Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel

 
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Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel
Pastoralia
                                                                                                              Archidiocèse de Malines-Bruxelles § novembre / décembre 2020 § 6
Bimestriel - Wollemarkt 15, 2800 Mechelen - n°P2 A9708 - Bureau de dépôt : Bruxelles X - Photo : © Pxhere

                                                                                                            L’ encyclique Fratelli tutti

                                                                                                            L’aide au Liban

                                                                                                            Le deuil, un processus vital
Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel
| Édito
                                          Sommaire                                                     N°6 novembre - décembre 2020

De l’importance                           Propos de Mgr Kockerols
des rituels                               3.	Une Église synodale

Jeune ou plus âgé, homme ou               Vie du diocèse

                                                                                                                                                                             © Pressfoto - www.freepik.com
femme, chacun aspire à structurer le      5.	Mort et célébration en temps de
temps, pour mieux se prémunir de              pandémie
sa fuite. Le temps file, passe, court à
                                          6.	Fêtes en solitude
toute allure, au rythme quelquefois
endiablé des occupations. Se poser
quelques heures, accueillir les évé-      L'Église dans le monde
nements sans précipitation, mieux         8.                L’encyclique Fratelli tutti                        Formation continue
encore esquisser un pas de côté,          10.	L’aide au Liban                                                  16.	Laudato si’ : dialoguer pour cheminer
prendre de la hauteur, renoncer au                                                                              18.	Le deuil, un processus vital
                                          12.	La spiritualité belge sous la loupe de
tourbillon du mouvement, voilà une
                                               prêtres nigérians                                                20.	À la messe avec Beethoven
habitude souvent négligée… Les
semaines égrènent les journées, à                                                                               22. Pro Petri Sede
chaque mois en succède un autre,          À découvrir
                                          14.	Recensions
tandis qu’au fil des saisons, les                                                                               Communications
années se suivent.
Les ruptures du quotidien assurent
                                          © Vatican Media

                                                                                                                                                                            © Caritas
aux humains de poser un regard
neuf sur l’enchaînement des heures
et des événements. Leur utilité
tient aussi à leur fréquence, qui
garantit leur présence comme une
évidence. Ainsi en est-il de la fête
de la Toussaint, de l’Avent et de la
Noël. Ces moments sont souvent
des occasions de retrouvailles
familiales. Attendues ou redoutées,
elles ne sont pas moins le ferment
d’échanges plus ou moins nourris.
Nul doute que l’année 2020 soit
rangée parmi les cuvées étranges.
                                          Comment s’abonner ?                                                   Cotisations et dons
Pourtant, au cœur de l’épreuve et                                                                               IBAN : BE53 2300 7228 7753
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de l’incertitude, bien des visages                                                                              Comm. : “abt Pastoralia francophone”
                                          Véronique Thibault : 02 533 29 36
se sont révélés. La solidarité a brillé                                                                         6 numéros / an : 30 € ou 50 € deux
                                          pastoralia.archeveche@catho.kerknet.be
dans maints échanges et, plus                                                                                   éditions (fr et nl) pour la Belgique.
encore, certains ont retrouvé la clef                                                                           65 € pour l’Europe ; 75 € pour le monde.
de la joie. Savourer l’instant dans sa
fragilité, quand bien même la mort
rode. Ou précisément parce qu’elle
est aux abords immédiats, soudain
quasi perceptible.                                          Tenez-vous au courant de                               Inscrivez-vous sur :
Les contours de l’avenir sont, par                          l'actualité de l'Église sur                            www.kerknet.be/archidiocèse/
essence, indécis. Leur évanescence                           www.cathobel.be                                       newsletter
leur confère toutes les possibilités.
Que nous soyons ou non confinés,
                                                  Pastoralia                               Rédactrice en chef                        Équipe de rédaction
l’essentiel est d’éviter les emmure-              Rue de la Linière 14                     Angélique Tasiaux - 0478 46 41 01         Samuel Bruyninckx ;
ments des cœurs. Même à distance,                 1060 Bruxelles                           a.tasiaux@diomb.be                        Geert De Kerpel ; Mgr Hudsyn ;
                                                  pastoralia.archeveche@catho.kerknet.be                                             Anne-Élisabeth Nève ; Anne Périer ;
les attentions existent et brisent la             02 533 29 36
                                                                                           Secrétariat de rédaction                  Tommy Scholtes ; Angélique Tasiaux ;
                                                                                           Véronique Thibault                        Véronique Thibault ; Jacques Zeegers
solitude, cette muraille aux tenons               lundi, mardi et vendredi                 02 533 29 36
d’acier.                                          de 9h à 13h                              pastoralia.archeveche@catho.kerknet.be    Imprimeur
                                                                                                                                     Halewijn NV - Halewijnlaan 92 -
                                                  Éditeur responsable                      Mise en page                              2050 Anvers
                      nnA. Tasiaux,               Geert De Kerpel, Wollemarkt 15,          Mathieu Dulière
                                                  2800 Mechelen
                 rédactrice en chef
                                          Nous respectons votre vie privée et la législation relative à ce sujet (RGPD). Si vous avez une question, adressez-la à privacy@diomb.be
                                          Malgré notre vigilance, il est possible que certains ayants droit nous soient restés inconnus. Nous restons à leur disposition.
                                          Les articles de ce numéro ont été clôturés le 5 octobre 2020.
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Propos de Mgr Kockerols

                          Une Église synodale :
                          qu’est-ce à dire ?

                          Permettez-moi de choisir, pour ce propos épiscopal, un thème qui n’est
                          peut-être pas « de saison », mais qui a et aura son importance dans
© Vicariat de Bruxelles

                          la vie de l’Église. Le pape François aime s’y attarder : l’Église doit être
                          synodale. Mais de quoi s’agit-il ?

