OSONS UNE VRAIE RÉFORME - DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE ! VERS UNE POLITIQUE AGRICOLE ET ALIMENTAIRE COMMUNE - La France Agricole
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OSONS UNE VRAIE RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE ! >>> VERS UNE POLITIQUE AGRICOLE ET ALIMENTAIRE COMMUNE
Photo de couverture : © Tomas Halasz, Greenpeace / Maquette : Claire Robert / Illustrations : Julia Klag, Icon made by Freepik from www.flaticon.com / Imprimerie : Delort (31) / Responsble de publication : Quentin Delachapelle / Septembre 2018
AVANT-PROPOS ET SOMMAIRE Sommaire PAGE 3 Demain, quel système agro-alimentaire pour quelle société ? Pourquoi réfléchir au système agro-alimentaire que l’on souhaite ?...................................... 3 >>> VERS UNE À quoi ressemble ce système AUTRE POLITIQUE agro-alimentaire souhaité ?....................................................... 5 AGRICOLE Territoires, emplois, environnement.............................................................. 5 © CIVAM de l’Oasis ET ALIMENTAIRE Alimentation, santé, bien-être animal............................................................ 6 COMMUNE Revenu, résilience, autonomie......................................................................... 7 Démocratie, solidarité, approche collective................................................. 8 Ce document est le fruit de long mois de concertation et d’échange entre la trentaine d’orga- PAGE 9 nisations membres de la plateforme Pour une autre PAC. Il résulte aussi Les politiques connexes de dialogues avec d’autres parties à la PAC à réformer en parallèle prenantes réfléchissant à la réforme de la Politique Agricole Commune, PAGE 11 que ce soit en France, à Bruxelles ou dans d’autres pays de l’Union Réformer la PAC : pourquoi et pour quoi ? européenne. Le résultat, c’est une Mettre la future Politique Agricole et Alimentaire Commune vision partagée par une large palette au service de tou·te·s les citoyen·ne·s................................................. 14 de représentants de la société civile tteindre la souveraineté, l’autonomie et la qualité A et des propositions par construites alimentaires dans l’Union européenne ............................................. 18 collectivement. ettre en cohérence la PAAC avec les politiques de développement M des agricultures familiales et paysannes des pays du Sud ................ 22 Nous espérons que ce travail sera accueilli avec intérêt par toute Enclencher une transition agroécologique grâce personne concernée par la PAC et plus à la réorientation des paiements ....................................................... 26 particulièrement, par les décideurs Accompagner la résilience technique et économique des fermes politiques qui ont le pouvoir d’emmener en inversant la logique des mécanismes de la PAAC.......................... 33 enfin cette politique dans la bonne elancer l’emploi dans les campagnes par la politique R direction. de développement rural..................................................................... 37 Quentin Delachapelle, epenser la gouvernance de la PAAC dans sa conception R président de Pour une autre PAC et son application............................................................................... 42 et paysan dans la Marne, septembre 2018. PAGE 46 Exemples Cas pratique pour la PAAC post 2020 : Entamer une transition vers l’agroécologie grâce à la PAAC..................46 Cas pratique pour la PAAC à horizon 2030 : Une installation qui a de l’avenir !.................................................................47 Osons une autre politique agricole commune ! – 1
INTRODUCTION Malheureusement, la Politique Agricole Commune D’une PAC 2015-2020 a manqué sa cible. Elle était annoncée comme plus verte et plus juste, mais elle n’a en réalité à l’autre pas changé de cap ni arrêté les fortes pressions exercées sur la nature et les paysan·ne·s. En effet, elle s’est illustrée par le maintien d’un soutien public Un peu d’histoire… massif au profit de l’agriculture agro-industrielle. La Politique Agricole Commune est une politique La confiance des agriculteur·rice·s en cette politique de l’Union européenne dédiée à l’agriculture a été profondément ébranlée par son incohérence et au développement rural. Elle est en place depuis et sa complexité. 1962. Elle visait à l’époque à développer la production … et de grands espoirs ! agricole afin de nourrir les Européen·ne·s à la sortie Après des dizaines d’années d’égarement, de la Deuxième Guerre mondiale. Elle a vite atteint la PAC a besoin d’une sérieuse réorientation. son objectif d’augmenter la production européenne, La réforme de cette politique apparait comme mais l’a même dépassé avec un effet pervers : la sur- l’opportunité majeure pour toute une génération production. La PAC constituait alors le premier poste de réinsuffler des perspectives d’avenir pour le secteur de dépense de l’UE et son coût augmentait en même agro-alimentaire, tout en répondant aux multiples temps que la surproduction. attentes sociétales en matière d’alimentation, Aujourd’hui, la PAC représente environ 40 % d’emploi, de bien-être animal, d’environnement, du budget européen. Elle demeure la politique la de santé, de respect des paysan·ne·s des pays du Sud, plus intégrée de l’UE, c’est-à-dire celle qui est le plus ainsi que de luttes contre les changements clima- décidé de manière commune au niveau européen. tiques, contre l’artificialisation et l’accaparement Depuis ses débuts, la PAC a connu de nombreuses des terres. réformes, qui ont changé ses logiques d’intervention. C’est pourquoi la plateforme Pour une autre PAC La dernière en date remonte à 2014 et la prochaine propose une révision complète de la PAC pour devrait entrer en vigueur en 2021. la transformer en un nouveau PAACte (pacte fondé sur une nouvelle politique agricole et alimentaire commune) entre les paysan·ne·s et la société, permettant tout à la fois aux premier·ère·s de vivre fièrement de leur métier et à leurs concitoyen·ne·s de profiter des bienfaits de leur activité. 2 – Osons une autre politique agricole commune !
