LIFE : RESET / Chronique d'une ville épuisée - DOSSIER PEDAGOGIQUE pour explorer le spectacle - Théâtre National

 
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LIFE : RESET / Chronique d'une ville épuisée - DOSSIER PEDAGOGIQUE pour explorer le spectacle - Théâtre National
DOSSIER PEDAGOGIQUE pour explorer le spectacle…

                                         LIFE : RESET /
                Chronique d’une ville épuisée

Texte et mise en scène : Fabrice Murgia / Artara |Interprétation : Olivia Carrère | Assistanat : Christelle Alexandre et Catherine
Hance | Environnement vidéo : Arié Van Egmond | Cameraman : Xavier Lucy | Régie vidéo : Giacinto Caponio |Régie son : Simon
Pirson |Création lumière : Pierre Clément | Régie lumière : Ludovic Desclin | Régie plateau : José Bardio, Thomas Noël |
Scénographie : Vincent Lemaire | Décoration : Anne Goldschmidt, Marc‐Philippe Guérig et Anne Humblet | Musique et régie son :
Yannick Franck | Régisseur général : Romain Gueudré | Construction décor : les Ateliers du Théâtre National | Création costumes
des avatars : Sabrina Harri | Chant : Albane Carrère | Figuration : Christelle Alexandre, Clémence Demilier et Romain Gueudré

Coproduction du Théâtre National ‐ Bruxelles, Theater Antigone ‐ Courtrai, Festival de Liège, Maison de la Culture de Tournai,
CECN.
Le texte a bénéficié du soutien de la Chartreuse ‐ Villeneuve lez Avignon.
Dossier pédagogique réalisé par Cécile Michel pour le Service éducatif du Théâtre National / Bruxelles.
Une version PDF est disponible sur notre site www.theatrenational.be (rubrique « service éducatif »).
LIFE : RESET / Chronique d'une ville épuisée - DOSSIER PEDAGOGIQUE pour explorer le spectacle - Théâtre National
Table des matières

Introduction ......................................................................................................................................................................3

I. LE SPECTACLE .............................................................................................................................................................5

    Rencontre avec Fabrice Murgia, metteur en scène et créateur du spectacle ..................................5

    Les Sources du spectacle ........................................................................................................................................8

        1. Concert à la carte ..............................................................................................................................................9

        2. Jeanne Dielman , 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, ........................................................... 13

             Pour en savoir plus : .................................................................................................................................... 14

             Pistes à exploiter en classe........................................................................................................................ 15

             Après spectacle : ............................................................................................................................................ 15

II. EXPLOITATION THEMATIQUE ......................................................................................................................... 16

    A. Au cœur du spectacle : les rapports entre réel et virtuel ................................................................ 16

        1. Vers une définition du virtuel .................................................................................................................. 16

        2. L’avatar .............................................................................................................................................................. 17

             Pour en savoir plus : .................................................................................................................................... 22

        3. Second Life ....................................................................................................................................................... 22

             Pour en savoir plus : .................................................................................................................................... 25

             Pistes à exploiter en classe........................................................................................................................ 25

        4. Le théâtre et les nouvelles technologies ............................................................................................. 26

             Pistes à exploiter en classe : ..................................................................................................................... 27

             Pour en savoir plus : .................................................................................................................................... 27

    B. Solitude et anonymat dans la grande ville .............................................................................................. 28

        1. La ville en littérature ................................................................................................................................... 28

        2. La ville en film................................................................................................................................................. 31

             Pour en savoir plus : .................................................................................................................................... 33

             Pour en discuter en classe ......................................................................................................................... 33
LIFE : RESET / Chronique d'une ville épuisée - DOSSIER PEDAGOGIQUE pour explorer le spectacle - Théâtre National
LIFE : RESET/ Chronique d’une ville
                    épuisée

Introduction
Focus sur une grande ville : dans cette ville, un quartier, dans ce quartier, un
immeuble, dans cet immeuble une fenêtre, derrière cette fenêtre, une existence,
aperçue, à travers la lumière qui filtre sous les persiennes. Dans cette ville épuisée,
une femme seule donc, qui pourrait être vous, ou moi, ou votre sœur.

Par le biais du spectacle, nous pénétrons au cœur même de la solitude de cette femme
anonyme. Une solitude particulière puisque noyée dans la multitude, dans la foule de
la ville et qui ne peut se consoler que de contacts virtuels.

Un jeu, une sorte de « Second Life » lui permet en effet de vivre une vie parallèle et
idéale où elle choisit ses propres règles et ses « amis ». Mais les limites entre la vie
réelle et sa consolation virtuelle vont s’avérer de plus en plus floues et plonger la
jeune femme dans un entre-deux, proche de la folie, jusqu’au dénouement...

C’est dans cet univers flou que nous entraîne le jeune metteur en scène Fabrice
Murgia qui continue d’explorer ici les thématiques très actuelles qui lui sont chères :
la frontière ténue entre réel et virtuel, la confrontation avec un système parfois
inhumain qui nous pousse à chercher des consolations dans un ailleurs même
délirant et une réflexion très aboutie sur le rôle de l’image et des nouvelles
technologies au théâtre.

Le spectacle, interprété par une comédienne seule en scène, Olivia Carrère, est sans
paroles, mais la narration est très forte et le son (Yannick Franck) et l’image (Arié van
Egmont) lui donnent une réplique active.

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Ce dossier a été conçu pour accompagner les élèves dans la compréhension et
l’exploitation des thématiques abordées par le spectacle. Il se compose d’une partie
dédiée au spectacle proprement dit (une interview du metteur en scène, les sources
du spectacle) et d’une partie qui approfondit certaines thématiques abordées par la
pièce : le virtuel, son emploi au théâtre, second life, l’avatar…Et une partie consacrée
à l’anonymat et à la solitude au sein de la grande ville et les représentations
artistiques de la mégapole.

