Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur

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Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
M AG A Z I N E D E L’ U N I V E R S I T É D E N A M U R        N° 08 / DÉC EMB R E 2017

                                                                      Robotisation
                                                                        de la vie
                                                                            MENACE OU
                                                                           OPPORTUNITÉ ?

                                                                    Le développement technologique est indéniable. Les
                                                                    robots sont présents dans presque tous les aspects
                                                                    de notre vie quotidienne : dans nos tâches ménagères,
                                                                    dans les secteurs financiers et médicaux, dans le
                                                                    domaine de la défense ou dans celui du transport. On
                                                                    ne pourrait plus s’en passer. Mais leur usage pose une
                                                                    série de questions sur le plan technologique, juridique,
                                                                    socio-économique et bien sûr éthique. Les experts de
                                                                    l’Université de Namur y apportent un éclairage.

                                                                                                                Suite page 2
© Geoffroy Libert

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                    L'EXPERT                                    L'INVITÉ                                        L’ALUMNUS
                    Johan Yans                                  Olivier                                         Koen Lenaerts
                    Des minerais                                de Wasseige                                     De l'UNamur au
                    dans notre                                  Directeur général de l'Union                    top de l'Europe
                    quotidien                                   Wallonne des Entreprises
Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
Enjeux

     ROBOTISATION

Q
     DE LA VIE : menace
          Suite de la page 1                     ou opportunité
                   u’entend-on exactement par « robot » ? Une
                   foule d’idées reçues génèrent des malentendus
                   sur ce que sont ces machines. Benoît Frénay,
                   professeur à la Faculté d’informatique, nous en
                   donne la définition : « Le robot est un dispositif
                   alliant mécanique, électronique et informatique,
                                                                        avantages de la robotisation l’emportent certainement sur
                                                                        les inconvénients mais il faut que tout le monde y gagne ».
                                                                        La robotisation de la vie peut être vue, selon l’économiste,
                                                                        comme une opportunité pour notre société, « à condition
                                                                        qu’elle soit bien gérée collectivement ! » La réflexion est
                                                                        menée actuellement à différents échelons de la société,
                                                                                                                                                                              ?
                                                                                                                                             l’éducation et la formation des jeunes, selon
                                                                                                                                             Etienne de Callataÿ, pour leur apprendre à
                                                                                                                                             s’adapter au monde d’après-demain. Il fait
                                                                                                                                             sienne la formule « Apprendre à apprendre
                                                                                                                                             plus qu’apprendre tout court ». Une politique
                                                                                                                                             de redistribution doit aussi être mise en place :
     en ce compris de l’intelligence artificielle. Il est conçu pour    aussi bien dans les universités que dans les entreprises ou          « On pourrait imaginer la création d’un fonds
     reproduire des tâches imitant l’action humaine. Le terme           les administrations. Le Parlement européen s’est récem-              d’accompagnement pour les travailleurs dont
     robot est parfois galvaudé : il désigne souvent, par exten-        ment saisi de la question. En février 2017, il a adopté une          le métier aura été modifié par le développement
     sion, les logiciels autonomes qu’on retrouve par exemple           résolution reprenant des pistes de recommandations à                 technologique. Ce fonds serait à la fois actif via
     sur internet, aussi appelés agents logiciels. Cela peut créer      destination de la Commission européenne. « Cette résolution          l’accompagnement des travailleurs, et passif via le
     une certaine confusion, par exemple lorsqu’on parle en             a le mérite de lancer la réflexion », estime Hervé Jacquemin,        versement d’indemnisations ». Mais comment
     fait d’intelligences artificielles ». Le robot peut être plus      « elle pose une série de questions parfois très précises et          financer cette politique? Aujourd’hui, il n’existe
     ou moins mobile, et plus ou moins automatisé. Il ne s’agit         controversées comme la nécessité ou non de doter les                 pas de taxe sur les robots. Il en découle une
     donc pas seulement des robots humanoïdes auxquels                                                                                             concurrence déloyale entre robots et
     on pense quand on aborde cette thématique. « Ils                                                                                              travailleurs. « Il faut que notre sécurité
     sont en plein développement aujourd’hui : cela va du                                                                                          sociale soit financée de manière plus large
     robot tondeuse ou aspirateur, au robot envoyé dans                                                                                            que par le seul facteur travail, sur le principe de la
     l’espace pour explorer la planète Mars, ou bien encore                                                                                        valeur ajoutée. Or, cette valeur ajoutée vient à la fois
     les robots utilisés par les chirurgiens dans certaines                                                                                        des travailleurs mais aussi des machines ».
     opérations délicates, sans oublier les drones et les
     robots industriels », énumère Benoît Frénay. Les                                                                                                                   Une opportunité plutôt qu’une menace
     robots sont conçus pour aider l’homme dans des                                                                                                  Pour Hervé Jacquemin, il ne faut d’ailleurs pas nécessai-
     tâches ennuyeuses, fatigantes, voire dangereuses,                                                                                               rement considérer la robotisation de la vie comme une
                                                                                                                                             © Adobe Stock zapp2photo

