de l’enfant et son sont indispensables à la pratique des forces de sécurité être renforcée dans les situations où l’enfant est privé de développement ont été constatés à maintes reprises : (2011), des travailleuses et des travailleurs sociaux (2016) C’est ainsi qu’elle accompagne le travail remarquable ré- sa liberté. dans ces conditions, l’enfant risque d’être victime d’abus ainsi que des magistrates et des magistrats (2018), le Bu- alisé par le Bureau international des droits des enfants ou de violences, d’être stigmatisé, négligé ou exploité. reau a lancé une nouvelle réflexion autour des profession- pour renforcer les compétences-clés du personnel de la C’est pourquoi l’IBCR a jugé nécessaire d’identifier, dans nelles et des professionnels intervenant auprès d’enfants police et de la magistrature intervenant auprès des en- ce rapport, les compétences-clés du personnel appelé à Malgré cela, la privation de liberté continue d’être une privés de liberté. De cette réflexion est né un référentiel fants, et, dans le cadre du présent projet depuis peu, du travailler auprès d’enfants privés de liberté, conformé- sanction possible dans les jugements émis, alors qu’elle définissant les compétences-clés nécessaires à la protec- personnel travaillant avec les enfants privés de liberté. ment aux pratiques et aux procédures décrites dans les ne devrait pas exister, si ce n’est en dernier recours et tion de l’enfant et au respect de ses droits en tout temps. normes internationales en matière de justice juvénile. Ce pour la période la plus courte possible, selon les normes L’appui de l’Organisation internationale de la Francopho- En effet, d’après l’étude mondiale consacrée aux enfants rapport répond également au double objectif de l’OIF internationales en matière de justice pour enfants. Des nie a permis au Bureau et à ses partenaires de mener une privés de liberté lancée en décembre 20141, il apparaît consistant à renforcer les capacités de tous les profes- enfants sont encore et toujours détenus parce qu’ils tra- analyse détaillée et de consulter plus de 70 spécialistes que, dans la plupart des cas, le personnel pénitentiaire ne sionnels et professionnelles intervenant auprès des en- versent des frontières de façon irrégulière. Certains sont pour la réalisation de la consultation ayant mené à ce pré- reçoit pas de formation spécialisée dans le domaine des fants, y compris le personnel pénitentiaire, ainsi qu’à faire détenus au cœur du système judiciaire dans l’attente de sent rapport. droits des enfants, ce qui ne lui permet pas de les accom- respecter les droits de l’Homme. procédures souvent longues et inadaptées. D’autres sont pagner de manière adéquate. enfermés à cause de problèmes de santé mentale, d’un La privation de liberté doit cependant rester une mesure handicap ou de l’absence d’une famille protectrice. Des de dernier recours, en l’absence d’alternative et aussi filles sont privées de liberté par mesure de « protection » Théophane Nikyèma brève que possible, car l’enfant a besoin d’un environ- contre des crimes d’honneur ou des mariages forcés. Des Président du conseil d’administration nement et d’un accompagnement bienveillants pour se enfants sont détenus en raison d’une association présu- Bureau international des droits construire pleinement. mée avec des groupes armés, des mouvements terro- des enfants ristes ou des violences urbaines. L’OIF se félicite de cette collaboration avec le Bureau in- ternational des droits des enfants, et elle l’encourage, ain- Ce bilan désolant a poussé le Bureau international des si que tous ses partenaires, à poursuivre ce travail fonda- droits des enfants à s’intéresser au personnel travaillant Guillaume Landry mental pour assurer la protection des droits des enfants. auprès des enfants privés de liberté. Gardes de sécuri- Directeur général té pénitentiaire, assistantes et assistants sociaux, éduca- Bureau international des droits trices et éducateurs spécialisés, psychologues, infirmières des enfants et infirmiers, interprètes, avocates et avocats ou encore Antoine Michon agentes et agents de probation… toutes et tous intera- © AdobeStock Directeur des affaires politiques et de la gouvernance gissent avec des enfants privés de liberté. Qui sont ces démocratique femmes et ces hommes ? Comment travaillent-ils ? Ont- Organisation internationale de la Francophonie ils les outils et les compétences nécessaires pour interagir avec un enfant en respectant ses droits ? Et comment 1. Étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté (2019). 2. Étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté (2019). -4- -5-