Chaque partie donne des informations théoriques mais propose aussi des mises en
pratique en classe ainsi que des pistes bibliographiques et informatiques pour en
savoir plus.

Belle découverte !

Si vous désirez copier certains passages pour vos élèves, merci de demander une
version Word du dossier auprès du service éducatif.

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I. LE SPECTACLE

Rencontre avec Fabrice Murgia, metteur en scène et créateur du
spectacle

Fabrice Murgia, comment est né ce nouveau spectacle Chronique d’une
ville épuisée / Life : Reset quelles ont été vos sources d’inspiration pour
ce projet ?

J’avais une image en moi, celle de toutes les petites fenêtres lumineuses qui brillent
dans la nuit lorsque l’on quitte une ville en train… Comme un assemblage de plein de
solitudes qui se côtoient sans se connaître. J’avais envie de parler de l’une d’elles, de
cette solitude des grandes villes, cette solitude si paradoxale dans un univers dominé
par l’hyper-communication. Aujourd’hui, il est difficile de vivre sans téléphone
portable, sans Internet, sans e-mails, tous ces réseaux qui vous relient au monde et
vous donnent l’illusion que vous êtes en contact avec quelqu’un alors que vous êtes
seuls.

C’est donc l’histoire de cette solitude que j’avais envie de raconter, celle d’une jeune
femme que l’on voit évoluer chez elle, se réveiller, se laver, manger, partir au travail,
se distraire, mais toujours seule, bien qu’elle « socialise » sur Internet. C’est une
solitude qui n’en est pas une en fait, car elle évite le face-à-face avec elle-même par un
recours systématique à la communication virtuelle, une solitude sans vie privée, sans
liberté, où le corps est nié, où la présence à soi-même est gommée au profit d’une
fantomatique et fragile présence virtuelle ; c’est aussi un être piégé, enfermé au creux
d’un système.

Elle est un fragile maillon de ce système dans lequel elle évolue – dans lequel nous
évoluons tous- système lui-même en équilibre précaire, ingérable, toujours au bord
de l’implosion…

Et c’est ce qui arrive, elle ne peut plus continuer à « fonctionner » dans cette solitude
non privée et cette sur-communication fallacieuse. Mais elle est en même temps une
métaphore du monde qui la produit ; elle tourne à vide, en pilotage automatique,
comme une mécanique fragile et vaine, qui pourrait se rompre à tout moment.

Ce que j’aimerais montrer c’est cette vision métaphorique du système à travers la vie
de cette femme et la substance particulière de cette solitude, enchaînée au virtuel,
comme seule et fausse porte de sortie et la place qu’il reste encore à l’humain, au

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vivant dans ce système et comment cette vie peut encore s’exprimer par le langage du
corps.

Cette pièce est une création, tant sur le plan de l’écriture que de la mise
en scène, y- a-t-il des sources particulières qui ont nourri votre travail ?

Je ne suis ni le premier ni le seul à vouloir travailler sur la solitude du citoyen à
l’intérieur du système. Deux œuvres font surtout écho avec ce que je veux dire :
Concert à la carte de Franz-Xaver Kroetz, et Jeanne Dielman, 23 quai du commerce,
1080 Bruxelles film de Chantal Akerman qui date de 1975. C’est un film qui avec une
grande économie de moyen, et très proche d’une forme d’hyper réalisme, raconte le
quotidien d’une femme, mère mais veuve, qui se prostitue pour survivre. Le film ne
« raconte » pas son histoire, justement mais nous la montre dans les détails les plus
intimes de sa vie quotidienne –comment elle prépare à manger, fait le ménage- tout
dans le silence, et comment c’est le langage seul du corps qui va exprimer tout le
désarroi qui habite cette femme. La pièce de Kroetz est aussi une pièce silencieuse,
une longue didascalie1 qui nous montre une femme seule qui rentre chez elle, écoute
la radio – il y a Concert à la carte- et qui finalement, sans explication- avale des
comprimés à la fin de la pièce.

Dans Chronique d’une ville épuisée, le propos vient se doubler d’une réflexion sur la
communication virtuelle, les relations que l’ont peut y nouer et le rapport à la solitude
et à la vie privée que ces nouveaux médias instaurent.

C’est donc une pièce sans parole ?

Dans l’état actuel du spectacle, complètement, oui. Mais ça peut encore changer,
même quelques jours avant la première, c’est comme cela que je travaille. Ce qui me
plait dans ce silence, c’est d’abord, la possibilité d’exprimer des choses autrement que
par le langage parlé, c'est-à-dire avec le corps, les gestes du quotidien, mais aussi
avec d’autres procédés qui viennent se mélanger à ceux spécifiques au théâtre à
travers le « chat » qui apparaîtra sur écran mais aussi à travers des images, tout un
travail vidéo ainsi que par un travail sonore particulier qui viennent en surimpression

1
  Note ou paragraphe, rédigé par l'auteur à destination des acteurs ou du metteur en scène, donnant des
indications d'action, de jeu ou de mise en scène. Elle permet de donner des informations, notamment, sur le
comportement, l'humeur ou encore la tenue vestimentaire d'un personnage. Les didascalies sont intercalées dans
le dialogue écrit, mais n'en font pas partie, et ne sont donc pas destinées à être prononcées sur scène. Elles sont
notées le plus souvent en italique ou bien entre parenthèses.

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de ce qui se passe sur scène et nous font percevoir les choses de façon subjective,
irréaliste.

J’aimais aussi l’idée d’un personnage silencieux dans une pièce qui parle de la
communication et de la non-communication…

Le virtuel en tant que sujet mais aussi comme élément de mise en scène
joue un très grand rôle dans la pièce.

