Handicap & politique - Edudoc
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Handicap & politique Edition 1 février 2016 En point de mire Les super-handicapés Handicapés, actifs dans la vie professionnelle, deux fois plus engagés que les per- sonnes sans handicap. La nouvelle édition de « Handicap et politique » présente le quotidien professionnel des personnes avec handicap.
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Table des matières Editorial Egalité Que serait-ce, d’être normal ?________________________________________ 3 Une longue attente_________________________________________________________ 17 Stephan Hüsler Suzanne Auer Évaluation de la LHand: malgré quelques avancées, il reste encore un long chemin à parcourir!________________________________________________________ 18 En point de mire Simone Leuenberger Eva ou la surdité apprivoisée__________________________________________ 4 Magali Corpataux L’homme de la situation__________________________________________________ 7 Suzanne Auer La scène du handicap Louis, au fil des autres___________________________________________________ 19 Les super-handicapés: Vers l’inclusion?_____________________ 10 Pascale Andrea Simone Leuenberger Politique sociale Tour d’horizon en matière de politique sociale_________________________________________________________11 Ursula Schaffner Quand les prestations sous condition de ressources diminuent de plus en plus_____________________________________________ 13 Simone Leuenberger 7e révision de l’AI: un développement continu vers quoi?_________________________________________________________________________________ 15 Ursula Schaffner Photo page titre: Du banjo au modèle de bateau, Georg Jirasek exhausse les souhaits de ses élèves. Photo : AGILE.CH 2
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Editorial Que serait-ce, d’être normal ? diminutions de rentes et cela touchera également les rentes pour enfants. D’autre part, un certain nombre d’assurés retirera également des avantages de ce sys- tème. Les perdants seront toutefois fortement pénali- Stephan Hüsler sés. Dans la mesure où la loi sur les prestations com- plémentaires fera également l’objet d’une révision au Président AGILE.CH même moment et que là aussi, des réductions ont été Photo: zVg proposées, les mêmes personnes seront deux fois plus pénalisées. Que serait-ce, d’être normal ? Les deux premiers por- traits de la revue « handicap et politique » font écho La proposition du Conseil fédéral semble en apparence à cette question. Eva Hammar et Georg Jirasek nous innocente de par sa volonté d’adopter les principes donnent un aperçu de leur quotidien on ne peut plus relatifs à la loi sur l’assurance-maladie pour l’assistan- normal. Normal, disons-nous, car toutes les personnes ce médicale aux enfants et aux jeunes. Rentabilité, sont normales avec leurs particularités. Nous avons adéquation et efficacité sont les maîtres-mots de la tous des caractéristiques et des reconnaissance obligatoire d’une qualités qui nous sont propres, ce « Être différent est thérapie, d’un médicament ou d’un qui nous rend à la fois uniques et dispositif médical par les assu- différents. Le quotidien d’Eva et quelque chose d’on ne rances-maladie. Si ces principes de Georg représente d’autant plus peut plus normal » devaient également s’appliquer à un défi de taille, leur handicap l’assurance-invalidité, la vie, du n’étant pas visible. Ils sont par conséquent constam- reste tout à fait normale, des parents d’enfants handi- ment confrontés à des personnes qui ne comprennent capés relèverait encore davantage du parcours du com- pas qu’« être différent » est quelque chose d’on ne battant. A l’avenir, ils devraient en effet se battre par peut plus normal et qu’elles sont elles-mêmes « nor- exemple pour chaque séance de physiothérapie ou males de manière particulière » , tout comme Eva et d’ergothérapie pour leur enfant. Les prestations de l’as- Georg. surance-invalidité, jusqu’à ce jour relativement géné- reuses, se verraient ainsi limitées et régies par les prin- Un peu plus loin, Ursula Schaffner commente les pro- cipes d’une médecine essentiellement guidée par les positions du Conseil fédéral relatives au développe- économies. ment de l’assurance-invalidité. Nous avions déjà criti- qué les formulations s’appuyant sur des euphémismes Les perspectives pour l’année, qui vient à peine de du Conseil fédéral dans le cadre de la 6e révision de la commencer, restent aussi normales que celles des an- LAI. Il ne semble malheureusement pas en avoir retiré nées antérieures. Notre lutte en faveur de l’égalité pour grand-chose. En effet, avec le « développement » , il les personnes handicapées se poursuit de manière prévoit une fois encore un projet d’économies. Si les usuelle. propositions du Conseil fédéral devaient être adoptées, avec le nouveau système de rentes dit « linéaire » , de Stephan Hüsler nombreux rentiers et rentières subiront d’importantes Président d’AGILE.CH 3
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 En point de mire Eva ou la surdité apprivoisée Dans les couloirs des Hôpitaux universitaires de Genève, vous croiserez peut-être une jolie blonde pressée. Vous la saluerez, elle vous répondra de son lumineux sourire, vous la verrez entrer dans son bureau dont la porte est étiquetée d’un « Consultation génomique, Dre Eva Hammar ». C’est tout ? C’est tout. Ou presque. Histoire d’une journée en sa compagnie. Lâchement, j’ai décliné l’invitation d’Eva Hammar. La Eva se rend à son bureau au sein du département de retrouver chez elle, traverser Genève à vélo sous la médecine génétique, où elle coordonne les activités pluie froide d’un petit matin de janvier ? On va plutôt de la consultation génomique. On y reçoit des familles se donner rendez-vous directement à l’entrée des qui veulent comprendre pourquoi elles ont perdu d’un Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où la bio- accident cardiaque un fils de 20 ans apparemment en chimiste de 44 ans travaille. Quatre jours par semaine, parfaite santé, ou des femmes qui désespèrent de de- venir mères après de multiples fausses couches. C’est Eva Hammar à l’œuvre. Photo: AGILE.CH là que la passion de la Genevoise entre en jeu : les 4
