Mortalité des personnes sans domicile 2020 - DÉNOMBRER & DÉCRIRE RÉSUMÉ DE L'ENQUÊTE - Collectif Morts ...
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Mortalité des personnes sans domicile 2020 Publiée en novembre 2021 DÉNOMBRER & DÉCRIRE RÉSUMÉ DE L’ENQUÊTE
Lorsque le premier de 97 centres d’hébergements A ce jour, il n’est ainsi pas des mesures « ponctuelles » ÉDITO confinement a débuté en France le 17 mars spécialisés (CHS) pour la prise en charge des cas de Covid-19 possible de décrire précisément l’effet de la crise sanitaire sur la aussi importantes soient-elles pour réduire la mortalité des 2020, chacun a été (soit 3600 places au 4 mai 2020) mortalité des personnes sans personnes sans chez soi, elles renvoyé à son foyer et mobilisation d’environ 6000 chez soi, d’autant plus que la se doivent d’être durables et pour se protéger de la pandémie places dans des bâtiments surveillance de la mortalité du soutenues dans le temps. de covid-19, les personnes sans comme des villages vacances CMDR n’est pas exhaustive. La mise en place d’un nouveau chez soi n’ayant nulle part où (VVF)6. A cela, s’est ajouté la service public de la rue au aller…. L’invisible était devenu mise en place de chèques et La mobilisation sans précédent logement10 et l’engagement visible. La vie à la rue n’est déjà tickets services pour permettre des acteurs de l’urgence sociale de la ministre déléguée au pas facile, elle l’est encore moins à 155 000 personnes sans et des pouvoirs publics a permis logement Emmanuelle Wargon en temps de pandémie. domicile d’accéder à des biens d’atteindre des situations à en finir avec « la gestion au Ces premières semaines ont essentiels7. exceptionnelles au cours du thermomètre »11 constituent entraîné des conséquences Malgré tout, le CMDR a premier confinement (baisse de ainsi des signaux encourageants. immédiates pour les personnes recensé, en 2020, le décès de 70 à 80% des appels au 115 entre sans abri, vivant en squat ou dans 587 personnes sans chez soi, les semaines 7 et 19, baisse des Car il est temps… des campements : fermeture des 587 personnes qui étaient demandes non pourvues9) et a Il est temps d’investir points d’eau, WC et douches, sans logement personnel, à contribué à contenir l’impact de suppression des distributions la rue, dans un abri, en squat l’épidémie sur cette population dans une politique alimentaires, fermeture de ou encore dans une structure vulnérable. ambitieuse pour mettre certains accueils de jour, d’hébergement au cours de fin au sans-abrisme. limitation des maraudes. Du jour leurs derniers mois de vie. Certes, la mise à l’abri et Il est temps de cesser au lendemain, « ces personnes Si ce chiffre interpelle, il ne l’hébergement d’urgence ne de dénombrer les décès se sont retrouvées dans s’agit pourtant que d’une vision sont pas suffisants pour sortir l’incapacité de pouvoir satisfaire partielle de cette sombre réalité. durablement les personnes de de ces personnes « dont leurs besoins de première Selon l’étude effectuée en 2014 la rue mais ces actions menées la survie est marquée nécessité » comme le mentionne par des scientifiques extérieurs au cours du printemps 2020 par le recours à un la Fondation Abbé Pierre1 . Les au CMDR, la réalité se tiendrait constituent un précédent. abri précaire ou à un structures d’hébergement ont autour d’un peu plus de 2000 Elles montrent que les hébergement social »12 . poursuivi leur activité en tachant décès par an (6730 personnes pouvoirs publics peuvent agir de répondre à de multiples sans domicile décédées entre massivement auprès de ce public défis2 : absence de matériel 2008 et 2010)8. vulnérable. Les données de 2020 de protection individuelle, L’appui reçu, depuis 2012, de la viennent d’ailleurs le rappeler : personnel en effectif réduit, … Direction Générale de la Cohésion il ne suffit pas de prendre Des décisions fortes sont prises Sociale (DGCS) et aujourd’hui de pour mettre à l’abri, « sortir de la Délégation Interministérielle la rue » : prolongement de la à l’Hébergement et à l’Accès 1 Fondation Abbé Pierre. Rapport sur l’état du mal logement en France, 2021. 8 C. Vuillermoz, A. Aouba, L. Grout, et al. Estimating the number of homeless deaths in France, 2008–2010. BMC trêve hivernale3 et maintien des au Logement (DIHAL) a permis 2 P. Dallier. Rapport d’information pour la Commission public health. 