NOTE DE RECHERCHE Charles Bernard, École de politique appliquée, Université de Sherbrooke - Université de Sherbrooke

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NOTE DE RECHERCHE Charles Bernard, École de politique appliquée, Université de Sherbrooke - Université de Sherbrooke
L’étudiant ou l’athlète ?
Une brève description du rôle de la
commercialisation sportive dans la
redéfinition de l’amateur

                                   NOTE DE RECHERCHE
                             Charles Bernard, École de politique appliquée,
                                                 Université de Sherbrooke

                                                             11 août 2019
NOTE DE RECHERCHE Charles Bernard, École de politique appliquée, Université de Sherbrooke - Université de Sherbrooke
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         À PROPOS DE L'OPPUS

         L’objectif de cet espace virtuel qu’est l’OPPUS, développé par une équipe de
         chercheurs de l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, se veut
         double et renvoie aux deux piliers fondateurs de la mission universitaire, soit
         l’enseignement et la recherche. Ainsi, il s’agit d’un lieu de recherche portant sur les
         politiques publiques qui assure à la fois une production de connaissances
         rigoureuses en ce domaine, une diffusion de données brutes et d’analyses sur les
         différents aspects des politiques publiques pouvant être utiles pour des acteurs
         extérieurs à l’université (médias, organismes publics ou privés), et à la fois un lieu
         d’échanges regroupant des experts de ce domaine et des étudiants qui y trouvent
         une structure permettant le développement de leurs compétences en matière de
         recherche, de communication et de vulgarisation.

         À PROPOS DE L'AUTEUR

         Charles Bernard est candidat à la maîtrise en politique appliquée à l’Université de
         Sherbrooke. Portant un intérêt noté pour les problématiques économiques, il se
         spécialise sur les enjeux de diplomatie commerciale ainsi que sur l’évolution des
         accords régionaux.

                                           	
  
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             L’étudiant ou l’athlète ? Une brève description du rôle de la
             commercialisation sportive dans la redéfinition de l’amateur

                                                                Par Charles Bernard
                                                                                                                                                 3	
  
                          Étudiant, École de politique appliquée, Université de Sherbrooke

    RÉSUMÉ

    Cette note de recherche présente le développement historique du débat sur la
    rémunération des athlètes collégiaux tout en décortiquant les nombreuses facettes, tant
    économiques que sociales, qui caractérisent cet enjeu. L’objectif principal est de
    démontrer que la commercialisation sportive a agi comme catalyseur dans l’évolution du
    problème associé à la rémunération.

                                           	
  
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    Casques attachés, épaulettes enfilées et souliers bien serrés : c’est avec l’honneur de
    représenter leur université que les Buckeyes de l’Ohio State University se préparaient, le
    24 novembre 2018, à affronter leurs rivaux historiques, les Wolverines du Michigan. Ils
    étaient près de 110 000 partisans, arborant le rouge et le noir, à attendre avec
    impatience de voir leurs athlètes favoris émerger à la course du tunnel. Le stade,
    surnommé le Horse Shoe en raison de sa forme particulière, abritait pour cette journée
    spéciale des politiciens, des autorités de la National Collegiate Athletic Assocation (NCAA),
    des étudiants, des parents et même des célébrités, notamment le natif d’Ohio et
    basketballeur LeBron James. Pour les marchands éparpillés à travers le campus de
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    Columbus, cette date était entourée depuis septembre : c’est la plus grande opportunité
    économique de l’année. De la vente de vêtements jusqu’aux preneurs de paris, tout ce
    qui était associé à la partie s’avérait profitable.

    À 13h, le match s’apprêtait enfin à débuter. L’orchestre de l’école arriva sur le terrain
    pour interpréter l’hymne national si cher à la foule. Au même moment, une escouade
    d’avions de chasse perça le ciel en laissa derrière elle une trainée de fumée aux couleurs
    de l’équipe. Les partisans célébrèrent lorsque les premiers joueurs apparurent sur le
    terrain, mais il semblait y avoir un détail qui clochait. L’engouement semblait différent, un
    enthousiasme marqué par un certain regret. À travers tous les chants historiques, les
    célébrations, la présence médiatique, les paris, les tail gates et les nachos, le clou du
    spectacle n’était pas en uniforme.

    Effectivement, Nick Bosa avait décidé plus tôt dans l’année de ne plus participer aux
    activités de l’équipe pour se concentrer sur le repêchage de la Ligue nationale de football
    prévu en avril. Largement perçu comme le meilleur joueur au pays, Bosa considérait qu’il
    avait suffisamment démontré ses capacités et qu’une blessure sérieuse pourrait
    fortement influencer son classement au repêchage. Les contrats d’entrée dans la NFL sont
    accompagnés de bonus importants qui varient selon le positionnement du joueur
    lorsqu’une équipe le sélectionne. Le jeune étudiant-athlète avait préféré prioriser un
    revenu futur au lieu de performer et espérer permettre à l’équipe et aux étudiants du
    campus de soulever le trophée remis aux champions nationaux. Cette décision
    personnelle a provoqué un tsunami médiatique à la grandeur du pays et a attisé un débat
    qui persiste dans le domaine académique et sportif : est-ce que les étudiants-athlètes
    devraient être rémunérés?