M INTRODUCTION algré le passage du 30e anniversaire de la Conven- tion relative aux droits de l’enfant (CDE) qui pré- cise que la privation de liberté des enfants ne doit être, autant que possible, qu’un dernier recours, pour la les nombreux préjudices entraînés par cette situation sur la qualité de vie de celles et de ceux qui en font l’expé- rience. La privation de liberté chez les enfants est syno- nyme de vulnérabilité, d’exclusion sociale et les expose 01 durée la plus courte possible uniquement et sous cer- à différentes formes de violences et d’exploitation, sans taines conditions, plus de sept millions d’enfants seraient parler des conséquences sur la santé et le développe- encore privés de liberté dans le monde. Il a été démon- ment, autant physiques que mentaux. tré que la privation de liberté a de lourdes conséquences pour les enfants, allant même jusqu’à réduire leur espé- Il faut aussi souligner que de nombreuses personnes sur rance de vie. Ce sont ici deux des constats établis par le terrain consacrent tous leurs efforts, professionnelle- l’Étude mondiale sur les enfants privés de liberté publiée ment comme personnellement, à soutenir ces enfants au en 2019 par l’Organisation des Nations Unies. Cette étude a été l’occasion de se pencher sur les circonstances qui amènent certains enfants à être privés de liberté et sur quotidien et demandent à être mieux formés, mieux ou- tillés pour faire leur travail. Il s’agit là de l’objectif de ce rapport. LE CONTEXTE RELIÉ AUX ENFANTS PRIVÉS DE LIBERTÉ ET LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES CAPACITÉS « L’étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté n’était que la première étape. Il est évident qu’il faut faire beaucoup plus en termes de déjudiciarisation, de désinstitutionalisation, de fin de la détention liée à la migration et DU PERSONNEL TRAVAILLANT d’autres mesures afin de se conformer à la Convention [relative aux droits de l’enfant]. L’expert indépendant et l’équipe de l’étude mondiale soutiennent fortement cette initiative de l’IBCR, qui constitue un exemple positif d’activité de suivi et de mise en œuvre des recommandations de l’étude mondiale. » - Manu Krishan, Responsable de programme de l’étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés AVEC CES ENFANTS de liberté au Campus mondial des droits de l’Homme « La détermination des compétences-clés des professionnels impliqués dans les lieux où des enfants sont privés de liberté est un travail de la plus grande importance, surtout si cela permet de les sensibiliser au fait que la toute grande majorité de ces enfants n’ont pas leur place en détention, que les conditions de détention sont généralement déplorables et constituent un traitement inhumain et dégradant qui compromet leur avenir, leur développement et les perspectives de réintégration. » - Benoit Van Keirsbilck, Directeur de Défense des enfants International Belgique et membre du Comité d’accompagnement de l’Étude mondiale sur les enfants privés de liberté et du Comité des Nations Unies sur les droits de l’enfant -6- -7-
L a volonté de mieux encadrer les interventions me- respectés. Dans cet effort de professionnalisation et de QUELS SONT LES LIEUX DANS LESQUELS S’EXERCE LA PRIVATION DE LIBERTÉ DES ENFANTS ? nées auprès des enfants privés de liberté va de pair renforcement des compétences des individus qui tra- avec une question de première importance : qui sont vaillent quotidiennement au contact des enfants privés les personnes amenées à travailler avec ces enfants ? En de liberté, il faut prendre le temps d’examiner les circons- Ici, il est question à la fois de milieux formels de déten- prendre en charge des enfants en contact avec la loi, ces effet, il est capital de savoir à qui revient la tâche com- tances menant à la privation de liberté des enfants ainsi tion (comme des commissariats de police ou des centres derniers peuvent être gardés dans les locaux de la police, plexe de veiller à ce que les droits de ces enfants soient que les lieux où s’exerce cette privation. pénitentiaires) et de structures administratives (comme parfois durant des mois. les centres pour migrants, ou encore des hôpitaux psy- chiatriques où les enfants, de facto, n’ont pas de liberté Par ailleurs, il y a les institutions pour lesquelles les ap- de mouvement). Il est donc important d’aller au-delà de pellations sont multiples, variant d’un pays à l’autre. Il est DANS QUELLES CIRCONSTANCES DES ENFANTS PEUVENT-ILS ÊTRE PRIVÉS DE LIBERTÉ ? l’appellation du lieu pour voir si, réellement, l’enfant est a question de centres d’éducation, de rééducation ou de minima libre d’aller et de venir à sa guise, et ce, sans peur réadaptation ; de centres juvéniles pour des jeunes filles d’éventuelles sanctions. ou des jeunes garçons en conflit avec la loi, mais éga- Il existe différents types de situations qui mènent des D’autres enfants se retrouvent enfermés sous prétexte lement de centres fermés ou semi-fermés, où sont ap- enfants à perdre leur liberté. La durée, les lieux et les d’une possible implication avec un groupe armé, un Les enfants peuvent être maintenus dans des institutions pliqués des programmes de liberté assistée, des sorties contextes varient énormément d’un pays à l’autre. Lors- groupe terroriste ou un groupe se livrant à la violence ur- formelles de détention : des prisons, des centres péni- alternatives, des régimes fermés, etc. Quel que soit le qu’un enfant entre en conflit avec la loi ou dans la chaîne baine (gang de rue). Certains enfants sont de facto privés tentiaires ou des centres de détention provisoire. Selon nom de ces institutions, elles ont toutes en commun le d’administration de la justice, le recours à la privation de de liberté en raison de leur statut d’orphelins ou parce les législations, faute d’établissement plus approprié, la fait d’empêcher les jeunes d’en sortir à leur gré, sans la liberté semble, dans certains pays, une procédure systé- qu’ils vivent dans la rue. D’autres encore sont privés de détention provisoire a souvent directement