MODÉLISATION NUMÉRIQUE DES ÉCOULEMENTS NON SATURÉS ET THÉORIE DES SIMILITUDES

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MODÉLISATION NUMÉRIQUE DES ÉCOULEMENTS NON SATURÉS ET
THÉORIE DES SIMILITUDES
Omar Fala, École Polytechnique, Montréal, Québec
Michel Aubertin, École Polytechnique, Montréal, Québec
Bruno Bussière, UQAT, Rouyn-Noranda, Québec
Robert P. Chapuis, École Polytechnique, Montréal, Québec

RÉSUMÉ : Peu de problèmes impliquant les écoulements non saturés peuvent être solutionnés analytiquement. En
pratique, il est maintenant commun d’employer des méthodes numériques afin de traiter l’équation de Richards pour
analyser l’écoulement de l’eau souterraine en conditions partiellement saturées. Toutefois, la non linéarité des lois
constitutives et les caractéristiques des méthodes numériques employées peuvent engendrer des solutions instables, où
la convergence est difficile, ce qui peut conduire à des réponses erronées. Dans cet article, les auteurs présentent une
approche relativement nouvelle pour représenter les propriétés des matériaux et des structures. Celle-ci consiste à
modifier ces propriétés en appliquant la théorie des similitudes. L’approche est brièvement décrite et des exemples
d’application sont présentés de façon préliminaire. Ceux-ci démontrent qu’il est possible d’améliorer la stabilité des
réponses numériques en utilisant l’approche proposée. Celle-ci pourrait devenir particulièrement utile pour traiter des
situations numériquement difficiles à simuler.

ABSTRACT: Few problems involving unsaturated water flow can be solved analytically. In practice, it is now customary to
rely on numerical methods to deal with Richards’ equation for saturated-unsaturated groundwater problems.
Nevertheless, the non linearity of the constitutive laws and the characteristics of the main numerical methods used can
often lead to unstable solutions and problematic convergence, and this may lead to unreliable answers. In this paper, the
authors introduce a relatively novel approach to represent the properties of materials and structures in numerical
calculations, i.e. the theory of similitude. The approach is briefly described in the paper, and preliminary sample
applications are given. These show that it is possible to improve the numerical responses by using the proposed
approach, which can be very useful to deal with numerically challenging situations.