En effet, le virtuel, en tant que sujet, c’est une réflexion sur notre rapport au monde,
sur la façon dont ces nouveaux médias colonisent notre existence et nous immergent
dans une espèce d’entre-deux, qui n’est pas la réalité ni l’imaginaire total ; et
comment les relations nouées dans ces « métavers » (univers virtuels partageables en
ligne) peuvent s’avérer trompeuses, dangereuses mais aussi consolantes et plonger
dans l’addiction.

Utiliser le virtuel sur une scène, comme moyen de faire du théâtre m’intéresse aussi
énormément : j’aime beaucoup les images et le travail des vidéastes, et il me paraît
presque impensable de proposer un spectacle qui n’y ferait pas appel, elles
interviennent au même titre que le jeu de l’acteur, le décor, les costumes et le langage
dans l’écriture de plateau. C’est le vidéaste Arié van Egmond qui crée les images. Elles
permettent de jouer sur plusieurs degrés de présence, et permettent des adresses
publiques indirectes. L’image filmée nous apparaît comme à travers un quatrième
mur et offre un contrepoint à ce qui se passe sur la scène. Elle peut aussi offrir des
éléments de décor et multiplie les points de vues.

Ici, c’est comme si trois histoires, différentes, parce que racontées de façon différente,
se percutaient : Il y a ce qui se passe « sur scène » et qui est joué par la comédienne, à
travers son corps et sa présence ici et maintenant, il y a ce qui est filmé par la caméra
et que l’on ne pourrait voir sinon (l’intérieur de la salle de bain quand la porte est
fermée, mais aussi les caméras de surveillance qui capturent son image dans la rue…)
et qui est filmé en temps réel ou pas (encore deux degrés de présence différents) et il
y a ce qui se passe à l’intérieur de l’univers virtuel proprement dit , une sorte de jeu
« second live » auquel la jeune femme semble « addict ».

J’aime flouter les frontières entre la vidéo et le théâtre ; où est l’acteur, où est la vidéo,
où se situent le réel et l’illusion du réel. De la même façon, le théâtre peut imiter le
cinéma par des effets zoom par exemple (des boîtes sur roulette dans lesquelles se

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déroulent des scènes avancent et reculent, changent de perspective, comme on
changerait de plan…)

Ici, cette ambiguïté avec le réel constitue le sujet même du spectacle : les différents
niveaux de présence vont se contaminer les uns les autres pour créer le trouble et
faire basculer peu à peu le personnage dans une espèce de folie morbide.

Et le rôle de la musique ?

Pour cela, j’ai fait appel à Yannick Franck. Il s’agit d’un artiste sonore, performeur et
plasticien, qui crée véritablement des univers particuliers avec le son. Au début, la
musique et les sons ne sont qu’un décor sonore, plutôt réaliste (bruits de cour d’école,
rue, sirènes…) Au fur et à mesure de l’expansion de sa folie, des sons, des bruits,
s’introduisent dans l’univers du personnage pour coller de plus en plus avec l’idée que
le personnage est une sorte de grande machine en surchauffe qui se déglingue. C’est
vraiment la musique qui amène cette impression et qui colle aussi avec les images qui
commencent à envahir l’espace.

Les Sources du spectacle

Concert à la carte et Jeanne Dielman, deux œuvres muettes

   Deux œuvres des années 70 ont inspiré le spectacle original conçu par Fabrice
Murgia. Elles abordent toutes deux l’examen du quotidien d’une femme seule dans ce
qu’il a de plus privé. Si ce sont toutes deux des fictions, elle s’attachent à l’observation
réaliste de la sphère intime, en décrivant la succession des gestes de tous les jours,
sans paroles.

   A travers l’image de la confection minutieuse d’un repas (Jeanne Dielman), ou la
description précise d’une femme qui se rend aux toilettes (Concert à la carte), ce sont
les corps qui parlent, nous racontent la difficulté d’être seule, de survivre sans
perspectives, sans échappatoires dans un monde contemporain qui peut broyer les
êtres trop fragiles.

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1. Concert à la carte

Pièce de Franz-Xaver Kroetz, 1972.

             Mademoiselle Rasch rentre chez elle, après sa journée de travail.
             Il est 18h 30. Elle range ses courses, fait à manger, fume une
             cigarette, écoute la radio (où passe une émission : Concert à la
             carte), fait la vaisselle etc. Tous les gestes du quotidien qu’elle
             effectue avec minutie, et comme mécaniquement. Aucune parole
             n’est prononcée. Mais quelque part, un point de non retour est
             atteint, une mécanique s’enraye, tout le propos souterrain,
             exprimé par le corps et sans les mots, surgit à la fin…

   Pièce du célèbre auteur allemand Kroetz, Concert à la carte, écrite en 1972, est
l’aboutissement d’une longue réflexion et d’une série de pièces sur le silence, ou
plutôt le mutisme. Contre la convention dramatique de la loquacité, Kroetz élabore
dans de nombreuses pièces des dialogues laconiques et troués de silences, comme si
les personnages étaient en « défaut de langage » porteur d’une parole confisquée,
dépossédés de ressources linguistiques, pour exprimer leurs problèmes.

« Ce qui caractérise le plus nettement le comportement de mes personnages, c’est le
mutisme, car leur langage ne fonctionne pas. Ils n’ont aucune bonne volonté. Leurs
problèmes remontent si loin et sont si loin de trouver une solution, qu’ils ne sont plus
en mesure de les exprimer par des mots. »

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Le dramaturge veut ainsi montrer ce « prolétariat des gens privés de parole, cette
forme extrême du capitalisme de l’éducation qui ne se contente plus d’exploiter ses
victimes, mais conserve le « silence » qui revient en propre à ses bêtes de somme. »

      Le propos de Concert à la carte est proche de celui de Chronique d’une ville
      épuisée. Les deux pièces abordent le registre complexe de l’intime, de la sphère
      privée, dans laquelle le public, comme un voyeur est invité à glisser son œil.
      Chronique d’une ville épuisée pose de surcroit la question des limites de cette
      intimité aujourd’hui, celle de la perte de nos libertés individuelles à travers
      l’intrusion constante des caméras de surveillance, messages, SMS, emails,
      chats et autres webcams.

