Musées L'été des - Le Devoir
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CAHIER SPÉCIAL E LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 L’été des musées MBAM Musée Des expos McCord qui honorent L’héritage les cultures juif du monde de Montréal E8 E 12
E 2 L’été des musées CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA Un été éclectique Photographie, orfèvrerie et impressionnisme au menu MAGDALINE BOUTROS Collaboration spéciale O n le sait, les impressionnistes at- tirent les foules. La collection du musée Ordr upgaard de Copen- hague, qui garnira les murs du Mu- sée des beaux-arts du Canada à Ot- tawa cet été, séduira à coup sûr les amants des maîtres français du XIXe siècle. Mais, après avoir plongé le regard dans un Monet ou un De- gas, le public gagnera à arpenter les parcours de deux autres expositions qui promettent des découvertes en- voûtantes en matière d’orfèvrerie et de photographie. Des trésors impressionnistes provenant du Danemark À par tir du 18 mai et jusqu’au 9 septembre, le MBAC accueillera en ses murs une soixantaine de chefs-d'œuvre de peintres français du XIXe siècle et du début du XXe siè- cle. Une collection d’une richesse étonnante constituée par Wilhelm et Henny Hansen durant les premières décennies du XXe siècle. À l’occasion des travaux d’agrandissement qui ont cours au musée Ordrupgaard au Danemark, le MBAC a réussi à met- tre la main, le temps d’un été, sur cette collection, qualifiée comme l’un des plus beaux ensembles d’œuvres impressionnistes en Europe du Nord. « Nous avons véritablement sauté sur cette occasion », dit avec enthousiasme en entrevue Erika Dol- phin, conser vatrice associée au MBAC et commissaire de l’exposi- tion Trésors impressionnistes. La col- lection Ordrupgaard. « C’est vraiment ANDERS SUNE BERG une chance d’avoir ces tableaux Camille Pissaro, Pruniers en fleur à Éragny (1894) d’une qualité exceptionnelle ici pour une grande exposition d’été », pour- d’été familiale située en banlieue de rie au pays du statut d’artisanat à ce- suit-elle. La collection ne se cantonne Copenhague aux visiteurs. À la lui d’un art à part entière », explique pas au courant impressionniste. Aux mor t de Wilhelm Hansen en 1936, René Villeneuve, conservateur asso- côtés des œuvres de Monet, Manet, sa veuve Henny a légué au gouver- cié de l’ar t canadien ancien au Renoir, Degas, Pissarro et Sisley se nement danois la collection et la MBAC et commissaire de l’exposi- glisseront quelques tableaux de maison, qui sont devenues ultérieu- tion Laurent Amiot. Maître-or fèvre leurs prédécesseurs, Delacroix et In- rement le musée Ordrupgaard. canadien. « Il revisite toutes les gres notamment. Wilhelm Hansen formes, tous les décors. Il produit « C’est vraiment ayant également eu un grand intérêt L’orfèvrerie, un art méconnu une argenterie de table variée, re- pour le postimpressionnisme, des Pour la première fois, une exposi- nouvelée », souligne-t-il. Les autres une chance d’avoir toiles de Gauguin, de Matisse et de tion entière est consacrée à l’œuvre or fèvres seront contraints de mar- Cézanne formeront le point d’orgue de Laurent Amiot, un or fèvre né à cher dans son sillage. ces tableaux de cette exposition qui se veut une Québec en 1764. Pour bien compren- Pendant une cinquantaine d’an- incursion aux fondements de l’ar t dre son importance, il faut reculer à nées, Laurent Amiot ne cessera d’in- d’une qualité moderne. la période marquant la fin du nover, de bousculer, de se réinven- exceptionnelle Les visiteurs seront ensuite invi- XVIIIe siècle et le début du XIXe siè- ter. L’exposition du MBAC présente tés à découvrir 16 tableaux de l’âge cle, une période pendant laquelle au public 75 œuvres d’Amiot — des ici pour d’or de l’art danois, d’autres pièces l’orfèvrerie occupe une place beau- vases, des accessoires religieux ou maîtresses de la collection de Wil- coup plus impor tante que de nos encore des objets domestiques — une grande helm Hansen. « On a vraiment sé- jours. Tout juste après avoir reçu sa ainsi que 17 pièces d’or fèvrerie paré les deux collections, celle de première formation, Amiot part pour créées par d’autres artistes. Il aura exposition d’été » l’art français et celle de l’art danois, Paris — le centre névralgique de l’or- fallu environ sept ans à René Ville- parce qu’elles étaient disposées fèvrerie en Europe de l’Ouest —, où neuve pour rassembler l’ensemble comme cela dans la maison où il séjourne de 1782 à 1787, à la veille de ces objets, dont plusieurs se trou- M. Hansen présentait ces œuvres », de la Révolution. À son retour à Qué- vaient chez des par ticuliers. Pour explique Mme Dolphin. Désireux de bec, il opère une véritable révolution permettre au public de bien com- par tager leur trésor avec le public — esthétique, faut-il préciser — dans prendre le contexte social qui a danois, les Hansen ouvraient, une le milieu de l’orfèvrerie. mené à la confection de ces pièces fois par semaine, leur résidence « C’est lui qui fera passer l’orfèvre- en argent, les œuvres sont minutieu- EN UNE : JO GORDON, KISS OF DEATH (1994). CHAPEAU REPRÉSENTATIF DE L’EFFERVESCENCE CRÉATRICE QUE GÉNÈRE LA VILLE DE LONDRES
CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 L’été des musées E 3 sement mises en scène dans l’exposi- tion de la technique sur une période tion. Ainsi, le parcours témoignera, d’environ 180 ans — du daguerréo- par exemple, de l’arrivée du café au type jusqu’au numérique — et des pays, une nouveauté qui a mené différentes formes que peut prendre Amiot à réaliser la première cafetière la photographie. en argent du Canada. René Ville- « Nous avons cette idée que la pho- neuve espère que le public appré- tographie représente toujours la vé- ciera l’unicité de chacune des pièces, rité, mais ce n’est pas toujours le cas, un plaisir lié aux arts de la table qui et on voit dans cette exposition des est devenu plus difficile à satisfaire photographies qui sont assez abs- dans notre société moderne. L’expo- traites », note Mme Thomas. Des œu- sition est présentée du 11 mai au vres de Julia Margaret Cameron, 23 septembre. Weegee, Ed Burtynsky et Lynne Co- hen sont notamment à l’honneur. Savourer l’instant L’exposition L’espace d’un instant. Pour souligner les 50 ans de sa col- Cinquante ans de collectionnement de lection de photographies, le MBAC photographies est présentée du 4 mai propose aux visiteurs de laisser leur au 16 septembre. regard se noyer dans quelque 175 photographies et images. Celles-ci ont été soigneusement choisies par Ann Thomas, conser vatrice en chef intérimaire au MBAC. « C’était diffi- cile de faire une sélection dans une « C’est lui qui fera collection qui comprend 200 000 photographies », lance-t-elle d’entrée passer l’orfèvrerie de jeu en entrevue. Très tôt dans le processus, une au pays du statut ligne directrice s’est toutefois impo- sée. Celle de la conversation. Une d’artisanat conversation dans le temps, entre des œuvres datant du XIXe siècle et à celui d’un art d’autres plus contemporaines. Et une conversation entre les photo- à part entière » graphes, puisque tout artiste étudie les œuvres de ses prédécesseurs. Coiffée du magnifique titre L’espace d’un instant, l’exposition retrace l’histoire de la photographie. Les vi- MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA siteurs sont ainsi témoins de l’évolu- Laurent Amiot, Cafetière de la famille Le Moine (vers 1796) présente Figurine de chevalier, Angleterre, 1375-1425, pierre. © The Trustees of the British Museum. Tous droits réservés. mcq.org Achetez vos billets en ligne! DÈS LE 8 JUIN 100, rue Laurier, Gatineau QC museedelhistoire.ca/medievale À TÉLÉCHARGER DÈS MAINTENANT UNE EXPÉRIENCE ENRICHIE ET PERSONNALISÉE AVEC L’APPLICATION MON MCQ Une exposition réalisée par le British Museum en collaboration avec le Musée canadien de l’histoire.
E 4 L’été des musées CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 MUSÉE STEWART Promenade parisienne sur l’île Sainte-Hélène Faire du lèche-vitrines dans les rues commerçantes de Paris des années 1700 : c’est ce que pro- pose le Musée Stewart avec sa nouvelle exposition Paris en vi- trine. Les boutiques du 18e siècle. C AT H E R I N E G I R O U A R D Collaboration spéciale «plus C apitale du Royaume de France, Paris est l’une des belles, des plus célèbres et des plus florissantes villes du monde. […] Dès son arrivée, le voyageur est surpris par le tumulte, l’encom- brement et la saleté de cer tains Quartiers. […] » Le voyage dans le temps et l’es- pace commence dès les premières lignes inscrites à l’entrée de l’exposi- tion. « Toute l’exposition est conçue comme un guide de voyage de l’époque », explique Sylvie Dauphin, conservatrice et chef des collections du Musée Stewart. Ainsi, des mots ou formulations disparus aujourd’hui apparaissent en italique dans les textes de l’exposition et dans le livret qui accompagne les visiteurs tout au long du parcours. « Il y avait une en- MUSÉE STEWART flure des mots et une façon particu- Vuë d’une partie du Louvre prise du pont Royal (XVIIIe siècle) lière de présenter les choses à l’époque ; j’ai conservé cela pour don- ner de la saveur à la visite », ajoute la conservatrice. La visite s’ouvre par une grande reproduction au sol du plan de Pa- ris imprimé en 1739 — dont l’origi- nal est aussi exposé, r elié sous forme d’atlas. « On a voulu of frir une vue de Paris à vol d’oiseau pour débuter », explique M me Dau- phin. Lorsqu’on lève les yeux du plan, la perspective est ensuite tout autre. Le visiteur plonge au cœur du vieux quar tier, nommé La Cité, alors que les silhouettes de mai- sons comme on en retrouvait sur le bord de la Seine se dressent devant lui. S’étirent der rière une longue rue bordée de commerces. La pers- pective laisse aussi entrevoir la fa- çade de l’église Notre-Dame qui clôt le premier tableau, tout au fond de la salle. « Cette exposition fait revisiter Pa- MUSÉE STEWART MUSÉE STEWART ris sous un angle inusité, mêlant à la La jardinière au tablier, La laitière, La fermière, La batteuse de beurre (XVIIIe siècle), d’après Bouquet de fleurs en porcelaine de fois le plaisir de voyager, celui de fré- François Boucher Vincennes (XVIIIe siècle) quenter les boutiques et de décou- vrir la riche histoire de la capitale sant d’une vitrine de boutique à rent notamment La Sphère, tenue dont 80 livres rares, constituent française, avec laquelle les Montréa- une autre. par Jacques Canivet, un « éminent l’exposition. Ils proviennent tous de lais ont un lien privilégié depuis tou- « Habituellement, les musées tra- fabricateur d’instrumens de mathé- la collection personnelle du Musée jours », fait valoir Suzanne Sauvage, vaillent avec le nom de l’auteur matiques », Au Chagrin de Turquie, Stewar t, composée de près de présidente et chef de la direction du d’une pièce, fait valoir Sylvie Dau- qui attir e une clientèle pr esti- 27 000 pièces. Musée Stewart. phin. Cette fois, on est allés encore gieuse, dont Madame de Pompa- plus loin dans les recherches. On dour et Louis XV, ou encore Le Pe- Visites virtuelles de Paris D’une boutique à l’autre s’est demandé où était vendue cette tit Dunker que, tenue par sieur L’exposition propose également le Le « quay de l’Horloge », le pont pièce et où était située la boutique Granchez et dont « le décor est fort visionnement d’une restitution en Neuf, la rue Saint-Honoré, le « quay qui la vendait. Les boutiques sont le agréable ». 