                                                                 vérifications d’usage qui nécessitent, entre autre,
1.   INTRODUCTION                                                l’évaluation de la convergence des solutions et du
                                                                 maintien de la stabilité des fonctions et conditions
Au cours des dernières années, divers outils et                  frontières imposées (Chapuis et al. 2001).
techniques sont apparus afin d’aider l’ingénieur à
solutionner les problèmes d’écoulement de l’eau en               En plusieurs situations, l’ingénieur est néanmoins
milieux partiellement saturés.          Les lois de              confronté aux limitations des méthodes de calcul
comportement se sont multipliées (e.g. Leong et                  utilisées. Ce genre de difficulté se rencontre par
Rahardjo, 1997; Delleur, 1999), et les méthodes                  exemple lorsque l’on tente de représenter des
numériques disponibles pour traiter ces problèmes sont           structures de grandes dimensions (une digue ou un
devenues plus puissantes, plus raffinées et surtout plus         empilement de stériles miniers par exemple), lorsque
accessibles grâce aux nombreux codes disponibles sur             l’on a besoin d’une description fine des propriétés des
le marché (e.g. Anderson et Woessner, 1992; Lehman               matériaux ayant des caractéristiques hydriques très
et Acker, 1998). Cet aspect est important car les                sensibles aux variations des conditions d’exposition (tel
problèmes d’écoulement non saturés se prêtent                    la courbe de rétention d’eau des sables et des graviers
généralement mal à des solutions analytiques, en                 qui chute rapidement avec une faible augmentation de
raison de la forte non linéarité des équations utilisées         la succion), lorsque les conditions limites imposées sont
pour représenter la réponse des sols (i.e. la courbe de          sévères (p.ex. des précipitations abondantes sur un sol
rétention d’eau et la fonction de perméabilité) et de la         grossier sec), ou encore lorsque des matériaux aux
géométrie souvent complexe des situations à simuler.             propriétés très différentes sont placés côte à côte
                                                                 (comme un silt ou une argile sur un sable dans les
L’utilisation correcte des outils disponibles requiert           couvertures multicouches). Il y a, en pratique, de
toutefois une bonne compréhension des phénomènes                 multiples situations où l’on peut pousser un code
physiques impliqués, et une connaissance minimale                numérique à la limite de ses capacités.
des méthodes utilisées pour représenter le milieu et
pour solutionner les problèmes, qui impliquent souvent           A cet égard, il n’est pas rare, lorsque confronté à de tels
des équations différentielles relativement complexes.            problèmes, d’observer des résultats aberrants comme
Afin d’assurer un minimum de fiabilité aux solutions             par exemple des bilans de masse non conservés, des
obtenues, il est notamment nécessaire d’effectuer des            iso-contours de teneur en eau montrant des oscillations
marquées, ou encore des fonctions hydriques (courbes          aiguë en français car il y a peu de documents qui
de rétention d’eau et fonction de perméabilité)               abordent cette question. Ce domaine n’ayant pas
résultantes qui ne correspondent pas aux courbes              encore atteint la maturité nécessaire à une certaine
introduites par l’utilisateur. Diverses méthodes peuvent      standardisation, les auteurs doivent donc émettre ici
être utilisées ou développées afin de contrer ce genre        une mise en garde quant à la terminologie utilisée et
de difficultés. On peut par exemple employer des              aux correspondances à établir avec les termes anglais.
algorithmes de solution plus robustes et aussi
représenter les lois de comportement d’une façon qui
permette un meilleur contrôle de la solution (e.g.            2.   THÉORIE DES SIMILITUDES
Bussière et al. 2000).
                                                              Déjà connue en hydraulique et dans quelques autres
Une approche alternative, ou complémentaire, est
                                                              domaines de l’ingénierie, la théorie des similitudes a été
actuellement étudiée par les auteurs afin de faciliter le
                                                              introduite dans l’analyse des écoulements en milieux
traitement numérique de problèmes complexes, et ce à
                                                              poreux par Miller et Miller (1956). Depuis lors, la
partir de méthodes de solution (codes numériques) déjà
                                                              théorie a évolué progressivement et elle a notamment
disponibles. Il s’agit de l’application de la théorie des
                                                              été appliquée à divers aspects reliés au comportement
similitudes pour résoudre les problèmes de
                                                              de l’eau dans les sols non saturés (e.g. Miller, 1980 ;
convergence (aussi appelée théorie des similarités).
                                                              Sposito et Jury, 1985; Hillel et Elrick, 1990; Sposito,
Les concepts à la base de cette théorie existent déjà
                                                              1998). En ce sens, diverses méthodes particulières ont
depuis plusieurs décennies (e.g. Bridgham, 1931; Kline
                                                              été développées pour traiter les problèmes en terme
1965). Cette théorie a surtout été utilisée en physique
                                                              d’échelle en similitude (ou échelle normalisée), incluant
des sols afin de faciliter l’interprétation d’essais sur
                                                              le principe de similarité microscopique du milieu et
modèles réduits en laboratoire (Corey et al. 1965), pour
                                                              diverses représentations empiriques élaborées afin
systématiser la représentation fonctionnelle des
                                                              d’introduire des facteurs d’échelle pour représenter les
propriétés hydriques (Klute et Wilkinson, 1958;
                                                              paramètres d’intérêt (e.g. Kline, 1965; Tillotsen et
Reichardt et al. 1975; Russo et Bresler, 1980) ou
                                                              Nielsen 1984).
encore pour aider à tenir compte de la variabilité des
propriétés des matériaux in situ (Warrick et al. 1977;
                                                              Les diverses méthodes proposées, qui ont chacune
Youngs et al. 1981).
                                                              leurs avantages et inconvénients respectifs, ont
                                                              néanmoins toutes un objectif commun, soit la réduction
Dans le contexte de l’étude préliminaire rapportée dans
                                                              des lois de comportement et des conditions limites
cet article, les auteurs utilisent cette approche afin de
                                                              (initiales et frontières) à des formes adimensionnelles
solutionner des problèmes traités numériquement par la
                                                              tout en minimisant le nombre de paramètres (variables
méthode des éléments finis, qui occasionnent des
                                                              et constantes) physiques requis pour l’application au
difficultés importantes au niveau de la convergence de
                                                              problème d’intérêt. Le postulat de départ de cette
la solution et de la stabilité de la réponse obtenue. À
                                                              approche veut que l’invariance des lois physiques
cet égard, il ne semble pas que la méthode ait été
                                                              constitutives (exprimées sous forme d’équations
utilisée pour ce genre d’application en ingénierie à ce
                                                              différentielles) soumises à des transformations en
jour (du moins à la connaissance des auteurs). Il
                                                              termes de dimensions géométriques ou de
n’existerait donc pas d’exemples de solution disponibles
                                                              caractéristiques physiques ou temporelles implique une
basés sur une telle approche. Le développement
                                                              invariance des conséquences de ces lois soumises aux
particulier de cette approche vise ici spécifiquement le
                                                              même transformations. On utilise alors des facteurs
problème des infiltrations et des écoulements non
                                                              d’échelle appliqués aux conditions géométriques, au
saturés dans les structures de grandes dimensions
                                                              temps et aux autres paramètres de comportement afin
comme les        haldes de roches stériles (matériaux
                                                              de réduire les équations qui gouvernent le phénomène
grossiers souvent semblables à des graviers). Dans ces
                                                              physique (avec ses conditions frontières) à une forme
haldes des zones de matériaux plus fins (sable ou silt)
                                                              adimensionnelle. Souvent, pour un problème donné, il
pourraient être intercalées afin de contrôler la
                                                              existe diverses combinaisons de facteurs d’échelle, et
distribution de l’humidité (et la génération du drainage
                                                              le choix de ceux-ci dépend des caractéristiques du
minier acide). Plus de détails sur les fondements et
                                                              problème et de la nature des réponses recherchées.
applications de l’approche se retrouvent dans Fala
(2001).
                                                              L’écriture des équations différentielles (qui décrivent la
                                                              plupart des problèmes en ingénierie) sous une forme
Il faut ici noter, avant de présenter la théorie de base et
                                                              adimensionnelle est avantageuse car elle permet la
de passer aux applications préliminaires, qu’il ne
                                                              généralisation des résultats et la classification de
semble pas encore exister de nomenclature
                                                              certains phénomènes et comportements en fonction de
systématique pour décrire les divers aspects et
                                                              paramètres particuliers.     Cela permet aussi, dans
techniques utilisées pour dériver les lois de similitude
                                                              plusieurs cas, de réduire le nombre de variables
entre deux systèmes régis par un même phénomène
                                                              indépendantes, ce qui peut donner naissance à des
physique, malgré certains efforts de rationalisation en
                                                              solutions analytiques particulières.
ce sens (e.g. Tillotsen et Nielsen, 1984). La difficulté
d’employer un vocabulaire adéquat est encore plus
Pour les besoins de cette présentation, nous allons           k0 : paramètre de la conductivité hydraulique
utiliser l’équation de Richards (1931), exprimée en deux      (usuellement égal à la conductivité maximale atteinte
dimensions. Celle-ci est d’abord écrite en fonction de la     dans le problème considéré) ;
succion (ψ) comme variable dépendante :                       M : dimension (la plus grande) suivant l’axe des x ;
                                                              N : dimension (la plus grande) suivant l’axe des y ;
                                                              H : paramètre de la charge (usuellement la valeur la
 ∂  ∂Ψ  ∂   ∂Ψ            ∂θ
    k   +     k  + 1  = −              (1)             plus élevée atteinte, en valeur absolue) ;
              