    Plusieurs partisans et anciens athlètes universitaires considéraient que Bosa aurait
    participé à la rencontre la plus importante de l’année si la sécurité financière du joueur
    avait été assurée par la NCAA. Ces commentaires découlent en partie d’une certaine
    déception, les amateurs de ce sport désirent et s’attendent à voir les meilleurs athlètes en
    compétition. Selon le journaliste sportif Matt Hayes (2018), le cas Bosa est différent, car
    son talent est certifié et sa place dans les rangs professionnels est assurée, et donc une
    rémunération potentiellement offerte par l’université sera toujours moindre que les
    importants revenus associés au sport professionnel.

    Par contre, il ajoute que la décision du jeune athlète agit comme un rappel fondamental :
    ce sont les joueurs qui animent et portent l’industrie du sport collégial en Amérique

                                           	
  
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    (Hayes, 2018). Pour Hayes, les droits de diffusion valant des millions de dollars et les
    partenariats avec Nike et Adidas n’existeraient pas si ce n’était de la présence et du
    dévouement des athlètes. Le divertissement que procurent ces évènements sportifs est
    au cœur d’une structure qui met en relation une multitude d’acteurs et qui génère des
    retours extrêmement lucratifs (Hayes, 2018). Le cas O’Bannon v. NCAA de 2013 est une
    représentation populaire de cette lutte vers une redistribution financière qui met l’athlète
    au centre du processus (Steckler, 2015, 1046). Profitant de l’appui de plus de vingt
    légendes du sport universitaire, la requête au cœur de la poursuite était celle d’un
    système de paiements suite à la graduation de l’étudiant. Malgré un appel à la Cour
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    suprême, la NCAA a maintenu que malgré les recettes croissantes que génèrent les
    institutions, payer les athlètes délégitimerait l’essence même du sport amateur (Steckler,
    2015, 1048).

    L’historien Howard Chudacoff (2015) soutient que c’est dans cette réalité que se pose un
    réel problème, c’est-à-dire la croissance exponentielle de l’industrie entourant les
    activités athlétiques collégiales (Chudacoff, 2015, 164). La gloire que l’athlète parvient à
    atteindre est un objet que les compagnies et entreprises ont su, selon Chudacoff,
    monétiser. En 2010, par exemple, les ventes provenant des activités athlétiques de la
    Southeastern Conference ont dépassé le milliard de dollars (Chudacoff, 2015, 164).
    L’Université du Texas, l’école bénéficiant le plus de son département sportif, est parvenue
    à dégager 71 millions de dollars de profits en 2010 (Chudacoff, 2015, 164). Le terme big
    time sport est d’ailleurs fréquemment utilisé pour faire référence à cette dynamique
    commerciale et médiatisée de l’athlétisme intercollégial (Chudacoff, 2015, 165). Que ce
    soit le March Madness ou bien les matchs de championnats, ces occasions spéciales sont
    devenues des évènements de divertissement à grand déploiement, au point où
    l’amateurisme du sports intercollégial est remis en question. De son côté, l’athlète ne
    peut en aucun cas générer un revenu grâce à ses bonnes performances et son succès. La
    NCAA stipule qu’un athlète amateur ne peut recevoir aucun paiement associé à son sport.
    Un étudiant-athlète ne peut vendre de la marchandise, faire de la promotion, avoir un
    commanditaire ou même utiliser sa popularité pour monétiser une chaîne YouTube. La
    NCAA est stricte sur ce point et cette inflexibilité représente un élément central dans le
    débat de la rémunération : « […] athletes are stripped of their amateur status and thus
    their right to participate within NCAA sporting events if they receive payment for their
    athletic skills » (Brady, 2018).

    L’économiste Allen Sanderson (2015) a établi qu’il était possible d’anticiper l’apparition
    d’un phénomène du marchandisage du sport étudiant et ce, en partie dû à l’augmentation
    du calibre des joueurs, du succès économique des ligues professionnelles et des nouvelles
    technologies de diffusion (Sanderson, 2015, 118). Un marché du sport étudiant en pleine
    croissance représente son lot de bénéfices pour les institutions scolaires : une
    augmentation de la visibilité et le développement de liens d’affaires profitent à long terme
    à l’entièreté du campus (Sanderson, 2015, 118). Entre 2005 et 2015, d’après Sanderson
    (2015), les départements sportifs ont vu leurs dépenses augmenter de 115% alors que
    les revenus nominaux ont cru à un rythme de 83%. Cette volonté des têtes dirigeantes

                                           	
  
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    collégiales à profiter et à alimenter le phénomène du Big Sport s’inscrit par contre en
    discordance, pour Sanderson, avec les mandats de la grande majorité des universités :

         How have roughly five out of every six of the top athletic departments persuaded their
         universities’ presidents […] to devote already scarce general funding to intercollegiate
         sports? After all, none of the institutions charters mentions commercial entertainment
         activities in their mission statement (Sanderson, 2015, 121).

