PANORAMA DE PRESSE - CGT 05/02/2018 08h21 - Panorama réalisé avec Pressedd - cgt finances publiques
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SOMMAIRE SYNDICALISME (2 articles) " Ne laissons pas le patronat confisquer le débat sur dimanche 4 février l'entreprise " (1015 mots) Page 5 2018 La Fondation Jean-Jaurès, un cercle de réflexion social-démocrate, devait publier, samedi 3 février, un rapport sur les re… Fonction publique : la CFDT dénonce un " gros problème de dimanche 4 février méthode " (783 mots) Page 7 2018 Ils y vont fort ! " Interrogé par Le Monde peu après les annonces chocs du gouvernement sur la réforme de la fonction publi… ACTUALITE SOCIALE (6 articles) Un plan social avec la bénédiction des ordonnances Macron lundi 5 février 2018 (788 mots) Page 9 «Pas une journée sans qu'un salarié ne vienne me voir à la machine à café ou ailleurs pour me dire qu'il a bien regardé les… Pourquoi les évolutions du baccalauréat aggraveraient-elles lundi 5 février 2018 les inégalités ? (2076 mots) Page 11 La réforme du baccalauréat, que le président de la République a inscrite à son programme électoral et que le ministre de l'… Les polémiques sur le pouvoir d’achat perturbent l’agenda du lundi 5 février 2018 gouvernement (1024 mots) Page 14 C’est une petite musique qui a légèrement changé. Comme une variation de tonalité discrète, mais bien présente. Il y a encore quelq… Femmes voilées recherchent job désespérément (2068 mots) Elles y vont le plus souvent avec la boule au ventre. Pour tout demandeur Page 17 dimanche 4 février 2018 d'emploi, l'entretien d'embauche est une épreuve.… Les étranges licenciements pour faute grave chez Free (592 mots) Par Adeline Daboval 315 licenciements en trois ans, dont… 266 pour faute grave ! Page 20 lundi 5 février 2018 C’est l’un des chif…
Nouveau sursis pour l'aciérie Ascoval (478 mots) Le site de l'aciérie Ascoval à Saint-Saulve (Nord) devrait reprendre son activité Page 22 lundi 5 février 2018 aujourd'hui, selon les syndicats. Les 30… MOUVEMENTS SOCIAUX (4 articles) Holiday Inn : l'espoir d'une sortie de conflit (511 mots) lundi 5 février 2018 Leur ténacité semble en passe de payer. Au Holiday Inn de la Porte de Clichy Page 24 (Paris), les salariés grévistes de la sous-tra… L’inquiétude grandissante des salariés de Carrefour (1049 mots) « “Alors, vous allez fermer ?” Cette question, les assistantes de caisse l’entendent Page 25 lundi 5 février 2018 plusieurs fois par jour de la part des clients… Carrefour (729 mots) Page 28 lundi 5 février 2018 Carrefour De Montreuil à Aix-les-Milles, les salariés se mobilisent contre la… Le conflit entre la CGT et la direction de Corolis s’enlise (426 mots) Page 30 lundi 5 février 2018 Beauvais Par Patrick Caffin Ils étaient quatre à avoir dormi dans l’abri de fortune qui ser… EUROPE ET INTERNATIONAL (2 articles) Rôle social de l'entreprise : les limites du modèle américain (1106 mots) lundi 5 février 2018 Page 32 Comment s'assurer qu'une entreprise ne limite pas sa définition du succès à la rentabilité maximale pour ses actionnaires ? C'est l… En Allemagne, le conflit des métallos se durcit (1052 mots) samedi 3 février 2018 SOCIAL Daimlerstrasse est coupée pour quelques heures. Deux policiers ont Page 34 arrêté par précaution la circulation sur c…
dimanche 4 février 2018 Page 8 1015 mots FRANCE " Ne laissons pas le patronat confisquer le débat sur l'entreprise " Le directeur de la Fondation Jean-Jaurès, Gilles Finchelstein, et le patron de la CFDT, Laurent Berger, veulent amender la future loi " Pacte " La Fondation Jean-Jaurès, un cercle la réforme du code du travail est cette sivement. de réflexion social-démocrate, devait question de la gouvernance et de la publier, samedi 3 février, un rapport définition des entreprises. La concer- G. F. Oui, progressivement, mais sur les relations entre entreprises et tation sur le projet de loi " Pacte " réellement ! C'est pour cela que nous citoyens. Alors que le gouvernement est l'occasion de reposer ces enjeux : poussons aujourd'hui ensemble dans prépare son " plan d'action pour la il faut -rééquilibrer le pouvoir entre la même direction. croissance et la transformation des -travail et -capital. L'exécutif assume une orientation entreprises " (Pacte), ces travaux sug- Ne craignez-vous pas une -opposi- pro-entreprises. N'est-ce pas un gèrent de modifier le code civil pour tion frontale de la part du patro- obstacle pour faire passer ce type élargir la définition de l'entreprise à nat ? de propositions ? ses obligations sociales et environne- L. B. Concernant la réécriture du L. B. A travers la question de la gou- mentales. Autre proposition : renfor- code civil, il faut évidemment trouver vernance de l'entreprise, il y a celle cer la place des administrateurs sala- une formulation incitative qui ne du partage du pouvoir. Les -salariés riés dans les organes de gouvernance. crée pas d'insécurités juridiques. Il y ne nous disent pas qu'ils n'aiment Des positions également défendues a quelques grands patrons qui sont pas leur entreprise ! Ne nous laissons par la CFDT et que détaillent son se- les pieds sur le frein mais ce ne sont pas confisquer le -débat sur l'entre- crétaire général, Laurent Berger, et le pas eux qui dirigent le pays ! J'en ren- prise par le patronat. On verra si le directeur général de la Fondation contre d'autres qui disent : il y a be- conservatisme gagne ou si une ver- Jean-Jaurès, Gilles Finchelstein. soin de rénover la vision de l'entre- sion moderne des rapports écono- Pourquoi publier ce rapport main- prise aujourd'hui. Mais sont-ils dans miques et -sociaux et du monde de tenant ? les organisations patronales ? La ré- l'entreprise l'emporte. D'autres Gilles Finchelstein Le débat a été ponse est moins évidente. consi-dèrent qu'il vaut mieux rester relancé par le président de la Répu- à cette vieille vision où il faudrait se blique lui-même en octobre 2017 - G. F. Il faut aller au-delà des fausses -battre contre les entreprises, ce qui lors d'une interview sur TF1 - . C'est un évidences qui voudraient