Comment évaluer l'opportunité économique que représente l'épargne des jeunes ? - CGAP
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NOTE D'INFORMATION Comment évaluer l’opportunité économique que représente l’épargne des jeunes ? L es prestataires de services financiers (PSF) ne devraient pas négliger les besoins financiers des jeunes. Aujourd’hui, les moins de 25 ans sensibles aux prix, rebutés par les commissions ban- caires même minimes, et le solde de leurs comptes est généralement très bas. Malgré ces aléas, le représentent près de la moitié de la population nombre de comptes détenus par des jeunes à la mondiale (FNUAP 2005) ; demain, ils seront des Postbank augmente à un rythme croissant. adultes en demande de services financiers. Proposer aux jeunes des services financiers formels, Si l’intérêt social des services financiers destinés en particulier des comptes d’épargne, est une aux jeunes est facile à démontrer, la question de stratégie qui a de bonnes chances d’être payante leur opportunité économique est moins évidente. à long terme pour les PSF une fois que ces jeunes Les prestataires de services financiers sont de plus devenus adultes auront besoin d’autres services, car en plus nombreux à se lancer sur le marché des ils seront habitués à naviguer dans l’environnement jeunes, mais leur offre d’épargne pour les jeunes des services financiers formels. est-elle viable ? En d’autres termes, est-il rentable de proposer des produits d’épargne aux jeunes ? Malgré leur potentiel pourtant, les jeunes posent Il n’y a pas de réponse unique valable dans tous les des problèmes très particuliers à la profession ban- contextes et quel que soit le moment. En revanche, caire. Ils sont plus difficiles à toucher par les canaux on peut rechercher les déterminants des gains que habituels, ils sont sensibles au facteur prix et leurs les PSF vont retirer des produits d’épargne jeunes. soldes sont souvent très faibles. Et dans beaucoup Quels facteurs au niveau du marché, de l’institution de pays, les pièces justificatives à fournir peuvent financière et du segment vont faire de l’épargne des constituer un obstacle à l’utilisation des services jeunes une proposition avantageuse ? Ce document bancaires par les jeunes. Compte tenu de ces diffi- propose un cadre d’analyse permettant de mieux cultés, de nombreux PSF se demandent s’il est inté- comprendre les conditions dans lesquelles il peut ressant pour eux, d’un point de vue économique, être économiquement intéressant pour les PSF de proposer des services d’épargne destinés aux de commercialiser des produits d’épargne pour jeunes, et si oui, dans quelles conditions. les jeunes. Ce cadre d’analyse est conçu pour améliorer notre compréhension des nombreux Actuellement, dans les pays en développement, éléments influant sur la rentabilité des produits peu de PSF ciblent expressément les jeunes, et pour d’épargne pour les jeunes et pour aider les PSF ceux qui le font, les jeunes représentent souvent une à décider s’ils doivent proposer ces produits et part minime de leurs activités. On note une excep- comment le faire de manière viable. Parce qu’il peut tion au Kenya avec la Kenya Post Office Savings être adapté au contexte et aux intérêts particuliers Bank (ou Postbank), une grande banque publique de chaque institution financière, ce cadre d’analyse d’épargne postale. La Postbank opère sur un mar- peut servir d’outil stratégique pour évaluer la ché concurrentiel où 43 % de la population a moins rentabilité des produits d’épargne pour les jeunes. de 15 ans1. Elle était confrontée à un vieillissement du profil moyen de ses clients. Pénétrer le marché La pratique dans ce domaine est encore récente, des jeunes l’a aidée à rajeunir sa clientèle et rester d’où le manque de données probantes sur la intéressante. Depuis le lancement de son compte rentabilité des produits d’épargne jeunes. Ce cadre SMATA en 2012, la Postbank a ouvert quelque d’analyse a été élaboré à partir d’un examen de la 70 000 nouveaux comptes épargne spécifiquement littérature, de corrélations de données au niveau destinés aux adolescents. Néanmoins, la Postbank macro et d’entretiens qualitatifs avec une douzaine N° 96 note que les jeunes forment un groupe de clientèle d’institutions financières du monde entier proposant Juillet 2014 « difficile » en dépit de leur potentiel important en des produits d’épargne pour les jeunes2. (Voir tant que futurs clients fidèles. Par exemple, beau- l’annexe 1 pour plus de détails sur la méthodologie.) Tanaya Kilara, coup de jeunes ont énormément de mal à obtenir Son objectif est d’aider les PSF à faire des choix Barbara Magnoni et Emily les pièces justificatives nécessaires. Ils sont aussi commerciaux rationnels ; nous espérons également Zimmerman 1 Données 2011 sur la population du Kenya, Bureau d’information démographique. 2 Les institutions interrogées pour cette étude sont ADOPEM (République dominicaine), Al Barid Bank (Maroc), Banco Caja Social (Colombie), Bank of Kathmandu (Népal), BRAC (Bangladesh), CARD Bank (Philippines), Cooperative San Jose (Équateur), Equity Bank (Tanzanie et Kenya), HFC Bank (Ghana), Kenya Post Office Savings Bank (Kenya), Procredit (Ghana), Sparkassen (Allemagne), et XacBank (Mongolie).
