Musées L'été des - Le Devoir

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Musées L'été des - Le Devoir
CAHIER SPÉCIAL E
                    LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018

L’été des
  musées

     MBAM                  Musée
     Des expos             McCord
     qui honorent          L’héritage
     les cultures          juif
     du monde              de Montréal
     E8                    E 12
Musées L'été des - Le Devoir
E 2                             L’été des musées                                                                                                    CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018

MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA

Un été éclectique
Photographie, orfèvrerie et impressionnisme au menu
MAGDALINE BOUTROS
Collaboration spéciale

O  n le sait, les impressionnistes at-
   tirent les foules. La collection du
musée Ordr upgaard de Copen-
hague, qui garnira les murs du Mu-
sée des beaux-arts du Canada à Ot-
tawa cet été, séduira à coup sûr les
amants des maîtres français du
XIXe siècle. Mais, après avoir plongé
le regard dans un Monet ou un De-
gas, le public gagnera à arpenter les
parcours de deux autres expositions
qui promettent des découvertes en-
voûtantes en matière d’orfèvrerie et
de photographie.
Des trésors impressionnistes
provenant du Danemark
   À par tir du 18 mai et jusqu’au
9 septembre, le MBAC accueillera
en ses murs une soixantaine de
chefs-d'œuvre de peintres français
du XIXe siècle et du début du XXe siè-
cle. Une collection d’une richesse
étonnante constituée par Wilhelm et
Henny Hansen durant les premières
décennies du XXe siècle. À l’occasion
des travaux d’agrandissement qui
ont cours au musée Ordrupgaard au
Danemark, le MBAC a réussi à met-
tre la main, le temps d’un été, sur
cette collection, qualifiée comme l’un
des plus beaux ensembles d’œuvres
impressionnistes en Europe du
Nord. « Nous avons véritablement
sauté sur cette occasion », dit avec
enthousiasme en entrevue Erika Dol-
phin, conser vatrice associée au
MBAC et commissaire de l’exposi-
tion Trésors impressionnistes. La col-
lection Ordrupgaard. « C’est vraiment                                                                                                                                                              ANDERS SUNE BERG
une chance d’avoir ces tableaux                                 Camille Pissaro, Pruniers en fleur à Éragny (1894)
d’une qualité exceptionnelle ici pour
une grande exposition d’été », pour-                            d’été familiale située en banlieue de                         rie au pays du statut d’artisanat à ce-
suit-elle. La collection ne se cantonne                         Copenhague aux visiteurs. À la                                lui d’un art à part entière », explique
pas au courant impressionniste. Aux                             mor t de Wilhelm Hansen en 1936,                              René Villeneuve, conservateur asso-
côtés des œuvres de Monet, Manet,                               sa veuve Henny a légué au gouver-                             cié de l’ar t canadien ancien au
Renoir, Degas, Pissarro et Sisley se                            nement danois la collection et la                             MBAC et commissaire de l’exposi-
glisseront quelques tableaux de                                 maison, qui sont devenues ultérieu-                           tion Laurent Amiot. Maître-or fèvre
leurs prédécesseurs, Delacroix et In-                           rement le musée Ordrupgaard.                                  canadien. « Il revisite toutes les
gres notamment. Wilhelm Hansen                                                                                                formes, tous les décors. Il produit              « C’est vraiment
ayant également eu un grand intérêt                             L’orfèvrerie, un art méconnu                                  une argenterie de table variée, re-
pour le postimpressionnisme, des                                   Pour la première fois, une exposi-                         nouvelée », souligne-t-il. Les autres            une chance d’avoir
toiles de Gauguin, de Matisse et de                             tion entière est consacrée à l’œuvre                          or fèvres seront contraints de mar-
Cézanne formeront le point d’orgue                              de Laurent Amiot, un or fèvre né à                            cher dans son sillage.                           ces tableaux
de cette exposition qui se veut une                             Québec en 1764. Pour bien compren-                               Pendant une cinquantaine d’an-
incursion aux fondements de l’ar t                              dre son importance, il faut reculer à                         nées, Laurent Amiot ne cessera d’in-             d’une qualité
moderne.                                                        la période marquant la fin du                                 nover, de bousculer, de se réinven-              exceptionnelle
   Les visiteurs seront ensuite invi-                           XVIIIe siècle et le début du XIXe siè-                        ter. L’exposition du MBAC présente
tés à découvrir 16 tableaux de l’âge                            cle, une période pendant laquelle                             au public 75 œuvres d’Amiot — des                ici pour
d’or de l’art danois, d’autres pièces                           l’orfèvrerie occupe une place beau-                           vases, des accessoires religieux ou
maîtresses de la collection de Wil-                             coup plus impor tante que de nos                              encore des objets domestiques —                  une grande
helm Hansen. « On a vraiment sé-                                jours. Tout juste après avoir reçu sa                         ainsi que 17 pièces d’or fèvrerie
paré les deux collections, celle de                             première formation, Amiot part pour                           créées par d’autres artistes. Il aura            exposition d’été »
l’art français et celle de l’art danois,                        Paris — le centre névralgique de l’or-                        fallu environ sept ans à René Ville-
parce qu’elles étaient disposées                                fèvrerie en Europe de l’Ouest —, où                           neuve pour rassembler l’ensemble
comme cela dans la maison où                                    il séjourne de 1782 à 1787, à la veille                       de ces objets, dont plusieurs se trou-
M. Hansen présentait ces œuvres »,                              de la Révolution. À son retour à Qué-                         vaient chez des par ticuliers. Pour
explique Mme Dolphin. Désireux de                               bec, il opère une véritable révolution                        permettre au public de bien com-
par tager leur trésor avec le public                            — esthétique, faut-il préciser — dans                         prendre le contexte social qui a
danois, les Hansen ouvraient, une                               le milieu de l’orfèvrerie.                                    mené à la confection de ces pièces
fois par semaine, leur résidence                                   « C’est lui qui fera passer l’orfèvre-                     en argent, les œuvres sont minutieu-

