SUPPLY CHAIN - François ...

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SUPPLY CHAIN - François ...
SUPPLY CHAIN

                                                     ©LUCA OLEASTRI-FOTOLIA

66   N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SUPPLY CHAIN - François ...
Cap sur
 les 10 ans à venir

D
              ans un monde où tout évolue à une vitesse folle, il peut paraitre pré-
              somptueux d’imaginer l’avenir. Est-il réellement possible, à partir des
              éléments que nous possédons aujourd’hui, d’entrevoir ce que sera notre
              univers professionnel de demain ? Rien n’est moins sûr tant les tech-
              nologies peuvent à tout moment bouleverser notre futur. Alors, à défaut
de prédire avec certitude ce qui surviendra au cours des 10 ans à venir, l’équipe de
Supply Chain Magazine s’est livrée (avec la complicité de quelques experts, mais
aussi de ses lecteurs) à une extrapolation qui relève de la prospective et parfois de
l’imaginaire, tout en s’appuyant néanmoins sur des éléments factuels et des ten-
dances avérées. Par exemple, si l’on ne peut savoir précisément quelles seront les
mesures prises par les gouvernements pour lutter contre le réchauffement clima-
tique, ni à quel rythme elles seront appliquées, il est possible néanmoins d’imaginer
que l’effort pour réduire les émissions de gaz à effet de serre impactera fortement la
Supply Chain à tous les niveaux. De la même manière, il est certain que les diffé-
rentes menaces auxquelles nous devrons faire face, conduiront les entreprises à ren-
forcer la protection de leurs collaborateurs, de leurs marchandises, mais aussi de
leurs données, voire de leur réputation. C’est donc à partir de quelques évidences
comme celles-ci que nos journalistes se sont livrés à cet exercice de reportage-fic-
tion depuis les stratégies d’implantation jusqu’au client final, en passant par la pro-
duction, la distribution et le transport.

Nous avons déjà un pied dans le futur !
En fait, certains signes nous indiquent que le futur est déjà là ! Non pas dans sa ver-
sion définitive, non pas dans son intégrale réalité, mais un peu comme un tableau
dont on aurait dessiné grossièrement les contours et dont il resterait à peindre le
sujet dans ses moindres détails et toutes ses nuances de couleurs. Ainsi nous savons
que le big data va permettre de traiter une incroyable volumétrie de données qui,
connectées entre elles, vont améliorer le pilotage et l’exécution de Supply Chains de
plus en plus étendues et collaboratives. On peut également anticiper des change-
ments importants en termes d’implantations : les variations des coûts de main d’œu-
vre et de matières premières ne manqueront pas de modifier la cartographie des
zones de production et de distribution. Enfin il n’est pas nécessaire d’être un grand
visionnaire pour savoir que l’usine sera lean, flexible et digitalisée. Déjà les machines
parlent entre elles et les imprimantes 3D sont à l’œuvre dans de nombreux endroits.
Des robots collaboratifs sont prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes. Côté transport,
on peut s’attendre à voir des bateaux autoguidés sans équipage, sur les routes des
camions sans conducteur, dans les villes une prolifération de véhicules électriques...
et sans doute pas autant de drones que certains l’imaginent à ce jour. Mais à dire vrai,
c’est la manière dont ces évolutions vont s’imposer qui reste à découvrir. Souvenez-
nous : il y a 10 ans, on pensait que la RFID allait remplacer les caissières des grandes
surfaces. Dans la réalité, les puces se sont bien développées, mais dans des applications
très différentes de celles auxquelles on pouvait s’attendre. Alors restons humbles face
à l’avenir. Et à défaut de vous promettre que notre vision du futur va s’accomplir, au
moins peut-on émettre un souhait : que l’Homme conserve sa place dans un monde
où la technologie gagne du terrain tous les jours et que son intelligence reste au ser-
vice des valeurs fondamentales qui donnent un sens véritable à la vie. ■
                                                              JEAN-PHILIPPE GUILLAUME