2 Ce document expose tout d’abord un cadre Encadré 1. Qu’est-ce que l’épargne d’analyse permettant de comprendre quelles des jeunes ? influences ou « paramètres » interviennent dans les Dans ce document, le terme « jeunes » fait référence coûts et les recettes d’une institution financière, aux individus âgés de 10 à 24 ans, qui traversent en utilisant des exemples pour expliquer comment des moments importants de leur vie sur le plan de la scolarité, du travail, de la fondation d’une famille, de le cadre peut servir d’outil d’aide à la décision. Dans la santé et de la citoyenneté (Banque mondiale 2006). un deuxième temps, il présente trois études de cas Les comptes d’épargne destinés aux jeunes ont des succinctes (la Bank of Kathmandu [BoK] au Népal, caractéristiques communes avec d’autres « petits » XacBank en Mongolie et Sparkassen en Allemagne) comptes d’épargne (c’est-à-dire dont les soldes sont afin d’illustrer les nombreux facteurs qui influent sur faibles). Les comptes d’épargne proposés aux jeunes l’opportunité économique des produits financiers. sont majoritairement des comptes d’épargne liquides Il termine enfin par des suggestions à l’intention sur lesquels les jeunes ont toute liberté pour effectuer des dépôts et des retraits. On trouve quelques cas de des praticiens et des responsables publics. comptes d’épargne avec engagement dont les soldes sont donc plus élevés. Ces comptes ressemblent I. Cadre d’analyse de la rentabilité souvent aux autres petits comptes d’épargne car les jeunes accumulent habituellement de petites sommes. des produits d’épargne jeunes De plus en plus, différentes catégories de PSF proposent des services financiers à une clientèle qu’il sera validé au fil du temps à mesure qu’il modeste ou auparavant exclue. Même si des sera utilisé pour recueillir des données et évaluer raisons liées à l’histoire, à la mission, à l’échelle des cas réels. Les responsables publics et les et à l’environnement de chaque PSF peuvent bailleurs de fonds peuvent jouer un rôle décisif en l’amener à s’intéresser au segment des jeunes, la rassemblant les meilleures pratiques, en soutenant simple dimension du marché des jeunes est une le travail de collecte et d’analyse de données et considération importante. En 2013, le monde en finançant des activités qui coûtent cher au comptait 1,8 milliard de jeunes âgés de 10 à 24 ans départ mais produisent des effets externes positifs (Bureau d’information démographique 2013). Alors (par exemple des études de marché ou la conception qu’ils représentent 25 à 30 % de la population de plateformes de distribution novatrices). dans la plupart des pays en développement, ils ont peu accès à des services financiers formels. D’après la base de données Findex de la Banque mondiale sur l’accès aux services financiers Encadré 2. Qu’entendons-nous par dans le monde, les jeunes ont 33 % de probabilité « opportunité économique » ? de moins de posséder un compte bancaire que les Dans ce document, l’« opportunité économique » d’une adultes (Demirguc-Kunt et Klapper 2012). offre d’épargne jeunes est définie de façon schématique par sa rentabilité, c’est-à-dire que l’on regarde si les Cibler les jeunes permet d’abaisser l’âge moyen recettes quantifiables qu’elle génère sont suffisantes des clients d’un PSF ; par rapport aux clients plus pour compenser les coûts associés à cette offre, âgés, les jeunes peuvent constituer une source de pendant un laps de temps donné. valeur plus importante sur toute leur durée de vie Pour établir l’opportunité économique d’une offre (à la condition essentielle que les PSF conservent d’épargne jeunes, il est souvent nécessaire d’adopter ces clients sur le long terme). Les clients jeunes pro- une vision à long terme. Bien que la rentabilité directe, curent des gains à long terme au niveau de l’institu- à brève échéance, soit la plus facile à mesurer, les recettes tion financière. Un autre intérêt que les PSF peuvent indirectes et à plus long terme tirées de la clientèle des jeunes sont souvent essentielles (Muñoz, Perdomo et avoir à desservir les jeunes, c’est qu’ils favorisent Hopkins 2013). Cette étude d’opportunité économique ainsi l’inclusion financière et développent les oppor- n’a pas besoin d’être basée sur un seul produit, mais elle tunités économiques pour les jeunes, ce qui peut peut adopter une vision plus large, à plus long terme, contribuer à la stabilité politique3 et/ou promouvoir de la rentabilité ; l’opportunité économique d’une la mission centrale du PSF. offre peut se développer avec le temps à mesure que les relations de l’institution financière avec ses clients L’opportunité économique d’une offre d’épargne se renforcent (Bankable Frontier Associates 2012 ; Westley et Martin 2010). jeunes repose sur la capacité d’une institution financière à équilibrer les coûts et les recettes 3 Au Sri Lanka, Hatton Bank est convaincue que, pour un pays jeune ayant connu de nombreux troubles politiques, investir dans les jeunes est essentiel pour assurer la viabilité à long terme et la pérennité de son institution.