                          On devine qu’il y a là une insistance sur plus de prise     Un chemin, ce sont des paysages changeants et des
                          de responsabilité de tous dans la vie de l’Église.          étapes attendues. Des jours de désert, de brouillard
                          S’il revient à quelques-uns d’assurer ce service, ce        ou de lente ascension en silence. Des étapes, des
                          ministère, de prendre des décisions (decision taking),      temps d’arrêt qui offrent l’occasion de relire la route
                          ils ne peuvent plus se passer d’une implication de          accomplie et de s’en émerveiller, en y voyant émer-
                          bien d’autres dans le discernement et l’élaboration         ger les signes d’un Royaume qui vient. Des haltes
                          de ces décisions (decision making). C’est dans cet          imprévues avec l’incertitude de la bonne direction
                          esprit-là qu’à tous les niveaux de la vie de l’Église, de   à suivre. Des culs-de-sac parfois, avec l’humiliation,
                          nombreux conseils ont vu le jour depuis le concile          voire l’angoisse de la marche arrière. Des choix à
                          Vatican II.                                                 faire, des risques de se perdre ou de se noyer : « Allez
                                                                                      en eaux profondes ».
                          Mais la synodalité de l’Église devrait d’abord être un
                          état d’esprit, lié à l’essence même d’une Ecclesia pe-      Ensemble, c’est appartenir à un corps. Prendre
                          regrinans, une Église en marche vers le Père. Quelles       conscience de cette appartenance et persévérer en
                          sont les caractéristiques majeures de ce pèlerinage,        elle. Sur le chemin, si chacun marche à son rythme, il
                          de ce « faire chemin ensemble » (car telle est bien         faut parfois patiemment s’attendre. Mais c’est aussi
                          l’étymologie du mot synodos) ? Et dès lors, à quelle        une force d’appartenir à un corps. D’ailleurs, « le trou-
                          synodalité notre époque nous appelle-t-elle ?               peau lui-même possède un odorat pour trouver de
                                                                                      nouveaux chemins » (Evangelii Gaudium, 31).

                          |
                                                                                      Ensemble, c’est reconnaître une égalité foncière
                              L’Église en pèlerinage sur la
                                                                                      entre les membres de ce corps, quels que soient
                              Terre : faire chemin ensemble
                                                                                      les charismes et les missions dévolus à chacun. Telle
                          Un chemin, c’est un processus, un cheminement,              est la grâce du Peuple de Dieu en marche. « Si un
                          qui est tout aussi important, si pas plus, que son          membre souffre, tous les membres partagent sa souf-
                          aboutissement. C’est une expérience, une quête              france » (1Co 12, 26).
                          commune. Une progressivité, jamais du tout cuit.
                          « Marcheur, il n’y a pas de chemin : le chemin se fait      Ensemble, c’est grandir lentement en confiance réci-
                          en marchant » (Machado).                                    proque. La synodalité est un chemin de croissance en

                                                                                                                      Pastoralia - N°6 | 2020     3
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Propos de Mgr Kockerols

    unité, dans la découverte des autres, au fil des joies        que chacun porte et apporte à l’église, s’il souhaite le
    et des épreuves partagées.                                    partager à l’Église. « Chemin faisant », c’est alors que
    Dans l’Église, c’est découvrir chaque fois à neuf que         Jésus leur demanda : « et pour vous, qui suis-je ? » et
    le Christ vient à notre rencontre et qu’il fait chemin        que Pierre reconnut en lui le Messie (cf Mc 8, 27).
    avec nous, en faisant tomber nos peurs (cf. Lc 24, 29).
    « Je suis avec toi et je te garderai partout où tu iras »     Plus profondément, la crise du Covid-19 continue à
    (Gn 28,15).                                                   nous bousculer. Elle « oblige » l’Église à s’interroger
                                                                  sur ses priorités, sa façon de célébrer sa foi, d’an-

    | Un
                                                                  noncer l’Évangile, de servir son prochain. Autrement
         appel
                                                                  dit : ce que nous vivons actuellement n’est pas une
      à plus de synodalité
                                                                  parenthèse, avec un retour à la « normale » le plus vite
    Nos conseils, au plan local, dans nos Unités pas-             possible. C’est un kairos, un temps opportun, pour,
    torales, dans nos vicariats et nos diocèses, sont-ils         de façon synodale, nous écouter dans ce que nous
    de vrais lieux où s’échange une parole inspirée ?             vivons comme chrétiens, habités de l’Esprit Saint, et
    Pragmatiques, nous avons bien souvent l’envie de              ce que nous désirons pour l’Église, ici et maintenant.
    résoudre des problèmes, plutôt que de nous risquer à          Le renouveau pastoral, auquel le pape François avait
    rencontrer les vrais défis. Certes, ils nous effrayent, car   appelé de toutes ses forces au début de son pontifi-
    ils n’ont pas de solution toute faite. Laissons-nous la       cat, doit maintenant s’imaginer et prendre corps. « La
    place à ce compagnon de route ? Il s’agit d’écouter le        pastorale en terme missionnaire exige d’abandon-
    Seigneur qui parle en premier, de se laisser bousculer        ner le confortable critère pastoral du ‘on a toujours
    par sa Parole. Il s’agit d’écouter chacun des membres         fait ainsi’ (EG 33) » écrit-il. J’ajoute une autre phrase
    du conseil, sans l’écraser, en respectant ses intuitions,     récurrente dans nos lieux d’Église : « ça ne marchera
    ses sentiments cachés. Cela nous coûte souvent un             jamais ». Voilà témoigner de bien peu de confiance en
    peu… beaucoup. Pourtant, la synodalité de l’Église            l’Esprit Saint !
    est à ce prix.
                                                                  J’ai bien quelques rêves à ce propos. Mais pour être
    Lorsque les célébrations ont repris, après le confine-        cohérent avec ce que je viens d’écrire sur l’Ecclesia
    ment, à l’issue d’une messe, quelqu’un fit la remarque        peregrinans, je préfèrerais que d’autres voix puissent
    suivante : « En fait, on se rend compte que c’est quand       aussi et d’abord être entendues. Je reste donc à la
    même le prêtre qui fait (presque) tout ». C’est bien          disposition de ceux qui partagent ces aspirations
    dommage d’en arriver à ce constat. Pour célébrer un           pour marcher ensemble, plus loin, plus haut. Ultreia,
    chemin commun, pour s’émerveiller et rendre grâce             comme le répètent à l’envi les pèlerins de Saint-
    ensemble du vécu de chacun, pour intercéder vrai-             Jacques. Plus loin, plus haut. Plus beau et plus vrai
    ment pour les besoins de la communauté, il y aurait           aussi.
    lieu d’être plus attentif à la voix de chacun. De ce
                                                                                                     nn+ Jean Kockerols
     © Vicariat de Bruxelles

    Rentrée pastorale à Bruxelles en 2019

4   Pastoralia - N°6 | 2020
Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel
Vie du diocèse

                   Mort et célébration en
                   temps de pandémie
                   Il y a un moment où tout semble menace : le virus, la maladie, les per-
© Tommy Scholtes

                   sonnes, les objets… et dans le cadre de l’accompagnement des fins de
                   vie, les distances sont insupportables.