EN UNE : JO GORDON, KISS OF DEATH (1994). CHAPEAU REPRÉSENTATIF DE L’EFFERVESCENCE CRÉATRICE QUE GÉNÈRE LA VILLE DE LONDRES
Musées L'été des - Le Devoir
CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018                                                                                                                                                                                                  L’été des musées                                          E 3
sement mises en scène dans l’exposi-                             tion de la technique sur une période
tion. Ainsi, le parcours témoignera,                             d’environ 180 ans — du daguerréo-
par exemple, de l’arrivée du café au                             type jusqu’au numérique — et des
pays, une nouveauté qui a mené                                   différentes formes que peut prendre
Amiot à réaliser la première cafetière                           la photographie.
en argent du Canada. René Ville-                                    « Nous avons cette idée que la pho-
neuve espère que le public appré-                                tographie représente toujours la vé-
ciera l’unicité de chacune des pièces,                           rité, mais ce n’est pas toujours le cas,
un plaisir lié aux arts de la table qui                          et on voit dans cette exposition des
est devenu plus difficile à satisfaire                           photographies qui sont assez abs-
dans notre société moderne. L’expo-                              traites », note Mme Thomas. Des œu-
sition est présentée du 11 mai au                                vres de Julia Margaret Cameron,
23 septembre.                                                    Weegee, Ed Burtynsky et Lynne Co-
                                                                 hen sont notamment à l’honneur.
Savourer l’instant                                               L’exposition L’espace d’un instant.
   Pour souligner les 50 ans de sa col-                          Cinquante ans de collectionnement de
lection de photographies, le MBAC                                photographies est présentée du 4 mai
propose aux visiteurs de laisser leur                            au 16 septembre.
regard se noyer dans quelque 175
photographies et images. Celles-ci
ont été soigneusement choisies par
Ann Thomas, conser vatrice en chef
intérimaire au MBAC. « C’était diffi-
cile de faire une sélection dans une                                          « C’est lui qui fera
collection qui comprend 200 000
photographies », lance-t-elle d’entrée                                        passer l’orfèvrerie
de jeu en entrevue.
   Très tôt dans le processus, une                                            au pays du statut
ligne directrice s’est toutefois impo-
sée. Celle de la conversation. Une                                            d’artisanat
conversation dans le temps, entre
des œuvres datant du XIXe siècle et                                           à celui d’un art
d’autres plus contemporaines. Et
une conversation entre les photo-                                             à part entière »
graphes, puisque tout artiste étudie
les œuvres de ses prédécesseurs.
Coiffée du magnifique titre L’espace
d’un instant, l’exposition retrace
l’histoire de la photographie. Les vi-                                                                                                                                                                                                                                                           MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA
siteurs sont ainsi témoins de l’évolu-                                                                                                                                                                                    Laurent Amiot, Cafetière de la famille Le Moine (vers 1796)

                                                                                                                                                                                                                                  présente
                                                                                                      Figurine de chevalier, Angleterre, 1375-1425, pierre. © The Trustees of the British Museum. Tous droits réservés.

                                                                                                                                                                                                                                 mcq.org          Achetez vos billets
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   DÈS LE 8 JUIN
   100, rue Laurier, Gatineau QC
   museedelhistoire.ca/medievale                                                                                                                                                                                                                                            À TÉLÉCHARGER DÈS MAINTENANT
                                                                                                                                                                                                                                                  UNE EXPÉRIENCE ENRICHIE
                                                                                                                                                                                                                                                  ET PERSONNALISÉE AVEC
                                                                                                                                                                                                                                                  L’APPLICATION MON MCQ
                     Une exposition réalisée par le British Museum
                     en collaboration avec le Musée canadien de l’histoire.
Musées L'été des - Le Devoir
E 4                      L’été des musées                                                                                 CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018

MUSÉE STEWART

Promenade parisienne sur l’île Sainte-Hélène
Faire du lèche-vitrines dans les
rues commerçantes de Paris des
années 1700 : c’est ce que pro-
pose le Musée Stewart avec sa
nouvelle exposition Paris en vi-
trine. Les boutiques du 18e siècle.

C AT H E R I N E G I R O U A R D
Collaboration spéciale

«plus C    apitale du Royaume de
           France, Paris est l’une des
      belles, des plus célèbres et des
plus florissantes villes du monde.
[…] Dès son arrivée, le voyageur
est surpris par le tumulte, l’encom-
brement et la saleté de cer tains
Quartiers. […] »
   Le voyage dans le temps et l’es-
pace commence dès les premières
lignes inscrites à l’entrée de l’exposi-
tion. « Toute l’exposition est conçue
comme un guide de voyage de
l’époque », explique Sylvie Dauphin,
conservatrice et chef des collections
du Musée Stewart. Ainsi, des mots
ou formulations disparus aujourd’hui
apparaissent en italique dans les
textes de l’exposition et dans le livret
qui accompagne les visiteurs tout au
long du parcours. « Il y avait une en-                                                                                                                                       MUSÉE STEWART
flure des mots et une façon particu-        Vuë d’une partie du Louvre prise du pont Royal (XVIIIe siècle)
lière de présenter les choses à
l’époque ; j’ai conservé cela pour don-
ner de la saveur à la visite », ajoute la
conservatrice.
   La visite s’ouvre par une grande
reproduction au sol du plan de Pa-
ris imprimé en 1739 — dont l’origi-
nal est aussi exposé, r elié sous
forme d’atlas. « On a voulu of frir
une vue de Paris à vol d’oiseau
pour débuter », explique M me Dau-
phin. Lorsqu’on lève les yeux du
plan, la perspective est ensuite tout
autre. Le visiteur plonge au cœur
du vieux quar tier, nommé La Cité,
alors que les silhouettes de mai-
sons comme on en retrouvait sur le
bord de la Seine se dressent devant
lui. S’étirent der rière une longue
rue bordée de commerces. La pers-
pective laisse aussi entrevoir la fa-
çade de l’église Notre-Dame qui
clôt le premier tableau, tout au fond
de la salle.
   « Cette exposition fait revisiter Pa-                                                                                          MUSÉE STEWART                              MUSÉE STEWART
ris sous un angle inusité, mêlant à la      La jardinière au tablier, La laitière, La fermière, La batteuse de beurre (XVIIIe siècle), d’après    Bouquet de fleurs en porcelaine de
fois le plaisir de voyager, celui de fré-   François Boucher                                                                                      Vincennes (XVIIIe siècle)
quenter les boutiques et de décou-
vrir la riche histoire de la capitale       sant d’une vitrine de boutique à                    rent notamment La Sphère, tenue                   dont 80 livres rares, constituent
française, avec laquelle les Montréa-       une autre.                                          par Jacques Canivet, un « éminent                 l’exposition. Ils proviennent tous de
lais ont un lien privilégié depuis tou-        « Habituellement, les musées tra-                fabricateur d’instrumens de mathé-                la collection personnelle du Musée
jours », fait valoir Suzanne Sauvage,       vaillent avec le nom de l’auteur                    matiques », Au Chagrin de Turquie,                Stewar t, composée de près de
présidente et chef de la direction du       d’une pièce, fait valoir Sylvie Dau-                qui attir e une clientèle pr esti-                27 000 pièces.
Musée Stewart.                              phin. Cette fois, on est allés encore               gieuse, dont Madame de Pompa-
                                            plus loin dans les recherches. On                   dour et Louis XV, ou encore Le Pe-                Visites virtuelles de Paris
D’une boutique à l’autre                    s’est demandé où était vendue cette                 tit Dunker que, tenue par sieur                     L’exposition propose également le
  Le « quay de l’Horloge », le pont         pièce et où était située la boutique                Granchez et dont « le décor est fort              visionnement d’une restitution en
Neuf, la rue Saint-Honoré, le « quay        qui la vendait. Les boutiques sont le               agréable ».                                       5D du quartier du Grand Châtelet,
de Conti », la rue Saint-Jacques….          point de départ et le fil conducteur                   Vaisselle, porcelaines, globes ter-            élaborée par la musicologue Mylène
Les visiteurs parcourent l’exposi-          de l’exposition. »                                  restres, instruments scientifiques,               Pardoen. Ce paysage sonore, créé à
tion comme s’ils traversaient les              Ainsi, toutes les pièces de l’expo               cafetières, brosse à cheveux, gra-                partir de longues recherches et de
quartiers et les rues de Paris, dont        sont présentées et classées par                     vures et estampes… Quelque 400                    documents historiques, fait enten-
les noms sont inscrits au sol, pas-         boutique. Parmi les boutiques figu-                 ar téfacts français du XVIII e siècle,            dre la vie de Paris dans la seconde
Musées L'été des - Le Devoir
CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018                                                                                                 L’été des musées                                                           E 5

