Lymphomes gastriques : prise en charge en 2021

 
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POST’U (2021)

Lymphomes gastriques :
prise en charge en 2021
    Tamara MATYSIAK-BUDNIK
  	IMAD, Hépato-Gastroentérologie & Oncologie Digestive - UMR INSERM 1235 “The enteric nervous system in gut and brain disorders”
    Hôtel Dieu, CHU de Nantes - 1 Place Alexis Ricordeau 44093 Nantes Cedex 1, France
    tamara.matysiakbudnik@chu-nantes.fr

                                                                                         revanche montré plutôt une diminu-
                                            Introduction                                 tion de leur incidence. Les études plus
                                                                                         récentes suggèrent une diminution de
                                                                                         l’incidence des lymphomes gastriques
                                            Les lymphomes gastriques sont des            du MALT qui serait liée à la diminu-
                                            lymphomes non-Hodgkiniens, qui se            tion de la prévalence de l’infection à
                                            développent à partir du tissu lymphoïde      H. pylori (2).
                                            associé aux muqueuses (en anglais :
                                            Mucosa Associated Lymphoid Tissue,
                                            MALT). Ce tissu est normalement
                                            absent dans l’estomac, mais il peut
                                            apparaître lors d’une infection chro-        Physiopathologie
                                            nique, notamment par Helicobacter

                                                                                                                                     CANCÉROLOGIE
                                            pylori. Il s’agit le plus souvent de lym-
                                            phomes à petites cellules B, dits de         La physiopathologie des lymphomes
                                            faible degré de malignité, dérivés de la     gastriques n’est pas complétement
                                            zone marginale du MALT, c’est-à-dire         élucidée, mais le rôle primordial de
                                            de la zone du tissu lymphoïde située         l’infection à H. pylori est bien reconnu,
                                            sous l’épithélium de surface (dôme           en particulier dans les lymphomes
                                            du MALT). Le deuxième type de lym-           de la zone marginale du MALT. Les
                                            phomes le plus souvent retrouvé dans         études plus anciennes montraient
                                            l’estomac correspond aux lymphomes à         la présence de cette bactérie dans
                                            grandes cellules B, qui peuvent surve-       plus de 80 % des cas de lymphomes
 OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES                     nir de novo ou bien suite à une trans-       gastriques du MALT. Dans les études
                                            formation des lymphomes à petites            plus récentes, la proportion des
—	
  C onnaître l’épidémiologie des                                                         lymphomes H. pylori -positifs semble
                                            cellules B. Même si en réalité tous les
  lymphomes gastriques                                                                   diminuer, probablement du fait de
                                            lymphomes gastriques proviennent du
—	Comprendre la physiopathologie           MALT, de manière arbitraire, le terme        traitements antibiotiques et par IPP
   des lymphomes gastriques                 « lymphome du MALT » est réservé aux         antérieurs, conduisant à la diminu-
—	Connaître les démarches diagnos-         lymphomes de la zone marginale du            tion de la charge bactérienne voire
   tiques devant une suspicion d’un         MALT à petites cellules B (1).               à la disparition de la bactérie. Selon
   lymphome gastrique                                                                    le modèle hypothétique de lympho-
                                                                                         magenèse, ce processus débute par
—	Connaître le bilan pré-thérapeu-
                                                                                         une infection chronique à H. pylori,
   tique qui doit être réalisé suite
                                                                                         suivie d’un recrutement des lympho-
   au diagnostic d’un lymphome              Épidémiologie                                cytes T et ensuite B, avec la partici-
   gastrique
                                                                                         pation de plusieurs cytokines et de
—	Connaître les principes de traite-                                                    facteurs pro-inflammatoires (NF-kB),
                                            Les lymphomes gastriques sont des
   ment et du suivi des lymphomes                                                        conduisant à une prolifération clonale
                                            tumeurs rares, ils représentent moins
   gastriques                                                                            des lymphocytes B et au développe-
                                            de 5 % de tous les cancers gastriques,
                                            mais plus de la moitié de tous les           ment d’un lymphome. La stimulation
 LIEN D’INTÉRÊTS                            lymphomes primitifs du tube digestif.        antigénique initiale semble nécessaire
                                                                                         pour déclencher la lymphomage-
Aucun                                       Certaines études épidémiologiques            nèse et il est suspecté qu’en plus de
                                            menées au début des années 1990              H. pylori d’autres bactéries pourraient
                                            ont montré une augmentation de               jouer un rôle. En particulier, l’impli-
 MOTS CLÉS
                                            l’incidence des lymphomes non-­              cation d’autres bactéries du genre
Lymphomes gastriques, Lymphome du           Hodgkiniens, en particulier digestifs,       Helicobacter, comme Helicobacter
MALT, Helicobacter pylori                   mais les études ultérieures ont en           heilmannii, a été suggérée.

