Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
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M AG A Z I N E D E L’ U N I V E R S I T É D E N A M U R N° 08 / DÉC EMB R E 2017 Robotisation de la vie MENACE OU OPPORTUNITÉ ? Le développement technologique est indéniable. Les robots sont présents dans presque tous les aspects de notre vie quotidienne : dans nos tâches ménagères, dans les secteurs financiers et médicaux, dans le domaine de la défense ou dans celui du transport. On ne pourrait plus s’en passer. Mais leur usage pose une série de questions sur le plan technologique, juridique, socio-économique et bien sûr éthique. Les experts de l’Université de Namur y apportent un éclairage. Suite page 2 © Geoffroy Libert Page 4 Page 7 Page 12 L'EXPERT L'INVITÉ L’ALUMNUS Johan Yans Olivier Koen Lenaerts Des minerais de Wasseige De l'UNamur au dans notre Directeur général de l'Union top de l'Europe quotidien Wallonne des Entreprises
Enjeux ROBOTISATION Q DE LA VIE : menace Suite de la page 1 ou opportunité u’entend-on exactement par « robot » ? Une foule d’idées reçues génèrent des malentendus sur ce que sont ces machines. Benoît Frénay, professeur à la Faculté d’informatique, nous en donne la définition : « Le robot est un dispositif alliant mécanique, électronique et informatique, avantages de la robotisation l’emportent certainement sur les inconvénients mais il faut que tout le monde y gagne ». La robotisation de la vie peut être vue, selon l’économiste, comme une opportunité pour notre société, « à condition qu’elle soit bien gérée collectivement ! » La réflexion est menée actuellement à différents échelons de la société, ? l’éducation et la formation des jeunes, selon Etienne de Callataÿ, pour leur apprendre à s’adapter au monde d’après-demain. Il fait sienne la formule « Apprendre à apprendre plus qu’apprendre tout court ». Une politique de redistribution doit aussi être mise en place : en ce compris de l’intelligence artificielle. Il est conçu pour aussi bien dans les universités que dans les entreprises ou « On pourrait imaginer la création d’un fonds reproduire des tâches imitant l’action humaine. Le terme les administrations. Le Parlement européen s’est récem- d’accompagnement pour les travailleurs dont robot est parfois galvaudé : il désigne souvent, par exten- ment saisi de la question. En février 2017, il a adopté une le métier aura été modifié par le développement sion, les logiciels autonomes qu’on retrouve par exemple résolution reprenant des pistes de recommandations à technologique. Ce fonds serait à la fois actif via sur internet, aussi appelés agents logiciels. Cela peut créer destination de la Commission européenne. « Cette résolution l’accompagnement des travailleurs, et passif via le une certaine confusion, par exemple lorsqu’on parle en a le mérite de lancer la réflexion », estime Hervé Jacquemin, versement d’indemnisations ». Mais comment fait d’intelligences artificielles ». Le robot peut être plus « elle pose une série de questions parfois très précises et financer cette politique? Aujourd’hui, il n’existe ou moins mobile, et plus ou moins automatisé. Il ne s’agit controversées comme la nécessité ou non de doter les pas de taxe sur les robots. Il en découle une donc pas seulement des robots humanoïdes auxquels concurrence déloyale entre robots et on pense quand on aborde cette thématique. « Ils travailleurs. « Il faut que notre sécurité sont en plein développement aujourd’hui : cela va du sociale soit financée de manière plus large robot tondeuse ou aspirateur, au robot envoyé dans que par le seul facteur travail, sur le principe de la l’espace pour explorer la planète Mars, ou bien encore valeur ajoutée. Or, cette valeur ajoutée vient à la fois les robots utilisés par les chirurgiens dans certaines des travailleurs mais aussi des machines ». opérations délicates, sans oublier les drones et les robots industriels », énumère Benoît Frénay. Les Une opportunité plutôt qu’une menace robots sont conçus pour aider l’homme dans des Pour Hervé Jacquemin, il ne faut d’ailleurs pas nécessai- tâches ennuyeuses, fatigantes, voire dangereuses, rement considérer la robotisation de la vie comme une © Adobe Stock zapp2photo et ce de manière rapide et performante. menace : « Elle peut rendre de très nombreux services aux entreprises, aux citoyens et aux consommateurs, Le cadre légal en s’assurant que ceux-ci soient plus performants et L’homme profite donc de la robotisation pour se mieux adaptés à leurs besoins ». Mais il nuance : « Il faut faciliter la vie au quotidien. Dans un avenir proche, être très attentif car on ne comprend pas toujours très il pourra s’asseoir dans un véhicule qu’il ne conduira bien toute la technologie sous-jacente aux machines pas, profitant par exemple du trajet vers son lieu de et aux robots, et ce qui explique tel comportement ou travail pour traiter ses e-mails. Les constructeurs telle décision. Il faut traduire le raisonnement d’une automobiles planchent aujourd’hui sur le développement robots d’une personnalité électronique. Mais derrière ces machine en raisonnement humain pour expliquer les choses de futurs aéronefs (les véhicules autonomes) qui détecte- questionnements, il y a des développements technologiques à l’utilisateur. Ce n’est pas facile, mais c’est nécessaire ! ». Et ront les ralentissements dans la circulation, les obstacles qui ne s’arrêtent pas. Aussi, ne faut-il pas attendre que des si la robotisation amène une série de questions juridiques éventuels… Mais que se passera-t-il en cas d’accident ? problèmes surviennent pour déterminer la responsabilité, ou bien encore éthiques (lire par ailleurs), il ne faut pas non C’est une question juridique à laquelle il faudra répondre, les modalités d’indemnisations, l’obligation de s’assurer… plus négliger