5D du quartier du Grand Châtelet, de Conti », la rue Saint-Jacques…. point de départ et le fil conducteur Vaisselle, porcelaines, globes ter- élaborée par la musicologue Mylène Les visiteurs parcourent l’exposi- de l’exposition. » restres, instruments scientifiques, Pardoen. Ce paysage sonore, créé à tion comme s’ils traversaient les Ainsi, toutes les pièces de l’expo cafetières, brosse à cheveux, gra- partir de longues recherches et de quartiers et les rues de Paris, dont sont présentées et classées par vures et estampes… Quelque 400 documents historiques, fait enten- les noms sont inscrits au sol, pas- boutique. Parmi les boutiques figu- ar téfacts français du XVIII e siècle, dre la vie de Paris dans la seconde
CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 L’été des musées E 5 moitié du XVIIIe siècle. La visite guidée se termine en poé- sie par l’expérience de réalité vir- tuelle Il neige à Paris, une déambula- tion nocturne dans La Cité par un soir d’hiver dans un décor fait de pa- pier découpé. « L’exposition per manente du musée est aussi très intéressante et peut être un beau complément à notre exposition temporaire, abor- dant aussi le Siècle des lumières », ajoute Geneviève Lalonde, conseil- lèr e, communications et expé- rience visiteurs, du Musée Stewart. Couvrant une période historique par ailleurs beaucoup plus large, Histoires et mémoires propose un parcours historique qui mène le vi- siteur de l’époque amérindienne jusqu’à aujourd’hui. Un site unique « Le site du Musée Stewar t est D’AFRIQUE aussi en soi une destination intéres- AUX AMÉRIQUES sante, fait valoir Geneviève Lalonde. EN FACE-À-FACE Plusieurs Montréalais ne sont en- D’HIER À AUJOURD’HUI core jamais venus ici. Les gens sont vraiment agréablement surpris de la beauté des lieux. » Une présentation de 12 mai — 16 septembre 2018 Situé au cœur du parc Jean-Dra- peau, le musée fait face au fleuve et Une exposition organisée par le musée du quai Branly – Jacques Chirac, en collaboration avec le Musée national Picasso-Paris. Une adaptation du Musée des beaux-arts de Montréal. côtoie de près le pont Jacques-Car- tier. Logé dans l’arsenal du dépôt for- tifié britannique de l’île Sainte-Hé- lène, une construction militaire du XIXe siècle, le long bâtiment du mu- sée a été agrémenté il y a quelques années d’une tour en verre. « Elle crée un pont entre la nature et l’es- pace muséal et permet d’avoir une très belle vue sur Montréal et sur le pont qui s’illumine le soir », souligne Mme Lalonde. Le musée of fre par ailleurs plu- sieurs activités extérieures tout au long de l’été, dont des visites guidées dans le parc Jean-Drapeau, un tour- noi d’escrime en plein air le 2 juin ou encore un pique-nique napoléonien le 18 août. Plusieurs autres activités spéciales intérieures, dont un jeu d’évasion, sont aussi à l’horaire. Toute la programmation est disponi- ble sur le site Web du musée. Soirées musée NOUS SOMMES ICI, D’ICI JEAN-MICHEL OTHONIEL : et feux d’artifice L’ART CONTEMPORAIN DES NOIRS CANADIENS MOTION – ÉMOTION 12 mai – 16 septembre 2018 20 juin – 11 novembre 2018 Le musée ouvrira sa cour et ses portes lors de quatre soirées de Une présentation de feux d’artifice cet été. « La vue n’est pas la même qu’au bassin de La Ronde, mais c’est tout de Une exposition initiée par le Musée royal de l’Ontario, Toronto, et adaptée par le Une exposition conçue par le Musée des beaux-arts de Montréal en même très beau et très bien si- Musée des beaux-arts de Montréal pour la présentation montréalaise. collaboration avec Jean-Michel Othoniel et la Galerie Perrotin. tué pour admirer les feux », fait valoir Geneviève Lalonde, conseillère, communications et expérience visiteurs, du Musée Stewart. Pour en faire profiter les Montréalais, le musée a décidé de donner accès aux expositions du musée de 17 h à 22 h à ceux qui voudraient visiter les exposi- tions avant de s’installer dans la cour pour admirer les feux. Pablo Picasso, Femmes à la toilette, Cannes, 4 janvier 1956. Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979. © Succession Picasso / SODRAC (2018). Photo © RMN-Grand Palais / Art Resource, NY / Mathieu Rabeau Artiste kamayura, Brésil, Masque (détail), XXe s. Paris, musée du quai Branly – Jacques Chirac. Photo © musée du quai Branly – Jacques Les 11 et 18 juillet, les 1er et Chirac / Patrick Gries, Bruno Descoings Zanele Muholi, Phila I, Parktown, de la série « Somnyama Ngonyama », 2016. © Zanele Muholi. Avec l’aimable concours de Stevenson, Le Cap/ 8 août, coût d’entrée de 5 $. Johannesbourg, et Yancey Richardson, New York Shanna Strauss, Gardiennes de la mémoire (détail), 2017. Collection de l’artiste Jean-Michel Othoniel, Black Tornado, 2017. Avec l’aimable concours de la Galerie Perrotin. © Jean-Michel Othoniel / SODRAC (2018). Photo Claire Dorn