                                                              167
LYMPHOPATH (Réseau anatomo-­                proposé, dans le doute de résultats
Diagnostic                                 pathologique labellisé par l’INCa pour      faussement négatifs (notamment du
                                           la double lecture des prélèvements          fait d’une faible charge bactérienne).
                                           tumoraux des lymphomes).
Les symptômes conduisant au diag­
nostic peuvent être divers, et le plus     Les lymphomes de la zone margi-
souvent il s’agit de symptômes non         nale du MALT sont caractérisés par
spécifiques à type de dyspepsie ou         la présence d’un infiltrat lymphoïde
                                                                                       Bilan pré-traitement
de syndrome ulcéreux. Parfois, il          dense et homogène, composé de               et stade
peut s’agir d’un diagnostic fortuit,       petits lymphocytes B associés à une
lors d’une fibroscopie réalisée pour       infiltration et une destruction de
                                                                                       Ce bilan comprend un examen
d’autres causes (reflux gastro-            l’épithélium glandulaire, c’est-à-dire à
                                                                                       clinique avec l’évaluation de l’état
œsophagien, anémie, etc). Plus             des lésions lymphoépithéliales, consi-
                                                                                       général, la recherche de signes
rarement, ces lymphomes peuvent            dérées comme pathognomoniques du
                                                                                       généraux éventuels (fièvre, sueurs),
se manifester par des complications,       lymphome du MALT. Ces lésions sont
                                                                                       ainsi que l’examen des aires ganglion-
comme hémorragie digestive ou perfo-       souvent associées à la présence de
                                                                                       naires, du foie et de la rate, et un bilan
ration, plus fréquentes dans le cas des    H. pylori, qui peuvent être bien visua-
                                                                                       ORL (pour exclure les localisations
lymphomes diffus à grande cellules.        lisés après coloration de Giemsa. La
                                                                                       ORL du lymphome).
                                           présence des grandes cellules B doit
Les aspects endoscopiques ne sont          toujours être recherchée.                   Le bilan biologique comprend le
pas, non plus, spécifiques. Il peut                                                    bilan biologique de base (hémo-
s’agir d’ulcères, qui peuvent être         Le marquage par l’immunohistochimie         gramme, bilan hépatique, uricémie,
volumineux, notamment dans les             est nécessaire. Il permet de mettre en      fonction rénale), l’électrophorèse
cas des lymphomes diffus à grande          évidence les caractéristiques immu-         des protéines, le taux de LDH et de
cellules, de lésions d’allure polypoïde    nohistochimiques des lymphomes de           béta-2 microglobuline, et les séro-
ou tumorale, ou bien d’une muqueuse        la zone marginale du MALT, c’est-           logies virales (HIV, hépatites B et C)
d’aspect érythémateux évocateur            à-dire l’expression des antigènes           dans l’hypothèse d’une association
d’une gastrite. Enfin, il arrive parfois   confirmant le phénotype B (CD20+            éventuelle entre certaines infections
de retrouver un lymphome du MALT           et CD79a+) et l’absence d’expression        virales et les lymphomes. La recherche
sur des biopsies gastriques prélevées      de certains antigènes typiques aux          d’une sous-population lymphoide B
de manière systématique alors que          autres types de lymphomes à petites         monotypique (phénotypage lympho-
la muqueuse gastrique a un aspect          cellules B (CD10-, CD5-, cycline D1-).      cytaire) dans le sang peut être égale-
endoscopique subnormal. On peut                                                        ment réalisée.
                                           La recherche des anomalies cytogéné-
espérer que le diagnostic endos-
                                           tiques, et en particulier de la translo-    Le bilan d’imagerie comprend un
copique pourra être amélioré dans
                                           cation t(11 ;18) est conseillée car         scanner thoraco-abdomino-pelvien.
l’avenir grâce aux nouvelles tech-
