ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)

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ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
LIONEL
                     BAYOL-THÉMINES
                  DOSSIER ARTISTIQUE

                             ANNEXE 2

LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/
     VIRTUALITÉ DE L’IMAGE (2013 À 2019)
ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
LIONEL
                                            BAYOL-THÉMINES
                                         DOSSIER ARTISTIQUE
                                                  2013-2019

Lionel Bayol-Thémines - 2 avenue Gugnon atelier 26 - 94130 Nogent sur Marne- France
Mail: bayolthemines@free.fr / Tel: +33 (0)6 08 43 64 06   /   Web: www.bayol-themines.com

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ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
STATEMENT:                                                                                                       PRÉSENTATION

                                                                                                                 Né à Castelsarrasin en 1968. Vit et travaille à Paris.
Born in Castelsarrasin in 1968. Lives and works in Paris.                                                        Biochimiste de formation, Lionel Bayol-Thémines est diplômé de l’école nationale supérieure de la pho-
A biochemist by training, Lionel Bayol-Thémines is a graduate of the National School of Photography              tographie ( ENSP-Arles). Il dirige le Forum de l’image à Toulouse de 1998 à 2002, avant de s’installer à
(ENSP-Arles). He directed the Forum de l’image in Toulouse from 1998 to 2002, before moving to Paris in          Paris en 2004. Résident permanent de la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques (FNAGP),
2004. Permanent resident of the National Foundation for Graphic and Plastic Arts (FNAGP), he has since           il se consacre depuis lors à sa recherche personnelle et enseigne la photographie à L’école supérieure des
devoted himself to his personal research and teaches photography at Rouen High School of Fine Arts
                                                                                                                 beaux arts de Rouen ( ESADHaR)
(ESADHaR)

                                                                                                                 RÉSUMÉ DE LA DÉMARCHE
Inspired by the philosopher Vilém Flusser - who has questioned the history of images and their creation
process - as well as by some artists - such as Joan Fontcuberta - who have worked on the assumed
truth of photography, its ability to represent reality, to give evidence or manipulate History, Lionel Bayol-    Après avoir longtemps développé une recherche plastique centrée sur l’humain, Lionel Bayol-Thémines
Themines is developing a visual universe in which two worlds - or rather two spaces - one real, the other        élabore un univers visuel où coexistent de manière symbiotique deux mondes, ou plutôt deux espaces,
virtual - coexist in a symbiotic relationship.                                                                   l’un réel, l’autre virtuel.
While for a long time photography was seen as a way for nature to represent herself *, today, the                Inspiré par le philosophe Vilém Flusser - qui a questionné l’histoire des images et leur processus de créa-
evolution of digital technologies allows the creation of unprecedented images that question this new             tion - ou encore par certains artistes - tels Joan Fontcuberta - qui ont travaillé sur la « vérité » de la pho-
space of representation that is the virtual world, this new code generated by man. Reality captured by           tographie, sur sa capacité à représenter le réel, à témoigner ou à manipuler l’Histoire, Lionel Bayol-Thé-
digital cameras can be modified at will by algorithms, such as the Photoshop software, that allows you to        mines fabrique des images singulières qui interrogent la capacité de la photographie numérique a générer
«reveal» digitally the images. This is how only from single shots carried out on existing sites, Lionel bayol-   d’autres « réalités ». L’artiste revendique également la dimension matérielle des images, en élaborant des
Themines produces singular images: in the course of the creation process, some fragments of the original         dispositifs qui sont de véritables sculptures photographiques. Dans un éditorial intitulé « Ceci n’est pas un
images are «revealed» through a variety of 3D tools before being assembled to the photograph they                photographe », le théoricien de la photographie André Rouillé écrit à son sujet :
were extracted from. By revealing those weird landscapes, the artist questions the making of images and
the ability of digital photography to generate other «realities».
                                                                                                                 « La nature composite et mixée (informatiquement) des œuvres de Lionel Bayol-Thémines les sépare de
* see Joan Fontcuberta, Le baiser de Judas, éd. Actes Sud, 2005, p.20.
                                                                                                                 la photographie dont elles font littéralement exploser la poétique et le régime de vérité.
                                                                                                                 […]
(…)
The composite and (by computer) mixed nature of the works by Lionel Bayol-Themines separates them                Les œuvres de Lionel Bayol-Thémines, comme celles des plasticiens qui se situent à la croisée des univers
from photography, of which they make literally burst the poetry and the regime of truth.                         de la photo, de l’art contemporain et du numérique, ne sont pas moins vraies que les plus célèbres photos
(...) The works of Lionel Bayol-Themines, like those of artists who are at the crossroads of the world of        de reportage. Les unes et les autres sont seulement différemment vraies. Elles se réfèrent à des régimes
photography, of contemporary or digital art, are not less real than the most famous photojournalism              antagonistes de vérité. Alors que les clichés documentaires reposent sur la croyance que la vérité se
prints. The one and the other are just true differently. They refer to antagonist truth regimes. While the       collecte et se capte par contact et enregistrement à la surface des apparences, les œuvres photogra-
documentary shots based on the belief that the truth can be collected and captured by contact and by             phiques des plasticiens sont le fruit d’une démarche constructiviste ouverte dans laquelle la photographie
recording at the surface of appearances, photographic works from visual artists are the result of an open        est un matériau plastique choisi pour ses capacités à enregistrer — et, en tant que matériau, promise sans
constructivist approach in which photography is a plastic material selected for its ability to record - and,     limites à tous les assemblages, mixages et actions plastiques.
as a material, promised to unlimited assemblages, mixes and plastic actions.
                                                                                                                 La vérité photographique est constative, visuelle et affirmative, à la différence de la vérité plastique qui
Photographic truth is statable, visual and affirmative unlike the plastic truth, which is more processural,
                                                                                                                 est plus processuelle, discursive, problématique et sensible. Lionel Bayol-Thémines ne représente pas
discursive, problematic and sensitive. Lionel Bayol-Themines is not representing something, he expresses
                                                                                                                 quelque chose, il exprime plastiquement des phénomènes anthropologiques, culturels et langagiers qui
plastically anthropological, cultural and language phenomena, that go beyond the order of things and the
                                                                                                                 débordent l’ordre des choses et du visible.
visible.
                                                                                                                 […]
(...)
The work of Lionel Bayol-Themines is fully contemporary in so far as it resonates with the current state         L’œuvre de Lionel Bayol-Thémines est pleinement contemporaine dans la mesure où elle est en réso-
of a world that has become elusive in a single way, and impossible to be totalized. A world in which dif-        nance avec l’état présent d’un monde devenu insaisissable de manière unitaire, et impossible à totaliser.
ferent times, speeds and spaces are juxtaposed, and where one of the creation challenge is to forge              Un monde où se juxtaposent des temps, des vitesses et des espaces, et où l’un des enjeux de la création
paths amidst chaos ...                                                                                           est de tracer des chemins dans le chaos… »
(…)
André Rouillé                                                                                                    André Rouillet
This is not a photographer.                                                                                      ceci n’est pas un photographe
Paris Art, 12 juin 2013                                                                                          (Paris-Art, 12 juin 2013)