que l'entre- n'a pas de sens car cela revient à se débat difficile parce que conflictuel. prise n'appartienne qu'aux action- battre contre les salariés eux-mêmes. Il y a une opposition sourde d'une naires et n'ait pour objet que de réali- partie du patronat, plus enthousiaste ser le maximum de profits. Il y a aus- G. F. Nos propositions ne sont pas pour modifier une large part du code si des parties constituantes dont dé- " anti-entreprises ", au contraire ! Il du travail qu'un article du code civil. pendent l'existence et la production faut sortir de ce paradoxe, propre à la Une partie de la gauche, notamment de l'entreprise, et un écosystème au- France, selon -lequel l'entreprise oc- la gauche radicale, continue, dans sa tour, les parties prenantes. cupe une place marginale dans le dé- relation à l'entreprise, à osciller Concernant les administrateurs bat public, alors qu'elle est de plus en -entre ce qu'étaient l'appropriation salariés, le gouvernement ne plus centrale dans la transformation collective des moyens de production semble pas favorable à un abaisse- de la société. L'entreprise est non et la confrontation sociale. Il y a en- ment des seuils… seulement le lieu de création des ri- fin une opposition d'une partie de la L. B. On peut imaginer que les en- chesses mais aussi le lieu où se règle majorité elle-même pour qui, eu treprises de plus de 1 000 salariés qui la question du changement clima- égard à son parcours, ces enjeux sont vont mettre cela en œuvre en 2019 tique, un lieu d'innovation technolo- secondaires. soient évaluées en 2020 ou 2021 et gique et sociale, et le lieu de la for- que le passage à 500 se fasse en mation des inégalités salariales. Il est Laurent Berger Un des impensés de 2021. Il faut faire les choses progres- toujours préférable de régler les in- ↑ 5
égalités au moment où elles se pouvoir. qui étaient celles de mai 2017 forment -plutôt que de chercher à les existent toujours. Mais huit mois atténuer par la suite avec une fiscali- L. B. Je n'ai jamais connu de mo- seulement après le début de ce quin- té redistributive. ments où c'était facile. Ce gouverne- quennat, ce n'est l'heure ni des bi- Avez-vous le sentiment qu'il est ment va avoir à se prononcer très vite lans, ni des renoncements, ni de se plus difficile de se faire -entendre sur la vision qu'il a des corps inter- replier sur soi-même. par ce gouvernement que par le médiaires et dire s'il compte s'ap- précédent ? puyer ou non sur eux. La démocratie Propos recueillis par El. B. R.B.-D. G. F. On manque un peu de recul. politique ne s'en sortira pas si elle et A. T. ■ D'expérience, je sais que c'est tou- n'entend pas la démocratie sociale. jours difficile, y compris, s'agissant On voit à travers différents événe- Propos recueillis par El. B. R.B.-D. de la Fondation Jean-Jaurès, lorsque ments de ces dernières semaines que et A. T. ce sont les socialistes qui sont au les fractures territoriales ou sociales Parution : Quotidienne Tous droits réservés Le Monde 2018 Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/ 4B9A13C38490C30A75921B301102F14B88D3571EE1896CB8AAE3312 2017 ↑ 6 Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016
dimanche 4 février 2018 Page 8 783 mots FRANCE Fonction publique : la CFDT dénonce un " gros problème de méthode " Recours aux contractuels, rémunération au mérite, plan de départs… la réforme inquiète Ils y vont fort ! " Interrogé par Le sens mais la CFDT sera attentive et exi- nombreux. " Dans les fonctions pu- Monde peu après les annonces chocs geante pour que l'action publique bliques, c'est aussi l'état du dialogue du gouvernement sur la réforme de continue de reposer demain sur des social et du corps social qui pose un la fonction publique, Laurent Berger agents publics reconnus et respectés ", vrai problème, déplore-t-il. C'est la ne cache pas son mécontentement. ajoute-t-il. démonstration que lorsque il n'y a pas Le secrétaire général de la CFDT de- de dialogue social, les agents n'ont au- mande à l'exécutif des " clarifications L'idée avancée par le ministre de l'ac- cune chance d'être écoutés. " ". " Il y a un gros problème de méthode tion et des comptes publics, Gérald : c'est très étonnant d'annoncer une Darmanin, d'un " plan de départs vo- Les récents conflits sociaux dans les concertation sur toute l'année 2018 et lontaires " lui paraît en revanche " to- Ehpad ou les prisons -témoignent de donner dès à présent une partie des talement inappropriée ". " Nous également, selon lui, d'un malaise conclusions ", dénonce-t-il, en de- n'avons pas de tabou à construire des plus profond des agents publics. " Le mandant à ce que le gouvernement dispositifs d'accompagnement à des problème, c'est qu'on ne parle pas des rencontre très vite les organisations évolutions professionnelles : forma- missions du service public ni de ce que syndicales. tion, montée en compétences, mobilité, notre pays est prêt à investir pour avoir et pourquoi pas pour -celles et ceux qui des politiques publiques de solidarité Dans le détail, Laurent Berger attend en auraient exprimé clairement le sou- dignes de ce nom, fustige M. Berger. des précisions concernant la rémuné- hait, à accompagner un départ mais On n'écoute pas les fonctionnaires, on ration au mérite que l'exécutif sou- sur la seule base du volontariat et de ne parle pas du travail réel. " haite développer pour les agents pu- manière sécurisée ", fait valoir M. Ber- blics. " Il faut dire quelle est la part de ger. Ce dernier souligne qu'il existe Pour lui, cette situation résulte d'une la rémunération collective et quelle est déjà aujourd'hui une indemnité de approche uniquement comptable de la part de l'individuel, pointe le syndi- départ volontaire mais qu'" à peine ces probléma-tiques. " Toutes les der- caliste. Ça ne peut pas être un bascu- quelques di-zaines de fonctionnaires nières politiques publiques ont été lement, une décision qui -entraînerait ont souhaité en bénéficier ". " On les conduites sous l'angle budgétaire, cri- des disparités liées aux marges budgé- comprend : les