le challenge technologique qu’elle représente : comme l’explique Hervé Jacquemin, chargé de cours à la C’est le bon moment pour le faire ». « Fondamentale ou appliquée, la recherche en informatique Faculté de droit (Centre de Recherche Information, Droit et a un rôle primordial à jouer. Elle rend le développement Société) et avocat au barreau de Bruxelles : « On se deman- L’impact sur l’emploi technologique possible, tout en maîtrisant et comprenant dera légitimement qui est responsable : le conducteur, le Au printemps 2017, l’IWEPS (l’Institut wallon de l’évaluation, ce qui se passe à l’intérieur des machines. Pour garder la fabricant de la voiture ou celui du logiciel ? En droit, cette de la prospective et de la statistique) a publié une étude esti- main et se prémunir des inconvénients liés à la robotisation, question est primordiale car il faut protéger les victimes mant l’impact potentiel de la digitalisation et de la robotisation il faut sans cesse progresser en intelligence artificielle, sof- des dommages et garantir leur indemnisation ». Avec de l’économie wallonne sur l’emploi. Elle montre qu’au total tware engineering, interactions homme-machines, etc. », la robotisation et le traitement d’une foule de données 564.000 emplois wallons pourraient être menacés dans les conclut Benoît Frénay. captées par ces machines, de nombreuses matières sont 10 à 20 ans. Dans les métiers les plus à risque, on retrouve : concernées : la protection de la vie privée et des données les services administratifs, le transport, l’agriculture et les à caractère personnel, le droit des contrats, le droit de la industries extractives (ils pourraient disparaître). Suivent consommation… La liste est longue. En fait, l’ensemble du droit pourrait être mobilisé. Mais Hervé Jacquemin nuance : ensuite les métiers liés au commerce, à l’automobile, à l’in- dustrie manufacturière, aux administrations publiques, aux En savoir plus : « Aujourd’hui, il existe déjà des règles de droit susceptibles banques et assurances, ou encore à la construction. Viennent de s’appliquer de manière efficace, il ne faut donc pas tout enfin les secteurs tels que : la santé, l’action sociale, l’ensei- • Serge Abiteboul, Gilles Dowek, « Le temps des algorithmes », révolutionner parce que la robotisation se développe. Ceci gnement, l’Horeca, la culture ou encore la communication. Éditions Le Pommier, 2017. dit, il existe des domaines pour lesquels il reste des incerti- Toutes ces professions devront s’adapter. Pour Etienne de • Contribution de Dominique Lambert au dossier tudes juridiques, et des réformes devraient le cas échéant Callataÿ, il faut prendre en compte le fait que de nouveaux « The Humanization of Robots and the Robotization of the Human être envisagées pour les combler ». métiers vont apparaître en raison de la robotisation, et que, Person. Ethical Reflections on Lethal Autonomous Weapons en libérant des ressources, celle-ci stimulera l’emploi dans Une réflexion globale à mener des secteurs classiques. Il ajoute : « Il serait faux de dire que Systems and Augmented Soldiers », Genève, The Caritas In Le monde de l’industrie a depuis longtemps été touché par l’évolution, puisqu’elle touchera aussi bien les cols bleus que Veritate Foundation Working Papers, November, 2017. l’installation de machines sur les lignes de montage. Les les cols blancs, sera égalitaire. Non, tous les métiers ne seront • Dominique Lambert, « Les robots, les hommes et la paix. coûts humains ne sont pas à négliger. Etienne de Callataÿ, pas affectés d’une façon égale, et il sera vraisemblablement Esquisse d’une évaluation éthique de la robotique contemporaine », chargé de cours invité à l’UNamur et cofondateur d’Orcadia plus facile pour un avocat de se reconvertir dans une autre Revue des Questions Scientifiques, 2015, p. 221-254. Asset Management, lance une mise en garde quant à l’impact activité s’il est remplacé par une machine, qu’un ouvrier • Hervé Jacquemin et Alexandre De Streel (coord.), de la robotisation sur l’économie : le lien social ne doit pas qualifié. Et cette situation désolante est un risque majeur être rompu. Il faut que la robotisation et l’intelligence arti- pour la cohésion sociale ». « L’intelligence artificielle et le droit », Collection du CRIDS ficielle servent l’humain, et accompagnent les travailleurs n° 41, ouvrage publié à l’occasion du colloque organisé le dont le métier évolue avec le développement technolo- Une taxe sur les robots ? 20 octobre 2017 à l’UNamur. gique. « Toutes les professions ne seront pas remplacées Quels sont donc les mécanismes qui peuvent être mis en • Regards croisés, « Dominique Lambert : doit-on avoir peur des du jour au lendemain par des robots, mais les mutations place dans notre société pour s’assurer que tout le monde robots ? », Service audiovisuel de l’UNamur. risquent de générer des inégalités », explique-t-il, « les tire profit de la robotisation ? Il faut tout d’abord améliorer 2I I DÉCEMBRE 2017