                                           sa présence est un facteur prédictif
niques endoscopiques, et en particu-                                                   La Tomographie par Émission de
                                           de non réponse à l’éradication de
lier à l’endoscopie confocale qui, selon                                               Positons au 18F-Fluorodesoxyglucose
                                           H. pylori et sera utile pour guider la
quelques études préliminaires, semble                                                  (TEP-FDG) n’est pas systématique
                                           stratégie thérapeutique.
prometteuse (3).                                                                       et est généralement négative dans
                                           Les lymphomes diffus à grandes              les lymphomes du MALT à petites
Le diagnostic de lymphome est
                                           cellules B sont constitués de cellules B    cellules. Elle peut être réalisée dans
basé sur l’examen anatomo-patho-
                                           de grande taille, avec de nombreuses        les lymphomes à grandes cellules où
logique des biopsies gastriques qui
                                           mitoses. Deux types de ce lymphome          elle peut être un marqueur de réponse
doivent être nombreuses, au moins
                                           peuvent être distingués : celui résul-      au traitement par immuno-chimio­
10 au niveau de la lésion suspecte, et
                                           tant d’une probable transformation          thérapie
toujours associées à des biopsies de la
                                           d’un lymphome de la zone marginale
muqueuse gastrique extra-lésionnelle                                                   Le bilan endoscopique doit
                                           du MALT (la présence d’un contingent
qui serviront à rechercher H. pylori et                                                comprendre, bien sûr, une fibroscopie
                                           à petites cellules et de lésions lymphoé-
aussi à évaluer l’état de la muqueuse                                                  avec de multiples biopsies gastriques
                                           pithéliales serait en faveur), et celui
gastrique dans son ensemble, et en                                                     au niveau du lymphome mais
                                           développé de novo, correspondant au
particulier à rechercher la présence                                                   également au niveau de la muqueuse
                                           lymphome diffus à grandes cellules B
éventuelle de lésions précancéreuses                                                   non lésionnelle (au moins 2 de l’antre
                                           selon la classification de l’OMS (4). La
gastriques (gastrite atrophique ou                                                     + 2 du fundus + 1 de l’angulus, selon
                                           distinction entre ces deux types de
métaplasie intestinale), souvent                                                       le protocole de Sydney) pour l’analyse
                                           lymphomes ne semble pas avoir d’in-
associées aux lymphomes gastriques.                                                    anatomo-pathologique et moléculaire.
                                           térêt thérapeutique ni pronostique (1).
Les biopsies doivent être placées dans                                                 Il peut être indiqué de refaire une
du formol et adressées pour analyse        La recherche de H. pylori doit              nouvelle fibroscopie si l’endoscopie
anatomo-pathologique, immuno-his-          toujours être réalisée, par l’histo-        initiale n’était pas complète (doute
tochimique, et éventuellement molé-        logie, et si l’histologie ne montre pas     diagnostique ou nombre de biopsies
culaire. Les biopsies congelées ne sont    de bactérie, par la sérologie.              insuffisant).
pas nécessaires au diagnostic.
                                           Il convient néanmoins de souligner,         Une écho-endoscopie haute doit
Le diagnostic histologique peut            que même en l’absence de confir-            toujours être réalisée pour évaluer
être parfois difficile, et doit être       mation de la présence de la bactérie        le degré d’infiltration de la paroi
toujours confirmé par un patholo-          (tous les tests négatifs), un traitement    gastrique et la présence des ganglions
giste expert, faisant partie du réseau     d’éradication de H. pylori sera toujours    lymphatiques envahis et ainsi classer