conditions sont très ris- tique le secrétaire général de la taires des employeurs plus qu'en fonc- quées d'autant qu'en plus, les fonction- CFDT. Les fonctionnaires souffrent tion de l'investissement au travail. " naires ne cotisent pas à l'assurance parfois de conditions de travail très " Conditions très risquées " chômage et en sont donc exclus, re- dures mais surtout d'un sentiment de Autre motif d'inquiétude : le recours lève-t-il. Les freins au changement ne non-reconnaissance qui est -terrible. " aux contractuels qui serait plus im- sont pas toujours du côté où on les Et de conclure : " Etre considéré portant. " On nous parle du dévelop- croit. " comme un coût en -permanence donne pement du contrat dans les fonctions un sentiment de mal-être. " publiques : ça veut dire quoi ? Pour Au-delà de l'émoi soulevé dans la qui ? Comment ? Tout ça mérite des fonction publique par ces annonces, élise Barthet, Raphaëlle Besse éclaircissements car il y a des craintes M. Berger estime que les principaux Desmoulières, et Audrey Tonne- de profonds bouleversements pour les intéressés sont déjà fragilisés : ab- lier ■ agents. " Pour autant, le numéro un sence de coup de pouce au pouvoir de la CFDT ne se dit pas opposé à d'achat, rétablissement du jour de ca- par élise Barthet, Ra- des évolutions mais à condition " de rence, gel du point d'indice… Les mo- phaëlle Besse Desmoulières, Et Au- dire clairement de quoi on parle ". " tifs de griefs à l'encontre de l'actuel drey Tonnelier Hurler au loup maintenant n'a aucun gouvernement et des précédents sont Parution : Quotidienne Tous droits réservés Le Monde 2018 Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/ 119C53BD8050620B15E61BA08A0FA17984B3FB1C91386E47D665298 2017 ↑ 7 Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016
lundi 5 février 2018 Page 8 788 mots SOCIAL-ECO GEMALTO Un plan social avec la bénédiction des ordonnances Macron Bénéficiaire de centaines de millions d'euros, le leader mondial de la sécurité numérique profite de la fin de la prise en compte des profits du groupe au niveau international pour licencier près de 300 salariés en France. «Pas une journée sans qu'un salarié lontaires ou pas, priorité aux se- d'un groupe à l'échelle mondiale, ne vienne me voir à la machine à café niors), peu sur le bien-fondé. Sauf ajoute le syndicaliste. La direction a ou ailleurs pour me dire qu'il a bien peut-être à partir de ce lundi, lors attendu la publication de ces textes regardé les catégories définies dans d'un comité central d'entreprise. qui permettent de ne considérer le le PSE (plan de sauvegarde de l'em- Pour l'anecdote, se mènent parallè- PSE qu'au regard du résultat de la so- ploi NDLR) et qu'il pense qu'il peut y lement les NAO (négociations an- ciété française. » échapper. » Ce syndicaliste témoigne nuelles obligatoires) sur les salaires. du stress, de l'incertitude et de l'ato- La direction veut rendre effective Un déficit peut s'organiser aisément. misation qui règnent sur le site Ge- l'augmentation en juillet, soit après Explications : « L'ensemble du top malto de La Ciotat depuis que le le PSE, et non en février, comme à management, soit une trentaine de groupe a annoncé en décembre der- l'accoutumée. Et elle propose une personnes, est payé par une société nier un plan de licenciement concer- augmentation de 2 % si les syndicats qui s'appelle GIS. C'est Gemalto nant 288 postes, puis défini, de façon signent un accord concernant ce France qui règle l'addition alors qu'ils jugée arbitraire par l'intersyndicale, même PSE, mais 0,5 % en cas de non- dirigent clairement Gemalto NV », 113 catégories. Ingénieurs, techni- signature. soit le groupe mondial. Coût total : ciens, responsables commerciaux, 26 millions. Une réaffectation du salariés du leader mondial de la sé- L'entreprise se trouve-t-elle en si coût à la multinationale basée à Am- curité numérique, les voilà traités mauvaise posture ? La direction sterdam et la filiale française affiche- comme des variables d'ajustement. « argue du déclin du marché américain rait un bénéfice, rendant difficile- Il y a énormément de couples, des cartes SIM et cartes bancaires. ment justifiable un plan de suppres- comme sur tous les lieux de travail. Je L'activité aurait baissé « de 28 à 35 sion d'emplois. En France, le nombre ne vous dis pas l'ambiance », ajoute % entre 2016 et 2017 ». Pourtant, les de salariés s'établit à 3 000. C'est le syndicaliste. résultats affichés par Gemalto sont donc près de 10 % des effectifs qui presque insolents : 453 millions d'eu- vont être concernés. Le site le plus Début décembre, la direction an- ros de bénéfices nets en 2016 pour touché sera celui de La Ciotat, avec nonce ce « plan social ». Quelques un chiffre d'affaires de 3,1 milliards, 130 suppressions de postes sur 750. jours plus tard, l'info tombe : Gemal- soit un taux de rendement de 15 %. L'économie prévue sur la masse sala- to sera racheté par Thales, dont Et, pour 2017, « les chiffres ne sont riale sera de 28 millions d'euros. De- l'offre coiffe sur le fil celle d'Atos. Le pas encore connus », pointe Chris- puis des années, ce centre de re- PDG du gagnant de l'enchère évoque tophe Bassas, ingénieur à La Ciotat et cherche et développement est vic- « une bourse à l'emploi » : priorité responsable FO, mais le pactole an- time de délocalisations en Inde, aux aux licenciés de Gemalto pour des nuel devrait s'établir à 300 millions états-Unis, à Dubaï. Christophe Bas- postes chez Thales. Espoir passager. d'euros. Pourtant, la multinationale sas le sait déjà : tout son service est Le rachat tarde à être officialisé tan- argue d'un déficit de la filiale fran- supprimé, direction Singapour. Le dis que les réunions de négociations çaise à hauteur de 17 millions d'euros cas de Gemalto et de sa matière grise ont commencé et que la direction de pour justifier son plan de licencie- broyée est en passe de devenir une Gemalto veut boucler l'affaire d'ici à ment. « Pour nous, c'est clairement affaire nationale puisque deux an- début juin. Les réunions s'enchaînent rendu possible par une disposition ciens candidats à l'élection présiden- à un rythme effréné. Les discussions des ordonnances Macron qui permet tielle apportent leur soutien aux sa- portent sur les modalités (départs vo- de ne plus tenir compte de la santé lariés en venant les rencontrer sur le ↑ 9