Enjeux © Adobe Stock Alexey Ivanov Et l’humain, dans tout ça? Cette question se pose, légitimement, avec le développement des machines. L’homme et les robots sont-ils interchangeables? Dominique Ce que l’UNamur Lambert est un expert en la matière. Ce professeur à l’UNamur, membre propose à ce sujet : de l’institut ESPHIN (Espace philosophique de Namur), docteur en physique et en philosophie, et par ailleurs membre de l’Académie • Une finalité spécialisée en Data Science Royale de Belgique, a été invité à prendre la parole aux Nations- (30 crédits). Unies le 14 novembre dernier pour aborder les questions éthiques • Un master en Informatique (60 ou 120 crédits), et légales concernant les armes létales autonomes. avec possibilité d’option « Informatique ambiante et mobile ». • Un master de spécialisation en Droit des D technologies de l’Information et de la « ans le cas où un pilote d’avion de ligne adopterait Communication (60 crédits). un comportement dangereux risquant de mener au crash de son appareil, on peut se poser cette • Un certificat en management de la sécurité question : une machine autonome capable de des systèmes d'information. reprendre d’elle-même le contrôle de l’avion et • Un certificat Interuniversitaire en Protection permettant ainsi de sauver plusieurs centaines de vie ne des données à caractère personnel (Datasafe). serait-elle pas indispensable ? ». Dominique Lambert n’est pas un technophobe. Pour lui, le développement techno- • Les instituts de recherche interdisciplinaires logique est le propre de l’homme. Mais cette technologie de l’UNamur mènent des projets en lien avec la doit servir l’humanité. Et c’est justement l’humain qui doit robotisation, que ce soit sur des thématiques se trouver au centre des réflexions quand on aborde la reconnaître le timbre de la voix ou les expressions d’un informatiques, juridiques, éthiques ou bien thématique des robots. « C’est très important de maintenir visage. Mais ce n’est pas parce que l’on imite l’homme que encore philosophiques. Citons l’institut l’humain, pour garder la responsabilité de la décision. C’est l’on est humain ! », nuance le philosophe. Tout l’enjeu réside NADI (Namur Digital Institute), qui cherche à une question cruciale notamment par rapport aux armes donc dans ce qui peut servir l’humanité et la dignité de la apporter des solutions innovantes aux défis létales autonomes. Il faut être cohérent avec ce qui constitue personne. Dans le cas des robots de compagnie utilisés dans que pose la révolution digitale, et l’institut profondément l’humanité », explique-t-il. Mais qu’est-ce qui les maisons de repos, ils peuvent représenter un avantage ESPHIN (Espace philosophique de Namur), est le propre de l’homme ? La question est vaste : sa dignité, s’ils sont utilisés en matière de télévigilance. Leur utilisa- qui soutient également des travaux menés son intégrité corporelle, sa capacité à tisser des relations, tion dans le seul but de réduire le personnel soignant est à en collaboration avec la Fondation « Caritas sa liberté par exemple. Il y a aussi la créativité : l’homme, éviter. Quant aux exosquelettes (des extensions motorisées In Veritate » portant sur l’éthique des robots contrairement à la machine, peut à tout moment sortir des portées par l’homme) : tant mieux s’ils peuvent redonner autonomes armés et sur la question du soldat règles établies et faire quelque chose qui n’était pas prévu, de la mobilité à une personne handicapée, mais ils sont à augmenté. quelque chose de totalement inédit. éviter si c’est pour donner libre cours aux fantasmes de puissance d’un homme en bonne santé. Et que penser des La cohérence humaine armes létales autonomes, capables de vider les actions que l’on aille le plus loin possible dans le développement Ce qui fait l’homme, c’est aussi son individualité : une importantes (décision de tuer, par exemple) de leur contenu technologique, mais attention à toutes les dimensions machine pourra toujours être remplacée par une autre, humain ? Selon Dominique Lambert, « des robots doués humaines. L’homme augmenté ne serait-il pas au final un ce qui n’est pas vrai pour l’homme. Qu’en est-il des robots d’une grande capacité d’autonomie et dotés de capacités homme diminué s’il devenait esclave de la machine ? », récemment arrivés sur le marché, qui seraient capables létales sont à proscrire ! » Enfin, qu'en est-il des recherches interroge Dominique Lambert. de ressentir des émotions ? « Certes, ces robots peuvent à finalité civile ? « À titre personnel, je suis favorable à ce Sophie Arcq DÉCEMBRE 2017 I I3
L’expert Johan Yans Les minerais sont partout : l'avis du géologue © Geoffroy Libert De nos smartphones à la peinture sur nos murs, en passant par les aimants des éoliennes : la très grande majo- rité des objets de notre quotidien contiennent des matières premières issues du sous-sol. Quelles sont-elles ? Où et comment sont-elles exploitées ? Sont-elles renouvelables ? S’intéressant de près à la problématique de la genèse, de la disponibilité et des conditions d'exploitation des métaux dont dépendent la plupart des nou- velles technologies, Johan Yans, professeur au Département de géologie de l'UNamur et co-responsable d’ILEE (Institute of Life, Earth and Environment), livre son expertise de géologue. Omalius : En quoi les minerais font-ils partie de notre et du plomb au milieu du XXe siècle, et le dernier gisement et non pas une pénurie comme souvent mentionné dans quotidien ? de baryte en 1994. Quand on parle d’extraction en Wallonie, les médias : on ne se donne pas les moyens d’aller chercher Johan Yans : Depuis l’Âge de la pierre, ce qui caractérise une on pense au charbon qui a été exploité jusqu’en 1984. Mais ces minerais « locaux ». Parce que la population n’est pas société humaine ce sont les minerais, les techniques et les le charbon est encore abondamment extrait (et utilisé) dans prête à avoir une mine à côté de chez soi. C’est le réflexe produits. C’est la raison pour laquelle on a divisé le temps le monde. On exploite aussi de très nombreuses matières NIMBY : « Not In My BackYard ». Cependant, nous n’avons en Paléolithique, Mésolithique, Néolithique, Âge du cuivre, premières, y compris des métaux. Les conditions environne- plus aujourd’hui des minerais qui contiennent des teneurs Âge de bronze, Âge du fer, Âge des combustibles fossiles. mentales, sociales et sociétales et les gains qui en découlent, très élevées en métaux et l’accès aux futurs gisements sera Aujourd’hui nous serions dans une période de transition : ne sont pas les mêmes qu’en Belgique. Par exemple, selon de plus en plus compliqué (davantage profond