Extrait 1

  « Un jour quelconque de semaine. Mademoiselle Rasch, après son travail et ses achats
  arrive chez elle, vers 18h30. Elle entre dans l’appartement, cherche son courrier, ne
  trouve qu’un dépliant publicitaire, le prend, va vers la porte de sa chambre, l’ouvre et
  entre. Elle pose le filet à provisions et un journal sur la table, son sac à main sur une
  chaise, met le dépliant sur le buffet et ferme la porte de sa chambre.
  Elle retire son manteau, le place sur un cintre qu’elle pend à un crochet sur la porte. Elle
  enlève une tache sur le dos du manteau. Puis, elle va à la fenêtre tâte le radiateur et sent
  qu’il est bien chaud. Elle ouvre doucement le store et entrouvre la fenêtre.
  Elle découvre sur le rebord de la fenêtre quelque chose à enlever, prend un torchon sur le
  tuyau de vidange du lavabo et nettoie tout le rebord. Elle remet le torchon en place et
  commence à vider le filet et à ranger les provisions dans le réfrigérateur, le buffet et la
  boîte à pain. Puis, elle pend le filet à un clou à côté du chauffage (…) »
Concert à la carte de Franz Xaver Kroetz texte français de Ruth Henry et Robert
Valançay, Paris, l’Arche, 1991.

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Extrait 2

Extrait 3

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Extrait 4

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2. Jeanne Dielman , 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles,

film de Chantal Akerman, 1975.

  Le film de Chantal Akerman qui date de 1975 nous montre une tranche de la vie de
Jeanne Dielman, une jeune veuve qui vit avec son fils adolescent et qui reçoit de
temps à autre des messieurs chez elle, pour arrondir ses fins de mois. Ici aussi,
l’observation minutieuse du corps qui se meut et accomplit mécaniquement les
minuscules gestes de la vie de tous les jours tient lieu de langage.

   De temps en temps la comédienne parle, mais le langage est plus de l’ordre d’un
bruit, d’un fond sonore, comme la machine à moudre le café ou le robinet d’eau
chaude. Tous les gestes, effectués les uns après les autres servent à remplir
complètement le vide d’une vie dans laquelle il ne faut absolument pas que la
moindre angoisse existentielle puisse surgir.

   Dans l’histoire du cinéma, le film a très vite été considéré comme un une
expérience extrême, un évènement du cinéma féminin. Comment filmer le quotidien,
ses rites rassurants, sa routine aliénante et en faire une bombe à retardement lorsque
quelque chose d’infime en dérègle les procédures.

«Pour moi elle avait deux solutions, analyse la réalisatrice : se tuer ou tuer quelqu’un.»
Imposant langueur et lenteur, une esthétique du temps qui semble mort, Chantal Akerman
crée avec cette fiction béhavioriste un jamais vu du cinéma. Se décèle là l’influence de
l’avant-garde américaine, qu’elle vient alors de découvrir lors d’un séjour à New York, et
surtout celle des films du canadien Michael Snow, fondés sur la durée et l’étirement du
temps. Jusqu’à ses films récents, comme La Captive, Akerman en conservera le sens de la
dédramatisation et une absolue intelligence du plan fixe. Dépouillé de tout plan raccord ou
gros plan, son montage est aux antipodes de tout classicisme. Magnifiques, les cadrages
jouent d’une froide et plastique symétrie, que vient hanter souvent le dos de l’héroïne,
comme un signe de ce comportement qui reste impénétrable jusqu’à la dernière seconde du

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film. Ils rendent la violence du récit d’autant plus sourde. «J’ai vraiment laissé Jeanne
Dielman vivre sa vie au milieu du cadre, être dans son espace. La seule manière de tourner
ce film, c’était d’éviter de couper cette femme en cent pièces, d’éviter de couper l’action en
cent lieux.»Toujours frontale, la caméra adopte de manière uniforme ce qu’Akerman définit
comme le point de vue de «l’œil d’une femme» : ne s’approchant jamais, ne reculant pas.
«Le contraire du voyeurisme, car tu sais toujours où je me trouve», analyse-t-elle. «Je crois
que Jeanne Dielman est un film féministe parce que je donne de l’espace à des choses qui
n’ont jamais, presque jamais, été montrées de cette manière, comme les gestes quotidiens
d’une femme. Ils sont au plus bas de la hiérarchie de l’image de film. Mais plus que le
contenu, c’est à cause du style. Si tu choisis de montrer de manière aussi précise les gestes
d’une femme, c’est parce que tu l’aimes. D’une certaine manière tu reconnais ces gestes qui
ont toujours été niés et ignorés. Féministe non à cause de ce qui est dit, mais à cause de ce
qui est montré, et de comment c’est montré.» Emmanuelle Lequeux in : Camera Obscura,
nov. 1976.

http://collection.fraclorraine.org/parcour/showtext/7?lang=fr&wid=11

     Pour en savoir plus :

Sur Jeanne Dielman :

   Entretien avec Chantal Akerman dans la revue Camera Obscura, nov. 1976. :
   http://collection.fraclorraine.org/parcour/showtext/7?lang=fr&wid=11

   Autour de Jeanne Dielman, Making of réalisé par Sami Frey, 1974, noir et blanc,
   transféré sur DVD en 2003.