E 6 L’été des musées CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 MUSÉE CANADIEN DE L’HISTOIRE Entre épopée polaire et vie dans un château médiéval En lui contant le récit de la tra- facts prêtés par le National Maritime plus tard — revêtent une grande im- gique épopée que fut la fameuse Museum, mais aussi et surtout des dé- portance, car elles ont permis de car- couvertes archéologiques de Parcs Ca- tographier le Nord tel qu’on le connaît expédition de sir John Franklin nada. Les recherches subaquatiques aujourd’hui. En ce qui a trait à la carte dans le Nord-Ouest arctique au dirigées par l’agence gouvernementale géographique du Canada, elles ont XIXe siècle, puis, en l’invitant à re- canadienne au cours de la dernière dé- permis non seulement de finir par tra- plonger dans la vie de château de cennie ont ainsi finalement permis de cer ce passage du Nord-Ouest, mais retrouver en 2014 puis en 2016 les aussi de cartographier l’Arctique », l’Europe médiévale, le Musée ca- deux navires de l’expédition, les HMS souligne Bianca Gendreau, gestion- nadien de l’histoire propose cet Erebus et Terror. Les visiteurs peuvent naire à la recherche au Musée cana- été au public deux immersions his- donc admirer pour la toute première dien de l’histoire. toriques des plus inédites. fois des objets retrouvés dans ces Mais l’Histoire avec un grand H épaves. L’exposition s’appuie égale- n’éclipse pas pour autant ici les desti- ment sur les précieux récits, transmis nées individuelles. « C’est aussi l’his- RABÉA KABBAJ de génération en génération, de mem- toire tragique de 129 personnes, par- Collaboration spéciale bres des communautés inuites, dont ties d’Angleterre et qui, après, ont MARNI WILSON PARCS CANADA les ancêtres furent les derniers té- disparu. Alors, on présente la prépa- La cloche de l’ Erebus O uverte depuis début mars, l’ex- position Périr dans les glaces. Le mystère de l’expédition Franklin vaut moins des navires et de l’équipage. Une tranche d’histoire ration de l’expédition, la technologie avancée de leurs navires, qui avaient notamment des provisions pour trois méthodes du pouvoir. C’était égale- ment l’époque de l’amour courtois, indéniablement le détour. Réalisée méconnue ans. On découvre la vie à bord, ce des croisades, de la guerre de Cent dans son entièreté par le Musée ca- En plus d’offrir le compte rendu le qu’ils faisaient de leurs loisirs, ce Ans, de la peste… En définitive, une nadien de l’histoire en par tenariat plus actualisé à ce jour de cette expé- qu’ils mangeaient. On a également période extrêmement riche en faits avec le National Maritime Museum dition exploratoire et scientifique diri- donné une idée au sol de l’espace et en histoire, comme en témoigne- de Londres et Parcs Canada, cette gée par le capitaine sir John Franklin dont ils disposaient pour vivre : à ront les objets présentés », a assuré exposition revient sur la funeste ex- (1786-1847), célèbre officier de la ma- quoi ressemblait le quar tier d’un Mme Gendreau, qui est également la pédition Franklin, qui, par tie de rine britannique, « en qui l’équipage homme de bord, d’un officier, etc. », conser vatrice ayant travaillé sur Grande-Bretagne en 1845 pour carto- avait confiance et qui n’en était pas à explique Mme Gendreau. cette exposition. graphier le passage du Nord-Ouest son premier voyage», cette exposition dans l’Arctique, n’est jamais revenue. permet de vulgariser un pan méconnu Reconstituer les pièces Une exposition d’envergure Originale, cette exposition l’est à de l’histoire canadienne. «Ces expédi- du puzzle Fait notable, le musée signe ici sa plus d’un titre, puisqu’elle présente des tions polaires — tant celle de Franklin Les visiteurs de l’exposition en ap- toute première collaboration avec le objets qui n’ont jamais été vus aupara- que celles qui ont suivi lorsqu’on est prendront sur les facteurs qui ont très prestigieux British Museum, vant au Canada, qu’il s’agisse des arte- parti à sa recherche quelques années contribué au dénouement fatidique, concepteur originel de l’exposition, mais aussi sur les ef for ts déployés qui a fourni la majorité des quelque par lady Franklin pour susciter des 250 pièces au programme. Le Musée expéditions de recherche des deux canadien de l’histoire apporte toute- navires disparus. Une autre section fois sa touche personnelle en y ajou- est consacrée au rôle des Inuits et à tant des emprunts d’autres établisse- leur transmission des récits. Les ré- ments, une scénographie originale cents résultats des recherches scien- ainsi que des éléments interactifs vi- tifiques sont également présentés, à sant à contextualiser la période pour travers une section médico-légale et le public canadien, qui connaît peut- une zone consacrée aux investiga- être moins la période. « Les objets tions subaquatiques de Parcs Canada. présentés sont de facture incroya- Enfin, à travers les livres, les ro- ble. Certains sont, par exemple, as- mans ou encore les jeux vidéo que le sociés à Richard III, d’autres à Saint mystère Franklin a pu inspirer, l’expo- Louis ! Je pense également à une su- sition s’arrête sur la culture populaire perbe tapisserie, de la taille d’un entourant cet épisode qui a bel et bien mur, prêtée par le Victoria and Al- « fasciné l’imagination jusqu’à au- bert Museum, et qui raconte la célè- jourd’hui», rappelle Bianca Gendreau. bre et épique bataille de Ronce- Et cela ne devrait pas s’arrêter ici: les vaux », a expliqué, avec enthou- recherches se poursuivent toujours siasme, Bianca Gendreau. pour connaître le fin mot de l’histoire. Au fil des différentes zones aména- gées à l’image de salles d’un château, Donner à voir les visiteurs se verront raconter la un autre Moyen Âge formation de l’Europe à l’époque mé- Dans un registre