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 gènes, ces petits bouts de nous qui dessinent une partie de ce que d’aucuns appellent le destin. Eva Hammar fait le lien entre scientifiques, médecins et administration. Aujourd’hui, c’est calme, et nous prenons d’abord le temps de boire un café. Elle évoque ses études univer- sitaires et sa thèse de doctorat : « Oui, j’ai dû travailler dur. Rattraper les cours en lisant attentivement les po- lycopiés, m’appuyer sur les notes des autres. A l’époque, le handicap était relativement tabou. Pour moi, c’était important de passer inaperçue, de ‘ faire comme si ’. » Le handicap d’Eva s’appelle la surdité. Il est découvert lorsqu’elle a trois ans. Ce n’est que vingt ans plus tard qu’elle apprend la langue des signes, « une découverte majeure. Tout à coup, ma surdité n’était plus un défaut, mais une caractéristique que l’on revendiquait et qui me permettait d’appartenir à une communauté. » C’est d’ailleurs dans cette grande famille qu’elle rencontre le père de ses enfants, sourd lui aussi. Léa, 14 ans, et Loïc, 9 ans, sont entendants. Généralement, ils ora- lisent avec leur maman, qui est appareillée et lit parfai- tement sur les lèvres, et utilisent la langue des signes avec leur papa. Les sciences peuvent elles-aussi être artistiques. Humour et stratégie(s) Photo: AGILE.CH Lors de notre visite, nous n’assisterons pas au colloque hebdomadaire, confidentialité oblige. Mais n’est-ce pas eu des craintes. Pour moi, cela représentait une vraie difficile pour Eva de suivre les réunions ? « C’est fati- prise de risques. Finalement, mes collègues m’ont je- gant, bien sûr. Je dois me concentrer intensément. Je tée à l’eau sans plus de précautions : défi accepté ! » , me place de façon à voir tous les participants. Lorsque rit-elle. Et relevé, a-t-on envie d’ajouter. Avec les étour- je dois prendre note d’une décision, je la reformule dis qui oublient pour la quatrième fois que lui parler pour être certaine d’avoir bien compris. Cela a aussi planqué derrière un écran d’ordinateur ou sans la re- un avantage pour les entendant, car poser des mots garder est une mauvaise idée, elle dégoupille sa gre- clairs sur une conclusion décisive qui touche un pa- nade préférée, l’humour : « Tout passe mieux quand tient, c’est important ! » Si Eva se débrouille parfaite- on sait en rire. Une remarque un peu piquante mais ment, ses collègues doivent par exemple être attentifs toujours bienveillante fait passer efficacement le mes- à parler en face d’elle. « En général, cela se passe sage. » Quant aux irréductibles qui l’ignorent ostensi- naturellement. J’ai l’impression qu’évoluer dans un uni- blement et ne font aucun effort pour faciliter la com- vers académique, où les collaborateurs sont mobiles munication, « ils sont très rares. Avec ceux-là, je laisse dans leur carrière, viennent d’autres cultures, parlent tomber, tout simplement. Je n’ai pas de temps ni d’autres langues, joue en ma faveur. Comme moi, ils d’énergie à perdre. » ont l’habitude de s’adapter, d’évoluer hors de leur zone de confort. Ils sont probablement plus empathiques L’après-midi, Eva évoquera avec une collègue la concep- que quelqu’un qui n’a jamais expérimenté cela. Quant tion d’un flyer relatif aux maladies orphelines. Quelques à mon supérieur, il a longtemps travaillé aux Etats- mails plus tard – ses contacts professionnels sont ha- Unis, où le handicap est perçu comme une différence bitués à recourir à ce mode de communication plutôt et non comme un déficit. Cela ne pose aucun pro- qu’au téléphone –, il sera déjà temps pour elle d’enfour- blème, même si, lorsqu’on m’a proposé le poste, j’ai cher son vélo afin de rentrer à la maison. A propos, 5
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 n’est-ce pas dangereux de ne pas entendre la circula- tion autour de soi ? Elle répond dans un éclat de rire : « Je ne sais pas, je n’ai jamais entendu ce bruit, alors je ne peux pas te dire si ça serait mieux avec… moi, je fais sans ! » On vous avait prévenus : à propos d’Eva, à part évoquer sa brillante intelligence ou son rire aus- si chaleureux que contagieux, il n’y a rien de très spécial à mentionner. Magali Corpataux Secrétaire romande, AGILE.CH 6
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 En point de mire L’homme de la situation Georg Jirasek enseigne les travaux manuels, rénove des maisons, crée des œuvres d’art. Il mène une vie professionnelle créative et se consacre à la voile à ses heures. Quoi de plus agréable, pourrait-on penser. Si seulement il n’y avait pas ce problème: ce combat contre des crises migrai- neuses extrêmement douloureuses qui durent depuis des années. Une journée de travail dans la vie de Georg Jirasek. 