Les probables enjeux de la France à Madagascar

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Les probables enjeux de la France à Madagascar
Les probables enjeux de la France à Madagascar
Patrick Rakotomalala . Avril 2010

La crise malgache reflète des rivalités exogènes…
L’insolubilité apparente de la crise malgache, au-delà des « rivalités » obstinées de ses
hommes politiques, reflète des conflits d’intérêts exogènes qui s’affrontent violemment : à
l’intransigeance d’un bloc soutenant strictement une position légaliste, s’oppose
l’implication d’une diplomatie française qui supporte, bien qu’elle s’en défende, le pouvoir
mis en place en Mars 2009.

Cette implication, qui irrite le secrétariat d’Etat américain, qui dérange les chancelleries
européennes et à laquelle s’oppose farouchement le bloc africain, caractérise, des enjeux
économiques, culturels, politiques et géostratégiques que la grande majorité des malgaches
eux-mêmes ne mesure peut être pas pleinement.

Pas d’intérêts français, dites vous ?...
« Madagascar est prioritaire » déclarait récemment en commission parlementaire un député
français quant au financement de l’Aide Publique au Développement. …

Le 4 février, le « point pays Madagascar» tenu à Ubifrance autour notamment de Jean
Marc Chataignier, Ambassadeur de France, et de Lionel Levha, Directeur général de Total
Exploration Production Madagascar, faisait la promotion de l’Ile Rouge auprès des
investisseurs.

Le discours y a été clair … Madagascar est un pays en phase de pré-décollage. Malgré ses
difficultés actuelles et sa corruption généralisée ( « harcèlement » et « systèmes de
dérogation en hausse », dit-on pudiquement) , ses ressources, ses réserves et la QUALITE
DE SES HABITANTS lui prédisent à moyen terme à 2, 5, ou 10 ans, selon l’évolution des
institutions et des acteurs, un décollage économique et social qui devrait en faire le nouveau
« tigre » de l’Océan Indien. Eh oui … le discours est : l’Ile Rouge sera le futur pays
émergent de la zone comme le sont aujourd’hui l’Indonésie, Singapour, la Corée ou le
Vietnam. Alors, Messieurs les investisseurs, préparez vous à prendre place, parce que le
potentiel du pays est ENORME sur le plan agricole, minier et nouvelles technologies1.

Comment entendre dès lors les déclarations de l’ambassadeur de France quand il affirme, la
main sur le cœur que l’intérêt de la France se résume à sa communauté et aux quelques
centaines d’entreprises installées dans l’ïle… Et se fonde sur l’attachement « affectif »
mutuel … ?

Il évoquera aussi pêle-mêle des enjeux géostratégiques, sécuritaires, culturels,
environnementaux … Mais d’enjeux économiques, point… ou si peu … Si on ne devait en
effet s’en tenir qu’aux chiffres, Madagascar ne serait selon lui que «quantité négligeable ».
En 2008, le volume des échanges France Madagascar rapporté aux volumes globaux de

1
  Avec 2,4 M d’abonnés, Orange Madagascar, filiale de France Telecom occupe le premier rang. Son
réseau couvre plus de 400 villes et localités(taux de pénétration de la téléphonie mobile en
2007 :19%)
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l’économie française représenterait moins de 0,1% des échanges français2. Ridicule … cela,
parait-il ne mériterait pas plus d’attention que cela.

En réalité, à la mesure des potentialités du pays, donc de son potentiel de croissance, donc
des enjeux d’investissement et de profit des uns et des autres, les enjeux économiques sont
probablement bien plus réels que les représentants de la France ne le prétendent. Ce que
l’on peut taxer « d’acharnement » de la France est d’autant plus plausible que d’autres
enjeux évoqués, sont non moins essentiels à défendre : enjeux politiques, géopolitiques,
géostratégiques, culturels. Il est dans ce sens hypocrite d’énoncer que l’engagement de la
France relève avant tout de l’affectif et de la préoccupation pour sa forte communauté et
ses entreprises implantées … Il est hypocrite de le dire, quand le discours de Joyandet
assène la « diplomatie est désormais au service du Business … »

Quand même quelques intérêts affichés …
L’attachement et l’intérêt de la France pour Madagascar n’ont jamais été démentis.
Significatifs de cet intérêt, les effectifs de l’ambassade de France à Madagascar mettent
Antananarivo au 8ème rang3 des représentations diplomatiques françaises dans le monde.
Comment le justifier ?