DEMAIN, QUEL SYSTÈME AGRO-ALIMENTAIRE POUR QUELLE SOCIÉTÉ ? Demain, quel système agro-alimentaire pour quelle société ? Réformer la Politique Agricole Commune ? Oui. Mais pour atteindre quoi ? Pour contribuer à façonner un système agricole et alimentaire qui réponde aux besoins et attentes de la société et qui soit générateur de bienfaits économiques, sociaux et environnementaux. Dessinons donc le cercle vertueux du modèle agro-alimentaire de demain (à horizon 2030). Pourquoi réfléchir au système agro-alimentaire que l’on souhaite ? Un modèle dominant Parmi ses effets délétères, on peut lister la pensé pour le court-terme diminution du nombre de paysan·ne·s, leur rému- Les modèles agro-alimentaires actuels sont nération à des prix insuffisants, le déclin de la biodi- dominés par l’agro-industrie et la grande distri- versité, la contribution significative du secteur aux bution, au sein de laquelle une poignée de masto- changements climatiques, la production d’aliments dontes économiques impose ses conditions aux nutritionnellement pauvres, l’incompatibilité avec paysan·ne·s, aux filières, aux contribuables, ou le bien-être animal, l’explosion des maladies dues encore aux « mangeur·se·s ». à un régime alimentaire déséquilibré comme à l’in- halation ou l’ingestion de substances toxiques, etc. De plus, ce modèle non soutenable est du- Les modèles agro-alimentaires pliqué dans les pays du Sud, vers lesquels l’UE actuels sont dominés par l’agro- exporte ses produits bas-de-gamme et auxquels industrie et la grande distribution. elle demande de remplacer leurs productions do- mestiques par les cultures ou produits animaux qu’elle a besoin d’importer. Beaucoup de politique, beaucoup d’omissions dans le calcul des coûts réellement pris en charge par la société et beaucoup de subventions pu- bliques sont appelées à la rescousse pour faire te- nir ce système court-termiste, inefficace et injuste. Osons une autre politique agricole commune ! – 3
Pourtant, un système Changer de paradigme vertueux est possible Ces deux types de modèles agro-alimentaires À l’inverse, les modèles agro-alimentaires de opposés n’ont pas vocation à coexister. Les se- demain composent un environnement vertueux conds doivent remplacer les premiers, certes et réduiront les inégalités caractéristiques du rap- progressivement mais en intégralité. Il n’est so- port de force déséquilibré entre les différent·e·s cialement, écologiquement et économiquement acteur·rice·s qui prévaut aujourd’hui. pas acceptable d’envisager une agriculture duale Le pouvoir sera partagé équitablement entre ou une alimentation à deux vitesses, où les popu- tous les maillons de la chaîne. Ces modèles seront lations les moins aisées seraient condamnées à se basés sur une agriculture à l’écoute de la demande nourrir au prix le plus bas, entretenant de la sorte des citoyen·ne·s, respectueuse de la santé et du le cercle vicieux de l’agro-industrie. Ainsi, d’ici 2030, bien-être animal, qui fournit à la fois une production l’agroécologie et la déspécialisation des territoires alimentaire diversifiée de qualité et des services devront s’être diffusées partout, pour le bénéfice du environnementaux, sociaux et économiques aux plus grand nombre. territoires qu’elle fait vivre. L’intérêt et la robustesse du système agroé- C’est donc une approche qui reconnait la mul- cologique résident dans sa capacité à contribuer tifonctionnalité de l’agriculture, sans cantonner le à répondre à tous les défis auxquels l’agricultu- paysan ou la paysanne à un rôle factice de jardi- re d’aujourd’hui est confrontée. Autrement dit, nier·ère du paysage. ce système apporte des solutions cohérentes et Enfin, les filières agro-alimentaires seront décloisonnées aux différents besoins et attentes en interaction avec l’économie locale : toutes de la société européenne. Tous sont corrélés et créeront de l’emploi ainsi que de la valeur sur les interdépendants, dans la mesure où les nouveaux territoires, une majorité d’entre elles étant même modèles agro-alimentaires durables reposent sur raccourcie et relocalisée. une approche systémique. Dans la partie suivante, nous décrivons les diverses composantes du nouveau modèle D’ici 2030, l’agroécologie agro-alimentaire dont nous appelons de nos vœux et la déspécialisation le déploiement complet d’ici 2030, ainsi que les des territoires devront s’être diffusées partout. interactions entre elles. Pour une lecture plus pra- tique, nous avons regroupé en quatre catégories les © SOL, Alternatives agroécologiques et solidaires objectifs que seul un système fondé sur l’agriculture paysanne ou l’agroécologie atteindra, même si tous sont intrinsèquement liés. n L’augmentation du nombre de paysan·ne·s contribue à rendre les campagnes attractives et vivantes. 4 – Osons une autre politique agricole commune !