7 juill 2014;14:690. 14 000 places d’hébergement de structurer la surveillance des finances sur la politique d’hébergement d’urgence, 26 9 Fédération des acteurs de la solidarité. C.Lardoux. mai 2021. Impact du Covid-19 sur l’activité du 115 et le public pris du plan hiver au-delà de la trêve, menée par le CMDR mais de 3 Communiqué de presse du ministère de la cohésion des en charge. ouverture de 2000 places d’hôtel nombreux points restent encore territoires et des relations avec les collectivités territoriales 10 Décret n°2021-326 du 25 mars 2021. du 13/03/2020. 11 Communiqué du 6/09/2021. supplémentaires4 (près de 11 400 à améliorer. 4 Communiqué de presse du 21/03/2020. 12 P. Pichon. « Sortir de la rue : discontinuités places au 4 mai 2020)5, ouverture 5 Communiqué de presse du 20/03/2020. biographiques et mobilisation des ressources », in Articles 6 Communiqué de presse du 4/05/2020. de recherche, « Les SDF. Trajectoires, représentations, 7 Communiqué de presse du 20/04/2020. politiques publiques », nov. 2003, pp. 135-150. 2 3
Tableau 1 - Classification utilisée par le CMDR Le Collectif Les Morts de la Rue (CMDR) a été créé en 2002 par des travailleurs sociaux et des personnes en situation Personne « Sans chez soi » : toute personne ayant principalement dormi au cours des 3 derniers mois précédent le décès dans un lieu non de rue. Rapidement, plusieurs associations se joignent au prévu pour l’habitation et/ou dans une structure d’hébergement CMDR. Les objectifs en sont les suivants : Faire savoir que vivre à la rue mène à une mort prématurée Sans chez soi « en situation de rue », ayant dormi principalement* : Dénoncer les causes de décès - Dans des lieux non prévus pour l’habitation (cave, cabane, voiture, usine, Veiller à la dignité des funérailles bureau, entrepôt, bâtiment technique, parties communes d’un immeuble, Accompagner les proches en deuil chantiers, tente, métro, gare, rue, pont, toilettes publiques, parking, square/ jardin, ...) Basé à Paris, le CMDR compte 2 salariés, 2 collaborateurs - Dans un centre d’hébergement d’urgence avec remise à la rue chaque indépendants, 4 volontaires en Service Civique et environ 150 matin bénévoles. - Dans un dispositif temporaire mis en place dans le cadre du plan hivernal ou plan grand froid (gymnase réquisitionné) Un chez soi Sans chez soi « Hébergé » : ayant dormi principalement* : - Dans un centre d’hébergement collectif gratuit ou à faible participation, quel que soit le centre (foyer d’urgence, centre de stabilisation, centre Parce qu’avoir un chez soi, des droits fondamentaux d’hébergement et de résinsertion sociale,...) ce n’est pas seulement et constitutionnels) et à - Dans un logement squatté (logement occupé sans droit ni titre) avoir un lit sous un toit l’accomplissement d’une - Dans le logement d’un tiers pour y passer la nuit, vie pleine et entière »13. - Dans un hôtel (hors situation pérenne) C’est « avoir un lieu à Le CMDR considère toutes soi, où l’intimité et la les personnes « dont la « Probablement sans chez soi » : si la personne appartenait à l’une de ces sécurité sont garanties survie a été marquée par le deux catégories mais que le type exact d’habitat n’est pas connu et qui s’inscrit dans un recours à un abri précaire espace délimité et privé 14 ou à un hébergement Personne « Ancien sans chez soi » : toute personne ayant été à ». C’est habiter, cuisiner, social »15 , comme sans chez un moment de la vie dans une situation sans chez soi mais qui, au décès, avoir des voisins, scolariser soi et utilise la classification dormait principalement* au cours des 3 derniers mois dans un logement les enfants, ... « Avoir un présentée dans le Tableau personnel (parc social ou privé) ou un logement accompagné (maisons- chez soi renvoie aussi à 1 ci-contre 16. relais, résidences sociales, pensions de famille, EHPAD …). la citoyenneté (au respect Personne « Récemment à la rue » : toute personne ayant 13 V. Girard, P. Estecahandy, P. Chauvin. La santé des personnes sans chez soi. Plaidoyer et propositions pour un perdu son logement depuis moins de 6 semaines avant son décès accompagnement des personnes à un rétablissement social et citoyen. Novembre 2009. 