LETTRE D'INFORMATION Collectivité européenne d'Alsace - Du Sénateur du Bas-Rhin Guy-Dominique KENNEL
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Mot du Sénateur Madame, Monsieur, Chers Collègues, Le Sénat a adopté, en première lecture après modifications, le projet de loi dit « relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace », le jeudi 4 avril dernier. Notre Chambre a donné une ossature à ce texte, en conférant à la collectivité créée de réelles prérogatives et en lui donnant les moyens de les exercer. Il s’agissait, pour ma part, des conditions sine qua none pour pouvoir voter en faveur de ce texte. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai proposé et soutenu certains amendements aux textes. Je suis également intervenu à plusieurs reprises en séance lors de la discussion du projet de loi, pour rappeler ce que je souhaitais pour cette collectivité, pour ne pas perdre de vue l’ambition initiale d’un tel projet, pour qu’il ne soit pas interprété de façon erronée, pour qu’il ait du corps. Le texte qui résulte de ces discussions n’est pas une solution idéale, car nous avions souhaité aller encore plus loin ; les limites posées par le Président de la République ne l’ont pas permis. Il présente toutefois des avancées que je vais vous détailler dans cette lettre d’information et sur lesquelles, bien sûr, je me tiens à votre disposition pour échanger avec vous si vous le souhaitez. J’espère que l’Assemblée nationale, qui réceptionnera ce texte, et que le Gouvernement, auront compris la volonté réelle des Alsaciens et tiendront compte en totalité du texte issu du Sénat. L’Alsace vaut mieux, la France vaut plus ! 2
Perspectives du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace Dans le respect des compétences du conseil régional Grand Est et de l’Eurométropole de Strasbourg, la Collectivité européenne d’Alsace sera le chef de file de la coopération transfrontalière sur son périmètre. Elle sera chargée d’établir un schéma alsacien de coopération transfrontalière et œuvrera notamment au bon fonctionnement de la coopération transfrontalière en matière de santé. La Collectivité européenne d’Alsace s’investira dans le renforcement de la politique du bilinguisme et du plurilinguisme, selon des modalités définies par la convention opérationnelle portant sur la politique plurilingue dans le système éducatif alsacien conclue avec l’Etat, le conseil régional Grand Est et la Collectivité européenne d’Alsace. Cette convention décidera notamment des recrutements supplémentaires de personnels. Elle coordonnera, sur son territoire, l’action des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dans le domaine du tourisme, dans le cadre du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs. Le projet de loi transfère le réseau routier national non concédé à la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace. Afin de ne pas transférer uniquement une charge financière, les Sénateurs lui ont donné, à titre expérimental, la faculté d’instaurer une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent des voies de circulation sur son territoire. Un sous-amendement a étendu cette faculté à la Lorraine. Le Sénat a également adopté un amendement accordant « tout ou partie » des nouvelles compétences confiées à la Collectivité européenne d’Alsace, à tous les départements qui en feraient la demande. 3
Répondre au désir d’Alsace ? Afin de répondre au « désir d’Alsace », le Gouvernement a proposé, en 2018, une évolution institutionnelle concernant les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin afin notamment de les faire fusionner. En 2013, nous avions déjà proposé de créer une vraie région Alsace, regroupant les compétences de la Région et des deux départements avec des conseillers territoriaux élus. C’eut été selon moi la meilleure formule pour notre territoire, mais le référendum ne fut malheureusement pas concluant. En 2018, le Préfet Monsieur Jean-Luc Marx, dans un rapport demandé par le Premier ministre, a mené une réflexion sur l’évolution de ces deux départements alsaciens et a notamment révélé que l’Alsace, alors pourtant bien présente dans les esprits - traduisant un vif désir de la voir encore perdurer - n’existait plus en tant que collectivité territoriale et que la simple réunion des deux départements