site de La Ciotat : Jean-Luc Mélen- mon ce lundi. ■ par Christophe Deroubaix chon vendredi dernier et Benoît Ha- Parution : Quotidienne Tous droits réservés L'Humanité 2018 Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/ EB9C03A388E0BF06C5F51F101E0921BF8FC3261711CD60E0718E970 2017 ↑ 10 Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016
lundi 5 février 2018 Page 12 2076 mots TRIBUNE IDÉES PROJET DE RÉFORME DU DIPLÔME NATIONAL Pourquoi les évolutions du baccalauréat aggraveraient-elles les inégalités ? rappel des faits A la lecture des pistes proposées par Pierre Mathiot dans son rapport remis au ministre de l'éducation nationale, les craintes d'une hiérarchisation accrue s'expriment. L a réforme du baccalauréat, que cer. ciales. Autrement dit, laisser les le président de la République a élèves « libres » de choisir leurs dis- inscrite à son programme électoral et Un récent dossier du Conseil national ciplines, c'est en grande partie laisser que le ministre de l'éducation natio- d'évaluation du système scolaire des déterminismes sociaux et sco- nale a d'ores et déjà actée, renforce- (Cnesco, juin 2016) montre pourtant laires jouer librement sur les choix rait considérablement le poids du que des tests nationaux font progres- individuels. contrôle local pour l'obtention du di- ser en moyenne les apprentissages plôme national. Désormais, 40 % de des élèves et réduisent les inégalités Un tel baccalauréat, réduit à un certi- la moyenne générale au baccalauréat scolaires. Il concluait que le bacca- ficat d'études secondaires, ne pourra dépendraient à la fois du contrôle lauréat français, avec un champ très jamais permettre seul l'accès à l'en- continu et de « partiels », sorte de « large de matières et une multiplicité seignement supérieur, il a obligatoi- bacs blancs » organisés en cours d'an- d'épreuves complexes, correspond rement pour corollaire la sélection née. Certes, le ministère semble avoir bien aux formes d'évaluation qui généralisée sur des éléments qui repris l'idée d'une banque nationale peuvent avoir un effet bénéfique sur échappent au scolaire. Le « supplé- de sujets, mais ce sont bien les ensei- les résultats des élèves. ment au diplôme », en forme de « gnants qui évalueraient leurs propres portefeuille de compétences et d'ex- élèves. On est bien loin des épreuves Comment penser alors que réduire le périences », que propose le rapport nationales et anonymes qui garan- nombre des épreuves puisse amélio- Mathiot, ressemble à s'y méprendre tissent l'égalité de traitement des rer la réussite des élèves, y compris à un aveu car il consacre l'idée que candidats. Faute d'un horizon com- parmi les plus défavorisés ? le baccalauréat devient accessoire et mun que constitue l'épreuve termi- s'attache à des critères d'évaluation nale, le cadrage national des exi- A cette question, le ministre et Pierre comme l'engagement et la motiva- gences en termes de contenus et de Mathiot répondent par l'individuali- tion, autant de compétences très dis- méthodes disparaît. Les inégalités sation des parcours. Les élèves choi- criminantes socialement. entre les territoires et les établisse- siraient deux enseignements « ma- ments ne peuvent que se creuser. Les jeurs » dès la fin de la seconde, en (1) Syndicat national des enseigne- évaluations synthétisées dans les fonction de leur projet d'orientation ments de second degré-Fédération bulletins ou celles organisées locale- post-bac. Ces deux seules matières syndicale unitaire. ment sans garantie d'anonymat ne feraient l'objet d'évaluations termi- peuvent donc qu'affaiblir le diplôme nales et, dans la mesure du possible, Notre analyse et nos craintes se national. Les formations de l'ensei- devraient constituer la base d'un basent sur le rapport Mathiot, remis gnement supérieur pourraient alors grand oral de 30 minutes en juin de- le 28 janvier au ministre de l'éduca- être presque fondées à trier les ba- vant un jury de trois personnes, dont tion. Les arbitrages de M. Blanquer cheliers en fonction de l'établisse- un non-enseignant. seront connus le 15 février. L'appré- ment d'origine et de ses pratiques, ciation sur le baccalauréat donnée réelles ou supposées. Le baccalauréat Invoquer la liberté de choix des dans le rapport n'est qu'une reprise nouvelle mouture prendrait de plus élèves relève en fait du leurre. Dans des poncifs habituels sur le sujet : en plus l'apparence d'un bac maison, les pays où cette logique modulaire trop lourd, trop complexe, trop de dont la valeur dépendrait de la répu- de lycée à la carte est poussée au mentions, jeu des options permet- tation du lycée, que le nombre maximum, comme au Royaume-Uni, tant des moyennes supérieures à 20, d'épreuves nationales, réduit à cinq, on observe au contraire le renforce- etc. Partant de ce constat, il se pro- ne pourra en aucun cas contrebalan- ment des inégalités scolaires et so- pose donc de créer un lycée général ↑ 11