Pour le plus grand nombre, y compris en métropole, les intérêts de la France à Madagascar
seraient essentiellement caractérisés par sa présence.

[…] On recense plus de 650 entreprises – dont 130 filiales et plus de 500 entreprises
privées à capitaux français – et environ 25 000 ressortissants y compris les franco-
malgaches, ce qui en fait l’une des plus importantes communautés françaises à l’étranger.4

Le Document Cadre de Partenariat 2006-2010 (DCP) formalisait les coopérations
économique, technique, culturelle et militaire. Rien n’exigeait donc, a priori, une
sécurisation particulière de ces seuls intérêts. Mais si cette présence immédiate n’était pas
menacée, la question essentielle reste : quels enjeux étaient ils si importants que M/car
fasse l’objet d’un tel engagement de la part de Paris ?

Contexte : la France a-t-elle perdu son Afrique ?
En fait, depuis la chute du mur de Berlin qui a bouleversé les équilibres mondiaux, depuis le
11 septembre avec l’érection des USA en gendarmes de la planète, et depuis la montée en
puissance sur le continent africain des pays émergents Chine, Inde et Russie, la France
semble avoir peu à peu perdu son pré carré en Afrique. La crise en Côte d’Ivoire de 2004 en
a été l’expression ultime. On y a vu la France se retirer de manière humiliante et affronter
l’hostilité des africains de sa vitrine ivoirienne qu’elle croyait jusque là ses amis5. A l’ère

2
  Soit 1/1000ème : 0,079% du volet exportations françaises pour 271 M€, 0,062% pour 296 M€ pour
les importations, et 0,09% du flux d’IDE pour 122 M€

3
    dans l’ordre : Etats-Unis, Royaume uni, Allemagne, Espagne, Italie, Maroc, Sénégal, Madagascar

4
  Les intérêts français sont principalement dans les activités financières (Crédit Agricole-BNI, BFV-
Société Générale, BNP-Paribas avec BMOI), distribution de produits pétroliers et énergie (Total, LP, Air
Liquide, Rubisgaz/Vitogaz), BTP et immobilier (Colas, Sogea/Vinci, Guy Hoquet, Getim), transports et
tourisme (Air France, Corsair/Nouvelles Frontières enregistrée comme filiale française malgré son
actionnariat allemand, Accor avec un investisseur local, Caillé/Sicam, CMA-CGM, AGS, […]ingénierie et
études (Socotec, Sofreco, Sogreah, Brl), grande distribution (Casino, Weldom/ Ravate). (4) Mission
Economique de l’Ambassade de France.TIC ettéléphonie avec Orange Madagascar
5
  La Françafrique de Foccart « écheveau de liens occultes, privés et publics, entre une majorité de
régimes africains dits francophones et le parrain français, caractéristique, de la Ve République », serait
morte, d’autant que ses réseaux et supports ont désormais disparu. voir au sujet de la mort de la
françafrique : Antoine Glaser et Stephen Smith « Comment la France a perdu l’Afrique ». 2005

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chiraquienne, la politique française en Afrique empêtrée dans ses contradictions, dans ses
scandales (Elf, Angolagate, …), dans son clientélisme et dans ses erreurs dramatiques et ses
fautes d’analyse (Rwanda) s’est cherchée sans se trouver, enferrée dans ses anachronismes
et son passé colonial. Elle y a aussi perdu ses positions industrielles au bénéfice des
américains et des chinois, mais aussi ses positions pétrolières alors que le pétrole africain
place le continent au cœur des enjeux stratégiques et énergétiques du XXIème siècle.