moitié du XVIIIe siècle.
  La visite guidée se termine en poé-
sie par l’expérience de réalité vir-
tuelle Il neige à Paris, une déambula-
tion nocturne dans La Cité par un
soir d’hiver dans un décor fait de pa-
pier découpé.
  « L’exposition per manente du
musée est aussi très intéressante et
peut être un beau complément à
notre exposition temporaire, abor-
dant aussi le Siècle des lumières »,
ajoute Geneviève Lalonde, conseil-
lèr e, communications et expé-
rience visiteurs, du Musée Stewart.
Couvrant une période historique
par ailleurs beaucoup plus large,
Histoires et mémoires propose un
parcours historique qui mène le vi-
siteur de l’époque amérindienne
jusqu’à aujourd’hui.
Un site unique
   « Le site du Musée Stewar t est                 D’AFRIQUE
aussi en soi une destination intéres-              AUX AMÉRIQUES
sante, fait valoir Geneviève Lalonde.                                                                                                                                                   EN FACE-À-FACE
Plusieurs Montréalais ne sont en-                                                                                                                                                D’HIER À AUJOURD’HUI
core jamais venus ici. Les gens sont
vraiment agréablement surpris de la
beauté des lieux. »                                Une présentation de
                                                                                                                                                                                   12 mai — 16 septembre 2018
   Situé au cœur du parc Jean-Dra-
peau, le musée fait face au fleuve et              Une exposition organisée par le musée du quai Branly – Jacques Chirac, en collaboration avec le Musée national Picasso-Paris. Une adaptation du Musée des beaux-arts de Montréal.
côtoie de près le pont Jacques-Car-
tier. Logé dans l’arsenal du dépôt for-
tifié britannique de l’île Sainte-Hé-
lène, une construction militaire du
XIXe siècle, le long bâtiment du mu-
sée a été agrémenté il y a quelques
années d’une tour en verre. « Elle
crée un pont entre la nature et l’es-
pace muséal et permet d’avoir une
très belle vue sur Montréal et sur le
pont qui s’illumine le soir », souligne
Mme Lalonde.
   Le musée of fre par ailleurs plu-
sieurs activités extérieures tout au
long de l’été, dont des visites guidées
dans le parc Jean-Drapeau, un tour-
noi d’escrime en plein air le 2 juin ou
encore un pique-nique napoléonien
le 18 août. Plusieurs autres activités
spéciales intérieures, dont un jeu
d’évasion, sont aussi à l’horaire.
Toute la programmation est disponi-
ble sur le site Web du musée.

 Soirées musée                                     NOUS SOMMES ICI, D’ICI                                                                              JEAN-MICHEL OTHONIEL :
 et feux d’artifice                                L’ART CONTEMPORAIN DES NOIRS CANADIENS                                                              MOTION – ÉMOTION
                                                   12 mai – 16 septembre 2018                                                                          20 juin – 11 novembre 2018
 Le musée ouvrira sa cour et ses
 portes lors de quatre soirées de                  Une présentation de
 feux d’artifice cet été. « La vue
 n’est pas la même qu’au bassin de
 La Ronde, mais c’est tout de                      Une exposition initiée par le Musée royal de l’Ontario, Toronto, et adaptée par le                  Une exposition conçue par le Musée des beaux-arts de Montréal en
 même très beau et très bien si-                   Musée des beaux-arts de Montréal pour la présentation montréalaise.                                 collaboration avec Jean-Michel Othoniel et la Galerie Perrotin.

 tué pour admirer les feux », fait
 valoir Geneviève Lalonde,
 conseillère, communications et
 expérience visiteurs, du Musée
 Stewart. Pour en faire profiter les
 Montréalais, le musée a décidé
 de donner accès aux expositions
 du musée de 17 h à 22 h à ceux
 qui voudraient visiter les exposi-
 tions avant de s’installer dans la
 cour pour admirer les feux.                       Pablo Picasso, Femmes à la toilette, Cannes, 4 janvier 1956. Musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979. © Succession Picasso / SODRAC (2018). Photo © RMN-Grand
                                                   Palais / Art Resource, NY / Mathieu Rabeau Artiste kamayura, Brésil, Masque (détail), XXe s. Paris, musée du quai Branly – Jacques Chirac. Photo © musée du quai Branly – Jacques
 Les 11 et 18 juillet, les 1er et                  Chirac / Patrick Gries, Bruno Descoings Zanele Muholi, Phila I, Parktown, de la série « Somnyama Ngonyama », 2016. © Zanele Muholi. Avec l’aimable concours de Stevenson, Le Cap/
 8 août, coût d’entrée de 5 $.                     Johannesbourg, et Yancey Richardson, New York Shanna Strauss, Gardiennes de la mémoire (détail), 2017. Collection de l’artiste Jean-Michel Othoniel, Black Tornado, 2017. Avec
                                                   l’aimable concours de la Galerie Perrotin. © Jean-Michel Othoniel / SODRAC (2018). Photo Claire Dorn
Musées L'été des - Le Devoir
E 6                                    L’été des musées                                                                                               CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018