lieu dans les permission des responsables ou des autorités ayant or- matique plutôt qu’exceptionnelle. Trop d’enfants restent liberté pour des raisons « préventives », parce que leur vie établissements pénitentiaires. De plus, pour réagir à la donné leur placement. Dans cette catégorie, il y a aussi en détention provisoire dans l’attente, souvent excessi- est menacée par leur communauté ou leur famille, notam- montée des migrations, les États ont créé des centres de les hôpitaux psychiatriques, les centres de traitement, les vement longue, de leur sentence, alors que l’article 37 de ment dans les cas de mariages d’enfants ou appelant à un détention pour migrants (lesquels portent des noms di- orphelinats (ou centres d’accueil administrés par des or- la CDE dispose que cette mesure doit être de dernier re- possible crime d’honneur. Dans certaines situations, pour vers : centre de rétention, centre fermé, centre d’accueil, ganismes confessionnels) ainsi que les instituts privés de cours uniquement, et être d’une durée aussi brève que les besoins d’une enquête, les enfants sont également centre d’hébergement, centre de transit, centre d’iden- type résidentiel. possible. parfois placés en « garde à vue » simplement parce qu’ils tification et d’enregistrement, etc.). Tous ont les carac- pourraient fournir des informations utiles aux autorités. Il téristiques d’empêcher la personne migrante d’aller et Enfin, la privation de liberté s’improvise également dans ne faut pas oublier les enfants qui vivent avec un parent venir de son plein gré et, bien souvent, de la séparer des des contextes non-institutionnalisés, lors du recrutement lui-même placé en détention, ou encore les enfants nés membres de sa famille. Certains centres sont réservés aux d’enfants par des groupes armés ou terroristes ou encore de femmes détenues. enfants mineurs isolés. Certaines installations prennent dans des cas de traite de personnes. la forme de prisons à haute sécurité, tandis que d’autres Par ailleurs, la privation de liberté n’est pas seulement s’apparentent à des installations de fortune, comme des En examinant la diversité des circonstances menant à une question de détention. En effet, des enfants sont conteneurs aménagés ou d’anciens baraquements de la privation de liberté ainsi que les divers milieux, une aussi privés de liberté en raison de leur statut migratoire, l’armée. Enfin, il faut considérer les installations apparte- conclusion s’impose : ces milieux relèvent de secteurs dif- qu’ils soient accompagnés ou non de leurs parents. L’am- nant aux forces de sécurité – depuis les cellules du com- férents, certains relevant du droit administratif, d’autres plification des contextes migratoires au cours des der- missariat jusqu’aux salles des brigades de gendarmerie, du droit pénal ou encore d’une base juridique discutable. nières décennies, combinée à la complexité de l’enjeu de en passant par les véhicules utilisés lors des transferts Cette diversité rend difficiles l’harmonisation des pratiques la souveraineté territoriale, rend d’autant plus nécessaire – comme étant également des lieux de privation de li- et l’identification des corps professionnels concernés. la création de lignes directrices. De plus, le recours à des berté. À défaut de structures ou de mécanismes pouvant politiques d’institutionnalisation inadaptées mène parfois des enfants vivants avec une dépendance ou encore un handicap, mental ou physique, à se voir privés de liberté pour recevoir des soins liés à leur état de santé. Enfin, il existe une multitude de privations de liberté arbi- traires, qui traduisent souvent des discriminations systé- miques fondées sur le genre et l’origine ethnique. En ef- fet, même si les garçons sont de loin surreprésentés dans les milieux de privation de liberté, les filles, elles, sont plus susceptibles d’être privées de liberté pour certains com- portements jugés hors normes plutôt que pour de véri- © 123RF - Katarzyna Bialasiewicz tables délits. Il peut s’agir notamment d’activités de na- ture sexuelle, d’absentéisme scolaire ou de fugues. Il faut noter que cette discrimination est également portée à se © Pexels - Divin Kadum reproduire dans le cadre de la privation de liberté. Une chose est certaine : quel que soit le contexte dans lequel © AdobeStock les enfants se voient retirer leur liberté, cette expérience leur est, à chaque fois, extrêmement néfaste. -8- -9-
la responsabilité des services envers l’enfant est signifi- de reconnaître ces faits et de contribuer à faire avancer cative, et la professionnalisation des interventions est les choses afin de créer des environnements propices à d’autant plus importante pour éviter de causer du tort l’adaptation de leur pratique. Par exemple, le fait de leur « Il est important de sensibiliser la hiérarchie sur l’importance de la prise en compte de aux enfants censés être protégés par ces services. Force confier des responsabilités concrètes pourrait contribuer ces compétences-clés dans la formation du personnel pénitentiaire. » est donc de constater qu’en premier lieu, il s’agit d’un à ce que ces professionnelles et ces professionnels de- mandat exigeant pour une catégorie de travailleuses et viennent de véritables acteurs de changement. Par ail- - Amidou Zerbo, de travailleurs souvent dévalorisés, qui œuvrent eux- leurs, il ne faut