5 h 45. Est-ce qu’aujourd’hui sera une journée avec sant de la poterie. Un autre mélange la peinture dans migraine ? Ou une journée calme ? Aujourd’hui, Georg une boîte à l’aide d’un tournevis. Quand Georg Jirasek Jirasek passe une journée à moitié calme. Il ne ressent lui dit de ne pas faire cela, l’élève rétorque : « Mais c’est que de légers maux de tête. Il se prépare, puis se rend vous qui m’avez montré ça ! » , provoquant un éclat de en voiture de son domicile à Seewil, à la frontière du rire général dans la classe. Seeland bernois, jusqu’à son lieu de travail à Ittigen près de Berne. Depuis quatre ans, il enseigne les tra- Une vie mouvementée vaux manuels à plusieurs classes de l’Oberstufen 9 h. Georg Jirasek a une heure de libre. Il s’accorde un zentrum. Chaque jour, à l’exception du mercredi, où il café et apprécie visiblement de pouvoir se détendre. Il ne travaille que toutes les deux semaines, il donne entre raconte sa vie, qui pourrait aisément faire l’objet d’un deux et six cours. livre palpitant. « J’adore enseigner!» Il est né en 1958 en Tchécoslovaquie. Alors qu’il avait Peu avant 7 h. Georg Jirasek arrive à l’école. Bien que 10 ans, son père fut muté en Égypte où il participa à la située au sous-sol, sa salle de classe est dotée de construction d’un hôpital. Il se souvient de cette époque grandes fenêtres. Il est équipé de tous les outils néces- passée au Caire avec une extrême précision : les saires au travail du bois et du métal, ainsi qu’à la pote- pique-niques le week-end au pied des pyramides, les rie : perceuses, ponceuses, scies, tournevis, etc. Il y a statues parfaitement proportionnées de l’Égypte an- même un four pour la cuisson de l’argile. Il lui reste cienne, les Égyptiens sympathiques et pleins de solli- encore un peu de temps pour préparer le cours avant citude. Il jouait souvent avec les enfants des gardiens que sa première classe, composée de huit garçons et des pyramides. À chaque fois, ils volaient la clé à leurs une fille, n’arrive à 7 h 30. pères et montraient au petit Georg des pièces archéo- logiques que personne n’avait encore jamais vues. Au- Une fille fabrique un avion en bois léger, deux garçons jourd’hui encore, ses yeux brillent quand il relate ces construisent une pendule, tandis que les autres événements. s’essaient à la création de chandeliers en argile. Georg Jirasek les surveille tous, les aide, leur fournit des ex- Arrive 1969, une année clé : c’était l’époque qui suivait plications avec beaucoup de patience et parle aux les violentes répressions du Printemps de Prague, la jeunes de manière confraternelle, sans adopter un ton Tchécoslovaquie s’enfonçait à nouveau dans la dicta- didactique. On sent immédiatement ce qu’il exprime ture. Au lieu de passer les vacances d’été au pays, la ensuite : « J’adore enseigner. C’est complètement dif- famille Jirasek saisit cette occasion pour s’installer en férent de tout ce que j’ai fait jusqu’à présent. » Rien ne Suisse. Au début, Georg ne parlait pas un mot d’alle- semble le perturber, pas même l’élève qui exige des mand. Mais il admet aujourd’hui que même après avoir gants parce qu’il ne veut pas se salir les mains en fai- maîtrisé la langue, il n’aimait pas aller à l’école. À 7
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 pas exactement de quoi il souffre. Il a tout essayé pour vaincre ce mal, de l’imposition des mains à l’acupunc- ture. Il a avalé des médicaments pendant des années. Souvent, les crises sont si douloureuses qu’il ne sait même plus ce qu’il fait, c’est le black-out total. Par une nuit d’hiver, il s’est levé et est sorti de la maison en pyjama. Il est resté deux heures dans la neige jusqu’à ce que sa femme le trouve. « Je suis désolé pour ma femme. C’est très dur pour elle. De plus, je m’énerve et je suis enclin à l’agressivité verbale quand j’ai la mi- graine » , précise-t-il. Pendant certaines périodes, il souffre quotidiennement de ces crises migraineuses. Puis, il y a des phases où il est tranquille pendant une semaine. L’administration d’antidouleurs n’aide pas toujours. Une chose est sûre : « C’est extrêmement exténuant. » Ce qui l’af- flige, c’est que ses deux filles présentent les mêmes symptômes. La maladie se répercute sur tous les aspects de la vie de Georg Jirasek. Il perçoit certes une demi-rente AI depuis longtemps. Elle lui a été attribuée après examen approfondi. Mais il rencontre des problèmes avec sa Le « penseur », une œuvre de Georg Jirasek. Photo: AGILE.CH caisse-maladie qui ne veut plus lui rembourser ses onéreux frais de traitement. Il y a quelque temps, il ne Bienne, il fit un apprentissage de dessinateur industriel se sentait plus capable de poursuivre son activité. Il a avant de faire des études de génie mécanique. Il fut dû licencier ses employés et liquider son entreprise. naturalisé à Nidau. Sa maladie a également des conséquences sur sa vie privée. Il a besoin de repos et doit se coucher très tôt C’est sur le lac de Bienne que Georg Jirasek découvrit le soir. Evidemment, sa vie sociale en souffre. N’en sa passion pour la voile. Ce navigateur chevronné a a-t-il pas marre parfois ? « Non. Je suis tout simple- passé tous les certificats. Lors d’une croisière, il fit la ment là. Il serait lâche de me suicider. Je me suis ha- connaissance de sa femme Iris avec qui il a eu deux bitué à cette situation et j’essaie de faire au mieux. » filles, aujourd’hui âgées de 27 et 25 ans. Lorsque son Et on le croit. beau-père envisagea de cesser son activité, il apparut qu’il n’avait pas de successeur. Georg Jirasek apprit Une pause déjeuner bien méritée alors rapidement les métiers de menuisier et charpen- 10 h 30. L’heure creuse s’achève. La classe suivante tier et suivit les cours de la Holzfachschule, école spé- attend Georg Jirasek. Dix garçons, presque tous issus cialisée dans les métiers du bois. Au début, il dirigea de la deuxième génération d’immigrés. Ils scient, pon l’entreprise avec succès. Pendant des années, il a eu cent et collent avec ardeur. La plupart ont décidé de sous ses ordres cinq employés et deux apprentis. fabriquer des pistolets en bois, l’un d’entre eux peaufine néanmoins un banjo, tandis qu’un autre construit un Une grande ombre au tableau bateau à moteur. La concentration des constructeurs Malgré ses succès professionnels et son bonheur fami- de pistolets n’est pas au rendez-vous aujourd’hui. Ils ne lial, Georg Jirasek avait un problème qui ne lui laisse sont pas motivés, s’agitent, traînent par-ci, par-là. Ce- aucun répit : depuis l’âge de 16 ans, il lutte contre des pendant, Georg Jirasek essaie de les motiver avec une crises migraineuses qui s’intensifient au fil des ans. patience infinie. Il veut développer leur imagination et Aujourd’hui, après plus de 40 ans, il ne sait toujours leur persévérance. Il souhaite également leur apprendre 8