14 « tous ces territoires qui vont de l’abri ouvert ou couvert jusqu’à l’espace quasi-privé du squat ». 15 P. Pichon. « Sortir de la rue : discontinuités biographiques et mobilisation des ressources », in Articles de recherche, « Les SDF. Trajectoires, représentations, politiques publiques », nov. 2003, pp. 135-150. 16 En 2019, le CMDR a repris le terme de personnes « sans chez soi » plutôt que celui de « SDF » utilisé dans les * Plus de 6 semaines sur les 3 derniers mois qui ont précédé le décès. 4 précédents rapports. En effet, le terme « sans chez soi » correspond d’avantage à la population étudiée. La classification et les définitions de cas ne changent pas. 5
Depuis 2002, le en population générale. Elle HISTORIQUE CMDR recense le porte également sur l’épidémie DÉNOMBRER DE L’ÉTUDE nombre de décès de SARS-CoV-2 et ses effets de personnes sans directs et indirects. Enfin, elle DÉNOMBRER chez soi en France s’attache à décrire certains & DÉCRIRE et recueille des groupes spécifiques notamment informations sur les 18-25 ans et les mineurs. Figure 1 – leur parcours de vie, Nombre de décès recensés par le leur situation administrative et MÉTHODE CMDR au 4 août les circonstances du décès. Le CMDR met en œuvre une 2021. surveillance de la mortalité des La définition de cas En 2010, dans le cadre de travaux décès des personnes sans chez « Sans chez soi » menés par l’Observatoire soi. est utilisée depuis National de la Pauvreté et de 2012. Jusqu’à lors, l’Exclusion Sociale, la base de Elle s’appuie sur plusieurs la définition de données constituée, année sources de signalement : acteurs « Morts de la rue » après année, par le CMDR est associatifs du secteur social et était utilisé. apparu comme la plus complète médico-social, des associations sur la mortalité de ces personnes et collectifs d’accompagnement particulièrement vulnérables. des morts de la rue, des 670 décès de personnes étant France en 2020 (Figure 2). La partenaires institutionnels mais ou ayant connu un parcours légère baisse du nombre de Ainsi, depuis 2012, le CMDR également des particuliers et sans chez soi au moment de décès constatée par le CMDR ne reçoit une subvention de des médias. leur décès ont été recensés par correspond vraisemblablement la DGCS et aujourd’hui de le CMDR en 2020. Parmi eux, pas à une baisse effective de la la DIHAL, pour améliorer et Pour chaque décès signalé, 587 personnes sans chez soi, 81 mortalité des personnes sans poursuivre ce travail, présenté l’équipe « Dénombrer & Décrire » anciennement sans chez soi et 2 chez soi mais est probablement chaque année dans le rapport vérifie le signalement, classe personnes récemment à la rue liée aux limites de la surveillance « Dénombrer & Décrire » la situation selon la définition (Figure 1). réalisée. de cas (Tableau 1) et réalise un Depuis 2002, le nombre de OBJECTIFS recueil de données basé sur les signalements augmentait Estimer le nombre de décès déclarations de tiers (travailleurs chaque année mais depuis de personnes sans chez soi sociaux, bénévoles, proches, …). deux ans (2018) il stagne voire diminue. Figure 2 – Estimation survenus en France en 2020 Un questionnaire standardisé du nombre de décès Décrire les caractéristiques est utilisé à cet effet et L’étude17 de l’INSERM-CépiDc18 de personnes sans des personnes sans chez soi explore plusieurs thématiques portant sur la période 2008-2010 chez soi en France en et anciennement sans chez soi notamment : la situation et a estimé que le CMDR recensait 2020. décédées en 2020 les démarches administratives 17% des décès de personnes Près de 3450 décès entreprises, les éléments de sans chez soi. Cela signifierait pourraient être survenus. Cette année, l’étude vise santé, les circonstances du qu’aujourd’hui, ce sont près Le CMDR n’en recensant également à décrire les décès, le parcours dans les de 3450 personnes sans chez que 17%. caractéristiques des personnes différents lieux de vie, l’enfance soi qui seraient décédées en sans chez soi décédées en 2020 et la famille. par rapport aux décès survenus 17 C. Vuillermoz, A. Aouba, L. Grout, et al. Estimating the number of homeless deaths in France, 2008–2010. BMC public health. 7 juill 2014;14:690. 6 7 18 L’INSERM-CépiDc est en charge du registre national des causes médicales de décès en France.