La fermeture de ses bases militaires en Afrique occidentale et la renégociation de ses
accords de coopération militaire, en raison de contraintes politiques et géopolitiques locales
mais aussi de contraintes budgétaires purement françaises, redessine aussi les lignes de sa
stratégie, quand il s’agit en même temps 1) de faire face à la montée nouvelles puissances
régionales (Afrique du Sud, Nigeria), 2) de résister à la mainmise de la Chine qui inquiète 3)
de redonner à la France sa place, son influence politique, sa présence économique 4) de
préserver les ressources et les marchés du futur…

Géopolitiques : le Canal du Mozambique est une possession
française
L’Océan Indien, voie d’approvisionnement obligée, s’avère essentiel pour les pays
émergents asiatiques. La présence française sur un arc Abou Dhabi, Djibouti, Mayotte, Iles
Eparses, trace ainsi une ligne de défense symbolique entre l’Asie et un continent Africain
dont le développement est le futur de l’occident. La géopolitique est une partie d’échecs au
cours de laquelle chaque position prise permettra de négocier un échange de pièces.

Les Zones d’Exclusivité Economique (ZEE), qui tracent autour de chacune des possessions
françaises une bande exclusive de 200 miles, définissent à la France le deuxième territoire
                                       6                                                  7
maritime au monde après les Etats-Unis . Ainsi, autour de Mayotte et des îles éparses ,

6
 . Ses 10 millions de km² sont extensibles à 11 millions avec les demandes formulées à l’ONU en Mai
2009 d’extension du plateau continental. Ces demandes pourraient élargir ce territoire jusqu’à 350
miles des cotes
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possessions françaises que Madagascar revendique de longue date, est tracé un territoire
couvrant les 2/3 du Canal de Mozambique. Ce qui fait quasiment du dit Canal une
possession de la France. Ces zones écologiques à la biodiversité préservée, recèlent des
richesses jalousées : en pêche (des accords de pêche ont été établis entre la France et
M/car)… mais aussi, en ressources minérales en eaux profondes.

La France est donc LA GRANDE PUISSANCE EUROPEENNE riveraine de la zone. Elle défend
là aussi sa place au sein de l’Europe. Alors quand viennent se greffer dessus d’autres enjeux
économiques et commerciaux …

Des enjeux économiques : la France a perdu sa place de N°1…
La France reste le 1er client à l’exportation 8de Madagascar. Mais elle a perdu sa place de
premier fournisseur. La France n’a pas de fait tiré avantage de la hausse des importations
malgaches (+26%) dues aux grands chantiers. Elle passe ainsi de 14,6% en 2007 à 6,9%
en 2008 du volume des importations malgaches derrière la … Chine, 1er fournisseur.

Sur le volume des Investissements Directs Etrangers (IDE)9, si au niveau régional,
Madagascar s’adjuge la 10ème place en Afrique parmi les pays qui auront capté le plus
d’IDE en 2007, la France est désormais reléguée au neuvième rang en flux (1%) 10.

… Au regard d’énormes potentiels agricoles et miniers qui intéressent
tout le monde …
La capacité agricole du pays est estimée à un potentiel de 36 millions d’ha11, surfaces que le
Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) juge exploitées à moins de
10%12. On n’épiloguera pas sur les dossiers qui ont fait scandale quant à l’accaparement