    D’après Steckler (2015), la situation est pire qu’une simple déviation des missions
    universitaires. Les universités s’engagent dans la commercialisation de leurs étudiants
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    athlètes au point de transgresser les règles établies pour encadrer les athlètes. La
    machine monétaire a atteint un niveau si élevé que les autorités scolaires évitent tout
    type de décision qui pourrait avoir un effet néfaste sur la capacité de l’école à tirer profit
    du domaine sportif. Un exemple marquant de la réticence des personnes en position de
    pouvoir à prendre une décision qui s’avérerait potentiellement dévastatrice pour le
    programme, et ce, même si c’est la bonne, est celle de l’accusation d’agression sexuelle
    portée envers Jerry Sandusky, un ancien entraîneur de football à Penn State, en 2011
    (Steckler, 2015, 1050). Suite à un sondage mené par Widmeyer, 83% des citoyens ayant
    répondus considéraient que c’est la culture monétaire autour des sports collégiaux qui
    expliquent l’incapacité des autorités en place à intervenir dans la situation de Penn State
    (Pappano, 2012).

    Pour les experts, l’apparition de cette dissonance entre l’idée traditionnelle d’une
    institution universitaire et le sport amateur commercialisé soulève d’autres questions
    permettant de structurer le débat.

    Est-ce que l’éducation demeure encore aujourd’hui la priorité?

    Les chiffres d’affaires importants qui émanent des activités sportives agissent comme
    prémisse à la remise en question du rôle de l’étudiant. Pour Sanderson, la
    commercialisation du sport collégial augmente substantiellement les attentes que les
    commanditaires, les médias et les entraîneurs ont envers les joueurs (2015, 121) Une
    plus grande notoriété nationale requiert un niveau de jeu de qualité, ce qui nécessite un
    volume plus élevé de pratique, etc. Cette multiplication des critères d’excellence sportive
    est en opposition à la politique pro-académique de la NCAA (Sanderson, 2015, 121). Le
    terme « étudiant athlète » est utilisé depuis les années 1950 par la NCAA et agit comme
    porte-étendard de l’orientation morale de cet organisme à but non lucratif : l’athlète
    demeure et demeurera un étudiant avant tout. Taylor Branch considère cependant que ce
    choix précis de statut avantage l’Association est utilisable comme argument lors de
    requêtes potentielles provenant des étudiants, notamment en lien avec le salaire et leurs
    conditions (2011). D’un côté, le terme « athlète » fait référence aux efforts importants en
    dehors des classes ce qui permet de justifier la difficulté de certains athlètes à atteindre
    les objectifs académiques et scolaires. De l’autre, le statut d’étudiant explique l’absence
    de rémunération légale (Branch, 2011).

    Robert Benford, un sociologue à l’Université de Southern Illinois, stipule que ce lien entre
    l’éducation et le divertissement commercial est devenu une entité en soi qui diverge des

                                           	
  
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    principes fondateurs du sport collégial (2007, 14). Cette nécessité de divertir met en
    péril le pendant académique qui est traditionnellement central à l’idée du sport étudiant :

         [Corporations] have infected our academic culture with the commercial values of the
         entertainment industry. They have distorted our priorities through the disproportionate
         resources and attention given to intercollegiate athletics. They have also distracted and in
         some cases destabilized the leadership of our academic institutions (Benford, 2007, 14).

    La journaliste Laura Pappano (2012) ajoute que ce concept d’edutainement n’affecte pas
    que la propension des étudiants-athlètes à négliger l’univers académique : c’est aussi une
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    dégradation progressive de la légitimité éducative que les universités ont dû chérir et
    protéger pendant des années. L’autrice considère qu’historiquement, les institutions
    universitaires développaient leur notoriété à l’international avec leurs avancées en
    recherche et par la qualité des élèves qui graduaient (Pappano, 2012). Désormais, ce
    sont les trophées, les médailles, les bannières et les traditions qui agissent comme
    images de l’école dans le monde. Posséder le titre de haute institution de recherche, qui
    était autrefois recherché, n’est plus un outil de recrutement aussi prédominant
    qu’auparavant. Une faculté pouvant se vanter d’offrir l’enseignement de plusieurs
    professeurs émérites ne peut le faire désormais que dans les cercles académiques : les
    écoles festives et victorieuses sur le plan sportif sont celles qui attirent le regard des
    élèves de premier cycle (Pappano, 2012).

    Daniel Oppenheimer, journaliste pour le Time, défend l’idée que les principaux concernés,
    les étudiants, demeurent ceux qui tiennent la barre et qui priorisent l’école avant le sport
    (2015). Sur 147 étudiants-athlètes sondés, la grande majorité des étudiants évaluaient
    l’importance de l’académique à 9 sur une échelle de 10. Les résultats d’une étude
    exploratoire menée par l’Université du South Dakota démontrent que 84% des 70
    étudiants-athlètes questionnés considèrent que le fait d’être un athlète a soit amélioré, ou
    n’a pas affecté leurs résultats scolaires respectifs (Grimit, 2014). Un sondage financé par
    la NCAA en 2008 présente aussi un lot de 21000 étudiants athlètes qui, même en
    attribuant plus de 40 heures par semaine au sport, se considèrent étudiants avant d’être
    athlètes (Oppenheimer, 2015).