     et ce de manière rapide et performante.                                                                                                         menace : « Elle peut rendre de très nombreux services
                                                                                                                                                     aux entreprises, aux citoyens et aux consommateurs,
                       Le cadre légal                                                                                                                en s’assurant que ceux-ci soient plus performants et
     L’homme profite donc de la robotisation pour se                                                                                                 mieux adaptés à leurs besoins ». Mais il nuance : « Il faut
     faciliter la vie au quotidien. Dans un avenir proche,                                                                                           être très attentif car on ne comprend pas toujours très
     il pourra s’asseoir dans un véhicule qu’il ne conduira                                                                                          bien toute la technologie sous-jacente aux machines
     pas, profitant par exemple du trajet vers son lieu de                                                                                           et aux robots, et ce qui explique tel comportement ou
     travail pour traiter ses e-mails. Les constructeurs                                                                                             telle décision. Il faut traduire le raisonnement d’une
     automobiles planchent aujourd’hui sur le développement             robots d’une personnalité électronique. Mais derrière ces            machine en raisonnement humain pour expliquer les choses
     de futurs aéronefs (les véhicules autonomes) qui détecte-          questionnements, il y a des développements technologiques            à l’utilisateur. Ce n’est pas facile, mais c’est nécessaire ! ». Et
     ront les ralentissements dans la circulation, les obstacles        qui ne s’arrêtent pas. Aussi, ne faut-il pas attendre que des        si la robotisation amène une série de questions juridiques
     éventuels… Mais que se passera-t-il en cas d’accident ?            problèmes surviennent pour déterminer la responsabilité,             ou bien encore éthiques (lire par ailleurs), il ne faut pas non
     C’est une question juridique à laquelle il faudra répondre,        les modalités d’indemnisations, l’obligation de s’assurer…           plus négliger le challenge technologique qu’elle représente :
     comme l’explique Hervé Jacquemin, chargé de cours à la             C’est le bon moment pour le faire ».                                 « Fondamentale ou appliquée, la recherche en informatique
     Faculté de droit (Centre de Recherche Information, Droit et                                                                             a un rôle primordial à jouer. Elle rend le développement
     Société) et avocat au barreau de Bruxelles : « On se deman-                         L’impact sur l’emploi                               technologique possible, tout en maîtrisant et comprenant
     dera légitimement qui est responsable : le conducteur, le          Au printemps 2017, l’IWEPS (l’Institut wallon de l’évaluation,       ce qui se passe à l’intérieur des machines. Pour garder la
     fabricant de la voiture ou celui du logiciel ? En droit, cette     de la prospective et de la statistique) a publié une étude esti-     main et se prémunir des inconvénients liés à la robotisation,
     question est primordiale car il faut protéger les victimes         mant l’impact potentiel de la digitalisation et de la robotisation   il faut sans cesse progresser en intelligence artificielle, sof-
     des dommages et garantir leur indemnisation ». Avec                de l’économie wallonne sur l’emploi. Elle montre qu’au total         tware engineering, interactions homme-machines, etc. »,
     la robotisation et le traitement d’une foule de données            564.000 emplois wallons pourraient être menacés dans les             conclut Benoît Frénay.
     captées par ces machines, de nombreuses matières sont              10 à 20 ans. Dans les métiers les plus à risque, on retrouve :
     concernées : la protection de la vie privée et des données         les services administratifs, le transport, l’agriculture et les
     à caractère personnel, le droit des contrats, le droit de la       industries extractives (ils pourraient disparaître). Suivent
     consommation… La liste est longue. En fait, l’ensemble du
     droit pourrait être mobilisé. Mais Hervé Jacquemin nuance :
                                                                        ensuite les métiers liés au commerce, à l’automobile, à l’in-
                                                                        dustrie manufacturière, aux administrations publiques, aux                          En savoir plus :
     « Aujourd’hui, il existe déjà des règles de droit susceptibles     banques et assurances, ou encore à la construction. Viennent
     de s’appliquer de manière efficace, il ne faut donc pas tout       enfin les secteurs tels que : la santé, l’action sociale, l’ensei-                  • Serge Abiteboul, Gilles Dowek, « Le temps des algorithmes »,
     révolutionner parce que la robotisation se développe. Ceci         gnement, l’Horeca, la culture ou encore la communication.                             Éditions Le Pommier, 2017.
     dit, il existe des domaines pour lesquels il reste des incerti-    Toutes ces professions devront s’adapter. Pour Etienne de                           • Contribution de Dominique Lambert au dossier
     tudes juridiques, et des réformes devraient le cas échéant         Callataÿ, il faut prendre en compte le fait que de nouveaux                           « The Humanization of Robots and the Robotization of the Human
     être envisagées pour les combler ».                                métiers vont apparaître en raison de la robotisation, et que,
                                                                                                                                                              Person. Ethical Reflections on Lethal Autonomous Weapons
                                                                        en libérant des ressources, celle-ci stimulera l’emploi dans
               Une réflexion globale à mener                            des secteurs classiques. Il ajoute : « Il serait faux de dire que
                                                                                                                                                              Systems and Augmented Soldiers », Genève, The Caritas In
     Le monde de l’industrie a depuis longtemps été touché par          l’évolution, puisqu’elle touchera aussi bien les cols bleus que                       Veritate Foundation Working Papers, November, 2017.
     l’installation de machines sur les lignes de montage. Les          les cols blancs, sera égalitaire. Non, tous les métiers ne seront                   • Dominique Lambert, « Les robots, les hommes et la paix.
     coûts humains ne sont pas à négliger. Etienne de Callataÿ,         pas affectés d’une façon égale, et il sera vraisemblablement                          Esquisse d’une évaluation éthique de la robotique contemporaine »,
     chargé de cours invité à l’UNamur et cofondateur d’Orcadia         plus facile pour un avocat de se reconvertir dans une autre                           Revue des Questions Scientifiques, 2015, p. 221-254.
     Asset Management, lance une mise en garde quant à l’impact         activité s’il est remplacé par une machine, qu’un ouvrier
                                                                                                                                                            • Hervé Jacquemin et Alexandre De Streel (coord.),
     de la robotisation sur l’économie : le lien social ne doit pas     qualifié. Et cette situation désolante est un risque majeur
     être rompu. Il faut que la robotisation et l’intelligence arti-    pour la cohésion sociale ».                                                           « L’intelligence artificielle et le droit », Collection du CRIDS
     ficielle servent l’humain, et accompagnent les travailleurs                                                                                              n° 41, ouvrage publié à l’occasion du colloque organisé le
     dont le métier évolue avec le développement technolo-                            Une taxe sur les robots ?                                               20 octobre 2017 à l’UNamur.
     gique. « Toutes les professions ne seront pas remplacées           Quels sont donc les mécanismes qui peuvent être mis en                              • Regards croisés, « Dominique Lambert : doit-on avoir peur des
     du jour au lendemain par des robots, mais les mutations            place dans notre société pour s’assurer que tout le monde                             robots ? », Service audiovisuel de l’UNamur.
     risquent de générer des inégalités », explique-t-il, « les         tire profit de la robotisation ? Il faut tout d’abord améliorer

2I                     I DÉCEMBRE 2017
Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
Enjeux

                                                                                                                                                                                                         © Adobe Stock Alexey Ivanov
             Et l’humain, dans tout ça?
         Cette question se pose, légitimement, avec le développement des
         machines. L’homme et les robots sont-ils interchangeables? Dominique                                                                  Ce que l’UNamur
         Lambert est un expert en la matière. Ce professeur à l’UNamur, membre                                                                propose à ce sujet :
         de l’institut ESPHIN (Espace philosophique de Namur), docteur en
         physique et en philosophie, et par ailleurs membre de l’Académie
                                                                                                                                          • Une finalité spécialisée en Data Science
         Royale de Belgique, a été invité à prendre la parole aux Nations-                                                                  (30 crédits).
         Unies le 14 novembre dernier pour aborder les questions éthiques                                                                 • Un master en Informatique (60 ou 120 crédits),
         et légales concernant les armes létales autonomes.                                                                                 avec possibilité d’option « Informatique
                                                                                                                                            ambiante et mobile ».
                                                                                                                                          • Un master de spécialisation en Droit des