                   Le toucher devient prohibé, la com-      mises par Facebook. Les pompes           d’espérance exprimant la commu-
                   munion peut simplement être dite         funèbres créent des sites web pour       nion de Dieu avec nous, la commu-
                   par SMS, mail ou téléphone. Les          que l'on puisse y déposer des mes-       nion entre nous, et la communion
                   visites sont interdites… Prêtres ou      sages de condoléances, une prière,       avec toutes les personnes malades
                   aumôniers font ce qu’ils peuvent.        des vidéos ou des textes à l’inten-      et leurs soignants. Le temps bref
                   Le sacrement des malades est don-        tion des familles endeuillées.           devient dense. Le silence pendant
                   né là où c’est possible et demandé.                                               lequel des larmes coulent devient

                                                            | L’espérance
                   Les malades sont souvent seuls, et                                                habité par une immense tendresse,
                                                                          de
                   les proches … loin. Prière de ne pas                                              qui cherche à s’exprimer dans
                                                              Pâques
                   s’étreindre dans les tristesses… Au                                               les limites permises. Nous avons
                   moment où un baiser de réconfort         La célébration religieuse est telle-     été poussés à nous tourner vers
                   réciproque est le plus attendu, où       ment autre. Comme tout ce que            l’Essentiel, sans détours, la vie, la
                   la main sur l’épaule est espérée…        nous vivons. Pourtant, le cierge de      mort, l’amour et l’espérance. La fra-
                   Non…                                     Pâques essaie d’éclairer. Je l’amène     gilité humaine s’impose à nous. La
                                                            au cimetière, s’il n’est pas autorisé    qualité d’une vie tient à la capacité
                   Le corps est emporté. Il disparaît       de se réunir à l’église. L’encens        d’aimer. Dieu nous le redit et nous
                   de notre regard. Les souvenirs, la       abondant parfume la petite assem-        nous le redisons plus que jamais les
                   peine, tout se bouscule dans la tête     blée familiale et amicale présente,      uns aux autres. La solidarité n’était
                   et le cœur.                              comme une prière qui s’élève en          pas et n’est pas vaine. En termes
                                                            témoignant le respect pour le            chrétiens, cela s’appelle la commu-
                   Au printemps, selon les régions du       corps, temple de l’Esprit Saint, aussi   nion. S’incliner devant le corps d’un
                   pays, les règles étaient différentes !   abîmé soit-il par la maladie. L’eau      défunt aimé, en silence, en priant,
                   En Wallonie, les célébrations            bénite rappelle notre baptême. Elle      devient une offrande, certes dans
                   étaient par moment interdites à          est donnée avec tout l’amour de          la tristesse. En ce sens, ce temps
                   l’église par mesure d’hygiène. À         Dieu, au nom du Père, du Fils et du      de pandémie renforce nos liens
                   Bruxelles, les cérémonies restaient      Saint Esprit.                            humains et spirituels, même quand
                   permises, brèves, sans eucharistie,                                               le toucher s’appelle distanciation…

                                                            | Être
                   avec 15 ou 30 personnes maxi-                                                     Lors des célébrations de la Tous-
                                                                   en
                   mum… Les retrouvailles familiales                                                 saint, évoquons avec affection ceux
                                                              communion
                   et amicales, si importantes pour                                                  qui nous ont quittés, appelés à la
                   faire son deuil, n’étaient pas           Restent la parole, le silence et les     sainteté.
                   autorisées. Alors, nous innovons,        signes. Parole de Dieu, parole des
                   les petites cérémonies sont retrans-     hommes et des femmes. Paroles                         nnTommy Scholtes, sj

                                                                                                                 Pastoralia - N°6 | 2020     5
Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel
Vie du diocèse

                                    Fêtes
                                    en solitude

                                    Le mois de décembre est typiquement le mois des lon-
                                    gues soirées qui commencent tôt vu l’obscurité ambiante.
                                    C’est aussi le temps des fêtes, de la Saint-Nicolas pour les
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                                    familles, écoles et associations et la préparation à Noël
                                    et au Nouvel An. De nombreux bons moments pour beau-
                                    coup d’entre nous.

                                    Les enfants, et les adultes aussi, aiment recevoir       de repos, pour y être allés d’une manière ou d’une
                                    de petits cadeaux en signe d’affection. Pourquoi         autre, comme patient ou visiteur, ou comme pen-
                                    tant de fêtes si ce n’est l’occasion de célébrer et de   sionnaire.
                                    rythmer la vie qui va ? Se préparer à la fête est déjà   C’est sans doute la dimension sociale et rela-
                                    un plaisir et s’en réjouir à l’avance fait déjà partie   tionnelle qui marque le plus nos comportements
                                    de la fête. Les commerces anticipent d’ailleurs de       actuels : les distances, les craintes, les contacts
                                    plusieurs semaines cette atmosphère.                     proches empêchés. Nos rencontres familiales en
                                    Cette année, les choses seront sans doute bien           seront bouleversées. La maladie, quand elle nous
                                    différentes des autres années. La prudence sera          touche de près est une chose, mais la vie autour
                                    de mise, pas tellement pour les verglas de moins         s’arrête quasiment. Alors comment se préparer ?
                                    en moins fréquents que pour les mesures liées à la       Pour l’extérieur, ce ne sera pas difficile, parce que
                                    contamination par « le » virus et les autres grippes     les décorations arriveront et les illuminations aussi.
                                    hivernales habituelles.                                  Cela créera une « ambiance » qui nous portera.

                                    | À distance
                                    Faire un reportage sur les familles en fête, c’est un
                                                                                             |   Sur les lieux
                                                                                                 de solitude
                                    plaisir. Même si on peut s’interroger sur ce qu’est      En prison, les moments de « parloir » seront peut-être
                                    une fête et comment elle est vécue. Je vous pro-         allongés… mais le personnel est réduit au moment
                                    pose de nous y arrêter, en regardant en particulier      des fêtes. Les familles écriront plus. Les visiteurs de
                                    les situations de solitude plus ou moins proches         prison et les équipes d’aumônerie seront en première
                                    de nous. Pour qui habite Saint-Gilles ou Forest,         ligne. Cependant, la désolation est vaste à l’intérieur
                                    ou encore le Brabant wallon du côté d'Ittre ou           de ces grandes maisons. Certaines paroisses écrivent
                                    de Nivelles, le mot prison signifie quelque chose.       des cartes de vœux, envoient des calendriers, des
                                    De grands bâtiments occupés par des centaines            agendas, de petits cadeaux bienvenus. Sur le site,
                                    de personnes qui y vivent ou y travaillent. Nous         un goûter, un concert de Noël sont parfois organi-
                                    connaissons aussi tous les hôpitaux ou les maisons       sés, et on peut espérer une célébration autour du