    Ces études ont cependant été fortement contestées par cause d’échantillonnage
    insuffisant, de la possibilité de biais de la part de la NCAA et des étudiants qui ne veulent
    pas paraître désintéressés par l’école. Oppenheimer établit aussi que c’est
    potentiellement à cause de cette tension proéminente entre sport et études dans l’espace
    public que les athlètes pensent inconsciemment que leurs coéquipiers ne valorisent pas
    leurs tâches académiques (2015).             Des 147 étudiants recensés et qui notaient
    l’importance scolaire à 9 sur 10, les mêmes étudiants ont indiqué qu’ils croyaient que
    leurs collègues positionnaient l’école à un niveau de 7,8 sur 10. Pour le journaliste, cette
    perception d’un athlète face à un autre est potentiellement le résultat d’une coutume
    négative qui s’est installée dans les vestiaires et les gymnases : la dévalorisation du
    scolaire par effet de masse.

                                           	
  
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    Est-ce que les étudiants ont bénéficié de cette commercialisation sportive?

    Un autre élément structurant de ce débat est l’argumentaire selon lequel cette relation de
    proximité entre les sports collégiaux et la commercialisation de grande échelle aurait créé
    des externalités positives.

    L’argument le plus fréquemment utilisé est que la hausse des profits d’une école se
    traduit par une augmentation de sa capacité à offrir des bourses d’études. Or, par souci
    d’équité entre les universités, la NCAA applique une limite au nombre de bourses d’études
    qu’une école peut distribuer. Huma Ramogi, un spécialiste de la pauvreté chez les                                                            8	
  
    étudiants et président du National Players Association, s’oppose fortement à la croyance
    populaire qui stipule que le sport permet aux élèves de fréquenter l’école gratuitement
    (Huma et Staurowsky, 2011). Certainement plusieurs des étudiants athlètes reçoivent un
    type ou un autre de bourse, sauf que ces fonds s’avèrent rarement suffisants pour
    l’ensemble d’un parcours universitaire (Washington, 2017). Par exemple, pour l’année
    2010-2011, les athlètes de football et basketball auraient accumulé en moyenne un
    déficit d’environ 3222$ (Washington, 2017). La même étude démontre que 85% d’entre
    eux vivent sous le seuil de la pauvreté, même s’ils ont accès gratuitement à des services
    privilégiés (salle d’entrainement, cafétéria, etc.) (Washington, 2017). Ellen Staurosky,
    professeure d’administration sportive, précise que ce niveau d’endettement est une
    situation normale dans les campus américains, que ce soit pour les athlètes ou les
    étudiants normaux. L’enjeu, ajoute-t-elle, est que la valeur d’un seul joueur participant
    dans le big sport est estimée entre 120 000 et 260 000 dollars américains (Huma et
    Staurowsky, 2011). La pauvreté est une situation précaire qui, à travers la jungle des
    nombreuses entrevues et conférences de presse, peut générer des pressions
    psychosociales réelles.

    Shabazz Napier, une vedette de basketball de l’Université du Connecticut, expliquait en
    2014 qu’il était fréquent pour lui de se retrouver le ventre vide à la fin de la journée
    (Demby, 2018). Le joueur nuance son propos en disant qu’il ne considère pas que d’offrir
    des centaines de milliers de dollars à de jeunes athlètes est nécessairement une option
    viable. Plus souvent qu’autrement, ces athlètes proviennent d’un milieu défavorisé, ce qui
    pourrait influencer une potentielle prise de décision inadéquate explique Napier. L’aspect
    racial relié au clivage entre les communautés favorisées et défavorisées est aussi un
    aspect clé de la remise en question des bénéfices associés au sport collégial. Les dettes
    qui s’accumulent ne représentent pas le même défi pour ces membres originaires de
    quartiers défavorisés que pour les étudiants ayant accès à un soutien familial plus
    important (Demby, 2018). Alors que le succès du big sport est attribuable aux athlètes et
    que la majorité d’entre eux proviennent de communautés ethniques, le système en place
    ne tend pas à réduire la précarité financière qui assombrit le quotidien de milliers
    d’étudiants. Ainsi, le dialogue portant sur le salaire des athlètes collégiaux a
    historiquement été porté par des figures de la communauté afro-américaine, notamment
    les athlètes de haut niveau ayant une plateforme médiatique importante (Sherman,
    2018). L’argument fréquemment présenté est que les difficultés économiques reliées à la
    réalité de l’étudiant athlète sont généralement plus significatives pour les élèves noirs

                                           	
  
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    alors que ce sont eux qui permettent au big sport de générer des profits majeurs
    (Sherman, 2018).

    Les bourses d’études couvrent les frais, mais ne complètent pas les examens pour les
    étudiants. Lorsqu’on regarde les chiffres officiels, le taux de graduation des athlètes est
    assez similaire et même parfois plus élevé que celui du reste de la nation (Sherman,
    2018), Ces données prennent cependant en compte l’entièreté des universités,
    échantillon dans lequel la dynamique du big sport se dilue. Pendant les années de Napier
    à l’Université du Connecticut située à Storrs, l’équipe de basketball parvenait à faire
    graduer seulement 8% de ses joueurs alors qu’une équipe de basketball collégial                                                              9	
  
    regroupe douze athlètes (Sherman, 2018).