À quoi ressemble ce système agro-alimentaire souhaité ? TERRITOIRES, EMPLOIS, Restaurer et préserver ENVIRONNEMENT l’environnement En plus de stimuler le dynamisme économique, Dynamiser les campagnes l’agriculture paysanne entretient les paysages des par l’emploi agro-alimentaire campagnes et restaure les milieux naturels. On ob- Le système alimentaire d’un pays façonne son serve sur une même zone des productions agricoles territoire et son environnement, en particulier dans variées : la diversité a remplacé les monocultures, ses campagnes. Il constitue en effet un des facteurs les prairies ont été maintenues, les infrastructures déterminants de la vitalité de ses territoires ruraux. agroécologiques développées. La généralisation de l’agriculture paysanne Des paysages diversifiés sont synonymes de suppose une démultiplication du nombre d’exploi- retour de la biodiversité, tant sauvage que cultivée tations agricoles et d’industries agro-alimentaires, ou élevée. Cette biodiversité est à la fois facteur et limitées à des structures de petites ou moyennes conséquence de l’agroécologie. D’une part, elle tailles. L’ensemble de ces petites fermes ainsi que de s’intègre pleinement dans le cycle de production ces TPE ou PME de la transformation et distribution agroécologique et d’autre part, elle peut prospérer alimentaires, réparties de manière équilibrée dans grâce à un environnement sain. l’espace, compose un maillage territorial dense qui En effet, les sols sont stables et fertiles, nourris assure le maintien de la valeur ajoutée produite par et travaillés intelligemment par les paysan·ne·s : leur le secteur dans les territoires. couverture permet entre d’autres d’éviter l’érosion L’augmentation du nombre de paysan·ne·s en- et ils constituent un réservoir de carbone, contri- traine dans son sillage une dynamisation de l’emploi buant de la sorte à la participation de l’agriculture non délocalisable dans les maillons suivants des à l’atténuation des changements climatiques. filières : il contribue ainsi à rendre les campagnes L’utilisation des pesticides et des engrais de attractives et vivantes. synthèse est progressivement abandonnée, si bien que la qualité de l’air est significativement amé- Revaloriser l’activité agricole liorée. Les cours d’eau ou les nappes phréatiques De plus, si la production agricole redevient un sont bien moins pollués par les fuites de nitrates moteur des zones rurales, cela signifie que la voca- et les usages agricoles sont diminués. La ressource tion agricole des surfaces est maintenue et que le en eau étant préservée tant quantitativement que foncier agricole est préservé de l’artificialisation. qualitativement, des centaines de milliards d’euros L’encadrement de l’usage de la terre interdit sont économisés dans le traitement de l’eau potable l’accaparement des terres. L’accès au foncier est dans toute l’UE. facilité pour des porteur·se·s de projets agricoles De plus, les demandes sociales en faveur d’une créateurs de valeur ajoutée pour leur territoire, y interdiction des OGM sous toutes leurs formes, compris pour les personnes non issues du milieu ainsi que d’une limitation rigoureuse du recours agricole et les femmes. aux antibiotiques dans l’élevage, sont entendues et Le lien de confiance et de solidarité entre, d’un respectées. Tous ces facteurs induisent le respect côté, les paysan·ne·s et de l’autre, leurs voisin·e·s, des principes de l’agriculture biologique, qui devient leurs client·e·s et leurs concitoyen·ne·s en général la pratique majoritairement adoptée par l’ensemble est restauré. Leur savoir-faire est reconnu, leur mé- des acteur·rice·s de la chaine. tier revalorisé et les multiples services rendus à la société par leur activité rémunérés. Mettre un terme à l’élevage industriel Enfin, la disparition de l’élevage industriel, incompatible avec l’agroécologie, se traduit par L’élevage industriel une diminution du nombre d’animaux élevés, sans est remplacé par le pastoralisme pour autant s’accompagner de celle du nombre et la polyculture-élevage. d’éleveur·se·s, qui pourrait même augmenter. L’éle- vage industriel est remplacé par le pastoralisme et la polyculture-élevage. Ne demeurent donc plus que des formes d’élevage respectueuses de la nature et des animaux. Osons une autre politique agricole commune ! – 5
Informer pour des régimes Le bien-être animal est érigé en un principe alimentaires sains que tous les acteur·rice·s En ce qui concerne le modèle alimentaire des de la filière intègrent. femmes et des hommes, il est fondé sur la quali- té, l’équilibre et l’ancrage au terroir. Les produc- teur·rice·s, les transformateur·rice·s et les distri- buteur·rice·s fournissent des aliments riches en nutriments et en goût, facteurs de bonne santé et de plaisir à manger. La santé humaine est préser- vée non seulement au travers d’une alimentation de qualité, mais également grâce à la baisse des contaminants chimiques dans leur environnement (eau et air). ALIMENTATION, SANTÉ, Les mangeur·se·s ont accès à une formation et BIEN-ÊTRE ANIMAL une information suffisantes pour composer des me- nus sains en fonction de la saisonnalité des produits Élever dans le respect (d’origine végétale comme animale), de leur prove- des humain·e·s et des animaux nance comme de leurs conditions de production et Le bien-être animal est érigé en un principe apprécier leur variété. que tous les acteur·rice·s de la filière intègrent. Le régime alimentaire remplace une partie Respecter le bien-être animal signifie notamment des protéines animales par celles végétales, en que tous les animaux disposent d’un cadre de vie cohérence d’une part, avec les recommandations comme d’une alimentation qui conviennent à leurs nutritionnelles et d’autre part, avec la baisse de la besoins et leurs comportements naturels, en parti- production de produits animaux impliquée par la culier via un accès à l’extérieur. généralisation du système agroécologique. Le lien humain·e-animal est reconsidéré : les En particulier, les enfants bénéficient d’une seconds sont reconnus et traités en tant qu’êtres éducation à la culture alimentaire et la restaura- sensibles. L’éleveur·se est respectueux·se du cy- tion collective constitue un lieu exemplaire, tant en cle naturel des animaux. Pour finir, les temps de matière d’approvisionnement, que de composition transport des animaux tout au long de leur vie, des assiettes ou encore de lutte contre le gaspillage et en particulier avant l’abattage, sont réduits au alimentaire. maximum. Pour cela, des abattoirs de proximité et des abattoirs mobiles sont réouverts sur tout Distribuer et valoriser le territoire ; leurs employé·e·s ont des conditions L’ensemble des acteur·rice·s de la chaine et consignes de travail qui garantissent le respect agro-alimentaire organise une répartition équi- des animaux. table de la valeur et crée des marchés locaux de Par ailleurs, les éleveur·se·s favorisent l’auto- distribution à proximité des bassins de production nomie alimentaire pour leur bétail, c’est-à-dire que ou de transformation. soit ils ou elles produisent eux ou elles-mêmes sur Pour autant, les filières longues ne sont pas leur ferme la totalité des aliments consommés par bannies : elles assurent l’approvisionnement des leurs animaux, soit ils ou elles s’approvisionnent zones qui, notamment du fait de contraintes géo- en fourrage ou céréales auprès des paysan·ne·s graphiques, ne peuvent devenir auto-suffisantes et voisin·e·s. elles enrichissent la palette gastronomique offerte De manière générale, la production agricole aux consommateur·rice·s. évite la fuite en avant vers la bioéconomie ou les Toutefois, chaque fois que cela est possible, les agrocarburants : elle vise prioritairement l’alimen- circuits courts se substituent à elles et les consom- tation humaine. mateur·rice·s sont fier·ère·s de faire vivre leur terri- toire en consommant local. Les mangeur·se·s ont accès à une formation et une information suffisantes. L’ensemble des acteur·rice·s de la chaîne agro-alimentaire crée des marchés locaux de distribution à proximité des bassins de production. 6 – Osons une autre politique agricole commune !