                                6   Pastoralia - N°6 | 2020
Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel
Vie du diocèse

25 décembre. Souvent, un évêque rejoint l’équipe              de fête si elle en exprime le désir. Oserait-on faire
d’aumônerie pour présider l’eucharistie. Noël de-             la démarche de demander « Voulez-vous une petite
vient alors un temps d’intériorité, où la fragilité se fait   crèche pour Noël ? »
davantage ressentir, où l’émotion est grande, et où
Jésus rejoint tout homme et toute femme de bonne              Il s’agit finalement d’inventer ce qui peut être « pré-
volonté. L’an dernier, l’aumônerie des prisons avait          sence » auprès de ceux et de celles qui sont seuls.
ainsi conçu un magnifique calendrier de l’Avent, avec         Le message de Noël sera fort. Dieu-Emmanuel se
une étape suggérée chaque jour.                               traduit par « Dieu avec nous », mais si personne
                                                              n’est là, qui peut le comprendre et le vivre vrai-
Dans les maisons de repos, il est plus facile de créer        ment ? Comme les fêtes familiales seront peut-être
goûters et concerts, mais la vulnérabilité des rési-          plus réduites en nombre, on aura davantage de
dents fera parfois obstacle en raison de la pandémie.         temps à consacrer aux rencontres plus indivi-
Les équipes d’animation créeront, j’en suis sûr, des          duelles. Et on devra probablement faire un peu
animations dans la mesure du possible. Là encore,             moins de courses pour organiser de grands repas.
petits cadeaux et cartes de vœux seront à « pres-             Du coup, certaines associations seront heureuses
crire », en signe d’affection vis-à-vis de nos aînés.         d’avoir de l’aide supplémentaire pour l’organisa-
Aumôneries et visiteurs bénévoles seront en pre-              tion des banques alimentaires et la confection de
mière ligne. Si les personnes devront peut-être rester        colis de Noël.
davantage en chambre, proposer l’envoi de petites
crèches aux pensionnaires pourrait être une bonne             Préparer un temps de Noël dense, par un Avent
idée. Le sens de la fête est d’être avec d’autres. De se      réellement vécu, comme une attente intense,
réjouir sans doute, mais aussi de partager des senti-         change le cœur de la fête. La prière peut trans-
ments, qui, marqués par la solitude, sont tellement           former nos cœurs. Marquons par nos idées et nos
lourds pour certains.                                         actes que l’attente commune de la fête est non
                                                              seulement une espérance, mais aussi une réalité. Et

|
                                                              j’ose croire que la fête en sera plus belle.
    Être présent,
    plus que jamais
                                                                                              nnTommy Scholtes, sj
Durant le pic de la pandémie au printemps dernier,
nous étions préoccupés par des nouvelles à deman-
der ou à donner aux uns et aux autres. Mais le pic
passé n’a pas vraiment ouvert une autre manière
d’être avec les plus fragiles. Le confinement avait
amené une réflexion sur un « vivre autrement »,
mais cette belle intuition n’a peut-être pas porté
les fruits que l’on aurait pu espérer à long terme.
Si cette année est différente des autres années,
cela pourrait être l’occasion d’initiatives nouvelles,
où sont mentionnées, dans les prières et les célé-
brations, ces personnes seules, et que ces prières
débouchent aussi sur des initiatives individuelles
ou groupées. Selon les possibilités des accès, bien
sûr, mais le courrier arrive toujours. Et le temps pris
pour être avec l’autre, en « présentiel » comme on
dit aujourd’hui, ou en « virtuel », si on ne peut le faire
autrement, créera un esprit « autre » aussi. J’admire
les groupes de catéchèse et les mouvements de
jeunesse qui peuvent aller chanter. Ou les chorales
qui animeront des célébrations. Avec prudence
certes, mais avec un cœur déterminé à donner. Et là,
chacun reçoit plus qu’il ne donne…
                                                              © Tommy Scholtes

En fait, chaque personne vivant une plus grande
solitude devrait être assurée de recevoir un signe

                                                                                             Pastoralia - N°6 | 2020    7
Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel
L'Église dans le monde

                      « I have a dream » …
                      Fratelli tutti, l’encyclique du pape François

                                                                             Martin Luther King l’a dit. Le pape
                                                                             François ne va pas le redire ainsi,
                                                                             mais il l’a pensé très fort ! Il a signé
                                                                             l’encyclique Fratelli tutti à Assise,
                                                                             la terre de saint François. Il avait
                                                                             trouvé l’inspiration pour Laudato si’
                                                                             auprès de François d’Assise aussi.
© Vatican Media

                      Élu pape, il avait pris le nom de François. Le même.      nourrissent, j’ai essayé de le faire de telle sorte
                      Laudato si’ n’était pas uniquement écologique, elle       que la réflexion s’ouvre au dialogue avec toutes les
                      engageait le chrétien dans un style de vie, dans un       personnes de bonne volonté (6). »
                      regard sur la création, dans une responsabilité qui
                      entraînerait une « mutation » … et nous sommes            En pleine pandémie, le pape François alerte sur ce qu’elle
                      dans un mouvement de « transition ».                      a révélé et sur les mauvaises pistes qui s’ouvriraient.

                      Retour à Assise cinq ans plus tard, pour un nouveau       « … la pandémie de Covid-19 a mis à nu nos fausses
                      grand mouvement, un mouvement de fraternité               certitudes […] l’incapacité d’agir ensemble a été
                      universelle. Saint François n’est pas perçu par tous,     dévoilée […] on a observé une fragmentation ayant
                      chrétiens ou non, comme un grand frère universel.         rendu plus difficile la résolution des problèmes qui
                      Il y a 800 ans, à l'époque des croisades, François        nous touchent tous. Si quelqu’un croit qu’il ne s’agirait
                      d'Assise et le sultan d'Égypte Al-Malik al-Kamili se      que d’assurer un meilleur fonctionnement de ce que
                      rencontraient… Il devenait le visage du dialogue          nous faisions auparavant, ou que le seul message est
                      chrétien avec l’islam, du dialogue interreligieux.        que nous devrions améliorer les systèmes et les règles
                      Inédite cette rencontre, folle diront certains. Au-       actuelles, celui-là est dans le déni (7). »
                      dacieuse en rappel de tant de rencontres de Jésus
                      avec des personnes de culture, de religion, de vie        Enfin, par un vœu et un rêve, le pape appelle à en-
                      « autres ».                                               trer dans une espérance :
                                                                                « […] qu’en cette époque que nous traversons, en
                      Dans l’introduction à cette lettre, le pape François      reconnaissant la dignité de chaque personne humaine,
                      livre son rêve de fraternité et d’amitié sociale :        nous puissions tous ensemble faire renaître un désir
                      « Que face aux manières diverses et actuelles             universel d’humanité. Tous ensemble. […] Rêvons en
                      d’éliminer ou d’ignorer les autres, nous soyons           tant qu’une seule et même humanité, comme des
                      capables de réagir par un nouveau rêve de fra-            voyageurs partageant la même chair humaine, comme
                      ternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas        des enfants de cette même terre qui nous abrite tous,
                      aux mots. Bien que je l’aie écrite à partir de mes        chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions,
                      convictions chrétiennes qui me soutiennent et me          chacun avec sa propre voix, tous frères (8). »