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 pourquoi on fait quelque chose, car d’après lui, cela que les taxes afférentes au brevet étaient trop élevées. manque bien souvent aujourd’hui. L’« escalier qui n’en est pas un » , composé de marches qui se rabattent, n’a pas été construit, contrairement à 12 h. Enfin la pause déjeuner. Georg Jirasek rentre chez une rampe d’escalier en fer en forme de « Deuche » lui. Après le repas, il s’accorde l’heure de sommeil qui pour un collègue amateur de la 2CV de Citroën. Il a lui est nécessaire. également fabriqué un jeu d’échecs rond, beaucoup plus difficile que la version carrée. N’oublions pas non Une multitude d’activités plus la sculpture en bois emblématique du « Penseur » , Cet après-midi, il a un programme bien chargé. Il se arborant les marques commerciales d’Apple et de Win- rend tout d’abord chez sa fille, avec laquelle il rénove dows, qui trône sur un tas de livres dans le hall d’entrée actuellement l’appartement de son beau-père décédé. de l’Oberstufenzentrum d’Ittigen. C’est un esprit créa- Puis il retourne exceptionnellement à l’école. Il doit y tif, en dépit de ses douleurs. « Mon cerveau fonctionne rencontrer des collègues enseignants parce qu’un nou- 24 heures sur 24 » , ajoute-t-il. vel appareil doit être livré et installé. 21 h. Malgré tout, il est temps de laisser le cerveau se Même d’ordinaire, il ne s’ennuie jamais pendant son reposer quelques heures. En espérant que demain sera temps libre. Il planche ardemment sur de nouvelles un jour sans crise migraineuse. Bonne nuit, Georg inventions qui finissent parfois dans un tiroir, mais Jirasek, dobrou noc ! peuvent aussi parfois voir le jour. L’invention qui concerne un produit non toxique permettant de lutter Suzanne Auer contre les petites vrillettes a atterri dans le tiroir parce Secrétaire générale, AGILE.CH 9
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Commentaire Les super-handicapés: Vers l’inclusion? Des personnes en situation de handicap exercent une activité professionnelle, ont une famille et s’engagent en outre bénévolement au sein de la société. Le handicap devient alors un détail que l’on cache autant que possible. Est-ce donc ce que l’on entend par inclusion, participation et in- tégration sur un pied d’égalité dans le monde du travail? Si l’on étudie le déroulement des journées de nos deux mais communiquer de manière ouverte sur notre diffé- protagonistes, on remarque que leurs handicaps se rence : telle est notre mission. Nous accepter tels que dissimulent aisément. Ceux-ci importent peu, apparem- nous sommes avec notre handicap et trouver avec nous ment. En voyant l’enseignant jovial et motivant qu’est des moyens nous permettant d’utiliser nos capacités : Georg Jirasek, l’on ne s’imagine pas qu’il doit se cou- telle est la mission des employeurs, de nos collègues cher extrêmement tôt le soir, exténué, la tête pleine de de travail, bref, de la société tout entière. Créer des bourdonnements et qu’il a très peu de contacts so- conditions-cadres légales qui compensent les inconvé- ciaux. Qu’Eva Hammar doive faire des efforts démesu- nients, favorisent l’égalité des chances, r(é)tablir et rés pour enregistrer les informations nécessaires lors mettre en œuvre l’égalité matérielle et immatérielle : des réunions est considéré comme allant de soi. S’adap- telle est la mission de l’État, de la politique et des au- ter, sortir de sa zone de confort... Avec un peu d’hu- torités. mour, tout va mieux, telle est la devise. Dans les deux exemples cités plus haut, l’interaction Nul ne se soucie du fait que ces deux-là doivent gagner entre les différents acteurs semble fonctionner parfai- leur vie actuelle de haute lutte, jour après jour. Les tement. L’équilibre acquis reste néanmoins fragile. Le personnes en situation de handicap doivent-elles four- moindre coup de vent, par exemple une crise migrai- nir davantage d’efforts et renoncer à plus de choses neuse plus intense, un collègue peu compréhensif ou que leurs collègues non handicapés pour mener une une mesure d’économie de l’assurance-invalidité pré- vie plus ou moins acceptée par la société ? Et qu’en sentée comme anodine, pourrait provoquer l’effondre- est-il de toutes celles et tous ceux qui n’y arrivent tout ment de ce château de cartes. simplement pas ? Ils sont stigmatisés et traités de « pseudo-invalides » . Si tout va bien malgré le handicap, Nous nous efforçons tous d’amortir les coups de vent alors c’est parfait, sinon cela ne convient pas, voilà le ou, si cela ne suffit pas, de reconstruire le château de credo qui semble s’imposer de plus en plus... et qui est cartes et ce, en unissant nos forces. C’est en ce sens en contradiction totale avec la Convention des Nations que nous parvenons à l’inclusion. L’inclusion pour tous, Unies relative aux droits des personnes handicapées au lieu de l’adaptation jusqu’à plus soif de quelques qui prône l’inclusion. Pour ce faire, chacun doit appor- super-handicapés. ter sa pierre à l’édifice ! Simone Leuenberger L’inclusion par la répartition des tâches Collaboratrice scientifique, AGILE.CH Vivre avec un handicap, ne pas le mettre en évidence, 10