totalement rénové. Il s'agirait de entièrement construit comme une économiques et sociales (SES) SES/ mettre fin aux séries existantes (S, L, propédeutique aux études universi- maths et SES/histoire-géographie et ES ) en créant, dès la seconde, des taires. Il est d'ailleurs symptoma- quatre parcours scientifiques avec modules de spécialisation dans deux tique de ne trouver dans le rapport des majeures maths maths/physique- disciplines, qui correspondront aux aucune description détaillée de la fu- chimie, maths/sciences de l'ingé- attendus de l'entrée à l'université. ture voie technologique, dont les nieur, maths/informatique et Les choix de fin de seconde devien- élèves auront de grandes difficultés à sciences de la vie et de la Terre/phy- draient donc déterminants pour la intégrer autre chose qu'un IUT au vu sique-chimie. Sous prétexte de poursuite d'études dans le supérieur, des attendus publiés. L'absence to- mieux individualiser la formation et les possibilités de changement de tale du baccalauréat professionnel du de mieux préparer les élèves à disciplines entre semestres n'étant rapport est également emblématique l'orientation post-bac, on demande pas plus réalistes que les actuelles « de la rupture avec le projet d'un lycée donc à des élèves d'à peine 15 ans de passerelles », dont on sait que, à à trois voies traitées de manière égale se surspécialiser dès la première, ce quelques exceptions près, elles sont et avec une finalité commune : per- qui ne peut que conditionner et rigi- impossibles. Les élèves devront donc mettre qualification et acquisition de difier leur future orientation. se spécialiser et s'orienter à 16 ans diplômes ouvrant à un large choix de vers des poursuites d'études supé- poursuites d'études. Les lycéens vont perdre en culture rieures qu'ils et elles n'ont pas encore générale et ne gagneront que très peu construites. Il n'y aurait plus que Ce lycée est celui de l'entre-soi, orga- dans les disciplines majeures puisque cinq épreuves terminales, une nisé pour les enfants des classes su- celles-ci seront amputées de près de épreuve au printemps sur les deux périeures, qui, avec leurs familles, la moitié de leur dotation horaire si disciplines majeures, un écrit de phi- sauront construire leur parcours sco- les élèves, comme c'est prévu, losophie, l'ensemble, avec l'épreuve laire pour s'assurer la poursuite passent ces épreuves au milieu du se- anticipée de français, comptant pour d'études souhaitée et valorisée. cond semestre de terminale. Il est en 60 % de la note. Le « grand oral », effet prévu que les résultats des ma- sans de forts moyens horaires d'enca- (1) Fédération de l'éducation, de la jeures soient intégrés dans Parcour- drement et de remédiation, entérine recherche et de la culture-Confédé- sup afin d'être pris en compte par les une prime à l'héritage culturel socia- ration générale du travail. universités. En différenciant et spé- lement très marqué (aisance orale, cialisant autant les formations, la ré- autonomie dans le travail, clarté du à la suite à la publication du rapport forme va renforcer la hiérarchie des projet post-bac sur lequel pourraient Mathiot, beaucoup de commentaires parcours puisqu'elle démultiplie les porter le temps d'échanges libres ). et d'articles ont été publiés, mais très possibilités de choix à l'intérieur des peu soulignent les véritables consé- anciennes séries, ce qui risque de Le reste des disciplines serait évalué quences que l'adoption de cette ré- provoquer la création de classes de en interne dans les lycées. Pour forme pourrait avoir sur l'organisa- niveau, dont on sait qu'elles défavo- celles-ci, le caractère national du di- tion du bac et la structure des lycées risent les élèves les plus faibles. Il y plôme est fragilisé. Le baccalauréat d'enseignement secondaire. Le rap- a, de plus, de fortes chances pour que n'est plus le premier grade universi- port Mathiot introduit trois innova- tous les lycées ne puissent pas propo- taire ouvrant aux élèves les licences tions majeures dans l'organisation du ser tous les parcours, ce qui va créer de leur choix, mais bien un outil de bac. La première innovation de fortes inégalités d'offre entre les sélection pour le supérieur, licences concerne la fin des séries de l'ensei- gros établissements et ceux de plus comprises. gnement général au profit de par- petite taille. cours composés d'un tronc commun Il va se transformer en partie en bac (TC) et d'un couple de (disciplines) La seconde innovation concerne le maison, dont la valeur dépendra de majeures que les élèves passeraient contrôle continu en cours de forma- l'établissement. Mécaniquement, en évaluation terminale et qui comp- tion (CCF), censé être plus équitable l'acceptation, ou non, à l'entrée à teraient pour le bac. Il est prévu, pour (et moins coûteux) que l'évaluation l'université deviendra dépendante de les parcours de l'enseignement géné- en fin de formation. Or, contraire- l'établissement et donc de l'origine ral, quatre parcours littéraires ment à ce qui est parfois affirmé, le sociale et géographique des élèves. lettres/langue vivante, lettres/civili- CCF n'avantage pas les élèves faibles sation ancienne, lettres/arts et puisqu'il minore leurs progrès (si un Le tronc commun n'est qu'un alibi lettres/histoire-géographie , deux élève a successivement au cours de qui cache un lycée au service du tri, parcours avec des majeures sciences l'année les trois notes 8, 10 et 12, il ↑ 12
aura 10 de moyenne avec le CCF alors d'expression en public, aisance cor- ces raisons, donc souhaitable qu'il que son véritable niveau final, le plus porelle, présentation de soi valori- soit tout simplement abandonné. ■ prédictif, correspond à sa dernière sante). Cette épreuve devrait être in- note de 12). De plus, le CCF risque de troduite dès la seconde afin que les désavantager les élèves issus des ly- élèves aient le temps de s'y préparer Claire Guéville cées populaires, car les enseignants sérieusement. Rappelons toutefois y sont souvent accusés de surévaluer que les lycéens passent déjà une Secrétaire nationale Snes-FSU (1), leurs élèves pour les encourager. Le épreuve à l'oral : les travaux person- responsable du secteur lycées bac sera donc de plus en plus un di- nels encadrés (TPE), en première. Au plôme local et sa valeur dépendra de final, le projet Mathiot va entraîner Marie Buisson la ville ou de l'établissement dans une spécialisation précoce et stérile lesquels l'élève l'aura obtenu. des élèves et renforcer la hiérarchie Secrétaire générale de la Ferc-CGT des bacs. Il n'a en réalité qu'un seul (1) Enfin, le rapport Mathiot prévoit l'in- but : faciliter la présélection (et non troduction d'un « grand oral interdis- la formation) des élèves, pour l'en- Jean-Yves Mas ciplinaire » d'une demi-heure devant seignement supérieur. C'est un projet un jury de trois personnes (dont une peu lisible pour les familles, qui Professeur de sciences écono- ne serait pas prof !) et qui compterait risque de complexifier inutilement miques et sociales pour le bac. Or les épreuves orales l'organisation administrative des ly- avantagent souvent les élèves les cées et surtout d'augmenter l'inégali- plus dotés en capital culturel (facilité té des chances. Il serait, pour toutes Parution : Quotidienne Tous droits réservés L'Humanité 2018 Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/ 9A94E3308AA0610905A81A80C70B311F89836F1211AD62FFA71EEF9 2017 ↑ 13 Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016