                  8   Pastoralia - N°6 | 2020
Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel
L'Église dans le monde

Et le pape n’a peur de rien. Profondément habité              qu’à travers ce qui élève le cœur et l’esprit vers les
par la Parole évangélique et les attitudes fondamen-          grandes choses, comme la vérité, la bonté et la
tales de Jésus et des disciples, il ose évoquer des           beauté, la justice et l’amour, ouverts sur de grands
thèmes délicats, comme la peine de mort, l’éco-               idéaux.
nomie, le rôle des grandes institutions mondiales
comme l’ONU, mais aussi et surtout les situations             Sur ces chemins de vie, nous rencontrons, nous
de fragilité humaine, d’exclusion, de pouvoir, de             sommes, un étranger, blessé de la vie, malade,
richesse et de pauvreté, de guerre et de violence…            pauvre. Dans l’évangile, un seul s’arrête auprès de
En fait, ce qui fait mal de la part de l’homme ou             lui, se fait son prochain. D’où un appel lancé par le
même des religions qu’il voudrait de paix et de dia-          pape à être les bâtisseurs d’un nouveau lien social,
logue. Le pape reconnaît également avec tristesse             à reconstruire ensemble ce monde en souffrance.
que « la contribution prophétique et spirituelle de
l’unité entre tous les chrétiens manque encore au
                                                              | À méditer
processus de globalisation ».
                                                              Chaque chapitre est porteur de questions, indivi-

| Vers
                                                              duelles et globales. Il suscite en nous des senti-
       un nouvel
                                                              ments nouveaux et provoque volontairement, pour
  équilibre mondial ?
                                                              le bien de chacun.
Laudato si’ avait ouvert un chemin. Fratelli tutti
prend la voie de l’enracinement en chacun de nous             Une encyclique à lire, à réfléchir et à prier, para-
d’une fraternité ouverte, condition vitale pour un            graphe par paragraphe. Il y en a 287 ! Une mine à
monde ouvert et transparent. Si la communication              exploiter sans modération.
se présente comme une proximité, il n’est pas
sûr que nous soyons véritablement plus proches,                                               nnTommy Scholtes, sj
plus frères. Et la solidarité est interpellée à tout
moment. Nos individualismes ne sont pas à expli-
citer, je pense. Nos sentiments de puissance ont
                                                                Le texte complet :
été touchés à vif par le coronavirus : nous sommes
                                                                www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/
tous dans le même bâteau. Nous le sentons bien,
                                                                documents/papa-francesco_20201003_enciclica-
la question du sens de nos existences et de nos
                                                                fratelli-tutti.html
sociétés, les peurs révélées ne peuvent être vécues

  Une tradition séculaire
  La publication d’une encyclique         Le pape François vient ainsi de        rance (2007) et La Charité dans la
  est un événement important en           publier sa troisième encyclique,       Vérité (2009). Le pape Jean-Paul
  Église. Pour preuve, Laudato si’ oc-    après Lumen Fidei (Lumière de la       II en avait, pour sa part, publié
  cupe encore les esprits, cinq ans       foi) en juillet 2013 et Laudato Si’    quatorze. En 300 ans, ce sont
  après sa parution. Les catholiques      en juin 2015. L’enjeu de ces lettres   plus de 300 lettres, aux propos
  de notre temps se sont approprié le     solennelles est d’inscrire la doc-     variés, qui ont été adressées aux
  texte, l’ont intégré à leur pratique    trine de l’Église dans l’actualité.    évêques, au clergé et aux fidèles
  ordinaire. C’est en cela qu’une         Après la dimension spirituelle         du monde. La première ency-
  lettre papale est universelle :         et une approche écologique, le         clique remonte au XVIIIe siècle,
  quand son message rejoint le cœur       pape évoque, cette fois, la fra-       de la main du pape Benoît XIV.
  des hommes et des femmes là où          ternité humaine. La publication        Ces dernières décennies, un ra-
  ils se trouvent et qu’il est trans-     du document magistériel le jour        lentissement des publications est
  posable dans les activités les plus     de la Saint-François est un sym-       observé. Leur valeur s’en trouve,
  ordinaires qui soient. Deux temps       bole marquant. Son prédéces-           dès lors, renforcée !
  se suivent : celui de la publication    seur, le pape Benoît XVI, avait
  officielle et celui, plus discret, du   publié trois encycliques : Dieu est                        nnA. Tasiaux
  cheminement dans les cœurs.             amour (2005), Sauvés par l’Espé-

                                                                                             Pastoralia - N°6 | 2020   9
Pastoralia - L' encyclique Fratelli tutti L' aide au Liban Le deuil, un processus vital - Cathobel
L'Église dans le monde

                                 « Il faut
                                 que vous
                                 sachiez… »

                                 Dans une lettre, le père Charbel Eid, prêtre maronite du Liban et collabo-
                                 rateur de l’Aide à l’Église en Détresse, vide son cœur sur la situation ca-
                                 tastrophique dans laquelle se retrouve la population de son pays d’origine.
© Caritas

                                                               « Il faut que vous sachiez »,   – la monnaie nationale – n’est plus que l’ombre d’elle-
                                                               écrit-il au début de            même : « Les citoyens qui peinaient déjà à amasser
                                                               plusieurs paragraphes de        quelques misérables épargnes n’ont plus accès à leur
                                                               cette lettre, afin de dénon-    argent. Les banques ont bloqué toutes les transac-
                                                               cer la situation que vit la     tions et ne distribuent plus que des sommes insigni-
                                                               population du Liban. C’est      fiantes à leurs clients. Des sommes qui ne permettent
                                                               à la suite de l’explosion       plus à personne de subvenir à ses besoins. Dans les
                 © Charbel Eid

                                                               du 4 août dernier, qui a        commerces, les prix ont explosé. Le dollar, qui valait
                                                               détruit le port de Beyrouth     jusqu’ici 1 500 livres libanaises en vaut aujourd’hui
                                                               et une partie de cette ville,   quasiment 9 000. L’électricité, qui depuis la fin de la
                                 que le père Charbel a décidé de sortir du mutisme             guerre civile n’a jamais été distribuée en continu, s’est
                                 dans lequel la tristesse l’étouffe.                           encore plus raréfiée. Les générateurs qui devaient
                                                                                               pallier les coupures quotidiennes se sont retrouvés
                                 Il rappelle que, depuis près d’un an, la situation au         sans mazout. »
                                 Liban est extrêmement difficile : « Il faut que vous