    D
                                                                                                                                            technologies de l’Information et de la
«            ans le cas où un pilote d’avion de ligne adopterait
                                                                                                                                            Communication (60 crédits).
             un comportement dangereux risquant de mener
             au crash de son appareil, on peut se poser cette                                                                             • Un certificat en management de la sécurité
             question : une machine autonome capable de                                                                                     des systèmes d'information.
             reprendre d’elle-même le contrôle de l’avion et                                                                              • Un certificat Interuniversitaire en Protection
    permettant ainsi de sauver plusieurs centaines de vie ne                                                                                des données à caractère personnel (Datasafe).
    serait-elle pas indispensable ? ». Dominique Lambert n’est
    pas un technophobe. Pour lui, le développement techno-                                                                                • Les instituts de recherche interdisciplinaires
    logique est le propre de l’homme. Mais cette technologie                                                                                de l’UNamur mènent des projets en lien avec la
    doit servir l’humanité. Et c’est justement l’humain qui doit                                                                            robotisation, que ce soit sur des thématiques
    se trouver au centre des réflexions quand on aborde la           reconnaître le timbre de la voix ou les expressions d’un               informatiques, juridiques, éthiques ou bien
    thématique des robots. « C’est très important de maintenir       visage. Mais ce n’est pas parce que l’on imite l’homme que             encore philosophiques. Citons l’institut
    l’humain, pour garder la responsabilité de la décision. C’est    l’on est humain ! », nuance le philosophe. Tout l’enjeu réside         NADI (Namur Digital Institute), qui cherche à
    une question cruciale notamment par rapport aux armes            donc dans ce qui peut servir l’humanité et la dignité de la            apporter des solutions innovantes aux défis
    létales autonomes. Il faut être cohérent avec ce qui constitue   personne. Dans le cas des robots de compagnie utilisés dans            que pose la révolution digitale, et l’institut
    profondément l’humanité », explique-t-il. Mais qu’est-ce qui     les maisons de repos, ils peuvent représenter un avantage              ESPHIN (Espace philosophique de Namur),
    est le propre de l’homme ? La question est vaste : sa dignité,   s’ils sont utilisés en matière de télévigilance. Leur utilisa-         qui soutient également des travaux menés
    son intégrité corporelle, sa capacité à tisser des relations,    tion dans le seul but de réduire le personnel soignant est à           en collaboration avec la Fondation « Caritas
    sa liberté par exemple. Il y a aussi la créativité : l’homme,    éviter. Quant aux exosquelettes (des extensions motorisées             In Veritate » portant sur l’éthique des robots
    contrairement à la machine, peut à tout moment sortir des        portées par l’homme) : tant mieux s’ils peuvent redonner               autonomes armés et sur la question du soldat
    règles établies et faire quelque chose qui n’était pas prévu,    de la mobilité à une personne handicapée, mais ils sont à              augmenté.
    quelque chose de totalement inédit.                              éviter si c’est pour donner libre cours aux fantasmes de
                                                                     puissance d’un homme en bonne santé. Et que penser des
                   La cohérence humaine                              armes létales autonomes, capables de vider les actions            que l’on aille le plus loin possible dans le développement
    Ce qui fait l’homme, c’est aussi son individualité : une         importantes (décision de tuer, par exemple) de leur contenu       technologique, mais attention à toutes les dimensions
    machine pourra toujours être remplacée par une autre,            humain ? Selon Dominique Lambert, « des robots doués              humaines. L’homme augmenté ne serait-il pas au final un
    ce qui n’est pas vrai pour l’homme. Qu’en est-il des robots      d’une grande capacité d’autonomie et dotés de capacités           homme diminué s’il devenait esclave de la machine ? »,
    récemment arrivés sur le marché, qui seraient capables           létales sont à proscrire ! » Enfin, qu'en est-il des recherches   interroge Dominique Lambert.
    de ressentir des émotions ? « Certes, ces robots peuvent         à finalité civile ? « À titre personnel, je suis favorable à ce                                                Sophie Arcq

                                                                                                                                                     DÉCEMBRE 2017              I                   I3
Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
L’expert

                              Johan Yans

     Les minerais
     sont partout :
          l'avis du géologue

                                                                                                                                                                                                             © Geoffroy Libert
          De nos smartphones à la peinture sur nos murs, en passant par les aimants des éoliennes : la très grande majo-
          rité des objets de notre quotidien contiennent des matières premières issues du sous-sol. Quelles sont-elles ?
          Où et comment sont-elles exploitées ? Sont-elles renouvelables ? S’intéressant de près à la problématique de
          la genèse, de la disponibilité et des conditions d'exploitation des métaux dont dépendent la plupart des nou-
          velles technologies, Johan Yans, professeur au Département de géologie de l'UNamur et co-responsable d’ILEE
          (Institute of Life, Earth and Environment), livre son expertise de géologue.