lundi 5 février 2018 1024 mots ÉCONOMIE FRANÇAISE—ÉCONOMIE Les polémiques sur le pouvoir d’achat perturbent l’agenda du gouvernement C’est une petite musique qui a légèrement changé. Comme une variation de tonalité discrète, mais bien présente. Il y a encore quelques semaines, l’exécu- tif l’assurait en chœur : dès la fin du mois de janvier, les Français – et en pre- mier lieu les salariés du privé – allaient pouvoir constater, à travers la hausse de leur salaire net, qu’Emmanuel Macron et son gouvernement font tout pour que « le travail paie ». La première partie des baisses des cotisations chômage et maladie, en faisant plus que compenser la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), allait leur donner la preuve concrète que l’exécutif se pré- occupait tout autant du quotidien de ses concitoyens que de la redynamisation de l’économie et du soutien aux entreprises. En ce début février, la mélodie a évolué. Au sein de l’exécutif, on met soudain le sujet en sourdine. « Après des années où on leur a parlé de hausse du pouvoir d’achat sans forcément de résultats, il est normal que les Français aient encore du mal à nous croire. Notre discours prendra probablement toute l’année 2018 à in- fuser », explique-t-on dans les couloirs de Bercy. Au cabinet de Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, le message est clair : « On ne travaille pas sur le pouvoir d’achat, qui peut dépendre de votre consom- mation de tabac, de diesel, ou du smartphone que vous achetez. Ce que nous assu- mons, c’est que 21 millions de Français ont vu leur salaire net augmenter fin jan- vier. » Si l’exécutif semble aussi chatouilleux sur le sujet, c’est que, depuis le début de l’année, les annonces du gouvernement « n’impriment pas ou peu », constatent plusieurs députés La République en marche (LRM), dépités. « Les gens en- tendent surtout les augmentations de la CSG, de l’essence, du tabac ou des timbres », se désole l’un d’eux. Les riches restent les grands gagnants Bercy avait pourtant mis le paquet : distribution d’un « livret du pouvoir d’achat » dès l’automne, mise en place début janvier d’un simulateur acces- sible en ligne pour calculer son gain précis, communication en conseil des mi- nistres avec exemples concrets selon le niveau de revenus… Mi-janvier, une étude de l’Observatoire français des conjonctures écono- miques, un cercle de réflexion classé à gauche, a pourtant conclu que les très riches restaient les grands gagnants des mesures fiscales et sociales de la nou- velle majorité. Fin décembre, dans une passe d’armes inédite avec l’Insee, Ber- cy avait « contesté formellement » les conclusions de l’institut statistique, qui indiquait que les mesures Macron gréveraient le pouvoir d’achat des ménages en 2018. ↑ 14
Au sein du groupe LRM, plusieurs députés défendent la nécessité de prendre des mesures supplémentaires, dans l’espoir de dissiper l’image de « président des riches » qui colle à la peau d’Emmanuel Macron, et de répondre aux at- taques de l’opposition. « Je veux m’investir prioritairement pour la défense du pouvoir d’achat des travailleurs pauvres », explique au Monde Brigitte Bourgui- gnon, la présidente LRM de la commission des affaires sociales de l’Assemblée. L’ex-socialiste, qui se veut désormais le fer de lance du « pôle social » de la ma- jorité, plaidepour le rétablissement de l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. La députée du Pas-de-Calais réclame également la revalorisation de la prime d’activité de « 80 euros au 1er janvier 2019, au lieu de l’augmentation progressive prévue en quatre fois entre la fin de l’année 2018 et 2021 ». « Le renforcement du pouvoir d’achat de ceux qui gagnent le moins doit être notre priorité », a également souligné le député LRM de Côte-d’Or, Didier Martin, le 31 janvier, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée. « Il est néces- saire d’aller plus loin. Il faut renforcer la prime d’activité pour deux millions et de- mi de foyers modestes, revaloriser le complément mode de garde pour 83 000 fa- milles monoparentales et augmenter le minimum vieillesse pour un demi-million de Français défavorisés », a-t-il déclaré. Député apparenté LRM de l’Essonne, l’ex-premier ministre Manuel Valls plaide lui aussi pour de nouvelles mesures en faveur du pouvoir d’achat. « Je défends la défiscalisation des heures supplémentaires pour renforcer le pouvoir d’achat des salariés et des classes moyennes », déclare-t-il au Monde, jugeant également nécessaire d’instaurer « une réforme des minima sociaux autour d’un revenu décent garanti ». Un peu d’air pour l’exécutif Les oppositions s’engouffrent dans la brèche. « Macron et redistribution, ça ne fait pas une rime riche ! », a fustigé le patron des députés socialistes du groupe Nouvelle Gauche, Olivier Faure, dans Les Echos du 2 février. Le patron du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, dénonce « un acharnement du gouverne- ment contre les classes moyennes », en soulignant que les « gens modestes » sont pénalisés par la hausse du diesel et les retraités par celle de la CSG. « Dans les réunions, avant, les retraités disaient : “Macron, on lui laisse sa chance.” Mainte- nant, ils disent : “Il me manque de l’argent !” », témoigne le sénateur LR de Pa- ris, Pierre Charon. Face à ce tir croisé, le gouvernement ne pouvait rester immobile. Dès mercredi 31 janvier, lors des questions au gouvernement, Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des comptes publics, a déclaré que « l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et leur défiscalisation [constituent] l’acte II de l’augmentation concrète du pouvoir d’achat ». « C’est une promesse de cam- pagne, elle sera tenue », a assuré Bruno Le Maire le même jour. « On ne s’interdit aucune piste », a indiqué le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, jeudi 1er février, confirmant que le sujet est « en réflexion ». Jusque-là, M. Darmanin semblait isolé dans son plaidoyer en faveur de cette proposition phare du programme d’Emmanuel Macron, passée aux oubliettes depuis septembre. Si la mesure figure bien dans les annexes du projet de loi de finances 2018, avec son coût (3,5 milliards d’euros), aucune date n’était avan- ↑ 15