                                                                                               |
                                 sachiez que la colère gronde depuis trop longtemps
                                                                                                   Le phénix renaîtra-t-il
                                 dans le cœur des Libanais, d’ici et d’ailleurs. Que ces
                                                                                                   vraiment ?
                                 centaines de milliers de personnes qui manifestaient
                                 depuis octobre contre la mal gouvernance et la cor-           Selon le père Charbel, l’espoir et la résilience
                                 ruption des dirigeants politiques sont aujourd’hui les        que les Libanais ont si souvent démontrés dans le
                                 victimes ensanglantées de ce terrible ‘accident’, causé       passé, malgré les tragédies successives, ne sont
                                 par la négligence coupable de ces mêmes autorités. »          plus au rendez-vous. « Beyrouth est aujourd’hui
                                                                                               une ville dévastée. La capitale s’est tant de fois
                                 Le père Charbel écrit également : « Depuis plusieurs          relevée de ses cendres, grâce à l’incroyable force,
                                 mois, le Liban a sombré dans un gouffre sans fond. »          la motivation, la débrouillardise et la perspicacité
                                 Il rappelle que les citoyens n’ont plus accès à leur          des Libanais. Mais aujourd’hui, tout le monde se
                                 argent ou seulement à « des sommes insignifiantes »,          demande comment un pays en faillite parviendra à
                                 que l’électricité s’est raréfiée et que la livre libanaise    ressusciter. »

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L'Église dans le monde

Les Libanais ont souffert de la guerre civile de 1975 à 1990 au cours de laquelle
                                                                                      caritas
plus de 150 000 personnes sont mortes. « On a tout vu, on s’en remettra »,            à Beyrouth
pensait-on encore jusqu’il y a peu, malgré l’accumulation des malheurs. Mais
aujourd’hui, c’est le désarroi pur et dur. « Pour la première fois depuis ma nais-
sance en 1980, en pleine guerre civile, je constate une réelle perte d’espoir des
Libanais », écrit le prêtre.

| Le soutien international :

                                                                                                                           © Caritas
  plus nécessaire que jamais
Selon le père Charbel, avant l’arrivée du Covid-19, la Banque mondiale avait
évalué que 45 % de la population libanaise vivait sous le seuil de pauvreté.          Caritas Belgique a déjà envoyé
« Mais actuellement, le gouvernement estime, selon les déclarations du mi-            50 000 € pour soutenir les pre-
nistre des Affaires sociales, Ramzi Mucharafieh, que c’est 75 % de la population      miers efforts d’aide.
qui est dans un besoin urgent d’aide ».                                               « Nos centres médicaux sont
                                                                                      submergés », explique Rita
« Avec les faillites d’environ 4 000 magasins et petits commerces et la fermeture     Rhayem, directrice de Caritas
d’environ 5 000 usines, la situation ne peut que s’aggraver. Le chômage ex-           Liban. Caritas qui, avec près de
plose ; or les chômeurs ne reçoivent aucun soutien du gouvernement et n’ont           900 employés et des centaines
donc d’autre solution que de venir frapper à notre porte [de l’Église] pour           de volontaires est l’une des
obtenir un minimum d’aide vitale. »                                                   plus grandes ONG du pays, est
                                                                                      présente sur tout le territoire
Le père Charbel rappelle dans sa lettre qu’Aide à l’Église en Détresse, à la de-      libanais, notamment avec des
mande de l’Église locale, a commencé à soutenir 5 000 familles. « Suite à cette       centres médicaux et la mise à
situation dramatique, nous nous tournons vers vous et nous sollicitons votre          disposition d’une dizaine de cli-
aide pour nous soutenir dans notre projet de sauver la vie de nos communau-           niques mobiles. « Les hôpitaux
tés chrétiennes au Liban », conclut-il.                                               de la ville sont, eux aussi, bon-
                                                                                      dés. Et, ils manquent de tout !
                                                                   nnMario Bard,      Y compris de nourriture. La
                                                     service de communication         situation est très critique, apo-
                                                     Aide à l'Église en détresse      calyptique même ! », ajoute Rita
                                                                                      Rhayem.
    Pour faire un don : www.egliseendetresse.be                                       Les bureaux de Caritas Liban
                                                                                      ont été touchés par l’explosion et
                                                                                      certaines zones ont été complè-
                                                                                      tement détruites. Néanmoins,
                                                                                      plus de 100 jeunes volontaires
                                                                                      et le personnel de Caritas Liban
                                                                                      aident activement les victimes.
                                                                                      Les jeunes sont sur place près
                                                                                      des hôpitaux pour aider les
                                                                                      blessés et distribuent aussi de
                                                                                      la nourriture et de l’eau, notam-
                                                                                      ment.

                                                                                      Appel aux dons
                                                                                      Afin de soutenir cette aide de
                                                                                      toute urgence, Caritas en ap-
                                                                                      pelle à la générosité des Belges.
                                                                                      Aidez les survivants de l’ex-
                                                                                      plosion via la plateforme de
                                                                                      dons en ligne ou sur le compte
                                                                                      BE88 0000 0000 4141 avec la
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                                                                                      communication « 3916 Liban ».

                                                                                         Pastoralia - N°6 | 2020               11
L'Église dans le monde

     La spiritualité belge sous la
     loupe de trois prêtres nigérians
     C’est à la demande de leurs évêques qu’Anthony, Kenneth et Paschal,
     trois jeunes prêtres du Nigéria, sont venus en Belgique pour y étudier
     à la KULeuven. Ils finalisent leur doctorat en théologie et s’apprêtent
     à défendre leur thèse. Ils retourneront ensuite dans leur pays pour y
     recevoir une mission. Ils analysent leurs expériences en Belgique avec
     enthousiasme mais aussi réalisme.

