MONDE - Scénario macro-économique 2018-2019 - La date de péremption n'approche pas dangereusement

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Trimestriel – N°18/149 – 10 juillet 2018

     MONDE – Scénario macro-économique 2018-2019
     La date de péremption n’approche pas dangereusement

          Malgré le resserrement des conditions financières américaines et une possible exacerbation des tensions
          commerciales, le retournement du cycle n’est pas imminent. Mais la belle accélération synchrone est
          désormais bien dépassée. La croissance est encore insolente aux États-Unis, vigoureuse en zone euro
          après un essoufflement temporaire, destinée à se replier dans la mosaïque émergente. Les pays émergents
          sont les premières victimes de la combinaison « appréciation du dollar, montée des taux américains et
          intensification des craintes liées au protectionnisme ».

                                                                                                        Sommaire
           Zoom vidéo           Les menaces américaines              Pays développés – Encore du ressort .......................................3
                              Malgré le resserrement moné-          Pays émergents – Léger recul de la croissance, intensification
                               taire américain et les menaces        des risques ............................................................................. 11
                               d’escalade protectionniste, la        Pétrole – L’Arabie saoudite garante de l’équilibre pétrolier ...... 16
                               croissance américaine est inso-       Politique monétaire – Resserrements divers ........................... 17
                               lente et la zone euro résiste bien.
                                                                     Taux d’intérêt – Remontée très douce .................................... 20
                               Jusqu’en 2020…
                                                                     Taux de change – L’appétit pour le dollar ............................... 22
                                                                     Prévisions économiques et financières ................................... 24

         Les États-Unis continuent d’afficher une santé               octobre 2009…) soit inférieur à son niveau
         économique insolente. Une croissance dont le                 « d’équilibre » (selon la Federal Reserve, avec un
         rythme ne s’infléchit pas, tirée par la consommation         taux de chômage à 4,5%, l’économie est au plein
         des ménages et par la reprise de l’investissement,           emploi), l’inflation se redresse lentement. Mais son
         mais aussi « sur-stimulée » par un plan budgétaire           accélération pointe. De plus, la Federal Reserve
         aussi substantiel qu’inopportun. Aussi mûr soit-il, le       veille et cherchera évidemment à promouvoir un
         cycle, dopé par des économies d’impôts interve-              ralentissement ordonné. Le cycle américain se
         nues alors que l’économie fonctionnait déjà à pleine         révèle d’une longévité impressionnante. Le cycle
         capacité, voit son pic différé. Et les déséquilibres qui     actuel comptabilise déjà 107 mois de croissance
         en annoncent généralement la fin ne sont pas                 ininterrompus à rapprocher des records de 106 et
         encore exacerbés. Bien que la croissance excède              119 mois enregistrés – respectivement – au tout
         son rythme potentiel (1,8-2%) et que le taux de              début des années 60 puis 90. Si la croissance se
         chômage (3,8% à rapprocher d’un pic à 10% en                 maintient jusqu’en juin 2019, le cycle d’expansion

Études Économiques Groupe
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Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
La date de péremption n’approche pas dangereusement

    actuel, en place depuis juin 2009, se révélera alors       Ainsi, après 2,6% en 2017, notre scénario révise
    le plus long jamais enregistré.                            la croissance de la zone euro légèrement à la
                                                               baisse (2,2% en 2018, puis 2% en 2019) pour
    Mais ce cycle va se heurter au durcissement des            incorporer l’à-coup du premier trimestre et un
    conditions financières. Il va être confronté aux           environnement plus risqué sans inscrire un
    resserrements monétaires réguliers qui devraient           retournement du cycle européen.
    conduire le taux des Fed Funds au-dessus de son
    niveau « naturel » (2,9%) fin 2019. Une politique          L’Europe n’est encore pas réellement affectée par
    monétaire restrictive, puis une courbe des taux            les troubles américains qui se manifestent, pour
    d’intérêt plate : un symptôme censé nous signaler          l’instant encore, sous une forme financière. En
    que la récession est un risque substantiel. La             revanche, le cocktail « appréciation du dollar,
    croissance s’infléchira, en outre, mécanique-              montée des taux américains et intensification
    ment lorsque le stimulus fiscal va s’évaporer La           des craintes liées au protectionnisme » a renfor-
    contribution à la croissance des « lois » budgétaires      cé les pressions financières sur la sphère
    estimée à 0,8 et 0,6 point de pourcentage en 2018          émergente.
    et 2019, respectivement, devrait être quasiment
    nulle en 2020. Après avoir atteint 3% en 2018 et           Au sein de la mosaïque émergente, la plupart des
    2,9% en 2019, le taux de croissance repasserait            devises ont reculé, les taux d’intérêt ont connu des
    sous son rythme potentiel en 2020.                         pressions haussières et les spreads de crédit se
                                                               sont écartés. Et même si la croissance a géné-
    2020 : année au cours de laquelle intervient le            ralement fait preuve d’une bonne résistance dans la
    retournement cyclique, année au cours de                   plupart des pays émergents et joué un rôle
    laquelle une récession américaine ne peut être             d’amortisseur face aux pressions issues des mar-
    exclue.                                                    chés, elle est globalement en légère perte de vites-
                                                               se. Nous tablons sur un ralentissement très graduel,
    En zone euro, le ralentissement du premier                 de 4,6% en 2018 et 4,5% en 2019.
    trimestre a suscité de nombreuses questions
    auxquelles des réponses exagérément pessi-                 Maintien d’une croissance très soutenue en 2018 et
    mistes, voire alarmistes, ont été fréquemment              2019 aux États-Unis, léger essoufflement en zone
    apportées. Expliqué par des exportations moins             euro, ralentissement modéré dans l’univers émer-
    dynamiques, cet à-coup ne signale pas la fin               gents : une « histoire » encore sereine, bien
    prématurée du cycle de croissance. Ce dernier ne           qu’entourée de risques substantiels, qui suppo-
    bute pas sur des contraintes d’offre rédhibitoires,        se que le prix du pétrole reste élevé et volatil,
    notamment en termes de travail. Ce ne sont pas les         mais ne se redresse pas violemment si l’Arabie
    tensions sur la main-d’œuvre qui risquent de faire         saoudite se montre garante de l’équilibre
    dérailler la croissance. Cette dernière s’assagit et       pétrolier. Un scénario qui repose également sur
    se voit menacée par des facteurs extérieurs : plus         une remontée lente et ordonnée des taux
    que le resserrement monétaire américain, c’est bien        d’intérêt.
    le risque d’escalade dans la guerre commerciale
    qu’il convient de craindre. Compte tenu des repré-         Déterminée, la Fed poursuit son resserrement
    sailles probables (mais supposées modérées, par            monétaire en vue de promouvoir un atterrissage en
    nécessité, compte tenu des pertes qu’elles occa-           douceur et reconstitue ses marges de manœuvre.
    sionneraient pour les belligérants hors États-Unis),       La BCE s’engage dans la voie d’une politique
    il serait exagérément ambitieux de chiffrer le coût        lentement, très lentement, moins souple. À l’aune
    potentiel d’une guerre dont on ne connaît pas les          de la vigueur de la croissance, les taux longs
    contours. Une guerre commerciale pénaliserait              américains sont faibles. Mais de puissantes forces
    évidemment la croissance. Cependant, avant                 de rappel préviennent actuellement une correction
    même que l’escalade n’intervienne, ce sont les             violente. Un constat de même nature convient à la
    dommages sur la confiance pouvant altérer les              zone euro. Les taux d’intérêt core ne peuvent que
    décisions d’investissement qu’il y a dès à présent         se redresser très lentement.
    lieu de redouter.