                                                             168
Tableau 1 : Stade clinique des lymphomes non hodgkiniens selon la classification de Ann-Arbor
                               modifiée par Musshoff pour le tube digestif (Mushoff et al 1977)

 Stade IE             Atteinte d’un ou de plusieurs sites du tube digestif sans atteinte ganglionnaire

 Stade IIE            Atteinte d’un ou de plusieurs sites du tube digestif et des ganglions régionaux sans atteinte extra-abdominale
      II1E : atteinte des seuls ganglions contigus
      II2E : atteinte des ganglions régionaux non contigus

 Stade IIIE           Atteinte localisée du tube digestif associée à une atteinte ganglionnaire de part et d’autre du diaphragme*

 Stade IV             Atteinte d’un ou de plusieurs organes extra-ganglionnaires et/ou extra-abdominales avec ou sans atteinte
                      ganglionnaire associée

* Stade rarement rencontré dans les lymphomes digestifs

          Tableau 2 : Classification de Paris des lymphomes gastriques, intégrant le résultat de l’échoendoscopie,
      élaborée par l’EGILS (European Gastro-Intestinal Lymphoma Study) groupe. (Ruskoné-Fourmestraux et al 2003)

 TX                        Extension non précisée
 T0                        Pas de lymphome
 T1m                       Atteinte muqueuse
 T1sm                      Atteinte sous-muqueuse
 T2                        Atteinte de musculaire muqueuse et sous-séreuse
 T3                        Atteinte de la séreuse
 T4                        Extension séreuse et au-delà, vers les organes de voisinage
 NX                        Envahissement ganglionnaire non connu
 N0                        Pas d’envahissement ganglionnaire
 N1                        Envahissement ganglionnaire régional

                                                                                                                                         CANCÉROLOGIE
 N2                        Envahissement ganglionnaire abdominal à distance
 N3                        Envahissement ganglionnaire extra-abdominal
 MX                        Bilan d’extension non connu
 M0                        Pas de localisation métastatique
 M1                        Envahissement des tissus non contigus à la lésion digestive (péritoine, plèvre)
                           ou organes (par exemple : poumon, foie, sein, autre site gastro- intestinal)
 BX                        Moelle non explorée
 B0                        Pas d’atteinte médullaire
 B1                        Infiltration médullaire

le lymphome selon la classification de                     Figure 1 - Lymphome gastrique du MALT : extension loco-régionale
Paris (5) spécifiquement adaptée aux
lymphomes gastriques. Son résultat
a également une valeur prédictive,                                          96 % de formes loco-régionales
car les formes superficielles et sans
                                                          ANN ARBOR staging system
envahissement ganglionnaire sont
plus susceptibles de répondre au seul                		 IE                       Atteinte pariétale                            66 %
traitement d’éradication de H. pylori,               		 II1E                     Envahissement ganglionnaire                   34 %
alors que les formes avec envahis-
sement de la sous-muqueuse et /ou                         PARIS staging system
ganglionnaire sont le plus souvent                   		        T1m               Muqueuse                                      52 %
résistants à ce traitement.                          		        T1sm              Sous-muqueuse                                 20 %
L’iléo-coloscopie fait également partie              		        T2                Musculaire muqueuse                           15 %
du bilan de routine.                                 		        T3                Séreuse                                       13 %
La biopsie ostéo-médullaire n’est                    		        N1                Envahissement ganglionnaire                   43 %
plus indiquée dans les lymphomes du
MALT, mais peut-être envisagée en cas
                                                     Ann Arbor modifiée par Musshoff (6)          cas des lymphomes du MALT, il s’agit
de suspicion de formes disséminées.
                                                     (Tableau 1), mais également selon            le plus souvent (> 85 % des cas) de
Ce bilan devrait permettre de                        la classification de Paris spéciale-         formes localisées (7) (Figure 1).
définir le stade du lymphome selon                   ment conçue pour les lymphomes
la classification la plus utilisée de                gastriques (5) (Tableau 2). Dans le