     Omalius : En quoi les minerais font-ils partie de notre            et du plomb au milieu du XXe siècle, et le dernier gisement       et non pas une pénurie comme souvent mentionné dans
     quotidien ?                                                        de baryte en 1994. Quand on parle d’extraction en Wallonie,       les médias : on ne se donne pas les moyens d’aller chercher
     Johan Yans : Depuis l’Âge de la pierre, ce qui caractérise une     on pense au charbon qui a été exploité jusqu’en 1984. Mais        ces minerais « locaux ». Parce que la population n’est pas
     société humaine ce sont les minerais, les techniques et les        le charbon est encore abondamment extrait (et utilisé) dans       prête à avoir une mine à côté de chez soi. C’est le réflexe
     produits. C’est la raison pour laquelle on a divisé le temps       le monde. On exploite aussi de très nombreuses matières           NIMBY : « Not In My BackYard ». Cependant, nous n’avons
     en Paléolithique, Mésolithique, Néolithique, Âge du cuivre,        premières, y compris des métaux. Les conditions environne-        plus aujourd’hui des minerais qui contiennent des teneurs
     Âge de bronze, Âge du fer, Âge des combustibles fossiles.          mentales, sociales et sociétales et les gains qui en découlent,   très élevées en métaux et l’accès aux futurs gisements sera
     Aujourd’hui nous serions dans une période de transition :          ne sont pas les mêmes qu’en Belgique. Par exemple, selon          de plus en plus compliqué (davantage profond ou dans
     l’Âge dit « de l’électron ». Elle se caractérise par une extrême   la Banque mondiale, 60 à 90 % des minerais extraits en            des conditions difficiles). Un minerai de plomb ce n’est
     diversification des matières premières extraites et utilisées      République Démocratique du Congo le sont selon des voies          pas 50 % de plomb mais un, deux, voire trois % de plomb.
     dans le monde. On extrait bien sûr des minerais à la base des      « artisanales », c’est-à-dire par des creuseurs qui de leurs      Cela veut dire qu’il faut éliminer tout le reste. Donc le coût
     92 éléments stables sur Terre mais également des matières          mains creusent des galeries, en retirent quelques dizaines        d’extraction et du traitement des minerais augmente.
     premières comme des sables, des calcaires, des dolomies,           de kilos de minerais, les vendent à des réseaux « paral-          Donc le coût de nos matières premières aussi. Même si on
     etc. La très grande majorité des objets utilisés de nos jours      lèles » qui font ensuite sortir cette matière du Congo. Ces       améliore nos techniques. De plus, l’extraction génère des
     sont constitués de matières premières issues du sous-sol.          minerais seront ensuite valorisés, notamment par le biais         nuisances (certes limitées car contrôlée, dans nos régions,
     Le smartphone, par exemple, contient notamment du tantale          de grandes sociétés européennes. En Europe, la population         par l’administration – ce n’est pas le cas partout) qu’il faudra
     pour ses circuits électroniques et de l’indium dans l’écran. On    tolère tout à fait cette importation de matières venues de        gérer au mieux ! On va devoir mettre nos priorités là où on
     utilise aussi des minerais dans le domaine du développement        l’étranger et extraites dans des conditions pour le moins         le juge pertinent…
     durable : du lithium pour les batteries, du néodyme pour           critiquables. Pourtant, la Belgique a une grande tradition
     les aimants des éoliennes, de sélénium et de l’indium pour         d’extraction de minerais à travers de grands entreprises          O : Quel rôle peut jouer l’Université face à cette situation ?
     les panneaux photovoltaïques, etc. L’extraction minière est        comme Umicore, Solvay, Prayon, Carmeuse, Lhoist. Et des           J.Y. : Nous devons expertiser, enseigner et vulgariser
     donc fort sollicitée, y compris pour les énergies et produits      gisements potentiels existent.                                    cette problématique des ressources de notre sous-sol, et
     renouvelables, ainsi que dans le High-Tech. À l’avenir, dans                                                                         ce, au travers de plusieurs points de vue : une approche
     cette période de transition, plusieurs études estiment qu’un       O : Va-t-on vers une pénurie de ces ressources ?                  pluridisciplinaire est donc requise. Nous nous attelons à
     kWh produit par une centrale éolienne, ou par des panneaux         J.Y. : On peut dire d’une ressource qu’elle est renouvelable      la recherche fondamentale et appliquée, en décrivant les
     photovoltaïques, consomme 15 fois plus de béton, entre 20          quand son renouvellement au cours du temps par les                modes de formation de gisements de matières premières,
     et 50 fois plus de cuivre, 90 fois plus d’aluminium.               processus naturels équilibre au moins sa consommation             dans le monde. C’est ce que font plusieurs doctorants à
                                                                        par l’homme. Les ressources du sous-sol ne sont donc pas          l’UNamur. Nous expertisons également pour des sociétés
     O : Qu’en-est-t-il de cette extraction chez nous, mais             renouvelables : leur vitesse de (re)constitution est évidement    minières et des administrations et conscientisons le public,
     aussi à travers le monde ?                                         bien supérieure à la vitesse actuelle de consommation.            aux méthodes d’exploitation à travers le monde. Des colla-
     J.Y. : On dénombre environ 150 carrières inscrites en zone         Néoformer un gisement de cuivre par exemple, prend des            borations avec d’autres secteurs (historiens, économistes,
     d’extraction au plan de secteur en Wallonie. Ce qui veut dire      millions d’années… Mais le risque de pénurie reste limité,        sociologues, etc.) sont maintenant à envisager…
     qu’on a une carrière dans chaque carré de dix kilomètres           car d’une part, nous n’utilisons pas les mêmes matières
     de côté. Mais nous n’exploitons plus de métaux en Wallonie         en permanence et d’autre part, des gisements existent à                                                   Propos recueillis par
     depuis plusieurs décennies. On a arrêté l’extraction du zinc       travers le monde, y compris en Wallonie. Il y a là une incurie                                                    Noëlle Joris

4I                     I DÉCEMBRE 2017
Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
Eurêka!

                              Les médicaments,
                            pollueurs de la Meuse?
                    Quel impact les médicaments ont-ils sur les organismes vivants, et plus indirectement sur l’homme ? Comment
                    améliorer à terme l’efficacité des stations d’épuration installées tout au long du fleuve ? C’est l’objectif d’un
                    projet de recherche, mené notamment par Patrick Kestemont, auquel l’Université de Namur participe : DIADeM.
                    Elle en est le principal partenaire belge.