                                               N°18/149 – 10 juillet 2018                               2
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
  La date de péremption n’approche pas dangereusement

                           Pays développés – Encore du ressort
                           Les États-Unis affichent une santé insolente. Si un retournement cyclique violent ne peut être exclu,
                           il ne constitue pas une menace imminente. En dépit de l’accumulation de risques extérieurs, le
                           retournement du cycle européen ne se profile pas encore et le Japon poursuit sa lente reprise.

                                                              États-Unis : aidée par le stimulus budgétaire financé par le
           Etats-Unis : marché du travail                     déficit, la croissance reste forte à court terme
350                                                     5,5
       cvs, '000                              cvs, %
                                                              La croissance demeurera supérieure au potentiel en 2018 et 2019.
300
                                                        5,0   La solidité du marché du travail soutient la confiance des ménages
250                                                           et la consommation. À 3,8% et se dirigeant vers 3,5%, le taux de
200                                                     4,5   chômage est inférieur de 1 point de pourcentage au taux de chômage
                                                              naturel estimé par la Fed. Alors que la croissance du salaire horaire
150                                                     4,0   moyen a été relativement faible, à moins de 3% en glissement annuel,
100                                                           une accélération graduelle des salaires se profile sous l'effet de la
                                                        3,5   poursuite du resserrement du marché du travail. Le nombre d'offres
 50
                                                              d'emplois dépasse, en effet, actuellement le nombre de chômeurs. La
  0                                                     3,0   situation financière des ménages est confortable, avec un service de la
      2015            2016                2017                dette faible (quoiqu'en hausse). Le patrimoine net agrégé des ménages
             Évolution de l’emploi total non agricole
                                                              a continué de progresser rapidement : il entretient un effet de richesse
             Taux de chômage (dr.)
 Sources : BLS, Haver, CA CIB                                 positif qui soutient les dépenses. Simultanément, la tendance baissière
                                                              du taux d'épargne se poursuit.

                                                              Stimulé par une croissance domestique solide et les attitudes pro-
                   Etats-Unis : inflation                     business en cours à Washington (moins de contraintes réglementaires
2,5
      a/a, %                                                  pour les entreprises, moins d'impôts, incitations à l'investissement),
                                                              l'investissement des entreprises reste vigoureux : c’est précisé-
2,0                                                           ment sa vigueur qui introduit un risque haussier sur notre
                                                              scénario. Les mesures protectionnistes soulèvent en revanche des
1,5                                                           inquiétudes. S'ils anticipent une montée des difficultés pour maintenir
                                                              ou faire progresser leurs ventes à l'étranger, les industriels pourraient
1,0                                                           hésiter avant d’accroître leur capacité de production domestique,
                                                              malgré les avantages fiscaux et le faible coût du capital.
0,5
                                                              Outre leur impact incertain sur le comportement d’investissement
0,0                                                           des entreprises exportatrices, les mesures protectionnistes
   13 T1        15 T1        17 T1        19 T1               augmentent les risques d’un choc négatif lié aux échanges
                                Inflation PCE                 commerciaux. Une guerre commerciale à grande échelle aurait, en
 Source : CA CIB                Inflation PCE s/s-jacente     effet, probablement des effets positifs de courte durée sur la production
                                                              et les ventes domestiques aux États-Unis. Mais les hausses de droits
                                                              de douane adoptées en représailles auraient pour effet d’abaisser la
                    Etats-Unis : croissance                   croissance mondiale à moyen terme par le biais de la hausse du prix
                   liée aux lois budgétaires                  des importations et de l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. Sans
3,5%                                                          même envisager de guerre commerciale de grande ampleur, la
3,0%                0,2%                   0,0%               dégradation des exportations nettes en volume pèsera sur la
2,5%
                    0,3%    0,8%           0,3%               croissance réelle en 2018 et 2019. Si le dollar s’est récemment
                    0,3%        0,6%       0,3%               apprécié (en termes effectifs nominaux), il reste inférieur à ses niveaux
2,0%                                                          de début 2017 et contribue à la compétitivité des exportations
1,5%                                                          américaines. En revanche, dynamisme de la consommation et
                    2,2%                   2,2%               augmentation des dépenses d’investissement des entreprises sont
1,0%
                                                              générateurs d’importations élevées : la contribution nette des échanges
0,5%                                                          à la croissance sera négative.
0,0%
                 2018                     2019                Le stimulus budgétaire financé par le déficit (baisse des impôts et
   Autres textes                 Dépenses                     augmentation des dépenses) n’arrive pas au meilleur moment du
   Loi fiscale                   Croissance avt lois budg.    cycle économique actuel. Il donne un coup de pouce à la croissance
 Sources : CFRB, CBO                                          à court terme, mais le Congressional Budget Office (CBO) estime son
                                                              impact cumulé sur dix ans (totalité de l’horizon budgétaire) à seulement