 ∂x  ∂x  ∂y   ∂y            ∂t
                                                            qxo : le débit spécifique (maximum atteint) suivant x ;
                                                              qyo : le débit spécifique (maximum atteint) suivant y ;
Pour     obtenir    les   paramètres      adimensionnels      t0 : paramètre de normalisation du temps (usuellement
correspondant à cette équation, on doit d’abord               la valeur maximale de t pour le problème considéré).
normaliser celle-ci. A cet égard, il faut choisir les
quantités de référence pour décrire l’échelle du              On obtient alors les équations adimensionnelles
problème. Chaque variable est ainsi divisée par une           suivantes :
quantité fixe, de même dimension, ce qui donne
naissance aux variables sans dimension qui, introduites       k 0 Ψ0 t 0 ∂  * ∂Ψ*  k 0 t 0 ∂   Ψ0 ∂Ψ*     ∂θ *
dans l’équation (1), permettent de dégager les                                k       +            k*          +1 = −
                                                              M 2θ 0 ∂x*         *   Nθ 0 *   N          *   
                                                                               ∂x           ∂y        ∂y        ∂t *
paramètres sans dimension qu’on retrouve dans
l’équation (4). La normalisation peut être simple (avec                                                                      (4)
un seul terme) ou multiple (avec plusieurs grandeurs).
Comme on peut choisir diverses quantités de référence,        k0 Ht0 ∂  ∂h *  k0 Ht0 ∂  ∂h *               ∂θ *
                                                                          k *      +             k *    =−               (5)
on peut donc dériver plusieurs séries de paramètres           M 2θ 0 ∂x *     ∂x *  N 2θ 0 ∂y *  ∂y *    ∂t *
sans dimension. Il y a néanmoins des critères à
respecter et l’expérience a montré que certaines façons
                                                                                  q 0t
                                                              q x0 t 0 ∂
                                                                         (q x *) + y 0 ∂ (q y *) = − ∂θ *
de faire sont plus avantageuses que d’autres. Par
exemple, on devrait tenter d’obtenir des variables                                                                           (6)
adimensionnelles dépendantes (comme la succion) qui           Mθ 0 ∂x *           Nθ 0 ∂y *          ∂t *
varient entre      0 et 1, alors que les variables
indépendantes sans dimension devraient varier dans un
intervalle de longueur unitaire (entre 0 et 1, 1 et 2, 2 et   Dans les 3 équations qui précèdent, les coefficients
3, etc…).                                                     affectés à chaque membre des équations et les
                                                              variables normalisées (avec *) sont sans dimension.
En plus de l’équation de Richards exprimée sous la            On peut alors définir une classe de problèmes, chacune
forme présentée ci-haut, il faut aussi utiliser sa            obéissant aux mêmes équations et ayant les mêmes
formulation exprimée en terme de charge h :                   conditions normalisées aux frontières. On peut ainsi
                                                              définir diverses situations (géométriques ou autres)
∂  ∂h  ∂  ∂h        ∂θ                                    pour un même système. Il suffit de conserver les
   k   +    k    =−                       (2)             mêmes valeurs des paramètres sans dimension lors du
∂x  ∂x  ∂y  ∂y    ∂t                                    passage d’une situation à l’autre.