                                                                DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100   67
SUPPLY CHAIN - François ...
SUPPLY CHAIN

                                    François-Michel Lambert,
                                 Député écologiste des Bouches du Rhône
                           « La Supply Chain en 2025 sera
                          sans doute totalement différente »
     Le député écologiste des Bouches du Rhône François-Michel Lambert, également Vice-Président de la commission
     Développement Durable et Aménagement du Territoire de l’Assemblée Nationale, est l’un des rares hommes poli-
     tiques français à maîtriser les problématiques de la Supply Chain. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est à lui que
     le gouvernement a confié la présidence de la Conférence Nationale sur la Logistique de juillet dernier, dont la dyna-
     mique se poursuit aujourd’hui avec la rédaction à venir d’un document stratégique collectif dénommé « France Logis-
     tique 2025 ». Cet ancien étudiant et chercheur au Cret-Log, centre de recherche en transport et logistique d’Aix
     Marseille, nous fait part des grandes évolutions qu’il voit arriver dans la Supply Chain lors des 10 prochaines années.

                          Supply Chain Magazine : Quels changements             formations. C’est donc la qualité et la quantité des
                          majeurs entrevoyez-vous en matière de                 informations qui créent la performance de la
                          logistique et de Supply Chain à l’horizon 2025 ?      logistique et de la Supply Chain. Or nous serons
                          François-Michel Lambert : Selon moi, le 1er bou-      plongés en 2025 dans un monde où les volumes
                          leversement, c’est la révolution du numérique. Si     d’informations, provenant de milliards de cap-
                          je me rappelle la définition qui m’a été enseignée    teurs, auront augmenté de manière considérable,
                          au Cret-Log, la logistique est le pilotage des mar-   sans commune mesure avec ce que nous connais-
                          chandises et des flux financiers par les flux d’in-   sons aujourd’hui. De ce fait, la Supply Chain en
                                                                                2025 sera sans doute totalement différente. Que
                                                                                ce soit dans sa capacité à capter les besoins clients
                                                                                de manière plus précise et à les retransmettre ins-
                                                                                tantanément tout au long de la chaîne, mais aussi
                                                                                dans l’arbitrage entre les flux, les stocks et la pro-
                                                                                duction qui s’appuiera sur des outils d’analyse de
                                                                                données très puissants. Par ailleurs, de nouveaux
                                                                                acteurs vont changer complètement la donne en
                                                                                se proposant, via des plates-formes collaboratives,
                                                                                d’intensifier, d’augmenter la productivité des
                                                                                infrastructures et des moyens matériels de logis-
                                                                                tique et de transport existants. Cela commence à
                                                                                apparaître dans le transport mais je pense que
                                                                                nous allons voir arriver des modèles de type
                                                                                AirB&B également au niveau des entrepôts de
                                                                                proximité. Le garage du particulier pourra servir
                                                                                de lieu de stockage et éviter au livreur de faire
                                                                                50 km pour chercher ses marchandises. Ajoutez à
                                                                                cela l’impression 3D, les bouleversements dans les
                                                                                modes d’organisation et les logiques plus territo-
                                                                                riales liées à la montée en puissance des métro-
                                                                                poles régionales qui vont chercher à produire
                                                                                davantage dans leur propre hinterland et sans
                                                                                doute contribuer à réduire les flux internationaux
                                                                                de marchandises.