                                                                      169
trisation ou diminution de la taille      de ganglions lymphatiques envahis à
Traitement                                 des ulcères). Nous en profiterons         l’échoendoscopie, et la présence d’une
                                           pour prélever des multiples biopsies      translocation t(11-18) au niveau des
                                           pour une nouvelle analyse anatomo-        lymphocytes B qui devrait être systé-
Lymphomes gastriques                       pathologique (pour apprécier l’évo-       matiquement recherchée, de préfé-
du MALT                                    lution microscopique du lymphome)         rence à l’examen initial, et dans tous
La première ligne de traitement dans       et éventuellement une étude bacté-        les cas en cas de non réponse au trai-
les lymphomes gastriques du MALT           riologique (si celle-ci n’a pas pu être   tement d’éradication. En présence de
est toujours le traitement d’éradi-        réalisée lors du premier examen).         l’un de ces facteurs, la deuxième ligne
cation de H. pylori, et elle doit être                                               de traitement sera proposée plus faci-
                                           En cas d’une bonne évolution (nette       lement et peut-être plus rapidement
proposée indépendamment du statut          régression de lésions macroscopi­
H. pylori à l’issu du bilan (positif ou                                              (avant 24 mois) (11, 12, 13).
                                           ques, absence de doute sur une
négatif). Le rationnel pour réaliser       transfor mation éventuelle en             2e ligne de traitement
ce traitement, même en l’absence           lymphome à grandes cellules à l’his-      En cas de persistance du lymphome
évidente de la bactérie, repose,           tologie), les contrôles endoscopiques     du MALT localisé à plus de 24 mois
d’une part, sur la possibilité d’un        suivants pourront être réalisés tous      après l’éradication de H. pylori, et en
résultat faux négatif, et, d’autre         les 4 à 6 mois pendant au moins           l’absence des lésions macroscopiques
part, sur la possibilité d’implication     24 mois, jusqu’à l’obtention éven-        (ulcère, tumeur), deux stratégies
d’autres Helicobacters non détectés,       tuelle d’une rémission complète           peuvent être discutées (Figure 2) : 1)
comme H. heilmannii, ou d’autres           microscopique. Cette rémission sera       une simple surveillance, qui pourrait
bactéries.                                 évaluée selon le score du GELA,           être proposée aux patients fragiles,
Quant au choix du protocole d’éradica-     qui distingue 4 niveaux de réponse        ayant des comorbidités, et à condi-
tion, il est préférable, conformément      histologique : rémission complète,        tion qu’il n’y ait pas de signes de
aux dernières recommandations de           probable maladie résiduelle minime        progression microscopique et surtout
l’HAS (8), de proposer un traite-          (considérée en pratique comme une         de transformation en lymphomes à
ment ciblé selon les résultats du test     réponse complète), réponse partielle,     grandes cellules B, et 2) une radiothé-
de sensibilité aux antibiotiques. Ce       et maladie stable (9).                    rapie conformationnelle à faible dose
test peut être réalisé par l’antibio-                                                (30 Gray), ayant montré de très bons
                                           Il convient de souligner qu’il faut
gramme «classique», après la culture                                                 résultats (98 % de rémission complète
                                           au moins deux contrôles successifs
des bactéries, ou bien par une PCR                                                   à long cours avec une excellente tolé-
                                           histologiques négatifs pour confirmer
en temps réel, réalisée directement                                                  rance) (14).