                                                                   E
                                                                                     n tout, plus de 100000 substances chimiques sont              Comment réagissent les truites ?
                                                                                     déversées aujourd’hui dans nos cours d’eau, dont      Pour cela, ces organismes vont être placés dans de grandes
                                                                                     3 000 sont d’origine pharmaceutique. Ces molé-        cages placées à certains endroits du fleuve préalablement
                                                                                     cules sont de natures diverses : le paracétamol       définis, une vingtaine au total. À chaque station, un végétal,
                                                                                     (antalgique), la carbamazépine (neuroleptique),       un invertébré et un vertébré seront analysés. L’équipe de
                                                                                     l’irbesartan (régulateur de tension), le naproxène    l’UNamur se penche plus spécifiquement sur les truites. La
                                                                         ou encore le diclofénac (anti-inflammatoires). Leur toxicité      durée d’exposition de ces êtres à l’eau de la Meuse et aux
                                                                         sur les organismes aquatiques reste peu connue. « On se           substances pharmaceutiques est de trois à six semaines
                                                                         rend compte que les fleuves sont très impactés par les            environ. « Elles seront ensuite reprises en laboratoire.
                                                                         communautés urbaines. Des millions d’habitants y rejettent        Nous examinerons deux choses : quelles molécules sont
                                                                         leurs eaux usées », explique Patrick Kestemont, professeur        présentes dans les organismes, et la variation de cette
                                                                         au Département de biologie à l’UNamur et co-responsable           présence en fonction du placement de la cage », décrit
                                                                         de l'institut ILEE (Institute of Life-Earth-Environnement).       Patrick Kestemont. La première phase du projet, lancée
                                                                         « Les stations d’épuration actuelles sont conçues pour            début 2017, a permis d'examiner l’effet « cocktail » de tous
                                                                         retenir les grands polluants organiques tels que les excès        ces produits sur les organismes. « Individuellement, chaque
                                                                         de carbone, de phosphore ou d’azote. Elles n’ont pas été          substance est présente en faible quantité, mais dans l’eau,
                                                                         prévues pour retenir les substances dites émergentes,             les truites sont en contact avec toutes les molécules. Pour
                                                                         c’est-à-dire les molécules autrefois négligées mais qui ont       connaître cet effet potentiellement synergique sur leurs
                                                                         aussi un impact sur l’environnement ».                            biomarqueurs, on a soumis les organismes à une faible
                                                                                                                                           dose de ce cocktail, puis à la dose présente dans la Meuse,
                                                                                Les organismes vivants à la loupe                          ensuite à celle-ci multipliée par dix et enfin par cent ».
                                                                         Or, ces substances ont un effet certain sur l’environnement,
                                                                         et un impact pour l’homme. Une étude récente réalisée par la       Améliorer les futures stations d’épuration
                                                                         Société Wallonne Des Eaux (partenaire du projet DIADeM),          En octobre, des tests ont été réalisés sur le terrain. Les
                                                                         a objectivé les molécules pharmaceutiques présentes dans          scientifiques ont essayé de déterminer les meilleurs endroits
                                                                         la Meuse ainsi que leurs concentrations. « Ces données ont        géographiques pour le placement de grandes cages : en
                                                                         montré que les concentrations de médicaments en termes            aval de la station d’épuration de Beez, en amont de Namur
                                                                         de toxicité chronique sont faibles, mais il faut être vigilant    (dans le quartier de La Plante), puis juste après la confluence
                                                                         car c’est dans la durée que la toxicité peut être importante      avec la Sambre. Les premières cages ont été placées, en
                                                                         pour les organismes vivants », explique l’éco-toxicologue.        guise de test. L’installation définitive pour l’exposition des
                                                                         Le projet DIADeM analyse les effets de ces concentrations         organismes se déroulera dans le courant 2018. Une fois
                                                                         sur les êtres qui composent la Meuse (en amont de Namur,          les analyses réalisées et les premiers résultats obtenus,
                                                                         côté français et belge) et ses affluents (la Semois et la         le projet DIADeM a pour objectif de développer des outils
                                                                         Sambre) : des mousses aquatiques, des petits crustacés,           de diagnostic ainsi que des techniques qui permettront de
                                                                         des épinoches (petits poissons) ou encore des truites. On         mesurer à l’avenir les effets des substances pharmaceutiques
                                                                         les appelle les organismes « sentinelles ». « Nous allons         sur les organismes vivants. Ces outils d’aide à la décision
                                                                         suivre différents biomarqueurs. Ce sont des indicateurs           sont destinés aux organismes publics environnementaux.
                                                                         qui vont nous montrer s’il y a un impact sur leurs systèmes       Enfin, les scientifiques réaliseront des modélisations à
                                                                         immunitaire, reproducteur, nerveux ou énergétique. Ces            l’échelle de l’environnement afin d’obtenir des prédictions
                                                                         effets dépendront sûrement des sites où ces êtres auront          fiables. « Cela nous permettra de dire : si on augmente les
                                                                         été placés au préalable : en amont ou en aval des stations        concentrations des produits pharmaceutiques dans les
                                                                         d’épuration ou des villes comme Namur, Bouillon ou                cours d’eau, il faut s’attendre à tel ou tel effet sur les espèces
                                                                         Charleville-Mézières », ajoute Patrick Kestemont.                 animales », conclut Patrick Kestemont.
                                                                                                                                                                                                       S.A.

                               DIADeM, UN PROJET INTERREG                                                                       L’équipe UNamur impliquée
                    Le projet DIADeM (Développement d’une approche Intégrée
                                                                                                                                       dans DIADeM
                    pour le diagnostic de la qualité des eaux de la Meuse), d’une
                    durée de trois ans, est issu d’un programme Interreg France-Wal-                                         L’ÉQUIPE DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE :
                    lonie-Vlaanderen réunissant des partenaires transfrontaliers                                             • Patrick Kestemont : professeur en biologie et membre de l’URBE
                    développant une approche intégrée : des universités, des centres de recherche, des acteurs                 (Unité de Recherche en Biologie Environnementale et Évolutive)
                    de l’eau et des acteurs de culture scientifique et de diffusion des connaissances. Il est                • Frederik De Laender : professeur en biologie et membre de
                    financé à 50 % par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), à hauteur                          l’URBE
                    de 1,1 million d’euros, pour un budget total de 2,3 millions d’euros. Les partenaires opéra-             • Mélodie Schmitz : post-doctorante (URBE)
                    teurs, outre l’UNamur, sont : l’Université de Reims Champagne-Ardennes (coordinatrice),
                                                                                                                             • Marie Fouarge : technicienne (URBE)
                    l’Université de Liège (campus d’Arlon), la SWDE, l’Institut National de l’Environnement
                    Industriel et des Risques, l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour             L’ÉQUIPE DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE :
                    l’environnement et l’agriculture, le CER GROUPE, et l’EPAMA-EPTB Meuse. Les partenaires                  • Le Confluent des Savoirs (mise en place d’animations familiales
                    associés : la Société Publique de Gestion des Eaux, ACCUSTICA (ACteurs de la CUlture                       et scolaires : Isabelle Deheneffe, Justine Fromentin)
                    Scientifique, Technique et Industrielle en Champagne-Ardenne), l’Agence de l’Eau Rhin-                   • Le Service Audiovisuel (vidéos sur les différentes phases de la
                    Meuse, le Contrat de Rivière Semois-Chiers, le Contrat de Rivière Haute-Meuse, le Contrat                  recherche menées en laboratoire et en conditions réelles, par
                    de Rivière Sambre et Affluents et Ardenne Métropole.                                                       exemple le placement des cages dans la Meuse)
© Geoffroy Libert

                                                                                                                                                           DÉCEMBRE 2017                I                       I5
Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
Impact

                                                                                                                                                                                                      © Nicolas Mine
      TEDx, des conférences
      pas comme les autres

Géraldine Mathieu, chargée d'enseignement
à l'UNamur, lors du TEDx UNamur 2017

             « Des idées qui valent la peine d’être diffusées ». C’est sous ce slogan que les conférences TEDx partent à
             la conquête du public aux quatre coins du monde en renouvelant le genre des conférences. Depuis trois ans,
             l’Université de Namur s’est, elle aussi, lancée dans l’aventure en organisant son propre TEDx. Le prochain
             rendez-vous aura lieu le 28 février. Que se cache-t-il derrière ces quatre lettres ? Quel est le concept de ces
             conférences ? Quel est leur succès ? Présentation d’un phénomène qui séduit un large public.