DÉCRIRE 200) étaient à la rue et 32% (65 sur 200) en hébergement d’urgence ; Ces décès concernent majoritairement des hommes Le CMDR a identifié 587 26% étaient sans logement (89%). personnes décédées « sans chez personnel, c’est à dire hébergées Ils sont décédés à 48 ans soi » selon ses propres critères en CHRS, en Centre de stabilisation, en moyenne, soit 31 ans (logement les trois derniers mois). en Hôtel, en structures de soins plus tôt que l’âge moyen La typologie du mal logement (LHSS, LAM, ACT, Hôpital), en du décès en population développée par la Fédération foyer de travailleurs migrants ; générale qui est de 79 ans. Européenne des Associations 7% étaient dans un logement Ils concernent des personnes Nationales Travaillant avec les précaire (squat ou hébergé par un jeunes principalement nées à Sans-Abri s’appuie sur la dernière tiers) ; l’étranger (Figure 4). Figure 4 – Comparaison selon la classe d’âge nuit, et conclut à un moindre Moins d’1% étaient en et le pays de naissance des décès en Popula- tion générale et des personnes Sans Chez Soi pourcentage de personnes à la logement inadéquat (caravane, recensées par le CMDR en 2020. rue : mobile-home) ; On voit donc l’intérêt des Moins d’1% avaient eu accès 1% critères choisis par le CMDR, plus à un logement au moment du Né.e à l'étranger Pop.générale représentatifs de la vie de ces décès (logement, maisons-relais, 15% 82% personnes. pensions de famille, …) ; 2% 2% 34% des personnes étaient Pour 32% de personnes le Sans chez soi 13% 27% 41% 17% sans abri au moment de leur dernier lieu d’habitation n’a pu 1% décès. Parmi elles, 68% (135 sur être renseigné. Né.e en France Pop.générale 12% 85% 2% Sans chez soi 9% 21% 57% 13% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% < 30 ans [30-45 ans[ [45-65 ans [ ≥ 65 ans Manquant Les services sociaux ont tenté avec elle un suivi psychiatrique, et des hébergements, mais ces tentatives Figure 3 – Répartition des personnes sans chez soi décédées en 2020 ont été suivies d’échec selon le dernier lieu d’habitation connu d’après la classification du mal logement ETHOS 2007. 8 9
Le temps d’errance depuis le décès ont eu lieu sur la voie ou un Si en population générale, la Hauts de France et l’Occitanie début d’une vie sans chez soi a pu lieu public (Figure 5). répartition des lieux de décès sont les 2ème et 3ème régions être estimé dans un peu plus de selon l’âge est fortement liée à où les décès ont été les plus la moitié des cas. Ainsi 48% des La situation est particulièrement leurs causes (entre 15 et 34 ans, nombreux. Rapporté à la personnes ont passé plus d’un an différente pour les décès recensés 50% des décès sont liés à des population française par région19, en errance (11% entre 5 et 10 ans par le CMDR en 2020 (Figure causes externes et surviennent il est recensé 22 décès de et 24% plus de 10 ans). 6) : 15% de décès en structure plutôt dans un espace public), personnes sans chez soi par Lorsqu’elles ont pu être recueillies, d’hébergement, 38% en structure cela n’est pas constaté pour les million d’habitants en Ile de les principales causes d’entrée de soins, 36% sur la voie publique, personnes sans chez soi (Figure France, 11 décès par million dans un parcours d’errance sont 10% dans un abri de fortune et 7). Les décès sur la voie publique d’habitants dans les Hauts de la migration, l’existence d’une 0,2% en détention. concernent toutes les catégories France et en Occitanie. maladie, un divorce ou une séparation conjugale. Figure 7 – Causes de décès Figure 5 – selon l’âge en Décès selon 2020, personnes l’âge du décédé sans chez soi et le lieu du recensées par le décès en 2016, CMDR, 2020 population générale, France, INSEE. Figure 6 – Figure 8 – Décès selon d’âge et dans 24% des cas, le Répartition l'âge du décédé décès est dû à une cause externe. géographique des et le lieu du Ces décès violents ne sont pas décès recensés décès en 2020, propres aux jeunes de 15 à 34 par le CMDR en sans chez soi, ans mais à toutes les personnes 2020 France, CMDR sans chez soi (11% des décès chez les 55-74 ans sont dû à une cause externe contre 6% en population générale). Comme les années précédentes, En population générale, d’après Les décès sur la voie publique la majorité des décès de les dernières données disponibles ont concerné toutes les tranches personnes sans chez soi (INSEE, 2016), 26% des décès d’âges. 50% des décès après 85 recensées par le CMDR est sont survenus au domicile de la ans sont survenus dans un lieu survenue en Ile de France (plus personne, 59,2% en établissement public. de 45%) contre 55% dans les de santé et 13,5% en maison de autres régions (Figure 8). Les retraite. Seulement, 1,3% des 10 19 D’après les données de l’INSEE en date du 30/03/2021 sur l’estimation de la population au 1er janvier 2021. 11