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Politique sociale Tour d’horizon en matière de politique sociale Trois procédures de consultation sont en cours jusqu’à la mi-mars, respectivement jusqu’à fin mars 2016 concernant des sujets relevant de la politique sociale, qui touchent tout particulièrement les personnes en situation de handicap. Jusqu’à la mi-mars également, les groupes intéressés peuvent prendre position sur le programme de stabilisation du Conseil fédéral, qui prévoit notamment des mesures d’économie qui devraient se faire au détriment de l’AI. Le thème marquant qui touche les discussions en cours en matière de politique sociale reste la « réforme de la prévoyance vieillesse 2020 ». Vous trouverez dans le présent numéro de « Handicap ront leurs divergences et couleront définitivement ces et politique » une contribution spécifique pour les pro- initiatives parlementaires. Elles reposent sur des faits jets mis en consultation portant sur l’assurance-invali- erronés et n’apportent rien, si ce n’est des charges dité, d’une part, et sur les prestations complémentaires, administratives supplémentaires. Comme d’habitude, d’autre part. l’UDC n’a pas pour objectif de proposer des solutions, mais de faire de la propagande et de confier le plus Alors que l’année 2016 est à peine entamée, les possible de nouveaux mandats à l’Etat, qui est pourtant commissions CSSS-CN et CSSS-CE, qui traitent les à toute occasion l’objet de railleries et de critiques de objets liés à la politique sociale, ont déjà siégé plu- ce même parti politique. sieurs fois dans leur nouvelle composition. Dans la commission compétente du Conseil des Etats en par- Réforme de la prévoyance vieillesse 2020 ticulier, on a ttendait avec appréhension les prises de En janvier, la CSSS-CN a auditionné plusieurs commu- position de la nouvelle majorité bourgeoise sur les in- nautés d’intérêts pour connaître leur avis sur la réforme terventions parlementaires qui avaient déjà fait l’objet de la prévoyance vieillesse, dont Pro Senectute Suisse, de débats. la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales, deux fédérations syndicales et les Un accès encore plus difficile à l’AVS, à l’AI et aux jeunesses du PRD, de l’UDC, du PS, du PDC et des prestations complémentaires? Verts. L’Alliance de sociétés féminines suisses (Al- Lors de sa séance de janvier 2016, la CSSS-CN a traité liance F) ainsi que l’Union suisse des paysannes et trois initiatives parlementaires de l’UDC. Toutes trois femmes rurales ont défendu les intérêts des femmes. visent à compliquer l’accès à l’AVS, à l’AI et aux pres- Egalement consultés, les caisses de pension et le sec- tations complémentaires pour les ressortissants étran- teur des assurances sont les interlocuteurs qui ont eu gers. En août 2015 déjà, cette commission avait adop- le plus de poids. Les fédérations représentant les per- té ces initiatives, mais à une très faible majorité. La sonnes en situation de handicap ont également tenté CSSS-CE les avait par contre refusées. Même les deux de se faire inviter, mais sans succès. Avant que la com- membres UDC de la Chambre haute n’avaient pas sou- mission du Conseil national ne commence la complexe tenu ces objets. Fin janvier 2016, la CSSS-CN recom- discussion par article, elles devront expliquer aux nou- mandait à tous ses membres réunis en plénum de re- veaux membres de la CSSS-CN que la réforme de la fuser ces initiatives au motif qu’elles porteraient atteinte prévoyance vieillesse 2020 a également des répercus- à certains accords conclus avec les Etats de l’UE et de sions importantes sur les prestations de l’AI et qu’il l’AELE. n’est par ailleurs pas possible de porter atteinte à l’uni- té du premier pilier, ancrée dans la Constitution fédé- Nous attendons avec impatience de voir si les repré- rale. Si les rentes de vieillesse bénéficient d’une aug- sentantes et représentants du centre droit surmonte- mentation, celles d’invalidité devraient aussi être 11
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 relevées afin de compenser la baisse du taux de conver- Stabilisation, allégement ou des économies sion appliqué pour le deuxième pilier. malgré tout? Fin novembre 2015, le Conseil fédéral a lancé la consul- Dédommagement des proches pour leurs presta- tation relative à ce qu’il appelle le « programme de tions d’assistance stabilisation 2017-2019 » . Le communiqué de presse Plusieurs initiatives parlementaires prévoyant un dé- publié par l’Administration fédérale des finances an- dommagement pour les prestations d’assistance four- nonce que ce programme prévoit, à partir de 2017, des nies par leurs proches à des personnes malades ou « allégements budgétaires » d’environ un milliard de handicapées sont en suspens depuis 2012. Parmi elles, francs. Il mentionne que les mesures comprennent éga- citons l’initiative parlementaire « Contribution d’assis- lement des économies dans les dépenses du personnel tance – Rémunération des prestations d’aide fournies de la Confédération. Selon l’angle de vue choisi, ce par des proches » lancée par Christian Lohr. Cette programme d’économie se présente donc sous des as- initiative a été gelée par le Conseil national et le Conseil pects très divers. des Etats qui ont argué qu’elle ne pourrait pas être traitée dans le délai de deux ans prévu par la législa- Les assurances sociales doivent, elles aussi, renoncer tion. à une partie de leur budget. L’AI devra participer aux économies totales prévues de 784,2 millions en 2017, Une initiative parlementaire lancée en 2011 par Ma- 978,3 millions en 2018 et 1032,6 millions en 2019 à rianne