C
                   hoisissez un thème. Prenez une dizaine d’interve-     à condition de respecter scrupuleusement la charte TED        Aujourd’hui, c’est une équipe d’une vingtaine de personnes
                   nants, des « speakers » dans le jargon, venant de     pour conserver l’esprit particulier de ces conférences.       emmenée par Marie-Aline, composée d’étudiants issus de
                   tous horizons. Donnez-leur à chacun maximum 18        « C’est une étudiante en droit qui est venue me présenter     toutes les facultés et de membres du Service Audiovisuel
                   minutes de temps de parole. Bannissez toute note ou   ce concept et m’a suggéré d’en organiser un à l’UNamur.       de l’UNamur, qui travaille à l’élaboration du troisième TEDx
                   autre support et optez pour un discours spontané.     Cela pouvait tout à fait s’inscrire dans les missions de      UNamur qui se tiendra en février prochain (lire ci-contre).
                   Filmez le tout et retransmettez-le ensuite sur les    service à la société de l’Université. On s’est donc lancé     Leur principale tâche : trouver des speakers « inspirants ».
        réseaux sociaux tels Youtube. Et vous obtenez une confé-         dans l’aventure avec un groupe de quatre étudiants »,         « Les propositions de noms ne manquent pas. Mais le
        rence TED. « TED » pour « Technology, Entertainment and          explique Marie-Aline Fauville, responsable du Quai 22,        plus difficile est de respecter un équilibre d’une part
        Design ». Trois thématiques privilégiées par ce concept né en    le centre culturel de l’Université et organisatrice du TEDx   entre des personnes issues de la sphère scientifique et
        1984 en Californie, à l’initiative d’un entrepreneur américain   UNamur. La première édition se déroule en février 2016        des personnes qui ont une expérience de vie à raconter.
        qui a voulu créer un moment d’échange d’idées innovantes         avec l’objectif d’atteindre un public de cent personnes.      D’autre part, entre des orateurs provenant de la Fédération
        pouvant inspirer le public, méritant d’être partagées et ayant   « Mais nous avons très vite été sold out et nous avons dû     Wallonie-Bruxelles et de Namur plus particulièrement, et
        pour but d’améliorer la société. En quelques années, l’initia-   refuser des inscriptions », précise Marie-Aline Fauville.     des personnes venant de l’extérieur », explique Marie-Aline
        tive est devenue un phénomène international, organisé par        L’année suivante, en 2017, l’ambition est donc revue à la     Fauville. C’est ce brassage d’horizons, d’expériences, de
        l’association à but non lucratif « The Sapling foundation ».     hausse. Direction l’amphithéâtre Vauban, le plus grand        connaissances, qui fait la réussite des conférences TED à
        Désormais, TED fait monter sur scène les grands de ce monde      auditoire de l’UNamur, avec un thème dans l’ère du temps :    travers le monde. Et si les deux éditions précédentes ont
        comme Bill Gates, Bill Clinton ou Julian Assange, et attirent    « Humain 2.0 ». Résultat ? Un succès ! Avec 14 speakers       principalement accueilli un public étudiant, le TEDx de
        les foules mais aussi des milliards d’internautes visionnant     d’horizons différents dont le neurologue flamand Steven       l’UNamur se veut ouvert à tous. À tous ceux qui souhaitent
        les « talks » des « speakers ».                                  Laureys (Prix Francqui 2017), le performeur suisse Yann       faire le plein d’idées novatrices !
        Un phénomène que l’Université de Namur a pu intégrer il          Marussich, la bloggeuse belge et érotique Nora Gaspard,
        y a trois ans grâce au principe du TEDx. Il permet d’orga-       ou encore le biologiste Idriss Aberkane. Et avec près de
        niser l’évènement indépendamment de l’organisme officiel         700 spectateurs, et 20 000 vues en moyenne par vidéo.                                                      Noëlle Joris

           « Way of life » : le thème de l’édition 2018
           Entretenir le suspense et amener le public à se laisser surprendre, est une des autres caractéris-
           tiques des conférences TED. C’est pourquoi, le programme complet de la conférence n’est dévoilé
           qu’au compte-goutte jusqu’au jour J. Que peut-on donc déjà dire du TEDx 2018 de l’UNamur ? La
           conférence se déroulera le mercredi 28 février de 16h à 22h à l’auditoire Vauban. Elle se déclinera
           autour d’un thème : « Way of Life ». Parmi la dizaine de speakers qui seront présents, on peut déjà
           annoncer Karine Van Doninck, biologiste et professeure à l’UNamur ainsi que Jérémie Pichon, papa
           de la Zéro déchet Family. Ensuite, pour la première fois en Belgique, une traduction intégrale et
           simultanée des talks sera proposée en langue des signes. L’évènement est organisé dans une logique
           du « Zéro déchet ». Et comme lors des éditions précédentes, des associations et partenaires seront
           présents avec différents stands. Citons par exemple la Croix-Rouge qui sensibilisera au don de sang
           et d’organes ou la Compagnie namuroise « Théâtre cœur de terre », qui proposera un dreamrecor-
           der. Le prix d’entrée sera de 22 euros pour les moins de 26 ans, et de 42,50 euros pour les autres.

                    Infos :
                    http://tedxunamur.com/

6I                        I DÉCEMBRE 2017
Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
©UWE-Alexis Taminiaux

                                                                                                                                                                                                              L’invité

                                                                                                                                          Olivier de Wasseige,
                                                                                                                                        Administrateur délégué et
                                                                                                                                         Directeur général UWE

                                                                                                                            Tout est parti
                                                                                                                                   de la Faculté
                                                                                                                                  d'informatique
                                                                                                                                     de Namur !
                                                                                                                                 Olivier de Wasseige vient de prendre les rênes
                                                                                                                                 de l'Union Wallonne des Entreprises (UWE). Une
                                                                                                                                 structure qu’il connaît bien puisqu'il participe au
                                                                                                                                 Conseil d’administration de l'UWE depuis 2001.
                                                                                                                                 Auparavant il est passé par IBM, il a ensuite créé sa
                                                                                                                                 propre « boîte », Defimedia, active dans les tech-
                                                                                                                                 nologies de l'information et de la communication,
                                                                                                                                 et hébergée, à l'époque, au Centre technologique
                                                                                                                                 de l'UNamur. C'est là que tout commence pour ce
                                                                                                                                 jeune étudiant de la Faculté d'informatique : une
                                                                                                                                 matière neuve en constante évolution et certains
                                                                                                                                 professeurs précurseurs lui inoculent un virus
                                                                                                                                 qui ne le quittera plus, celui de l'entrepreneuriat.
                                                                                                                                 Rencontre avec un « battant » de 55 ans qui attend
                                                                                                                                 beaucoup des universités.