    La modernisation progressive des infrastructures sportives est elle aussi un résultat direct
    des gains associés aux activités sportives universitaires. Les profits découlant de la
    commercialisation ont permis aux universités d’investir des sommes importantes dans
    des salles d’entraînement réservées aux athlètes, dans le matériel et dans les spécialistes
    (physiothérapeutes, nutritionnistes). Ellen Staurowsky voit ces externalités positives
    comme des bénéfices qui visent à augmenter et à améliorer la performance des
    étudiants-athlètes, le tout pour obtenir un meilleur résultat sur le terrain (2011). Ces
    bénéfices profitent ultimement plus aux autorités de l’équipe qu’aux joueurs. En effet, les
    fonds générés par le travail des athlètes sont réinvestis dans la structure ayant permis
    d’atteindre un certain niveau de performance, et ce dans l’optique de répéter ces mêmes
    succès. Cette dynamique circulaire est pour Staurowsky un phénomène problématique à
    long terme, car la priorité est mise sur les ressources et non sur le développement
    personnel ainsi qu’académique des jeunes étudiants (2011).

    Évolution historique du débat

    La question de la rémunération des athlètes qui est si prédominante actuellement
    provient tout d’abord d’un long récit mettant en scène les institutions scolaires et la
    NCAA. Le débat a évolué au même rythme que les nombreuses tentatives de réforme par
    l’organisation. Il est donc essentiel de saisir les grandes lignes historiques pour
    comprendre la nature des questions et des critiques contemporaines concernant l’enjeu.

    1840-1940 : l’apparition du besoin d’un cadre régulateur

    La nécessité d’avoir une organisation qui régule et oriente les activités sportives
    universitaires est présente en Amérique depuis le milieu du 19e siècle. Un des
    évènements déclencheurs concernait la compétition historique de course de régates entre
    Yale et Harvard (Smith, 2000, 12). Vers 1890, les étudiants s’étaient plaints du
    financement de l’équipe du Massachussetts par l’industriel ferroviaire Elkins dans l’espoir
    d’obtenir un avantage au niveau de la qualité des entraineurs (Smith, 2000, 10). Le
    président de l’Université d’Harvard, Charles Elliot, s’était alors exprimé sur les dangers
    potentiels associés au développement économique autour des sports collégiaux et de la
    précarité du statut de l’amateur. De son côté, le president Francis Walker de la
    prestigieuse Massachusetts Institute of Technology avait lui aussi prédit l’avènement de la
    problématique : « If the movement shall continue at the same rate, it will soon be a

                                           	
  
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    question whether letters B.A. stand more for Bachelor of Arts or Bachelor of Athletics. »
    (Smith, 2000, 11). Par ailleurs, les 18 morts recensés dans la saison de football de 1905
    (suite à des blessures crâniennes) attirèrent l’attention du président des États-Unis,
    Theodore Roosevelt, qui invita les acteurs sportifs et collégiaux à se réunir pour négocier
    de potentielles réformes (Smith, 2000. 11). Cette période de régularisation et de révision
    du fonctionnement des sports intercollégiaux est caractérisée par la naissance de la NCAA
    en 1910, une organisation à but non-lucratif dont la tâche était d’élaborer un cadre
    réglementaire s’appliquant aux activités sportives sur les campus américains (Smith,
    2000, 13).
                                                                                                                                                 10	
  
    1940-1970 : les réformes de la NCAA et définition du statut de l’amateur

    Le rôle de la NCAA comme régulateur officiel du sport collégial se renforça au 20e siècle
    au fur et à la mesure que les activités se commercialisaient et généraient des profits
    (Smith, 2000, 13). Initialement, les organisations étudiantes étaient aptes à collaborer
    d’un campus à un autre pour établir des règles et des méthodes de fonctionnement.
    L’injection graduelle de fonds importants dans ce secteur eut comme effet de créer des
    biais et des tensions au sein des groupes facultaires, certains voulant profiter des
    opportunités de la commercialisation alors que d’autres étaient animés par une approche
    puriste du sport amateur (Smith, 2000, 13). Ce schisme fit de la NCAA la pierre angulaire
    dans le bon déroulement des dossiers athlétiques et interscollégiaux. Rodney Smith, un
    professeur à l’Université de Marquette, affirme que la NCAA est née directement de cette
    confrontation entre le potentiel économique du sport collégial et les valeurs morales et
    éthiques qui soutiennent ce dernier, ce qui explique en partie son incapacité à établir des
    solutions précises et efficaces (2000, 13).

    Le rapport Carnegie, rédigé en 1929 par la fondation du même nom qui prônait l’avancée
    de l’éducation, soulignait déjà à l’époque les problèmes potentiels attachés au commerce
    sportif : « Commercialism in college athletics must be diminished and college sports must
    rise to a point where it is esteemed primarily and sincerely for the opportunities it affords
    to mature youth » (Smith, 2000, 14).