jamais perdre de vue que le rôle de l’État Directeur du centre d’éducation et de réinsertion sociale des mineurs en conflit avec la loi mêmes dans des conditions précaires (salaire minimum, est de réduire au maximum les préjudices causés par la de Koumi, Burkina Faso longues heures de travail, ratio élevé de personnes à sur- privation de liberté pour chaque enfant. veiller, faible niveau de formation, etc.). Il importe donc QUI SONT LES PERSONNES TRAVAILLANT AUPRÈS DES ENFANTS PRIVÉS DE LIBERTÉ ET QUELLES SONT LEURS RESPONSABILITÉS ? « Le besoin de formation sur mesure pour les différents professionnels en contact avec les enfants est très bien identifié dans le secteur, d’autant plus que les professionnels eux- mêmes le demandent continuellement. Mais ils demandent des programmes bien conçus qui apportent une réelle valeur ajoutée à leur travail quotidien. Si nous n’investissons pas À partir des constatations réalisées précédemment, il est possible de déterminer une longue liste d’acteurs dans la professionnalisation réelle des services et du personnel qui s’occupe des enfants se trouvant aux premières loges de l’intervention avec les enfants privés de liberté. Ce sont notamment (par en contact avec la loi, en mettant l’accent sur le travail avec les enfants privés de liberté ordre alphabétique) : en particulier, nous manquerons, en tant que praticiens, à notre obligation envers les enfants eux-mêmes » › Les agentes et les agents de surveillance › Les personnes travaillant au titre d’ombudsman - Marta Gil, › Les agentes et les agents probatoires › Le personnel de maintenance des installations Coordonnatrice de programme MENA - Accès à la justice, Terre des Hommes › Le corps d’assistance sociale › Le personnel responsable de la cuisine › Les éducatrices et les éducateurs / › Le personnel de la santé (les infirmières et les les animatrices et les animateurs infirmiers, les médecins, les psychiatres, les › Les enseignantes et les enseignants / les psychologues ou les ergothérapeutes) pédagogues / les formatrices et les formateurs › Le personnel des centres de détention › Les fonctionnaires administratifs d’immigration « L’atelier m’a poussé à réfléchir sur l’aspect humain des structures et des systèmes et, › Les gardiennes et les gardiens de prison / › Les procureures et les procureurs / les juristes / par conséquent, sur l’importance de définir les compétences essentielles des ressources le personnel pénitentiaire les avocates et les avocats humaines travaillant dans les structures et les systèmes pour les enfants privés de liberté. › Les gardes nationaux › Les policières et les policiers ainsi que les L’atelier m’a également aidé à voir clairement la nécessité d’une approche intersectorielle › Les interprètes gendarmes pour améliorer les systèmes de justice/protection des enfants, et cela s’est manifesté › Les juges › Les professionnelles et les professionnels / de manière visible dans les profils intersectoriels des experts invités à contribuer à la › Les membres de communautés religieuses les bénévoles / les coopérantes et les coopérants consultation. » › Les militaires volontaires intervenant au nom d’une ONG - Daniela Baro, Protection de l’enfance, Bureau régional d’UNICEF pour l’Afrique centrale et de l’Ouest Évidemment, ces différents acteurs ne bénéficient pas conséquent, une approche multidisciplinaire est requise de la même formation initiale ni ne relèvent des mêmes pour que les interventions du personnel de ces secteurs instances. Par conséquent, d’énormes différences s’ins- tiennent compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Une tallent dans les priorités de chaque secteur et également coopération étroite entre les différents acteurs travail- dans la pratique quotidienne. lant avec les enfants doit donc être établie afin d’adapter les services à chaque enfant, tout en favorisant l’accès à Comme le démontre la diversité des secteurs – profes- la famille et à la communauté de l’enfant ainsi qu’à des sionnels ou non – figurant dans la liste précédente, la services dispensés à l’extérieur des lieux de privation de protection des droits des enfants privés de liberté fait liberté. intervenir toute une série d’institutions étatiques, admi- nistratives et judiciaires, de professionnelles et de pro- À la lumière de ce qui vient d’être établi, il apparaît fessionnels et d’instances informelles ainsi que d’agences évident que les responsabilités qui incombent à ce per- © 123RF - gajus et d’organisations de la société civile. Ceci s’explique par sonnel sont multiples, à différents niveaux, et toutes d’im- le fait que de nombreuses situations peuvent amener les portance cruciale. Comme ces milieux viennent rempla- enfants à être privés de leur liberté, en droit ou en fait. Par cer temporairement celui de la vie familiale de l’enfant, - 10 - - 11 -