     Anthony: J’admire l’Église en Bel-          première vocation de tout chrétien,      tion se poursuit encore aujourd’hui
     gique et son histoire, en particulier sa    donc de tout prêtre, c’est de prendre    dans le monde. Le chrétien est
     forte tradition et l’organisation d’une     part à la vie, dans ses joies et ses     appelé à prendre au sérieux la vie
     pastorale territoriale et caritative.       peines. Cela génère souvent un           humaine, de sorte que l’humanité
     L’Église a pu ainsi porter attention à      sentiment positif, sans qu’il y ait eu   soit élevée.
     toutes les dimensions de la vie des         un seul mot prononcé à propos de la
     gens. C’est une confirmation que            foi. C’est de l’ordre du témoignage      Paschal : Le nombre de ceux qui
     la foi chrétienne a d’elle-même une         implicite. Il y a tant d’occasions de    viennent à l’église est souvent
     offre qui concerne toute la vie so-         prendre part à la vie des gens. Et les   restreint. Au début, c’était une ex-
     ciale, non pas en tant que puissance,       jeunes aussi ont souvent beaucoup        périence surprenante. Mais là n’est
     mais en tant que service. Et c’est là       de questions. Souvent, la «réponse»      pas la question la plus importante.
     un point essentiel. Aujourd’hui, cette      à celles-ci vient en nageant simple-     La première question est pasto-
     pertinence est bien moindre qu’au-          ment à contre-courant. C’est en tout     rale : comment rencontrer les gens
     paravant. De l’extérieur, j’oserais         cas la vision du pape François, qui      et oser les faire s’engager ? Il me
     qualifier cette Église de post-eccle-       bénéficie aussi de beaucoup de           paraît important de rassembler les
     sia, mais pas de «post-foi». L’Église       respect. Peut-être l’Église risque-      nombreuses petites communautés
     en Belgique doit abandonner une             t-elle parfois de trop se replier sur    et de les intégrer en une grande
     certaine manière d’être Église              elle-même en Flandre.                    communauté dans laquelle les
     (post-ecclesia), mais cela ne s’accom-                                               personnes sont incitées à apporter
     pagne pas forcément d’une perte                                                      leur contribution, par exemple dans
     de foi. En effet, j’ai pu remarquer
     combien les choses de la foi, qui
                                                   } Une vie de foi                       la chorale… Une telle communauté
                                                                                          dépasse les frontières territoriales
     sont les choses de la vie, intéressent        authentique ne                         classiques. Appelons-la commu-
     encore beaucoup de gens. Et les                                                      nauté-pilote ou communauté ad
     lunettes en ce cas sont clairement           laisse pas les gens                     experimentum. La vie de commu-
     celles de Vatican II. Il y a une sorte de
     «foi sans appartenance».
                                                    indifférents. ~                       nauté est certainement une force
                                                                                          de l’Église et du vivre ensemble
                                                                                          au Nigéria. Elle forme comme une
     Paschal: D’une autre manière que le         Anthony : Je comprends le terme          seule grande famille, avec une
     Nigéria, la Belgique actuelle est un        'sécularité' en soi comme quelque        liturgie pleine de joie, mais aussi
     pays sécularisé. Pédagogiquement,           chose de positif. Il indique que         avec un grand engagement envers
     il n’est pas indiqué d’aborder les          l’horizon de la vie, donc aussi de la    ceux qui sont dans le besoin. C’est
     gens avec des questions de foi. Je          vie d’un croyant, est le monde tel       là que réside une grande valeur de
     le comprends. Mais une vie de foi           qu’il est. Dans ce monde, le Fils de     la communauté de foi, à l’encontre
     authentique et traduite dans les faits      Dieu est venu se rendre présent          de toute forme d’individualisme et
     ne laisse pas les gens indifférents. La     comme un être humain. L’incarna-         d’isolement.

12   Pastoralia - N°6 | 2020
L'Église dans le monde
© Kenneth Ameke

                  Kenneth : La liturgie au Nigéria est                                                 eucharistique. Lors de l’exposition
                  proche de la vie. Après le signe de                                                  du Saint Sacrement, il y a un temps
                  croix, au début de la célébration eu-        } Tout ne peut                          d’adoration, du silence, un mot
                  charistique, le prêtre dit au peuple :      pas dépendre de                          d’encouragement et d’exhortation,
                  « Bonjour, comment allez-vous ? »                                                    et puis encore de la louange et la
                  Et les gens répondent. Un jour, j’ai         la personne du                          prière pour les besoins de tous. Les
                  risqué la même chose, alors que je                                                   gens savent fort bien ce dont il s’agit
                  célébrais une messe en Allemagne.                prêtre. ~                           et y sont volontiers présents.
                  Tout de suite, il y avait du lien et de
                  la joie chez les gens. Cela a trait à                                                Kenneth: C’est assez comparable à
                  une certaine souplesse. L’Église au       lisme. C’est un point d’attention          la Night Fever, chaque dernier jeudi
                  Nigéria est institutionnellement très     pour l’Église du Nigéria. Nous ne          du mois à Leuven. Il est frappant
                  hiérarchisée, mais elle a en même         devons pas tomber dans ce piège.           de voir combien de jeunes y sont
                  temps une certaine flexibilité cha-       Tout ne peut pas dépendre de la            présents. Je ne voudrais manquer
                  rismatique et spirituelle. Le peuple      personne et de la figure du prêtre.        aucun de ces moments!
                  nigérian porte ses prêtres sur les        Je suis persuadé que l’ouverture à
                  bras, surtout quand il les ressent        la participation des laïcs doit grandir,   Anthony : Notre séjour et nos
                  disponibles, à l’écoute de ses be-        y compris au niveau de la conduite         études sont une grande grâce.
                  soins et impliqués. Je vois ma façon      de l’Église. Le sensus fidelium, c’est     Mes études à la KULeuven m’ont
                  d’être prêtre comme une passion           l’importance du dialogue avec              énormément enrichi. J’ai grandi
                  pour Dieu et son peuple. On est un        tous les croyants, à commencer par         dans la « culture de l’esprit ou de
                  membre de leur famille.                   l’évêque. Sur ce point, nous pouvons       l’intelligence ». Ce n’est pas seu-
                                                            apprendre de l’Église de Belgique.         lement la ratio, mais un bon sens
                  Anthony: Comme prêtre, on a le            Plus qu’au Nigéria, la hiérarchie          raisonné, une manière de se tenir
                  sentiment que l’on peut apporter          de l’Église y fait appel à ses théo-       dans la vie. J’espère en emporter
                  une contribution à la vie quotidienne     logiens et les écoute. De l’Église         quelque chose dans mon pays,
                  des gens. En cas de crise, il est sou-    de Belgique, nous pouvons aussi            pour servir l’Église, qui, parfois
                  vent le seul à qui l’on fasse confiance   apprendre en termes d’organisation         s’écarte de la ligne prophétique.
                  pour intervenir.                          et de structure. Mais, nous devons
                                                            analyser quels facteurs ont contri-                  nnPropos recueillis par
                  Paschal: Cela donne des respon-           bué à l’érosion de cette tradition, et                       Kristof Struys,
                  sabilités, mais comporte aussi un         nous en garder. L’Église nigériane         président du séminaire Jean XXIII
                  risque inhérent, celui du clérica-        tire son dynamisme de la spiritualité      Traduction : Ch. De Duytschaever

                                                                                                                    Pastoralia - N°6 | 2020      13
Recensions                                                                                     CONCOURS
                                                                                               À
                                                                                               GAGNER

