MEDECINE LIBERALE : SECTEUR II, LIBERTE D'INSTALLATION - SYNTHESE ET PROPOSITIONS
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SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS MEDECINE LIBERALE : SECTEUR II, LIBERTE D’INSTALLATION SYNTHESE ET PROPOSITIONS Le Comité de l’Internat
SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS Rappels : Secteurs I, II, III et dépassements d’honoraires Le tarif opposable (c’est-à-dire le « tarif officiel ») d’une consultation ou d’un acte chirurgical est défini dans le cadre des négociations conventionnelles (la convention médicale) entre l’assurance maladie d’une part et les syndicats représentatifs des médecins libéraux d’autre part. Un médecin est libre d’adhérer ou de ne pas adhérer à la Convention. Le tarif opposable (TO) est appliqué par les professionnels exerçant en secteur I, c’est à dire ne pratiquant pas de dépassement d’honoraires. Il comprend une partie prise en charge par l’assurance maladie et une partie restant à la charge de l’assuré (le ticket modérateur), habituellement remboursée par sa complémentaire santé si il en dispose d’une. A titre d’exemple, le tarif opposable pour une consultation chez un médecin généraliste (ce qu’on appelle un « C ») est de 23 euros en 2012, dont : - 70% (moins 1 euro) sont remboursés par l’assurance maladie, soient 15,1 euros ; - Le ticket modérateur est remboursé par la complémentaire santé, si le patient en dispose, - Si le patient est bénéficiaire de la CMU ou pris en charge à 100% au titre d’une affection longue durée (ALD), il ne paye pas le ticket modérateur et est donc pris en charge à 100%. Un médecin en secteur II dit à « honoraires libres » pratique des dépassements d’honoraires sans que des bornes précises soient actuellement fixées, en dehors du « tact et mesure » inscrit dans le code de déontologie. - Le patient est remboursé de façon équivalente - Le « reste à charge » pour le patient dépend du contrat qu’il a signé avec sa complémentaire santé : une prise en charge à 100% du tarif opposable fera qu’il devra payer de sa poche l’ensemble des honoraires au-delà de 23 euros, à 200% au- delà de 45 euros, etc. L’accès au secteur II n’est actuellement pas libre : il est réservé aux anciens chefs de cliniques – assistants des hôpitaux, aux anciens assistants ayant réalisé un minimum de 2 années de post-internat dans un hôpital qu’il soit général ou hospitalo-universitaire, et aux anciens Praticiens Hospitaliers titulaires. Les charges sociales et la contribution à l’URSSAF d’un médecin varient selon le secteur de conventionnement : un médecin en secteur I bénéficie d’un abattement (il paye
SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS donc moins de charges sociales), ce qui n’est pas le cas pour les médecins en exerçant en secteur II. Un médecin n’adhérant pas à la convention voit ses honoraires, dont la seule limite est le « tact et mesure » du code de déontologie, non pris en charge par l’assurance maladie : c’est l’appartenance au secteur III. 1. La répartition de l’offre de soins libérale sur le territoire Voici quelques éléments de cadrage : - Il n’y a jamais eu autant de médecins en France : 215.000 médecins en activité au 1er janvier 2011 - La population médicale vieillit (78% des médecins libéraux ont plus de 52 ans en 2012) : l’offre de soins va donc inévitablement diminuer car les promotions formées ne sont pas assez nombreuses pour compenser ces départs. - Parallèlement, la demande de soins augmente (c’est un phénomène global et inévitable) - La répartition des médecins sur le territoire national est disparate : de 306 médecins pour 100.000 habitants à 100 médecins pour 100.000 habitants dans certaines régions. - Pour autant ces disparités suivent la diminution de l’offre en services publics (poste, école…) en zone rurale. - L’accès à la médecine générale reste facile dans l’immense majorité des cas sur le territoire national : 90% de la population est à moins de 20 minutes d’un médecin selon l’IRDES - Il existe de réelles difficultés à l’installation libérale pour les jeunes diplômés - Ce qu’en disent les français1 : o Une très grande majorité (94 %) déclare n’avoir aucune difficulté à consulter un généraliste (97 % à Paris). L’accès au spécialiste est en revanche plus compliqué pour 22 % des Français, et surtout inégal : 29 % des habitants