7
    Europa, Bassas-da-India, Juan-de-Nova, les Glorieuses à l’Ouest de Madagascar, Tromelin à l’Est
8
 Après un premier triplement en 2006, le flux d’IDE a triplé de nouveau en 2007 pour atteindre 997
M$, ce qui situe Madagascar au 88ème rang mondial des pays récipiendaires d’IDE. Cette performance
est quasi exclusivement à imputer aux deux grands projets miniers1. En 2008, le flux devrait encore
progresser (1, 3Md$. En novembre 2008 plus de 40% des travaux étaient réalisés et 70% des
dépenses engagées) pour ralentir à partir de 2009
9
   La France reste, de très loin, le premier pays client historique de Madagascar en absorbant 38% des
exportations malgaches en 2008, avec même une légère tendance haussière au cours des dix
dernières années.[…]
La France détient 6,9% de parts des importations malgaches en 2008 (14,6% en 2007) ce qui la situe
au troisième rang des pays fournisseurs, après la Chine (22,2% contre 16,7% en 2007)[…] qui
s’adjuge la place de premier fournisseur grâce à la fourniture de grands équipements : pipeline de 220
km, moteurs et turbines pour centrale hydroélectrique, équipements pour centrale thermique,
équipements ferroviaires, etc.
L’analyse des importations malgaches confirme un tropisme asiatique croissant, en ligne avec la
tendance mondiale. Désormais, l’Asie de l’Est détient 34,8% des importations malgaches (25% en
2007), essentiellement en provenance du monde chinois (23,2% pour Chine, HK, Taiwan), ASEAN
(6%), Japon-Corée du Sud (5,5%). (source mission économique)
10
   la France (y compris la Réunion) reste détentrice de l’un des principaux stocks d’investissements et
sa présence est de loin la plus diversifiée. Les cinq premiers pays investisseurs en 2008 ont été le
Royaume-Uni (les sociétés minières passent par des structures installées dans ce pays mais il ne s’agit
pas d’investisseurs anglais), le Canada (mines), Bahreïn (essentiellement les télécoms), le Japon
(mines), la Corée du Sud (mines). La France s’adjuge la neuvième place en flux avec seulement 1%,
et voit sa part du stock diluée à 5% (cinquième rang).
11
   Le Rapport environnemental 2008 donne en termes de potentiel de surfaces agricoles exploitables
de manière « facile » 6 776 859 ha pou 3 666 992 de surfeces exploitées (54, 11) %. Le chiffre de 37
millions d’ha prend en compte les tanety et terres moins fertiles mais potentiellement valorisables
12
    Et dans ce cadre on n’a pas fini de s’interroger sur un dossier Daewoo assassin et assassiné par
manque de transparence. On se demandera aussi pourquoi les scandales Daewoo et Varun ont été
levés, quand rien semble-t-il n’a remis en question les superficies concernées par les projets miniers.
Bizarreries de la politique et de la manipulation de l’information. Il est vrai que le potentiel minier de
l’île engage des enjeux financiers sans commune mesure avec la sauvegarde des intérêts des paysans
qu’on prétendait défendre.
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des terres. Ils sont là pour attester des enjeux et de l’intérêt que les grands portent aux
terres du pays.

La politique foncière ne favorisant pas les investisseurs étrangers, les flux IDE sont restés
relativement restreints. Par contre, sur le domaine minier par contre, ils sont venus, ils sont
tous là, même ceux du Sud de l’Australie … On se demande bien pourquoi …

Le développement de la Chine et des pays émergents a, on le sait, tiré vers le haut les
cours mondiaux de l’ensemble des matières premières nécessaires à leur développement.
De fait les importantes ressources minières de Madagascar ont attisé les convoitises de
toutes les grandes nations industrielles et de la Chine en premier lieu … et attiré les
investisseurs… On ne citera ici que les ressources les plus significatives.

Nickel et Cobalt,

Ces minéraux, dont Madagascar représente aujourd’hui, à travers le concessionnaire
Sherritt, respectivement 5% et 10% de la production mondiale, ont connu en un an une
hausse de 66% et 36% de leurs cours. Le site d’Ambatovy sera en 2014 la plus grande
mine de nickel latéritique du monde. En concurrence avec la Nouvelle Calédonie, territoire
français, 4ème producteur mondial de nickel.

Ilménite et Bauxite

Le métal de titane, transformation de l’ilménite, a connu en un an une hausse de + 57% de
son cours. Les 750 000 tonnes/an d’ilménite qui seront produites par QMM Rio Tinto
représentent 10% de la production mondiale. Les chinois sur la côte Est, et les sud africains
au Nord de Tuléar ont lancé ou négocient des projets d’exploitation de ce minerai. La mise
en exploitation d’autres gisements d’ilménite le long de la côte Est, entre Mananjary et
Fénérive ont fait l’objet d’appels d’offres. Le projet Ticcor des Sud Africains laissait, lui,
envisager la production de 500 000 tonnes/an d’ilménite. Ici, point de compagnie française.