3 Figure 1. Vue générale du cadre d’analyse Concurrence Paramètres du marché Réglementation et politique publique Coût d’opportunité Capacités et infrastructures Paramètres de l’institution financière Horizon temporel Paramètres spécifiques Segments de jeunes aux segments Déterminants de Coûts et recettes répartis par postes la rentabilité associés à cette offre. Le cadre d’analyse représenté d’autres produits financiers (épargne pour les à la figure 1 illustre la diversité des contextes internes adultes, prêts aux adultes et aux jeunes, utilisation et externes de différentes institutions, et montre d’une carte de débit) est fortement corrélé à comment les facteurs intervenant au niveau du l’épargne des jeunes. Ces éléments peuvent marché, de l’institution et du segment de clientèle être considérés comme des indicateurs indirects du entraînent des coûts et des recettes différents niveau d’accès du pays à des services financiers et et peuvent aboutir à des résultats différents sur de l’atmosphère de concurrence régnant dans le le plan de l’opportunité économique. Il met en pays. Toutefois, il est souvent difficile de caractériser évidence les paramètres spécifiques qui guident les l’atmosphère concurrentielle d’un pays uniquement prestataires dans le choix des segments de jeunes à partir de données au niveau macro (encadré 3). qu’ils comptent desservir et de la manière dont ces segments vont servir leurs objectifs économiques. Dans la plupart des pays, l’accès aux services financiers n’est pas uniforme sur tout le territoire. a. Paramètres du marché Il peut être limité dans les zones rurales ou les petites villes, par exemple, abaissant ainsi Question clé n°1 : Quel est le niveau de le taux global d’accès aux services financiers concurrence de l’environnement du marché ? dans un pays, tandis que les établissements présents Au niveau du marché, le caractère concurrentiel dans une capitale urbaine surpeuplée peuvent de l’environnement est un paramètre essentiel être soumis à une vive concurrence. Les revenus qui influe sur l’opportunité de pénétrer ou non le moyens ou supérieurs peuvent déjà posséder marché de l’épargne des jeunes. Il est généralement de nombreux produits financiers, alors que la beaucoup plus intéressant de se lancer sur ce marché concurrence pour les clients potentiels de milieu lorsque l’environnement est très concurrentiel car le modeste reste plus limitée. De fait, toutes les fait de capter très tôt les futurs clients peut créer institutions financières interrogées dans le cadre un avantage commercial déterminant. La pression de cette étude font face à une certaine pression concurrentielle peut se développer de différentes concurrentielle, au moins à l’intérieur de certaines manières : elle peut augmenter avec la pénétration régions, de certains groupes démographiques ou de des comptes à la fois chez les jeunes et les adultes certaines activités, et cette pression influe fortement au fil du temps à mesure que le pays s’enrichit, sur la manière dont elles voient l’opportunité s’urbanise (comme dans le cas de Sparkassen économique de leur offre jeunes. en Allemagne étudié plus loin) et que le niveau d’études progresse, ou elle peut être influencée Exemples concrets par d’autres évolutions du secteur financier ou • Aux Philippines, bien que la pénétration globale par des programmes gouvernementaux (comme des comptes bancaires soit relativement faible dans le cas de XacBank en Mongolie, également (seulement 30 % des adultes de 25 ans et plus examiné plus loin). Au niveau du pays, l’usage possèdent un compte dans une institution finan-
4 cière formelle [Demirguc-Kunt et Klapper 2012]), titulaires d’un compte dans une institution finan- la pénétration des comptes et la concurrence cière formelle [Demirguc-Kunt et Klapper 2012]). sont beaucoup plus importantes dans les zones Bien qu’elle desserve les clients de milieu modeste urbaines où CARD Bank et de nombreuses autres essentiellement pour des raisons sociales (plus institutions financières concentrent leurs efforts. précisément pour améliorer l’inclusion sociale par Pour CARD, cette concurrence l’amène à se diffé- l’inclusion financière), la concurrence qui règne rencier en proposant des produits attractifs pour sur les autres segments très saturés est une raison ses clients adultes et susceptibles de les fidéliser, supplémentaire pour elle de vouloir s’adresser aux comme des comptes d’épargne pour leurs enfants. petits revenus et aux jeunes en particulier. • Selon Banco Caja Social, le segment des travail- leurs du secteur formel ayant des revenus moyens Question clé n°2 : Quels sont les paramètres à élevés que ciblent la plupart des banques co- relatifs à la réglementation ? lombiennes est très concurrentiel ; néanmoins, le Dans la plupart des pays, les mineurs de moins taux global de pénétration des comptes est rela- de 18 ans ne peuvent pas légalement être seuls tivement bas (seulement 36 % des adultes sont titulaires de comptes, même si l’âge exact de la Encadré 3. Corrélations macroéconomiques et démographiques avec l’épargne des jeunes Une analyse de données au niveau macro a révélé des l’usage d’autres produits financiers (produits d’épargne corrélations entre la pénétration des comptes chez les destinés aux adultes, prêts aux adultes et aux jeunes, jeunes et certains facteurs macroéconomiques et dé- utilisation d’une carte de débit) était fortement corrélé mographiques. Des corrélations ont été recherchées à l’épargne des jeunes. entre la pénétration des comptes chez les jeunes (pour- centage de jeunes de moins de 25 ans qui possèdent Beaucoup d’autres indicateurs que l’on aurait pu penser un compte dans une institution financière formelle) fortement corrélés au pourcentage de jeunes possédant et plus de 50 indicateurs provenant de la base Findex un compte dans une institution financière ne l’étaient et d’autres bases de données de la Banque mondiale. pas dans la réalité (notamment le