REVENU, RÉSILIENCE, AUTONOMIE Améliorer la résilience aux aléas climatiques et sanitaires Assurer la pérennité En parallèle, la résilience des fermes s’illustre du métier de paysan·ne aussi face aux aléas climatiques et sanitaires. Pour que le modèle agroécologique puisse Certes, l’agriculture demeure par essence une acti- se développer, il est indispensable d’assurer la vité soumise aux conditions météorologiques – sur- pérennité du métier de paysan·ne. Pour cela, il a tout que les événements extrêmes sont devenus de fallu d’abord garantir que ceux ou celles-ci tirent plus en plus fréquents – et aux épidémies frappant un revenu suffisant de leur activité et qu’au-delà tant les cultures que les animaux d’élevage. Mais du remplacement des paysan·ne·s existants, de les paysan·ne·s ont adapté leurs pratiques, de telle nouveaux·elles s’engagent dans le métier. Ainsi, sorte qu’ils ou elles minimisent les risques encou- premièrement, les paysan·ne·s vivent dignement rus en cas de survenance d’un aléa climatique ou d’un métier rémunérateur. Leur revenu est com- sanitaire. Par exemple, ils ou elles choisissent des posé pour partie de prix justes et stables et pour races d’animaux rustiques adaptées aux territoires une autre partie, de la rémunération de services ou des espèces de végétaux naturellement résis- non marchands. De même, les salarié·e·s agricoles tantes à certaines maladies. Ils ou elles adoptent voient leurs droits sociaux et leur sécurité au travail des méthodes alternatives de prévention pour leurs respectés, avec un salaire et des cotisations versées animaux, évitant de la sorte la résistance aux anti- à hauteur de ceux en vigueur dans le pays. biotiques et aux pesticides. Ils ou elles diversifient Deuxièmement, pour concourir au rajeunis- leurs cultures et allongent leurs rotations. Grâce sement de la pyramide d’âge des paysan·ne·s, à ces pratiques, même en cas de fléau, ils ou elles l’installation-transmission en agriculture est large- ne perdent pas tout leur cheptel ou toutes leurs ment fluidifiée, grâce à l’amélioration d’une part, récoltes d’un coup. de l’accès au foncier, au savoir adapté à l’agroéco- logie et au capital d’exploitation et d’autre part, Objectif : de l’inclusion des paysan·ne·s dans les territoires, la souveraineté alimentaire assurant de la sorte le renouvellement et le brassage Enfin, si l’autonomie est favorisée au niveau générationnels. La course à l’agrandissement et au des exploitations, elle l’est aussi à échelle euro- surinvestissement n’a plus d’intérêt, si bien que les péenne : l’UE s’est fixée un objectif de souveraineté fermes sont transmissibles. alimentaire, c’est-à-dire que la production agricole européenne a vocation à nourrir la population eu- Construire des fermes ropéenne. résilientes économiquement Sans s’interdire le commerce international Ce faisant, un pas important vers la résilience de denrées alimentaires, dès lors qu’il est réali- L’UE ne dépend plus du soja cultivé économique est franchi, en évitant l’écueil du sé dans des conditions de commerce équitable, par des pays tiers surendettement et en valorisant au contraire la l’Europe ne pratique plus que des échanges qui ne et cesse de sobriété en capital. Il s’accompagne d’autres dé- déstabilisent ni les marchés tiers, ni ceux commu- contribuer à la marches de réorganisation des fermes visant à la nautaires. À titre d’illustration, elle peut importer déforestation réduction au maximum de la dépendance à des ac- un produit manquant dans l’UE suite à une crise dans ces derniers. teur·rice·s-tiers (industries de l’amont, banques, as- ayant frappé la production concernée et exporter surances, etc.) et la baisse des coûts de production. des surplus restant après sa propre consommation Autrement dit, les fermes sont autonomes, dans ou des produits de terroir à forte valeur ajoutée. leur production comme en matière décisionnelle Ainsi, l’UE a atteint l’autonomie protéique L’achat de tout ou partie des parts d’une ex- grâce à une augmentation massive des surfaces ploitation agricole par des structures privées en légumineuses, à destination de la consommation d’intérêts financiers est interdite. Par ailleurs, les animale mais aussi humaine : elle ne dépend donc paysan·ne·s sont incité·e·s à subvenir au maximum plus du soja cultivé par des pays-tiers et cesse de aux besoins de leur ferme par leur propre produc- contribuer à la déforestation dans ces derniers. tion (par exemple, de légumineuses ou de fumier pour la fertilisation azotée de leurs terres). Par ce L’agriculture demeure biais, ils ou elles assurent leur autonomie tant en par essence une activité intrants que par rapport à l’aval de la chaîne. soumise aux conditions météorologiques, surtout que les événements extrêmes sont devenus de plus en plus fréquents. Les fermes sont autonomes, dans leur production comme en matière décisionnelle. Osons une autre politique agricole commune ! – 7