                        Omalius : En quoi les universités peuvent-elles être            ont aussi leur place dans les conseils pédagogiques et            il y a, à ma connaissance, très peu de sensibilisation à l'esprit
                        utiles à une organisation comme l'UWE ?                         stratégiques. Ça commence à percoler : je suis par exemple        d'entreprendre dans d'autres cursus. Pourtant, un étudiant
                        Olivier de Wasseige : Elles sont utiles à plusieurs niveaux.    invité par plusieurs universités dans ce type de cénacles,        peut très bien avoir fait des études de communication ou
                        D'abord parce que vous faites de la recherche fondamentale et   ou pour donner des cours. On remarque que les étudiants           de biologie et avoir envie de créer sa boite. Une avancée
                        appliquée. C'est évidemment intéressant pour les entreprises    apprécient beaucoup ces interventions. L'Université doit          en la matière est la création du statut d’« étudiant-entre-
                        de savoir sur quoi vous travaillez, de voir les benchmarkings   aussi rester très vigilante quant aux métiers du futur. Ainsi,    preneur » et des incubateurs. J'ai personnellement coaché
                        que font les chercheurs. Le deu-                                                         nous avons pris beaucoup de retard       une quinzaine de projets portés par environ 25 étudiants.
                        xième point, c'est ce que vous                                                           en intelligence artificielle et en Big
                        proposez comme formation, les
                        tendances que vous impulsez à
                                                                       Aujourd'hui, on                           Data par rapport aux États-Unis,
                                                                                                                 certainement en partie à cause du
                                                                                                                                                          O. : La mixité « entreprises-universités », initiée dès
                                                                                                                                                          2002 par l'UNamur dans les missions de l’AWEX (Agence
                        ce niveau. Cela nous donne des
                        indications pour adapter notre
                                                                         a besoin d'une                          fait que nous avons été trop lents
                                                                                                                 à former des spécialistes dans ces
                                                                                                                                                          wallonne à l’exportation et aux investissements étran-
                                                                                                                                                          gers) est-elle positive et efficace ?
                        recrutement. Et puis, il y a bien
                        sûr toutes les études qu'on peut
                                                                   adéquation parfaite                           matières.                                O.d.W. : Oui c'est très positif, beaucoup de contacts se
                                                                                                                                                          nouent ainsi entre universités et entreprises. De plus,
                        demander aux universités : en               entre les ressources                        O. : Vous êtes un ancien de la            l'AWEX peut servir de relais entre des universités belges et
                        statistiques, en benchmarking,                                                          Faculté d'informatique de Namur,          des entreprises étrangères et entre des entreprises belges
                        par exemple. Ça a été le cas                    nécessaires aux                         votre formation s'est-elle révélée        et des universités.
                        notamment avec la Faculté de                                                            en phase avec les exigences de
                        sciences économiques, sociales                  entreprises et la                       votre vie professionnelle ?               O. : Qu'est-ce qui vous a le plus marqué lors de votre
                        et de gestion de l’UNamur, à qui                                                        O.d.W. : Oui, parce que j'ai eu la        passage dans notre université ?
                        le Gouvernement wallon a régu-                formation que les                         chance de pouvoir suivre une filière      O.d.W. : C'est clairement le fait d'avoir pu travailler dans
                        lièrement fait appel pour évaluer                                                       de sciences économiques qui menait        une spin-off avant l'heure. J'ai réalisé mon mémoire avec
                        les politiques régionales.                 étudiants reçoivent.                         à l'informatique. Ce mélange « infor-     le professeur François Bodart qui avait co-créé une petite
                                                                                                                matique-économie » était unique à         entreprise active dans l'informatique médicale, basée à
                        O. : Dans un monde « idéal »,                                                           l’époque ! C'est clairement cela qui      Versailles… et qui m’a offert mon premier job ! Par la suite,
                        qu'attendriez-vous des universités ?                            m'a orienté vers le monde de la gestion d'entreprise. Et          on a créé une antenne belge chargée de commercialiser des
                        O.d.W. : Ce que j'attends d'elles, c'est d'être beaucoup plus   cela, avec des professeurs extraordinaires comme Charles          produits développés par les professeurs Bodart et Hainaut.
                        en phase avec nos référentiels « métiers ». Aujourd'hui,        van Wymeersch en finances et François Bodart en infor-            Plus tard, j'ai créé ma propre entreprise (Defimedia), dont le
                        on a besoin d'une adéquation parfaite entre les ressources      matique. Mon mémoire sur l'impact de l'informatique dans          core-business est toujours aujourd'hui largement influencé
                        nécessaires aux entreprises et la formation que les étu-        les entreprises fut aussi un atout au niveau professionnel.       par les projets menés au départ de partenariats avec des
                        diants reçoivent. Il existe encore trop de situations où les                                                                      professeurs de la Faculté d'informatique de l'UNamur.
                        formations ne correspondent pas suffisamment aux besoins        O. : Les universités sensibilisent-elles suffisamment
                        des entreprises. Les universités doivent être davantage         leurs étudiants à l'entrepreneuriat ?
                        ouvertes à l'intervention d'extérieurs, de gens de terrain,     O.d.W. : Pas encore assez. En dehors des cycles spécialisés au                                            Propos recueillis par
                        de patrons d'entreprise dans l'enseignement. Ces gens           sein des départements de gestion des différentes universités,                                                 Olivier Hostens

                                                                                                                                                                         DÉCEMBRE 2017                I                       I7
Robotisation de la vie - MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - Université de Namur
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           En VT, la recherche dès les BAC
          À l’UNamur, les étudiants sont invités à se former à la recherche dès les premières années de leur forma-
          tion. Au sein du Département de médecine vétérinaire, leur travail de fin d’étude (TFE) en BAC 3 consiste
          souvent à développer une question de recherche. Un statut spécifique d’étudiant-chercheur a même été
          créé. Unique en Fédération Wallonie-Bruxelles.