Sur Concert à la carte :

   Dossier de presse, Concert à la carte, mise en scène et interprétation Vanessa
   Larré, décembre 2010, site de la Comédie de Genève
   http://www.comedie.ch/img/Dossier-Presse-Concert-a-a-carte-Comedie.pdf
   Gaston Jung, « Rencontre avec Franz Xaver Kroetz », in : Alternatives théâtrales,
   11, 1982, pp. 11-19.
   Nouveaux territoires du dialogue, ouvrage collectif dirigé par Jean-Pierre
   Ryngaert, Actes Sud –Papiers, nov. 2005
   Concert à la carte Franz-Xaver Kroetz, texte français de Ruth Henry et Robert
   Valançay, Paris, l’Arche, 1991.

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Pistes à exploiter en classe

  Lire les extraits de la pièce de Kroetz avec les élèves, regarder des extraits du film
de Chantal Akerman. (On peut facilement trouver le film en médiathèque ou même le
visionner – tout ou partie- sur You tube.)

  Après vision d’une scène, par exemple celle de la confection du repas, analyser ce
qui, à travers le corps et la posture, les gestes de la comédienne, indique qu’elle est en
proie au trouble intérieur (une mèche de cheveux échevelée, dans sa coiffure
impeccable, des mouvements inutiles dans un enchainement de mouvements très
efficaces, une obsession pour le nettoyage…).

  Aborder le théâtre didascalique ( théâtre dont le texte n’est pas un texte de théâtre
mais une succession de didascalies) avec les élèves : - Qu’est-ce qu’une didascalie ? A
quoi sert-elle ? Comment une pièce peut-elle être sans paroles ? Le langage du corps
remplace-t-il alors le langage « verbal » ?

  Demander ensuite aux élèves de jouer une scène précise, sans paroles, sur base
d’impros : ex : attendre le bus, regarder la télé, manger tout seul, une salle d’attente
de médecin….. Des élèves jouent et les autres doivent deviner.

Après spectacle :

  Rapprocher les deux œuvres de Chronique d’une ville épuisée. Que nous dit le
corps de la comédienne ? Comment ?
   Demander aux élèves de mimer ce qu’ils font dans les cinq premières minutes qui
suivent leur réveil, geste après geste.
  Comment percevons-nous qu’elle bascule peu à peu dans une forme de folie ?
  Quel travail est fait sur le son, l’image, le décor pour raconter cette folie et la perte
des repères?

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II. EXPLOITATION THEMATIQUE
A. Au cœur du spectacle : les rapports entre réel et virtuel

1. Vers une définition du virtuel

  La jeune femme du spectacle glisse peu à peu dans un entre-deux où sa présence et
sa perception du       monde deviennent floues. Réel et virtuel se confondent et
finalement se chevauchent dans une sorte de féérie morbide dont elle n’arrivera plus
à sortir. On parle aujourd’hui beaucoup de ces nouveaux univers virtuels, qu’ils soient
des jeux ou des mondes à construire dans lesquels on peut s’immerger jusqu’à se
noyer.

  Le mot virtuel vient du latin virtus : force, puissance.

Il trouve son origine dans la philosophie scolastique du Moyen-âge : ce qui est virtuel
désigne ce qui existe « en puissance », à l’état de possibilité et non « en acte ». Il ne
s’oppose donc pas au réel mais à l’actuel (ce qui est en actes). Une de ses principales
modalités est le détachement de l’ici et maintenant. Aujourd’hui le terme « virtuel »
est devenu synonyme de numérique et immatériel. Bien souvent, le virtuel « n’est pas
là », il est une actualisation du réel.

   Ce texte-ci par exemple apparaît comme l’actualisation d’un texte existant sur
support informatique. Ce support existe dans un espace non défini, non atteignable.
Autre exemple : la conversation téléphonique : Bien que l’on puisse affirmer son
existence, la conversation se déroule dans un lieu indéfini, intangible.

Une communauté virtuelle vit donc dans un lieu sans référence stable, partout, ou
nulle part. On peut se connecter à Facebook depuis l’autre bout de la planète comme
depuis sa propre chambre, le lieu de réunion n’existe pas en réalité.

Ce virtuel n’est pas imaginaire, puisqu’il produit des effets. On ne sait pas « où » se
trouve la conversation téléphonique, mais cependant elle a lieu.

Cette « déterritorialisation » implique aussi la remise en question des notions mêmes
de public et privé. Dans le cas du télétravail par exemple la sphère du travail,
publique, partagée avec d’autres êtres humains se mélange à la sphère privée.

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Le document ci-dessous montre un autre exemple de virtualisation des rapports
humains : il s’agit d’une vidéo conférence : des êtres humains se parlent, travaillent
ensemble mais par le biais d’une image, d’une présence virtuelle…

                                           La vidéo conférence

       L’essentiel d’une « réalité virtuelle » consiste dans le fait qu’elle semble se
passer de la structure physique et logique dont l’homme a besoin (telle que le corps).
L’action se trouve donc « dématérialisée » par l’expérience du virtuel.

On parle de réalité augmentée lorsqu’on introduit un élément virtuel au sein d’un réel
tangible (ex : la vidéoconférence)

Aujourd’hui, les outils qui permettent d’explorer le « cyberspace » sont nombreux et
offrent des multiples variétés : internet, jeux vidéos, groupes de discussion, forums,
chats, réseaux sociaux… Les jeunes adultes qui ont grandi avec ces technologies les
dominent et les utilisent tellement qu’elles sont devenues un élément central de leur
vie, de nos vies à tous, en fait. Elles permettent aussi d’explorer un large champ
d’expérimentation et libèrent souvent la créativité et l’inventivité.

2. L’avatar

       Dans la plupart des jeux sur console ou en ligne, le joueur entre dans un
monde par le biais d’un avatar qu’il s’est construit, qu’il interprète, qui agit à sa place
et auquel il peut complètement s’identifier.

Cet avatar est constitué d’objets numériques modifiables à l’envi : cheveux, sourire,
vêtements, apparence humaine ou non.