ÉPIDEMIE DE SARS-COV-2 Quelques particularités sont observées mais difficiles à population générale et les comorbidités associées à la confirmer : parmi les décès où mortalité à la Covid-19, n’étaient En France, les premiers cas (+49%) comme il a pu être une infection à la Covid-19 a pu pas retrouvé parmi les décès de d’infection au SARS-CoV-2 ont retrouvé en population être identifiée, l’âge moyen au personnes sans chez soi, ce qui été déclarés le 24 janvier 2020 générale. Cette augmentation décès était largement inférieur est étonnant. bien que le virus semblait avoir pourrait donc résulter d’un effet à l’âge moyen retrouvé en déjà circulé depuis l’automne direct ou indirect de l’épidémie 2019. Plusieurs foyers de de SARS-CoV-2 mais également contagion sont ensuite apparus d’un biais de la surveillance Le 5 mars 2020, toutes les régions réalisée, peut-être même des Figure 9 – Décès hebdomadaires en 2020 comparés à la de France métropolitaine deux. moyenne de la période 2015-2019 pour la population générale comptabilisent des cas. Pour et pour les décès recensés par le CMDR. faire face à l’augmentation exponentielle de l’épidémie, des confinements ont été mis en œuvre. Le premier s’est déroulé du 17 mars (Semaine 12) au 10 mai (Semaine 19). L’INSEE a rapidement fait le constat d’une surmortalité toutes causes confondues dans la population française, notamment sur la période du 1er mars 2020 au 30 avril 2020 (Figure 9). Si la surveillance de la mortalité réalisée par le CMDR sur l’ensemble de l’année 2020 a recensé moins de décès qu’en 2019, il est observé une augmentation inhabituelle du nombre de décès qui débute au cours de la semaine 13 et se poursuit jusqu’à la semaine 19 avant de décroître jusqu’en semaine 22. Entre les semaines 14 et 22, il est ainsi constaté une hausse du nombre de décès d’au moins 20% par rapport à 2019. Elle concerne principalement les personnes nées à l’étranger 12 13
LES JEUNES DE 18 Mis à la porte par son père, À 25 ANS il alterne entre rue (2012 à 2020) et hébergement chez un ami. Le CMDR a recensé 182 décès Ces décès surviennent de personnes âgées de 18 et 25 principalement sur la voie Pris en charge dans un centre ans de 2012-2020, avec une publique, encore plus souvent lorsque les personnes sont nées d’hébergement, tendance à la hausse pour cette classe d’âge (Figure 10). à l’étranger. On les observe il accède à un travail. surtout hors d’Ile de France et L’âge moyen au décès était de en particulier dans les Hauts de 22 ans et la majorité des décès France. concernait des jeunes hommes Les trajectoires de ces jeunes comme pour l’ensemble des sont marquées par des épreuves personnes sans chez soi. et ruptures nombreuses : Sur la période 2012-2020, 60% rupture de contact avec les parents, migration, deuil d’un des décès des personnes âgées entre 18 et 25 ans ont concerné frère, placement durant l’enfance, LES MINEURS et 8% de mineurs pour lesquels le pays n’a pu être identifié) et des jeunes nés à l’étranger : maltraitance, séparation des parents, expulsion de chez un (2012 à 2020) près de 76% sont nés de parents étrangers. Afghanistan (12%), Soudan (11%), Roumanie (9%), Érythrée tiers, expulsion du logement, La majeure partie des mineurs Le CMDR a identifié 115 mineurs (6%), Maroc (6%), Algérie (5%) sortie de détention, chômage, était en famille (71%, n=82), décédés entre 2012-2020. Il est et Pologne (5%). violences familiales … 17% étaient isolés (n=20). là encore retrouvé une tendance à la hausse pour cette catégorie Ceux en famille avaient quasiment d’âge depuis 2016 (+1%). tous moins de 10 ans (88%) alors L’âge moyen est de 6,9 ans. que les mineurs isolés étaient Figure 10 – Comme par ailleurs, le CMDR tous âgés de 10 ans ou plus (90% Évolution de la a recensé plus de décès parmi des isolés âgés de 15 ans et plus, proportion des les garçons (67% contre 33%) 10% de 10 à 15 ans). 18-25 ans parmi mais avec un sex-ratio chez les La plupart des décès chez les l’ensemble des mineurs plus faible (2 garçons moins de 18 ans sont survenus décès recensés dans des lieux de soins (39%). Dans par le CMDR pour 1 fille contre 9,1 chez les 18-25 ans et 9,2 pour l’ensemble 29% des cas, ils sont survenus (Sans chez soi, Récemment sans des personnes sans chez soi de dans l’espace public et pour 18% chez soi et Ancien 2020). dans un abri, un campement. sans chez soi, Dans 51% des cas recensés sur Seulement 8% ont eu lieu dans N=5629, 2012- la période 2012 et 2020, les une structure d’hébergement. 2020) mineurs sont nés à l’étranger Pour 6%, cette information n’était (41% de mineurs nés en France pas disponible. 14 15