LES FACTEURS À PRENDRE EN COMPTE DANS LE CONTEXTE DE LA PRIVATION DE LIBERTÉ Qu’il s’agisse d’un enfant en conflit avec la loi ou d’un en- DES ENFANTS fant migrant, soupçonné d’acte terroriste ou institution- nalisé, il est capital de ne jamais oublier sa qualité d’en- fant, la trajectoire qui lui est propre et l’importance de Lorsqu’il est question de privation de liberté, particulière- protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le droit inter- le traiter conséquemment, tel qu’énoncé dans les Stra- ment pour les enfants, il est impératif de procéder à cer- national est clair à ce sujet : une mesure non privative de tégies et mesures concrètes types des Nations Unies tains avertissements. Tout d’abord, priver un enfant de sa liberté, comme une mesure éducative en milieu ouvert, relatives à l’élimination de la violence à l’encontre des liberté signifie que la société a échoué dans sa mission de par exemple, devrait systématiquement être privilégiée. enfants dans le contexte de la prévention du crime et de la justice pénale. La privation de liberté rend les enfants plus vulnérables et oblige les États à mettre en place des « Nul ne devrait être soumis à « Nul enfant ne [doit être] privé « Dans le contexte de la répres- stratégies et des mesures concrètes visant à prévenir et à des peines ou traitements cruels, de liberté de façon illégale sion administrative de l’immigra- combattre la violence à l’encontre des enfants et à offrir à inhumains ou dégradants et nul ou arbitraire. L’arrestation, la tion […], la privation de liberté ceux-ci la protection à laquelle ils ont droit. ne peut être arbitrairement arrê- détention ou l’emprisonnement des enfants fondée sur le statut té ou détenu3 ». d’un enfant doit être en confor- migratoire de leurs parents n’est mité avec la loi, n’être qu’une jamais dans l’intérêt supérieur - Déclaration universelle des mesure de dernier ressort, et de l’enfant, ne répond pas à une droits de l’homme être d’une durée aussi brève que nécessité, devient excessivement possible4 ». disproportionnée et peut consti- tuer un traitement cruel, inhu- « La cécité morale de l’humanité face aux - Article 37 de la Convention main ou dégradant des enfants problèmes des générations actuelles exige relative aux droits de l’enfant migrants5 ». de la société qu’elle promeuve des processus d’éducation sociale et la culture d’une - Rapporteur spécial des Nations pédagogie de la vie en liberté. En plus de la Unies sur la torture et autres nécessité de transformer le concept de justice peines ou traitements cruels, rétributive de punition et d’emprisonnement inhumains ou dégradants des adolescents et des jeunes en conflit avec la loi pénale, vers une compréhension de la justice des mineurs ; humaniste, réparatrice, sensible, préventive et qui redonne de Ainsi, tout le travail accompli dans le but de professionnaliser ce secteur d’intervention ne doit pas signifier la dignité à la vie des êtres humains en l’encouragement ni même la tolérance de l’usage de la privation de liberté chez les enfants. difficulté. » - Angélica Patricia Velasco López, Responsable sociale du Bureau de la Les compétences déterminées dans ce rapport doivent internationales nuit à la capacité du personnel de veiller Pastorale Sociale de l’Enfance et de la Famille, également se faire le reflet d’un élément central de la à la protection adéquate de l’enfant dans le cadre de son OPAN Terciarios Capuchinos, (Colombie) Convention relative aux droits de l’enfant : chaque acteur travail, d’autant plus si cette privation de liberté est sans appelé à agir auprès d’un enfant privé de liberté doit le fondement et fondée sur un cadre juridique inapproprié. considérer comme un sujet de droit à part entière, et non comme un objet du droit. Cela signifie que l’enfant doit L’absence de services et de personnel spécialisés (no- avoir la possibilité de participer, de s’exprimer et que son tamment en ce qui a trait aux problèmes de santé men- opinion doit être prise en considération. En effet, l’enfant tale, aux troubles d’apprentissage, à la toxicomanie, aux « Cette consultation a mis en lumière la a des droits, et les adultes doivent justifier leurs actions conflits familiaux et à la victimisation) dans les structures nécessité de continuer à se battre pour que face à cet enfant, qui a lui-même un rôle important à de privation de liberté est un frein à la capacité de pré- la privation de liberté d’un enfant soit une jouer dans son développement et les prises de décision venir et d’agir dans l’intérêt supérieur de chaque enfant. mesure de dernier ressort, et d’une durée le concernant.345 C’est pourquoi le personnel qui travaille dans ces struc- aussi brève que possible. Cela rend encore tures doit être sensibilisé au développement de l’enfant plus évident la nécessité d’avoir des mesures La difficulté d’harmoniser les cadres législatifs, norma- et savoir en quoi celui-ci doit être traité différemment visant à soustraire les enfants au système tifs, administratifs et procéduraux spécifiques à la pri- d’un adulte. judiciaire en tout moment. » vation de liberté dans plusieurs pays avec les normes - Roberta Cecchetti, © Pixabay - Skitterphoto Consultante et experte internationale en 3. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 5 et 9. droits de l’enfant 4. Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), 1577 UNTS 3, art. 37, paragr. B. 5. Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et Comité des droits de l’enfant, Observations générales conjointes n° 3 et n° 22, Obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour, 16 novembre 2017, CMW/C/GC/3−CRC/C/GC/22, art. 9. - 12 - - 13 -