MUSÉE CANADIEN DE L’HISTOIRE

Entre épopée polaire et vie dans un château médiéval
En lui contant le récit de la tra-                                                 facts prêtés par le National Maritime       plus tard — revêtent une grande im-
gique épopée que fut la fameuse                                                    Museum, mais aussi et surtout des dé-       portance, car elles ont permis de car-
                                                                                   couvertes archéologiques de Parcs Ca-       tographier le Nord tel qu’on le connaît
expédition de sir John Franklin                                                    nada. Les recherches subaquatiques          aujourd’hui. En ce qui a trait à la carte
dans le Nord-Ouest arctique au                                                     dirigées par l’agence gouvernementale       géographique du Canada, elles ont
XIXe siècle, puis, en l’invitant à re-                                             canadienne au cours de la dernière dé-      permis non seulement de finir par tra-
plonger dans la vie de château de                                                  cennie ont ainsi finalement permis de       cer ce passage du Nord-Ouest, mais
                                                                                   retrouver en 2014 puis en 2016 les          aussi de cartographier l’Arctique »,
l’Europe médiévale, le Musée ca-                                                   deux navires de l’expédition, les HMS       souligne Bianca Gendreau, gestion-
nadien de l’histoire propose cet                                                   Erebus et Terror. Les visiteurs peuvent     naire à la recherche au Musée cana-
été au public deux immersions his-                                                 donc admirer pour la toute première         dien de l’histoire.
toriques des plus inédites.                                                        fois des objets retrouvés dans ces             Mais l’Histoire avec un grand H
                                                                                   épaves. L’exposition s’appuie égale-        n’éclipse pas pour autant ici les desti-
                                                                                   ment sur les précieux récits, transmis      nées individuelles. « C’est aussi l’his-
RABÉA KABBAJ                                                                       de génération en génération, de mem-        toire tragique de 129 personnes, par-
Collaboration spéciale                                                             bres des communautés inuites, dont          ties d’Angleterre et qui, après, ont                                 MARNI WILSON PARCS CANADA
                                                                                   les ancêtres furent les derniers té-        disparu. Alors, on présente la prépa-       La cloche de l’ Erebus

O   uverte depuis début mars, l’ex-
    position Périr dans les glaces. Le
mystère de l’expédition Franklin vaut
                                                                                   moins des navires et de l’équipage.
                                                                                   Une tranche d’histoire
                                                                                                                               ration de l’expédition, la technologie
                                                                                                                               avancée de leurs navires, qui avaient
                                                                                                                               notamment des provisions pour trois
                                                                                                                                                                           méthodes du pouvoir. C’était égale-
                                                                                                                                                                           ment l’époque de l’amour courtois,
indéniablement le détour. Réalisée                                                 méconnue                                    ans. On découvre la vie à bord, ce          des croisades, de la guerre de Cent
dans son entièreté par le Musée ca-                                                   En plus d’offrir le compte rendu le      qu’ils faisaient de leurs loisirs, ce       Ans, de la peste… En définitive, une
nadien de l’histoire en par tenariat                                               plus actualisé à ce jour de cette expé-     qu’ils mangeaient. On a également           période extrêmement riche en faits
avec le National Maritime Museum                                                   dition exploratoire et scientifique diri-   donné une idée au sol de l’espace           et en histoire, comme en témoigne-
de Londres et Parcs Canada, cette                                                  gée par le capitaine sir John Franklin      dont ils disposaient pour vivre : à         ront les objets présentés », a assuré
exposition revient sur la funeste ex-                                              (1786-1847), célèbre officier de la ma-     quoi ressemblait le quar tier d’un          Mme Gendreau, qui est également la
pédition Franklin, qui, par tie de                                                 rine britannique, « en qui l’équipage       homme de bord, d’un officier, etc. »,       conser vatrice ayant travaillé sur
Grande-Bretagne en 1845 pour carto-                                                avait confiance et qui n’en était pas à     explique Mme Gendreau.                      cette exposition.
graphier le passage du Nord-Ouest                                                  son premier voyage», cette exposition
dans l’Arctique, n’est jamais revenue.                                             permet de vulgariser un pan méconnu         Reconstituer les pièces                     Une exposition d’envergure
  Originale, cette exposition l’est à                                              de l’histoire canadienne. «Ces expédi-      du puzzle                                      Fait notable, le musée signe ici sa
plus d’un titre, puisqu’elle présente des                                          tions polaires — tant celle de Franklin        Les visiteurs de l’exposition en ap-     toute première collaboration avec le
objets qui n’ont jamais été vus aupara-                                            que celles qui ont suivi lorsqu’on est      prendront sur les facteurs qui ont          très prestigieux British Museum,
vant au Canada, qu’il s’agisse des arte-                                           parti à sa recherche quelques années        contribué au dénouement fatidique,          concepteur originel de l’exposition,
                                                                                                                               mais aussi sur les ef for ts déployés       qui a fourni la majorité des quelque
                                                                                                                               par lady Franklin pour susciter des         250 pièces au programme. Le Musée
                                                                                                                               expéditions de recherche des deux           canadien de l’histoire apporte toute-
                                                                                                                               navires disparus. Une autre section         fois sa touche personnelle en y ajou-
                                                                                                                               est consacrée au rôle des Inuits et à       tant des emprunts d’autres établisse-
                                                                                                                               leur transmission des récits. Les ré-       ments, une scénographie originale
                                                                                                                               cents résultats des recherches scien-       ainsi que des éléments interactifs vi-
                                                                                                                               tifiques sont également présentés, à        sant à contextualiser la période pour
                                                                                                                               travers une section médico-légale et        le public canadien, qui connaît peut-
                                                                                                                               une zone consacrée aux investiga-           être moins la période. « Les objets
                                                                                                                               tions subaquatiques de Parcs Canada.        présentés sont de facture incroya-
                                                                                                                                  Enfin, à travers les livres, les ro-     ble. Certains sont, par exemple, as-
                                                                                                                               mans ou encore les jeux vidéo que le        sociés à Richard III, d’autres à Saint
                                                                                                                               mystère Franklin a pu inspirer, l’expo-     Louis ! Je pense également à une su-
                                                                                                                               sition s’arrête sur la culture populaire    perbe tapisserie, de la taille d’un
                                                                                                                               entourant cet épisode qui a bel et bien     mur, prêtée par le Victoria and Al-
                                                                                                                               « fasciné l’imagination jusqu’à au-         bert Museum, et qui raconte la célè-
                                                                                                                               jourd’hui», rappelle Bianca Gendreau.       bre et épique bataille de Ronce-
                                                                                                                               Et cela ne devrait pas s’arrêter ici: les   vaux », a expliqué, avec enthou-
                                                                                                                               recherches se poursuivent toujours          siasme, Bianca Gendreau.
                                                                                                                               pour connaître le fin mot de l’histoire.       Au fil des différentes zones aména-
                                                                                                                                                                           gées à l’image de salles d’un château,
                                                                                                                               Donner à voir                               les visiteurs se verront raconter la
                                                                                                                               un autre Moyen Âge                          formation de l’Europe à l’époque mé-
                                                                                                                                  Dans un registre diamétralement          diévale, mais aussi le pouvoir royal et
                                                                                                                               dif férent, le musée accueillera à          ses représentations. L’Église ne sera
                                                                                                                               compter du 8 juin prochain sa toute         pas en reste, avec la mise en avant
                                                                                                                               première exposition consacrée à             d’objets présentant les différents as-
                                                                                                                               l’Europe médiévale. Loin des clichés        pects de la liturgie. L’exposition fera
                                                                                                                               réduisant le Moyen Âge à un long in-        également la part belle aux person-
                FEMME                                IMPRESSIONNISTE                                                           terlude historique marqué du sceau          nages historiques clés de la période,
                                                                                                                               de l’austérité, Europe médiévale. Pou-      aux caractéristiques de la vie à la
                                                                             21 JUIN – 23 SEPTEMBRE 2018                       voir et splendeur entend redorer le         cour, sans oublier la vie quotidienne
                                                                                                                               blason de cette période, en donnant         urbaine des gens ordinaires. Pour
                                                                                                                               à voir toute son opulence et sa vi-         boucler la boucle, une zone spéciale-
                                                                                                                               brance créative.                            ment développée par le musée sera
                                                                                                                                  « Par l’entremise des réalisations,      consacrée à l’influence culturelle du
                                                                                                                               des objets qui seront présentés, on         Moyen Âge au Canada.
                                                                                                                               va montrer que, non, ce ne furent              S’accompagnant d’une riche pro-
                                                                                                                               pas mille ans de grande noirceur. Au        grammation en jour nées théma-
                                                                                                                               contraire, c’était une période extrê-       tiques, ce rendez-vous avec l’histoire
    ORGANISÉE PAR LE MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC, LA BARNES FOUNDATION                                             mement dynamique, qui a vu des              devrait, en définitive, ravir tant les
                                                                                               MNBAQ.ORG
    (PHILADELPHIE), LE DALLAS MUSEUM OF ART ET LES MUSÉES D’ORSAY ET DE L’ORANGERIE (PARIS).
    BERTHE MORISOT, À LA CAMPAGNE (APRÈS LE DÉJEUNER) (DÉTAIL), 1881. HUILE SUR TOILE,
                                                                                                                               transformations importantes au ni-          amoureux de l’époque médiévale
    81 X 100 CM. COLLECTION LAWRENCE ELLISON.                                                                                  veau de la géographie ou encore des         que les néophytes en la matière.
Musées L'été des - Le Devoir
CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018                                                               L’été des musées                                 E 7
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE SHERBROOKE