Cette forme est utile pour représenter les conditions         De façon générale, pour une normalisation simple sur
frontières, qui sont souvent exprimées en terme de            des systèmes similaires, il est usuellement possible de
charges.       Alternativement, lorsque les conditions        remplacer les quantités de référence par des facteurs
frontières sont exprimées selon le taux de précipitation      d’échelle sans unités dont les valeurs sont simplement
(qui s’infiltre), on utilise plutôt la forme suivante         fixées pour des raisons pratiques. C’est ce que l’on a
exprimée en fonction des débits spécifiques :                 fait ici dans les applications présentées plus bas.

∂
   (q x ) + ∂ q y = − ∂θ
            ( )                               (3)
                                                              Les équations (4), (5) et (6) couvrent les deux
                                                              conditions frontières généralement utilisées (Dirichlet et
∂x          ∂y        ∂t
                                                              Neumann) ainsi que les régimes permanent et
                                                              transitoire pour un écoulement non saturé. En régime
Dans ces équations, k est la conductivité hydraulique, θ
                                                              permanent, on détermine les paramètres sans
représente la teneur en eau volumique, Ψ la succion, t        dimension en tenant compte du facteur d’échelle relié
le temps, h la charge, et qx et qy, les débits spécifiques    au temps. La solution ainsi obtenue peut servir d’état
(pour les axes cartésiens usuels). Les trois équations        initial pour la simulation du régime transitoire.
qui précèdent sont ici normalisées avec les quantités de
référence suivantes :                                         La validation de cette approche pour divers cas
Ψ0 : paramètre de référence de la succion, usuellement        d’analyses numériques est présentée par Fala (2001).
défini comme la succion maximale atteinte dans le             Nous allons ici présenter l’utilisation de cette approche
problème considéré (en valeur absolue) ;                      pour réduire les problèmes de convergence. Le cas
θ0 : paramètre de la teneur en eau (usuellement pris          étudié est celui d’un écoulement unidimensionnel en
comme la valeur maximale atteinte) ;                          condition permanente.
3.    APPLICATIONS