                                                                                SCMag : Quel rôle peut jouer l’Etat
                                                                                dans l’accompagnement de ces futures
                                                                                transformations, auxquelles on peut ajouter
                                                                                l’automatisation accrue des entrepôts
                                                                                et des usines ?
                                                                                F-M.L. : En effet, une partie de ce qui va advenir,
 ©DR

                                                                                notamment en ce qui concerne la mobilité passa-

68     N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SUPPLY CHAIN - François ...
gers ou marchandises, va impacter notre modèle          SCMag : Vous êtes aussi Président de l’Institut
social construit autour du salariat. La question du     de l’Economie circulaire. Quel impact aura selon
revenu minimum universel [NDLR : connu aussi            vous ce nouveau modèle dans les Supply Chains
sous le nom de revenu d’existence et expérimenté        des entreprises en 2025 ?
actuellement dans certains pays, comme la Fin-          F-M.L. : Cela dépendra fortement de la profon-
lande] commence à s’affirmer au niveau des poli-        deur de l’engagement pris par les entreprises, mais
tiques de l’Etat. Je pense que notre réflexion, qui     je suis convaincu que l’on va quitter progressive-
ne sera pas simple dans les 10 années qui vien-         ment les modèles basés sur une économie de
nent, devra porter sur des changements structu-         stocks pour basculer vers une économie de flux.
rels autour de 3 questions :                            Autrement dit, les entreprises vont se poser la
■ 1. Comment accompagner et aider à l’émer-             question de savoir comment récupérer de la
gence d’entreprises totalement nouvelles qui ont        valeur avec le recyclage, le démontage, la réutili-
besoin d’une forte capitalisation de manière très       sation de pièces pour construire du neuf. Surtout
rapide pour arriver à se faire une place dans ce        lorsqu’il s’agira de vendre non plus un produit
monde post révolution numérique.                        mais une valeur d’usage, sous forme de service.
■ 2. Comment faire évoluer un carcan réglemen-          C’est un bouleversement très profond car dans ce
taire et législatif qui date de 150 ans, fondé sur la   cas, l’entreprise ne cède jamais son stock et ne fait
révolution industrielle et une économie linéaire,       que gérer un flux de matière, de composants,
basée sur les stocks.                                   qu’elle peut réutiliser, recycler lorsque ses produits
■ 3. Comment articuler et concilier le salariat que     arrivent en fin de vie. Dans la période actuelle de
l’on connaît et qui restera en place, avec de nou-      chute du cours des matières premières, les initia-
velles formes de rémunération qui échappent             tives dans ce domaine sont moins dynamiques
aujourd’hui à la fiscalité, et qui entraînent un        qu’en transport et logistique mais ces 2 transfor-
manque à gagner sur les capacités d’actions réga-       mations sont appelées à converger. ■
liennes de l’Etat.                                             PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON

                                                                                    DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100   69
SUPPLY CHAIN - François ...
SUPPLY CHAIN

                                          SUPPLY CHAIN GLOBALE
                               Les Supply Chain Managers
                            enfin reconnus à leur juste valeur ?
     Emergence des BRIC et de l’Afrique, aléas politiques, économiques et climatiques, nouvelles technologies, nouveaux
     modes de consommations (économie circulaire, partage, services…) et d’échanges (communautés CtoC), hyper-seg-
     mentation (marchés, produits, circuits), accélération des flux… autant d’éléments qui auront des impacts sur la
     Supply Chain d’ici 10 ans. Plus globale, plus collaborative, plus complexe et plus agile, la Supply Chain va devoir
     s’adapter en permanence en conservant ses prérequis : le niveau de service optimal au moindre coût. D’où de nouvelles
     organisations, de nouveaux outils, un périmètre étendu et peut-être enfin la reconnaissance qu’elle mérite ?