QUELQUES TÉMOIGNAGES D’AMÉRIQUE DU SUD « Les enfants et les adolescents en situation de confinement forcé continuent d’exiger que nos États et gouvernements n’oublient pas qu’ils sont des personnes qui ont des droits. L’inégalité de « Le référentiel de compétences sera un excellent outil de réflexion, 02 nos peuples produit de de discussion et de pression graves violations qui sur les États. » conduisent à la souffrance et à l’exclusion. L’appel - Denisse Araya Castelli, s’adresse aux adultes, Directrice de l’ONG Raíces en particulier à celles et (Chili) ceux d’entre nous qui ont à cœur d’assurer une vie décente aux futures générations. » - David Ordenes, Programme La Caleta AUX ORIGINES DE L’APPROCHE (Chili) « La consultation PAR COMPÉTENCES visant à développer les compétences du personnel travaillant avec les enfants privés de liberté, par l’analyse « La participation à la et l’échange approfondi semaine de consultation de connaissances et de l’IBCR [...] m’a permis d’expériences sur la réalité d’aborder des questions latino-américaine, sera auxquelles je n’avais pas une grande contribution réfléchi auparavant et de pour orienter la voie vers générer des propositions la protection des enfants. à partir de l’expérience. Il reste encore beaucoup J’ai également partagé de chemin à parcourir, avec d’autres pays de mais ces espaces nous la région les succès et donnent non seulement des les échecs du personnel connaissances, mais aussi chargé de s’occuper des de l’espoir. » adolescents privés de liberté, et par conséquent, - Carolina Báez Hernández, les compétences qu’il doit Experte en prévention de la développer. » violence (Chili) - María Consuelo Barletta Villarán, Avocate en justice restaurative, ONG Cometa (Pérou) - 14 - - 15 -
L ’intérêt du Bureau quant à la définition de compé- les étapes qui ont précédé la création de ce référentiel tences-clés pour mieux adapter les services des propre au personnel travaillant auprès des enfants privés professionnelles et des professionnels interagissant de liberté. directement avec des enfants ne date pas d’hier. Voici Les systèmes de protection de l’enfant Communauté internationale, avec les normes LES COMPÉTENCES-CLÉS DES FORCES DE SÉCURITÉ6 internationales, les actrices et acteurs humanitaires et de développement international, les organes de surveillance des Nations Unies sur les droits de la personne, les En novembre 2009, à l’occasion du 20e anniversaire de la et la terminologie associés aux droits de l’enfant, mais organisations régionales et internationales, etc. Convention relative aux droits de l’enfant, des membres qu’elles présentaient certaines lacunes quant à la com- de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), préhension de leur signification, de leur application et de Institutions nationales, comme les ministères de la Santé, de Francopol, de l’IBCR ainsi que d’une dizaine d’écoles leur adhésion concrète aux principes qui en découlent. Il de l’Éducation, de l’Intérieur, des Affaires sociales, les de police et de gendarmerie provenant majoritairement s’est avéré que plusieurs forces policières s’étaient enga- coalitions d’ONG, les comités thématiques de lutte contre diverses formes d’exploitation, les médias, les syndicats, les d’Afrique francophone se sont réunis à Ouagadougou, au gées à offrir des formations sur les droits de l’enfant, mais ordres professionnels, la loi, le parlement et le cabinet du Burkina Faso. Cette rencontre avait pour but de sensi- ces dernières se faisaient lors de sessions ponctuelles, as- chef de l’État, etc. biliser les participants aux droits de l’enfant en général, surées par des consultantes et consultants externes, et notamment à l’application du principe de l’intérêt supé- demeuraient non évaluées, courtes et sans effet apparent Communauté, allant des brigadiers scolaires aux rieur de l’enfant dans la pratique policière. Ce colloque quant à l’intégration des droits de l’enfant dans le travail commerçants, en passant par les membres du corps policier a permis de comprendre que les forces policières sem- des corps de police et de gendarmerie. ou du corps enseignant, le personnel des services sociaux, blaient, certes, dans l’ensemble, maîtriser le vocabulaire les procureurs, le voisinage, les chauffeurs d’autobus, les infirmières et les infirmiers, les acteurs communautaires ou les leaders religieux. › Les ateliers régionaux et les rencontres de spécialistes Familles Forts de ces observations, l’Organisation internationale but d’analyser le cadre de formation des forces de sécu- de la Francophonie, Francopol et l’IBCR ont poursuivi le rité en matière de droits de l’enfant. Suite à l’élaboration Enfants Pairs, frères et sœurs processus avec la tenue, en décembre 2010 à Cotonou au du plan d’action régional issu de cet atelier, le Bureau a Bénin, d’un atelier régional afin de rassembler des déci- rassemblé, en 2011 à Dakar, au Sénégal, près de 40 spé- deurs et des formateurs d’une douzaine de pays dans le cialistes du domaine social et de la magistrature, des psy- Quel que soit l’endroit où l’on se trouve dans le monde, chaque enfant évolue au sein d’un système de pro- chologues, des membres des services de sécurité, des tection, composé de filles et de garçons, de femmes et d’hommes ayant des rôles et des responsabilités fonctionnaires onusiens, des représentantes et des repré- au sein d’un environnement protecteur. En tant que défenseurs de leurs propres droits, les enfants sont sentants de la société civile ainsi que des autorités