ou dans l’Âge dit « de l’électron ». Elle se caractérise par une extrême la Banque mondiale, 60 à 90 % des minerais extraits en des conditions difficiles). Un minerai de plomb ce n’est diversification des matières premières extraites et utilisées République Démocratique du Congo le sont selon des voies pas 50 % de plomb mais un, deux, voire trois % de plomb. dans le monde. On extrait bien sûr des minerais à la base des « artisanales », c’est-à-dire par des creuseurs qui de leurs Cela veut dire qu’il faut éliminer tout le reste. Donc le coût 92 éléments stables sur Terre mais également des matières mains creusent des galeries, en retirent quelques dizaines d’extraction et du traitement des minerais augmente. premières comme des sables, des calcaires, des dolomies, de kilos de minerais, les vendent à des réseaux « paral- Donc le coût de nos matières premières aussi. Même si on etc. La très grande majorité des objets utilisés de nos jours lèles » qui font ensuite sortir cette matière du Congo. Ces améliore nos techniques. De plus, l’extraction génère des sont constitués de matières premières issues du sous-sol. minerais seront ensuite valorisés, notamment par le biais nuisances (certes limitées car contrôlée, dans nos régions, Le smartphone, par exemple, contient notamment du tantale de grandes sociétés européennes. En Europe, la population par l’administration – ce n’est pas le cas partout) qu’il faudra pour ses circuits électroniques et de l’indium dans l’écran. On tolère tout à fait cette importation de matières venues de gérer au mieux ! On va devoir mettre nos priorités là où on utilise aussi des minerais dans le domaine du développement l’étranger et extraites dans des conditions pour le moins le juge pertinent… durable : du lithium pour les batteries, du néodyme pour critiquables. Pourtant, la Belgique a une grande tradition les aimants des éoliennes, de sélénium et de l’indium pour d’extraction de minerais à travers de grands entreprises O : Quel rôle peut jouer l’Université face à cette situation ? les panneaux photovoltaïques, etc. L’extraction minière est comme Umicore, Solvay, Prayon, Carmeuse, Lhoist. Et des J.Y. : Nous devons expertiser, enseigner et vulgariser donc fort sollicitée, y compris pour les énergies et produits gisements potentiels existent. cette problématique des ressources de notre sous-sol, et renouvelables, ainsi que dans le High-Tech. À l’avenir, dans ce, au travers de plusieurs points de vue : une approche cette période de transition, plusieurs études estiment qu’un O : Va-t-on vers une pénurie de ces ressources ? pluridisciplinaire est donc requise. Nous nous attelons à kWh produit par une centrale éolienne, ou par des panneaux J.Y. : On peut dire d’une ressource qu’elle est renouvelable la recherche fondamentale et appliquée, en décrivant les photovoltaïques, consomme 15 fois plus de béton, entre 20 quand son renouvellement au cours du temps par les modes de formation de gisements de matières premières, et 50 fois plus de cuivre, 90 fois plus d’aluminium. processus naturels équilibre au moins sa consommation dans le monde. C’est ce que font plusieurs doctorants à par l’homme. Les ressources du sous-sol ne sont donc pas l’UNamur. Nous expertisons également pour des sociétés O : Qu’en-est-t-il de cette extraction chez nous, mais renouvelables : leur vitesse de (re)constitution est évidement minières et des administrations et conscientisons le public, aussi à travers le monde ? bien supérieure à la vitesse actuelle de consommation. aux méthodes d’exploitation à travers le monde. Des colla- J.Y. : On dénombre environ 150 carrières inscrites en zone Néoformer un gisement de cuivre par exemple, prend des borations avec d’autres secteurs (historiens, économistes, d’extraction au plan de secteur en Wallonie. Ce qui veut dire millions d’années… Mais le risque de pénurie reste limité, sociologues, etc.) sont maintenant à envisager… qu’on a une carrière dans chaque carré de dix kilomètres car d’une part, nous n’utilisons pas les mêmes matières de côté. Mais nous n’exploitons plus de métaux en Wallonie en permanence et d’autre part, des gisements existent à Propos recueillis par depuis plusieurs décennies. On a arrêté l’extraction du zinc travers le monde, y compris en Wallonie. Il y a là une incurie Noëlle Joris 4I I DÉCEMBRE 2017
Eurêka! Les médicaments, pollueurs de la Meuse? Quel impact les médicaments ont-ils sur les organismes vivants, et plus indirectement sur l’homme ? Comment améliorer à terme l’efficacité des stations d’épuration installées tout au long du fleuve ? C’est l’objectif d’un projet de recherche, mené notamment par Patrick Kestemont, auquel l’Université de Namur participe : DIADeM. Elle en est le principal partenaire belge. E n tout, plus de 100000 substances chimiques sont Comment réagissent les truites ? déversées aujourd’hui dans nos cours d’eau, dont Pour cela, ces organismes vont être placés dans de grandes 3 000 sont d’origine pharmaceutique. Ces molé- cages placées à certains endroits du fleuve préalablement cules sont de natures diverses : le paracétamol définis, une vingtaine au total. À chaque station, un végétal, (antalgique), la carbamazépine (neuroleptique), un invertébré et un vertébré seront analysés. L’équipe de l’irbesartan (régulateur de tension), le naproxène l’UNamur se penche plus spécifiquement sur les truites. La ou encore le diclofénac (anti-inflammatoires). Leur toxicité durée d’exposition de ces êtres à l’eau de la Meuse et aux sur les organismes aquatiques reste peu connue. « On se substances pharmaceutiques est de trois à six semaines rend compte que les fleuves sont très impactés par les environ. « Elles seront ensuite reprises en laboratoire. communautés urbaines. Des millions d’habitants y rejettent Nous examinerons deux choses : quelles