Streiff, qui proposait de décharger de manière hauteur de 61 millions en 2018 et 62 millions en 2019. simple et rapide les parents d’enfants handicapés, Jusqu’à ce que l’assurance-invalidité ait remboursé la avait été rejetée par les deux chambres au motif que totalité de ses dettes envers l’AVS, la somme que la l’initiative de Rudolf Joder ( « Meilleur soutien pour les Confédération économise auprès de l’AI s’élève à enfants gravement malades ou lourdement handicapés quelque 750 millions de francs. La Confédération veut qui sont soignés à la maison » ) abordait déjà la même économiser 72 millions en 2018 et 75 en 2019 sur les problématique. Entre-temps, la CSSS-CN a élaboré un primes individuelles. On ne peut que se demander qui projet qui prévoit une légère augmentation de l’alloca- bénéficiera d’ici à 2020 d’une stabilisation ou d’un al- tion pour soins intenses. Les milieux intéressés peuvent légement avec de telles mesures. prendre position d’ici à fin mars 2016. Cette proposi- tion constitue un petit pas pour améliorer la situation Les personnes qui souhaitent en savoir davantage sur des parents qui soignent chez eux des personnes gra- le programme d’allégements budgétaires peuvent le vement malades ou des enfants souffrant d’un handi- consulter à la fin du communiqué de presse publié par cap lourd. Mais elle ne répond pas à la demande pré- l’Administration fédérale des finances grâce au lien sui- sentée dans l’initiative parlementaire de Christian Lohr, vant : qui vise le dédommagement de prestations d’assistan- https ://www.admin.ch/gov/fr/start/dokumentation/ ce fournies à des proches par d’autres personnes que medienmitteilungen.msg-id-59671.html les parents. Sources : Tages-Anzeiger, Neue Zürcher Zeitung (NZZ), A notre avis, un réexamen de la demande présentée différents communiqués de presse de la Confédération, par le conseiller national Lohr, qui se fait le relais de des cantons et des partis politiques, publiés entre le nombreuses personnes concernées par le handicap, 4 novembre 2015 et le 25 janvier 2016. constituerait un pas décisif vers une extension des prestations de l’AI et une étape essentielle permettant Ursula Schaffner la concrétisation d’une véritable politique nationale en Responsable de la politique sociale et de la défense des intérêts, faveur des personnes en situation de handicap. AGILE.CH 12
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Politique sociale Quand les prestations sous condition de ressources diminuent de plus en plus En novembre 2015, le Conseil fédéral a mis en consultation le projet de réforme des prestations complémentaires. Malgré un volume d’économies atteignant jusqu’à 287 millions de francs par an, le niveau des prestations doit être maintenu. Cet objectif est plus que douteux. Les prestations complémentaires (PC) sont attribuées 50 000 francs pour les couples. Pour ceux dont la for- sous condition de ressources. Donc, seules les per- tune est supérieure à ces montants, un dixième de sonnes qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts sans celle-ci sera considéré comme revenu. Par ailleurs, la ces prestations y ont droit. Mais qu’est-ce que cela fortune utilisée dépassant les dépenses reconnues signifie ? Quel peut/doit être le montant attribué dans peut excéder 10 000 francs par an uniquement pour le cadre des prestations sous condition de ressources ? raison impérieuse. Dans le cas contraire, cet argent Jusqu’à quel point peut-on restreindre les bénéficiaires ? sera également considéré comme faisant partie de la Jusqu’à présent, le minimum vital légal assuré par les fortune, donc pris en compte comme revenu. Par PC dépassait celui des aides sociales. Et d’après le conséquent, cette mesure a pour effet de compliquer Conseil fédéral, les choses doivent rester ainsi. Cepen- un achat (de remplacement) de voiture. dant, les coupes budgétaires ont coûté aux rentières et rentiers AI ayant droit aux PC 640 francs par per- Les bénéficiaires de PC doivent donc posséder et dé- sonne et par an en moyenne, sachant que près de 50 % penser moins de fortune, mais sont priés de gagner des bénéficiaires AI sont dépendants des prestations plus. Pour les personnes qui perçoivent une rente par- complémentaires et, pour bon nombre d’entre eux, tielle et ne font pas usage de toute leur capacité de toute leur vie. travail résiduelle, le revenu ainsi perdu sera entière- ment pris en compte, contre les deux tiers auparavant. Certes, des exceptions sont prévues pour les personnes qui ont entrepris tout ce qui peut être raisonnablement exigé, mais n’ont pas trouvé de travail. Cependant, le Conseil fédéral réglera ces exceptions par ordonnance à sa seule discrétion. Jusqu’à quel point peut-on encore presser le citron? Une multitude de petites adaptations ont pour effet de réduire le niveau des prestations complémentaires pour les personnes en situation de handicap, bien que le Conseil fédéral affirme l’inverse. Ainsi, même s’il Avec la proposition de révision, les bénéficiaires de PC sont pres- avoue qu’un changement de catégorie est à peine en- sés comme des citrons. Photo : zVg visageable pour les personnes en situation de handi- cap, le niveau minimal des PC diminue et seule la Réduction des franchises sur la fortune, hausse prime d’assurance-maladie effective est prise en des montants pris en compte comme revenus compte, néanmoins au maximum la prime cantonale Le Conseil fédéral propose de baisser à nouveau les moyenne. Pour les personnes résidant en foyer ou franchises sur la fortune qui avaient été augmentées leurs conjoints, d’autres inconvénients apparaissent, dans le cadre de la réforme du financement des soins, comme pour la taxe journalière et la fortune à prendre et ce à 30 000 francs pour les personnes seules et en compte. 13