diamétralement diévale, mais aussi le pouvoir royal et dif férent, le musée accueillera à ses représentations. L’Église ne sera compter du 8 juin prochain sa toute pas en reste, avec la mise en avant première exposition consacrée à d’objets présentant les différents as- l’Europe médiévale. Loin des clichés pects de la liturgie. L’exposition fera réduisant le Moyen Âge à un long in- également la part belle aux person- FEMME IMPRESSIONNISTE terlude historique marqué du sceau nages historiques clés de la période, de l’austérité, Europe médiévale. Pou- aux caractéristiques de la vie à la 21 JUIN – 23 SEPTEMBRE 2018 voir et splendeur entend redorer le cour, sans oublier la vie quotidienne blason de cette période, en donnant urbaine des gens ordinaires. Pour à voir toute son opulence et sa vi- boucler la boucle, une zone spéciale- brance créative. ment développée par le musée sera « Par l’entremise des réalisations, consacrée à l’influence culturelle du des objets qui seront présentés, on Moyen Âge au Canada. va montrer que, non, ce ne furent S’accompagnant d’une riche pro- pas mille ans de grande noirceur. Au grammation en jour nées théma- contraire, c’était une période extrê- tiques, ce rendez-vous avec l’histoire ORGANISÉE PAR LE MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC, LA BARNES FOUNDATION mement dynamique, qui a vu des devrait, en définitive, ravir tant les MNBAQ.ORG (PHILADELPHIE), LE DALLAS MUSEUM OF ART ET LES MUSÉES D’ORSAY ET DE L’ORANGERIE (PARIS). BERTHE MORISOT, À LA CAMPAGNE (APRÈS LE DÉJEUNER) (DÉTAIL), 1881. HUILE SUR TOILE, transformations importantes au ni- amoureux de l’époque médiévale 81 X 100 CM. COLLECTION LAWRENCE ELLISON. veau de la géographie ou encore des que les néophytes en la matière.
CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 L’été des musées E 7 MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE SHERBROOKE Les honneurs pour une artiste des Cantons-de-l’Est A N D R É L AVO I E centres d’art au Saguenay–Lac-Saint- Collaboration spéciale Jean, en Gaspésie et en Outaouais. » L’itinéraire n’est pas encore achevé, L’ établissement n’a pas encore at- teint un âge vénérable, mais de- puis sa fondation, en 1982, le Musée mais le tout devrait se mettre en branle en janvier 2019. C’est une occasion des beaux-ar ts de Sherbrooke Célébrer l’audace (MBAS) peut revendiquer une indé- de l’art autochtone de témoigner niable maturité. Situé au cœur de la Le MBAS souhaitait depuis long- capitale des Cantons-de-l’Est et ayant temps s’associer avec la galerie Art de manière forte pour mission la conser vation d’œu- Mûr de Montréal pour contribuer au vres d’artistes de la région, le MBAS déploiement de la BACA. Une collabo- af fiche une fois encore son éclec- ration qui s’inscrit dans le mandat du du dynamisme tisme avec deux expositions estivales musée : « celui de présenter, une ou reflétant plusieurs de ses ambitions. deux fois par année, des expositions des artistes L’été semble déjà entre ses murs, très ancrées dans le présent », sou- car le 5 mai dernier commençait le ligne Catherine Duperron, comme autochtones, volet sherbrookois de la 4e édition de c’est le cas pour le volet sherbrookois la Biennale d’ar t contemporain au- de la biennale. tochtone (BACA), intitulé níchiwa- C’est aussi une occasion de témoi- qui prennent miskwém | nimidet | ma sœur | my sis- gner de manière for te du dyna- ter, tandis que le 12 mai était inaugu- misme des artistes autochtones, qui de plus en plus rée l’exposition Clémence. De la fac- prennent de plus en plus leur place trie au musée, consacrée à l’une des en art actuel. Au MBAS, on a mis en plus célèbres artistes et citoyennes valeur la démarche de plusieurs ar- leur place en art de l’Estrie, Clémence DesRochers. tistes féminines du Canada et des États-Unis utilisant le dessin, la pho- actuel Notre Clémence tographie ou l’installation. Pour Catherine Duperron, chargée On pourra ainsi admirer le travail de projets au MBAS, « le timing était de la photographe Kali Spitzer, origi- très bon » pour rendre hommage « à naire de la Colombie-Britannique, qui cette femme extraordinaire ». « Par le tente de décrire les métissages qui passé, elle a souvent annoncé à la traversent sa communauté, de race KALI SPITZER NEVER APART blague qu’elle présentait son dernier comme de genre. D’autres célèbrent Kali Spitzer, Melaw Nakehk’o (2015) show, mais là, depuis un an, sa re- le courage des communautés autoch- traite, c’est officiel, et l’exposition de- tones, dont celui de la réappropria- venait appropriée, car elle a touché tion de certains objets culturels, par beaucoup de gens à travers le Qué- exemple le tambour, souvent utilisé bec pendant ses 60 ans de carrière. » par les hommes. Avec Woman’s Au départ, une amie de la célèbre monologuiste, artiste peintre, poète et comédienne voulait mettre en va- leur ses dessins, mais « nous souhai- tions y ajouter notre couleur mu- séale », précise Catherine Duperron. Drum, Lita Fontaine propose une ins- tallation qui établit un lien fort avec le « Big Drum », et qui souligne la pré- sence de plus en plus importante de groupes de tambours féminins dans les rencontres communautaires et les Cet été, Clémence. De la factrie au musée est pow-wow. Quant à l’ar tiste Erin une véritable rétrospective des di- Konsmo, métisse de l’Alber ta, ses verses facettes de son œuvre, elle dessins sont autant de moyens de qui pratiquait déjà la multidisciplina- rité avant que ce concept ne soit à la mode. « L’idée est