Les honneurs pour une artiste des Cantons-de-l’Est
A N D R É L AVO I E                           centres d’art au Saguenay–Lac-Saint-
Collaboration spéciale                        Jean, en Gaspésie et en Outaouais. »
                                              L’itinéraire n’est pas encore achevé,

L’  établissement n’a pas encore at-
    teint un âge vénérable, mais de-
puis sa fondation, en 1982, le Musée
                                              mais le tout devrait se mettre en
                                              branle en janvier 2019.                                                                                       C’est une occasion
des beaux-ar ts de Sherbrooke                 Célébrer l’audace
(MBAS) peut revendiquer une indé-             de l’art autochtone                                                                                           de témoigner
niable maturité. Situé au cœur de la             Le MBAS souhaitait depuis long-
capitale des Cantons-de-l’Est et ayant        temps s’associer avec la galerie Art                                                                          de manière forte
pour mission la conser vation d’œu-           Mûr de Montréal pour contribuer au
vres d’artistes de la région, le MBAS         déploiement de la BACA. Une collabo-
af fiche une fois encore son éclec-           ration qui s’inscrit dans le mandat du                                                                        du dynamisme
tisme avec deux expositions estivales         musée : « celui de présenter, une ou
reflétant plusieurs de ses ambitions.         deux fois par année, des expositions                                                                          des artistes
   L’été semble déjà entre ses murs,          très ancrées dans le présent », sou-
car le 5 mai dernier commençait le            ligne Catherine Duperron, comme                                                                               autochtones,
volet sherbrookois de la 4e édition de        c’est le cas pour le volet sherbrookois
la Biennale d’ar t contemporain au-           de la biennale.
tochtone (BACA), intitulé níchiwa-               C’est aussi une occasion de témoi-                                                                         qui prennent
miskwém | nimidet | ma sœur | my sis-         gner de manière for te du dyna-
ter, tandis que le 12 mai était inaugu-       misme des artistes autochtones, qui                                                                           de plus en plus
rée l’exposition Clémence. De la fac-         prennent de plus en plus leur place
trie au musée, consacrée à l’une des          en art actuel. Au MBAS, on a mis en
plus célèbres artistes et citoyennes          valeur la démarche de plusieurs ar-                                                                           leur place en art
de l’Estrie, Clémence DesRochers.             tistes féminines du Canada et des
                                              États-Unis utilisant le dessin, la pho-                                                                       actuel
Notre Clémence                                tographie ou l’installation.
   Pour Catherine Duperron, chargée              On pourra ainsi admirer le travail
de projets au MBAS, « le timing était         de la photographe Kali Spitzer, origi-
très bon » pour rendre hommage « à            naire de la Colombie-Britannique, qui
cette femme extraordinaire ». « Par le        tente de décrire les métissages qui
passé, elle a souvent annoncé à la            traversent sa communauté, de race                                                  KALI SPITZER NEVER APART
blague qu’elle présentait son dernier         comme de genre. D’autres célèbrent           Kali Spitzer, Melaw Nakehk’o (2015)
show, mais là, depuis un an, sa re-           le courage des communautés autoch-
traite, c’est officiel, et l’exposition de-   tones, dont celui de la réappropria-
venait appropriée, car elle a touché          tion de certains objets culturels, par
beaucoup de gens à travers le Qué-            exemple le tambour, souvent utilisé
bec pendant ses 60 ans de carrière. »         par les hommes. Avec Woman’s
   Au départ, une amie de la célèbre
monologuiste, artiste peintre, poète
et comédienne voulait mettre en va-
leur ses dessins, mais « nous souhai-
tions y ajouter notre couleur mu-
séale », précise Catherine Duperron.
                                              Drum, Lita Fontaine propose une ins-
                                              tallation qui établit un lien fort avec le
                                              « Big Drum », et qui souligne la pré-
                                              sence de plus en plus importante de
                                              groupes de tambours féminins dans
                                              les rencontres communautaires et les
                                                                                             Cet été,
Clémence. De la factrie au musée est          pow-wow. Quant à l’ar tiste Erin
une véritable rétrospective des di-           Konsmo, métisse de l’Alber ta, ses
verses facettes de son œuvre, elle            dessins sont autant de moyens de
qui pratiquait déjà la multidisciplina-
rité avant que ce concept ne soit à la
mode.
   « L’idée est de montrer que son
œuvre visuelle s’insère dans son œu-
vre en général, explique la chargée
                                              communiquer ses préoccupations
                                              écologiques, ou ses messages de pré-
                                              vention de santé sexuelle et repro-
                                              ductive, dessins qui circulent bien au-
                                              delà de son milieu, sur des affiches
                                              ou des t-shirts.
                                                                                             découvrez
de projets. Tout au long de ce par-              Notez que, si les deux expositions
cours thématique où il sera question          estivales du MBAS débutent prati-