taux de population Cette analyse a englobé des données de 48 pays urbaine, la densité démographique, la part des jeunes différents ayant été sélectionnés en raison de la présence dans l’ensemble de la population, le pourcentage d’un programme d’épargne pour les jeunes et de leur de comptes inactifs, et la pénétration des banques importance régionale. commerciales). L’absence de corrélation forte d’après Comme l’on pouvait s’y attendre, de fortes corrélations les indicateurs et les pays choisis ne signifie pas ont été constatées entre l’épargne des jeunes et toutefois que ces facteurs n’interviennent pas parfois plusieurs indicateurs de situation socioéconomique, dans la pénétration des comptes des jeunes (et dans notamment le produit intérieur brut par habitant et le l’opportunité économique d’une offre pour les jeunes). taux de scolarisation dans le secondaire. Cette analyse L’annexe 2 fournit davantage de détails sur l’analyse au niveau macro a également mis en évidence que au niveau macro. Figure B3-1. Pénétration des comptes chez les jeunes et chez les adultes 120 % titulaires d’un compte 100 80 60 40 20 0 Iraq Niger Yémen, Rép. Égypte, Rép. arabe Pérou Nigéria Congo, Rép. dém. Burundi Sénégal Mali Pakistan Togo Ouganda Népal Burkina Faso Sierra Leone Tanzanie Malawi Viet Nam Indonésie Guatemala Cisjordanie et Gaza Mexique Ghana Jordanie Inde Rwanda Équateur Kenya Maroc Bangladesh Royaume-Uni Allemagne Australie Nouvelle-Zélande Philippines Afrique du Sud Sri Lanka Malaisie Thaïlande Mongolie États-Unis Canada Bolivie République dominicaine Colombie Chili Compte dans une institution financière formelle, adultes plus âgés (% 25 ans et plus) Compte dans une institution financière formelle, jeunes adultes (% 15 à 24 ans)
5 majorité (auquel ils peuvent posséder leurs propres • ADOPEM indique qu’en République dominicaine, comptes) varie (Deshpande 2012 ; Hirschland 2009 ; la loi ne prévoit pas de pouvoir ouvrir des Kilara et Latortue 2012). Cette restriction relative comptes d’épargne en dehors des agences, à la détention d’un compte par les mineurs peut ce qui représente un frein à l’acquisition de jeunes dissuader certaines institutions financières de pénétrer clients dans les établissements scolaires et dans le marché des jeunes ou, tout au moins, générer des d’autres points de regroupement extérieurs complications et des coûts supplémentaires lorsque aux agences. Face à cette difficulté, ADOPEM l’on veut desservir les jeunes. À l’inverse, un environ- a imaginé d’apporter des ordinateurs sur les lieux nement réglementaire porteur pourra encourager des campagnes de promotion ; les données sont les prestataires de services financiers à proposer mises en ligne et visualisées par l’agence, qui ouvre des produits aux jeunes. le compte. Cette méthode permet effectivement de surmonter l’obstacle réglementaire, mais elle D’autres obligations réglementaires (comme la a un coût. règle « connaître son client » et d’autres obligations • La Kenya Post Office Savings Bank relève que portant sur l’identification des clients et la produc- malgré une demande importante des 16-17 ans tion de pièces justificatives) peuvent également pour pouvoir ouvrir un compte sans la signature occasionner des difficultés pénalisant davantage les d’un parent, ils ne peuvent pas le faire sans des jeunes. L’emploi de correspondants non bancaires papiers d’identité officiels, qui sont délivrés par (bureaux non directement apparentés à la banque, les autorités à l’âge de 18 ans. par lesquels les clients peuvent réaliser des opéra- tions sur leurs comptes) peut être particulièrement b. Paramètres de l’institution utile pour réduire le coût des transactions et/ou toucher plus facilement les jeunes, mais ces cor- Au niveau des institutions financières, les caracté- respondants sont souvent soumis à d’importantes ristiques internes, les points forts et les motivations contraintes réglementaires, dont l’interdiction d’ou- d’un prestataire de services financiers sont autant de vrir de nouveaux comptes. L’environnement régle- facteurs qui influent sur l’opportunité économique mentaire peut influer sur les segments de clientèle d’une offre d’épargne jeunes et sur le moment où qu’une institution financière choisit de desservir, elle peut apparaître, par rapport à d’autres lignes de sur les stratégies d’approche qu’elle peut utiliser, produits et segments de clientèle. et sur les coûts et les recettes qui en découlent. Question clé n°3 : Quels sont les coûts Exemples concrets d’opportunité d’une offre d’épargne pour les • Au Ghana, les enfants de moins de 18 ans ne jeunes par rapport à d’autres investissements ? peuvent pas ouvrir un compte bancaire seuls. Dans le cas d’un institution financière nouvelle ou HFC Bank signale que de nombreux clients d’un marché en expansion, les coûts d’opportunité potentiels ont renoncé à ouvrir des comptes supportés pour lancer un programme d’épargne parce qu’ils préféraient ne pas avoir leurs jeunes peuvent être élevés. Les produits d’épargne parents comme codétenteurs, pour des raisons destinés aux jeunes sont souvent des produits allant de l’incommodité au manque de confiance. à faible marge qui rapportent peu à court terme Pour contourner le problème, HFC Bank a et ont un délai de retour sur investissement qui autorisé des adultes de confiance, par exemple peut être relativement long. Les institutions en des enseignants ou d’autres adultes de la pleine croissance et celles opérant sur des marchés famille, à ouvrir des comptes avec des jeunes. pas encore saturés ont souvent de nombreuses Les enfants peuvent déposer de l’argent tout autres possibilités d’obtenir des gains supérieurs. seuls, mais l’adulte doit être présent pour Bien évidemment, lorsqu’un PSF dispose de peu de l’ouverture du compte et pour les retraits. ressources, il les affecte généralement aux produits • Aux Philippines, les enfants peuvent ouvrir un et aux activités susceptibles de rapporter