poli- au cœur même de ce système, dans lequel interviennent la famille, la communauté, l’État et la commu- tiques, dans le but d’améliorer et de valider un référentiel nauté internationale, de façon formelle et informelle. Toute démarche de renforcement des systèmes de de compétences-clés applicables aux forces de sécurité protection de l’enfant doit prendre en compte ces différentes sphères d’intervenantes et d’intervenants et en matière de droits de l’enfant. Deux mois plus tard, à les outiller pour que chaque acteur – le commerçant, les grands-parents, la sœur ou le frère, le législateur, Niamey au Niger, une soixantaine de directions d’écoles l’enseignante, le voisin, le policier, l’avocate, le chef traditionnel ou religieux ou encore la journaliste – joue de police et de gendarmerie ont pu enrichir et adopter pleinement son rôle de promotion et de protection des droits de l’enfant. Il importe ici de noter que le ce cadre de référence. système de justice pour enfants est une partie intégrante du système de protection, puisque les acteurs de la justice ont aussi un rôle à jouer dans la protection de l’enfant. Au terme de chacun de ces ateliers, le Bureau a publié des rapports faisant état des résultats des consultations. Le référentiel ainsi produit a été mis à la disposition des partenaires en vue de faciliter l’intégration de l’approche par compétences en matière de droits de l’enfant dans les cadres de formation des forces de sécurité des pays Depuis, le Bureau a accompagné les écoles de formation des enfants) et continue (ciblant le personnel actuelle- intéressés. Un référentiel international venait ainsi d’être professionnelle des forces de sécurité dans une trentaine ment en service) pouvaient maintenant intégrer des cours développé, qui allait servir d’appui tant au travail du Bu- de pays7 en vue de revoir la façon dont les programmes obligatoires et permanents axés sur la pratique et l’acqui- reau qu’à celui de nombreuses autres organisations inter- de formation initiale (ciblant les nouvelles recrues), spé- sition de compétences-clés favorisant des interventions nationales spécialisées dans la promotion des droits de cialisée (ciblant les unités spécialisées dans la protection de sécurité plus sensibles et adaptées aux enfants. l’enfant au sein des systèmes de justice et de protection de l’enfant. 7. Tant par des contributions ciblées dans un secteur que par des actions pluriannuelles multisectorielles plus ambitieuses, le Bureau a joué et continue à jouer un rôle dans la refonte des pratiques et des cadres de formation des forces de sécurité, des praticiennes et des praticiens du domaine social, du personnel de justice et des gardes de sécurité pénitentiaire en Afghanistan, en Angola, au Bénin, au Burkina Faso, au Burundi, au Cameroun, au 6. Par « forces de sécurité », nous entendons ici les institutions publiques ayant pour mission de garantir la protection et la sécurité de l’État et de ses Canada, au Costa Rica, en Côte d’Ivoire, à Djibouti, au Ghana, en Guinée, au Honduras, en Irak, en Jordanie, au Kenya, en Libye, au Mali, en Mauritanie, citoyens. Selon le modèle administratif de chaque État, l’expression regroupe la police, la gendarmerie, les gardes nationaux, les forces paramilitaires, au Niger, au Nigeria, au Pérou, en République dominicaine, en République démocratique du Congo, en République du Congo, au Rwanda, au Sénégal, les services de renseignements et autres organes similaires. Les forces de défense regroupent, quant à elles, les forces armées. au Tchad, au Togo, en Tunisie et au Yémen. Consultez le site www.ibcr.org pour de plus amples informations sur les pays d’intervention de l’IBCR. - 16 - - 17 -
LES COMPÉTENCES-CLÉS DES PRATICIENNES ET DES PRATICIENS DU DOMAINE SOCIAL8 pour ensuite les décliner en termes de savoir, de sa- voir-faire et de savoir-être. La diversité des nationalités (19 pays représentés), des formations professionnelles Entre 2014 et 2016, le Bureau s’est associé à l’UNICEF, à (droit, sécurité, travail social, psychologie et santé) et des Terre des Hommes et à Service social international pour structures d’intervention (société civile, gouvernement et entreprendre une démarche s’apparentant à celle qui organisations internationales) était capitale pour favori- avait été menée avec les forces de sécurité, mais portant, ser la multiplicité des points de vue et veiller à la trian- cette fois, sur les compétences-clés des praticiennes gulation des apports sur la grille des compétences. Un et des praticiens du domaine social. Un premier atelier rapport a été officiellement publié par la suite, disponible d’échanges a été organisé au Sénégal en juin 2014 pour en ligne sur le site de l’IBCR, en français et en anglais. permettre aux diverses agences participantes de faire part de leurs approches et de leur compréhension des enjeux relatifs à ce champ professionnel. Des études de cas ont ensuite été réalisées dans divers pays pour mieux cerner le cadre de formation et de compétences des tra- vailleuses et des travailleurs sociaux. Au mois d’avril 2016, un atelier régional a été organisé à Cotonou au Bénin, au « Tout personnel en contact terme duquel une série de compétences-clés propres aux avec des enfants détenus doit praticiennes et aux praticiens du domaine social dans considérer que cet enfant est leurs