Favoriser les démarches collectives En cohérence avec les principes de solidarité et de démocratie, les approches collectives entre paysan·ne·s comme entre paysan·ne·s et autres types d’acteur·rice·s sont favorisées. Les approches collectives entre paysan·ne·s s’illustrent au travers du partage de matériel, d’échanges de produits ou sous-produits entre éleveur·se·s et céréalier·ère·s, de la mutualisation Les instances en charge de la politique agricole et alimentaire travaillent d’outils de transformation, etc. Parallèlement, les de manière coordonnée et sont les paysan·ne·s ou futur·e·s paysan·ne·s prennent part garantes du respect des principes de à toutes les procédures les concernant et sont as- solidarité et de démocratie. socié·e·s aux instances qui les mettent en œuvre. Cela concerne premièrement des partenariats avec les collectivités territoriales dans l’accueil de nouveaux·elles installé·e·s et leur recherche de DÉMOCRATIE, SOLIDARITÉ, foncier. Deuxièmement, cela implique de reconsi- APPROCHE COLLECTIVE dérer la manière dont la recherche et la formation agricoles sont conduites. Démocratie et solidarité La recherche, indépendante des intérêts privés, En résumé, le système agro-alimentaire basé est menée de façon participative avec les différentes sur l’agroécologie dynamise les campagnes, stimule parties prenantes. Elle s’appuie sur des indicateurs l’emploi, préserve le foncier agricole, respecte le pluri-thématiques, elle s’adapte à l’agroécologie et bien-être animal, fournit une alimentation saine, au terrain. Une nouvelle ingénierie de l’accompa- contribue à la bonne santé humaine, des animaux, gnement des paysan·ne·s se constitue, dans laquelle des végétaux et de l’environnement, reconnaît et les paysan·ne·s sont guidé·e·s dans leur recherche redonne toute sa place aux paysan·ne·s dans la d’autonomie. Leur formation (initiale comme conti- société, relocalise des filières agro-alimentaires nue) fait appel au transfert de connaissance entre Les collectivités territoriales diversifiées, permet de nourrir plus d’un demi-mil- pairs : ils ou elles sont alors à la fois acteur·rice·s sont les premiers liard d’Européen·ne·s, rend l’agriculteur·rice fier·ère de leur propre évolution et de celle de leur métier. partenaires dans et autonome dans ses pratiques, etc. l’accueil Mais au-delà de ce qu’un tel système a le pou- Respecter le droit de tou·te·s de nouveaux·elles voir de façonner ou de favoriser, il ne peut être à l’alimentation installé·e·s et leur recherche de foncier. qualifié de vertueux sans se doter d’un fonction- Pour finir, la solidarité s’exprime à la fois à nement démocratique, ni intégrer la valeur morale l’égard de la frange de la population européenne de la solidarité : ces deux principes (démocratie la plus fragile qu’envers les paysan·ne·s et consom- et solidarité) garantissent que le modèle n’exclue mateur·rice·s des pays en développement. personne. Des dispositifs d’aides dédiés accompagnent les plus démuni·e·s dans leur accès à une alimentation Une gouvernance ouverte de qualité, au sens du droit à l’alimentation : c’est Les instances en charge de la politique agricole la justice alimentaire. et alimentaire ont évolué en conséquence. Elles Par ailleurs, l’UE n’entrave plus l’essor d’un travaillent désormais de manière coordonnée et développement agricole souverain dans les pays sont les garantes du respect de ces deux principes du Sud, dans lesquels l’agriculture a d’abord vo- dans toutes les facettes de leur activité. C’est ain- cation à nourrir leur propre population. Pour cela, si qu’elles veillent au respect des droits sociaux elle a mis fin au dumping agricole et les accords des salarié·e·s de l’agriculture et des industries de libre-échange bilatéraux ou multilatéraux fa- agro-alimentaires, vérifient la pluralité des orga- vorisant l’exportation de denrées à bas prix issues nismes d’homologation comme des prestataires de productions alimentaires standardisées sont en conseil agricole et leur indépendance vis-à-vis remplacés par une nouvelle gouvernance interna- des fournisseurs d’intrants, organisent des appels tionale d’organisation des marchés mondiaux. n d’offre privilégiant un approvisionnement local et responsable de la restauration hors foyer publique, etc. Surtout, elles contribuent à la mise en place d’une démocratie alimentaire, dans laquelle les processus de prise de décision et de pilotage des po- litiques agricoles et alimentaires sont transparents, participatifs et incluent les consommateur·rice·s, et ce à différentes échelles. L’UE n’entrave plus l’essor d’un développement agricole souverain dans les pays du Sud. 8 – Osons une autre politique agricole commune !