                                                              N°18/149 – 10 juillet 2018                                3
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
 La date de péremption n’approche pas dangereusement

                                                          0,7% de PIB supplémentaire. Les baisses d’impôts et les autres
                                                          mesures de la réforme fiscale de Donald Trump adoptée fin 2017 (Tax
                                                          Cuts and Job Act ou TCJA) devraient se traduire par un surcroît de
                                                          croissance de 0,3 à 0,5 point de pourcentage en 2018 et 2019. De plus,
                                                          le Bipartisan Budget Act (l’équivalent de la loi de finances) de 2018 a
                                                          relevé le plafond de dépenses du gouvernement d’environ 300 milliards
           Etats-Unis : confiance des cvs,                de dollars, ce qui pourrait ajouter 0,3 point de croissance supplé-
  cvs,      entreprises & dépenses annualisé,             mentaire en 2018 et en 2019, selon les estimations du CBO. La
1986=100        d'investissement       %
108                                               1,5     politique budgétaire des républicains suggère des déficits supérieurs à
106                                                       1 000 milliards de dollars pour les années fiscales 2019 et 2020. Le
104                                               1,0     financement pourrait exercer des pressions haussières sur les taux
102                                                       d’intérêt et se traduire, in fine, par un effet d’éviction pénalisant
100                                               0,5
 98                                                       l’investissement privé.
 96                                               0,0
 94                                                       Le maintien de la croissance au-dessus de son niveau potentiel
 92                                               -0,5
 90                                                       (1,9%) continue de faire reculer les ressources inemployées et
 88                                               -1,0    entraîne le taux de chômage bien en dessous de son niveau
   2013    2014     2015   2016    2017    2018           naturel. Ceci devrait susciter une accélération graduelle de la
                     Contrib. investissement privé non    croissance des salaires, puis des pressions haussières sur les prix.
Sources: NFIB,       résidentiel à la croissance (dr.)    L’inflation PCE1 sous-jacente (1,9% sur un an en mai) se situe juste
BEA, Haver           Indice NFIB de confiance des PME     sous l’objectif de 2% de la Fed et devrait progressivement remonter
                                                          légèrement au-dessus de ce seuil. À cet égard, l’impact des droits de
                                                          douane sur le prix des importations américaines reste une grande
                                                          inconnue. Mais la guerre commerciale, tout comme les perturbations
                                                          des chaînes d’approvisionnement, constitue un facteur d’augmentation
                                                          des prix et d’érosion du pouvoir d’achat du consommateur final.

                                                          Politique commerciale et autres mesures économiques seront
                                                          annoncées à l’approche des élections de mi-mandat de novembre. Le
                                                          parti du président en exercice perd habituellement des sièges lors
                                                          des élections de mi-mandat. Un gain net de vingt-trois sièges pour
                                                          les démocrates leur donnerait la majorité à la Chambre des
                                                          représentants et limiterait le programme législatif du président Trump.

                  Focus – Toute bonne chose a une fin : scénario alternatif expansion-récession
                    Si la croissance se maintient au-delà de juin 2019, le cycle d’expansion actuel sera alors le plus long jamais
                    enregistré. On dit cependant que les cycles économiques « font rarement de vieux os ». Les cycles
                    d’expansion se terminent généralement parce que la Fed durcit sa politique en relevant les taux directeurs
                    pour ralentir la croissance ou faire baisser l’inflation ou parce que l’économie subit un choc (prix du pétrole,
                    guerre, etc.). Or, plusieurs trajectoires sont actuellement susceptibles de mener à une récession aux
                    États-Unis en 2020 : l’épuisement du stimulus budgétaire, la tournure restrictive de la politique
                    monétaire, le risque d’inversion de la courbe des taux et les tensions internationales complexifiant la
                    tâche de la Fed. Nous assignons une probabilité subjective de 40% à un tel scénario, contre 60% au
                    scénario de ralentissement de fin de cycle qui constitue notre scénario central.
                    Comme l’indique le graphique ci-dessous, l’impact du stimulus fiscal généré par les baisses d’impôts et les
                    hausses de dépenses se concentre sur les premières années. Avec la dissipation du stimulus, une croissance
                    inférieure au potentiel est ensuite attendue (en 2020 et dans les années qui suivent). Un scénario alternatif
                    de type expansion-récession, financé par le déficit, constitue un réel risque. Or, bien que 2020 soit une année
                    électorale, il serait difficile d’atténuer le ralentissement avec davantage de soutien budgétaire : la perspective
                    d’une augmentation du déficit fédéral vers les mille milliards de dollars exercera une force de rappel.

                                                          1
                                                              Indice de prix des dépenses de consommation personnelle (Personal Consumption
                                                              Expenditure).

                                                         N°18/149 – 10 juillet 2018                                        4
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
     La date de péremption n’approche pas dangereusement