                                                      4                                                                                                                5
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Projet Google as a medium
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                                              Ce projet est composé des séries suivantes
                                              This project is composed of the following series
                                              Space, Nature, Blind Zone, Cities

           Les premiers photographes du 19ème partirent arpenter le monde, chambre photographique sur
    l’épaule afin de documenter la planète, ses paysages, les hommes et leurs coutumes. Avec le projet Google as a
    medium / Data landscape, Lionel Bayol-Thémines troque la chambre photographique pour un ordinateur couplé
    à des satellites et à un programme de prise de vue et explore derrière un écran, un nouvel espace, le « Big Data
    ». Les principes même de la photographie (point de vue, cadrage, instant décisif…), y sont toujours convoqués.
    Il traque les erreurs de représentation du paysage, les bugs, il se sert de Google comme d’un nouveau medium
    de création des images, il contraint le programme à produire de l’accidentel, de l’improbable, de l’imprévu et
    de l’imprévisible en faisant l’expérience de ne pas respecter son protocole d’utilisation. Les préoccupations
    premières de ce travail sont d’explorer ce nouvel espace géographique, ces paysages, de documenter quelque
    chose de virtuel, d’interroger la diffusion des images et les programmes qui les génèrent. C’est une expérience
    sur la nature même du médium photographique et une investigation des mécanismes de diffusion des images
    par les réseaux numériques.

           En se référant à la définition de l’expérimentation scientifique par Claude Bernard, Clément Chéroux,
    dans son ouvrage « Fautographie. Petite histoire de l’erreur photographique », souligne : la photographie expé-
    rimentale “consiste, dans la plus pure tradition de la méthode expérimentale de Claude Bernard, à faire varier
    intentionnellement les conditions de l’expérience, c‘est-à-dire les paramètres du dispositif photographique, afin
    d’observer précisément les conséquences esthétiques de l’opération”

           Lionel Bayol-Thémines

           The first photographers of the 19th set out to explore the world with their view camera on their shoul-
    ders, in order to document the planet, its landscapes, people and their customs. With the Google as a medium
    / Data landscape project, Lionel Bayol-Thémines swaps the camera for a computer coupled to satellites and a
    shooting program to explore a new space behind a screen, the «Big Data». The very principles of photography
    (point of view, framing, decisive moment ...), are still called upon. He tracks down of landscape representation
    errors, bugs, and uses Google as a new medium for creating images, he forces the program to produce the
    accidental, the improbable, the unexpected and the unpredictable by the experience of not respecting its usage
    protocol. The main concerns of this work are to explore this new geographical space, these landscapes, to
    document something virtual, to question the diffusion of images and the programs that generate them. It is an
    experiment on the very nature of the photographic medium and an investigation on the mechanisms of image
    diffusion through digital networks.

           Referring to the definition of scientific experimentation by Claude Bernard, Clément Chéroux, in his book
    « Fautographie. Petite histoire de l’erreur photographique «, emphasizes: experimental photography « consists,
    in the purest tradition of Claude Bernard’s experimental method, of intentionally varying the conditions of
    the experiment, that is to say the parameters of the photographic device, in order to observe precisely the
    aesthetic consequences of the operation ».

           Lionel Bayol-Thémines

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ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
Exposition Google as a medium Ecole supérieure d’art et design Le Havre Rouen / ESADHaR / Janvier 2019