                        M
                                         ême si le sourcing et la produc-                     produits et services répondant juste à la demande,
                                         tion tendront à se rapprocher des                    partagés et conçus selon des moyens les plus sim-
                                         bassins de consommations et                          ples et les plus économes possibles. De même,
                                         à se régionaliser, la SC restera                     avec l’arrivée de l’économie circulaire, les produits
                                         internationale, ne serait-ce que                     vont devoir intégrer la capacité d’être réparés
                        pour desservir les BRIC (Brésil, Russie, Inde,                        et/ou démantelés aisément pour recyclage dès leur
                        Chine) et le continent africain, qui d’ici 10 ans                     conception, ce qui va créer de nouvelles chaînes
                        devraient voir leur population croître et avec elle,                  de retour, de réparation et de recyclage et sans
                        leur besoin de se nourrir, de se loger, de se soi-                    doute, impliquer les Directeurs Supply Chain dès
                        gner, de se divertir… Mais elle devra prévoir des                     la conception des produits.
                        produits et des niveaux de service adaptés aux
                        demandes et aux pouvoirs d’achats. A l’instar des                     Modéliser les flux selon divers scénarios
                        concepts d’innovation frugale (faire plus avec                        Pour optimiser davantage les SC en fonction des
                        moins) ou de « Good enough » (faire juste ce qu’il                    marchés conquis, des pays plus ou moins taxés,
                        faut) ou d’économie circulaire (recycler et faire                     des conditions du commerce mondial (boycotts de
                        durer pour économiser les ressources), l’idée sera                    pays, de produits, fermetures de frontières…), il
                        de réfléchir au moyen de mettre à disposition des                     est probable que les outils de Network Design
                                                                                              soient utilisés plus fréquemment afin de mesurer
                  Les talents de demain par                                                   l’impact de l’implantation, du déplacement ou de
                     Romain Devrièse,                                                         la fermeture d’une nouvelle filiale, d’une usine,
                                                                                              d’un entrepôt… pour optimiser les réseaux en per-
                     Directeur de Fed Supply                                                  manence. Sans oublier de simuler la modification
      «    Dans 10 ans, la plupart des postes de Supply Chain
      Managers seront au siège. En termes de compétences,
                                                                                              du passage des flux dans un même réseau (ex :
                                                                                              un produit en fin de vie affecté à une usine moins
      ils seront aguerris aux outils informatiques et de simu-                                performante). A l’instar d’Airbus Helicopters qui
      lation. Le métier va s’enrichir d’autres composantes :                                  utilise SC Guru de Llamasoft, il se peut que ces
      gestion financière, commerce, marketing… Les besoins                                    outils soient utilisés pour dimensionner les SC de
      en prévisionnistes, approvisionneurs et                                                 nouveaux produits (ex : gamme H160), et opti-
      pilotes de flux vont augmenter. Demain,                                                 miser les coûts du sourcing, du degré de pièces
      ils seront consolidés dans des postes plus                                              communes, etc. « A l’avenir, la mission du Direc-
      globaux de pilotage de flux intégrant                                                   teur Supply Chain sera toujours de trouver des
      aussi la Reverse Logistics, le service                                                  gisements d’économie, les clients obligeant à bais-
      clients… Les Directeurs Supply Chain                                                    ser les prix d’année en année », entrevoit Colin
      devraient siéger de plus en plus au                                                     Leisk, Manager de Transition chez Delville Mana-
      comité de direction. Ce sont des métiers                                                gement, actuellement Directeur Supply Chain
      où il faut aussi avoir une vision à 360°,                                               France chez Office Depot. Selon lui, la SC de
      être capable de s’adapter, de garder un                                                 demain va se caractériser notamment par « une
      œil à la fois sur l’opérationnel et la gestion                                          segmentation de plus en plus fine et dynamique
                                                                               ©FRED SUPPLY

      de projet, de manager des hommes, tout                                                  (par classe de rotation, délai de livraison, valeur
      en étant orienté résultats et services                                                  ajoutée de service…) qui génèrera des micro-flux à
      client. »   ■                                                                           traiter d’une façon différenciée ». D’où une plus
                                                                                              grande complexité à gérer, par davantage d’anti-