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 De nombreuses autres petites mesures de renforce- situation de handicap de mener une vie digne malgré ment doivent aussi être prises en considération. C’est les prestations sous condition de ressources. pourquoi, lors de la procédure de consultation, puis pendant les débats parlementaires, nous allons dé- Simone Leuenberger fendre des solutions qui permettent aux personnes en Collaboratrice scientifique, AGILE.CH 14
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Politique sociale 7e révision de l’AI: un développement continu vers quoi? Le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur la 7e révision de l’AI début dé- cembre 2015. Malgré un développement (tout au moins verbeux) des mesures de réadaptation, la ré- vision ne doit pas avoir d’impact sur les coûts. Est-ce possible? Le Conseil fédéral ne désigne pas la plus récente révi- de rendre leur versement possible dès le début de la sion de l’AI par le chiffre porte-chance sept. Il préfère formation et non plus à partir de 18 ans seulement. Il l’intituler « Développement continu de l’AI » . Il ressort entend mettre ainsi sur un pied d’égalité, en matière de de l’étude du volumineux dossier de révision, qui n’est salaires, les jeunes en situation de handicap, qui per- pas toujours très transparent surtout en matière de cevront moins qu’aujourd’hui, et ceux qui ne sont pas coûts, que le développement continu ne sera pas le atteints dans leur santé. S’il est vrai qu’il existe un be- même pour les différents groupes d’assurés. soin de correction pour quelques rares jeunes en ma- tière d’indemnités journalières, nous pensons que le Développer les mesures d’accompagnement problème principal réside plutôt dans le manque de Les analyses statistiques montrent que le nombre des places d’apprentissage pour les jeunes ayant des pro- personnes touchant une rente AI à cause de maladies blèmes. Mais pour ceux-ci, on semble être pour l’heure psychiques n’est pas en recul, mais en augmentation, à court d’idées. en particulier dans la population jeune. Les recettes pour endiguer cette évolution indésirable ? Etendre la détection précoce aux jeunes à partir de 14 ans sous certaines conditions. Le projet propose en outre que ces derniers bénéficient plus tôt et plus longtemps des prestations de conseil et de suivi de professionnels de l’AI lors de la transition de l’école au marché du travail. A cet effet, il prévoit d’assouplir et de prolonger l’octroi des mesures de réinsertion existantes. Le développe- ment des mesures de réadaptation doit leur permettre de trouver un emploi dans le marché primaire du travail. Le conseiller fédéral Alain Berset. Photo: zVg Les mesures envisagées en faveur des enfants et des jeunes coûteront quelque 58 millions de francs en 2030 Les modifications concernant les indemnités journa- et celles en faveur des adultes, 31 millions de francs. lières doivent permettre d’économiser 51 millions Elles doivent permettre de réaliser des économies de de francs en 2030. 45 millions de francs au total au niveau des rentes. Mettre à jour la liste des infirmités congénitales Développer les indemnités journalières L’AI octroie certains traitements médicaux pour les in- La révision propose le versement, à l’avenir, d’indem- firmités congénitales figurant dans la liste correspon- nités journalières pendant la formation professionnelle dante. Elle avait été mise à jour pour la dernière fois en initiale lorsque les jeunes bénéficient de certaines me- 1985, il convient de saluer son actualisation. Le projet sures de l’AI. Il ne sera plus nécessaire qu’ils soient li- de révision définit cinq nouveaux critères qui permet- mités dans leur capacité de gain en raison d’une mala- tront à un groupe d’experts de décider quelles malfor- die ou d’un handicap. Le Conseil fédéral propose de mations congénitales, maladies génétiques et affec- diminuer le montant des indemnités journalières, mais tions d’origine prénatale ou périnatale seront reconnues. 15
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Deux critères retiennent l’attention et sont très épi- mentaires en 2030 à 78 millions de francs et les écono- neux : l’infirmité doit présenter un « caractère invali- mies à 96 millions de francs. Selon nos calculs, cette dant » et « une certaine gravité » . Comme si l’on pou- révision se soldera par une réduction des prestations de vait prévoir au début de la vie comment se développe 18 millions de francs, entraînera la création de nom- un enfant souffrant d’une infirmité motrice cérébrale breux emplois additionnels dans l’AI et aura pour résul- ou d’une myopathie. Cet amendement laisse présager tat qu’un nombre important de personnes percevront des recours longs et difficiles. Reste à savoir si les pa- moins, sans avoir d’emploi pour autant. Car, une fois de rents confrontés à une situation déjà éprouvante auront plus, aucune obligation n’est faite aux entreprises. Après vraiment envie de se battre pour obtenir la prise en tout, la dernière révision en date de l’AI est bien intitulée charge des coûts de traitement de leur enfant. « Développement continu de l’AI » et non « Les chemins de l’AI vers le septième ciel de la sécurité sociale » . Les économies escomptées grâce à cette mesure s’élèvent à environ 30 millions de francs. Si vous souhaitez en savoir davantage sur le projet de révision, vous pouvez le consulter à l’adresse suivante : Développer rime avec économiser https ://www.admin.ch/ch/f/gg/pc/docu- Epais de quelque 200 pages, le rapport exposant le pro- ments/2667/Assurance-invalidite_Rapport-expl_fr.pdf. jet de révision formule d’autres propositions, notam- ment l’introduction d’un système de rentes linéaire, qui Ursula Schaffner avait déjà été présenté dans le cadre de la révision 6b. Responsable de la politique sociale et de la défense des intérêts, Au total, le Conseil fédéral estime les coûts supplé AGILE.CH 16