                                                                                             LES MUSÉES
de son enfance, de la nature, des             quement au même moment, celle
femmes et de la famille, on retrou-           consacrée à Clémence DesRochers
vera ses chansons, ses poèmes, des            se prolongera cet automne jusqu’au
photographies, et des témoignages             18 novembre, tandis que la Biennale
d’ar tistes pour qui Clémence a eu            se terminera le 4 septembre.
une grande influence. » De Luc Pla-
mondon à Michel Tremblay en pas-
sant par Yvon Deschamps et Marie-
                                                  À partir du 12 mai,

                                                                                                  UÉBEC
Claire Blais, ils furent nombreux, et
célèbres.
   Catherine Duperron était fière de
souligner que Patrimoine canadien
venait tout juste d’annoncer au MBAS
                                                  l’exposition Clémence.
                                                  De la factrie au musée
                                                                                             DU
son soutien financier pour mettre en
branle une tournée québécoise de                  sera consacrée à l’une
cette exposition, qui durera deux ans.
N’en déplaise aux Montréalais, aucun              des plus célèbres artistes
arrêt n’est prévu dans la métropole.
« Nous sommes proches de Montréal,                et citoyennes de l’Estrie,
                                                                                                                           www.musees.qc.ca
tient-elle à préciser, et comme Clé-
mence est connue à travers tout le                Clémence DesRochers
Québec, on a préféré contacter des
Musées L'été des - Le Devoir
E 8                                                       L’été des musées                                                             CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018

MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL

Des expositions qui honorent les cultures du monde
L’art transcende la couleur de la                                    entretenait pour l’art africain et, dans   rement de situation s’est opéré. L’art           pour leur belle feuille de route artis-
peau et les origines ethniques. À                                    une moindre mesure, pour celui pro-        d’Afrique, d’Océanie et des Amé-                 tique », af firme Geneviève Goyer-
partir du 12 mai jusqu’au 16 sep-                                    venant de l’Océanie. L’exposition          riques est devenu un phénomène ar-               Ouimet, commissaire de cette expo-
                                                                     D’Afrique aux Amériques présente           tistique englobant styles, histoires et          sition, conser vatrice de l’art québé-
tembre, le Musée des beaux-arts de                                   plusieurs des œuvres de ces conti-         cultures variées. Dans le cours de               cois et canadien contemporain et ti-
Montréal (MBAM) présentera deux                                      nents, dont celles que le célèbre pein-    l’exposition, on apprend que Picasso             tulaire de la chaire Gail et Stephen A.
expositions mettant en valeur l’art                                  tre Picasso possédait. « Picasso n’était   avait un attachement particulier pour            Jarislowsky au MBAM. Le MBAM
                                                                     pas un collectionneur, rappelle Natha-     l’art africain. « Picasso aimait bien cet        est d’ailleurs en processus d’acquisi-
africain et les œuvres d’artistes                                    lie Bondil, directrice du MBAM et          art africain pour son réalisme et il a           tion pour l’œuvre de Manuel Ma-
noirs canadiens. Tour d’horizon.                                     commissaire pour cette exposition.         été le premier à considérer ces objets           thieu intitulée Autopor trait. Cette
                                                                     Mais il aimait bien cet art. Il gardait    comme de l’art », soutient Mme Bon-              œuvre a été réalisée à la mémoire de
STÉPHANE GAGNÉ                                                       ces objets dans son atelier et s’en ins-   dil. Preuve d’une évolution des men-             sa grand-mère, première immigrante
Collaboration spéciale                                               pirait pour sa création. » Cette exposi-   talités, le Musée des Colonies à Paris           de la famille à s’établir à Montréal en
                                                                     tion regroupe plus de 300 œuvres           devient, en 1962, le Musée national              provenance d’Haïti.

C   et été, au MBAM, deux exposi-
    tions, présentées dans un par-
cours continu, susciteront la curiosité
                                                                     provenant du Musée du quai Branly-
                                                                     Jacques Chirac, du Musée national Pi-
                                                                     casso-Paris et de collections particu-
                                                                                                                des arts d’Afrique et d’Océanie.
                                                                                                                   Comme le mentionne le document
                                                                                                                présentant l’événement, l’exposition
                                                                                                                                                                 Abattre les préjugés
                                                                                                                                                                    L’exposition souhaite déconstruire
des amateurs d’art. La première expo-                                lières. Sur ce nombre, une centaine        pose donc un regard inédit sur l’œuvre           le discours prédominant qui réduit
sition s’intitule D’Afrique aux Amé-                                 se trouvaient dans l’atelier de Picasso.   de Pablo Picasso (1881 à 1973), en re-           l’expérience des Noirs canadiens à
riques : Picasso en face-à-face, d’hier à                               Cependant, ces objets n’ont pas tou-    latant le fil chronologique de sa vie, et        d’éternels immigrants ou à de nou-
aujourd’hui et la deuxième, Nous                                     jours été considérés comme des ob-         sur l’histoire de l’art moderne.                 veaux immigrants. « Nous voulions
sommes ici, d’ici : l’art contemporain                               jets d’art. L’exposition rappelle que,                                                      aussi montrer la diversité des com-
des Noirs canadiens. Dans la pre-                                    pendant longtemps, on les a considé-       Ici au Canada                                    munautés noires, qui sont loin d’être
mière, on découvre l’évolution de la                                 rés comme des curiosités ethnogra-           En poursuivant le parcours, le visi-           monolithiques », affirme Mme Goyer-
perception, depuis surtout le milieu                                 phiques. « Cette perception était liée     teur découvrira l’exposition Nous                Ouimet qui croit qu’à l’issue de ce
du siècle dernier, en rapport avec les                               au colonialisme », soutient Mme Bon-       sommes ici, d’ici. Cette exposition,             parcours, le visiteur aura une percep-
objets d’art outre-Europe et l’intérêt                               dil. Ainsi, le Musée ethnographique        créée par le Musée royal de l’Onta-              tion différente de cette communauté.
de Picasso pour cet art. Dans la se-                                 du Trocadéro, premier du genre à Pa-       rio, a été enrichie d’un volet québé-
conde, de talentueux artistes noirs ca-                              ris, ouvert en 1878, présentait les œu-    cois. Elle présente les œuvres de                Des œuvres percutantes
nadiens se révèlent à nous.                                          vres hors Europe de cette façon.           huit ar tistes contemporains cana-                 Dans le cadre de l’exposition, des
                                                                                                                diens auxquels ont été ajoutés trois             œuvres permettront aux visiteurs de
Picasso et l’art africain                                            D’objets ethnographiques                   artistes montréalais (Eddy Firmin,               se sensibiliser à l’existence de l’escla-
  La plupart des amateurs d’art avi-                                 à objets d’art                             Manuel Mathieu et Shanna Strauss).               vage au temps de la colonie, croit
sés connaissent l’intérêt que Picasso                                  Au cours du siècle dernier, un revi-     « Ces trois ar tistes ont été choisis            M m e Goyer-Ouimet. Selon les re-