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ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
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ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
Google as a medium / Marc Lenot                                                                                       Tout comme Jon Rafman6 l’avait fait avec Google Street View, l’artiste
                                                                                                                        américain Clément Valla7 a récolté des anomalies visuelles dans Google Earth,
                                                                                                                        des structures, ponts, autoroutes, gratte-ciels, que l’algorithme a déformés
                                                                                                                        pour leur faire épouser au plus près le relief terrestre, créant ainsi des vues
                                                                                                                        aberrantes, mais validées par le système.
La cartographie a de tout temps été un instrument de pouvoir, de domina-
tion, de définition des normes économiques et sociales. La vision d’en haut,
                                                                                                                              A l’opposé de cette démarche relativement passive de flâneur récoltant
cet œil de Dieu sur la terre, fut longtemps l’apanage des états, mais ce pou-
                                                                                                                        et enregistrant des cartes postales de Google Earth, Lionel Bayol-Thémines
voir appartient aujourd’hui à des sociétés comme Google, qui, avec Google
                                                                                                                        prend la main et, non content d’archiver ses déraillements, il intervient dans
Earth, contrôle – à son profit – les moyens de rendre compte de la carte du
                                                                                                                        le logiciel pour le faire dérailler. Deux des protocoles de Lionel Bayol-Thé-
monde. La construction de cette vue d’en haut est une manifestation d’auto-
                                                                                                                        mines suivent eux aussi des démarches de récolte, mais d’une récolte très sé-
rité, tout comme le sont, dit Nicholas Mirzoeff1, « l’œil du maître surveillant
                                                                                                                        lective. L’un, Blind Zone, s’intéresse aux zones aveugles, non cartographiées
son domaine ou celui du général regardant le champ de bataille ».
                                                                                                                        par Google Earth car présumées vides de toute information d’un quelconque
                                                                                                                        intérêt, en général des étendues maritimes ou des banquises près des pôles.
     Et cette vision cartographique se traduit par la création d’une archive,
                                                                                                                        L’artiste s’emploie à faire apparaître ces terrae incognitae (ou maria inco-
c’est-à-dire, comme Jacques Derrida2 et Allan Sekula3 l’ont analysé, l’incar-
                                                                                                                        gnita). À moins qu’une censure ne soit à l’œuvre ici et n’ait dissimulé sur ordre
nation d’un système de pouvoir d’accumulation, mais aussi de définition de
                                                                                                                        bases de la CIA ou équipements militaires. Son autre protocole « passif »,
règles et d’un langage.
                                                                                                                        Space, consiste à sélectionner sur la carte les seuls pictogrammes indiquant
     Mais la particularité de Google Earth est qu’il ne s’agit pas d’images pho-                                        des activités commerciales ou touristiques, créant ainsi une constellation de
tographiques, mais de bases de données, provenant de diverses sources et                                                signes dénotant consumérisme et marchandise en lieu et place de la carte
retravaillées par des algorithmes pour nous donner l’illusion d’une représen-                                           physique. Même s’il ne s’agit là que de recueillir telles quelles des informations
tation photographique. Joanna Zylinska4 définit la photographie non-humaine                                             disponibles dans Google Earth, la sélectivité de sa cueillette crée du sens,
comme « l’exécution d’algorithmes techniques et culturels qui régissent la                                              géographique, historique, politique ou économique.
fabrication et la perception des images » , et Jonathan Crary5 note que « ces
                                                                                                                             Son protocole Nature est bien plus actif : il consiste, en variant l’ap-
images visuelles ne font plus référence à la position de l’observateur dans
                                                                                                                        proche et l’altitude, à découvrir des zones où le logiciel de représentation
un monde réel et optique, mais qu’elles se réfèrent à des millions de bits de
                                                                                                                        bogue, où il ne représente plus le monde (même déformé comme chez Valla),
données mathématiques électroniques ; la visualité se situe sur un terrain
                                                                                                                        mais une pure abstraction graphique composée de plaques de couleur, de
cybernétique et électromagnétique. »5
                                                                                                                        formes angulaires et d’articulations désaxées n’ayant plus aucun rapport avec
      Pour montrer comment ces algorithmes créent des images, certains ar-                                              la réalité. Ces glitches8 de l’algorithme ne sont pas aisément décelables, ils
tistes ont dès lors exploré les accidents dans ces bases de données, les failles,                                       demandent de longues explorations dans les zones de faille possible (comme
les situations à la marge, non prévues, où l’algorithme déraille.                                                       les pôles), et ils sont éphémères (les programmeurs de Google étant à leur
                                                                                                                        affût et s’empressant de les corriger).
1
  Nicholas Mirzoeff, The Right to Look. A Counterhistory of Visuality, Durham, Duke University Press, 2001, p.2, apud
Joanna Zelynska, Nonhuman Photography, Cambridge (Mass.), MIT Press, 2017, p.13, ma traduction.
2
  Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995/2008.
3
  Allan Sekula, « Le Corps et l’archive », in Écrits sur la photographie 1974-1986, Paris, Beaux-arts, 2013 [1982-      6 Voir son projet 9 Eyes : http://9-eyes.com/
1986], p.227-297.                                                                                                       7 Voir http://clementvalla.com/work/postcards-from-google-earth/
4
  Joanna Zylinska, op.cit., p.2, ma traduction.                                                                         8 Lire par exemple The Glitch Moment(um) de Rosa Menkman (Amsterdam, Institute of Network Cultures, 2011)
5
  Jonathan Crary, Techniques of the Observer. On Vision and Modernity in the Nineteenth Century, Cambridge              En ligne : https://networkcultures.org/_uploads/NN%234_RosaMenkman.pdf
(Mass.), M.I.T. Press, 1990, p.2, ma traduction.