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Dans le monde virtuel, le personnage peut faire ce qu’il veut, laisser libre cours à sa
part la plus noire, il n’y a pas de passage à l’acte, rien n’est vraiment accompli. On
n’engage pas son corps propre, mais on peut néanmoins vivre par procuration des
expériences nouvelles.

       C’est ce qui explique aussi le grand pouvoir de séduction que ces jeux ont pour
les adolescents, la possibilité de mener une grande variété d’expériences qui
favorisent la créativité, les voyages dans l’imaginaire et tout cela dans la sécurité de
l’absence de passage à l’acte et du retrait du corps.

« C’est un monde que l’on perçoit avec moins d’anxiété que le monde réel, on n’a pas
de contraintes, on n’a pas de peur, on peut s’en aller si ça devient trop…. » -Mots
d’une adolescente interrogée-, cités par Jean-Pierre Pireaux, in : Nouvelles
addictions : l’addiction au virtuel, séminaire de formation Assuétudes et soins de
santé mentale primaire, 2007.

       « Ces différentes identités virtuelles définissent en quelque sorte la psyché du
sujet : elles sont toutes produites par lui, et toutes, même fictives, trahissent sa
personnalité. Révélatrices, ces différentes identités virtuelles le sont peut-être d’abord
pour le joueur lui-même. En cela, se les donner à voir lui permet d’appréhender de
façon plus ou moins consciente des facettes de sa personnalité et, de proche en
proche, de se cerner. »

Maxime Coulombe, Le monde sans fin des jeux vidéo, Paris , PUF, 2009.

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Chaque avatar représente en effet son propriétaire, mais celui-ci est bien le
seul à savoir en quoi sa créature le reflète « intimement », car comme il s’agit d’une
image, la tentation peut être grande de penser qu’il ressemble visuellement à son
usager, alors qu’il ne fait que lui ressembler intimement.

Dans le cas des jeux vidéos, ceux qui sont consacrés à la guerre par exemple, la
possibilité des avatars est plus limitée, c’est alors le parcours de celui-ci qui est
représentatif de sa personnalité, plus que son apparence.

   Dans des « métavers » comme Second Life, on constate que beaucoup de ces
avatars se ressemblent, mais les choix effectués pour lui donner ses caractéristiques
sont souvent éclairants sur le passé, les secrets, les rêves et les projections de la
psyché de l’utilisateur (untel choisira un personnage noir, et on apprend qu’il y a en
fait du sang noir chez ses ancêtres, un autre choisira d’évoluer sous forme de chat,
animal qu’il a toujours rêvé de posséder, une troisième dotera son avatar d’une
poitrine très avantageuse, alors qu’elle-même en a une petite etc.)

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Dans ces mondes virtuels, l’avatar rencontre d’autres avatars, et de ces rencontres,
naissent de nouvelles formes de socialisation mais qui donnent une forme de
« réalité » à l’expérience du jeu. Ces autres avatars représentent en effet d’autres
usagers, qui sont réellement présents sous cette forme et avec lesquels il est possible
d’interagir.

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L’avatar en psychologie

« L’avatar soutient. L’avatar a une double fonction de soutient. Il est ce sur quoi nous
nous appuyons pour trouver une représentation dans les mondes numériques. Par
lui, nous sommes identifiés par d’autres. Il est aussi une manière de renfoncer en soi
des images intérieures. Par là, il est soutient du narcissisme puisque chaque action
que l’on fait en ligne est associée a la belle image que l’on s’est donné. (…)

L’avatar contient. L’avatar a une fonction de contenance. Il contient des éléments de
la vie psychique consciente et inconsciente. Avec eux nous disons nos mouvements de
désir et de dégoûts conscients. Nous disons nos appartenances. Mais ils contiennent
également des parts de notre vie inconsciente. Il contient au sens d’être un espace
dans lequel peuvent être déchargé des élements trop excitants ou douloureux. Il
contient au sens d’être conteneur, espace fermé dans lequel peuvent être déposés en
toute sécurité les éléments toxiques de la psyché. Dans les cas les plus favorables, ces
éléments seront aussi transformés. Cette mise en dépôt permet de mieux comprendre
l’utilisation d’avatar "négatifs". L’avatar est une manière de se présenter aux autres,
mais c’est aussi une façon de se confronter à l’image que l’on s’est donné. Chaque
message posté sur un forum, chaque twitt, chaque mise à jour sur un réseau social
confronte à cette image. Cet inlassable retour du même participe beaucoup dans la
dynamique psychologique sous-jacente de l’avatar.

L’avatar protège. Il est le masque avec lequel on se présente à d’autres. En ce sens, il
se rapproche de la persona, le masque que l’on se donne pour entrer dans le théâtre
social. Il présente aux autres un visage public et tient à l’écart du social les parts
privées, intimes, du self.

L’avatar différencie. L’avatar est le lieu de la différenciation et de l’individuation. Il
permet l’identification rapide de chacun par les autres. Tous le spectre de la
différenciation est ici balayé, de l’avatar extrêmement typique spécifique a une
personne et ne pouvant être porté que par elle, jusqu’a l’avatar commun à tous. D’un
coté, l’avatar permet l’identification, de l’autre il permet la fusion de l’identité dans
l’anonymat de la foule. D’un coté la plus grande différenciation, de l’autre, la plus
grande indifférenciation.

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L’avatar est une mémoire. Chaque avatar commémore pour son propriétaire un
moment. Cela peut être simplement le moment ou la personne choisit l’image qui va
la fonder auprès des autres et d’elle même. Mais cela peut aussi être un moment
anniversaire de sa biographie personnelle ou encore de son groupe d’appartenance.
Certains anniversaires sont idiosyncrasiques : ils ne sont connus que de la personne
et fonctionnent comme un secret que l’on donne à voir aux autres avec l’espoir ou la
terreur de le voir deviner. D’autres sont d’emblée communautaires, et sont destinés à
être partagés.