L’aluminium, lui, a augmenté de 71%. Il n’est donc pas surprenant que Rio Tinto s’intéresse
dans le Sud aux ressources en bauxite à proximité des gisements qu’ils exploitent. Ici, point
de compagnie française …sauf à considérer que Pechiney est présent à travers Rio Tinto
Alcan.

L’uranium

L’explosion de la demande en énergie nucléaire laisse craindre à terme une pénurie des
ressources en uranium13. Les britanniques, canadiens, australiens et leurs compagnies
minières 14 ont lancé des campagnes d’exploration dans l’Ouest, le Centre et le Sud.

Dans ce contexte, Areva, qui a défini une stratégie de maîtrise de l’ensemble de la chaîne
nucléaire de la MINE à la centrale s’est associée à Total pour assurer la logistique de ce
dernier sur la zone d’exploration pétrolière de Bemolanga. Il est bien évident que la
logistique est le premier métier de Areva.

Le charbon

Les besoins sidérurgiques de la Chine et des pays émergents ont provoqué une envolée des
cours du charbon. Ces cours ont pris 200% entre 2005 et 2008. Le gisement de la Sakoa
« délaissé en raison d’une rentabilité insuffisante, voit son intérêt renouvelé ». Les réserves
en charbon de la Sakoa sont à ce jour estimées à plus de 100 millions de tonnes en

13
   Alors que « Depuis 2001, le prix spot de l’ U3O8 (yellow cake) est en progression constante, Il a
ainsi augmenté de plus de 300 % en moins de cinq années. Cette hausse n’est donc pas
conjoncturelle et elle a de forte chance de perdurer.

14
     ALM & Forex et ClineMining Corp, Pencari Mining Corp, Haddington, Uranium Star
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hypothèse basse et jusqu’à 1 Md de tonnes en hypothèse haute !!! Le groupe australien
Straits15 dispose d’un champ d’exploitation de 800km² sur la zone. Point de français visibles
ici.

Le fer

Le gisement de fer de Soalala dont les réserves sont estimées à 562 Mt pour une
production à ciel ouvert de près de 3,5 Mt annuelles intéresse bien évidemment les
entreprises de la région asiatique, première productrice d’acier et dont les besoins
continuent de croître …

Et le reste …Sans oublier le pétrole

Le pétrole demeure la ressource éminemment stratégique des décennies à venir. Les sables
bitumineux et les huiles lourdes ne sont rentables qu’avec un cours du brut autour de 100
dollars le baril. Le gisement de Bemolanga est le plus vaste gisement d’huiles lourdes
inexploité au monde. Ses 16 milliards de barils estimés en réserve on shore sur ont
certainement posé des enjeux de pérennisation de la ressource. Total a acquis 60% du
contrat d’exploration de Bemolanga16.

Lors du « point pays » Ubifrance évoqué plus haut, le patron de Total Exploration M/car.
affichait à terme des objectifs de productions de l’ordre de 100 000 à 200 000 barils de
pétrole / jour17... Il est vrai qu’à 100$ le baril, il y a des affections plus désintéressées.

Et bien évidemment, derrière les énormes infrastructures à bâtir et les besoins de
logistique, les intérêts des géants français du BTP (Colas) et du transport (Bolloré), ne sont
pas très loin.

Au-delà des potentiels pétroliers on shore de Madagascar, les potentialités offshore font
l’objet de convoitises que l’on lit derrière les blocs de prospection négociés du Sud au Nord
de l’île. Or, il s’avère que les zones d’exclusivité économique des îles éparses, qui sont
strictement accolées à la ZEE malgache et aux zones de prospection, recèlent aussi
potentiellement des ressources pétrolières. Sur Juan de Nova, possession française, deux
concessions de prospection18 ont été accordées pour un montant d’engagement de 47
millions de $.