                                                         12                                                                                                                 13
ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
Enfin le protocole Cities est le plus activiste, et le plus dérangeant.                                            Dans un autre texte, Flusser définit ces rebelles comme des « envision-
Bayol-Thémines exploite certains bugs de l’algorithme de Google Earth pour                                           neurs », des imagineurs « déterminés à contrôler l’apparatus en dépit de sa
pénétrer à l’intérieur de bâtiments et s’y déplacer, en véritable passe-muraille                                     tendance à être de plus en plus automatisé, et à préserver ainsi le jugement
clandestin, comme le Monsieur Dutilleul de Marcel Aymé9 , ou, plus malicieux,                                        humain en dépit de l’automation »13 .
le Don Cléofas du Diable Boiteux10 . Cette géographie inversée recrée une
autre forme de circulation urbaine évitant l’espace public pour se déplacer                                                Ces concepts flussériens se déclinent aujourd’hui dans l’univers du web,
clandestinement dans l’univers privé. Elle se trouve avoir inspiré les militaires                                    grâce aux artistes que Domenico Quaranta nomme « les surfeurs profes-
israéliens lors des opérations contre l’Intifada en 2002, notamment à Na-                                            sionnels, ceux qui collectent, réorganisent, taguent, remixent, manipulent et
plouse : la tactique consistant à progresser de maison en maison en perçant                                          redistribuent le contenu d’Internet, le rendant moins mathématique et plus
les murs mitoyens a été une réappropriation matérielle paradoxale, à des fins                                        aléatoire […] ceux qui vont à l’encontre de la base de données, perçue comme
d’oppression et de contrôle, du discours sur la ville de Debord, Deleuze et                                          une structure de pouvoir inhumain, et qui décrivent, critiquent et défient sa
Guattari, qui, eux, entendaient abattre symboliquement les murs pour libérer                                         dynamique, libérant ses contenus de leur catégorisation contraignante, et les
de nouvelles expressions sociales et politiques11 . Le protocole rebelle de                                          réagrégeant sous de nouvelles formes, tout comme Aby Warburg le fit avec
détournement que Bayol-Thémines opère dans la réalité logicielle de Google                                           les images et les livres »14 .
Earth est une transposition virtuelle de la réorganisation « dans le dur » de la
                                                                                                                           A ceci près que, contrairement à bien des artistes exploitant ces bases
syntaxe urbaine de Naplouse : dans les deux cas, la réalité urbaine est deve-
                                                                                                                     de données15, Bayol-Thémines est non seulement un archiviste et un édi-
nue un matériau flexible, quasi fluide, et malléable au gré d’un opérateur qui
                                                                                                                     teur (deux fonctions clés de l’artiste en ces temps « d’obésité visuelle »16)
vient en perturber les règles.
                                                                                                                     mais aussi un activiste, un perturbateur, un disjoncteur, un détourneur, un
      Car Lionel Bayol-Thémines est un perturbateur : se rebellant contre                                            distorteur de représentation. Il réalise, dit-il « une expérience sur la nature
l’apparatus, le dispositif de cartographie et de représentation du monde, il                                         du médium photographique et une investigation sur les mécanismes de dif-
le provoque, joue avec ses programmes et en fait un outil de création. Dans                                          fusion des images sur internet », c’est-à-dire sur la manière dont le système
son travail, dit-il, « Les principes même de la photographie (point de vue,                                          appréhende le monde et dont les images qu’il produit automatiquement nous
cadrage, instant décisif…) sont toujours convoqués. Je traque les erreurs de                                         contraignent. La liberté humaine n’a plus guère de place au sein de disposi-
représentation du paysage, les bugs, je me sers de Google comme d’un nou-                                            tifs automatiques, programmés et programmant comme Google Earth : seuls
veau médium de création des images, je contrains le programme à produire                                             des artistes comme Lionel Bayol-Thémines peuvent tenter de ménager un
de l’accidentel, de l’improbable, de l’imprévu et de l’imprévisible en faisant                                       espace de liberté dans ce monde dominé par les apparatus, « seule forme de
l’expérience de ne pas respecter son protocole d’utilisation ». Cette volonté                                        révolution qui nous soit encore ouverte »17.
délibérée de contraindre le programme à produire de l’accidentel est en ligne
                                                                                                                            Marc Lenot
avec la philosophie des photographes expérimentaux telle que la définit Vilém
Flusser à la fin de Pour une Philosophie de la Photographie : « ils s’efforcent
                                                                                                                     13
                                                                                                                        Vilém Flusser, Into the Universe of Technical Images, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2011 [1985],
                                                                                                                     p.19.
consciemment de produire des informations imprévues – en d’autres termes                                             14
                                                                                                                         Domenico Quaranta, Collect the WWWorld. The artist as archivist in the Internet Age, Brescia, LINK Center
                                                                                                                     for the Arts of the Information, 2011, p.16-18 (catalogue d’exposition), ma traduction https://monoskop.
de tirer de leur appareil et de mettre en image quelque chose qui ne figure                                          org/images/6/6b/Quaranta_Domenico_ed_Collect_the_WWWorld_The_Artist_as_Archivist_in_the_Inter-
pas dans son programme. Ils savent qu’ils jouent contre leurs appareils »12.                                         net_Age.pdf
                                                                                                                     15
                                                                                                                        Voir en particulier Marisa Olson, “Lost Not Found: The Circulation of Images in Digital Visual Culture”, in
                                                                                                                     Charlotte Cotton & Alex Klein (eds.), Words Without Pictures, Los Angeles / NYC, LACMA / Aperture, 2009,
                                                                                                                     p.274-287.
 9 Paris, Gallimard (Folio), 1990 [1941], http://palf.free.fr/nouvelle/passe_muraille.htm                             16
                                                                                                                         Joanna Zylinska, op.cit., p.45, ma traduction.
 10 Alain-René Lesage, Le Diable boiteux, Paris, Folio, 2015 [1707], http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/               17
                                                                                                                        Vilém Flusser, Pour une Philosophie de la Photographie, op.cit., p.85 (phrase finale du livre).
btv1b8615750p/f11.image

 11 Voir Eyal Weizman, À travers les murs : L’architecture de la nouvelle guerre urbaine, Paris, La Fabrique, 2008
12 Belval, Circé, 2004 [1983], p.84.

                                                          14                                                                                                                15
ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
DATA LANDSCAPE / NATURE (2017 -2018)

     26 photographies pigmentaires format variable du 125x 100 cm au 40 x 50 cm +
     26 photographs prints, variable formats from 50 x 40 cm to 125 x 100 cm

16                                                       17
ANNEXE 2 LIONEL BAYOL-THÉMINES DOSSIER ARTISTIQUE LE QUESTIONNEMENT DU PAYSAGE, RÉALITÉ/ VIRTUALITÉ DE L'IMAGE (2013 À 2019)
18   19
20   21
DATA LANDSCAPE / SPACE (2017 -2018)

     Tryptique: 3 photographies pigmentaires format 200 x 145 cm x3 450 cm X 200 cm
     Tryptique: 3 photographs prints, formats 200 x 145 cm x3 450 cm X 200 cm

22                                                     23
Détails du tryptique Space
     Details of space tryptiq

24                                25
DATA LANDSCAPE / BLIND ZONE (2017 -2018)

     20 photographies pigmentaires format variable du 80x 60 cm au 40 x 30 cm
     20 photographs prints, variable formats from 80 x 60 cm to 40 x 30 cm

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DATA LANDSCAPE / CITIES (2017 -2018)

     30 photographies pigmentaires format variable du 125x 100 cm au 40 x 50 cm +
     30 photographs prints, variable formats from 50 x 40 cm to 125 x 100 cm

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DATA LANDSCAPE / MIGRATION (2018) VIDEO INSTALLATION

                                                        Deux écrans placés en opposition Video 2h en boucle
                                                        Two screens placed in opposition Video 2h loop

                                                Data landscape / Migration est une traversée linéaire, vue du ciel, des routes de migration
                                                par le prisme de la représentation du paysage de Google Earth.
                                                Terre-mer
                                                Mer-terre

                                                Data landscape / Migration is a linear traverse, seen from the sky, of the migration roads
                                                by the prism of the Google Earth landscape representation.
                                                Land-sea
                                                Sea-land

From Pakistan, Afganistan... to Europe

From Pakistan, Afganistan... to Europe   From Libya... to Europe
Projet Pattern 2015- 2016

     Ce projet est composé des séries suivantes
     This project is composed of the following series