Afin d’illustrer l’application de cette approche, on
utilisera les fonctions hydriques présentées aux figures
1 et 2. Il s’agit respectivement des courbes de rétention
d’eau (CRE) d’un sable (SBL) et d’un gravier (GRV),
ainsi que des fonctions de perméabilité non saturée
correspondantes. Les courbes de rétention d’eau,
tirées de Bussière (1999), ont été obtenues suite à des
mesures de laboratoire et à un ajustement des résultats
à l’aide du modèle de van Genuchten (1980). Les
fonctions de perméabilité ont été déterminées à l’aide
de l’équation analytique approchée du modèle de
Mualem (1976) tel que développée par van Genuchten
(1980).

                                                                Figure 2. Fonctions de conductivité hydraulique des
                                                                 matériaux GRV et SBL (tirée de Bussière, 1999).

                                                              La figure 3 montre le profil de la teneur en eau, et la
                                                              figure 4 montre celui de la succion. On constate ici un
                                                              comportement incorrect dans le haut de la colonne,
                                                              avec une valeur de ψ et de θ qui ne sont pas conformes
                                                              aux attentes (ni à la réalité).        Ce comportement
                                                              aberrant est aussi visible sur la fonction de perméabilité
                                                              non saturée (non montrée ici) qui n’est pas identique à
                                                              la courbe imposée, en particulier dans la zone critique
                                                              du haut de la colonne. A noter que cette même
                                                              simulation sur une colonne d’une hauteur de 1,0 m
                                                              (plutôt que 1,5 m) n’a pas donné lieu à une telle
                                                              anomalie. Celle-ci peut être reliée à une combinaison
                                                              défavorable de taux de précipitation, de propriétés
                                                              hydriques, de densité de maillage et aux autres critères
Figure 1. Courbes de rétention d’eau du gravier GRV et
                                                              de convergence.
        du sable SBL (tiré de Bussière, 1999).
                                                              Le problème observé aux figures 3 et 4 est encore plus
L’analyse porte sur l’infiltration, en régime stationnaire,
                                                              apparent à la figure 5, pour la même situation mais
dans une colonne (cas unidimensionnel) contenant le
                                                              avec un taux de précipitation augmenté à 1x10-7 m/s.
sable ou le gravier. Les calculs sont réalisés avec le
                                                              Dans ce cas, on voit des zones discontinues qui
logiciel SEEP/W (Geoslope 1994), qui a été
                                                              semblent saturées, ce qui est peu réaliste en condition
fréquemment utilisé par les auteurs (e.g. Bussière
                                                              stationnaire. La figure 6 montre la fonction de
1999; Chapuis et al. 2001) au fil des ans.
                                                              perméabilité calculée correspondante, qui diverge
                                                              considérablement de la courbe introduite. Une
                                                              réduction de la précipitation à 1x10-9 m/s (non montrée
3.1    Situations problématiques typiques                     ici) fait disparaître ce comportement, qui devient alors
                                                              plus stable (comme dans la portion inférieure de la
Les premières simulations montrées représentent une           colonne montrée aux figures 3 et 4). On a aussi fait un
colonne de 1,5 m de hauteur, contenant le gravier GRV.        calcul avec le taux de 1x 10-7 m/s, mais pour une
Le taux de précipitation imposé est de 1 x 10-8 m/s. À        hauteur de 0,4 m (plutôt que 1,5 m) et le problème
la base de la colonne, une charge nulle est appliquée.        d’instabilité n’est pas apparu. À nouveau, il s’agit d’un
Pour la grille, on utilise 8 éléments par cm de hauteur.      problème tributaire d’une combinaison désavantageuse
Les critères de convergence sont fixés comme suit :           des conditions en terme de          dimension, taux de
tolérance (en %, variation maximale tolérée du vecteur        précipitation et propriétés des matériaux.
norme) 1x10-6; plage de variation maximale de la
conductivité hydraulique k de 30 (ce paramètre devrait
être supérieur ou égal au double de la plage de
variation - en ordre de grandeur - de la fonction de
conductivité hydraulique; e.g. Chapuis et al., 1998);
rapport de variation de k de 1,1; variation minimale de k
de 1x10-12.
Figure 3. Profil de teneur en eau dans le gravier GRV
 pour une hauteur de 1.5 m et un taux de précipitation         Figure 6. Comparaison des valeurs extraites de la
                      de 1x10-8 m/s.                           conductivité hydraulique avec celles introduites à
                                                                          SEEP/W, cas de la figure 5.