O
«                    n le sait, la recherche forme de bons scien-                                                                        s’intéressant à l’ensemble des maladies affectant les
                     tifiques. Elle forme aussi des praticiens                                                                           vaisseaux sanguins, NDLR) du mouton destiné à l’ap-
                     efficaces capables de prendre de bonnes déci-                                                                       prentissage de cette matière par les étudiants : « Lors de
                     sions médicales ». Jean-Michel Vandeweerd,                                                                          cette belle expérience, l’autonomie était de mise. Outre la
                     professeur au sein du Département de méde-                                                                          partie bibliographique à réaliser seul, je devais également
                     cine vétérinaire à l’UNamur et président de                                                                         pratiquer des expériences en laboratoire pour évaluer la
     NARILIS (Institut de recherche en sciences de la vie) est un                                                                        différence entre la littérature scientifique et la réalité »,
     convaincu. Il a été l’un des premiers au sein de l’Université                                                                       explique-t-il, « il ne faut pas éluder les difficultés que l’on
     à proposer à ses étudiants de BAC 2 de remplacer leur                                                                               rencontre : trouver le bon point de départ dans la recherche,
     tradition travail bibliographique de fin d’études par une                                                                           ou encore gérer son timing. Cela m’a appris à anticiper un
     approche pratique. « C’était en 2010. Au même moment,                                                                               travail important, à rechercher des informations et à me
     un autre professeur de la Faculté des sciences, Stéphane                                                                            remettre en question ».
     Lucas, officialisait le statut d’étudiant-chercheur. L’idée
     était de permettre à NARILIS de financer des projets de                                                                                          Un avantage pour l’avenir
     recherche menés par des étudiants. Nous voulions déve-                                                                              Les résultats positifs rencontrés par ces expériences d’étu-
     lopper l’intérêt des jeunes pour la recherche le plus tôt                                                                           diants-chercheurs sont tels que nombre d’entre eux ont été
     possible », ajoute-t-il.                                                                                                            publiés (alors qu’ils n’étaient encore que bacheliers !). De
                                                                                                                                         nombreux étudiants ont également participé à des congrès
         Un intérêt croissant pour la recherche                                                                                          internationaux, rédigeant des abstracts (dans le domaine de
     Car il n’est pas nécessaire selon ce professionnel d’attendre                                                                       la recherche, l’abstract est un sommaire scientifique résumant
     les masters et les thèses de doctorat pour commencer à                            Comment ça marche ?                               en une centaine de mots la problématique développée par la
     s’intéresser à la recherche. Il ne s’agit pas selon lui d’un      Le statut d’étudiant-chercheur est-il accessible à tous ?         question de recherche, NDLR). C’est le cas par exemple de
     exercice « à part » destiné aux (presque) diplômés, mais          Oui, il n’y aucun préalable : « Ce n’est en rien lié aux résul-   Charles de Chaisemartin, qui en tant qu’étudiant-chercheur
     bien d’un atout à développer très tôt dans sa formation.          tats académiques de l’étudiant. Un jeune peut avoir un            a pu réaliser une présentation lors d’un congrès à Vérone
     Il faut dire que la recherche n’était, jusqu’il y a peu, pas      parcours qualifié de moyen sur le plan académique, et se          (en Italie) l’été dernier : « Cette expérience est le fruit d’un
     très ancrée dans les esprits des étudiants. Une étude l’a         montrer brillant dans la pratique de sa recherche ! », justifie   choix personnel. Elle fournit des occasions de rencontrer
     prouvé. Réalisée en 2014 en Belgique auprès de 248 étu-           Jean-Michel Vandeweerd. La motivation est le seul critère         des personnes issues du milieu scientifique. Elle m’a aussi
     diants bacheliers vétérinaires, trois d’entre eux seulement       d’accès. Plusieurs conditions sont toutefois nécessaires à        permis d’apprendre à écrire et à présenter une recherche ».
     envisageaient de mener une carrière dans la recherche.            la réussite du projet : le choix de la question de recherche      Les avantages de cette pratique dont donc multiples : elle
     « À Namur, les esprits évoluent et c’est grâce au dispositif      tout d’abord. « Souvent, les étudiants-chercheurs apportent       renforce l’estime de soi des étudiants-chercheurs, elle
     d’étudiant-chercheur », explique Jean-Michel Vandeweerd,          des thématiques originales. Le plus important, c’est que          développe leur esprit critique et d’analyse, elle les met en
     « c’est parce que nous proposons une pédagogie centrée sur        ce sujet soit réalisable en quelques mois. Ce n’est pas une       contact avec des professionnels et bétonne leur curriculum
     la recherche que les étudiants développent un attrait pour        thèse ! ». Julie Botman, par exemple, a développé en 2012 une     vitae. Aujourd’hui, le statut d’étudiant-chercheur, en plus
     celle-ci ». Visiblement, il n’y a donc pas de secret. Est-ce si   recherche encore jamais examinée au sein du Département           d’être officialisé au sein de NARILIS, est bien ancré au sein
     évident ? Le coaching et le suivi réalisés par le promoteur       de médecine vétérinaire sur l’anesthésie des volatiles. En        du Département de médecine vétérinaire. « Ce statut doit
     sont primordiaux. Concrètement, les étudiants de BAC 2,           outre, l’étudiant-chercheur doit aussi constituer une solide      être encouragé », conclut Jean-Michel Vandeweerd, « on
     invités à réfléchir au travail de fin d’études qu’ils devront     base bibliographique, pour ensuite se lancer concrètement         constate qu’une nouvelle génération de jeunes praticiens
     présenter l’année suivante, peuvent le remplacer par une          dans sa recherche. Pour cela, il peut compter sur l’équipe de     voit le jour. Une génération de vétérinaires sensibles à
     question de recherche. Ce n’est pas obligatoire. « C’est une      l’UNamur et de ses partenaires : techniciens en anatomie,         l’approche critique, qui utilisent la recherche pour fonder
     bonne chose de laisser le choix aux étudiants », estime Julie     technologues en radiologie, les équipes d’imagerie au CHU         leurs décisions médicales. C’est un véritable changement
     Botman qui a connu l’expérience d’étudiant-chercheur il y         Mont-Godinne etc. Enfin, vient le temps de la rédaction           de mentalité ! ».
     a cinq ans, « on s’implique davantage dans sa formation           de la synthèse de la recherche. Un fameux travail, comme
     et de façon plus agréable quand on le fait par choix plutôt       le confirme Benjamin Godart. En 2014, il a rédigé en tant
     que par obligation ».                                             qu’étudiant-chercheur un Atlas d’angiologie (discipline                                                                     S.A.

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