    Aussi, l’amélioration de l’accès à l’éducation supérieure suite à l’initiative
    gouvernementale visant à éduquer ses vétérans ainsi que les nouvelles technologies en
    communications fit des activités athlétiques universitaires un domaine de plus en plus
    populaire (Smith, 2000, 14.) Cette démocratisation du sport collégial s’observait au sein
    de plusieurs universités lorsqu’elles décidèrent d’investir dans la création d’un
    département sportif et ce, pour ultimement se doter d’un outil de recrutement
    déterminant (Solomon, 2018). Dès lors, considérant l’augmentation du nombre d’athlètes
    et le développement constant des délégations sportives universitaires, la NCAA est
    devenue autour des années 1950 l’entité officielle de coordination entre les multiples
    acteurs de la scène sportive universitaire aux États-Unis (Laws, 2017, 1223). Les Sanity
    Codes agissèrent, jusqu’à la création du Comité des infractions en 1952, comme la
    volonté de la NCAA d’éviter toute situation d’exploitation des étudiants-athlètes (Laws,
    2017, 1224). Ces règles précisèrent en partie le statut de l’étudiant-athlète en
    permettant aux écoles d’offrir des bourses d’études si l’étudiant était apte à démontrer

                                           	
  
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    son besoin (cette condition sera abolie en 1956). Certains auteurs considèrent que les
    Sanity Codes ont eu un effet à double tranchant (Laws, 2017, 1225). D’un côté, ce fut la
    confirmation du rôle de la NCAA comme organe de gouvernance légitime et relativement
    autoritaire. De l’autre, l’attribution d’un soutien financier à certains athlètes était la
    preuve qu’il y avait un enjeu par rapport à la santé financière de ces étudiants.

    1970-1990 : période de critiques et érosion de la gouvernance de la NCAA

    D’après Jon Solomon, les deux critiques qui se cristallisèrent dans les années 1970 sont
    encore présentes aujourd’hui et alimentent la tension entre les athlètes et la NCAA. En                                                      11	
  
    effet, la fin du 20e siècle est une période de remise en question et de contestation
    populaire envers les méthodes utilisées par l’organisation (Solomon, 2018). L’une d’entre
    elles est l’incapacité de prévenir les effets négatifs de ce phénomène de
    commercialisation alors que l’autre fait référence à la difficulté d’intervenir de manière
    coercitive lorsque ces externalités négatives se présentent (inégalité dans la capacité à
    offrir des bourses, par exemple) (Laws, 2017, 1225). La création de la Commission des
    présidents en 1984 fut la réponse des têtes dirigeantes des universités. L’objectif était
    d’offrir à la NCAA un mécanisme de consultation provenant de l’expérience et de
    l’expertise des personnes directement concernées par la commercialisation progressive et
    le recul des valeurs académiques. Cet organe prit de l’importance et de la légitimité
    durant les années 1990 : l’implication des universités était si grande qu’elles imposèrent
    à la NCAA une reformulation de son exécutif avec l’ajout d’un panel de directeurs et
    d’adjoints. Pour Smith, l’émergence d’un contrepoids eut un effet positif permettant aux
    départements académiques d’avoir une certaine influence sur le processus décisionnel de
    la NCAA (2000, 14). Cependant, Robert Bendford présente l’argument selon lequel cette
    implication politique des directeurs aurait permis la création d’un rapport de force entre
    les deux entités, résultant en une lutte d’intérêts paralysants ayant au final un impact
    négatif sur la situation des étudiants athlètes (2007, 16).

    1980 à aujourd’hui : un débat qui transcende les frontières du sport

    L’une des décisions de la NCAA qui sema la controverse en 1973 fut d’augmenter la note
    de passage pour les étudiants-athlètes d’un Grade Point Average (GPA) de 1,6 à un GPA
    de 2 (Solomon, 2018). Ce changement apparut suite à des pressions provenant de ceux
    en faveur du maintien du statut de l’amateur et permit de réaffirmer la position de la
    NCAA, c’est-à-dire que l’athlète est d’abord un étudiant (Solomon, 2018). Cette décision
    fut accompagnée, pendant les années 1980, d’une panoplie de démarches pour
    augmenter les prérequis académiques au niveau secondaire pour les étudiants désirant
    pratiquer leurs sports au niveau collégial (Smith, 2000, 16).

    Cette approche qui priorisait les résultats scolaires provoqua une réaction forte chez la
    communauté noire, elle qui considérait que ces critères avantageaient grandement les
    athlètes privilégiés ayant accès à une meilleure éducation (Solomon, 2018). Ce sentiment
    d’inégalité raciale dans le sport collégial avait toujours été présent, mais l’augmentation
    majeure des revenus liés aux activités athlétiques n’a fait qu’alimenter la tension. Au
    même moment, la College Football Association (un regroupement des plus grands

                                           	
  
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                       programmes de football collégial) remporta sa cause dans le cas NCAA v. Board of
                       Regents : la Cour suprême reconnaissait en 1984 que la NCAA n’avait pas respecté les
                       lois antitrust1 de l’acte Sherman et Clayton (Solomon, 2018). Il était donc illégal pour la
                       NCAA de gérer les droits de diffusion des multiples activités sportives. Le résultat de cet
                       arrêt permettait aux directions des équipes de football de division I de récolter
                       directement les revenus découlant des matchs télédiffusés (Solomon, 2018). Ce gain
                       politique a, selon Rodney, donné un avantage comparatif critique aux grands
                       programmes face aux plus petites écoles qui elles n’ont pas les moyens de lutter contre
                       les programmes de la Power 52. De cette façon, le football collégial est devenu une réelle
                                                                                                                                                                                                                                                    12	
  
                       vache à lait pour les administrations de plusieurs grandes universités américaines. Cette
                       victoire légale fut le catalyseur principal pour le développement d’une dynamique
                       marchande et commerciale autour du sport universitaire. Au même moment, la
                       communauté afro-américaine (dont les membres représentent la grande majorité des
                       joueurs) développe un ressentiment envers les conditions d’admission et perçoivent les
                       profits faramineux comme étant injustement redistribués.