ne répondait pas suffisamment à cette attente, sans le transfert de compétences supplémentaires l’accompagnant. On peut notamment lire dans ce rapport que : « l’Alsace s’est forgée une identité propre au cœur de l’Europe », que « depuis la création au 1er janvier 2016 de la région Grand Est il n’existe plus de collectivité territoriale d’Alsace », qu’ « au-delà des interrogations sur l’avenir administratif du territoire le désir d’Alsace dépasse le registre institutionnel » et enfin qu’ « une simple addition des deux départements serait mal comprise », si bien qu’ « un véritable projet de territoire pourrait se traduire par l’attribution de compétences nouvelles ». Dès lors, le Gouvernement avait annoncé une déclaration d’intention, la déclaration de Matignon du 29 octobre 2018. Mais l’espoir que cela soit consistant a vite été balayé par l’évidente et décevante légèreté du texte. Le projet de loi qui en est résulté créant la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) m’a convaincu de la nécessité d’améliorer ce texte qui avait suscité tant d’espoir. Le Conseil d’Etat lui-même, dans un avis simple, a souligné l’absence de nécessité réelle de ce projet de loi qui inscrivait un certain nombre de choses d’ores et déjà réalisables et qui ne faisait état, en guise de nouveauté, que d’un transfert de charges. Il fallait donc, d’une part, transcrire concrètement cette envie d’Alsace et, d’autre part, renforcer le texte par des amendements venant conférer des compétences. Deux conditions sine qua none à mes yeux. 4
Cela passe notamment par cette notion de « chef de file », qui évoque beaucoup mais peut vite se retrouver vide de sens si l’on ne lui garantit pas des compétences uniques, réelles et concrètes. La collectivité ne doit en effet pas se contenter d’organiser (cf. définition du Conseil constitutionnel) ; elle doit pouvoir décider seule dans certains domaines. Sur l’action transfrontalière, le Gouvernement avait fixé des limites énormes. Finalement, un amendement du Sénat donne la possibilité à l’Etat, par délégation à la Collectivité européenne d’Alsace, de confier la gestion de tout ou partie des actions relevant du Fonds social européen, dans les conditions définies à l’article L. 111-8-1 (art. 1er alinéa 22 « Art. L. 3431-5-2 » nouveau). Concernant le seul et réel transfert de compétence proposé, les routes nationales et autoroutes non concédées, il était en réalité uniquement un transfert de charge à moyen-long terme (une charge nette d’au moins 50 millions, compensation déduite). Afin de compenser ce transfert de charge, les sénateurs ont obtenu que, à titre expérimental et pour une durée maximale de 5 ans, la Collectivité européenne d’Alsace et les départements de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges aient la possibilité d’instaurer une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent les voies de circulations, ou des portions de voie de circulation, situées sur son territoire (art. 3 bis nouveau) L’article 1er contient l’essentiel des dispositions relatives à l’organisation et à l’agencement des compétences de la nouvelle collectivité : - donner compétence à la Collectivité européenne d’Alsace pour la coopération transfrontalière en matière de santé (art. 1er alinéa 8) ; - permettre aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de lui déléguer leurs compétences pour la mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière (art. 1er alinéa 10 – « Art. L. 3431-3 ») ; - donner le rôle de chef de file pour la promotion des langues régionales, c’est-à-dire l’allemand et l’alsacien (art. 1er alinéa 20). J’ai porté un amendement qui a été adopté, qui prévoit la création d’un conseil de développement, une instance de dialogue et de réflexion à l’échelle du territoire alsacien pour accompagner la mise en œuvre des compétences de la collectivité européenne d’Alsace, suivre et le cas échéant évaluer les politiques publiques portées par la CEA (art.1er alinéa 23 – « Art. L. 3431-6 » nouveau) 5