                                                            A la figure 8, on constate à nouveau que le problème
                                                            est relié à la mauvaise concordance de la fonction de
                                                            perméabilité.

                                                            A noter que dans toutes les simulations montrées ci-
                                                            haut, les courbes de rétention d’eau étaient bien
                                                            suivies lors des calculs (les valeurs        extraites
                                                            correspondaient bien aux CRE imposées), et le bilan de
                                                            masse était bien respecté.

 Figure 4. Profil de succion dans le gravier GRV pour
  une hauteur de 1,5 m et un taux de précipitation de
                      1x10-8 m/s.

                                                             Figure 7. Profil de teneur en eau dans le sable SBL,
                                                            pour une hauteur de 4 m et un taux de précipitation de
                                                                                   1x10-7 m/s

Figure 5. Profil de teneur en eau dans le gravier GRV,      Pour tenter de régler ce genre de problème avec
pour une hauteur de 1,5 m et un taux de précipitation       SEEP/W, on peut procéder de diverses façons,
                     de 1x10-7 m/s.                         notamment en modifiant la densité du maillage et en
                                                            réduisant le rapport de variation de k pour mieux
On a procédé à d’autres calculs avec le sable SBL, en       contrôler la convergence lors du processus itératif de
remplacement du gravier GRV. Dans ce cas, le                calcul. Malgré cela, il existe souvent des situations où
système s’est avéré plus stable. Il a fallu imposer une     l’on est confronté à des instabilités qui ne peuvent pas
hauteur de plus de 2,6 m pour que des problèmes             facilement être évitées.
d’instabilité apparaissent, tel que montré à la figure 7.
transformation permet d’améliorer considérablement la
                                                                stabilité des calculs.

Figure 8. Comparaison des valeurs extraites (k-ext) de
 la conductivité hydraulique avec celles introduites à
             SEEP/W, cas de la figure 7.                          Figure 9. Profil de teneur en eau dans le sable SBL.

3.2    Analyses sur modèles similaires

Afin d’illustrer comment le genre de problème montré
plus haut peut être solutionné en utilisant des modèles
similaires, on présente le cas d’une colonne de sable
SBL d’une hauteur de 8 m. Le taux de précipitation
imposé est de 1x10–6 m/s, avec un rapport de variation
de k de 1,004, et une densité de maillage de 30
éléments par mètre. La figure 9 montre le profil de la
teneur en eau obtenu. Dans ce cas-ci, la fonction de
perméabilité est assez bien respectée (non montrée)
mais il y a un problème pour suivre la courbe de
rétention d’eau, comme on peut le voir à la figure 10.