davantage, compte à leur nom sans cosignataire dès l’âge de comme les prêts à la consommation, les prêts sept ans. CARD Bank note que, dans la mesure aux PME, ou les investissements technologiques où aucune contrainte réglementaire spéciale permettant de réduire les coûts de transaction. n’est attachée aux jeunes clients, ceux-ci sont Les gains à court terme retirés de l’épargne des traités comme des adultes au regard de la loi pour jeunes peuvent sembler insignifiants en comparaison. les besoins de l’ouverture et du fonctionnement La plupart des institutions financières interrogées des comptes. Dans la pratique néanmoins, une pour cette étude avaient une importante activité participation importante des parents est souvent d’épargne jeunes, et toutes ont indiqué qu’elles nécessaire pour les jeunes enfants, même si elle n’avaient pas renoncé à d’autres opportunités plus n’est pas légalement obligatoire. lucratives. C’est souvent parce qu’elles avaient
6 atteint un certain niveau de maturité sur le plan d’agences déjà existant ou d’autres éléments interne ou qu’elles opéraient sur des marchés exploitables. D’autres peuvent avoir besoin de réali- d’adultes offrant peu de possibilités de croissance. ser d’importants investissements dans de nouveaux Dans certains cas, les PSF avaient atténué leurs canaux de distribution, des systèmes d’information coûts d’opportunité en limitant les ressources de gestion, des arrangements juridiques et des allouées au marché des jeunes – par exemple, adaptations opérationnelles. Les capacités d’une en exploitant des éléments existants (plateformes institution financière et le bon fonctionnement de opérationnelles ou informatiques, relations client). ses infrastructures sont des paramètres importants Les coûts d’opportunité faibles de la pénétration pour mettre en place un programme d’épargne de ce marché leur permettaient d’allouer du temps jeunes évolutif. et des ressources à leurs activités d’épargne pour les jeunes. Exemples concrets • Al Barid Bank mise sur son envergure pour Exemples concrets rentabiliser son offre d’épargne jeunes. Première • Aux Philippines, CARD Bank a choisi d’attaquer banque marocaine, elle bénéficie de la couverture le marché des jeunes en commençant par cibler la plus large et du plus grand nombre de clients les enfants de ses actuels clients adultes. De ce et d’agences dans le pays. Elle a mobilisé ces fait, le travail de marketing et de distribution est capacités internes pour toucher rapidement un effectué pour une grande part par le biais de ces grand nombre de jeunes clients. parents (bien qu’il y ait aussi des actions promo- tionnelles plus larges organisées localement), Question clé n°5 : À quel horizon de temps avec peu d’effort marginal supplémentaire et l’institution financière compte-t-elle (ou doit- des coûts d’opportunité limités pour développer elle) rentabiliser son offre d’épargne jeunes ? ce nouveau marché. En règle générale, la rentabilité des produits • Du fait de sa taille et de sa large couverture géo- d’épargne pour les jeunes est plus convaincante graphique, la banque colombienne Banco Caja après une période de temps assez longue (plus Social ne voyait pas la nécessité d’augmenter ses de cinq ans dans la plupart des cas) (Deshpande infrastructures ou son personnel pour desservir et Zimmerman 2010 ; Kilara 2012). En plus de les jeunes lorsque ces produits ont été lancés. déterminer la manière dont la rentabilité s’établit, De ce fait, les coûts marginaux de déploiement cet horizon de temps peut peser fortement sur la de l’offre jeunes étaient faibles, et les ressources décision de l’institution de pénétrer le marché (ou utilisées n’ont pas empêché la banque de lancer d’y rester). Les institutions financières nationales (qui d’autres projets en même temps, par exemple se cantonnent aux marchés intérieurs) peuvent être d’étendre son portefeuille de microcrédit. La plus motivées à attendre que la rentabilité apparaisse décision de pénétrer le marché des jeunes a donc car, à défaut de pouvoir étendre leurs activités dans été plus facile à prendre qu’elle n’aurait pu l’être d’autres pays, elles peuvent se diversifier dans dans d’autres circonstances. d’autres secteurs et segments. En revanche, les acteurs multinationaux sont peut-être moins enclins Question clé n°4 : De quelles capacités à investir à long terme. Ils sont susceptibles de se et infrastructures l’institution financière retirer d’un segment de marché, d’une ville ou d’un dispose-t-elle pour allouer des pays suite à une décision de leur siège sans rapport ressources à l’épargne jeunes ? avec l’environnement du marché local. De ce fait, Une notion proche est l’existence au sein de l’ins- leurs investissements peuvent avoir tendance à titution d’infrastructures et d’une capacité à mobi- privilégier le court terme. Bien que la plupart des liser des ressources pour développer une clientèle institutions interrogées pour cette étude adoptent de jeunes épargnants. Pour toucher les jeunes, les une vision sur le long terme et ne s’attendent pas à PSF doivent investir dans la mise au point de pro- faire des bénéfices immédiatement avec l’épargne duits adaptés, l’élaboration de stratégies de distri- des jeunes, elles sont peu nombreuses à indiquer bution et de marketing, et l’entretien de partena- des objectifs ou les données sur lesquelles elles se riats avec de nouveaux circuits de vente. Cet effort basent pour vérifier si les produits sont devenus demande beaucoup d’attention de la part de la rentables. L’importance du travail de mesure est direction, du temps de travail (et dans certains cas, réexaminée dans la conclusion de ce document. Par de nouveaux employés ayant un profil adapté à ailleurs, même dans le court terme, il est difficile de une clientèle jeune), ainsi que d’autres ressources. quantifier les gains pour l’institution car les ventes Certaines institutions disposent d’un vaste réseau croisées ne sont pas faciles à repérer.