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Egalité Une longue attente Connaissez-vous la différence entre intégration et inclusion? Savez-vous ce que devrait être une véri- table participation des personnes handicapées? Et avez-vous déjà réfléchi à la question de la « poli- tique nationale du handicap »? Non? Alors, sachez que vous n’êtes pas tout seuls. Car le Conseil fé- déral n’est pas plus avancé que vous. Le suspense régnait chez AGILE.CH le 7 décembre der- tionnelle : le rapport en question devra même indiquer nier. Comme nous avions pu l’apprendre de sources comment un suivi de l’égalité des personnes handica- bien informées, le Conseil fédéral allait enfin s’exprimer pées pourrait être mis en place. On appréciera le condi- sur la question de la « politique nationale du handi- tionnel et l’auxiliaire « pouvoir » ! cap » . En février 2014, il avait déjà annoncé son inten- tion de combiner l’évaluation de la loi sur l’égalité pour Pourtant, l’égalité des personnes handicapées n’a rien les personnes handicapées (LHand) « avec les conclu- de facultatif, c’est une obligation qui incombe à la sions tirées dans d’autres secteurs de la politique en Suisse. La Confédération a fini par ratifier la Convention faveur des handicapés et de procéder à un état des de l’ONU sur les droits des personnes handicapées, ce lieux exhaustif » . Le 7 décembre 2015 (presque deux qui revient à promettre que notre pays va faire progres- ans plus tard !) serait-il le jour tant attendu où les étapes ser l’égalité des chances et l’égalité de traitement des concrètes vers une politique nationale en matière de personnes handicapées. En 2016, la Suisse devra pré- handicap seraient enfin révélées à la population suisse ? senter pour la première fois un rapport détaillant les La réponse est non. Une fois de plus : non. mesures concrètes qu’elle a prises pour atteindre cet objectif et les autres démarches prévues. Piètres résultats Dans un communiqué de presse, le Conseil fédéral s’est Un mauvais pressentiment fait fort d’avoir « défini la future orientation de la poli- Les annonces du Conseil fédéral laissent deviner qu’une tique du handicap » , celle-ci visant à « renforcer l’éga- fois de plus, le sujet complexe de la « politique natio- lité et la participation des personnes en situation de nale du handicap » ne sera pas traité à fond. De nou- handicap dans tous les domaines de la vie sociale » . veaux rapports servent tout au plus à laisser l’actuel patchwork tel qu’il est. Et ils ne contribuent guère à Cela, on l’a déjà tous entendu une fois ou l’autre. Qu’est- modifier l’image des personnes handicapées ni à mettre ce qui est censé être « concret » là-dedans ? Bon, en avant leurs compétences. Quant à savoir si les per- peut-être le paragraphe suivant du communiqué nous sonnes concernées seront associées aux travaux à en apprendra-t-il davantage, il faut donc poursuivre la effectuer d’ici fin 2016 et, si oui, comment, le Conseil lecture. Les seules choses, pourtant, que les chers lec- fédéral n’en dit mot. Peut-être devrait-il relire la Conven- teurs et lectrices ont encore pu découvrir étaient que tion de l’ONU ? Elle a en effet pour principe que rien ne le Département fédéral de l’intérieur (DFI) était chargé doit se faire à notre propos sans notre participation. de « soumettre, d’ici à fin 2016, des propositions visant Nous sommes disposés à coopérer et n’avons aucune à mieux coordonner les mesures déjà prises par la envie de continuer à faire tapisserie pendant des an- Confédération et les cantons » . Il devrait aussi montrer nées. dans un rapport comment des thèmes clés tels que la formation ou l’insertion sur le marché du travail dans Suzanne Auer la politique en faveur des personnes handicapées pour- Secrétaire générale, AGILE.CH raient être intégrés. Et voici une précision quasi sensa- 17
Handicap & politique Edition 1 – février 2016 Egalité Évaluation de la LHand: malgré quelques avancées, il reste encore un long chemin à parcourir! Le chemin menant à l’égalité des chances est encore long. Il manque encore quelqu’un qui ouvre la voie de manière obligeante. Photo : zVg À l’occasion de la journée internationale des personnes la formation et de la vie professionnelle, ainsi que dans handicapées qui a eu lieu le 3 décembre 2015, le Dé- les prestations de services privées. En outre, plus le partement fédéral de l’intérieur a présenté le rapport handicap est visible, plus les obstacles le sont et plus d’évaluation des dix ans d’existence de la loi sur l’éga- la disposition à les éliminer est présente. Les mesures lité pour les personnes handicapées (LHand). Voici ce qui ont été proposées vont de l’égalité des chances que l’on peut déjà en dire : il manque une politique du soutenue par un programme fédéral à des adaptations handicap nationale cohérente. Il n’a pas été possible législatives concrètes en passant par la création d’une de susciter de prise de conscience générale pour le commission extraparlementaire. Pour en savoir davan- droit à l’égalité des chances. tage, rendez-vous sur www.ebgb.ch. Cela en vaut la peine ! Cependant, plus la réglementation est concrète, plus la mise en œuvre avance. Ainsi, l’accès à tous dans les Simone Leuenberger transports publics a été fortement amélioré, tandis qu’il Collaboratrice scientifique, AGILE.CH ne s’est pratiquement rien passé dans le domaine de 18
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