de montrer que son œuvre visuelle s’insère dans son œu- vre en général, explique la chargée communiquer ses préoccupations écologiques, ou ses messages de pré- vention de santé sexuelle et repro- ductive, dessins qui circulent bien au- delà de son milieu, sur des affiches ou des t-shirts. découvrez de projets. Tout au long de ce par- Notez que, si les deux expositions cours thématique où il sera question estivales du MBAS débutent prati- LES MUSÉES de son enfance, de la nature, des quement au même moment, celle femmes et de la famille, on retrou- consacrée à Clémence DesRochers vera ses chansons, ses poèmes, des se prolongera cet automne jusqu’au photographies, et des témoignages 18 novembre, tandis que la Biennale d’ar tistes pour qui Clémence a eu se terminera le 4 septembre. une grande influence. » De Luc Pla- mondon à Michel Tremblay en pas- sant par Yvon Deschamps et Marie- À partir du 12 mai, UÉBEC Claire Blais, ils furent nombreux, et célèbres. Catherine Duperron était fière de souligner que Patrimoine canadien venait tout juste d’annoncer au MBAS l’exposition Clémence. De la factrie au musée DU son soutien financier pour mettre en branle une tournée québécoise de sera consacrée à l’une cette exposition, qui durera deux ans. N’en déplaise aux Montréalais, aucun des plus célèbres artistes arrêt n’est prévu dans la métropole. « Nous sommes proches de Montréal, et citoyennes de l’Estrie, www.musees.qc.ca tient-elle à préciser, et comme Clé- mence est connue à travers tout le Clémence DesRochers Québec, on a préféré contacter des
E 8 L’été des musées CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL Des expositions qui honorent les cultures du monde L’art transcende la couleur de la entretenait pour l’art africain et, dans rement de situation s’est opéré. L’art pour leur belle feuille de route artis- peau et les origines ethniques. À une moindre mesure, pour celui pro- d’Afrique, d’Océanie et des Amé- tique », af firme Geneviève Goyer- partir du 12 mai jusqu’au 16 sep- venant de l’Océanie. L’exposition riques est devenu un phénomène ar- Ouimet, commissaire de cette expo- D’Afrique aux Amériques présente tistique englobant styles, histoires et sition, conser vatrice de l’art québé- tembre, le Musée des beaux-arts de plusieurs des œuvres de ces conti- cultures variées. Dans le cours de cois et canadien contemporain et ti- Montréal (MBAM) présentera deux nents, dont celles que le célèbre pein- l’exposition, on apprend que Picasso tulaire de la chaire Gail et Stephen A. expositions mettant en valeur l’art tre Picasso possédait. « Picasso n’était avait un attachement particulier pour Jarislowsky au MBAM. Le MBAM pas un collectionneur, rappelle Natha- l’art africain. « Picasso aimait bien cet est d’ailleurs en processus d’acquisi- africain et les œuvres d’artistes lie Bondil, directrice du MBAM et art africain pour son réalisme et il a tion pour l’œuvre de Manuel Ma- noirs canadiens. Tour d’horizon. commissaire pour cette exposition. été le premier à considérer ces objets thieu intitulée Autopor trait. Cette Mais il aimait bien cet art. Il gardait comme de l’art », soutient Mme Bon- œuvre a été réalisée à la mémoire de STÉPHANE GAGNÉ ces objets dans son atelier et s’en ins- dil. Preuve d’une évolution des men- sa grand-mère, première immigrante Collaboration spéciale pirait pour sa création. » Cette exposi- talités, le Musée des Colonies à Paris de la famille à s’établir à Montréal en tion regroupe plus de 300 œuvres devient, en 1962, le Musée national provenance d’Haïti. C et été, au MBAM, deux exposi- tions, présentées dans un par- cours continu, susciteront la curiosité provenant du Musée du quai Branly- Jacques Chirac, du Musée national Pi- casso-Paris et de collections particu- des arts d’Afrique et d’Océanie. Comme le mentionne le document présentant l’événement, l’exposition Abattre les préjugés L’exposition souhaite déconstruire des amateurs d’art. La première expo- lières. Sur ce nombre, une centaine pose donc un regard inédit sur l’œuvre le discours prédominant qui réduit sition s’intitule D’Afrique aux Amé- se trouvaient dans l’atelier de Picasso. de Pablo Picasso (1881 à 1973), en re- l’expérience des Noirs canadiens à riques : Picasso en face-à-face, d’hier à Cependant, ces objets n’ont pas tou- latant le fil chronologique de sa vie, et d’éternels immigrants ou à de nou- aujourd’hui et la deuxième, Nous jours été considérés comme des ob- sur l’histoire de l’art moderne. veaux immigrants. « Nous voulions sommes ici, d’ici : l’art contemporain jets d’art. L’exposition rappelle que, aussi montrer la diversité des com- des Noirs canadiens. Dans la pre- pendant longtemps, on les a considé- Ici au Canada munautés noires, qui sont loin d’être mière, on découvre l’évolution de la rés comme des curiosités ethnogra- En poursuivant le parcours, le visi- monolithiques », affirme Mme Goyer- perception, depuis surtout le milieu phiques. « Cette perception était liée teur découvrira l’exposition Nous Ouimet qui croit qu’à l’issue de ce du siècle dernier, en rapport avec les au colonialisme », soutient Mme Bon- sommes ici, d’ici. Cette exposition, parcours, le visiteur aura une percep- objets d’art outre-Europe et l’intérêt dil. Ainsi, le Musée ethnographique créée par le Musée royal de l’Onta- tion différente de cette communauté. de Picasso pour cet art. Dans la se- du Trocadéro, premier du genre à Pa- rio, a été enrichie d’un volet québé- conde, de talentueux artistes noirs ca- ris, ouvert en 