RÉFORMER LES POLITIQUES CONNEXES À LA PAC Les politiques connexes à la PAC à réformer en parallèle Pour atteindre le système agro-alimentaire que nous venons décrire, il faut bien sûr réformer la Politique Agricole Commune, mais pas que ! Bien d’autres politiques ou normes contribuent également à former le cadre au sein duquel les systèmes agro-alimentaires évoluent. Ainsi, les efforts de réforme doivent s’étendre aux éléments listés ci-dessous. >> A ccords de libre-échange bilatéraux La réalisation ou multilatéraux. L’UE ne doit plus négocier des droits ou accords suivants : ni conclure de nouveaux accords. >> Droits humains >> D roit de la concurrence de l’UE >> O bjectifs de développement durable 2030 La PAC doit pleinement primer dessus. >> A ccord de Paris sur le Climat >> É ducation et formation, et notamment >> C ohérence des politiques l’enseignement agricole. avec le développement >> Politique de santé >> P olitiques alimentaire et de lutte La révision des accords, contre le gaspillage alimentaire politiques ou réglementations >> Politique énergétique sectorielles suivantes : >> P olitique foncière et droits fonciers >> Organisation Mondiale du Commerce (droits d’usages et de propriété) L’agriculture doit bénéficier d’une exemption >> H armonisation des politiques sociale, aux règles actuelles de commerce international. fiscale et environnementale de l’UE De plus, les critères de la boîte verte doivent être >> P olitique de développement et de solidarité revus pour lever la qualification en distorsion de internationale concurrence des soutiens de type « argent public >> Directive sur les travailleurs détachés pour biens publics ». >> C ertification et mise en marché des produits phytosanitaires et vétérinaires >> Financement et rôle des agences de l’eau Les Objectifs de développement durable des Nations Unies, en particulier le 2 et le 12, doivent être atteints. Osons une autre politique agricole commune ! – 9
© Christophe Bayle 10 – Osons une autre politique agricole commune !
RÉFORMER LA PAC Réformer la PAC pourquoi et pour quoi ? Les objectifs et le cadre d’une réforme de la Politique Agricole Commune étant posés, nous pouvons maintenant l’aborder en détail. Enjeu par enjeu, Pour une autre PAC dresse le bilan de la PAC actuelle, en vigueur depuis 2015, puis dessine une politique de transition à mettre en œuvre pour la période de programmation post-2020, pour enfin présenter ce à quoi une Politique Agricole et Alimentaire Commune (PAAC) aboutie devrait ressembler. Autrement dit, dans la partie suivante, nous vous emmenons dans les méandres de la PAC d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain, au travers de sept grandes thématiques : METTRE LA FUTURE POLITIQUE ACCOMPAGNER LA RÉSILIENCE TECHNIQUE AGRICOLE ET ALIMENTAIRE COMMUNE ET ÉCONOMIQUE DES FERMES EN INVERSANT AU SERVICE DE TOU·TE·S LES CITOYEN·NE·S LA LOGIQUE DES MÉCANISMES DE LA PAAC ATTEINDRE LA SOUVERAINETÉ, RELANCER L’EMPLOI L’AUTONOMIE ET LA QUALITÉ ALIMENTAIRES DANS LES CAMPAGNES PAR LA POLITIQUE DANS L’UNION EUROPÉENNE DE DÉVELOPPEMENT RURAL METTRE EN COHÉRENCE LA PAAC REPENSER LA GOUVERNANCE AVEC LES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT DE LA PAAC DANS SA CONCEPTION DES AGRICULTURES FAMILIALES ET SON APPLICATION ET PAYSANNES DES PAYS DU SUD ENCLENCHER UNE TRANSITION AGROÉCOLOGIQUE GRÂCE À LA RÉORIENTATION DES PAIEMENTS Osons une autre politique agricole commune ! – 11
PAAC POST 2020 : une politique de transition COMMUNS AU NIVEAU DE L’UE : CONDITIONNALITÉ RÉNOVÉE : COMMERCE Ambitions, objectifs, logiques > Qui intègre tout l’acquis INTERNATIONAL : d’intervention, fourchette de communautaire et va au-delà > Aucun nouvel accord pourcentage du budget à allouer du réglementaire de libre-échange par dispositif, bénéficiaires éligibles > Triple conditionnalité environ- > Remboursement des aides nementale, sociale et de bien-être PAC à l’exportation hors UE animal >> Minimum 15 % du budget 1er pilier 2e pilier Organisation commune Droits à Paiements de Base Conversion à l’AB des marchés >> Maximum • Cofinancement homogénéisé 30 % du budget en 2021 à échelle nationale Réserve de crise européenne • Plafonnés à l’actif • Paiement redistributif Mesures de transition • Seuil de déclenchement pour les premiers hectares par production, selon des • De type MAEC système, indicateurs de prix et de • Proportion dégressive selon les enjeux locaux tous les ans pour atteindre coûts de production • Rémunération plutôt que • Budget pluriannuel 0 % en fin de programmation compensation du surcoût Aides à l’installation Fonds de mutualisation Zones à enjeux transmission • Géré par l’UE • Incluent les handicaps naturels, >> 10 % du budget Natura 2000 et autres zonages • Cofinancé par tou·te·s environnementaux locaux les acteur·rice·s de la filière • Surprime des DPB pour les nouveaux·elles installé·e·s • Plafonnées à l’actif • Suppression des DPB • Limite de chargement Gestion des surproductions après 65 ans pour l’élevage • Incitation à la limitation • Aide de base + modulation de production selon bienfaits du projet Aides à la diversification • Stockage conjoncturel et l’autonomisation Paiements pour services • Matériel, services, Programmes opérationnels environnementaux accompagnement pour filières à structurer >> Minimum 40 % du budget • Bonification • Fruits et légumes frais • Attribués selon pour les démarches collectives • Protéagineux plusieurs critères prédéfinis • Gestion des risques • Incluent le maintien en AB par prévention/adaptation + bien-être animal • Proportionnels aux bénéfices Projets alimentaires pour l’environnement territoriaux • Financement du surcoût Aides couplées temporaire des produits bio et locaux >> 10 % du budget • Financement des frais de • Fruits et et légumes frais fonctionnement pour l’animation • Prairies pâturées, des territoires avec limite de chargement • Légumes secs et légumineuses LEADER pour animaux 12 – Osons une autre politique agricole commune !