                                           la rémission (soit une rémission
sur les biopsies gastriques et permet-     complète, soit une probable maladie       La chirurgie n’a pas aujourd’hui de
tant de tester à la fois la présence de    résiduelle minime).                       place dans la prise en charge des
H. pylori et sa sensibilité à la clari-                                              lymphomes du MALT en dehors de
thromycine. Ainsi, dans le cas des         Une fois la rémission obtenue, une        complications (perforation).
souches sensibles à la clarithromy-        surveillance endoscopique annuelle
cine, un traitement par trithérapie        pourra être proposée jusqu’à 5 ans.       Dans les cas de lymphome du MALT
optimisée (Esoméprasole 3 x 40 mg/j        Les lymphomes gastriques du MALT          avec localisations ganglionnaires ou
+ Amoxicilline 3 x 1 g/j + Clarithromy­    récidivent très rarement, mais la         disséminées, une immuno-chimiothé-
cine 2 x 500 mg/j pendant 14 jours)        surveillance endoscopique est néces-      rapie devrait être proposée en concer-
pourra être proposé. Ce schéma             saire à cause du risque accru d’un        tation avec les Hématologues.
est d’autant plus intéressant que          adénocarcinome gastrique chez ces
                                                                                     Lymphomes diffus
la clarithromycine, en plus de ses         patients (2). Ainsi, après 5 ans, la
                                                                                     à grandes cellules B
propriétés antibactériennes, possède       surveillance endoscopique devrait
les propriétés immunomodulatrices et       être poursuivie et adaptée à l’état de    Le traitement de choix dans les lym-
anti-inflammatoires, pouvant avoir un      la muqueuse gastrique, c’est-à-dire à     phomes diffus à grandes cellules B,
effet bénéfique dans les lymphomes.        l’existence et à la sévérité de l’atro-   connus pour leur chimiosensibilité,
En cas de souche résistante à la           phie gastrique et de la métaplasie        est une association d’immunothé-
clarithromycine, ou bien si le test de     intestinale, et conduite conformé-        rapie et de chimiothérapie (schéma
sensibilité n’est pas réalisable, une      ment aux dernières recommanda-            R-CHOP), qui doit être conduite par
première ligne de traitement par           tions (10), en moyenne tous les 3 à       les Hématologues. Il est important
PYLERA® pourra être proposé. Après         5 ans.                                    de rappeler qu’il existe aussi une
le traitement, le contrôle de l’effica-                                              indication d’éradiquer H. pylori dans
cité d’éradication doit être réalisé par   Après l’éradication de H. pylori, il      ces lymphomes (pour traiter une
test respiratoire à l’urée marquée, et     est important de laisser un temps         éventuelle prolifération à petites
en cas de persistance de la bactérie,      suffisamment long (jusqu’à 24 mois)       cellules de type MALT associée). Dans
une deuxième ligne de traitement           avant de décider, en cas de persis-       les cas de lymphomes disséminés avec
devra être proposée, toujours selon        tance de lymphome, d’introduire une       une masse tumorale importante, et
l’antibiogramme.                           nouvelle ligne de traitement pour         chez les sujets jeunes en bon état
                                           éviter le sur-traitement et le risque     général, l’intensification de la chimio-
Le premier contrôle endoscopique           de toxicités inutiles. Nous connais-      thérapie avec auto-greffe de cellules
doit être réalisé 6 à 8 semaines après     sons actuellement les facteurs de         souches hématopoïétiques, pourrait
le traitement d’éradication, surtout       risque de non-réponse au traitement       être discutée (15).
pour s’assurer d’une bonne évolution       d’éradication : le statut H. pylori-­
des lésions macroscopiques (cica-          négatif au diagnostic, la présence