cée pour sa mise en place. « On le fera, mais il faut voir quand, si c’est dès 2019 ou si l’on attend, cela dé- pendra de l’état des finances publiques et s’il y a d’autres priorités », assure au- jourd’hui Bercy. De fait, la meilleure conjoncture économique – le PIB a finale- ment crû de 1,9 % en 2017, alors que le gouvernement avait indiqué 1,7 % dans son budget rectificatif – qui génère des recettes fiscales supérieures, donne un peu d’air à l’exécutif. Mais elle risque aussi d’entraîner une hausse des reven- dications de la part des catégories de Français qui s’estiment lésés par la poli- tique économique d’Emmanuel Macron. Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à Bercy, le 11 janvier. Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à Bercy, le 11 jan- vier. CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS Par Alexandre Lemarié, Audrey Tonnelier Parution : Quotidienne Tous droits réservés http://www.lemonde.fr 2018 ↑ 8a96d3c78b303701c5c61500610c518d8953f615711b66bd004ac07 16
dimanche 4 février 2018 Page 10 2068 mots FRANCE Femmes voilées recherchent job désespérément De jeunes diplômées racontent leur difficulté à trouver un emploi Elles y vont le plus souvent avec la contraire à la loi, qui interdit aux en- J'ai vu la différence entre avant et boule au ventre. Pour tout deman- treprises de discriminer lors de l'em- après, même lorsque je recherchais un deur d'emploi, l'entretien d'em- bauche, que ce soit en fonction de la job d'été, témoigne-t-elle. Je n'avais bauche est une épreuve. Lorsqu'on religion, du sexe, de l'âge ou de tout jamais eu de problème avant. " La dif- est une femme et que l'on porte un critère autre que les compétences. " férence a persisté lorsqu'il s'est agi de voile, il devient vite un tourment. " Elle a pour conséquence que le secteur décrocher un emploi. " J'ai vite com- Parfois, c'était plus le foulard que moi- privé devient une peau de chagrin pour pris qu'il fallait mieux l'enlever lors des même qu'on regardait ", témoigne My- ces femmes ", ajoute Lila Charef. entretiens, même pour un simple tur- riam (les femmes interrogées ont ban, explique cette employée d'un souhaité préserver leur anonymat), De nombreuses femmes témoignent cabinet de conseil. Pour un même une -Parisienne de 23 ans titulaire de cette difficulté par leur parcours. poste, sans turban, ça passait beau- d'un BTS d'assistant manageur. Elle surgit parfois avant même la fin coup mieux. Ce domaine recrute beau- de leurs études. A -Angers (Maine- coup, j'avais plein de propositions, Il arrive que, pendant l'entretien, le et-Loire), après de nombreux refus, mais j'ai compris que ce serait un frein. recruteur glisse une question à ce su- en master d'économétrie, Sarah a dû " jet. " On m'a déjà demandé : lorsque faire son stage de fin d'étude au sein vous viendrez travailler, -enlèverez- de l'université. Dans son mastère en A Paris, les entretiens se " passent vous votre voile ? ", se souvient la Tou- systèmes d'information et d'aide à la bien " pour Myriam mais n'abou- lousaine Samira, 24 ans, titulaire décision, le directeur de formation et tissent pas pour autant à une em- d'un DUT de techniques de commer- le coach en communication avaient bauche. " Vous correspondez au poste, cialisation. Mais souvent, il demeure prévenu Mina : avec son voile, elle mais avec votre foulard, ça ne passera un non-dit. Pourtant, c'est bien à ce aurait du mal à -trouver un emploi pas ", lui disent des recruteurs. A Pôle moment-là que se referme, pour qui corresponde à ses compétences emploi, un conseiller l'a " mise en beaucoup de ces diplômées, la porte d'ingénieure en informatique déci- garde " contre les conséquences du entre-ouverte de l'entreprise recru- sionnelle. Cette Toulousaine de 26 port du foulard. Cette incertitude sur teuse que leur CV avait pourtant in- ans a eu un avant-goût de ce qui l'at- les motifs profonds des refus qui leur téressée. Dans le huis clos de l'entre- tendait au moment de trouver un sont opposés est déstabilisante. tien d'embauche, les femmes voilées stage. Elle avait postulé avec des CV ressentent durement l'obstacle invi- sans photo. Le jour de l'entretien, Une fois qu'elle a eu fini son stage sible qui leur est réservé sur la voie elle avait un discret foulard noué en chez Orange, à Toulouse, Mina s'est de l'emploi salarié, en particulier de turban. Avec le recruteur, cela ne mise en quête d'un emploi. " Là, je l'emploi qualifié auxquels les ont s'est pas bien passé. " L'attitude de n'ai eu que des refus, raconte-t-elle. préparées leurs diplômes. cette personne, ses regards, montrait Je décrochais des entretiens, certaines Du mal à trouver un stage qu'elle n'était pas contente ", résume- entreprises me contactaient spontané- C'est une réalité impossible à quanti- t-elle. Elle a finalement effectué son ment car -elles recherchaient mon pro- fier, difficile à saisir. " Le refus d'em- stage de six mois chez Orange, qui fil, mais quand j'arrivais, on me disait bauche est assez peu visible car il est avait déposé une offre dans son mas- que finalement il n'y avait pas de place très difficile de le démontrer ", souligne tère. ou que je ne correspondais pas ", dit Lila Charef, -directrice exécutive du la jeune ingénieure. Un jour, pendant Collectif contre l'islamophobie en En région parisienne, Linda, 28 ans, un entretien, deux recruteuses lui France (CCIF). C'est pourtant une a perçu un changement lorsqu'elle a demandent si elle a une idée de ce qui pratique bien réelle, dont le caractère commencé à se voiler, en seconde a pu motiver les refus précédents. Le insidieux n'empêche pas qu'elle soit année de mastère de management. " voile, répond-elle. " Oui, pour nous, le ↑ 17