L’avatar étaye l’identité. Nous sommes nos avatars. Nous les choisissons ou nous
acceptons ceux qui nous sont donnés. Nous les revendiquons comme nôtres et nous
les portons comme on peut porter des vêtements. Nous en changeons au gré de nos
humeurs et de nos besoins. L’avatar pour un réseau professionnel ne sera pas le
même que pour celui du Xbox live, et l’on changera d’avatar à des moments clé d’une
vie. Cela peut être un mariage, la naissance d’un enfant, un changement d’occupation.
Nous disons avec eux nos peaux communes : nos appartenances l’appartenance a un
clan, un groupe, une société ou a des communautés de désir (les fans de…) peuvent
être marqués par des avatars. Les avatars sont des signes, des étendards et des
drapeaux de nos différentes identités. »

Texte tiré d’un article de Yann Leroux, psychologue spécialiste de la dynamique des
relations en ligne: http://www.psyetgeek.com/psychologie-de-lavatar

     Pour en savoir plus :

   Pierre Quéau, Le Virtuel, vertus et vertiges, Champ vallon, 1992.
   Maxime Coulombe, Le monde sans fin des jeux vidéo, Paris, PUF, 2009.
   Jean-Pierre Pireaux, in : Nouvelles addictions : l’addiction au virtuel, séminaire
   de formation Assuétudes et soins de santé mentale primaire, 2007.
   Yann Leroux, l’avatar en psychologie : http://www.psyetgeek.com/psychologie-
   de-lavatar

3. Second Life

La pièce met aussi en jeu la question du refuge dans un univers virtuel. Appelé
« Seconde chance » dans le spectacle, l’univers parallèle dans lequel se réfugie la
jeune femme fait clairement référence au jeu Second Life.

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Créé en 2003, Second Life est un programme qui propose un univers virtuel
accessible en ligne, dans lequel les utilisateurs peuvent incarner des personnages qui
évoluent dans un environnement dont ils sont les créateurs.

Les utilisateurs peuvent donc créer le contenu de cet univers: vêtements, bâtiments,
objets, animations et sons etc.

  Plus qu’un jeu, Second life est considéré comme une extension du monde réel des
utilisateurs, sans but précis ni quête ni mission. C’est aussi un réseau social, un
espace de rencontre virtuel où les utilisateurs entrent en contact par l’intermédiaire
de leurs avatars.

L’avatar est la représentation virtuelle d’un utilisateur, en général de forme
humanoïde mais qui peut être modifié en taille et en proportions, habillé et animé à
l’aide de fichiers d’animation de base intégrés à Second Life.

  Second Life peut enfin être le lieu d’un véritable engagement politique, artistique
ou social : chaque utilisateur peut devenir membre d’un ou plusieurs groupes
d’utilisateurs partageant un but commun et une façon de vivre cette seconde vie :
débats politiques, gestion en commun de territoires, communautés « raciales », jeux,
fêtes, concours…

Cet univers est divisé en cinq grands continents et un grand nombre d’îles
indépendantes, achetées et construites par les résidents qui remplissent l’océan
autour de ces continents.

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Ce métavers (univers virtuel) possède une économie propre basée sur une monnaie
virtuelle le dollar Linden, convertible en dollars US auprès de bourses d’échange
gérées par Linden Lab, les créateurs du jeu. Chaque abonné payant de Second Life
reçoit des Linden dollars chaque semaine, ce qui permet d’acquérir des objets, des
accessoires et des biens mobiliers et immobiliers. Les facilités offertes par cette
économie interne ont permis à toutes sortes d’activités de se créer à l’intérieur de
Second Life : boutiques de vêtements, discothèques, jeux vidéo qui génèrent, elles, un
profit qui n’a rien de virtuel. Le commerce sur Second Life a entraîné la mise en place
de stratégies de marketing virtuel spécifiques afin d’attirer la clientèle et assurer la
publicité.

Que ce ne soit qu’un espace de rencontre ou un lieu où développer des engagements
réels et un rôle à part entière, Second life, par son absence même d’objectif à
atteindre ou d’histoire à suivre, ne renvoie qu’à ce que l’utilisateur y apporte lui-
même.

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Pour en savoir plus :

http://secondlife.com/?lang=fr-FR

   Serge Tisseron, Virtuel, mon amour, Albin Michel, 2008
   Alain Monnier, Notre Seconde Vie, Flammarion, 2007.
   The cat, the reverend and the slave, film documentaire français réalisé par Alain
   Della Negra et Kaori Kinoshita, 2010.

     Pistes à exploiter en classe

  Evaluer avec les élèves quels sont les univers et modes de communication virtuels
auxquels ils sont confrontés.
  Quelles sont leurs particularités ?
  Comment y communique-t-on ?
  La communication virtuelle est-elle parfois plus facile ? Pourquoi ? ( ex d’MSN et
Facebook, GSM)
  Comment choisir un avatar ? Le choix est-il important ?
  Qu’apportent les jeux ?

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4. Le théâtre et les nouvelles technologies

Le but des hommes de théâtre est, selon moi,
D’exprimer des thèmes éternels
A l’aide des outils spécifiques de leur temps.

                                Robert Edmund Jones

   Le théâtre a toujours été marqué en profondeur par les grandes révolutions
technologiques. On sait l’impact qu’eut l’apparition de l’électricité au théâtre par
exemple, qui plongea le spectateur dans l’obscurité, diminuant d’autant sa distance
avec l’action sur scène et changeant fondamentalement le rôle de la lumière sur sa
perception du spectacle.

Aujourd’hui, on peut parler de révolution numérique.