     Nature Pattern
     Land Pattern
     Nature under camoufalge
     Optical camouflage

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NATURE PATTERN- 2016

           15 photographies pigmentaires, format variable du 210 x 144 cm , 80 x 60 cm , 30 X 40 cm sur Harman hahnemühle
           15 photographs prints , variable formats from 80 x 60 cm to 210 x 144 cm on Harman hahnemühle

            Dans chacune des images, je décline un motif issu de photographies trouvées sur le web
     reconfigurées numériquement de sorte que le motif finit par se perdre à force d’être répété, dis-
     paraissant au profit de la structure finale. Seule une observation rapprochée permet d’en percevoir
     les détails et d’attester que l’on se trouve en présence d’une représentation photographique. Le
     paysage n’est plus représenté à travers le paradigme de la « fenêtre ouverte sur le monde », mais
     plutôt selon le modèle du scanning, où l’ensemble de l’image est balayé par instants successifs, sans
     point de vue unique. Je traque les accidents et les ratages dans ce travail sur le clonage et le
     déplacement du motif, où le hasard et les erreurs générées par le code informatique trouvent une
     place non négligeable.

           In each of the images, I decline a pattern from photographs found on the web reconfigured
     numerically so that the pattern ends up being lost by dint of being repeated, disappearing in favor
     of the structure final. Only a close observation allows us to perceive the details and to attest that
     we are in the presence of a photographic representation. The landscape is no longer represented
     through the paradigm of the «window open to the world», but rather according to the scanning
     model, where the whole image is swept away by successive instants without a single point of view. I
     track down accidents and failures in this work on the cloning and displacement of the pattern, where
     the chance and the errors generated by the computer code find a place not inconsiderable.

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LAND PATTERN- 2016

     20 photographies pigmentaires, format variable du 210 x 144 cm , 80 x 60 cm , 30 X 40 cm sur Harman hahnemühle

     20 photographs prints , variable formats from 80 x 60 cm to 210 x 144 cm on Harman hahnemühle

             Dans chacune des images, je décline un motif issu de prises de vues in situ de montagnes re
     configurées numériquement de sorte que le motif finit par se perdre à force d’être répété, dispa-
     raissant au profit de la structure finale. Seule une observation rapprochée permet d’en percevoir
     les détails et d’attester que l’on se trouve en présence d’une représentation photographique. Le
     paysage n’est plus représenté à travers le paradigme de la « fenêtre ouverte sur le monde », mais
     plutôt selon le modèle du scanning, où l’ensemble de l’image est balayé par instants successifs, sans
     point de vue unique. Je traque les accidents et les ratages dans ce travail sur le clonage et le
     déplacement du motif, où le hasard et les erreurs générées par le code informatique trouvent une
     place non négligeable.

             In each of the images, I decline a pattern resulting from in situ shots of mountains reconfi-
     gured numerically so that the pattern ends up being lost by dint of being repeated, disappearing
     in favor of the final structure. Only a close observation allows us to perceive the details and to
     attest that we are in the presence of a photographic representation. The landscape is no longer
     represented through the paradigm of the «window open to the world», but rather according to
     the scanning model, where the whole image is swept away by successive instants without a single
     point of view. I track down accidents and failures in this work on the cloning and displacement of
     the pattern, where the chance and the errors generated by the computer code find a place not
     inconsiderable.

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Exposition Simulacrum II Fries museum Leeuwarden / Sept 2018

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NATURE UNDER CAMOUFLAGE (2015-2016)

         40 Photographies pigmentaires sur papier baryta hahnemühle
         Format variable du 120 x 120 cm au 50 x 50 cm et 210 x 144 cm au 80 x 60 cm contrecollé, sur aluminium,
         monté sur caisson bois
         40 photographs prints o baryta hahnemühle laminated on aluminum, sub wood box, variable formats from 120
         x 120 cm , 50 x 50 cm and 210 x 144 cm to au 80 x 60 cm

     Ces paysages intrigants construits par la combinaison de photographies de paysages classiques avec
     des motifs de camouflages créent un nouvel espace naturel simultanément caché et montré. Ces
     paysages tendent à se fondre, à se dissimuler, à se protéger en se recombinant dans leur propre
     espace... Paradoxe de la notion du camouflage... L’idée de montrer et de cacher simultanément un
     espace naturel relève du jeu, comme si à travers les fragments émergeant des différentes strates
     de l’image, la mémoire du site serait révélée. Tel un archéologue du paysage, je cherche à condenser
     en une seule représentation plusieurs époques d’un même lieu.

     These intriguing landscapes constructed by combining photographs of classical landscapes with ca-
     mouflage patterns create a new natural space simultaneously hidden and shown. These landscapes
     tend to melt, to hide, to protect themselves by recombining themselves in their own space ... Para-
     dox of the notion of camouflage ... The idea of simultaneously showing and hiding a natural space is
     a matter of play, as If through the emerging fragments from the different strata of the image, the
     memory of the site would be revealed. Like an archaeologist of the landscape, I try to condense into
     several representations several epochs of the same place.

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NATURE UNDER CAMOUFLAGE (2016)
                                                 3 Objets photographiques, tirages pigmentaires contrecollés sur médium
                                                                      formats variables du 80 x 80 cm au 150 x 150 cm
                                                               3 photographic objects, pigment prints pasted on medium
                                                                        variable formats of 80 x 80 cm to 150 x 150 cm

           Les motifs générés par les manipulations numériques opérées dans la construction de la
     série «Nature under camouflage » évoquent irrésistiblement les pièces d’un puzzle. De là l’idée
     d’en isoler certains et de les contrecoller sur de grandes pièces de bois pour en faire des volumes.
     Curieusement, ces constructions rappellent l’univers de Jean Arp, notamment les reliefs en bois
     qu’il réalisa dans les années « Dada ».

           The patterns generated by digital manipulations in the construction of the series « Nature
     under camouflage « irresistibly evoke the pieces of a puzzle. Hence the idea to isolate some of
     them and matt them on large pieces of wood to make volumes. Curiously, these constructions
     remind us of the world of Jean Arp , especially the wooden reliefs he made in his ‘ Dada ‘ years.