1878, présentait les œu- cois. Elle présente les œuvres de Des œuvres percutantes nadiens se révèlent à nous. vres hors Europe de cette façon. huit ar tistes contemporains cana- Dans le cadre de l’exposition, des diens auxquels ont été ajoutés trois œuvres permettront aux visiteurs de Picasso et l’art africain D’objets ethnographiques artistes montréalais (Eddy Firmin, se sensibiliser à l’existence de l’escla- La plupart des amateurs d’art avi- à objets d’art Manuel Mathieu et Shanna Strauss). vage au temps de la colonie, croit sés connaissent l’intérêt que Picasso Au cours du siècle dernier, un revi- « Ces trois ar tistes ont été choisis M m e Goyer-Ouimet. Selon les re- L’ESPACE D’UN INSTANT Cinquante ans de collectionnement de photographies 1997. MBAC. © Zhang Huan, avec l’autorisation l’eau d’un étang à poissons (gros plan), [détail], Zhang Huan, Pour faire lever le niveau de de Zhang Huan Studio. Photo: MBAC AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA PARTENAIRE FONDATEUR DE L’INSTITUT CANADIEN DE LA PHOTOGRAPHIE
CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 L’été des musées E 9 En collaboration avec JEAN-GILLES BERIZZI RMN-GRAND PALAIS (MUSÉE NATIONAL PICASSO-PARIS) Pablo Picasso, Femme dans un fauteuil (1927) cherches de l’historien Marcel Tru- quante est celle d’Eddy Firmin, ar- del, il y a eu du début de la colonie tiste montréalais originaire de Mar- jusqu’au début des années 1800, 4000 tinique. Il s’agit d’un buste en céra- esclaves en Nouvelle-France, dont le mique où le cou de la personne est tiers était des Noirs. Les deux autres tiers étaient des Amérindiens. L’es- clavage a été aboli en 1834. orné d’un anneau. L’article portant sur l’exposition dans la revue du MBAM souligne l’inconfortable pa- ADMIREZ Parmi les œuvres percutantes pré- sentées, M m e Goyer-Ouimet men- rallèle entre l’esclavage passé et ce- lui que nous vivons aujourd’hui. PLUS DE 350 OBJETS EMBLÉMATIQUES tionne celle de Chantal Gibson. On y « La surconsommation retire au ci- voit 2000 cuillères toutes peintes en toyen le contrôle sur sa vie en le ré- noir. « En les peignant ainsi en noir, duisant à l’état de consommateur », elle les a unifor misés de façon à créer un amalgame qui correspond souvent à la façon dont on perçoit la mentionne-t-on. À POINTE-À-CALLIÈRE communauté noire, dit-elle. En s’ap- Jusqu’au 4 novembre 2018 prochant des objets, on s’aperçoit La plupart que, sous la peinture, chaque cuil- des amateurs lère a un motif différent, reflétant la Une exposition réalisée par Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire Statue de la déesse Mout © Museo Egizio, Turin diversité de cette communauté. » d’art avisés de Montréal, en collaboration avec le Museo Egizio de Turin (Italie). Une autre œuvre est également très forte en symbolisme. Créée par connaissent l’ar tiste ontarienne Esmaa Moha- l’intérêt moud, elle représente un Noir foot- balleur vêtu de vêtements typiques que Picasso des Africains. Dans son dos, il y a toutefois une série de chaînes. « Cela entretenait pour fait référence à la traite des hu- mains », dit Mme Goyer-Ouimet. l’art africain Enfin, une dernière œuvre mar-
E 10 L’été des musées CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018 MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC Impressionnante Berthe Morisot et savoir-faire canadiens Après avoir galvanisé le public et la critique avec sa spectaculaire exposi- tion Alberto Giacometti, le Musée national des beaux-arts du Québec ne compte pas être à court d’arguments cet été non plus. En s’alliant à trois autres musées internationaux d’envergure pour rendre ses lettres de no- blesse à une figure fondatrice de l’impressionnisme, et en donnant à voir la variété des savoir-faire canadiens en art contemporain, l’établissement de Québec vient confirmer la solidité de sa programmation en cette an- née de son 85e anniversaire. RABÉA KABBAJ plus loin la question de l’inachevé. Collaboration spéciale Elle décide d’exposer des œuvres qui sont considérées par d’autres S i l’on vous dit Monet, Degas ou en- core Renoir, vous situez générale- ment tout de suite ces grands noms comme des esquisses, tandis qu’elle les présente comme finies », analyse le conservateur du MNBAQ. de l’impressionnisme. Berthe Mori- sot? La tâche s’avère peut-être un peu Entre féminisme et raffinement plus ardue ! Et pourtant… « Même si En plus de témoigner de ces parti- elle est bien moins connue que ses col- cularités de l’artiste, l’exposition se lègues masculins, Morisot fait partie penchera sur ses années de formation, des artistes majeurs de l’impression- elle qui dut faire preuve de persévé- nisme et des membres fondateurs de rance pour parvenir à se faire recon- ce mouvement. On considérait donc naître dans un secteur difficile d’accès qu’il fallait la remettre à l’avant-plan », aux femmes à l’époque. La peinture en explique André Gilbert, conservateur plein air — une caractéristique de l’ap- aux expositions au Musée national proche impressionniste — ou encore COLLECTION PARTICULIÈRE des beaux-arts du Québec (MNBAQ). la représentation du fameux person- Berthe Morisot, Jeune femme en gris étendue (1879) C’est d’ailleurs la toute première expo- nage bourgeois de la Parisienne se- sition Morisot au Canada (du 21 juin ront également d’autres portes d’ac- espèces de mashups, de rencontres au 23 septembre 2018), et la première cès à l’œuvre de Morisot. de genre, autant vers le manga que la en Amérique du Nord depuis 1987! « L’exposition