interventions auprès d’enfants ont été validées par un sujet de droit à part entière, des représentantes et des représentants d’une dizaine dont tous les droits doivent être de pays et des quatre organisations participantes. De- garantis en tout temps, quelles puis, le Bureau a pu étoffer ce cadre de référence pour que soient les circonstances. le détailler en termes de savoir, de savoir-faire et de sa- Cette idée a fait son chemin voir-être, et s’en sert dans une dizaine de pays où des au travers de l’atelier sur les réformes institutionnelles sont en cours pour consolider compétences-clés des acteurs du la professionnalisation des praticiennes et des praticiens système de protection de l’enfance. » du domaine social. - François Crépeau, Professeur en droit international public à l’Université McGill, Canada LES COMPÉTENCES-CLÉS DES PRATICIENNES ET DES PRATICIENS DU SECTEUR DE LA JUSTICE Le Bureau avait déjà amorcé un travail de renforcement le Costa Rica et la République démocratique du Congo. VERS L’ADOPTION DES COMPÉTENCES-CLÉS DU PERSONNEL TRAVAILLANT AUPRÈS DES de la formation du personnel de justice dans quelques Ce travail préliminaire a mis à contribution les spécialistes ENFANTS PRIVÉS DE LIBERTÉ pays. Cependant, l’absence d’un consensus précis sur du personnel du Bureau établi à Montréal et déployés sur les changements que toute formation devrait engendrer le terrain. Ce processus a également mobilisé des juges, dans l’acquisition de connaissances, de compétences et des procureures et des procureurs ainsi que d’autres in- Fort de ces expériences avec les forces de sécurité, les linguistiques (francophones, anglophones et hispano- d’attitudes rendait ces exercices moins approfondis que tervenantes et intervenants des systèmes de justice pour praticiennes et les praticiens du domaine social et le per- phones) pour prendre part à une série de consultations en ceux menés depuis lors avec les autres secteurs. C’est enfants de ces pays pour éclairer cette réflexion à l’aide sonnel de la justice, le Bureau a amorcé, en 2020, un qua- ligne entre les 26 et 30 octobre 2020. D’autre part, quinze dans ce contexte que le Bureau a décidé de se lancer de leurs besoins et expériences. Ainsi, une première liste trième volet de son travail de réflexion sur la détermina- spécialistes du terrain provenant de huit pays (Burkina dans cet exercice de réflexion. de compétences-clés a pu émerger. tion d’un référentiel de compétences-clés, en s’attardant Faso, Sénégal, Mali, Niger, Togo, Bénin, Côte d’Ivoire et cette fois sur le rôle du personnel travaillant auprès des Tchad) ont été réunis lors d’un atelier de travail de deux Dès 2016, l’IBCR a pu entreprendre cette démarche au En 2018, le Bureau a convié 35 professionnelles et pro- enfants privés de liberté. jours, organisé à Ouagadougou, au Burkina Faso, les 27 moyen de divers ateliers de développement, d’élaboration fessionnels de la justice et de la protection de l’enfant à et 28 octobre 2020. Durant cette semaine de consulta- et de validation de modes opératoires9 et de trousses de prendre part à un atelier d’expertes et d’experts à Ouaga- Le Bureau a donc convié 70 professionnelles et pro- tion, les participantes et les participants ont été invités à formation dans trois pays ayant entamé une révision de dougou au Burkina Faso. Cet atelier avait pour objectif fessionnels10 travaillant auprès des enfants privés de li- remplir un questionnaire ayant pour objectif de détermi- la formation de leurs juges et procureures ou procureurs d’améliorer et de valider le travail préliminaire accompli berté et dans le domaine de la protection de l’enfant à ner les principaux enjeux reliés à la pratique en situation en matière de droits de l’enfant, à savoir le Burkina Faso, par le Bureau sur l’identification des compétences-clés, prendre part à un processus consultatif afin de déter- de privation de liberté des enfants. Ce questionnaire a miner les compétences-clés nécessaires pour encadrer fourni des informations déterminantes pour la finalisa- leur pratique. Ce processus s’est déroulé de diverses ma- tion de ce référentiel, puisqu’il a non seulement permis nières. D’abord, une cinquantaine d’expertes et d’experts de valider certaines hypothèses préalablement établies 8. Par praticiennes et praticiens du domaine social, nous entendons ici les professionnels, hommes et femmes, des services sociaux qui ont tous un rôle d’une trentaine de pays ont été répartis en trois groupes par le Bureau (circonstances, lieux, type de personnel, important à jouer dans les questions liées à la protection de l’enfant, comme les travailleuses et les travailleurs sociaux, les assistantes et les assistants sociaux, les éducatrices et les éducateurs spécialisés ou d’autres dénominations du genre. 9. On entend par modes opératoires l’ensemble des cahiers des charges, des procédures internes et des protocoles intersectoriels (souvent appelés en anglais « standard operating procedures »), qui dictent et formalisent les façons de procéder au sein d’un service, d’un corps professionnel ou d’un système, en précisant comment mener des interventions efficaces et conformes aux normes internationales. 10. Voir p. 48 pour consulter la liste des expertes et des experts qui ont pris part à cet exercice. - 18 - - 19 -
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