Également : - donner compétence pour promouvoir l’attractivité de son territoire en France et à l’étranger (art. 2 alinéa 5) ; - autoriser le Conseil régional du Grand Est à lui déléguer à titre expérimental, tout ou partie de l’octroi des aides aux entreprises (art. 2 bis alinéa 2 nouveau) ; - attribuer au Président du Conseil départemental le pouvoir de police de la circulation sur la voirie transférée par l’Etat, et au Conseil départemental le pouvoir de déclasser les autoroutes transférées (art. 3) ; - sécuriser le déroulement du transfert des moyens entre les collectivités ; en particulier mieux garantir la compensation intégrale des charges nouvelles résultant du transfert de la voirie nationale non-concédée (art. 4,5,6 et 7) ; ! inscrire dans la loi le principe d’éligibilité au financement des contrats de plan État-Région des futures opérations routières menées par la collectivité d’Alsace sur le réseau routier national transféré à compter du 1er janvier 2021 (art.7) ; - fixer le nombre de cantons de la Collectivité européenne d’Alsace et adapter les règles relatives à l’élection des conseillers régionaux et des sénateurs de ce territoire (art.8) ; ! habilitation du Gouvernement à fixer ces règles par ordonnance supprimée (art.9). Nous avons donc donné du corps à ce projet de loi, et en cela nous lui avons surtout donné du sens ! Ce projet de loi doit répondre aux attentes et être utile. Il était aussi important que nos collègues du Grand Est et des autres régions n’y voient pas une volonté de se singulariser, mais que l’Alsace puisse être une nouvelle fois terre d’expérimentation au profit de tous. Être fier de sa région, que l’on soit savoyard, basque, berrichon, vendéen, corse ou alsacien, ce n’est pas se désolidariser, c’est se sentir Français ; et être Français, c’est aussi être Européen. 6
Les travaux de la commission des lois du Sénat La Commission des lois du Sénat a tenu compte de l’histoire de l’Alsace, de son identité, de ses particularités géographiques et de son bilinguisme pour traduire l’attachement des alsaciens à leur territoire et leur volonté de voir se concrétiser le « désir d’Alsace ». Si la Commission des lois préférait l’appellation plus rigoureuse de « département d’Alsace », le nom de « Collectivité européenne d’Alsace » (CEA) a été rétabli en séance par un amendement des Sénateurs. La Commission des lois a rappelé que ce texte ne pouvait être déconnecté de l’acte III de la décentralisation ni du droit à la différenciation qui a vocation à s’appliquer à tous les départements. En effet, la nouvelle « Alsace » doit être considérée comme une expérimentation. Elle a considéré que le transfert de la compétence coopération transfrontalière était essentiel pour répondre aux spécificités alsaciennes. La Commission de lois a souhaité donner à la collectivité des moyens de l’exercer dans le cadre d’un schéma de coopération transfrontalière, et a autorisé les établissements publics de coopération intercommunale à déléguer tout ou partie de leurs compétences à la CEA. Le développement du bilinguisme est un autre point essentiel. La collectivité d’Alsace pourra recruter un vivier d’enseignants germanophones et organiser un enseignement complémentaire sur le temps périscolaire, dans les établissements. Afin d’amplifier ces dispositions pragmatiques, la Commission des lois a souhaité inscrire dans la loi le principe de chef de filât. Elle introduit un article autorisant la création de chaînes de télévision régionales. Avec plus de 20 millions de visiteurs par an, le tourisme constitue en Alsace un secteur économique majeur. Conformément à la déclaration commune de Matignon, le Sénat a densifié la compétence du département d’Alsace en matière de promotion de l’attractivité de son territoire. Il a également prévu la création d’un Conseil de développement. Le transfert d’autoroutes au département doit être accompagné de moyens pour permettre à la nouvelle collectivité d’endiguer la circulation des camions : créer une nouvelle catégorie d’autoroutes départementales ; sécuriser le transfert du personnel affecté aux voiries pour éviter les problèmes rencontrés en 2004 ; compenser le transfert de charges par des ressources équivalentes, conformément à l’article 72-2 de la Constitution. 7
Discussion du texte en séance au Sénat, chambre des territoires Le texte a été discuté trois soirs de suite au Sénat : 2, 3 et 4 avril 2019. Vous pouvez retrouver le texte de ma prise de parole dans la discussion générale sur mon blog http://guydominiquekennel.fr et les vidéos de toutes mes interventions sur ma page Facebook. 8
Vous pouvez aussi lire