voile ne peut pas passer. Il faudra le re- voile – par -l'association Cœxister. " de partir au Royaume-Uni, où c'est tirer, et on signera un contrat tout de Je pouvais être moi-même ", se sou- beaucoup plus souple ". Samira a inté- suite. " Elle a refusé. vient-elle. Puis elle a dû chercher gré un centre de formation privé ac- ailleurs. Après des déconvenues, elle ceptant les femmes voilées, mais Garder le voile, le retirer : devant les s'est résolue à aller tête nue à un en- pour un emploi qui n'a " rien à voir difficultés, ce dilemme s'impose à tretien. " Ça m'a fait bizarre. Mais on avec - ses - qualifications " de com- toutes un jour ou l'autre. Chacune le me regardait enfin comme une per- merciale. Elle réfléchit à la suite : " résout à sa façon, soit en tranchant sonne lambda ! ", se souvient-elle. J'attends d'avoir la bonne idée pour une fois pour toutes, soit en hésitant, Elle a été embauchée et se demande monter une auto-entreprise ", dit-elle. mais jamais simplement. La socio- encore si ses collègues l'auraient logue Fatiha -Ajbli a étudié dans sa considérée de la même manière si Mina a travaillé dans une association thèse, soutenue en 2011, les " stra- elle était venue voilée au début. " Les dont les bénévoles se sont révélés " tégies variées " de ces femmes qui gens croient que parce qu'on est voilée, intolérants ", puis dans une école pri- cherchent à concilier voile et emploi. on ne parle que de religion ou qu'on ne vée musulmane. " Malheureusement, " La nature de leur arbitrage entre le sait pas rigoler ", ironise-t-elle. cette intolérance nous pousse bien sou- travail et le signe religieux déterminera vent à travailler “en communauté”, leur trajectoire professionnelle ", ré- Linda a fini par retirer son foulard. " dans une entreprise dont le patron est sume-t-elle. Même si, de manière gé- Dès ce moment, ça s'est très bien passé. musulman, alors que ce que j'aime, nérale, " plus le diplôme est important J'ai décroché un stage. Pour mon pre- c'est le contact avec les gens de tous et professionnalisant, plus la place de mier job, j'ai pris la décision d'y aller horizons ", regrette Mina. la visibilité religieuse sera prête à être sans – j'avais un loyer à payer. On de- Evolution vers l'entrepreneuriat aménagée ", Fatiha Ajbli note que les vient schizo : on a l'impression d'être Aujourd'hui, trois ans après avoir fini nouvelles générations de prati- deux personnes selon qu'on porte son ses études, elle est télésecrétaire à quantes sont moins " complexées " voile ou non. " Son choix ne va pas domicile, avec le statut d'autœntre- que les précédentes et plus détermi- sans interrogations : " L'enlever, c'est preneuse. Tout en élevant son en- nées à concilier les deux. " Elles sont un déchirement pour nous, témoigne fant, elle gère les plannings de méde- moins marquées par cette tension, plus la jeune femme. On ne se sent pas cins et d'entreprises. Elle est payée à à l'aise avec l'articulation des deux nous-mêmes. Après, on s'y fait. Je l'en- l'appel et gagne " une misère ". Mais sphères ", -observe-t-elle. lève avant d'arriver au travail. J'ai l'im- elle " préfère travailler seule plutôt que " On devient schizo " pression d'être une hors-la-loi. " Elle se de - se - prendre des refus ". Mina Myriam a tenu bon : " Dans ma fa- demande comment cela se passerait n'entend pas en rester là : " Garder le mille, certains me disaient de le retirer si elle demandait à son employeur de voile, ça ne me handicape pas du cer- pour l'entretien. J'ai été tentée, mais il pouvoir venir voilée. Avec la " peur veau ! " Elle essaye de développer son fait tant partie de moi. Je ne voulais pas que mes collègues changent de regard activité d'autœntrepreneuse " pour l'ôter. J'ai étudié comme tout le monde, sur moi ". les années à venir ". pourquoi serais-je désavantagée par un bout de tissu ? " Elle a fini par être Mina n'a pas voulu le retirer : " Il fait La réorientation vers l'entrepreneu- embauchée dans une entreprise pa- partie de moi ", tranche-t-elle. Ses riat d'une partie de ces femmes qui risienne de services. D'abord à un professeurs l'avaient prévenue ont trouvé close la porte du salariat, poste de téléconseillère qui ne lui qu'elle aurait du mal à trouver un c'est ce que scrute la doctorante en convenait pas. La perspective de re- emploi à Toulouse et lui conseillaient sociologie Hanane Karimi. Initiale- commencer ce parcours du combat- d'aller en région parisienne. Cette re- ment, elles sont allées en nombre tant l'a dissuadée de chercher cherche sans aboutissement est vers des plates-formes d'appels télé- ailleurs. A la faveur d'une mobilité usante. " A force de chercher, le moral phoniques et le télémarketing. La interne, elle est devenue gestion- en prend un gros coup ", reconnaît- chercheuse observe que " ces straté- naire et " cela se passe très bien ". elle. gies d'évitement ne comblent plus ces femmes et elles trouvent dans l'entre- A Paris, après sa formation de comp- Toutes évoquent des périodes de dé- preneuriat un moyen de dépasser la li- table, Fatoumata, 26 ans, a elle aussi couragement et de perte de confiance mitation du marché de l'emploi ". D'où voulu conserver son voile. Consé- en soi. Certaines, qui n'ont pu trou- la croissance d'un entrepreneuriat quence, elle a dû se contenter dans ver un emploi à la hauteur de leurs musulman féminin dans des do- un premier temps de garde d'enfant qualifications, se rabattent sur des maines très variés, de l'artisanat au avant d'être -embauchée – avec son pis-aller. Sarah, l'analyste, " envisage coaching sportif en passant par les ↑ 18
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