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OPTICAL CAMOUFLAGE (2015)

     40 photographies pigmentaires sur baryta hahnemühle ,contrecollées sur caisson blanc, formats variables.
     40 photographs prints on baryta hahnemühle laminated on aluminum, sub wood box, variable formats

              Optical Camouflage s’inspire des camouflages optiques des bateaux de la guerre de 14-18 qui
     brouillaient toute possibilité d’observation . Leurs formes – lignes brisées, losanges, croix, soit des
     dessins géométriques relativement simples – ont été apposées sur des photographies de feuillages
     ou de paysages minéraux, forçant l’œil à lutter contre le phénomène de persistance rétinienne pour
     les visualiser. Seul un point de vue très rapproché permet de percevoir la subtilité des détails et
     des gammes tonales de la végétation ou des roches cachées derrière le motif. Mariant structures
     géométriques et photographies de la réalité, ces pièces génèrent également des phénomènes de
     modulation et d’ondulations optiques semblables aux effets recherchés par les artistes du Op Art,
     des trames de François Morrelet aux peintures en noir et blanc de Bridget Riley. C’est donc ici
     l’expérience perceptive et la question même du voir qui entrent en jeu.

             Inspired by the dazzle camouflage in World War I , which blurred the possibility of any obser-
     vation, these optical camouflages are affixed to natural landscapes, forcing the overcoming of retinal
     persistence to be seen. Combining geometric patterns and photographs of reality, these pieces also
     generate phenomena of optical vibrations similar to the effects sought by Op artists such as Fran-
     çois Morrelet or Bridget Riley.
     .

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Projet Silent Mutation (Post anthropocène)
                                            2014- 2015

     Ce projet est composé des series suivantes
     This project is composed of the following series

     Beyond the time (2015), Geodesy (2015), Low land (2014), Tsunami
     (2014), Ice land (2014), High land (2015), Fossil territories (2014),
     Safe land (2014), Into the cloud (2014)

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À quoi pourrait ressembler le monde après l’Anthropocène, cette ère de l’histoire ter-
What did the world look like after the Anthropocene, that era of geological history that came                              restre qui succède à l’Holocène dans l’échelle des temps géologiques et qui fait de l’Homme
after the Holocene and made Man a major «telluric force», given the impact his activities have                             une « force tellurique » majeure, tant ses activités ont impacté et bouleversé l’écosystème?
had on upsetting the ecosystem? To fictionally represent a transformation of the world where                               Pour représenter de manière fictionnelle un monde transformé, d’où l’espèce humaine a défi-
the human species has definitively disappeared, Lionel Bayol-Thémines logically used computer                              nitivement disparu, il était logique pour Lionel Bayol-Thémines de faire appel à l’informatique,
techniques, a field that now backs up all the activities and knowledge of humanity. The strange                            domaine sur lequel s’appuie désormais l’ensemble des activités et des savoirs de l’humanité. Les
landscapes in his Silent Mutation series spring from an association of photography and 3-D                                 étranges paysages de sa série Silent Mutation résultent de l’association de la photographie et
creation that the artists uses in an unusual way by modifying his shots to create a represen-                              de la création 3D, outils dont l’artiste fait un usage singulier en modifiant ses prises de vues
tation of «new realities»: the removal, accumulation, and transport of material are done by                                pour générer la représentation de « réalités nouvelles » : l’ablation, l’accumulation, le transport
manipulating the internal structure of the images corresponding to the digital code. Devoid of                             de matière sont ici le fait de manipulations dans la structure interne des images que constitue
any human presence, Bayol-Thémines’ meticulously constructs images of an artificial nature,                                leur code numérique. Vidées de toute présence humaine, les images méticuleusement élaborées
as if to give material form to «denaturation» of the environment resulting from intensive                                  par Bayol-Thémines donnent à voir une nature artificielle, comme pour matérialiser la «déna-
human activity or to bring out the invisible mutations caused by industrial pollution, the envi-                           turation» de l’environnement résultant d’une activité humaine intensive, ou encore mettre en
ronmental impact of biotechnologies, radioactive emissions, or the climatic upsets that give                               évidence des mutations invisibles – conséquences des pollutions industrielles, de l’impact envi-
rise to improbable jungles in temperate zones (Lowland, 2013- 2014). A range of disasters                                  ronnemental des biotechnologies, des émissions radioactives, ou encore des bouleversements
falls slowly but surely into place in digital tsunamis (Tsunami and Iceland, 2014) as pixellized                           climatiques qui engendrent d’improbables jungles dans des zones tempérées (Lowland, 2013-
acid rain generates smog (Beyond the time, 2015), fields are petrified (Safe Land and Fossil                               2014). L’éventail des catastrophes se met ainsi en place lentement mais sûrement, des tsuna-
Territories, 2014) and rattletrap landscapes are born of a threatening geomorphogenesis,                                   mis numériques (Tsunami et Iceland, 2014) aux pluies acides pixellisées génératrices de smog
soiled by a corrupt algorithm (Geodesy, 2015).                                                                             (Beyond the time, 2015), des parcelles de terre pétrifiées (Safe Land et Fossil Territories, 2014)
                                                                                                                           aux paysages brinquebalants issus d’une géomorphogenèse torve, souillée par un algorithme
       Beyond a singular, very experimental approach to digital photography, the artists’ pro-                             corrompu (Geodesy, 2015).
ductions take various forms: classical photographic images as well as artistic books, volumes
and installations. In Lionel Bayol-Thémines’ work, the plasticity of the image is not expressed                                   Au-delà d’une approche singulière et très expérimentale de la photographie numérique,
only in its internal structure – its code – and therefore in what it represents, but also in the                           les productions de l’artiste prennent des formes diverses : images photographiques classiques
material form it takes.                                                                                                    mais aussi livres d’artiste, volumes et installations. Dans les œuvres de Lionel Bayol-Thémines, la
                                                                                                                           plasticité de l’image ne s’exprime pas seulement dans sa structure interne – son code – et donc
       For example, the High Land installation (2015), whose photographs are deployed in 3-D,                              dans ce qu’elle représente, mais aussi dans sa matérialité, la forme dans laquelle elle s’incarne.
is presented as an exploration of another perspective of a view of a mountain, from an unex-
pected standpoint, like the painter Gustave Courbet when in 1877 he represented his Pano-                                          Ainsi, l’installation High Land (2015), avec ses photographies déployées en volume, se
rama of the Alps. From the side view, the work looked like a wave, as if the threat of climate                             présente comme l’exploration d’une autre perspective de la vue de montagne, sous un angle
change was symbolically spreading to territories that had been spared to date. This was not                                inattendu à l’instar du peintre Gustave Courbet lorsqu’en 1877 il représenta son Panorama des
an invitation to contemplate or the revelation of «a spot where the eye could rest pleasantly»                             Alpes . Vue de profil, l’oeuvre évoque une forme d’onde, comme si la menace des changements
as Hegel wrote in his travel log on the Swiss Alps; the use of the third dimension enables the                             climatiques se propageait symboliquement vers des territoires encore épargnés. Loin d’une invi-
artist, beyond digital manipulation, to upset the traditional representation of the mountains                              tation à la contemplation, ou de la révélation « d’un point où [l’oeil] pourrait se reposer avec
– the one that has shaped our view – and thereby to disturb the conventions that govern our                                plaisir » comme l’a écrit Hegel dans son Journal de voyage dans les Alpes bernoises , le recours
perception of the landscape. By doing so, he questions the viewer with a speculative approach                              à la troisième dimension autorise l’artiste, au delà des manipulations numériques, à bousculer la
and questions a certain academic approach where photographs are neatly framed to be hung                                   représentation traditionnelle de la montagne – celle qui façonne notre regard – et donc à per-
on the wall.                                                                                                               turber les conventions qui gouvernent notre perception du paysage. Ce faisant, il questionne le
                                                                                                                           spectateur selon une approche spéculative et remet en question un certain académisme où les
         By questioning the real or fictive forms of a landscape, with the tools of his time,                              photographies sont sagement encadrées pour être alignées sur le mur.
namely image-processing software, Lionel Bayol-Thémines works with the fascination that
Man has always had for nature, and particularly the mountains. Far from giving in to a roman-                                     En questionnant les formes du paysage, réelles ou fictives, avec les outils de son époque
tic, contemplative, idealized or documentary vision, this artist opens the way to a path that                              que sont les logiciels de traitement d’image, Lionel Bayol-Thémines travaille sur le rapport de
is still little travelled by photographers: with each new series of images, he seems to expand                             fascination que l’homme entretient depuis toujours avec la nature, et en particulier la mon-
the limits of expression of landscape representation, as well as the possibilities offered by                              tagne... Loin de céder à une vision romantique, contemplative, idéalisée ou documentaire, cet
digital tools. Unlike traditional models and documentaries that have been thoroughly explored                              artiste ouvre une voie encore peu explorée actuellement par les photographes ; avec chaque
by photographers in recent years, he suggests that we have a look at nature re-invented,                                   nouvelle série d’images, il semble vouloir repousser toujours plus loin les limites de la représen-
to experience a landscape of fantasy, charged with the representations of history, and pro-                                tation paysagère mais aussi les possibilités offertes par les outils numériques. A contresens des
foundly scarred by the state of a threatened world.                                                                        modèles traditionnels et de la voie documentaire tant explorée par les photographes de ces
                                                                                                                           dernières décennies, il nous convie à promener notre regard dans une nature réinventée, à faire
                                                                                                                           l’expérience d’un paysage fantasmé, chargé d’une histoire des représentations mais également
Albertine Da Silva                                                                                                         profondément marqué par l’état d’un monde menacé.
                                                                                                                                  Albertine Da Silva