molécules sont leurs eaux usées », explique Patrick Kestemont, professeur présentes dans les organismes, et la variation de cette au Département de biologie à l’UNamur et co-responsable présence en fonction du placement de la cage », décrit de l'institut ILEE (Institute of Life-Earth-Environnement). Patrick Kestemont. La première phase du projet, lancée « Les stations d’épuration actuelles sont conçues pour début 2017, a permis d'examiner l’effet « cocktail » de tous retenir les grands polluants organiques tels que les excès ces produits sur les organismes. « Individuellement, chaque de carbone, de phosphore ou d’azote. Elles n’ont pas été substance est présente en faible quantité, mais dans l’eau, prévues pour retenir les substances dites émergentes, les truites sont en contact avec toutes les molécules. Pour c’est-à-dire les molécules autrefois négligées mais qui ont connaître cet effet potentiellement synergique sur leurs aussi un impact sur l’environnement ». biomarqueurs, on a soumis les organismes à une faible dose de ce cocktail, puis à la dose présente dans la Meuse, Les organismes vivants à la loupe ensuite à celle-ci multipliée par dix et enfin par cent ». Or, ces substances ont un effet certain sur l’environnement, et un impact pour l’homme. Une étude récente réalisée par la Améliorer les futures stations d’épuration Société Wallonne Des Eaux (partenaire du projet DIADeM), En octobre, des tests ont été réalisés sur le terrain. Les a objectivé les molécules pharmaceutiques présentes dans scientifiques ont essayé de déterminer les meilleurs endroits la Meuse ainsi que leurs concentrations. « Ces données ont géographiques pour le placement de grandes cages : en montré que les concentrations de médicaments en termes aval de la station d’épuration de Beez, en amont de Namur de toxicité chronique sont faibles, mais il faut être vigilant (dans le quartier de La Plante), puis juste après la confluence car c’est dans la durée que la toxicité peut être importante avec la Sambre. Les premières cages ont été placées, en pour les organismes vivants », explique l’éco-toxicologue. guise de test. L’installation définitive pour l’exposition des Le projet DIADeM analyse les effets de ces concentrations organismes se déroulera dans le courant 2018. Une fois sur les êtres qui composent la Meuse (en amont de Namur, les analyses réalisées et les premiers résultats obtenus, côté français et belge) et ses affluents (la Semois et la le projet DIADeM a pour objectif de développer des outils Sambre) : des mousses aquatiques, des petits crustacés, de diagnostic ainsi que des techniques qui permettront de des épinoches (petits poissons) ou encore des truites. On mesurer à l’avenir les effets des substances pharmaceutiques les appelle les organismes « sentinelles ». « Nous allons sur les organismes vivants. Ces outils d’aide à la décision suivre différents biomarqueurs. Ce sont des indicateurs sont destinés aux organismes publics environnementaux. qui vont nous montrer s’il y a un impact sur leurs systèmes Enfin, les scientifiques réaliseront des modélisations à immunitaire, reproducteur, nerveux ou énergétique. Ces l’échelle de l’environnement afin d’obtenir des prédictions effets dépendront sûrement des sites où ces êtres auront fiables. « Cela nous permettra de dire : si on augmente les été placés au préalable : en amont ou en aval des stations concentrations des produits pharmaceutiques dans les d’épuration ou des villes comme Namur, Bouillon ou cours d’eau, il faut s’attendre à tel ou tel effet sur les espèces Charleville-Mézières », ajoute Patrick Kestemont. animales », conclut Patrick Kestemont. S.A. DIADeM, UN PROJET INTERREG L’équipe UNamur impliquée Le projet DIADeM (Développement d’une approche Intégrée dans DIADeM pour le diagnostic de la qualité des eaux de la Meuse), d’une durée de trois ans, est issu d’un programme Interreg France-Wal- L’ÉQUIPE DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE : lonie-Vlaanderen réunissant des partenaires transfrontaliers • Patrick Kestemont : professeur en biologie et membre de l’URBE développant une approche intégrée : des universités, des centres de recherche, des acteurs (Unité de Recherche en Biologie Environnementale et Évolutive) de l’eau et des acteurs de culture scientifique et de diffusion des connaissances. Il est • Frederik De Laender : professeur en biologie et membre de financé à 50 % par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), à hauteur l’URBE de 1,1 million d’euros, pour un budget total de 2,3 millions d’euros. Les partenaires opéra- • Mélodie Schmitz : post-doctorante (URBE) teurs, outre l’UNamur, sont : l’Université de Reims Champagne-Ardennes (coordinatrice), • Marie Fouarge : technicienne (URBE) l’Université de Liège (campus d’Arlon), la SWDE, l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques, l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour L’ÉQUIPE DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE : l’environnement et l’agriculture, le CER GROUPE, et l’EPAMA-EPTB Meuse. Les partenaires • Le Confluent des Savoirs (mise en place d’animations familiales associés : la Société Publique de Gestion des Eaux, ACCUSTICA (ACteurs de la CUlture et scolaires : Isabelle Deheneffe, Justine Fromentin) Scientifique, Technique et Industrielle en Champagne-Ardenne), l’Agence de l’Eau Rhin- • Le Service Audiovisuel (vidéos sur les différentes phases de la Meuse, le Contrat de Rivière Semois-Chiers, le Contrat de Rivière Haute-Meuse, le Contrat recherche menées en laboratoire et en conditions réelles, par de Rivière Sambre et Affluents et Ardenne Métropole. exemple le placement des cages dans la Meuse) © Geoffroy Libert DÉCEMBRE 2017 I I5
