Nelson Mandela : l'icône et le néant

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Nelson Mandela : l’icône et le néant
Communiqué de Bernard Lugan[1]

(6 décembre 2013)

Né le 18 juillet 1918 dans l’ancien Transkei, mort le 5
décembre 2013, Nelson Mandela ne ressemblait pas à la
pieuse image que le politiquement correct planétaire donne
aujourd’hui de lui. Par delà les émois lénifiants et les
hommages hypocrites, il importe de ne jamais perdre de vue
les éléments suivants :

1) Aristocrate xhosa issu de la lignée royale des Thembu,
Nelson Mandela n’était pas un « pauvre noir opprimé ».
Eduqué à l’européenne par des missionnaires méthodistes,
il commença ses études supérieures à Fort Hare, université
destinée aux enfants des élites noires, avant de les achever
à Witwatersrand, au Transvaal, au cœur de ce qui était alors
le « pays boer ». Il s’installa ensuite comme avocat à
Johannesburg.

2) Il n’était pas non plus ce gentil réformiste que la mièvrerie
médiatique se plait à dépeindre en « archange de la paix »
luttant pour les droits de l’homme, tel un nouveau Gandhi ou
un nouveau Martin Luther King. Nelson Mandela fut en effet
et avant tout un révolutionnaire, un combattant, un militant
qui mit « sa peau au bout de ses idées », n’hésitant pas à
faire couler le sang des autres et à risquer le sien.
Il fut ainsi l’un des fondateurs de l’Umkonto We Sizwe, « le
fer de lance de la nation », aile militaire de l’ANC, qu’il co-
dirigea avec le communiste Joe Slovo, planifiant et
coordonnant plus de 200 attentats et sabotages pour
lesquels il fut condamné à la prison à vie.

3) Il n’était pas davantage l’homme qui permit une
transmission pacifique du pouvoir de la « minorité blanche »
à la « majorité noire », évitant ainsi un bain de sang à
l’Afrique du Sud. La vérité est qu’il fut hissé au pouvoir par
un président De Klerk appliquant à la lettre le plan de
règlement global de la question de l’Afrique australe décidé
par Washington. Trahissant toutes les promesses faites à
son peuple, ce dernier :

- désintégra une armée sud-africaine que l’ANC n’était pas
en mesure d’affronter,
- empêcha la réalisation d’un Etat multiracial décentralisé,
alternative fédérale au jacobinisme marxiste et dogmatique
de l’ANC,
- torpilla les négociations secrètes menées entre Thabo
Mbeki et les généraux sud-africains, négociations qui
portaient sur la reconnaissance par l’ANC d’un Volkstaat en
échange de l’abandon de l’option militaire par le général
Viljoen[2].

4) Nelson Mandela n’a pas permis aux fontaines sud-
africaines de laisser couler le lait et le miel car l’échec
économique est aujourd’hui total. Selon le Rapport
Economique sur l’Afrique pour l’année 2013, rédigé
par la Commission économique de l’Afrique (ONU) et l’Union
africaine (en ligne), pour la période 2008-2012, l’Afrique du
Sud s’est ainsi classée parmi les 5 pays « les moins
performants » du continent sur la base de la croissance
moyenne annuelle, devançant à peine les Comores,
Madagascar, le Soudan et le Swaziland (page 29 du
rapport).
Le chômage touchait selon les chiffres officiels 25,6% de la
population active au second trimestre 2013, mais en réalité
environ 40% des actifs. Quant au revenu de la tranche la
plus démunie de la population noire, soit plus de 40% des
Sud-africains, il est aujourd’hui inférieur de près de 50% à
celui qu’il était sous le régime blanc d’avant 1994[3]. En
2013, près de 17 millions de Noirs sur une population de 51
millions d’habitants, ne survécurent que grâce aux aides
sociales, ou Social Grant, qui leur garantit le minimum vital.

5) Nelson Mandela a également échoué politiquement car
l’ANC connaît de graves tensions multiformes entre Xhosa
et Zulu, entre doctrinaires post marxistes et
« gestionnaires » capitalistes, entre africanistes et partisans
d’une ligne « multiraciale ». Un conflit de génération oppose
également la vieille garde composée de « Black
Englishmen», aux jeunes loups qui prônent une « libération
raciale » et la spoliation des fermiers blancs, comme au
Zimbabwe.

6) Nelson Mandela n’a pas davantage pacifié l’Afrique du
Sud, pays aujourd’hui livré à la loi de la jungle avec une
moyenne de 43 meurtres quotidiens.

7) Nelson Mandela n’a pas apaisé les rapports inter-raciaux.
Ainsi, entre 1970 et 1994, en 24 ans, alors que l'ANC était
"en guerre" contre le « gouvernement blanc », une
soixantaine de fermiers blancs furent tués. Depuis avril
1994, date de l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela, plus
de 2000 fermiers blancs ont été massacrés dans
l’indifférence la plus totale des médias européens.

8) Enfin, le mythe de la « nation arc-en-ciel » s’est brisé sur
les réalités régionales et ethno-raciales, le pays étant plus
divisé et plus cloisonné que jamais, phénomène qui apparaît
au grand jour lors de chaque élection à l’occasion
desquelles le vote est clairement « racial », les Noirs votant
pour l’ANC, les Blancs et les métis pour l’Alliance
démocratique.

En moins de deux décennies, Nelson Mandela, président
de la République du 10 mai 1994 au 14 juin 1999, puis ses
successeurs, Thabo Mbeki (1999-2008) et Jacob Zuma
(depuis 2009), ont transformé un pays qui fut un temps une
excroissance de l’Europe à l’extrémité australe du continent
africain, en un Etat du « tiers-monde » dérivant dans un
océan de pénuries, de corruption, de misère sociale et de
violences, réalité en partie masquée par quelques secteurs
ultraperformants, mais de plus en plus réduits, le plus
souvent dirigés par des Blancs.

Pouvait-il en être autrement quand l’idéologie officielle
repose sur ce refus du réel qu’est le mythe de la « nation
arc-en-ciel » ? Ce « miroir aux alouettes » destiné à la
niaiserie occidentale interdit en effet de voir que l’Afrique du
Sud ne constitue pas une Nation mais une mosaïque de
peuples rassemblés par le colonisateur britannique, peuples
dont les références culturelles sont étrangères, et même
souvent irréductibles, les unes aux autres.
Le culte planétaire quasi religieux aujourd’hui rendu à
Nelson Mandela, le dithyrambe outrancier chanté par des
hommes politiques opportunistes et des journalistes incultes
ou formatés ne changeront rien à cette réalité.

[1] La véritable biographie de Nelson Mandela sera faite
dans le prochain numéro de l’Afrique Réelle qui sera envoyé
aux abonnés au début du mois de janvier 2014.
[2] Voir mes entretiens exclusifs avec les généraux Viljoen et
Groenewald publiés dans le numéro de juillet 2013 de
l’Afrique réelle www.bernard-lugan.com
[3] Institut Stats SA .
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