dresse le por trait «En tant que femme, poterie ancestrale de l’Orient. Avec For t de ce constat, le MNBAQ a d’une femme singulière, qui est un son approche plus classique, Marie donné l’impulsion à ce projet itinérant modèle à plusieurs égards. Son œu- elle aborde des sujets Côté va quant à elle faire parler la cé- autour duquel il a réussi à fédérer la vre est très raf finée et séduisante, ramique, non pas par rapport à son Fondation Barnes de Philadelphie, le donc les gens seront vraiment char- assez différents côté usuel, mais plutôt selon ses pro- Dallas Museum of Ar t et le Musée més. Évidemment, c’est l’impression- des impressionnistes priétés sonores suggérées. On a d’Orsay de Paris, et qui sera présenté nisme et on sait à quel point ce mou- aussi une troisième voie, Clint Neu- dans chacun de ces quatre établisse- vement nous touche à plusieurs ni- hommes: des scènes feld, qui lui a refait des moteurs de ments, à commencer par Québec. veaux. Cependant, c’est également voiture, mais en céramique. Ainsi, il L’une des deux commissaires choi- une belle réflexion globale sur les re- intimes et personnelles nous permet d’introduire dans l’expo- sies, Sylvie Patr y, conser vatrice en lations entre l’ar t et la vie person- à travers sition des questions comme le passe- chef et directrice de la conservation nelle, deux aspects intimement liés temps, le temps qui est pris à faire les et des collections du Musée d’Orsay, chez Morisot », conclut André Gilbert la représentation d’autres œuvres et la valeur à lui accorder », n’est rien de moins que « l’une des au sujet de cette exposition qui ras- explique M. Lamarche. spécialistes mondiales de la peinture semblera pas moins de 55 toiles en femmes et d’enfants» Tantôt conceptuelles, tantôt plus impressionniste », souligne M. Gil- provenance de neuf pays différents. crues, parfois plus technologiques, bert, qui voit là un gage de la haute les œuvres présentées dévoilent un qualité de l’exposition à venir. Du fait main pancanadien éventail très large de propositions. Tranchant avec une offre habituel- notions comme l’ar t populaire, les Elles mettr ont à l’honneur des Le style Morisot lement soit québécoise soit interna- passe-temps, les loisirs, qui entrent icônes déjà bien établies comme Si, à l’instar de ses collègues, tionale, la seconde exposition qui aussi en ligne de compte. Il m’appa- Barb Hunt, François Morelli ou Bar- Berthe Morisot (1841-1895) se carac- prendra l’affiche cet été au MNBAQ, raissait donc pertinent de proposer bara Todd, mais aussi des ar tistes térise par un style impressionniste Fait Main/Hand Made (du 14 juin cette réflexion sur cette rencontre en- de la r elève ou en mi-car rièr e plutôt classique, la spécificité de ses au 3 septembre 2018), sera entière- tre “les beaux-arts” et la culture plus comme Dominique Pétrin, qui avait toiles s’illustre de deux façons. « En ment canadienne. Une approche ré- populaire », fait valoir Bernard La- été invitée l’an dernier à collaborer tant que femme, elle aborde des su- solument coast to coast qui explo- marche, conservateur de l’art actuel avec le célèbre ar tiste britannique jets assez différents des impression- rera l’engouement renouvelé, en art (de 2000 à ce jour) au MNBAQ. Banksy. nistes hommes : des scènes intimes et contemporain, pour la question du Chose cer taine, ces démonstra- personnelles à travers la représenta- faire ar tistique lié à des pratiques Explorer les savoir-faire tions de savoir-faire éclectiques, bi- tion d’autres femmes et d’enfants. populaires. Dans cette perspective, près d’une garrées et repoussant les limites du Pour une femme, c’est plutôt convenu, « Depuis quelques années, on voit centaine d’œuvres émanant de 37 ar- matériau ne devraient pas laisser le mais de la part d’une impressionniste, émerger le retour d’un discours sur tistes canadiens ont été sélection- public indifférent. « Cette exposition cela demeure une pratique un peu le savoir-faire, la requalification : ce nées, et donneront à voir des ap- s’annonce ludique et festive, et de- plus rare », relève André Gilbert. qu’on appelle le reskilling. J’ai donc proches diversifiées de multiples pra- vrait également brasser un peu la La seconde marque de fabrique de voulu faire une exposition sur ce tiques ar tisanales. « Par exemple, cage à cer tains endroits. Je pense Morisot réside dans sa radicalité : mouvement bien réel, en y allant avec pour l’univers de la poterie ou de la que les gens en ressortiront en réflé- elle part de la technique impression- une présentation d’œuvres qui témoi- céramique, on a Brendan Lee Satish- chissant aux enjeux de l’exposition, niste, mais pour la mener beaucoup gnent d’un intérêt pour les savoir- Tang qui revient sur la poterie tradi- mais aussi avec l’air léger et un plus loin que d’autres. « En peinture, faire plus ou moins traditionnels et de tionnelle, mais en la recoupant avec grand sourire accroché au visage », c’est l’une des artistes qui pousse le marier cela à des questions autour de la culture d’aujourd’hui. Il en fait des estime M. Lamarche. Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont cependant pas de droit de regard sur les textes. Pour toute information sur le contenu, vous pouvez contacter Aude Marie Marcoux, directrice des publications spéciales, à amarcoux@ledevoir.com. Pour vos projets de cahier ou toute autre information au sujet de la publicité, contacter iDmedia@ledevoir.com.
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