                                                                                                                                 L’ESPACE
                                                                                                                                 D’UN
                                                                                                                                 INSTANT
                                                                                                                                 Cinquante ans de
                                                                                                                                 collectionnement de photographies
     1997. MBAC. © Zhang Huan, avec l’autorisation
     l’eau d’un étang à poissons (gros plan), [détail],
     Zhang Huan, Pour faire lever le niveau de

     de Zhang Huan Studio. Photo: MBAC

                                                                                                                                 AU MUSÉE DES
                                                                                                                                 BEAUX-ARTS
                                                                                                                                 DU CANADA

                                                                                                                                 PARTENAIRE FONDATEUR DE L’INSTITUT
                                                                                                                                 CANADIEN DE LA PHOTOGRAPHIE
Musées L'été des - Le Devoir
CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018                                                                           L’été des musées                                                E 9

                                                                                                                                                                              En collaboration avec

                                      JEAN-GILLES BERIZZI RMN-GRAND PALAIS (MUSÉE NATIONAL PICASSO-PARIS)
Pablo Picasso, Femme dans un fauteuil (1927)

cherches de l’historien Marcel Tru-              quante est celle d’Eddy Firmin, ar-
del, il y a eu du début de la colonie            tiste montréalais originaire de Mar-
jusqu’au début des années 1800, 4000             tinique. Il s’agit d’un buste en céra-
esclaves en Nouvelle-France, dont le             mique où le cou de la personne est
tiers était des Noirs. Les deux autres
tiers étaient des Amérindiens. L’es-
clavage a été aboli en 1834.
                                                 orné d’un anneau. L’article portant
                                                 sur l’exposition dans la revue du
                                                 MBAM souligne l’inconfortable pa-
                                                                                                                     ADMIREZ
   Parmi les œuvres percutantes pré-
sentées, M m e Goyer-Ouimet men-
                                                 rallèle entre l’esclavage passé et ce-
                                                 lui que nous vivons aujourd’hui.                               PLUS DE 350 OBJETS
                                                                                                                  EMBLÉMATIQUES
tionne celle de Chantal Gibson. On y             « La surconsommation retire au ci-
voit 2000 cuillères toutes peintes en            toyen le contrôle sur sa vie en le ré-
noir. « En les peignant ainsi en noir,           duisant à l’état de consommateur »,
elle les a unifor misés de façon à
créer un amalgame qui correspond
souvent à la façon dont on perçoit la
                                                 mentionne-t-on.
                                                                                                                À POINTE-À-CALLIÈRE
communauté noire, dit-elle. En s’ap-                                                                                       Jusqu’au 4 novembre 2018
prochant des objets, on s’aperçoit
                                                              La plupart
que, sous la peinture, chaque cuil-                           des amateurs
lère a un motif différent, reflétant la                                                                     Une exposition réalisée par Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire
                                                                                                                                                                                                       Statue de la déesse Mout © Museo Egizio, Turin

diversité de cette communauté. »                              d’art avisés                                      de Montréal, en collaboration avec le Museo Egizio de Turin (Italie).
   Une autre œuvre est également
très forte en symbolisme. Créée par                           connaissent
l’ar tiste ontarienne Esmaa Moha-                             l’intérêt
moud, elle représente un Noir foot-
balleur vêtu de vêtements typiques                            que Picasso
des Africains. Dans son dos, il y a
toutefois une série de chaînes. « Cela                        entretenait pour
fait référence à la traite des hu-
mains », dit Mme Goyer-Ouimet.                                l’art africain
   Enfin, une dernière œuvre mar-
Musées L'été des - Le Devoir
E 10                     L’été des musées                                                                               CAHIER E — LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 MAI 2018

MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC

Impressionnante Berthe Morisot et savoir-faire canadiens
Après avoir galvanisé le public et la critique avec sa spectaculaire exposi-
tion Alberto Giacometti, le Musée national des beaux-arts du Québec ne
compte pas être à court d’arguments cet été non plus. En s’alliant à trois
autres musées internationaux d’envergure pour rendre ses lettres de no-
blesse à une figure fondatrice de l’impressionnisme, et en donnant à voir
la variété des savoir-faire canadiens en art contemporain, l’établissement
de Québec vient confirmer la solidité de sa programmation en cette an-
née de son 85e anniversaire.