PAAC 2030 : une politique systémique, adaptée, juste et durable R ÉGLEMENTAIRE ÉFINITION, PILOTAGE D DIAGNOSTICS PRÉALABLES : (HORS PAAC) : ET MISE EN ŒUVRE >D iagnostics de territoire : à échelles Application obligatoire DÉMOCRATIQUES : UE, nationale et régionale + incluent les pour toute collectivité > Instances ouvertes à la dimensions économiques, sociales et territoriale et tout·e participation de la société civile environnementales (dont agronomie, paysan·ne des règlements à chaque échelle santé, changement climatique, etc.) issus de la rénovation de la > Évaluation indépendante >D iagnostics de fermes : obligatoires conditionnalité dans la PAAC de l’impact des dispositifs en pour chaque ferme voulant accéder post 2020 vigueur, avant toute amélioration aux paiements + permettent de fixer de la politique des objectifs propres à la ferme mais relatifs aux enjeux des territoires Contrats de transition Principes Paiements pour services • Contrats pluriannuels ouverts à tou·te·s les paysan·ne·s, individuels ou collectifs Principes Peuvent inclure • S’adressent aux fermes ne • Rémunération des services • Zones à enjeux, répondant pas aux objectifs rendus par des pratiques dont handicaps naturels du territoire mais le souhaitant déjà en place • Fourniture d’une cantine locale • Objectifs de réalisations, • S’adressent aux fermes • Participation fixés par chaque paysan·ne, répondant aux objectifs à de la recherche-action à atteindre à échéances du territoire • Hauts standards prédéterminées • Incluent les services territoriaux, de bien-être animal • Financement proportionnel sociétaux et environnementaux • Maintien en AB aux changements de pratiques • Paiement modulé selon la qualité et la quantité des engagements Peuvent inclure • Soutien à la déspécialisation • Aides à l’investissement Paiements spécifiques • Chèque accompagnement à dépenser auprès d’une structure labellisée Installation – transmission • Conditionné à souscription d’un contrat de transition • Conversion à l’AB • Chèque installation/ transmission • Attribué selon l’âge, la SMI, Soutiens aux maillons le type de systèmes et la aval de la chaîne capacité professionnelle • Fonctionnement, investissement et formation pour les cantines Organisation commune des marchés • Abattoirs de proximité • Aide aux citoyen·ne·s les plus démuni·e·s Tunnel de prix Maîtrise des volumes de production • Fixe un prix bas et un prix haut LEADER (dont renforcement pour chaque grande production • Outils par production, des projets alimentaires • Intervention de l’UE dès que le par territoire et par ferme territoriaux) prix de marché est en dehors du • Stockage public tunnel • Expérimentation territoriale • Animation multi-acteur·rice·s Droit de la concurrence Révision en faveur des paysan·ne·s Osons une autre politique agricole commune ! – 13
METTRE LA FUTURE POLITIQUE AGRICOLE ET ALIMENTAIRE COMMUNE AU SERVICE DE TOU·TE·S LES CITOYEN·NE·S © Aurélie Catallo © CIVAM bio 53 PRIORITÉ POUR LA PAAC PRIORITÉ POUR LA PAAC POST 2020 : OUVRIR LES INSTANCES POST 2020 : PLAFONNER TOUTES LES DE GOUVERNANCE À LA SOCIÉTÉ CIVILE AIDES À L’ACTIF ET MAJORER LES PREMIERS ET AUX DÉCIDEUR·SE·S EN CHARGE DE HECTARES OU LES PREMIERS ANIMAUX. L’ENVIRONNEMENT ET DE LA SANTÉ À TOUTES LES ÉCHELLES TERRITORIALES. PAC 2015- Bilan 2020 UNE POLITIQUE PUBLIQUE COÛTEUSE ET MAL RÉPARTIE Un budget conséquent En France, il n’existe pas non plus de plafon- et mal réparti nement du montant des aides qu’une seule ferme À l’instar de ses précédentes versions, la PAC ni qu’un·e seul·e agriculteur·rice peut toucher, 2015-2020 n’a répondu ni aux besoins des petites ce qui génère des rentes de situation et invite à fermes ou de celles diversifiées, ni aux attentes la course à l’agrandissement. Ce phénomène est de la société civile. Pour autant, elle constitue un particulièrement néfaste en zones de montagne, poste de dépense important pour l’argent public où l’actuelle PAC a déclenché une appétence pour À l’instar de ses européen. En effet, le budget de la PAC 2015-2020 l’agrandissement dont elles étaient jusqu’alors précédentes versions, en France (hors co-financement) s’élève à environ préservées. À l’inverse, les petites fermes doivent la PAC 2015-2020 n’a 56 milliards d’euros. Si des besoins aussi fondamen- atteindre des volumes de production ou des seuils répondu ni aux besoins taux que ceux auxquels répond la politique agri- de surfaces pour pouvoir prétendre aux aides. des petites fermes ou de celles diversifiées, cole et alimentaire appellent bien à d’importants De plus, la France a choisi de ne pas mettre en ni aux attentes de la soutiens financiers de la part des États, il n’est en œuvre un schéma dédié aux petites fermes, qui les société civile. revanche pas justifié que cet argent soit très inéga- aurait pourtant, pour une partie d’entre elles, allé- lement réparti entre ses bénéficiaires. gées des