  En effet, beaucoup de productions théâtrales de ces dernières années se tournent
vers les nouvelles technologies médiatiques, et surtout les médias de l’image et du
son. L’introduction de ces éléments dans le théâtre d’aujourd’hui renouvelle de façon
significative le langage dramatique et scénique, en confrontant l’art de l’ici et
maintenant, de la coprésence physique des acteurs et des spectateurs, avec l’art de la
reproduction visuelle et sonore, comme la vidéo par exemple.

  Ces nouvelles données modifient aussi radicalement le jeu de l’acteur qui se trouve
à jouer, non pas dans l’immédiat mais dans une réalité intermédiaire, dans un
théâtre qui va se développer au fil des répétitions et du travail de plateau. Les
techniciens y ont aussi un rôle différent et leur créativité porte aussi une grande
partie du spectacle.

   Ces nouvelles technologies virtuelles (ou NTIC : nouvelles technologies de
l’information et de la communication) compliquent        également la perception du
spectateur qui se trouve confronté à différents degrés de présence de l’acteur. La
vision de ce genre de spectacle tend à éviter la fusion pour aller vers une vision plus
difractée, morcelée du spectacle où c’est l’émotion globale suscitée par ces différents
fragments de vision qui fait sens global.

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Le développement d’une vision cinématographique du théâtre et le travail avec
l’image obligent l’acteur à une très grande précision dans le jeu, un travail sur les gros
plans, sur les plans généraux, et sur les différents registres de la réalité.

   De manière générale, les NTIC apportent au théâtre une forme d’hybridation de
ses spécificités : on n’est plus totalement dans l’ici et maintenant. L’acteur est
toujours là pourtant avec sa présence corporelle, mais son image s’est démultipliée :
parfois « en life », parfois il s’agit d’une image enregistrée. Que voit alors le
spectateur ? Il perçoit certaines images auxquelles l’acteur n’a jamais accès et doit
« réorganiser » sa perception des différents niveaux de réalité auxquels il est
confronté.

   Dans Chronique d’une ville épuisée, Fabrice Murgia se plaît à jouer avec les codes
du théâtre et des nouvelles technologies pour biaiser constamment les perceptions du
spectateur qu’il place dans une situation où les niveaux de réalité se percutent, ou le
réel et le virtuel deviennent le point central questionné par le spectacle.

     Pistes à exploiter en classe :

  Comment définir le théâtre par rapport à d’autres médias connus ?
  Qu’est-ce qui fait sa spécificité et ses différences ?
  Comment dès lors aborder le théâtre virtuel ?
  Quelle différence y a-t-il selon vous pour l’acteur et pour le spectateur ?
  Est-ce un bien ? Un mal ?
  Dans le spectacle, comment définir le jeu de la comédienne ?
  Quelle en est notre perception ?

     Pour en savoir plus :

   Thé@tre et nouvelles technologies, actes du colloque, ss. la dir.de Lucile
   Garbagnati et Pierre Morelli ; Dijon, Eds universitaires de Dijon, 2006, 214 p.
   Robert Faguy, De l’utilisation de la vidéo au théâtre, une approche médiologique,
   thèse présentée dans le cadre du Doctorat en littératures québécoise, Université
   de Laval, avril 2008.
   « L’acteur dans le théâtre virtuel », in : Acting in virtual theater,
   http://www.groundreport.com/Arts and Culture/

                                                                                       27
B. Solitude et anonymat dans la grande ville

   Le spectacle propose aussi une réflexion sur la solitude dans la grande ville. Un
univers grouillant où on n’est jamais physiquement seul, où toujours, un œil nous
traque par le biais d’une caméra, d’un radar routier, d’un système de
vidéosurveillance… Fichée, surveillée, catégorisée l’humanité y perd la liberté d’une
vraie vie privée, mais chaque individu y conserve pourtant son sentiment de solitude
anonyme.

   La ville avance, avec ses foules en mouvement, toujours affairées au travail, au
loisir ou à la survie. Comment donc serions-nous seuls ? Pourtant, qui n’a jamais
ressenti de la solitude malgré la présence des autres ? Même dans les plus grandes
villes, où l’on croise des centaines de personnes chaque jour.

Dans l’horizon contemporain, le bavardage du village global recouvre les bruits et les
voix de la ville. Indéfiniment distendue, elle ne donne plus l’échelle ni le plan de la
condition humaine.

   La ville aujourd’hui, ce n’est plus la rue, l’endroit où des rencontres improbables
peuvent se faire, des relations se nouer. La logique circulatoire contemporaine ne
passe plus forcément par là : elle tourne plutôt autour de la ville, par-dessus ou par-
dessous. On y fait l’économie de la rue et l’on accède directement du parking
souterrain au centre commercial. La rue elle-même cède la place aux grands axes
véhiculaires ou aux cheminements obligés et fonctionnels dans des espaces-types, des
espaces-prothèses : voie piétonne, couloir cycliste, galerie marchande, métro,
tunnels, des lieux non pas de rassemblement, mais de passage…

1. La ville en littérature

   La ville et l’humain dans la ville sont au cœur-même de beaucoup de textes
littéraires, d’œuvres picturales et de films. En voici une petite sélection subjective et
non exhaustive qui pourra nourrir une réflexion en classe sur le thème :

« Par plusieurs portes de Paris s'en vont ainsi des autoroutes bordées de toute sorte de murs
antibruit, très différents les uns des autres. Certains ondulent ainsi que des tôles mutantes,
d'autres déploient des arceaux de tubulure, parfois l'un d'eux suggère un souvenir de
blockhaus agrémenté de plantes grimpantes. Coiffés d'auvents, bardés d'aspérités ou de
contreforts, ces ouvrages d'art s'incarnent en matériaux variés, métal, béton, plastique,
faïence ou miroir, terre cuite et bois ignifugé. Diversement inclinés par rapport aux voies,
d'aucuns sont aussi translucides ou presque transparents ou bien encore, comme celui-ci,

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