RABÉA KABBAJ                                    plus loin la question de l’inachevé.
Collaboration spéciale                          Elle décide d’exposer des œuvres
                                                qui sont considérées par d’autres

S i l’on vous dit Monet, Degas ou en-
  core Renoir, vous situez générale-
ment tout de suite ces grands noms
                                                comme des esquisses, tandis qu’elle
                                                les présente comme finies », analyse
                                                le conservateur du MNBAQ.
de l’impressionnisme. Berthe Mori-
sot? La tâche s’avère peut-être un peu          Entre féminisme et raffinement
plus ardue ! Et pourtant… « Même si                En plus de témoigner de ces parti-
elle est bien moins connue que ses col-         cularités de l’artiste, l’exposition se
lègues masculins, Morisot fait partie           penchera sur ses années de formation,
des artistes majeurs de l’impression-           elle qui dut faire preuve de persévé-
nisme et des membres fondateurs de              rance pour parvenir à se faire recon-
ce mouvement. On considérait donc               naître dans un secteur difficile d’accès
qu’il fallait la remettre à l’avant-plan »,     aux femmes à l’époque. La peinture en
explique André Gilbert, conservateur            plein air — une caractéristique de l’ap-
aux expositions au Musée national               proche impressionniste — ou encore                                                                                       COLLECTION PARTICULIÈRE
des beaux-arts du Québec (MNBAQ).               la représentation du fameux person-             Berthe Morisot, Jeune femme en gris étendue (1879)
C’est d’ailleurs la toute première expo-        nage bourgeois de la Parisienne se-
sition Morisot au Canada (du 21 juin            ront également d’autres portes d’ac-                                                             espèces de mashups, de rencontres
au 23 septembre 2018), et la première           cès à l’œuvre de Morisot.                                                                        de genre, autant vers le manga que la
en Amérique du Nord depuis 1987!                  « L’exposition dresse le por trait                «En tant que femme,                          poterie ancestrale de l’Orient. Avec
   For t de ce constat, le MNBAQ a              d’une femme singulière, qui est un                                                               son approche plus classique, Marie
donné l’impulsion à ce projet itinérant         modèle à plusieurs égards. Son œu-                  elle aborde des sujets                       Côté va quant à elle faire parler la cé-
autour duquel il a réussi à fédérer la          vre est très raf finée et séduisante,                                                            ramique, non pas par rapport à son
Fondation Barnes de Philadelphie, le            donc les gens seront vraiment char-
                                                                                                    assez différents                             côté usuel, mais plutôt selon ses pro-
Dallas Museum of Ar t et le Musée               més. Évidemment, c’est l’impression-                des impressionnistes                         priétés sonores suggérées. On a
d’Orsay de Paris, et qui sera présenté          nisme et on sait à quel point ce mou-                                                            aussi une troisième voie, Clint Neu-
dans chacun de ces quatre établisse-            vement nous touche à plusieurs ni-                  hommes: des scènes                           feld, qui lui a refait des moteurs de
ments, à commencer par Québec.                  veaux. Cependant, c’est également                                                                voiture, mais en céramique. Ainsi, il
L’une des deux commissaires choi-               une belle réflexion globale sur les re-             intimes et personnelles                      nous permet d’introduire dans l’expo-
sies, Sylvie Patr y, conser vatrice en          lations entre l’ar t et la vie person-              à travers                                    sition des questions comme le passe-
chef et directrice de la conservation           nelle, deux aspects intimement liés                                                              temps, le temps qui est pris à faire les
et des collections du Musée d’Orsay,            chez Morisot », conclut André Gilbert               la représentation d’autres                   œuvres et la valeur à lui accorder »,
n’est rien de moins que « l’une des             au sujet de cette exposition qui ras-                                                            explique M. Lamarche.
spécialistes mondiales de la peinture           semblera pas moins de 55 toiles en                  femmes et d’enfants»                            Tantôt conceptuelles, tantôt plus
impressionniste », souligne M. Gil-             provenance de neuf pays différents.                                                              crues, parfois plus technologiques,
bert, qui voit là un gage de la haute                                                                                                            les œuvres présentées dévoilent un
qualité de l’exposition à venir.                Du fait main pancanadien                                                                         éventail très large de propositions.
                                                   Tranchant avec une offre habituel-           notions comme l’ar t populaire, les              Elles mettr ont à l’honneur des
Le style Morisot                                lement soit québécoise soit interna-            passe-temps, les loisirs, qui entrent            icônes déjà bien établies comme
   Si, à l’instar de ses collègues,             tionale, la seconde exposition qui              aussi en ligne de compte. Il m’appa-             Barb Hunt, François Morelli ou Bar-
Berthe Morisot (1841-1895) se carac-            prendra l’affiche cet été au MNBAQ,             raissait donc pertinent de proposer              bara Todd, mais aussi des ar tistes
térise par un style impressionniste             Fait Main/Hand Made (du 14 juin                 cette réflexion sur cette rencontre en-          de la r elève ou en mi-car rièr e
plutôt classique, la spécificité de ses         au 3 septembre 2018), sera entière-             tre “les beaux-arts” et la culture plus          comme Dominique Pétrin, qui avait
toiles s’illustre de deux façons. « En          ment canadienne. Une approche ré-               populaire », fait valoir Bernard La-             été invitée l’an dernier à collaborer
tant que femme, elle aborde des su-             solument coast to coast qui explo-              marche, conservateur de l’art actuel             avec le célèbre ar tiste britannique
jets assez différents des impression-           rera l’engouement renouvelé, en art             (de 2000 à ce jour) au MNBAQ.                    Banksy.
nistes hommes : des scènes intimes et           contemporain, pour la question du                                                                   Chose cer taine, ces démonstra-
personnelles à travers la représenta-           faire ar tistique lié à des pratiques           Explorer les savoir-faire                        tions de savoir-faire éclectiques, bi-
tion d’autres femmes et d’enfants.              populaires.                                        Dans cette perspective, près d’une            garrées et repoussant les limites du
Pour une femme, c’est plutôt convenu,             « Depuis quelques années, on voit             centaine d’œuvres émanant de 37 ar-              matériau ne devraient pas laisser le
mais de la part d’une impressionniste,          émerger le retour d’un discours sur             tistes canadiens ont été sélection-              public indifférent. « Cette exposition
cela demeure une pratique un peu                le savoir-faire, la requalification : ce        nées, et donneront à voir des ap-                s’annonce ludique et festive, et de-
plus rare », relève André Gilbert.              qu’on appelle le reskilling. J’ai donc          proches diversifiées de multiples pra-           vrait également brasser un peu la
   La seconde marque de fabrique de             voulu faire une exposition sur ce               tiques ar tisanales. « Par exemple,              cage à cer tains endroits. Je pense
Morisot réside dans sa radicalité :             mouvement bien réel, en y allant avec           pour l’univers de la poterie ou de la            que les gens en ressortiront en réflé-
elle part de la technique impression-           une présentation d’œuvres qui témoi-            céramique, on a Brendan Lee Satish-              chissant aux enjeux de l’exposition,
niste, mais pour la mener beaucoup              gnent d’un intérêt pour les savoir-             Tang qui revient sur la poterie tradi-           mais aussi avec l’air léger et un
plus loin que d’autres. « En peinture,          faire plus ou moins traditionnels et de         tionnelle, mais en la recoupant avec             grand sourire accroché au visage »,
c’est l’une des artistes qui pousse le          marier cela à des questions autour de           la culture d’aujourd’hui. Il en fait des         estime M. Lamarche.

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