RECOMMANDATIONS S’appuyant sur tous ces Une nouvelle enquête « Sans En 2019, constats, le CMDR réitère Domicile » de l’INSEE est en il est expulsé de son logement un certain nombre des préparation mais les résultats recommandations formulées ne seront pas disponibles avant y perdant tous ses vêtements et les années précédentes 2024 voire 2025. Pourtant c’est autres objets personnels. dont la principale est la par ce type d’étude que peuvent juste application du droit être estimés de manière fiable A la rue, existant, notamment au le nombre de personnes sans niveau administratif (le domicile en France et leurs il préfère s’installer dans le bois droit à la domiciliation n’est caractéristiques précises. C’est plutôt que dans les dispositifs pas effectif sur l’ensemble par ce type d’enquête qu’il est du territoire, tout comme possible de mieux connaître d’hébergement l’accès à la demande d’asile, les personnes sans domicile le tout numérique mis en décédées et les différencier de place dans les préfectures l’ensemble des personnes sans et sous-préfectures renforce domicile. B. Prévenir la perte de sociales et sanitaires. Elles les inégalités envers les plus renforcent la vulnérabilité de ces logement vulnérables). 2. Le nombre de décès et les personnes déjà en situation précaire causes de décès et les conduisent dans certains cas 1. Rendre effective la A. Mieux connaître La première étude de la sorte production de logements à un parcours d’errance. a été réalisée pour les années La création de l’Observatoire 2008 à 2010. Elle avait permis sociaux et très sociaux par 1. La population des personnes des impayés de loyers par la d’estimer à 6 730 le nombre une loi de finances sans sans chez soi en France ministre déléguée au logement, de décès de personnes sans coupes budgétaires La dernière étude de l’INSEE Emmanuelle Wargon, en novembre chez soi en France sur ces trois La loi SRU est trop sur les personnes «SDF» en 2020 et celle d’un fond d’aide aux années et avait conclu que la imparfaitement mise en œuvre. France a été réalisée en 2012. impayés de loyers de 30 millions surveillance du CMDR n’était L’État doit faire appliquer la Depuis, différents recensements d’euros pour renforcer le Fond que peu exhaustive (17% des loi mais également permettre ont été menés dans plusieurs de solidarité au logement (FSL) cas). Ce travail avait également de créer les conditions de agglomérations via « Les constituent des mesures utiles. comparé les causes de décès production de logements HLM. Nuits de la Solidarité ». La Toutefois, dans un contexte de future « Nuit Nationale de la entre personnes sans chez soi et crise sanitaire, qui impacte les population générale. 2. Prévenir les expulsions Solidarité » qui doit se tenir ménages les plus précaires , Depuis, le CMDR s’est structuré locatives en janvier 2022 sera ainsi riche des doutes existent quant à grâce à la subvention de la DGCS Selon l’étude Sans-Domicile d’enseignements. Toutefois, ce l’application des instructions et maintenant de la DIHAL, il est de l’NSEE , 30% des personnes type d’étude ne concerne que ministérielles . Ces dernières probable que l’exhaustivité de la sans domicile ont été privées les personnes sans abri (passant visent à proposer aux ménages surveillance ait progressé. de logement pour des raisons la nuit de l’enquête dans un lieu menacés d’expulsion une Un nouveau croisement de financières (licenciement, difficulté non prévu pour l’habitation) et proposition de logement données permettrait d’en à payer le loyer, expulsion). Les exclut celles ayant recours à un ou à défaut une proposition apprécier la situation, de conséquences des expulsions sont hébergement . d’hébergement dans un fournir des estimations plus multiples ; à la fois psychologiques, contexte déjà en forte tension précises et actualisées. 16 17
(saturation des places dans le se trouve brutalement Pour l’Observatoire des inégalités et de limiter les situations de parc d’hébergement social, interrompue. De plus, ces c’était déjà le constat « qu’une précarité et de pauvreté. Ce limitation de la sortie des évacuations rendent caduque fraction de la jeunesse française revenu permettrait également personnes hébergées vers le le travail de terrain entrepris par quittait le domicile familial pour de corriger les inégalités logement). les différents acteurs sociaux. la rue ou un hébergement très sociales liées à l’aide parentale Dans un contexte de tension sur précaire. L’absence de minimum et renforcer l’égalité des 3. S’interroger sur l’utilité