                                                            170
Figure 2 - Lymphome gastrique du MALT : prise en charge après éradication de H. pylori

                                                       Éradication de H. pylori

                                                                     > 24 mois                                    - Statut H. pylori (-)
                                                                                                                  - t (11;18)+
                                                                                                                  - Stade N1

              Rémission complète                                 Maladie résiduelle                              Progression ou non
                  histologique                                     histologique                                      régression
                (CR ou pMRD*)                                         (rRD*)                                            (NC*)

                                                                « Watch and wait »                                     Traitement
                   Surveillance
                                                                       Ou                                               alternatif

   * Selon le score de GELA: CR = Complete remission, pMRD: probable minimal residual disease, rRD: responding residual disease, NC: no change

                                                                                                                                                             CANCÉROLOGIE
                                                                                                         7.	Ruskoné-Fourmestraux A, Lavergne A,
Surveillance                                        Références                                               Aegerter PH, Megraud F, Palazzo L, de
                                                                                                             Mascarel A, et al. Predictive factors for
                                                                                                             regression of gastric MALT lymphoma
                                                                                                             after anti-Helicobacter pylori treatment.
Après l’obtention d’une rémission                                                                            Gut. 2001 Mar;48(3):297-303.
                                                    1.	Ruskoné-Fourmestraux A, Fabiani B,
complète, un contrôle endoscopique                      Flejou JF, Malamut G, Thieblemont C.
                                                                                                         8.	Haute Autorité de Santé. Recomman-
annuel peut être proposé, et ensuite                    Lymphomes gastro-intestinaux. EMC-Gas-
                                                                                                             dations : Traitement de l’infection par
en fonction de l’état de la muqueuse                    tro-entérologie, 2017 Elsevier Masson, Vol.
                                                                                                             Helicobacter pylori chez l’adulte, 2017 :
gastrique. Le risque de récidive de                     13, N 2, avril 2018.                                 www.has.santé.fr
lymphome du MALT est faible, mais il                                                                     9.	Copie-Bergman C, Wotherspoon AC,
                                                    2.	Capelle LG, de Vries AC, Looman CW,
s’agit surtout de surveiller les lésions                                                                     Capella C, Motta T, Pedrinis E, Pileri SA, et
                                                        Casparie MK, Boot H, Meijer GA, et al.
précancéreuses gastriques associées.                                                                         al. 2013. Gela histological scoring system
                                                        Gastric MALT lymphoma: epidemiology
                                                                                                             for post-treatment biopsies of patients
                                                        and high adenocarcinoma risk in a
                                                                                                             with gastric MALT lymphoma is feasible
                                                        nation-wide study. Eur J Cancer. 2008
                                                                                                             and reliable in routine practice. Br J
                                                        Nov;44(16):2470-6.
                                                                                                             Haematol 2013;160(1):47-52.
Pronostic                                           3.	Dolak W, Kiesewetter B, Müllauer L,              10.	Pimentel-Nunes P, Libânio D, Marcos-
                                                        Mayerhoefer M, Troch M, Trauner M,                  Pinto R, Areia M, Leja M, Esposito G, et al.
                                                                                                            Management of epithelial precancerous
                                                        et al. A pilot study of confocal laser
Le pronostic des lymphomes gastri­                      endomicroscopy for diagnosing gastro-
                                                                                                            conditions and lesions in the stomach
ques du MALT est très bon, avec la                                                                          (MAPS II): European Society of Gastro-
                                                        intestinal mucosa-associated lymphoid
                                                                                                            intestinal Endoscopy (ESGE), European
sur­vie globale à 5 ans supérieure à                    tissue (MALT) lymphoma. Surg Endosc.
                                                                                                            Helicobacter and Microbiota Study
80 %.                                                   2016 Jul;30(7):2879-85.
                                                                                                            Group (EHMSG), European Society of
                                                                                                            Pathology (ESP), and Sociedade Portu-
Conclusion : Les lymphomes gastriques               4.	Swerdlow SH, Campo E, Pileri SA, Lee                guesa de Endoscopia Digestiva (SPED)
correspondent le plus souvent aux                       Harris N, Stein H, Siebert R, et al. The 2016       guideline update 2019. Endoscopy 2019
lymphomes à petites cellules B prove-                   revision of the World Health Organization           Apr;51(4):365-388.
nant de la zone marginale du MALT,                      classification of lymphoid neoplasms.
                                                                                                         11.	Ruskoné-Fourmestraux A, Fischbach W,
                                                        Blood 2016;127(20):2375-90.
du bon pronostic. La première ligne de                                                                      Aleman BM, Boot H, Du MQ, Megraud F,
leur traitement consiste en une éradi-                                                                      et al. EGILS group EGILS consensus
                                                    5.	Ruskoné-Fourmestraux A, Dragosics B,                report. Gastric extranodal marginal
cation de H. pylori, et dans les rares                  Morgner A, Wotherspoon A, De Jong D.                zone B-cell lymphoma of MALT. Gut
cas un traitement complémentaire par                    Paris staging system for primary gastro-            2011;60(6):747-58.
radiothérapie ou immuno-chimiothé-                      intestinal lymphomas. Gut. 2003
                                                                                                         12.	Dreyling M, Thieblemont C, Gallamini A,
rapie sera indiqué. Plus rarement, il                   Jun;52(6):912-3.
                                                                                                             Arcaini L, Campo E, Hermine O, et al.
peut s’agir des lymphomes à grandes                                                                          ESMO Consensus conferences: guidelines
                                                    6.	Musshoff K. Clinical staging classifi-               on malignant lymphoma. part 2: mar-
cellules B à haut degré de malignité,
                                                        cation of non-Hodgkin’s lymphomas                    ginal zone lymphoma, mantle cell lym-
qui relèvent une prise en charge héma-                  (author’s transl). Strahlentherapie. 1977            phoma, peripheral T-cell lymphoma. Ann
tologique (immuno-chimiothérapie).                      Apr;153(4):218-21.                                   Oncol. 2013 Apr;24(4):857-77.