du nord et de l’est se plaignent de la pénurie de spécialistes, contre seulement 13 % des Franciliens. o 52 % estiment qu’il ne faut pas contraindre les médecins à s’installer dans les déserts, dont 19 % s’opposent formellement à cette idée, même en contrepartie d’aides financières. A contrario, 32 % des personnes interrogées pensent qu’il est nécessaire d’en passer par la coercition et 13 % limiteraient l’installation contrainte à quelques années. Ce qu’il faut retenir : Si l’on ne peut nier que des déserts médicaux se créent en milieu rural, et que la situation va se tendre dans les années à venir, l’actuelle répartition médicale n’a que très peu de retentissement « fonctionnel » mais fait face à un important ressenti de la population. 1 Sondage mars 2012, Le Quotidien du Médecin
SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS 2. Le « problème » actuel des dépassements d’honoraires Les dépassements d’honoraires (DH) représentent 12% du total des honoraires perçus, soit près de 2,5 milliards d’euros (1% des dépenses de santé). Deux éléments concourent pour expliquer le développement et la pérennisation des DH : - Les tarifs opposables sont pour beaucoup restés inchangés depuis 30 ans, en particulier en chirurgie, malgré une inflation bien réelle et une augmentation de 900% des frais de prime d’assurance responsabilité civile professionnelle en 30 ans ! - Dans certaines régions les charges des cabinets médicaux ont largement dépassé l’inflation (on peut prendre pour exemple l’explosion des prix de l’immobilier parisien qui ont multiplié les prix des baux locatifs des cabinets en quelques années). Ces éléments rendent l’exercice en secteur I de moins en moins attractif, voire quasiment impossible dans certains endroits. Le DH répond donc à une double contrainte : permettre la réalisation de l’acte et assurer un revenu au praticien en rapport avec ses qualifications et ses responsabilités. Le DH moyen en France est de l’ordre du C (soit près de 23 euros), seule une infime minorité de médecins pratique des dépassements excessifs. De la même façon que les patients « CMU » souffrent de l’attitude des rares profiteurs, les docteurs sont victimes vis à vis de l’opinion publique de leurs collègues trop gourmands., Le DH ne peut être considéré comme un facteur de limitation de l’accès aux soins car il permet ces soins et les citoyens les plus fragiles n’ont pas à le payer. Par ailleurs, il n’a pas d’impact sur l’assurance maladie qui ne le rembourse pas et assure des cotisations sociales majorées. Quatre éléments fondamentaux sont à prendre en compte : - Les DH permettent aux médecins libéraux de s’équiper en matériel technique coûteux que l’exercice en secteur I ne leur permettrait pas d’acquérir (y compris le matériel chirurgical). Il en est de même pour les baux locatifs très élevés dans certaines villes, dont Paris. - Les DH sont modérés et pratiqués avec tact et mesure dans leur très grande majorité : o Dépassement moyen en France : de 10 à 12 euros soit environ 35 euros / consultation o Les médecins en secteur II réalisent quand même 30% de leurs actes au tarif opposable : les médecins s’adaptent aux revenus de leur patientèle ! - L’immense majorité des départements continue à avoir une offre de soins au tarif opposable de bonne qualité - 85% des patients ont une complémentaire santé prenant en charge complètement les dépassements d’honoraire modérés. Les plus modestes ont accès à la CMU et à la CMU complémentaire qui fournit la même offre.
SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS En résumé, les dépassements d’honoraires sont : - Bénéfiques pour l’accès à des soins de meilleure qualité en secteur libéral (qualité de l’offre de soin ambulatoire, de l’équipement des médecins libéraux), - Pris en charge dans leur très grande majorité par les complémentaires santé. - A défaut, pris en charge par les praticiens eux-mêmes, ces derniers n’hésitant pas à travailler au tarif opposable si le besoin s’en fait sentir - Appliqués avec tact et mesure dans la plupart des cas, sauf à considérer quelques abus qu’il faut savoir sanctionner. Notons par ailleurs que 17% des français disent renoncer aux soins pour des motifs financiers mais il s’agit essentiellement de soins dentaires et optiques. L’abandon de soins pour honoraires jugés excessifs n’en représente que 3%.
SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS Les prises de position officielles depuis l’élection présidentielle La Ministre de la santé souhaite s’attaquer au problème des inégalités d’accès aux soins sur le territoire national de façon globale : - En remédicalisant les zones médicalement sous-denses, - En limitant les dépassements d’honoraires des médecins libéraux en secteur II. Le Conseil National de l’Ordre des médecins prend de court le ministère fin Mai 2012 Il propose de façon unilatérale et non négociée, sans en avoir informé les conseils départementaux : - De limiter les honoraires libres à 4 fois maximum le tarif opposable pour les médecins en secteur II ; - D’obliger les médecins exerçant en secteur II à réserver 30% de leur activité au secteur I ; - D’obliger les jeunes praticiens sortis de l’internat à s’installer dans leur région d’origine, qu’ils deviennent hospitaliers ou libéraux, pour une période de 5 années pleines, et ce à l’endroit où l’ARS de leur région leur aura assigné un poste ; - Ces mesures devant également s’appliquer aux libéraux remplaçants. Devant le tollé provoqué par ces propositions, le Conseil National de l’Ordre a proposé un moratoire sur ses propositions. La position de François Hollande pendant la campagne présidentielle2 Proposition n°22 : « Nous demanderons aux jeunes médecins libéraux d’exercer en début de carrière dans les zones manquant de praticiens ». Projet de François Hollande (source : les 60 propositions pour l’élection présidentielle) : - Augmentation de la part de rémunération forfaitaire des médecins généralistes. Encadrement des « dépassements d’honoraires », favoriser une baisse du prix des médicaments. Déclaration de François Hollande le 16 Avril 2012 au Quotidien du médecin : Les dépassements d’honoraires sont jugés « insoutenables pour les patients » et « conduisent à des renoncements aux soins » : il faut encadrer « fermement par spécialité et par région » les dépassements et limiter l’installation des médecins de secteur II en zones surdotées. 2 Source : Le projet du PS pour 2012, 30 propositions :
SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS Les déclarations de Marisol Tourraine depuis sa prise de fonction En résumé : - Limitation des dépassements d’honoraires - Par la négociation avec les professionnels (syndicats de médecins) - Si les négociations échouent, la voie législative sera utilisée. - Nécessité de sanctions fermes en cas d’abus : déconventionnement possible - Les spécialistes en secteur II ne pourront plus s’installer où bon leur semble (contrairement aux généralistes) Références : Le 21 Mai 2012, ouverture du salon Hôpital Expo : Une négociation concernant les dépassements d’honoraires devra avoir lieu d’ici l’automne, « L’objectif fixé est clair : la limitation, région par région, spécialité par spécialité, des dépassements d’honoraires. Les résultats de la négociation seront intégrés dès le Projet de Loi de financement de la sécurité sociale 2013. A défaut de résultat, le gouvernement prendra ses responsabilités. » Le 31 Mai 2012, communiqué de presse : « Je me réjouis de voir que ce que j’ai annoncé, à savoir que les dépassements d’honoraires devaient faire l’objet d’encadrement et de plafonnement rapidement », soit « aujourd’hui soutenu par l’Ordre des Médecins ». « C’est une nouveauté, donc il faut le saluer » Le 5 Juillet, sur France Info : "Nous ferons en sorte que les médecins spécialistes qui, eux, ne pratiquent pas le tarif de la sécurité sociale respectent un certain nombre de règles et ne s'installent pas là où il y a déjà beaucoup de médecins". Le 11 Juillet à la sortie du Conseil des Ministres : Tout doit être entrepris pour favoriser l’accès à des soins au tarif de la Sécurité sociale, précise le gouvernement. « Si la négociation n’aboutissait pas à des résultats suffisants d’ici l’automne 2012, le gouvernement prendrait les mesures qui s’imposent » La ministre n’écarte pas les mesures coercitives pour parvenir à ses fins. « La sanction doit pouvoir aller jusqu’à ce qu’on appelle le déconventionnement […] pendant une période donnée », a-t-elle lancé à destination des médecins qui n’entendraient pas raison. Le 25 Juillet sur Europe 1 La revalorisation des actes (au tarif opposable, NDLR), n'est pas à l'ordre du jour. Marisol Touraine rappelle en effet qu'il ne s'agit pas de supprimer le secteur II mais seulement de maîtriser les dépassements qui « ne respectent plus aucune logique » et qui empêchent certains français d'accéder aux soins.
SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS Quels seraient les effets prévisibles d’une restriction de la liberté d’installation ? Il faut tout d’abord rappeler que selon la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’évaluation et des statistiques), les différences de densité médicales « se sont réduites de façon continue au cours des vingt dernières années », passant de 21% en 1983 à 14% en 2006. Les propositions de campagne du gouvernement sont claires : il s’agit d’encadrer l’installation des jeunes praticiens, car il y aurait d’une part des honoraires trop élevés et d’autre part des « déserts médicaux ». Si la première justification est fausse (comme nous l’avons montré), les réponses proposées pour la deuxième raison sont inadaptées. L’expérience des voisins européens peu convaincante Tout d’abord, les effets des mesures de restriction de la liberté d’installation dans les autres pays ne sont pas convaincants. D’autres pays de l’Union Européenne (Belgique, Allemagne, Italie) ont déjà mis en place des mesures désincitatives voire coercitives afin de répondre au problème des faibles densités médicales. Or, d’expérience, ces politiques (qui datent de plus de 20 ans en Allemagne) ont au mieux montré leur inefficacité mais le plus souvent ont provoqué une aggravation de la pénurie médicale. Une dévalorisation de la médecine de « campagne » Les mesures de coercition auront pour effet de dévaloriser un mode d’exercice déjà peu attractif. Peut-on imaginer qu’une médecine de premier recours et exigeante, soit exercée par des personnes peu motivées ou contraintes ? Au-delà d’un manque d’implication, la désaffection des étudiants en médecine s’accompagnera d’une multiplication des stratégies d’évitement : spécialisation dans d’autres disciplines, intégration de cliniques… Une efficacité de soin douteuse Au-delà même de la faisabilité et de la mise en place effective de procédures de coercition, tout laisse à penser que la présence de médecins isolés, non formés aux spécificités du terrain et surtout mal organisés ne serve que de cache misère et ne fasse que déplacer le problème : Comment peut-on demander à un jeune médecin d’exercer seul alors que l’offre hospitalière se réduit ? Toute politique de lutte contre les déserts médicaux doit s’appuyer sur une démarche à long terme avec l’implication des collectivités locales, une formation ad hoc, la mise en place d’un réseau de soins avec des maisons médicales pluridisciplinaires, les structures hospitalières et les professions paramédicales.
SYNDICAT DES INTERNES DES HOPITAUX DE PARIS Les propositions du Syndicat des Internes des Hôpitaux de Paris Nous sommes convaincus que ce dossier doit être pris en compte de manière responsable, c’est pour cela que nous avons décidé de défendre un certain nombre de Propositions sur la limitation des honoraires en secteur II - La revalorisation du tarif opposable doit donc être la pierre angulaire du travail de négociation conventionnelle - Le secteur II doit impérativement être préservé - Une définition des dépassements abusifs doit être déterminée en accord avec les représentants des médecins libéraux - les abus doivent être sanctionnés Préconisations sur la démographie médicale - Abandon total de toute coercition à l’installation - Evaluation objective des mesures incitatives déjà mises en place, - Poursuite, amélioration et plan de communication efficace concernant le contrat d’engagement de service public - Poursuite de l’effort de création des maisons médicales pluridisciplinaires qui connaissent un essor certain et un impact réel en milieu péri-urbain et rural - Création des mesures organisationnelles incitatives pour l’installation - Implication des collectivités locales dans la mise en place de mesures de facilitation de l’installation libérale - Aide à l’optimisation du temps médical réellement consacré aux activités de soin pour les médecins déjà installés En tout état de cause - L’opposition entre généralistes et spécialistes pour mener à bien ces réformes que toute la profession appelle de ses vœux est essentiellement liée à une stratégie politique de division de la profession médicale délétère pour l’ensemble de nos confrères, - Le poids des nouvelles mesures doit être transgénérationnel. Faire peser ces réformes sur les seuls jeunes médecins induit une rupture d’égalité patente entre médecins déjà installés et jeunes diplômés, ce qui aura pour conséquence de faire reculer encore un peu plus l’installation des jeunes médecins et la médecine libérale.
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