Impact © Nicolas Mine TEDx, des conférences pas comme les autres Géraldine Mathieu, chargée d'enseignement à l'UNamur, lors du TEDx UNamur 2017 « Des idées qui valent la peine d’être diffusées ». C’est sous ce slogan que les conférences TEDx partent à la conquête du public aux quatre coins du monde en renouvelant le genre des conférences. Depuis trois ans, l’Université de Namur s’est, elle aussi, lancée dans l’aventure en organisant son propre TEDx. Le prochain rendez-vous aura lieu le 28 février. Que se cache-t-il derrière ces quatre lettres ? Quel est le concept de ces conférences ? Quel est leur succès ? Présentation d’un phénomène qui séduit un large public. C hoisissez un thème. Prenez une dizaine d’interve- à condition de respecter scrupuleusement la charte TED Aujourd’hui, c’est une équipe d’une vingtaine de personnes nants, des « speakers » dans le jargon, venant de pour conserver l’esprit particulier de ces conférences. emmenée par Marie-Aline, composée d’étudiants issus de tous horizons. Donnez-leur à chacun maximum 18 « C’est une étudiante en droit qui est venue me présenter toutes les facultés et de membres du Service Audiovisuel minutes de temps de parole. Bannissez toute note ou ce concept et m’a suggéré d’en organiser un à l’UNamur. de l’UNamur, qui travaille à l’élaboration du troisième TEDx autre support et optez pour un discours spontané. Cela pouvait tout à fait s’inscrire dans les missions de UNamur qui se tiendra en février prochain (lire ci-contre). Filmez le tout et retransmettez-le ensuite sur les service à la société de l’Université. On s’est donc lancé Leur principale tâche : trouver des speakers « inspirants ». réseaux sociaux tels Youtube. Et vous obtenez une confé- dans l’aventure avec un groupe de quatre étudiants », « Les propositions de noms ne manquent pas. Mais le rence TED. « TED » pour « Technology, Entertainment and explique Marie-Aline Fauville, responsable du Quai 22, plus difficile est de respecter un équilibre d’une part Design ». Trois thématiques privilégiées par ce concept né en le centre culturel de l’Université et organisatrice du TEDx entre des personnes issues de la sphère scientifique et 1984 en Californie, à l’initiative d’un entrepreneur américain UNamur. La première édition se déroule en février 2016 des personnes qui ont une expérience de vie à raconter. qui a voulu créer un moment d’échange d’idées innovantes avec l’objectif d’atteindre un public de cent personnes. D’autre part, entre des orateurs provenant de la Fédération pouvant inspirer le public, méritant d’être partagées et ayant « Mais nous avons très vite été sold out et nous avons dû Wallonie-Bruxelles et de Namur plus particulièrement, et pour but d’améliorer la société. En quelques années, l’initia- refuser des inscriptions », précise Marie-Aline Fauville. des personnes venant de l’extérieur », explique Marie-Aline tive est devenue un phénomène international, organisé par L’année suivante, en 2017, l’ambition est donc revue à la Fauville. C’est ce brassage d’horizons, d’expériences, de l’association à but non lucratif « The Sapling foundation ». hausse. Direction l’amphithéâtre Vauban, le plus grand connaissances, qui fait la réussite des conférences TED à Désormais, TED fait monter sur scène les grands de ce monde auditoire de l’UNamur, avec un thème dans l’ère du temps : travers le monde. Et si les deux éditions précédentes ont comme Bill Gates, Bill Clinton ou Julian Assange, et attirent « Humain 2.0 ». Résultat ? Un succès ! Avec 14 speakers principalement accueilli un public étudiant, le TEDx de les foules mais aussi des milliards d’internautes visionnant d’horizons différents dont le neurologue flamand Steven l’UNamur se veut ouvert à tous. À tous ceux qui souhaitent les « talks » des « speakers ». Laureys (Prix Francqui 2017), le performeur suisse Yann faire le plein d’idées novatrices ! Un phénomène que l’Université de Namur a pu intégrer il Marussich, la bloggeuse belge et érotique Nora Gaspard, y a trois ans grâce au principe du TEDx. Il permet d’orga- ou encore le biologiste Idriss Aberkane. Et avec près de niser l’évènement indépendamment de l’organisme officiel 700 spectateurs, et 20 000 vues en moyenne par vidéo. Noëlle Joris « Way of life » : le thème de l’édition 2018 Entretenir le suspense et amener le public à se laisser surprendre, est une des autres caractéris- tiques des conférences TED. C’est pourquoi, le programme complet de la conférence n’est dévoilé qu’au compte-goutte jusqu’au jour J. Que peut-on donc déjà dire du TEDx 2018 de l’UNamur ? La conférence se déroulera le mercredi 28 février de 16h à 22h à l’auditoire Vauban. Elle se déclinera autour d’un thème : « Way of Life ». Parmi la dizaine de speakers qui seront présents, on peut déjà annoncer Karine Van Doninck, biologiste et professeure à l’UNamur ainsi que Jérémie Pichon, papa de la Zéro déchet Family. Ensuite, pour la première fois en Belgique, une traduction intégrale et simultanée des talks sera proposée en langue des signes. L’évènement est organisé dans une logique du « Zéro déchet ». Et comme lors des éditions précédentes, des associations et partenaires seront présents avec différents stands. Citons par exemple la Croix-Rouge qui sensibilisera au don de sang et d’organes ou la Compagnie namuroise « Théâtre cœur de terre », qui proposera un dreamrecor- der. Le prix d’entrée sera de 22 euros pour les moins de 26 ans, et de 42,50 euros pour les autres. Infos : http://tedxunamur.com/ 6I I DÉCEMBRE 2017