contraintes administratives et d’éligibilité auxquelles elles doivent se plier. Une politique pensée pour le modèle de type agro-industriel Une redistribution des aides Aujourd’hui, les principaux bénéficiaires de la bien timide PAC demeurent les producteur·rice·s intégré·e·s Par ailleurs, la PAC, dont le premier objectif dans un modèle de type agro-industriel. Les affiché est d’offrir un revenu aux paysan·ne·s eu- autres, quand bien même ils perçoivent eux aussi ropéen·ne·s, ne parvient pas non plus à atteindre un peu d’aide, peinent à résister à la concurrence ce but. Le montant des aides de base, attribuées des agriculteur·rice·s touchant plus de 50 000 € de selon la surface des fermes et appelées paiements subventions par an. À titre d’illustration, il n’y a découplés, n’est pas le même d’une ferme à l’autre : pas de conditionnement des aides au respect de il peut varier du simple au double entre une région la règlementation sociale censée s’appliquer aux traditionnellement orientée vers la culture de cé- travailleur·se·s agricoles. réales et une région de pastoralisme. Pire, certaines 14 – Osons une autre politique agricole commune !
surfaces pastorales ne sont parfois pas du tout éli- Pas d’ouverture gibles aux aides de la PAC. à la société civile Pour autant, la réforme de 2015-2020 s’est Alors que l’UE n’est pas sans savoir que ses ci- attaquée à ce problème en faisant converger la toyen·ne·s demandent de plus en plus à s’impliquer valeur de ces aides vers un montant moyen pour dans la définition des politiques ayant un impact toute la France. L’initiative, absolument indispen- sur leur alimentation, leur environnement et leur sable, aurait toutefois dû aller plus loin en attei- santé, la PAC 2015-2020 n’a pas pris le virage de gnant un montant unique pour toutes les fermes en l’ouverture à la société civile. 2020, au lieu de simplement viser à réduire l’écart La demande citoyenne de responsabilité à entre les hectares les moins bien et les mieux dotés. l’égard des générations futures n’est pas entendue De même, afin de préserver le modèle agricole par la PAC : celle-ci ne répond pas suffisamment à français reposant sur des fermes de taille limitée, l’impératif de restauration et de préservation des les 52 premiers hectares d’une ferme sont valorisés ressources naturelles. Autrement dit, elle ne garan- par une bonification des paiements découplés ; tit pas la pérennité des facteurs de la production l’effet de ce mécanisme judicieux, dit paiement agricole, ce qui compromet la capacité de l’UE à redistributif, aurait là encore pu être renforcé si la assurer sa souveraineté alimentaire. n France lui avait octroyé la part maximale du budget autorisée par l’UE. PAAC post- Nous proposons 2020 UNE MEILLEURE RÉPARTITION DU BUDGET ENTRE LES PAYSAN·NE·S ET LES TERRITOIRES Plafonnement des aides à l’actif En parallèle, le ratio entre le nombre de Un des objectifs majeurs de la réforme de la chef·fe·s d’exploitation et celui de salarié·e·s doit PAC est un meilleur équilibre de la dotation bud- être contrôlé, afin d’éviter le développement de gétaire entre les différentes orientations agricoles, fermes d’échelle industrielle, telles que la fameuse entre les territoires et entre bénéficiaires. Pour Ferme des 1000 vaches. C’est la raison pour laquelle cela, il est indispensable d’introduire un plafonne- le nombre de salarié·e·s par chef·de d’exploitation ment à l’actif de toutes les aides. ou associé·e est strictement limité, limite au-delà de On entend par actif les chef·fe·s d’exploitation et laquelle les salarié·e·s supplémentaires n’ouvrent les salarié·e·s permanent·e·s. Le nombre d’actif est pas droit à davantage de paiements de la PAAC. à pondérer selon leur temps de travail (par exemple, Ainsi, la nouvelle politique agricole et alimen- un·e salarié·e à mi-temps compte pour 0,5 actif). taire commune (PAAC) incite à la création de va- Cela signifie que les aides ne sont plus attri- leur-ajoutée et à l’emploi dans les zones rurales, buées selon la surface exploitée par une ferme, et non plus à la productivité (quantité produite qu’elle soit conduite par un·e unique chef·fe d’ex- par travailleur·se). ploitation, ou par plusieurs associé·e·s épaulé·e·s par des salarié·e·s. Désormais, les paiements sont LE NOMBRE alloués proportionnellement à la force de travail DE SALARIÉ·E·S PAR CHEF active sur une ferme (calculée en ETP). D’EXPLOITATION EST STRICTEMENT LIMITÉ. © SOL, Alternatives agroécologiques et solidaires >>> NOUS REJETONS POUR LES PROCHAINES PAAC • Les aides non plafonnées par actif agricole. •L es aides aveugles qui induisent des rentes. • Les aides, qu’elles soient couplées ou découplées, qui ne reposeraient pas sur des critères environnementaux, territoriaux, de bien-être animal et sociaux effectifs. Osons une autre politique agricole commune ! – 15
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