70   N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SUPPLY CHAIN - François ...
cipation (prévisions, planification, stockage) ou            d’algorithmes s’appuyant sur le passé pour les
de flexibilité (DDMPR, différenciation retardée,             produits de masse plutôt stables, sur de la colla-
production de petites séries ou à l’unité à la               boration entre acteurs (commerce, marketing,
demande).                                                    clients…) pour les produits plus sensibles, et sur
                                                             de nouveaux algorithmes de recherche de corré-
Etablir des scénarios de demande                             lations entre produits, événements, etc. La cap-
Pour faire face au lancement de nouveaux pro-                ture d’un grand nombre de données (big data)
duits de plus en plus fréquents, il faudra faire des         devrait contribuer à ajuster les prévisions (lance-
hypothèses de lancements afin de dimensionner                ment, en fonction des cycles de vie…). Ces outils
au mieux les capacités (matières 1ères, capacités de         serviront également à dimensionner les stocks au
production, de distribution, RH…) et ne pas se lou-          plus juste, par des approvisionnements optimisés
per pour préserver ses marges. Les logiciels                 en fonction d’un grand nombre de contraintes.
de prévisions seront mis
davantage à contribution                                     Des tours de contrôle et de l’analytics
pour établir des scénarios                                   La Supply Chain devra par ailleurs faire face à
de demande sur la base                                       davantage d’aléas et assurer une continuité d’acti-
                                                             vité en dépit des incapacités temporaires ou défi-
                                                             nitives de certains fournisseurs, de sites de
                                                             fabrication ou d’entreposage. D’où l’avènement de
                                                             systèmes de tours de contrôles (GT Nexus, Eye-
                                                             freight…) qui suivront les flux au niveau interna-
                  Colin Leisk,                               tional en temps réel et alerteront les responsables
        Manager de Transition                                en cas d’anomalie. Ces systèmes devraient se ren-
   chez Delville Management,
                  actuellement                               forcer pour permettre aux Directeurs SC d’automa-
       Directeur Supply Chain                                tiser le suivi de ce qui ne requiert pas leur attention
                                                       ©DR

     France chez Office Depot                                et de ne les solliciter que lorsqu’ils doivent prendre    SUITE PAGE 73

                                                                                          DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100   71
SUPPLY CHAIN - François ...
SUPPLY CHAIN

                                                     SCENARIO 2025

                                                                                                                                    ©GREG
                                              Une journée de Li-Lu KwanSan,
                                      VP Eco-Value Chain Monde chez Samsapple Midea
                          Nous sommes jeudi 7 mai 2025. Li-Lu KwanSan, 34 ans, est VP Eco-Value Chain Monde de Sam-
                          sapple Midea, une multinationale high tech dont le siège est basé à Singapour. Il est 8 h 30, elle
                          vient d’arriver au bureau sécurisé qu’elle occupe au 38e étage d’une tour qui jouxte celle abritant
                          son appartement. La reconnaissance à distance de la puce qu’elle porte sous la peau déclenche l’ou-
                          verture de son bureau, son éclairage ainsi que le démarrage de son SI. Après l’avoir saluée, une voix
                          lui indique les temps forts de son agenda de la journée. 9 h 30 : Réunion virtuelle IBP avec les Direc-
                          teurs de régions EMEA. Prévoir un zoom sur le lancement du tout nouveau Wolf-i 1.0 (très attendu
                          par les Buy Communities). Revoir les impacts coûts, capacités selon les divers scénarii envisagés.
                          11 h 00 : Réunion avec la Cellule Innovation de Hong Kong pour débattre du design éco-conçu
                          du Wolf-i 3.0. Valider les conditions de sous-traitance à Pavi Inc. 14 h 00 : Comité de Direction au
                          43e pour prendre connaissance de l’état du marché, des prochains lancements, des rachats en cours
                          et des dernières évolutions stratégiques. Une journée bien chargée, en plus du quotidien (répon-
                          dre à une prévisionniste qui voudrait une formation à Forecast Platform 7.0, étudier l’opportunité
                          d’installer un nouveau robot dans l’entrepôt de Shanghai…). Heureusement que son assistante
                          digitale lui a préparé toutes les données dont elle a besoin en réunion. Il lui restera à les partager
                          avec ses collègues pour prendre conjointement les meilleures décisions en matière de sourcing,
                          design de la SC, achats, production, distribution, transport, services clients et SAV, fonctions dont
                          elle a la responsabilité et dont elle se doit d’optimiser les résultats en permanence, sous peine de
                          laisser sa place à quelqu’un de plus performant. ■ CP