On reprend maintenant cette simulation en multipliant le
taux de précipitation par un facteur de 10 000 (il devient        Figure 10. Comparaison des valeurs extraites de la
1x 10-2m/s). La conductivité hydraulique k est aussi               teneur en eau volumique avec celles introduites à
multipliée par le même facteur (en fait, il faut multiplier                   SEEP/W, cas de la figure 9.
toutes les valeurs dans la fonction de conductivité
hydraulique du sable SBL par le facteur 10 000). La
simulation sur le cas de base (à l’échelle 1/1, ou              Un autre cas est montré pour illustrer les capacités de
prototype) et celle sur le modèle à une autre échelle           l’approche. À la figure 13, on peut voir le profil de
(prototype modifié) sont identiques et le passage de            teneur en eau d’une colonne de sable SBL ayant une
l’une à l’autre se fait par le biais des variables sans         hauteur de 35 m sur laquelle on applique une
dimension définies plus haut. Dans les équations 4 à 6,         précipitation de 10-7 m/s. Dans cette simulation, tous les
avec les facteurs d’échelle introduits, les paramètres          ajustements nécessaires au niveau des critères de
adimensionnels prennent une valeur de 1 pour le                 convergence et de la densité du maillage ont été
prototype (i.e. conditions réelles). Afin que le système        effectués, et le profil de la figure 13 correspond au
soit le même avec le prototype modifié (le modèle en            meilleur résultat que l’on puisse obtenir par les
similitude), on a dû multiplier k par 104 et diviser t par le   méthodes conventionnelles. Dans ce cas, la fonction de
même facteur dans les équations 4 et 5. Il a de plus            perméabilité correspondante (non montrée ici) ne
été nécessaire de multiplier le taux de précipitation (ou       coïncide pas exactement avec celle imposée. On
de débit spécifique) par 104 dans l’équation 6. Le profil       construit maintenant un modèle en multipliant la
de teneur en eau est alors le même pour le modèle et le         conductivité hydraulique par un facteur de 107 tout
prototype (les facteurs correspondant sont égaux à 1            comme le taux de précipitation (le temps est divisé par
dans le prototype et le modèle). En régime permanent,           107). Les résultats correspondants sont montrés à la
seuls la conductivité hydraulique et les débits                 figure 14. On constate une très nette amélioration de la
spécifiques sont divisés par 10 000, pour passer du             stabilité de la réponse dans le modèle en similitude
modèle au prototype; en régime transitoire, le temps            (prototype modifié) par rapport à la simulation sur le cas
devrait être multiplié par 10 000 pour passer de l’un à         de base.
l’autre. Les figures 11 et 12 montrent que la
fondamentalement identiques, malgré des géométries
                                                           et/ou des caractéristiques de matériaux différentes. Les
                                                           propriétés des matériaux et les conditions limites sont
                                                           alors modifiées selon les lois de similitudes entre deux
                                                           systèmes régis par un même phénomène physique.
                                                           On peut ainsi, lors de simulations par éléments finis
                                                           (avec méthodes conventionnelles) obtenir une meilleure
                                                           stabilité et convergence des solutions, et ce même pour
                                                           des conditions difficiles à traiter numériquement.
                                                           L’approche proposée est décrite sommairement, et son
                                                           application est illustrée avec le cas relativement simple
                                                           de l’écoulement dans une colonne pour diverses
                                                           conditions limites.

 Figure 11. Profil de teneur en eau dans le sable SBL,
               avec le modèle similaire

                                                            Figure 13. Profil de teneur en eau dans le sable SBL.

     Figure 12. Comparaison des valeurs extraites de la
      teneur en eau volumique avec celles introduites à
                SEEP/W, cas de la figure 11.

On constate donc à partir de ces quelques exemples
simples que l’approche en similitude permet d’améliorer
la réponse des modèles numériques et ce, avec un
effort réduit. Les auteurs utilisent actuellement cette
approche pour représenter le comportement non saturé
de structures ayant de grandes dimensions, notamment
pour l’analyse des haldes à stériles où le matériau est
potentiellement générateur d’acide (Fala, 2001). On         Figure 14. Profil de teneur en eau dans le sable SBL,
peut ainsi analyser plus efficacement divers scénarios                     sur le modèle similaire.
d’entreposage, et rechercher des moyens pour
optimiser la gestion de tels rejets miniers.
                                                           5.   REMERCIEMENTS

4.     CONCLUSIONS                                         Les auteurs tiennent à remercier le CRSNG pour la
                                                           contribution financière à ces travaux.
Dans cet article, les auteurs montrent comment il est
possible de solutionner une partie des difficultés
numériques rencontrées dans certains cas particuliers
lors de la modélisation des écoulements non saturés en     6.   RÉFÉRENCES
utilisant des modèles similaires au sens de la théorie
des similitudes. Cette approche, relativement nouvelle     Anderson, M.P., Woessner, W.W. 1992, Applied
et originale pour ce type d’application, permet de faire   groundwater modeling. Academic Press. San Diego.
diverses       simulations      simultanées,       mais
Bussière, B. 1999. Étude du comportement hydrique de         Lehmann, F., PH. Ackerer 1998           Comparison of
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