7 Exemples concrets sa principale motivation est la perspective • La Kenya Post Office Savings Bank envisage la ren- d’engranger plus tard des recettes grâce aux tabilité sur un très long terme. Elle commence à jeunes clients devenus adultes et toujours clients cibler les enfants à la naissance (avec son compte de la banque : « Nous commençons petit avec Bidii Junior), puis les passe automatiquement à eux, pour qu’ils grandissent avec Equity Bank et des comptes pour enfants d’âge scolaire (compte ne la quitte jamais. » SMATA) puis pour jeunes actifs (compte STEP). Le fait qu’elle n’attende pas de bénéfices à court c. Paramètres spécifiques au(x) ni même à moyen terme lui permet d’avoir cette sous-segment(s) des jeunes approche de long terme. Elle investit dans les jeunes en tant que futurs clients de la banque, Question clé n°7 : Quel(s) sous-segment(s) en pensant qu’ils resteront clients de la Postbank de clients l’institution financière doit-elle cibler ? toute leur vie s’ils sont satisfaits des services. Une institution financière peut choisir de pénétrer • Au contraire, la banque colombienne Banco un ou plusieurs sous-segments de jeunes. Chaque Caja Social attend des bénéfices de ses segment nécessite divers niveaux d’investissement produits d’épargne pour les jeunes dans un et de couverture sur des périodes différentes et délai relativement court : le modèle financier du avec des coûts et des gains différents, qui sont compte repose sur une période de cinq ans. déterminés en grande partie par les paramètres décrits précédemment. Par conséquent, il est essentiel de sélectionner le bon segment pour que Question clé n°6 : Quel est le poids de la la stratégie d’épargne jeunes soit payante. Les mission et de la responsabilité sociales dans institutions financières décomposent habituellement la motivation de l’institution financière ? le marché des jeunes en trois grands segments : L’engagement social ne suffit pas à justifier le les mineurs (généralement les moins de 18 ans), déploiement de services d’épargne jeune sur les jeunes étudiants (âgés de 18 à 25 ans), et les le plan économique, mais il peut intervenir dans la jeunes actifs (également âgés de 18 à 25 ans). Ces décision d’une institution financière de se lancer segments correspondent à deux étapes décisives sur le marché des jeunes malgré les difficultés dans la vie des jeunes : les études, et l’entrée dans évoquées plus haut. En particulier, il peut légitimer la vie active4. Pour les institutions financières, chacun une certaine patience dans un secteur d’activité d’eux présente des besoins et des caractéristiques qui attend généralement des résultats plus distincts qui entraînent des coûts et des recettes immédiats de ses investissements. De fait, bien différents, lesquels déterminent la rentabilité des que la principale motivation pour proposer des produits. Chaque segment peut à son tour répondre services d’épargne aux jeunes varie, la plupart des aux besoins divergents d’une institution dans la institutions interrogées ont cité la mission sociale mesure où ils sont souvent associés à des coûts comme étant un facteur important, dans la mesure d’opportunité différents, demandent des niveaux où l’épargne des jeunes peut avoir un impact social de capacité différents et peuvent devenir rentables majeur (Meyer, Zimmerman et Boshara 2008). à des horizons de temps variés. Ces étapes, et les segments qui leur correspondent, s’appliquent de Exemples concrets : la même façon aux jeunes d’un large éventail de • Au Bangladesh, la BRAC indique que sa profils socioéconomiques. En règle générale, les mission sociale très importante est la principale institutions que nous avons interrogées n’avaient raison pour laquelle elle s’est engagée dans pas différents produits adaptés à des jeunes de les services d’épargne pour les jeunes. Bien différents niveaux de revenu (bien que certaines qu’elle voie une opportunité économique dans aient expressément une mission de desserte des les produits pour les jeunes, d’autres produits pauvres) mais ciblaient une vaste clientèle de jeunes d’épargne ou de crédit peuvent presque toujours avec des produits identiques. rapporter davantage, plus vite et plus facilement. Ainsi, l’opportunité économique du projet Exemples concrets n’en est pas la motivation première mais elle • HFC Bank cible les enfants relativement jeunes intervient néanmoins. à partir de l’âge de 12 ans et s’emploie ensuite • Au Kenya, Equity Bank note que, si proposer une à les faire passer à des produits pour les jeunes épargne jeunes présente un grand intérêt sur le puis pour les adultes. Sa décision de cibler plan de la responsabilité sociale de l’entreprise, les jeunes enfants et de les fidéliser au fur et 4 La Banque mondiale (2007) définit les moments importants de la vie des jeunes du point de vue de la scolarité, du travail, de la santé, de la famille et de la citoyenneté ; les études et le travail sont les plus déterminants en ce qui concerne les produits financiers qui peuvent les intéresser.
8 à mesure qu’ils grandissent s’explique en grande Meyer, Zimmerman et Boshara 2008 ; Schurer, partie par le contexte concurrentiel du Ghana, Lule et Lubwama 2011). Les PSF passent souvent car la concurrence pour les jeunes plus âgés y est par les parents, c’est-à-dire qu’ils vendent plus vive. et expliquent les produits par leur intermédiaire. • Al Barid Bank a comme cœur de cible les jeunes D’autres PSF s’adressent directement aux jeunes, adultes (18-25 ans), un marché important et par des méthodes à faible interaction (low touch) encore largement inexploité au Maroc (environ comme des publicités à la radio et à la télévision, 5 millions de jeunes entre 18 et 25 ans), et/ou des méthodes à forte interaction (high touch) sur lequel elle mise pour faire des bénéfices. comme des actions promotionnelles de proximité Bien qu’elle propose aussi des comptes épargne ou d’éducation en milieu scolaire. Bien que ces aux enfants, ces comptes ne présentent pas actions d’information puissent être compliquées et de caractéristiques particulières et ne sont coûteuses, elles peuvent aussi être très efficaces pas commercialisés activement en direction pour remédier au manque d’information, amener des enfants. Sa décision de cibler les jeunes de nouveaux clients jeunes et faire de la publicité adultes est motivée principalement par la taille et améliorer l’image de marque de l’institution. importante de ce marché ainsi que par la possibilité qu’elle a d’utiliser des infrastructures Exemples concrets et des