                      Le FOMC aura pour difficile tâche de promouvoir un                a/a, %,
                      atterrissage en douceur, en orientant graduellement la cvs, base Etats-Unis : l’effet positif des
                                                                                         2009
                                                                                                 premières mesures de soutien
                      politique accommodante actuelle vers une politique
                                                                                                    budgétaire va s’estomper
                      légèrement restrictive d’ici la fin de l’année prochaine. Un 3,0
                      atterrissage en douceur suppose habituellement une
                      hausse du taux de chômage. Celle-ci n’a pas besoin 2,5
                      d’être considérable. Ainsi, comme le rappelle l’ancien 2,0
                      président de la Fed de New York, William Dudley :
                      « historiquement, l’économie est toujours tombée en 1,5
                      pleine récession dès que le taux de chômage a
                      augmenté de plus de 0,3 ou 0,4 point de pourcentage ». 1,0
                      De plus, les membres de la Fed seront confrontés au
                                                                                       0,5
                      risque de voir les hausses de taux projetées conduire à                16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28
                      une inversion de la courbe des taux. Certes, la faiblesse                        Prévisions de croissance (CBO)
                      de la prime de terme, la faiblesse des taux souverains et                        Croissance potentielle (CBO)
                      les pressions haussières sur les taux courts américains           Sources : CBO, Haver
                      (liées à une augmentation des émissions du Trésor afin
                      de financer un déficit en forte hausse) sont désormais autant de                    Le protectionnisme est
                      raisons de croire que « cette fois, c’est différent ». Il est cependant                 un jeu dangereux
                      difficile d’ignorer la régularité historique avec laquelle une courbe                       Importations
                      des taux inversée a précédé une récession.                                    Pays         depuis début      % du total
                                                                                                               2018 (Mds USD)
                      Enfin, la montée des tensions internationales, provoquées par les           Chine              161             20%
                      mesures de l’administration Trump sur les droits de douane et
                                                                                                  Mexique            110             14%
                      autres, pourrait exacerber la situation. Elle risque d’aggraver
                                                                                                  Canada             104             13%
                      l’inflation, rendant plus difficile la tâche de la Fed tout en pesant sur
                      la croissance. Profitons donc des bons moments tant qu’ils durent ;         Japon               47             6%
                      on ne peut guère espérer mieux.                                             Source : Census department données 2018

                                                              Zone euro : ce ne sont pas les tensions sur la main-
                                                              d’œuvre qui feront dérailler la croissance
                                                              L’économie de la zone euro a connu un ralentissement au premier
                                                              trimestre 2018, après une nette accélération depuis l’été 2017. Il y a
                                                              encore quelques mois, notre scénario était caractérisé par un risque
               Zone euro : la croissance                      haussier et une révision à la hausse des anticipations sur fond de
               signalée par les enquêtes                      surprises positives en provenance de la sphère réelle. Les questions
60                                                            sont aujourd’hui multiples : ce ralentissement est-il temporaire ou plutôt
      indice
                                                              annonciateur d’une fin de cycle ? L’économie de la zone bute-t-elle déjà
                                                              sur des contraintes de production ? Ce ralentissement est-il généralisé
55                                                            et annonciateur d’un retournement du cycle mondial ? Notre scénario
                                                              de croissance de 2,2% en 2018, puis 2% en 2019 (après 2,6% en
                                                              2017) répond à ces questions : il révise la croissance légèrement
50
                                                              à la baisse pour incorporer l’à-coup du premier trimestre et un
                                                              environnement plus risqué, sans inscrire un retournement du
                                                              cycle européen.
45
  2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
      PMI Composite          > potentiel                      Un scénario d’infléchissement léger de la croissance sans
      > potentiel, < scénario       > scénario                retournement du cycle suppose de cerner les raisons du coup de frein
Sources : Markit, AMECO, Crédit Agricole S.A.                 et de s’interroger sur les déterminants de l’accélération de fin 2017.
                                                              Celle-ci est entièrement due à la dynamique particulièrement soutenue
                                                              des exportations ; a contrario, le ralentissement de la croissance au
                                                              premier trimestre est principalement dû à une chute des exportations.
                                                              La vigueur de la demande adressée à la zone euro fin 2017 était
                                                              justifiée par celle du cycle mondial de biens d’investissement. Les
                                                              enquêtes suggéraient alors un taux de croissance du PIB de 3%. Or,
                                                              non seulement la croissance du PIB fin 2017 s’est révélée plus modeste
                                                              (à 2,8% en rythme annuel au quatrième trimestre 2017), mais surtout

                                                             N°18/149 – 10 juillet 2018                                         5
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
      La date de péremption n’approche pas dangereusement

                                                                son rythme s’est infléchi au premier trimestre (2,5%). La production
                                                                industrielle a fléchi sur fond de déstockage, lorsque le processus de
                                                                reconstitution des stocks qui avait commencé à se mettre en place s’est
                                                                rapidement révélé excessif. Les enquêtes se sont repliées pour
                                                                s’ajuster à un rythme plus modéré d’évolution de l’activité. D’autres
                                                                facteurs temporaires ont perturbé l’activité au premier trimestre (grèves,
                                                                météo et calendrier des vacances en Allemagne, réforme fiscale en
                                                                France). Mais, après cinq mois de dégradation, alors que le cycle
                                                                mondial semble se redresser et qu’une croissance soutenue est
                 UEM : stock de capital                         attendue aux États-Unis, le climat des affaires se stabilise au mois de
200
        Indice                                                  juin dans la zone euro. Le niveau des enquêtes reste cohérent avec
      2000=100                                                  une croissance supérieure au potentiel, voire supérieure à notre
150                                                             prévision de croissance en moyenne annuelle pour 2018 (2,2%).
                                                                Cependant, l’ajustement à la baisse des stocks pèsera encore sur
                                                                l’activité au deuxième trimestre dans la zone euro et la propagation de
100                                                             l’amélioration du cycle mondial ne se manifestera que modérément
                                                                dans les chiffres.
50
                                                                Au-delà du dynamisme retrouvé du cycle mondial au deuxième
                                                                trimestre, pourquoi cet à-coup nous semble-t-il temporaire ?
 0                                                              Signale-t-il le ralentissement d’une économie qui buterait sur des
   1995       2000       2005         2010      2015            contraintes physiques et, notamment, sur la disponibilité de main-
      Zone euro         Allemagne          France      Italie   d’œuvre ?
 Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
                                                                Les données d’enquête ont récemment fait état, d’une part, d’une
                                                                remontée importante du taux d’utilisation des capacités dans la zone
                                                                euro, qui retrouve le niveau des pics des cycles précédents et, d’autre
                                                                part, d’un nombre croissant d’entreprises dont la production est
                                                                contrainte par les équipements. La faiblesse de l’investissement au
                                                                cours de la récente phase de reprise a, en effet, produit une rupture
                                                                dans la croissance du stock de capital dans les pays de la zone à
                                                                l’exception de l’Allemagne. L’investissement est désormais reparti ; un
         UEM : nombre d'heures travaillées
 6                                                              nombre croissant d’entreprises affirment réviser à la hausse leurs plans
                                                                d’investissement et vouloir investir pour étendre les capacités de
 4
                                                                production. Le délai moyen d’ajustement du stock de capital est
 2                                                              cependant très long (de quatre à cinq ans). Lors d’une reprise de
 0
                                                                l’activité, les délais élevés entre la commande et la mise en place de
                                                                nouveaux équipements peuvent ainsi conduire à une forte inertie des
-2                                                              capacités de production. À court terme, les capacités de production
-4                                                              sont moins rigides qu'un raisonnement mené exclusivement en termes
                                                                de stock ne le suggère. La complémentarité (même imparfaite) entre le
-6                                                              capital et le travail vient, en effet, réduire cette contrainte à court terme,
      %, t/t-4
-8                                                              en mobilisant plus les travailleurs en poste et en augmentant les heures
  T1 00 T1 03 T1 06 T1 09 T1 12              T1 15 T1 18        travaillées.
       Zone euro             Allemagne          Espagne
       France                Italie
 Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.
                                                                Or, l’évolution des heures travaillées, encore très modérée par rapport
                                                                aux pics d’activité passés, ne signale pas une très forte mobilisation de
                                                                l’emploi pour réduire ces tensions. Elle conduit aussi à relativiser la
                                                                remontée du nombre d’emplois vacants et les enquêtes sur les goulets
                                                                de production qui signalent des contraintes croissantes sur le facteur
                                                                travail. Si le manque de main-d’œuvre est de plus en plus ressenti dans
                                                                certains pays (Allemagne, Pays-Bas et dans une moindre mesure en
                                                                France), globalement (à l’exception probable de l’Allemagne) il s’agit
                                                                d’un phénomène frictionnel (lié à un problème temporaire d’appa-
                                                                riement) et non caractéristique d’un point haut du cycle. En effet, les
                                                                capacités excédentaires sur le marché du travail restent im-
                                                                portantes et l’offre de travail restera soutenue notamment grâce à
                                                                la remontée de la population active déjà observée à ce jour (le taux
                                                                d’activité augmente quand le chômage diminue).