©UWE-Alexis Taminiaux L’invité Olivier de Wasseige, Administrateur délégué et Directeur général UWE Tout est parti de la Faculté d'informatique de Namur ! Olivier de Wasseige vient de prendre les rênes de l'Union Wallonne des Entreprises (UWE). Une structure qu’il connaît bien puisqu'il participe au Conseil d’administration de l'UWE depuis 2001. Auparavant il est passé par IBM, il a ensuite créé sa propre « boîte », Defimedia, active dans les tech- nologies de l'information et de la communication, et hébergée, à l'époque, au Centre technologique de l'UNamur. C'est là que tout commence pour ce jeune étudiant de la Faculté d'informatique : une matière neuve en constante évolution et certains professeurs précurseurs lui inoculent un virus qui ne le quittera plus, celui de l'entrepreneuriat. Rencontre avec un « battant » de 55 ans qui attend beaucoup des universités. Omalius : En quoi les universités peuvent-elles être ont aussi leur place dans les conseils pédagogiques et il y a, à ma connaissance, très peu de sensibilisation à l'esprit utiles à une organisation comme l'UWE ? stratégiques. Ça commence à percoler : je suis par exemple d'entreprendre dans d'autres cursus. Pourtant, un étudiant Olivier de Wasseige : Elles sont utiles à plusieurs niveaux. invité par plusieurs universités dans ce type de cénacles, peut très bien avoir fait des études de communication ou D'abord parce que vous faites de la recherche fondamentale et ou pour donner des cours. On remarque que les étudiants de biologie et avoir envie de créer sa boite. Une avancée appliquée. C'est évidemment intéressant pour les entreprises apprécient beaucoup ces interventions. L'Université doit en la matière est la création du statut d’« étudiant-entre- de savoir sur quoi vous travaillez, de voir les benchmarkings aussi rester très vigilante quant aux métiers du futur. Ainsi, preneur » et des incubateurs. J'ai personnellement coaché que font les chercheurs. Le deu- nous avons pris beaucoup de retard une quinzaine de projets portés par environ 25 étudiants. xième point, c'est ce que vous en intelligence artificielle et en Big proposez comme formation, les tendances que vous impulsez à Aujourd'hui, on Data par rapport aux États-Unis, certainement en partie à cause du O. : La mixité « entreprises-universités », initiée dès 2002 par l'UNamur dans les missions de l’AWEX (Agence ce niveau. Cela nous donne des indications pour adapter notre a besoin d'une fait que nous avons été trop lents à former des spécialistes dans ces wallonne à l’exportation et aux investissements étran- gers) est-elle positive et efficace ? recrutement. Et puis, il y a bien sûr toutes les études qu'on peut adéquation parfaite matières. O.d.W. : Oui c'est très positif, beaucoup de contacts se nouent ainsi entre universités et entreprises. De plus, demander aux universités : en entre les ressources O. : Vous êtes un ancien de la l'AWEX peut servir de relais entre des universités belges et statistiques, en benchmarking, Faculté d'informatique de Namur, des entreprises étrangères et entre des entreprises belges par exemple. Ça a été le cas nécessaires aux votre formation s'est-elle révélée et des universités. notamment avec la Faculté de en phase avec les exigences de sciences économiques, sociales entreprises et la votre vie professionnelle ? O. : Qu'est-ce qui vous a le plus marqué lors de votre et de gestion de l’UNamur, à qui O.d.W. : Oui, parce que j'ai eu la passage dans notre université ? le Gouvernement wallon a régu- formation que les chance de pouvoir suivre une filière O.d.W. : C'est clairement le fait d'avoir pu travailler dans lièrement fait appel pour évaluer de sciences économiques qui menait une spin-off avant l'heure. J'ai réalisé mon mémoire avec les politiques régionales. étudiants reçoivent. à l'informatique. Ce mélange « infor- le professeur François Bodart qui avait co-créé une petite matique-économie » était unique à entreprise active dans l'informatique médicale, basée à O. : Dans un monde « idéal », l’époque ! C'est clairement cela qui Versailles… et qui m’a offert mon premier job ! Par la suite, qu'attendriez-vous des universités ? m'a orienté vers le monde de la gestion d'entreprise. Et on a créé une antenne belge chargée de commercialiser des O.d.W. : Ce que j'attends d'elles, c'est d'être beaucoup plus cela, avec des professeurs extraordinaires comme Charles produits développés par les professeurs Bodart et Hainaut. en phase avec nos référentiels « métiers ». Aujourd'hui, van Wymeersch en finances et François Bodart en infor- Plus tard, j'ai créé ma propre entreprise (Defimedia), dont le on a besoin d'une adéquation parfaite entre les ressources matique. Mon mémoire sur l'impact de l'informatique dans core-business est toujours aujourd'hui largement influencé nécessaires aux entreprises et la formation que les étu- les entreprises fut aussi un atout au niveau professionnel. par les projets menés au départ de partenariats avec des diants reçoivent. Il existe encore trop de situations où les professeurs de la Faculté d'informatique de l'UNamur. formations ne correspondent pas suffisamment aux besoins O. : Les universités sensibilisent-elles suffisamment des entreprises. Les universités doivent être davantage leurs étudiants à l'entrepreneuriat ? ouvertes à l'intervention d'extérieurs, de gens de terrain, O.d.W. : Pas encore assez. En dehors des cycles spécialisés au Propos recueillis par de patrons d'entreprise dans l'enseignement. Ces gens sein des départements de gestion des différentes universités, Olivier Hostens DÉCEMBRE 2017 I I7