1 Gustave Courbet, Grand panorama des Alpes, les Dents du Midi, 1877. Oil on canvas, 151.2 x 210.2 cm.                     1    Gustave Courbet, Grand panorama des Alpes, les Dents du Midi, 1877. Huile sur toile, 151.2 x 210.2 cm.

                                                                                                                           2    G.W.F. Hegel, Journal d’un voyage dans les Alpes bernoises (du 25 au 31 juillet 1796). Traduction de Robert Legros
2 G.W.F. Hegel, Journal d’un voyage dans les Alpes bernoises (from 25 to 31 July 1796). Translated into French by Robert
                                                                                                                           et Fabienne Verstraeten, à partir de Rosenkranz, G.W.F. Hegels Leben, Berlin, 1844, Millon Jerome ed.
Legros and Fabienne Verstraeten, from Rosenkranz, G.W.F. Hegels Leben, Berlin, 1844, Millon Jerome ed.

                                                          62                                                                                                                         63
Exposition Silent Mutation, janvier-avril 2017,
                                                                L’Artothèque, Espace d’art contemporain de Caen

                                                                Et il invente le paysage…

                                                                « … Avant d’être un spectacle conscient, tout paysage est une expérience onirique. On ne regarde avec
                                                                une passion esthétique que les paysages qu’on a d’abord vus en rêve »

                                                                « …le pays natal est moins une étendue qu’une matière ; c’est un granit ou une terre, un vent ou une
                                                                sécheresse, une eau ou une lumière. C’est en lui que nous matérialisons nos rêveries ; c’est par lui que
                                                                notre rêve prend sa juste substance… »

                                                                Gaston Bachelard « L’eau et les rêves ».