ressources pour toucher les jeunes adultes • Au Népal, BoK utilise une stratégie de promotion via les canaux de distribution existants. La banque mixte, associant une campagne médiatique estime que ces produits d’épargne améliorent à faible interaction et des campagnes scolaires le niveau de l’éducation financière et donc à forte interaction. Elle offre une tirelire à cadenas l’employabilité des jeunes et que, par ailleurs, à tous les enfants mineurs ouvrant un nouveau recruter des clients jeunes alimente la croissance compte, tandis que les jeunes plus âgés reçoivent de la banque. une carte de débit gratuite. • En Mongolie, le compte Aspire de XacBank est commercialisé par le biais des établissements d. Coûts et recettes scolaires et comprend une importante composante Les paramètres du marché et de l’institution d’éducation financière : des représentants de la financière guident le choix des segments qu’une banque forment les enseignants, qui dispensent institution va desservir et la manière dont elle va ensuite aux jeunes de 14 à 18 ans un programme le faire. Les PSF ont besoin de ces informations d’enseignement organisé en 13 séances. Les avant de pouvoir commencer à recenser les coûts dispositifs d’incitation et d’accompagnement et les recettes associés à des produits d’épargne de ce type demandent un investissement initial pour les jeunes. Toutes ces décisions déterminent important, mais ils peuvent être très efficaces à leur tour la rentabilité de ces produits à court pour amener des jeunes à ouvrir des comptes. et à long termes. Par exemple, les segments plus En complément de ces actions, XacBank offre jeunes, inactifs, peuvent mettre plus de temps des récompenses, par exemple un voyage à devenir rentables que ceux des jeunes adultes à Hong Kong Disneyland pour 10 enfants ayant un emploi. Une fois que les segments sélectionnés par tirage au sort en fonction des à cibler sont définis, l’institution financière peut dépôts effectués. commencer à se poser la question de la rentabilité – • Aux Philippines, CARD Bank met à profit ses en réalisant une étude d’opportunité économique relations bien établies avec ses clients actuels raisonnable à partir d’une planification des coûts pour toucher leurs enfants en limitant les coûts. et des recettes. Ces coûts et ces recettes se répartissent en cinq grands postes : le marketing, Déterminant n°2 : le produit le produit, la distribution, les opérations et le risque. Concevoir des produits adaptés pour un nouveau segment de clientèle que l’on ne connaît pas bien Déterminant n°1 : le marketing peut être en soi une entreprise difficile et coûteuse Vendre à des jeunes consiste souvent à fournir (Center for Social Development 2011 ; Deshpande des informations élémentaires sur les institutions 2012 ; Hirschland 2009). Néanmoins, beaucoup de financières et les produits d’épargne et à convaincre produits de petite épargne (pour les jeunes ou les les jeunes d’ouvrir des comptes. Apporter ces adultes) présentent souvent les mêmes caractéris- informations (et parfois dispenser une éducation tiques de base (Gepaya 2009 ; Making Cents Inter- financière) peut coûter cher, parce que les jeunes national 2010). Ces caractéristiques sont identiques ne connaissent pas forcément les produits financiers à celles demandées par tous les petits épargnants, (Deshpande et Zimmerman 2010 ; Hirschland 2009 ; mais les jeunes sont souvent encore plus limités que
9 les petits épargnants adultes (Deshpande 2012 ; Déterminant n°3 : la distribution Hirschland 2009 ; Johnson et al. 2013 ; Kilara et Les jeunes requièrent souvent de nouveaux Latortue 2012). D’après les institutions financières moyens et canaux de distribution pour lesquels les interrogées, d’autres caractéristiques des produits institutions financières doivent établir de nouvelles telles que l’absence de solde minimum imposé ou relations avec des agents de regroupement (qui son faible montant, l’absence de commissions, des rassemblent un grand nombre de clients potentiels taux d’intérêt plus élevés, et l’accès à une carte en un seul endroit) et/ou recruter du nouveau bancaire utilisable dans les guichets automatiques personnel (Making Cents International 2010 ; Muñoz 2012 ; Mukaru 2011 ; Shurer, Lule et Lubwama sont importantes pour les jeunes clients. À mesure 2011). Certaines institutions financières distribuent que l’épargne jeunes se développera, les institutions leurs produits par l’intermédiaire d’établissements financières n’auront plus forcément besoin de réa- scolaires, qui peuvent être un canal efficace pour liser de vastes études de marché avant d’introduire toucher les jeunes (Johnson et al. 2012), mais les des produits similaires à ceux déjà sur le marché, qui investissements de départ sont élevés. En outre, pourront ainsi être mis au point rapidement et à peu la réglementation peut compliquer ou interdire de frais. Il peut toutefois être intéressant de valider l’emploi de canaux de ce type. Les services un concept de produit, car le fait d’avoir les produits bancaires mobiles, qui sont en plein essor dans appropriés peut amener des clients jeunes et les certaines régions, peuvent constituer un autre canal encourager à rester et grandir avec l’institution. de distribution viable pour l’épargne des jeunes. Exemples concrets Les investissements de départ nécessaires pour • Pour la Postbank du Kenya, dont l’avis est mettre au point de nouveaux moyens et canaux largement partagé, les jeunes forment un groupe de distribution capables de développer les sensible aux prix et, pour beaucoup d’entre eux, opérations d’épargne jeunes vont amener une le prix constitue la caractéristique de produit diminution des coûts de distribution par client la plus importante, ce qui a pour effet de limiter avec le temps. Ces investissements sont aussi les recettes tirées de ces produits. La banque l’occasion d’expérimenter des méthodes de ne facture donc aucune commission mensuelle distribution originales susceptibles de fournir des et applique des frais inférieurs aux prix du marché enseignements intéressants et exploitables pour pour les retraits et les autres services. d’autres segments de clientèle. Dans certains cas, l’investissement de départ est minime car les clients • Les caractéristiques de produit peuvent aussi être adultes peuvent être utilisés comme canal pour dictées par le paysage concurrentiel. Au Maroc, capter des membres de la famille plus jeunes. Al Barid Bank a indiqué qu’elle ne pouvait pas facturer des commissions sur ces produits en Les possibilités de