Tomorrow Learn En VT, la recherche dès les BAC À l’UNamur, les étudiants sont invités à se former à la recherche dès les premières années de leur forma- tion. Au sein du Département de médecine vétérinaire, leur travail de fin d’étude (TFE) en BAC 3 consiste souvent à développer une question de recherche. Un statut spécifique d’étudiant-chercheur a même été créé. Unique en Fédération Wallonie-Bruxelles. O « n le sait, la recherche forme de bons scien- s’intéressant à l’ensemble des maladies affectant les tifiques. Elle forme aussi des praticiens vaisseaux sanguins, NDLR) du mouton destiné à l’ap- efficaces capables de prendre de bonnes déci- prentissage de cette matière par les étudiants : « Lors de sions médicales ». Jean-Michel Vandeweerd, cette belle expérience, l’autonomie était de mise. Outre la professeur au sein du Département de méde- partie bibliographique à réaliser seul, je devais également cine vétérinaire à l’UNamur et président de pratiquer des expériences en laboratoire pour évaluer la NARILIS (Institut de recherche en sciences de la vie) est un différence entre la littérature scientifique et la réalité », convaincu. Il a été l’un des premiers au sein de l’Université explique-t-il, « il ne faut pas éluder les difficultés que l’on à proposer à ses étudiants de BAC 2 de remplacer leur rencontre : trouver le bon point de départ dans la recherche, tradition travail bibliographique de fin d’études par une ou encore gérer son timing. Cela m’a appris à anticiper un approche pratique. « C’était en 2010. Au même moment, travail important, à rechercher des informations et à me un autre professeur de la Faculté des sciences, Stéphane remettre en question ». Lucas, officialisait le statut d’étudiant-chercheur. L’idée était de permettre à NARILIS de financer des projets de Un avantage pour l’avenir recherche menés par des étudiants. Nous voulions déve- Les résultats positifs rencontrés par ces expériences d’étu- lopper l’intérêt des jeunes pour la recherche le plus tôt diants-chercheurs sont tels que nombre d’entre eux ont été possible », ajoute-t-il. publiés (alors qu’ils n’étaient encore que bacheliers !). De nombreux étudiants ont également participé à des congrès Un intérêt croissant pour la recherche internationaux, rédigeant des abstracts (dans le domaine de Car il n’est pas nécessaire selon ce professionnel d’attendre la recherche, l’abstract est un sommaire scientifique résumant les masters et les thèses de doctorat pour commencer à Comment ça marche ? en une centaine de mots la problématique développée par la s’intéresser à la recherche. Il ne s’agit pas selon lui d’un Le statut d’étudiant-chercheur est-il accessible à tous ? question de recherche, NDLR). C’est le cas par exemple de exercice « à part » destiné aux (presque) diplômés, mais Oui, il n’y aucun préalable : « Ce n’est en rien lié aux résul- Charles de Chaisemartin, qui en tant qu’étudiant-chercheur bien d’un atout à développer très tôt dans sa formation. tats académiques de l’étudiant. Un jeune peut avoir un a pu réaliser une présentation lors d’un congrès à Vérone Il faut dire que la recherche n’était, jusqu’il y a peu, pas parcours qualifié de moyen sur le plan académique, et se (en Italie) l’été dernier : « Cette expérience est le fruit d’un très ancrée dans les esprits des étudiants. Une étude l’a montrer brillant dans la pratique de sa recherche ! », justifie choix personnel. Elle fournit des occasions de rencontrer prouvé. Réalisée en 2014 en Belgique auprès de 248 étu- Jean-Michel Vandeweerd. La motivation est le seul critère des personnes issues du milieu scientifique. Elle m’a aussi diants bacheliers vétérinaires, trois d’entre eux seulement d’accès. Plusieurs conditions sont toutefois nécessaires à permis d’apprendre à écrire et à présenter une recherche ». envisageaient de mener une carrière dans la recherche. la réussite du projet : le choix de la question de recherche Les avantages de cette pratique dont donc multiples : elle « À Namur, les esprits évoluent et c’est grâce au dispositif tout d’abord. « Souvent, les étudiants-chercheurs apportent renforce l’estime de soi des étudiants-chercheurs, elle d’étudiant-chercheur », explique Jean-Michel Vandeweerd, des thématiques originales. Le plus important, c’est que développe leur esprit critique et d’analyse, elle les met en « c’est parce que nous proposons une pédagogie centrée sur ce sujet soit réalisable en quelques mois. Ce n’est pas une contact avec des professionnels et bétonne leur curriculum la recherche que les étudiants développent un attrait pour thèse ! ». Julie Botman, par exemple, a développé en 2012 une vitae. Aujourd’hui, le statut d’étudiant-chercheur, en plus celle-ci ». Visiblement, il n’y a donc pas de secret. Est-ce si recherche encore jamais examinée au sein du Département d’être officialisé au sein de NARILIS, est bien ancré au sein évident ? Le coaching et le suivi réalisés par le promoteur de médecine vétérinaire sur l’anesthésie des volatiles. En du Département de médecine vétérinaire. « Ce statut doit sont primordiaux. Concrètement, les étudiants de BAC 2, outre, l’étudiant-chercheur doit aussi constituer une solide être encouragé », conclut Jean-Michel Vandeweerd, « on invités à réfléchir au travail de fin d’études qu’ils devront base bibliographique, pour ensuite se lancer concrètement constate qu’une nouvelle génération de jeunes praticiens présenter l’année suivante, peuvent le remplacer par une dans sa recherche. Pour cela, il peut compter sur l’équipe de voit le jour. Une génération de vétérinaires sensibles à question de recherche. Ce n’est pas obligatoire. « C’est une l’UNamur et de ses partenaires : techniciens en anatomie, l’approche critique, qui utilisent la recherche pour fonder bonne chose de laisser le choix aux étudiants », estime Julie technologues en radiologie, les équipes d’imagerie au CHU leurs décisions médicales. C’est un véritable changement Botman qui a connu l’expérience d’étudiant-chercheur il y Mont-Godinne etc. Enfin, vient le temps de la rédaction de mentalité ! ». a cinq ans, « on s’implique davantage dans sa formation de la synthèse de la recherche. Un fameux travail, comme et de façon plus agréable quand on le fait par choix plutôt le confirme Benjamin Godart. En 2014, il a rédigé en tant que par obligation ». qu’étudiant-chercheur un Atlas d’angiologie (discipline S.A. 8I I DÉCEMBRE 2017
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