                                                                Les photographies de Lionel Bayol-Thémines frappent, en ce sens qu’elles agissent sur l’œil comme un
                                                                signal fort, incontournable. Elles suscitent chez celui qui les observe, fascination, tout autant que ques-
                                                                tionnement et sentiment d’étrangeté. Que sont ces images ? De quels paysages sont-elles la mémoire ?
                                                                De quelles fictions sont-elles les témoins ?
                                                                Là, une falaise enherbée surplombe calmement une mer aux tons gris/bleu, tandis que des formes vertes
                                                                et acérées – herbes/aiguilles - flottent dans le ciel, menaçant à l’évidence l’ordre des choses. Ces formes
                                                                ne sont d’ailleurs pas sans évoquer les visions qui apparaissent à la surface de l’œil lorsqu’on l’a frotté ou
l’Artothèque espace d’art contemporain de Caen / janvier 1017   plissé trop fortement. En ce sens que le champ qu’elles occupent dans l’image répond difficilement au
                                                                classement habituel de la perspective paysagère. Si on ne peut vraiment parler de premier plan, c’est en
                                                                tout cas très prépondérant, un peu comme si l’élément ajouté était la projection d’une forme inhérente
                                                                à notre vision au sein de l’image objective. C’est en tout cas de l’ordre du débordement, de la sortie de
                                                                route.
                                                                Quel est ce tsunami neigeux qui se superpose au sable humide d’une plage à marée basse ? A l’endroit pré-
                                                                cis où la jonction s’opère entre sable et neige, nos repères vacillent. L’œil discerne bien les deux registres
                                                                de représentation, celui qui documente le réel et celui qui l’invente, il se plaît à vagabonder de l’un à l’autre,
                                                                mais revient toujours à la zone de frottement entre les deux, comme s’il cherchait à décoller la croûte
                                                                neigeuse, à glisser un doigt dessous, comme on le ferait pour soulever un couvercle et découvrir ce qui
                                                                se cache dessous. Inconfort de la vision. Incertitude quant à l’objet regardé, mais aussi fascination et
                                                                sensualité de la matière. Que ce soit la vapeur d’eau cotonneuse du nuage, le crémeux de la neige artifi-
                                                                cielle, la rugosité de la roche, l’humidité du sable, tout autant que la prolifération verte et mousseuse, lisse
                                                                et artificielle, la matière est exacerbée comme une composante émotionnelle du paysage. La force des
                                                                images inventées par Lionel Bayol-Thémines tient autant à la clarté de leur composition, qu’à leur portée
                                                                paroxystique. Sensation que les éléments débordent, sortent du cours prévu d’un ordre qui pourrait bien
                                                                être révolu.
                                                                L’artiste ne cherche pas à fondre l’artificiel dans le réel, à passer sous silence - à des fins d’enjolivement
                                                                - son processus de fabrication. Bien au contraire il rend apparent, avec une certaine brutalité, le proces-
                                                                sus de fabrication de l’image, faisant écho en cela à la façon dont l’activité de l’homme métamorphose le
                                                                paysage. Il façonne ses images, par ajouts ou retranchements, puisant dans la matière numérique même
                                                                de l’image photographiée, le matériau nécessaire à la construction de sa vision. Ce faisant, il fabrique un
                                                                paysage, qui est autant vrai que faux, de l’ordre du mirage ou de l’apparition. La capacité de Lionel Bayol-
                                                                Thémines à inventer le paysage et les modalités de sa représentation, tout autant que sa façon d’y inté-
                                                                grer les inquiétudes dont il est l’objet - la mutation silencieuse –, l’inscrivent fortement dans son époque.

                                                                Claire Tangy, directrice l’Artothèque, espace d’art contemporain de Caen
                                                                Texte écrit à l’occasion de l’exposition Silent Mutation, janvier-avril 2017

l’Artothèque espace d’art contemporain de Caen / janvier 1017

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l’Artothèque espace d’art contemporain de Caen / janvier 1017

l’Artothèque espace d’art contemporain de Caen / janvier 1017

                                                                l’Artothèque espace d’art contemporain de Caen / janvier 1017

l’Artothèque espace d’art contemporain de Caen / janvier 1017

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Beyond the Time (2015) Projet “Silent Mutation Post Anthropocène“

          20 photographies pigmentaires sur baryta hahnemühle format variable du 210 x 144 cm au 80 x 60 cm et installation vidéo
          20 photographs prints on baryta hahnemühle, laminated on aluminum, sub frame, variable formats from 80 x 60 cm to 210
          x 144 cm + Video

           A l’anthropocène, les fumées, les brouillards se constituent, s’accumulent. L’opacité de
     l’atmosphère, fait partie du nouveau paysage des mégapoles en expansion. Ici telles un sablier, les
     pollutions, représentées par les pixels s’accumulent pour matérialiser le nuage de smog.

           At the Anthropocene, smokes and mists emerge and accumulate. The opacity of the atmo-
     sphere and the pollution are part of the new landscape in the expanding megacities. Here, like an
     hourglass, the pollutions, represented by the pixels accumulate to materialize the cloud of smog

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GEODESY (2015) Projet “Silent Mutation Post Anthropocène“

         10 photographies pigmentaires sur baryta hahnemühle .format variable du 133 x 100 cm au 80 x 60 cm
         10 photographs pigmentaires on baryta hahnemühle prints variable formats from 80 x 60 cm to 133 x 100 cm

           La tectonique des plaques, les glissements de terrain, sont l’expression du fonctionnement
     interne de la terre, de sa perpétuelle mutation. En surface, les océans et le vent modifient aussi par
     leur action d’érosion les paysages... La structure de la terre en mouvement réinvente continuelle-
     ment le paysage.

           Plate tectonics and landslides are the expression of the inner working of the earth, its per-
     petual change. At the surface, the oceans and the wind also modify the landscape by their erosion
     action... The structure of the moving earth continuously reinvents the landscape.

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Low Land - 2013-2014
         14 photographies couleur pigmentaires sur baryta hahnemühle contrecollées sur aluminium, formats variables du 200 x 144 cm ou
         80 x 60cm ou 40 x 30 cm
         14 photographs prints on baryta hahnemühle ,variable formats from 40 x 30 cm, 80 x 60 cm to 210 x 144 cm

             Ces paysages questionnent le spectateur par leur étrangeté... Vidés de toute présence
     humaine, ils donnent à voir une nature artificielle, comme pour matérialiser la «dénaturation» de
     l’environnement résultant d’une activité humaine intensive, ou encore mettre en évidence des mu-
     tations - a priori invisibles - conséquences des pollutions industrielles, de l’impact environnemental
     . En jouant sur le code de révélation informatique de la photographie, je souhaite rendre visible les
     mutations de la nature du fait de l’activité humaine sur l’environnement.

             These landscapes question the viewer by their strangeness ... Emptiness of the whole human
     presence, they show an artificial nature, as if to materialize the “denaturation” of the environment
     resulting from an intensive human activity or to highlight the invisible mutations , the consequences
     of industrial pollution, the environmental impact. By playing on the code of computer disclosure of
     photography, I want to make visible the mutations of nature due to human activity on the environ-
     ment.

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