                                                                N°18/149 – 10 juillet 2018                                    6
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
     La date de péremption n’approche pas dangereusement

                                                                 Le desserrement de ces contraintes est donc possible et le point où la
                                                                 concurrence accrue sur des ressources raréfiées en élève les prix est
                                                                 encore loin. Les ressources physiques et financières sont loin d’être
                                                                 rares et de générer des phénomènes d’éviction ou une nette
                                                                 déformation du partage de la valeur qui marquent la fin du processus
                                                                 d’accumulation.
          Facteurs contraignant la production
            manufacturière : main d'oeuvre                       Au-delà du trou d’air du premier trimestre et alors qu’il ne bute pas
30                                                               encore sur des contraintes d’offre, le cycle de la zone euro a donc
           %
25    entreprises                                                encore quelques beaux jours devant lui. Il peut s’appuyer sur une
                                                                 demande intérieure solide. La consommation privée profitera encore de
20
                                                                 créations d’emplois, d’une reprise des salaires modeste mais
15                                                               inévitable, de conditions de financement favorables et d’une inflation
10                                                               modérée. La remontée des prix du pétrole jouera négativement sur le
                                                                 pouvoir d’achat jusqu’à la fin de l’année. Les pays de la périphérie ont
5
                                                                 moins de marges de manœuvre pour amortir cette baisse du pouvoir
0                                                                d’achat par une réduction du taux d’épargne. Mais ils sont aussi ceux
-5                                                               dans lesquels une énergie chère s’ajoute à une inflation sous-jacente
     00     02      04    06   08   10   12    14   16   18      encore très modérée. Le cycle d’investissement restera soutenu par
          Zone euro        Allemagne           France            une profitabilité en voie d’amélioration, des conditions financières
Sources : Commission européenne, Crédit Agricole S.A.            encore très accommodantes, une moindre prudence bilancielle, une
                                                                 demande soutenue et par un taux d’utilisation des équipements en
                                                                 hausse.

                                                                 Les menaces qui planent sur la zone euro trouvent donc leur
                                                                 origine à l’extérieur. La croissance s’appuie peu sur la contribution
                                                                 des échanges extérieurs, mais un choc important sur la croissance
                                                                 américaine ou sur le commerce mondial pourrait amputer la
                                                                 contribution positive de la demande intérieure. Ces chocs pourraient
                                                                 avoir des conséquences réelles transitant par le canal des échanges
                                                                 extérieurs. Cependant, aujourd’hui, ce sont les dommages sur la
                                                                 confiance pouvant altérer les décisions d’investissement qu’il y a
                                                                 surtout lieu de redouter.

                         Focus – Réforme de la zone euro : la grande frustration
                          La plupart des observateurs ne croyaient plus que soient encore possibles des avancées dans la réforme de
                          la gouvernance européenne. Ils pensaient que, finalement, Emmanuel Macron avait capitulé devant ce qu’il
                          avait appelé la « génération de somnambules ». Et pourtant, le dernier sommet franco-allemand nous a
                          renvoyé une volonté bien plus concrète et ambitieuse des deux pays, notamment en matière d’Union
                          économique et monétaire.
                          Car les deux pays se sont accordés sur la proposition d’un budget de la zone euro, opérationnel dès 2021, et
                          visant à promouvoir la compétitivité, la convergence et la stabilisation macro-économique. Ce budget financerait
                          l’investissement en innovation et capital humain. Il soutiendrait aussi les réformes structurelles, selon la
                          proposition récente de la Commission européenne. Enfin, la fonction de stabilisation macro-économique pour
                          les pays touchés par un choc pourrait se traduire soit par une suspension temporaire de la contribution au
                          budget de la zone euro, soit par un fonds européen de réassurance chômage. Le budget serait financé par une
                          taxe sur les transactions financières sur le modèle français, par la taxation de l’économie numérique et par une
                          part des recettes de l’assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés, concernant les grands groupes
                          exerçant des activités transfrontalières.
                          S’agissant du Mécanisme européen de stabilité, la France obtient en principe l’acceptation de l’Allemagne à son
                          inscription dans le droit de l’UE et un filet de sécurité commun pour le Fonds de résolution unique. Elle doit, en
                          revanche, concéder un rôle accru du MES dans la conception et le suivi des programmes dans le cadre d’un
                          compromis avec la Commission européenne, qui jusqu’ici en avait la prérogative. Elle accepte aussi une
                          conditionnalité (ex-ante) plus forte pour la ligne de crédit de précaution.
                          Mais France et Allemagne ne font pas l’Europe à elles toutes seules. Face à l’opposition des pays du nord,
                          emmenés par les Pays-Bas, la discussion du budget commun de la zone euro n’était pas à l’ordre du jour du
                          sommet de la zone euro du 29 juin, mais renvoyée au sommet de décembre. Deux priorités y ont cependant été
                          discutées : l’achèvement de l’Union bancaire et le nouveau rôle du MES.