72   N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SUPPLY CHAIN - François ...
SUITE DE LA PAGE 71
une décision, quitte à leur suggérer divers scenarios
possibles en montrant leurs impacts. L’analytics
avec des outils (Qlik, etc.) qui automatisent l’ex-
traction de données depuis des bases et des sys-
tèmes hétérogènes (ERP, WMS, CRM…), facilitent
leur mise en forme et les calculs de ratios, mettent
en avant des aspects insoupçonnés, vont également
être de précieuses aides pour les Directions SC qui
auront besoin d’une vision d’ensemble mais aussi
de zoomer dans le détail pour régler au mieux les
problèmes (sans néanmoins se couper du terrain
dans une tour d’ivoire, en ne faisant confiance
qu’aux chiffres !).

Un périmètre étendu
Autant de défis à relever qui devraient contribuer
à étendre le champ d’action de la SC. Elle pourra
intégrer une partie de la conception/marketing, le
design des réseaux, les achats, la production,
la distribution, le transport, le service client, le
SAV… afin de piloter au mieux les flux physiques,
d’information et financiers, ainsi que de favoriser
la collaboration entre fonctions. Car comme le
démontre l’e-commerce, tenir la promesse au
client, et donc générer du chiffre d’affaires et sur-
tout de la marge, dépend directement de la per-
formance de la Supply Chain, et plus loin, de la
capacité de l’entreprise à générer de la valeur en
proposant les produits attendus dans les meil-
leures conditions (de prix et de mise à disposi-
tion). D’où la nécessité d’investir dans les talents,
mais aussi de positionner la Direction Supply
Chain à un niveau plus tactique, voire stratégique.
« Le métier va continuer sa trajectoire. Il se déve-
loppe dans la plupart des grandes entreprises et
siège aux Comités de Direction des grands
groupes. C’est une tendance qui va s’amplifier et
les SC Managers vont prendre du galon, anticipe
Colin Leisk. Les « soft skills » sont aussi très
recherchées au niveau direction et en-dessous. Il
faut en effet savoir être, savoir faire faire et savoir
faire changer. D’ici 10 ans, les changements
seront omni présents. Il faudra donc se concen-
trer sur la gestion en mode projet avec conduite du
changement », souligne-t-il. D’ici 10 ans, la fonc-
tion de Directeur SC devrait donc gagner en
importance et continuer de s’enrichir de talents
bien formés qui grandissent en se confrontant au
terrain et à la conduite du changement. Des
Managers capables de décloisonner l’entreprise et
de l’aider à mieux collaborer avec son écosystème
(clients, fournisseurs, prestataires, administra-
tions…). Ça devrait bien valoir une meilleure
reconnaissance ! ■ CATHY POLGE

          DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100   73
SUPPLY CHAIN - François ...
SUPPLY CHAIN

                                                              SOURCING
                                Une Supply Chain régionalisée ?
                        Imaginez un monde où les fournisseurs seraient localisés dans un rayon de quelques centaines de
                        kilomètres autour des bassins de consommation, les Supply Chains changeraient alors radicalement
                        de visage. Idem si les gouvernements décidaient fermement la mise en œuvre d’une taxe carbone.
                        Les entreprises seraient alors bien obligées de redessiner leurs schémas logistiques.