                                                                          171
13.	
   M a t y s i a k - B u d n i k T, F a b i a n i B ,      14.	 R uskoné-Fourmestraux A, Matysiak-            15.	Thieblemont C, Bernard S, Meignan M,
   Hennequin C, Thieblemont C,                                   Budnik T, Fabiani B, Cervera P, Brixi H, Le      Molina T. Optimizing initial therapy in
   Malamut G, Cadiot G, et al. Gastroin-                         Malicot K, et al. Groupe d’Étude des             DLBCL. Best Pract Res Clin Haematol.
   testinal lymphomas: French Intergroup                         Lymphomes Digestifs (GELD) & Fédération          2018 Sep;31(3):199-208.
   clinical practice recommendations                             Francophone de Cancérologie Digestive.
   for diagnosis, treatment and follow-up                        Exclusive moderate-dose radiotherapy          Remerciements : Au Dr Agnès Ruskoné-Four-
   (SNFGE, FFCD, GERCOR, UNICANCER,                              in gastric marginal zone B-cell MALT          mestraux pour la lecture critique.
   SFCD, SFED, SFRO, SFH). Dig Liver Dis. 2018                   lymphoma: Results of a prospective study
   Feb;50(2):124-131.                                            with a long term follow-up. Radiother
                                                                 Oncol. 2015 Oct;117(1):178-82.

               5
                                                        Les cinq points forts
                                                          Le diagnostic des lymphomes gastriques repose sur l’analyse
                                                        ●	
                                                          anatomo-pathologique et immuno-histochimique des biopsies
                                                          gastriques ; il doit être confirmé par un expert faisant partie du
                                                          réseau LYMPHOPATH.

                                                          Le traitement de première intention, avec ou sans Helicobacter
                                                        ●	
                                                          pylori identifié, est l’antibiothérapie d’éradication de la bactérie.

                                                          Après traitement de l’Helicobacter pylori, la persistance de
                                                        ●	
                                                          lésions endoscopiques ou histologiques ne justifie pas un nouveau
                                                          traitement avant au moins 24 mois mais une surveillance endos-
                                                          copique semestrielle.

                                                          Après traitement d’éradication, une radiothérapie ou une immu-
                                                        ●	
                                                          no-chimiothérapie (en cas d’envahissement ganglionnaire ou
                                                          dissémination à distance) peut être proposée en cas de lésions
                                                          persistantes après 24 mois de suivi.

                                                          Après rémission complète, la surveillance endoscopique à long
                                                        ●	
                                                          terme doit être poursuivie en raison d’un risque accru d’adéno-
                                                          carcinome et de transformation en lymphome diffus à grandes
                                                          cellules.

                                                                                 172
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