15
     coté à Singapour, à travers Red Island Mineral et Madagascar Consolidated Mining

16
   Selon Afrique Energy Intelligence il a fallu, pour la conclusion de ce contrat, une intervention du
président Sarkozy lui-même qui en aurait négocié en avril 2008 le dossier avec Ravalomanana. Ce
dernier préférait en effet une solution en faveur des chinois de la China National Petroleum Corp.

17
  SI l’exploitation des grès de Bemolanga est lancée au delà de l’échéance de 2015, il s’agit de 100
000 à 200 000 baris / jours de pétrole à extraire. A 100$ (prix minimum pour une exploitation
rentable) cela représenterait 7 MM$ de revenus annuels (dont +-50% reviendraient à M/car)

18
   aux sociétés Marex Petroleum Corporation et Roc Oil Compagny Ltd, ont été accordées (arrêté du
22/12/2008 du ministère français de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de
l’aménagement du territoire)
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Conclusion
Nous ne nous étendrons pas sur les ressources et les potentiels réels en or, en pierres
précieuses et semi-précieuses, ou en chromite et autres graphite.

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Il est ainsi un fait que les besoins de flux financiers de M/Car ne devraient plus être un
problème. Pour peu que les institutions fonctionnent et qu’en particulier le système
judiciaire, actuellement « en totale déliquescence », soit profondément rebâti…19

Nous ne nous sommes pas attardés sur le volet enjeu culturel, peut être plus prégnant
qu’on ne l’imagine. Pays dont le Français est une langue officielle, la grande Ile, en raison à
la fois de sa situation géographique à la lisière de l’Afrique de l’Est anglophone ou
lusophone, mais aussi de l’importance de sa population actuelle et A VENIR, s’avère
probablement essentielle à la défense de la francophonie et du rayonnement de la France.

Alors, quand certains persistent affirmer de manière péremptoire « la France n’a rien à
préserver ni à gagner à M/car », on pourra juger leur position curieuse …

Si la France s’intéresse à la Grande Ile, ce qui se passe actuellement ne relève donc pas de
la seule nostalgie d’un empire perdu.

La prise en compte des enjeux de la France s’avère essentielle. Parce que dans cette
situation il faudra négocier en préservant nos propres intérêts et faire comprendre à « Reny
Malala » qu’elle ne trouvera satisfaction aux siens que dans une coopération réelle,
respectueuse et non entachée de faux semblants. Au-delà de nos colères, on ne doit pas se
tromper dans nos choix : on sait ce qu’on aura de la France, on ne sait pas ce qu’on aura de
la Chine ou de l’Inde qui, soyons en convaincus, ne s’encombreront certainement pas de
scrupules, ni d’un quelconque attachement affectif et culturel tel celui qui nous lie,
réellement, à la France.

Un ami m’interrogeait : « le processus de décolonisation a-t-il préparé l’économie malgache
a être indépendante, ou juste à rester un fournisseur de matières premières pour les
grands ? » Quelle que soit la réponse, nous devons nous débarrasser, nous, de notre passé
colonial. Parce qu’au bout du compte, au regard de ces éléments, il est malheureux de
constater que les malgaches eux-mêmes ne soient pas eux aussi conscients et fiers de
l’énormité du potentiel de leur tanindrazana.

Il n’est pas là, le sentiment de fierté, d’orgueil et d’ambition, de responsabilité, de
citoyenneté et d’engagement qui pourrait porter l’ensemble d’une nation malgache pour en
faire véritablement, au vu de ses moyens, une VRAIE PUISSANCE.

Ceci est un autre débat…

Quant à celui-ci, il faut le reconnaître, ce ne sont que conjectures et supputations …

19
  voir à ce sujet :sur http://madagoravox.wordpress.com/ « le-petrole-a-madagascar :il-y-a-manne-et-manne » et
« gouvernance-et-corruption : vous avez dit -fahamarinana et fihavanana »
Les probables enjeux de la France à Madagascar                                                       page 8/9
Patrick Rakotomalala
Avril 2010
http:// madagoravox.wordpress.com. prakotomalala@gmail.com

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