                                                                N°18/149 – 10 juillet 2018                                      7
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
La date de péremption n’approche pas dangereusement

             Un consensus s’est formé sur l’utilisation du MES comme filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique
             (FRU) à mettre en place avant 2024 sous condition d’une réduction avérée des risques dans les bilans bancaires,
             qui sera évaluée à partir de 2020 sur la base d’indicateurs sur lesquels un accord a été trouvé. La taille du back-
             stop serait alignée à la cible du FRU, soit 60 milliards d’euros. Il s’agit là du seul point sur lequel un accord précis
             a été trouvé, y compris en terme d’Union bancaire. Sur l’EDIS, l’assurance commune sur les dépôts bancaires, les
             délais seront très longs, puisqu’il s’agit tout simplement de commencer à travailler sur une feuille de route pour les
             négociations.
             Concernant l’assistance financière aux pays en crise octroyée par le MES, le veto italien à la plupart des
             propositions contenues dans l’accord de Meseberg a bloqué toute décision et renvoyé les discussions à décembre.
             Si un accord large avait été trouvé sur l’introduction de critères d’éligibilité ex-ante (respect des traités européens
             et situation macro-économique et financière solide) pour l’accès à l’assistance financière et si la majorité des États
             membres s’est dite favorable à l’introduction d’une ligne de crédit de précaution non conditionnée à la signature
             d’un programme de réformes (memorandum of understanding), les autres aspects étaient plus controversés.
             Certains pays ont appuyé un rôle accru du MES dans la conception et la surveillance des programmes de réformes
             qui conditionnent l’assistance financière. D’autres sont aussi allés plus loin, souhaitant attribuer au MES le rôle
             d’évaluation de la situation économique et financière d’un pays (avec une analyse sur la soutenabilité de la dette
             publique), tâche aujourd’hui attribuée à la Commission européenne. Mais d’autres pays ont souligné leur
             inquiétude face à la proposition d’introduire des clauses d’action collective avec clauses d’agrégation simple,
             permettant l’agrégation de créances d’émissions différentes, pour faciliter la restructuration de la totalité de la dette
             publique d’un pays. La même appréhension a été exprimée à l’égard de la proposition d’attribution au MES du rôle
             de facilitateur du dialogue entre ses membres et les investisseurs privés. Il a été jugé opportun d’éviter d’introduire,
             dans la déclaration officielle du sommet de la zone euro, toute référence à un quelconque projet d’encadrement et
             simplification de la restructuration des dettes souveraines. Le potentiel de dislocation de tels projets serait important
             dans un contexte où le haut niveau d’endettement hérité de la crise est encore en phase de résorption. De tels
             projets augmenteraient l’anticipation d’une matérialisation d’un scénario de restructuration (frontloading)
             reproduisant ainsi le mauvais équilibre dont la zone euro s’est difficilement extraite depuis 2010. C’était bien
             l’objectif des différentes institutions construites depuis : éviter une nouvelle accumulation des risques, mais aussi
             réduire le rôle des prophéties auto-réalisatrices, qui alimentent le cercle vicieux conduisant à des crises de liquidité
             et de solvabilité.
             Sur ce point, le changement de la position française a été remarquable pour aboutir à la feuille de route franco-
             allemande de Meseberg. En février 2017, la direction générale du Trésor affirmait encore que « en raison de
             l’incapacité des marchés à évaluer correctement les risques souverains, renforcer le rôle de la discipline de marché
             vis-à-vis des dettes publiques nationales conduirait probablement à une forte instabilité financière en zone euro en
             faisant peser sur les pays un risque permanent de défaut, voire de sortie de la zone euro. En particulier, les
             propositions visant à la restructuration automatique des dettes publiques dépassant un certain niveau créeraient
             un terrain particulièrement propice aux crises de confiance, empêchant les États membres concernés de mettre
             en œuvre des politiques suffisamment contracycliques et obérant la transmission de la politique monétaire ».
             Les concessions consenties par la France paraissent excessives à l’égard des avancées limitées en termes de
             mutualisation des risques. C’est ainsi que d’autres pays ont dû les évaluer, puisque le sommet de la zone euro
             n’aboutit pas à des avancées sur le nouveau rôle du MES et en remet la discussion à décembre.
             Ainsi, des deux logiques de partage et de réduction des risques, c’est la deuxième qui a clairement prévalu. Tout
             engagement à partager plus de ressources (back-stop pour le FRU, ligne de crédit de précaution sans programme
             ou budget commun) dans un avenir non immédiat est lié à une conditionnalité plus stricte, à la promotion des
             forces de marché pour imposer la discipline sous la menace d’une restructuration des dettes souveraines. Si
             l’objectif de la création d’un budget commun était de mettre définitivement fin au risque de redénomination et
             d’évacuer les doutes des investisseurs sur la monnaie unique, les concessions demandées par les pays du nord
             de la zone risquent de réduire à néant le rôle stabilisateur de cet instrument.