                       S’ajoutent ensuite à cette dynamique les cas recensés de corruption et les situations
                       d’abus de pouvoir comme celle reliée au dossier des multiples agressions sexuelles
                       menées par Sandusky durant son séjour à Penn State. Après environ 150 ans de
                       formulation et de définition du rôle de la NCAA, cette organisation regroupant 1281 écoles
                       et plus de 460 000 athlètes fait face à un débat d’envergure dont la conclusion pourrait
                       changer à jamais le sport universitaire.

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
   	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
1
  Une loi antitrust vise à limiter le développement de monopole ou de concentration économique dans les mains d’un
individu ou d’une instance.
2
  Les 5 conférences les plus importantes au football collégial américain.

                                                                                                                                                                                                                   	
  
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        1852 : Début de la traditionnelle compétition de régate entre Harvard et Yale : premiers
        balbutiements du sport inter collégial

        1905 : Le président Roosevelt fait appel aux dirigeants des universités pour discuter de
        l’enjeu de sécurité dans le football américain

        1906 : Formation officielle de la NCAA
                                                                                                                                                 13	
  
        1920 : Rédaction du rapport Carnegie

        1936 : Jesse Owens, étudiant à Ohio State, devient quadruple médaillé d’or à Berlin

        1948 : Rédaction et mise en application des Sanity Codes

        1951 : Instauration du comité sur les infractions par la NCAA sous Walter Byers

        1953 : Premier contrat de droits de diffusion dépassant le million de dollars

        1965 : Ajout du critère demandant un GPA minimum de 1,6 et émergence d’un
        mouvement de contestation provenant des communautés afro-américaines

        1972 : Ajout du titre IX aux amendements de l’Éducation éliminant ainsi tout type de
        discrimination sur la base du sexe dans le domaine universitaire

        1973 : Paroxysme du mouvement de contestation lorsque la NCAA augmente le GPA
        minimal de 1,6 à 2

        1978 : Audiences menées par le sous-comité Investigation and Oversight de la Chambre
        des Représentants pour évaluer l’équité dans les pénalités attribuées par la NCAA

        1984 : Création de la Commission des Présidents

        1984 : Victoire des universités dans le cas NCAA v. Board of Reagents

        1989 : Création de la Knight Commission qui vise à insérer des mesures de limitation des
        coûts dans les universités.

        2005 : Scandale de fraude académique à l’Université de North Carolina

        2009 : Ed O’Bannon porte plainte et accuse la NCAA de violer le Sherman Antitrust Act

        2012 : Début de l’enquête par la NCAA sur les méthodes illégales de recrutement par
        l’Université de Ole Miss.

        2014 : Arrêt de la production de la franchise de jeux vidéo NCAA Football suite à des
        plaintes concernant l’utilisation de l’identité des joueurs.

        2018 : Publication du livre Court Justice: The Inside Story of My Battle Against the NCAA
        par O’Bannon.

                                           	
  
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                       La commercialisation du sport collégial et la redistribution des profits : la
                       problématique et ses multiples facettes.

                       Le débat entourant les revenus du sport collégial possède une richesse particulière, car
                       deux univers complètement différents qui s’opposent : la tâche académique des athlètes
                       et le rôle primordial de ces derniers dans une industrie extrêmement profitable. D’ailleurs,
                       la revue historique de l’enjeu illustre parfaitement à quel point la NCAA semble avoir de la
                       difficulté à réunir et à légiférer conjointement ces deux réalités. Habituellement, ce débat
                       prend la forme sémantique d’un questionnement autour d’une rémunération potentielle
                       de l’athlète. Pour le sociologue George Hanford, cette problématique est fortement                                                                                                                                           14	
  
                       polarisante, car elle met en relation des éléments raciaux, économiques, moraux,
                       éthiques et idéologiques (Acain, 1998, 1). Les positions sont donc extrêmement nuancées
                       et l’analyse est complexifiée.