                                                                           |   Un célibat
                                                                               fécond
                                                                           Dans ce livre, l’abbé Olivier
                                                                           Bonnewijn va à la rencontre des
                                                                           célibataires qui sont de plus en
                                                                           plus nombreux. Il choisit de dé-

     |
                                       modernité. Un outil idéal, très     crire leur vie à partir des aspects
         Joyeuse                       abordable, pour une lecture         positifs, et non à partir de leurs
         mission…                      en groupe ou pour une récol-        fragilités ou de leurs peines.
     Comment vivre avec joie sa        lection.                            Tout être humain, célibataire,
     mission de catéchiste ? C’est                                         consacré ou marié est d’abord un
     à cette question que répond       L’auteur, prêtre du diocèse de      bien-aimé de Dieu. La cohésion
     avec brio et profondeur l’au-     Sion, professeur et président       de la vie des célibataires vient de
     teur de ce petit ouvrage de       du Département de théo-             leur baptême et de leur confir-
     spiritualité catéchétique et      logie pratique à la Faculté         mation. La vie des célibataires
     pastorale. Le format réduit de    de théologie de Fribourg            peut être féconde, lorsqu’elle se
     ce livre peut donner l’impres-    (Suisse) ne nous est pas tout       déploie dans une grande dispo-
     sion qu’on va le lire rapide-     à fait inconnu… Il avait fait       nibilité à Dieu et aux autres.
     ment. Peut-être… mais alors       une intervention stimulante         L’ouvrage aborde, dans un style
     il faudra le relire en prenant    lors de la journée interdiocé-      clair, émaillé de nombreux témoi-
     son temps : la joie dont il est   saine de la catéchèse et du         gnages, le mystère anthropolo-
     question ici va puiser dans les   catéchuménat tenue en juin          gique de la solitude, l’identité
     profondeurs de la foi, une joie   2018 à Basse-Wavre. C’est cet       du célibataire, « la grammaire de
     bathyscaphe comme il est dit      exposé qu’il a ici amplifié, tout   l’amour-don », le travail de subli-
     (p. 12). Ces pages en forme       en nous faisant revisiter la si     mation des pulsions.
     de petit décalogue deman-         inspirante exhortation apos-        Dans le dernier chapitre, l’abbé
     dent méditation, relecture        tolique du pape François : la       Bonnewijn propose une hypo-
     de notre façon d’être comme       Joie de l’Évangile. Parue en        thèse audacieuse : le célibat
     catéchiste, et plus largement,    2013, ce serait dommage de          « ouvert », consenti, comme état
     comme animateur pastoral. La      l’avoir perdue de vue…              de vie à part entière, mais dont la
     visée est d’ailleurs de favori-                                       stabilité n’est pas nécessairement
     ser une lecture de ce livre à                     nn+ J.-L. Hudsyn    définitive. À creuser ?
     plusieurs, en équipe de caté-
     chèse, en équipe pastorale.
                                         François-Xavier Amherdt, La                          nnV. Bontemps
     C’est pourquoi les chapitres se
                                         joie des catéchistes et agents
     terminent par quelques ques-
                                         pastoraux – Petit décalogue,        Olivier Bonnewijn, « J’existe ! »
     tions qui renvoient à notre
                                         Collection Recherches pas-          Un autre regard sur les céliba-
     pratique et nos façons d’être
                                         torales n° 3, éd. LIT, Zürich,      taires, Éditions de l’Emmanuel,
     comme disciples mission-
                                         2020, 104 pages.                    2020, 176 pages.
     naires en situation de post-
                                                                           Trois livres à gagner (cf. page 27)

14       Pastoralia - N°6 | 2020
                                           Recensions

|   Réconforter les
    endeuillés                        |   Je suis
                                          possédé !                            |   Immersion
                                                                                   au Ier siècle
La mort, l’auteure y a été            Une BD qui donne l’envie de              Des romans pour la jeunesse qui
confrontée maintes fois dans          devenir saint ! À l’image de             donnent le goût de l’histoire,
son cœur. Elle la connaît dès         Philippe Néri, qui se considé-           de l’héroïsme, de la sainteté,
l’enfance, sans avoir pour autant     rait lui-même comme possédé              des grandes aventures ! Dans la
apprivoisé ses meurtrissures.         de Dieu et que ses contempo-             Rome impériale de la fin du Ier
Devenue psychopédagogue à             rains reconnaissaient comme              siècle, sous la dynastie des Fla-
un âge avancé, elle lève le ta-       l’apôtre de la joie. Servi par           viens, le christianisme se déve-
bou du deuil et prend à bras le       un dessin attirant et frais, le          loppe discrètement dans toutes
corps « la profondeur abyssale        narrateur se laisse lui-même             les couches de la société, jusqu’à
de la souffrance de ceux qui          gagner par la joie de son mo-            la cour. Deux jeunes garçons
restent vivants ».                    dèle. Désolé de l’état spirituel         que tout devrait opposer, l’un,
                                      sinistré des habitants de Rome,          esclave égyptien, et l’autre, fils
Forte d’une expérience dont           Philippe Néri consacre sa vie            de patricien chrétien, se rencon-
elle témoigne avec simplicité,        à faire aimer le Seigneur, à le          trent fortuitement et deviennent
Marie-Camille Carton en est           chanter d’une manière telle-             amis. Les trois tomes de la saga
arrivée à développer, à la suite      ment enflammée et cohérente              s’appuient sur des personnages
des apôtres, une approche             qu’il redonnera confiance à une          historiques : ils permettront aux
d’accompagnement du deuil,            ville tout entière. C’est à lui          jeunes de découvrir une époque
articulée autour de huit repères.     que l’Église doit la création de         où la violence de l’État et la
                                      l’Oratoire, l’ordre religieux, et        situation des esclaves, notam-
Une méthode qu’elle partage           l’oratorio, « opéra » sacré, dont        ment, se révèlent inhumaines
volontiers lors d’entretiens, de      Haendel et Bach produiront               aux yeux de ceux qui décident
conférences ou de formations à        d’illustres exemples. Le XVIe            de suivre le Christ.
l’attention des accompagnants.        siècle romain se déroule sous
Le livre scelle un parcours de vie    nos yeux, tonifié par ce saint           Il sera probablement opportun
assombri quelquefois et le plus       dont le cœur considérablement            pour les jeunes lecteurs d’en
souvent lumineux. L’Évangile          gonflé avait déplacé les côtes           parler avec des adultes, afin
est le socle d’une compassion         pour prendre plus de place.              de démêler les émotions et
renouvelée.                           Quel symbole !                           les questions qui devraient les
                                                                               habiter.
                      nnA. Tasiaux                             nnA.-E. Nève
                                                                                                      nnA.-E. Nève
    Marie-Camille Carton de               Florent Jacques et Mariamaris,
    Wiart, Vivre sans l’autre. Pour       De lys, d’azur étoilé et d’un cœur       Les enfants du Palatin, Titus
    aider à vivre le deuil, Saint-        enflammé. Une vie de saint Phi-          Clemens, Les prisonniers des îles,
    Léger éditions, juillet 2020,         lippe Néri, Editions Cor ad Cor,         Trilogie d’Anne Bernet, Clovis,
    231 pages.                            2019, 62 pages.                          2020 (4e édition).

                                                                                        Pastoralia - N°6 | 2020         15
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