ventes croisées d’autres raison de la concurrence du marché : aucune produits plus rentables sont limitées avec les jeunes autre institution financière ne facture des frais clients par rapport aux adultes, même s’il peut sur la petite épargne. C’est aussi la seule banque y avoir des ventes croisées avec les jeunes adultes à fournir une carte de débit gratuite pour ces à plus longue échéance (Deshpande et Zimmerman comptes, ce qu’elle juge être un véritable « plus » 2010 ; Nakamatte et Muñoz 2012). par rapport à la concurrence. • Les petits cadeaux offerts pour l’ouverture Exemples concrets • En Équateur, la Cooperativa San Jose a recruté de comptes (par exemple les tirelires données du personnel pour aller collecter des dépôts par HFC Bank Ghana, BoK au Népal, et d’autres) sur le terrain auprès des jeunes et des enfants ; et les autres dispositifs d’incitation encourageant le coût de ces déplacements sur le terrain a été à continuer d’épargner (comme le tirage au sort compensé par les ventes croisées de produits de XacBank en Mongolie) peuvent contribuer plus rentables à des adultes réalisées pendant à remédier au manque de connaissance des ces déplacements. produits bancaires chez les jeunes mais ils peuvent • Au Ghana, HFC Bank Ghana utilise des aussi ajouter des dépenses. méthodes de distribution non traditionnelles • Un certain nombre d’institutions financières, dont pour toucher les jeunes clients. L’utilisation HFC Bank Ghana, ProCredit Ghana et BRAC de terminaux points de vente et d’autres au Bangladesh, s’emploient à faire évoluer les applications électroniques et l’établissement clients vers d’autres produits adaptés à leur âge de relations avec les établissements scolaires et lorsqu’ils commencent à avoir d’autres besoins. d’autres points de regroupement nécessitent
10 des investissements importants et augmentent imposés peuvent aider à maîtriser les coûts sensiblement les coûts de départ. Mais ces et sensibiliser et inculquer une certaine discipline technologies et ces relations ont finalement aux jeunes épargnants. un impact déterminant sur les recettes que • D’après l’expérience de CARD Bank, même si HFC Bank tire de ces produits, car elles permettent les soldes minimum imposés doivent être spé- d’augmenter sensiblement les ventes aux jeunes cialement bas pour les enfants, ils peuvent être par rapport aux méthodes plus traditionnelles. augmentés légèrement pour les jeunes plus âgés ; HFC Bank a employé des agents de vente elle fixe le montant minimum pour une ouver- directe (technique hors média) en mai 2013. ture de compte à seulement 50 pesos philippins En février 2014, les ouvertures de compte avaient (1,12 dollar) pour les enfants de moins de 16 ans, augmenté d’environ 75 %. tandis que le montant minimum appliqué après • En Allemagne, Sparkassen note que, sans être 16 ans pour une ouverture de compte est de négligeables, les coûts d’acquisition des clients 100 pesos (2,24 dollars). jeunes sont très inférieurs à ceux des clients adultes, ces derniers étant généralement déjà clients Déterminant n°5 : le risque de crédit d’une autre banque. De ce fait, elle concentre et le risque de réputation la quasi-totalité de ses activités de marketing sur Comme les institutions financières ne proposent les jeunes de moins de 18 ans. en général aux jeunes clients que des produits d’épargne et pas de crédit, la plupart considèrent Déterminant n°4 : les opérations que ce segment de clientèle ne présente pas de Les coûts d’exploitation d’une institution financière risque important. Néanmoins, certains jeunes afférents à ses clients jeunes sont pour une bonne sont ciblés avec l’objectif déclaré de réaliser des part identiques à ceux des autres segments de clien- ventes croisées de crédits, et le risque devient tèle, mais ils sont élevés par rapport aux très faibles donc une considération importante. Les PSF soldes des comptes que les jeunes détiennent habi- évitent souvent de prêter aux jeunes de moins tuellement. Westley et Martin (2010) décrivent la de 25 ans du fait de leur manque d’expérience des difficulté relative et le coût élevé qu’il y a à mobili- emprunts et de leur arrivée relativement récente ser la petite épargne. Les soldes minimum imposés sur le marché du travail. Par conséquent, il convient sont un moyen de conserver un niveau de dépôts de réfléchir aux coûts supplémentaires afférents viable, mais ils doivent être fixés suffisamment bas au provisionnement et à l’analyse potentielle pour ne pas exclure la clientèle jeune. Les jeunes de ces risques. ont souvent besoin d’un accompagnement supplé- mentaire, comme des explications, des rappels ou Un autre élément à prendre en compte pour une des incitations, pour bien utiliser les comptes qu’ils institution financière est le risque de réputation ouvrent (Deshpande 2012). qu’il y a à proposer des produits aux jeunes, en particulier aux mineurs et aux enfants. Dans la Exemples concrets mesure où les jeunes ne comprennent pas ou ne • En Mongolie, XacBank envoie chaque mois se rappellent pas tous les détails et les coûts des un message à ses jeunes clients pour leur rappeler produits, ils peuvent être déçus et développer un de déposer de l’argent. sentiment de méfiance durable vis-à-vis des services • HFC Bank note que sa carte bancaire à bas coût financiers. Ce phénomène peut aussi entraîner une destinée aux jeunes clients (qui ne peut servir perte d’image plus générale pour les prestataires. qu’à vérifier ses soldes, pas à retirer de l’argent) est très appréciée des clients. Elle leur donne Exemples concrets la possibilité d’être en contact avec leur banque • Au Bangladesh, la banque BRAC est consciente et de contrôler leur solde. que prêter aux clients jeunes peut causer des • Banco Caja Social a constaté que son produit problèmes de surendettement et elle encourage Tuticuenta était très apprécié des jeunes clients donc un bon comportement d’épargne avant pour sa souplesse de fonctionnement et ses que les clients puissent bénéficier d’un prêt. coûts faibles, même s’il lui coûte plus cher que La taille des prêts accordés aux jeunes est son compte Cuentamiga (« le compte ami »), également plus petite que les autres produits de qui cherche à contenir ces coûts en limitant les prêt de la BRAC. transactions. • ProCredit Ghana prend note du risque de • ADOPEM indique que même à des niveaux réputation lié à l’offre de services destinée aux assez bas (2,75 dollars), les soldes minimum jeunes, car il est souvent difficile de bien leur
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