les places d’hébergement du fait social (RSA) est l’une des raisons chances. réelle des évacuations de la crise sanitaire, une analyse qui pousse ces jeunes à la rue ». d’habitats informels plus poussée de la balance En 2018, un million des 18- 5. Accompagner la sortie des Les évacuations d’habitat bénéfices/risques devrait être 25 ans vivaient sous le seuil dispositifs de l’ASE informel (campements, mise en œuvre. de pauvreté . Depuis la crise Par ailleurs, l’INSEE a également bidonvilles, squat) sans solution sanitaire est passée par là et n’a mis en évidence que 15% des de relogement fragilisent 4. Un revenu garanti pour fait qu’amplifier et mettre à nu personnes sans domicile avaient les personnes sans chez soi les 18-25 ans la grande vulnérabilité de ces été placées dans leur enfance et ayant déjà vécu nombre de En 2012, l’INSEE révélait jeunes, déjà particulièrement près de 26% parmi celles nées en ruptures . Elles contribuent à que 43% des personnes sans exposés. Pourtant, comme le France . leur épuisement, renforcent domicile n’avaient jamais vécu rappelle le Comité d’évaluation Il est donc primordial que ces leur désinsertion. Leurs au moins trois mois dans un de la stratégie nationale de jeunes placés à l’Aide sociale conséquences sont d’autant logement indépendant. Dans prévention et de lutte contre à l’enfance (ASE) puissent plus fortes pour les enfants 6 cas sur 10, il s’agissait de la pauvreté , « la France est l’un bénéficier d’un accompagnement et mineurs dont la scolarité personnes de moins de 30 ans. des rares pays européens pour optimal leur permettant de lesquels l’âge requis pour accéder construire leur projet et d’être au revenu minimum est plus suffisamment préparés à l’entrée élevé que l’âge de la majorité » dans la majorité. Il n’est donc et réaffirme qu’aucuns travaux pas envisageable de constater ne démontrent « l’effet pervers des sorties « sèches » de l’ASE Une femme sans domicile depuis 2 ans d’une compensation financière sur la recherche d’un emploi ». 182 décès de jeunes entre 18 et 25 ans ont été recensés depuis 2012, 182 jeunes qui pour plusieurs raisons se sont conduisant ces jeunes majeurs à la rue ou dans des hébergements précaires. Le CMDR rejoint en cela les positions défendues par la Cimade , le Conseil d’Orientation retrouvés confrontés à une vie des Politiques de Jeunesse et le est prise en charge d’errance sans chez soi. Collectif Cause Majeur ! : Une pour son accouchement à l’hôpital. Le CMDR rejoint la préconisation interdiction de toute sortie sèche du Comité d’évaluation de la de l’Aide Sociale à l’Enfance. Son bébé décède stratégie nationale de prévention de lutte contre la pauvreté : La quelques jours après sa naissance mise en place d’un revenu garanti pour les jeunes est essentielle afin de leur permettre de vivre dans des conditions matérielles décentes 18 19
C. Assurer l’accès au grossesse, d’un accès prioritaire La mise en œuvre d’un D. Renforcer l’effectivité logement pour des à un logement. véritable accompagnement de l’accès au logement global (éducatif, social, populations fragiles 2. Des mineurs et jeunes en des publics en situation juridique, financier, médicale) danger au long cours de rue dans le cadre de 1. Des femmes enceintes et la politique Un logement Entre 2012 et 2020, le CMDR a leurs familles De nombreuses études ont mis recensé 115 décès de mineurs. 3. Des demandeurs d’asile d’abord Parmi eux, 17% étaient 48% des demandeurs d’asile ne en évidence l’impact de l’errance considérés comme mineurs peuvent être pris en charge dans Les résultats des deux premières et du sans-abrisme sur la isolés. Dans 90% des cas, il les solutions d’hébergement années du plan « Un logement croissance et le développement s’agissait de jeunes de plus de dédiées (CADA et HUDA) et se d’abord » sont encourageants. de l’enfant. D’autres, la relation 15 ans dont 82% étaient nés à retrouvent à la rue, hébergés Selon la DIHAL , c’est ainsi entre sans-abrisme pendant l’étranger. chez des tiers ou dans les « 235 000 personnes sans l’enfance et mauvais état de La prise en charge et dispositifs d’hébergement domicile qui ont pu avoir accès santé. L’étude de Sandel et al. l’accompagnement des mineurs d’urgence. Les personnes dites « à un logement depuis 2018 ». parue en 2018 montre quant isolés doivent être mis en à droit incomplet » peuvent se Cependant, l’Agence nouvelle à elle que la santé des enfants œuvre, conformément au code retrouver plusieurs années dans des solidarités actives a pointé ayant connu une période de de l’action sociale et des familles des structures d’hébergement différents « freins » au véritable sans-abrisme tant