                       Le système Pay to Play : une histoire d’inégalités et de déséquilibre

                       L’argument phare dans le débat est que le système actuel est un type moderne
                       d’exploitation et qu’il doit être réformé. Pour l’avocat Michael Acain, le modèle de
                       l’amateur-étudiant est un concept qui ne s’applique plus à la dynamique commerciale du
                       sport aujourd’hui. En prônant des valeurs de pureté, de dévouement et d’altruisme alors
                       qu’elle génère des revenus importants, la NCAA place l’étudiant dans une position
                       précaire et passible d’exploitation (Acain, 1998, 1). Selon lui, la victoire de 1984 par les
                       Universités marqua le moment où officiellement le big time sport3, comme le basketball et
                       le football, devint un objet possédant une valeur et un potentiel économique. L’auteur
                       présente l’argument selon lequel, avec cette transition maintenant complétée, la NCAA a
                       le devoir de réformer le système et d’établir un modèle de type commerçant-étudiant au
                       sein duquel (comme tout type d’entreprises) les facteurs de productions sont rémunérés
                       (Acain, 1998, 1). Ben Solomon poursuit dans cette lignée en utilisant les salaires des
                       entraîneurs comme élément de preuve (Solomon, 2018). Il ne s’accorde cependant pas
                       avec la rhétorique populaire qui tend à instrumentaliser les salaires des entraîneurs
                       comme indice évident d’un système d’exploitation. Solomon établit plutôt l’argument que
                       cette rémunération importante des employés de l’équipe symbolise le fait que les
                       universités perçoivent (volontairement ou involontairement) le sport comme étant une
                       activité visant à dégager des profits. Pour lui, les joueurs salariés s’avèrent simplement
                       être une suite logique dans un modèle d’affaires qui permet à des hommes comme Nick
                       Saban, Dabo Swinney et Jim Harbaugh de faire respectivement des salaires annuels de
                       11,1 millions, 8,5 millions et 7 millions de dollars américains (Solomon, 2018). Ces
                       hommes ont tous un point en commun : ils sont des entraîneurs-chefs d’équipe de
                       football de collèges américains. Par ailleurs, les villes respectives dans lesquelles évoluent
                       ces hommes ne sont pas de grands centres urbains ou des pôles économiques : 100 000
                       habitants à Tuscaloosa et seulement 16 000 dans la petite communauté de Clemson.
                       Aussi, il y a 115 000 partisans qui peuvent accéder au stade des Wolverines de
                       l’Université du Michigan, la Big House, alors que la ville de Ann Harbor n’est habitée que
                       par 121 000 personnes (Solomon, 2018). Le big sport est un phénomène qui transcende
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
   	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
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         Les sports générant de grands revenus et de grandes cotes d’écoute

                                                                                                                                                                                                                   	
  
NOTE	
  DE	
  RECHERCHE	
  
L’étudiant	
  ou	
  l’athlète	
  ?	
  Une	
  brève	
  description	
  du	
  rôle	
  de	
  la	
  commercialisation	
  sportive	
  dans	
  la	
  
redéfinition	
  de	
  l’amateur	
  
	
  
    l’espace des grandes villes et dynamise les régions et campagnes. Mentionnons aussi que
    dans 40 des 50 États du pays, l’entraîneur d’une équipe collégiale est l’employé de l’État
    le plus rémunéré (Abdul-Jabbar, 2018). Leurs salaires reflètent la part de profits que
    génère l’équipe, mais ils exemplifient aussi sans aucun doute le débalancement que l’on
    retrouve au sein de l’appareil économique sportif et universitaire.

                                            Revenus totaux des 5 grandes conférences et prédictions pour 2020
                                                                                                                                                 15	
  

                                         Solomon, Jon. « The History behind the Debate over Paying NCAA Athletes. », The Aspen
                                                                 Institute of Sports and Society, 2018, p.2

    La journaliste Ekow Yankah considère cependant que cette logique entrepreneuriale du
    sport ne s’applique qu’à un groupe sélect de sports et d’universités (Yankah, 2015). Pour
    lui, la décision de rémunérer les athlètes met en danger les anciens idéaux de la NCAA.
    Par exemple, une joueuse élite de balle-molle ne possède aucun débouché professionnel
    qui aurait pu éventuellement compenser les efforts qu’elle a faits pour maintenir à un
    haut niveau sa performance sportive. Au contraire, elle incarne cette force de caractère et
    d’esprit que la NCAA       encourage lorsqu’elle fait référence aux nombreux étudiants athlètes
                       Solomon, Jon. « The History behind the Debate over Paying NCAA Athletes. », The Aspen
    (Yankah, 2015). Institute
                            De même,       des
                                of Sports and     épreuves
                                              Society, 2018, p.2 sportives comme le 100m style libre ou la
    poutre ne parviennent pas à stimuler l’intérêt des partisans de la même façon que
                       	
  
    l’équipe de basketball      du campus. Pour Yankah, là se situe le problème, c’est-à-dire cette
    division entre les sports payants et rentables versus les activités tout autant difficiles,
    mais marginales dans l’œil du public. Or, l’auteur précise dans un article du New Yorker
    qu’il faut être prudent avec ce désir de payer les athlètes, car la réalisation de ce souhait
    pourrait résulter en un esprit de tension et de conflit entre les athlètes sur le campus
    (Yankah, 2015). Dans un tel scénario, les athlètes du big sport reçoivent des sous alors
    que les autres athlètes non : les universités semblent donc dans cette situation favoriser
    un type d’athlète face à un autre. Dans un autre scénario, un système de rémunération
    équitable avec lequel tout étudiant-athlète est payé est élaboré : émerge alors
    potentiellement l’argumentaire que les sports rentables ne reçoivent pas leur juste part ce
    qui causerait un retour à la case départ. La rémunération sportive dans les universités est

                                              	
  
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