                                                     N°18/149 – 10 juillet 2018                                          8
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
       La date de péremption n’approche pas dangereusement

                                                               Royaume-Uni : ralentissement temporaire, mais risques
                                                               croissants à moyen terme

                                                               La croissance du PIB a probablement accéléré au deuxième
                                                               trimestre grâce à une forte progression de la consommation des
                                                               ménages. Après une contre-performance au premier trimestre, liée aux
                                                               perturbations provoquées par la neige, les indicateurs avancés
                                                               disponibles sur le deuxième trimestre ont été mitigés. Les données
            R-U : confiance des ménages                        d'activité dans le secteur manufacturier et la construction font état d'une
                  et ventes au détail                          forte contraction sur la période. La croissance des exportations a ralenti
 10                                                       8    de manière significative. En revanche, les indicateurs liés à la
        solde d'opinions
  0                                                       6
                                                               consommation se sont nettement redressés. Les ventes au détail,
                                                               probablement soutenues par les célébrations du mariage royal et des
 -10                                                      4    températures supérieures à la moyenne, ont fortement progressé en
                                                               volume en avril et en mai. Les consommateurs, devenus plus confiants,
 -20                                                      2
                                                               ont également augmenté leurs recours au crédit au début du deuxième
 -30                                                      0    trimestre. Les prêts à la consommation ont enregistré un important
                                                               rebond en avril, après un mois de mars affecté par les conditions
 -40                                                      -2
                                               mm3m            météorologiques et l’arrivée à échéance de nombreux contrats PCP2 de
                                               a/a, %
 -50                                                      -4   financement de véhicules. Une croissance de 0,4% se profile au
       08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18                        deuxième trimestre, grâce à un rebond du secteur des services. Les
Sources : Gfk, ONS,           Indice de confiance Gfk, CVS     risques autour de ce scénario de reprise soutenue sont toutefois
Crédit Agricole SA            ventes au détail, éch.dr.        baissiers.

                                                               Les perspectives d’activité à moyen terme restent assombries par
                                                               les incertitudes liées au Brexit, sur fond de montée des risques
                                                               extérieurs. La partie la plus difficile des négociations est sur le point de
                                                               commencer. À l’automne, le Parlement britannique devra voter une
                                                               motion indiquant s’il approuve ou s’il rejette l’accord de retrait et le cadre
                                                               des relations futures avec l’UE. La probabilité d’un scénario dans lequel
                                                               aucun accord ne serait conclu a diminué. Elle n’a cependant pas
                                                               totalement disparu, après la véritable partie de ping-pong à laquelle se
              R-U : exportations de biens                      sont livrés les parlementaires à propos du meaningful vote sur l’accord
 50
        mm3, a/a, %                                            de retrait. Le meaningful vote donnerait à la Chambre des communes la
 40
                                                               possibilité d’influencer les décisions du gouvernement en cas d’absence
 30                                                            d’accord et de renvoyer le gouvernement à Bruxelles pour renégocier.
 20                                                            Dès lors, le risque d’un scénario catastrophe n’a pas entièrement
                                                               disparu, compte tenu du calendrier extrêmement serré et de l’incertitude
 10                                                            sur la volonté de l’UE de rallonger le délai prévu dans l’article 50.
  0
                                                               Un scénario dans lequel le Royaume-Uni reste dans l’union
-10
                                                               douanière avec l’UE semble encore probable dans la mesure où,
-20                                                            d’une part, les avantages économiques l’emportent sur les inconvénients
       10  11    12     13   14     15   16     17     18      et, d’autre part, une majorité de parlementaires britanniques y est
         Amérique du Nord              UE 27
         Asie, Pacifique               Exportations totales    favorable. Ce scénario pourrait se matérialiser dès le mois de juillet
Sources : ONS, Crédit Agricole S.A.                            quand le texte sur le commerce international (Trade and Customs Bills)
                                                               retournera au Parlement. Malgré d’importants obstacles politiques, la
                                                               probabilité d’un scénario où le Royaume-Uni resterait dans le
                                                               marché unique à long terme a augmenté. Il ne semble cependant pas
                                                               qu’une majorité parlementaire se dégage en faveur d’une adhésion pure
                                                               et simple à l’Espace économique européen à ce stade, notamment parce
                                                               que cela n’est pas la position officielle du parti travailliste. Les incertitudes
                                                               autour du Brexit vont probablement continuer à peser sur l’investis-
                                                               sement des entreprises. De plus, les inquiétudes sur l’intensification de
                                                               la guerre commerciale constituent un frein supplémentaire pour les
                                                               entreprises exportatrices, alors que la demande extérieure est déjà en
                                                               train de s’affaiblir. Handicapée par la piètre performance du premier

                                                               2
                                                                   Ou Personal Contract Purchase : formule de financement comparable à la location-
                                                                   vente.

                                                               N°18/149 – 10 juillet 2018                                            9
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
     La date de péremption n’approche pas dangereusement

                                                                         trimestre, la croissance n’atteindrait que 1,2% en 2018, pour légèrement
                                                                         accélérer (1,4%) en 2019.

           Japon : PIB réel & composantes
                   de la demande                                         Japon : poursuite de la reprise lente et risques sur les
140                                                                      exportations
           T4 12=100
130                                                                      Les derniers chiffres du PIB signalent la première contraction en
                   Abenomics                                             neuf trimestres (recul du PIB réel de 0,6% en rythme annualisé au
120                                                                      premier trimestre). Toutefois, cette contraction est transitoire : la
                                                                         reprise de l’économie japonaise va se poursuivre, quoiqu’à un
110
                                                                         rythme lent.
100
                                                                         Paradoxalement, c’est la lenteur de cette reprise qui lui permet de
 90                                                                      durer, aucun des trois types d’excès (de stocks, de main d’œuvre
      12         13
          PIB réel
                            14        15        16
                                            Exportations
                                                          17        18   ou de capacité de production) n’étant apparu. L’absence de ces
          Investissement privé              Investissement public        excès « empêche » l’économie de tomber dans une récession à
          Conso. privée                     Immo. résidentiel privé      caractère endogène. La reprise actuelle peut ainsi se prolonger au
Sources : Cabinet Office, Crédit Agricole CIB                            moins jusque vers le troisième trimestre 2019, au moment du
                                                                         relèvement du taux de TVA de 8% (son niveau actuel) à 10%. Ceci rend
                                                                         alors probable une contraction de l’économie pendant plusieurs
                                                                         trimestres à partir du quatrième trimestre 2019. Dans un tel scénario,
                                                                         la reprise actuelle dépassera la période de reprise la plus longue de
                                                                         l’après-guerre (soixante-treize mois) en janvier 2019.