au cours de et ce, quel que soit le pays en attente du traitement de leur changement attendu par ce plan la période prénatale que lors d’origine. Il s’agit avant tout dossier. et a identifié un certain nombre des six premiers mois de vie d’enfants en rupture qui, comme Ces personnes déjà marquées d’axes prioritaires sur lesquels est impactée significativement le montrent plusieurs études, par leur parcours de migration mobiliser les efforts. (retard de croissance, mauvais sont à risque de santé dégradée, devraient pouvoir bénéficier Parallèlement, 1000 places état de santé, hospitalisations de souffrance psychologique et d’un accompagnement et d’un devraient être disponibles à plus fréquentes, risque de de devenir ou persister à être hébergement adéquats. l’horizon 2022 dans le cadre développement perturbé de sans domicile. du programme « Un chez l’enfant). Parmi les décès de mineurs Le CMDR rejoint ainsi « les recensés par le CMDR, dans 29 propositions pour une 50% des cas, les enfants étaient véritable protection des jeunes âgés de moins de 5 ans et 36% en danger » de la CIMADE , avaient moins d’un an. Les comprenant notamment : enfants et les femmes enceintes Une mise à l’abri constituent, de fait, un groupe immédiate et inconditionnelle particulièrement vulnérable à la pour l’ensemble des Hébergé en HUDA pendant 2 ans, vie sans chez soi. personnes se déclarant il obtient le statut de réfugié. mineurs non accompagnés Il est donc primordial que les Le recours à des solutions Accompagné dans ses démarches, il femmes enceintes en errance, d’hébergement adaptées au seules ou en couple et les public mineur et en exclure était inscrit à Pôle Emploi familles avec enfant, quel que les dispositifs hôteliers soit leur pays d’origine et En finir avec le recours statut administratif, puissent aux tests diagnostiques d’âge bénéficier, dès le début de la osseux 20 21
soi d’abord » qui permet à Il est donc primordial que le d’aller-vers pour toucher les plus Si la création et le déploiement des personnes sans domicile déploiement du plan « Un exclus au travers de dispositifs de ces différentes actions souffrant de troubles psychiques logement d’abord » réponde mobiles : sur l’ensemble du territoire sévères ou d’addiction d’accéder aux différents enjeux précités. PASS mobiles ; constituent un pas en avant, à un logement. Ce programme Ce déploiement se doit d’être Équipes mobiles psychiatrie les restrictions d’accès à l’Aide a par ailleurs démontré son rapide afin de réduire au précarité; Médicale d’État mises en place efficacité avec un maintien dans maximum le temps d’errance Équipes mobiles Santé au 1er janvier 2021 renvoient le logement pour près de 80% des personnes sans domicile Précarité ; quant à elles un signal très des personnes. Pour autant, les et ainsi d’en limiter l’impact LHSS mobiles et de jour ; négatif. La santé est un droit six premiers mois de vie dans sur leur survie. ACT « hors les murs » ; fondamental, inscrit dans la le logement sont une période Équipes spécialisées de Déclaration universelle des à risque de décès. Cette étude E. Accompagner le soin et soins infirmiers précarité (ESSIP), droits de l’homme. Il serait observe aussi que le sans- la prévention anciennement Services de soins particulièrement regrettable que abrisme est un facteur de risque infirmiers à domicile Précarité le renforcement et la création de de décès persistant malgré Mieux prendre en charge ces nouveaux dispositifs de prise l’accession à un logement. Ce La mesure 27 du Ségur de les publics confrontés à des en charge médicale et médico- constat est retrouvé auprès de la santé « Lutte contre les addictions, en ville comme à sociale ne puissent bénéficier à personnes anciennement sans inégalités de santé » est une l’hôpital (renforcement des tous, au prétexte de situation domicile et ne souffrant pas réponse très intéressante pour CSAPA-CAARUD et ELSA) administrative irrégulière. de troubles psychologiques ou la prise en charge des publics précaires, notamment : d’addictions . La création de nouveaux lits Il est temps d’agir de manière ambitieuse « lits halte soins santé » pour et durable car atteindre 2800 places d’ici 2022; Le recours aux démarches Son entourage parle de lui comme d’un homme humainement très attachant qui adorait vivre. 22 23
L’étude complète DÉNOMBRER & DÉCRIRE se trouve sur le site http://www.mortsdelarue.org/spip.php?article320 2021 / © Conception Graphique et photos : CMDR http://www.mortsdelarue.org https://www.facebook.com/mortsdelarue 5 rue Léon Giraud - Paris 75019 mortsdelarue@wanadoo.fr Tél 01 42 45 08 01
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