            Signe de ralentissement des                                  Les Abenomics ‒ un ensemble de mesures économiques combinant
           volumes du commerce mondial                                   politique monétaire, politique budgétaire et stratégie de croissance ‒
8                                                                        sont entrés dans leur sixième année. Or, ce sont les exportations qui
      a/a, %
                                                                         ont progressé le plus rapidement au cours de cette période. Le
6                                                                        principal risque pesant sur notre scénario de poursuite de la
                                                                         reprise est bien celui d’un nouveau ralentissement du commerce
4
                                                                         mondial.
2
                                                                         D’après le Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis, en mars,
0
                                                                         le commerce mondial n’a progressé en volume que de 1,1% en
                                                                         glissement annuel. Il s’agit du taux le plus bas depuis novembre 2016.
-2                                                                       Les exportations japonaises étant désormais plus axées sur les
     12       13       14        15        16        17        18        biens d’équipement et moins sur les biens de consommation, le
            Monde              Moy. mobile s/ 6 mois                     PIB mondial est un déterminant de la tendance des exportations
Sources : CPB, Crédit Agricole CIB                                       mondiales plus important que la valeur du yen. Les signes (même
                                                                         parcellaires) d’infléchissement (même temporaire) du commerce
                                                                         mondial suggèrent un risque de ralentissement des exportations
                                                                         japonaises.

                                                                         N°18/149 – 10 juillet 2018                              10
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
     La date de péremption n’approche pas dangereusement

                            Pays émergents – Léger recul de la croissance,
                            intensification des risques
                              La croissance émergente est en légère perte de vitesse, sous l'effet de la modération de la croissance
                              des exportations et de la montée des incertitudes mondiales (craintes liées au protectionnisme,
                              pressions sur les cours de change et sur les taux d'intérêt des pays endettés). La sphère émergente,
                              les BRIC en particulier, devrait cependant continuer d’afficher des résultats relativement satisfaisants.

                                                              Croissance émergente : légère perte de vitesse
                                                              Au cours du deuxième trimestre 2018, l’appréciation du dollar, la
                                                              montée des taux américains et l’intensification des craintes liées
                                                              au protectionnisme ont renforcé les pressions sur la sphère
                     Pays émergents :                         émergente. Les pressions ont cependant été presque circonscrites aux
                indice PMI moyen pondéré                      marchés. Au sein de la mosaïque émergente, la plupart des devises
60
          Indice PMI (manufacturier)                          ont reculé, les taux d’intérêt ont connu des pressions haussières et les
55                                                            spreads de crédit se sont écartés. À l’inverse, la croissance a
                                                              généralement fait preuve d’une bonne résilience dans la plupart
50                                                            des pays émergents, ce qui a probablement joué un rôle
                                                              d’amortisseur face aux pressions issues des marchés.
45
                                                              Cela peut-il et va-t-il durer ? La croissance des pays émergents reste
40
                                                              correcte, en moyenne, mais des signes de ralentissement sont
35                                                            apparus. Au cours des dix-huit derniers mois, le principal facteur
                                                              d’amélioration de la croissance émergente a été l’accélération des
30                                                            exportations. En effet, après quatre années assez décevantes, les
     07     09      11        13        15      17            exportations émergentes ont commencé à accélérer à la toute fin de
            Pays émergents           Pays développés
                                                              l’année 2016. En 2017 et jusqu’à récemment, elles ont progressé à leur
Sources : Bloomberg, Crédit Agricole CIB
                                                              rythme le plus élevé (en dollar) depuis 2011. Ceci s’explique en partie
                                                              par le prix des matières premières, mais pas seulement : les
                                                              exportations chinoises et celles des pays non exportateurs de matières
                                                              premières ont également accéléré.

                                                              Au deuxième trimestre 2018, la croissance des exportations
                                                              émergentes est restée satisfaisante, mais elle a légèrement ralenti, une
               Pays émergents : exportations                  évolution cohérente avec la baisse de la moyenne des indices PMI
 0,4
          a/a, %,                                             manufacturiers émergents au cours des derniers mois. Cela suggère
 0,3      mm3m                                                que la dynamique de la sphère émergente connaît un repli graduel
                                                              reflétant probablement une montée des incertitudes liée à la
 0,2                                                          volatilité des marchés, mais aussi (sur un plan plus macro-
 0,1                                                          économique) à une détérioration de la coordination au niveau
                                                              mondial, en partie en raison de la politique protectionniste des
 0,0                                                          États-Unis. Dans un tel contexte, l’investissement des entreprises
-0,1                                                          dans les pays émergents a peu de chances d’accélérer dans les
                                                              trimestres à venir, ce qui pourrait également freiner la croissance
-0,2
                                                              émergente au second semestre 2018 et en 2019.
-0,3
                                                              Le récent affaiblissement de la dynamique émergente est également lié
-0,4
                                                              à la décélération synchrone qui a touché les économies du G3 au
    06       08       10      12       14    16     18
 Source : Crédit Agricole CIB                                 premier trimestre. Ce ralentissement s’explique en partie par des
                                                              facteurs temporaires parmi lesquels : la correction de la forte hausse
                                                              de la consommation privée aux États-Unis au cours du trimestre
                                                              précédent, les grèves et une moindre contribution extérieure de
                                                              l’Europe, ainsi que des ajustements de stocks au Japon. Pour les pays
                                                              dits industrialisés, notre scénario central table sur une croissance à peu
                                                              près identique à celle de l’année dernière cette année et l’année
                                                              prochaine. Ceci suggère que les pays émergents devraient bénéficier
                                                              d’une demande externe assez robuste dans les trimestres à venir.

                                                             N°18/149 – 10 juillet 2018                                 11
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