                        L
                                  es Supply Chains ont été conçues à l’ori-      par capillarité, du transport. Les Supply Chains
                                  gine pour optimiser en priorité les coûts      opèreront donc certainement un rapprochement
                                  d’achat de matières premières et de pro-       du sourcing vers les bassins de consommation.
                                  duits finis, et leur acheminement jus-         Elles le feront d’autant plus que les besoins de
                                  qu’au client, raisonnement facilité par le     flexibilité et de réactivité ne cesseront de croître.
                        prix relativement bas du pétrole. Elles se sont          Le secteur du textile par exemple, avec ses nom-
                        considérablement étendues avec le mouvement de           breuses collections annuelles, se heurte déjà à
                        délocalisation massif amorcé dans les années 70.         cette problématique et redessine en conséquence
                        A présent le coût de la main d’œuvre dans des            ses schémas d’approvisionnement.
                        pays comme la Chine explose. Dans une étude
                        publiée en 2014, le Boston Consulting Group              Une taxe Carbone mondiale à prévoir ?
                        (BCG) révèle qu’« en 10 ans, l’avantage compéti-         Autre changement majeur à anticiper : l’évolution
                        tif de la Chine, en particulier par rapport aux          des mentalités des consommateurs ! Les émissions
                        Etats-Unis, s’est réduit considérablement.               de carbone, sujet ignoré il y a 10 ans, dans l’air du
                        Aujourd’hui, les coûts de production chinois sont        temps aujourd’hui et probablement un élément
                        inférieurs de 4 points seulement aux coûts amé-          central demain. L’attention accordée par les
                        ricains (hors coût de transport) ». Et de préciser :     consommateurs à la problématique du développe-
                        « On trouve aujourd’hui des pays à bas coûts de          ment durable obligera les entreprises à concevoir
                        production dans toutes les régions du monde. Il          leur Supply Chain en intégrant cette donnée, en
                        est par exemple moins cher de produire au                particulier au niveau du sourcing. La variable « car-
                        Mexique qu’en Chine (5 points d’écart en faveur          bone » prendra de plus en plus d’importance. Nous
                        du Mexique en 2014 contre 6 en faveur de la              pouvons imaginer que la taxe carbone, finalement
                        Chine il y a 10 ans). En Europe, la Pologne qui a        enterrée par le gouvernement français, ressortira
                        longtemps été l’un des pays les plus compétitifs         des cartons à l’échelle nationale à minima, peut-
                        d’Europe, voit son avantage se réduire notamment         être même au niveau mondial… D’autres leviers se
                        par rapport à l’Espagne... et au Royaume-Uni ! ».        mettent en attendant tout doucement en place. Le
                        Les réseaux d’usines ont donc vocation à changer,        marché du carbone par exemple dont la vocation,
                        les Supply Chains à être reconsidérées…                  selon le principe de pollueur-payeur, consiste à
                                                                                 faire payer les émissions. Sous la forme d’une taxe
                        Les coûts de transport voués                             internationale ou d’un marché des droits d’émis-
                        à augmenter                                              sions mondial, un prix du carbone mondial et uni-
                        Par ailleurs, qui dit sourcing dit coûts de transport.   fié finira bien par voir le jour comme le réclament
                        Rappelons-nous qu’au cours du dernier demi-siè-          les plus grands économistes, dont le prix Nobel
                        cle, le pétrole a déjà connu 3 crises mondiales (1973,   Jean Tirole. Les Supply Chains auront donc l’obli-
                        1979 et 2008). Les tensions géopolitiques pourraient     gation de se « décarboner ».
                        être à l’origine d’un nouveau choc pétrolier. Sans
                        oublier les facteurs structurels comme l’épuisement      L’urban mining
                        des gisements conventionnels obligeant à engager         A cela s’ajoute la généralisation potentielle du
                        des exploitations en zone plus difficile à des coûts     concept d’économie circulaire. Selon l’Ademe,
                        plus élevés. Et c’est sans compter l’augmentation de     « l’économie circulaire vise à changer de paradigme
                        la demande mondiale en énergie. Selon le BP              par rapport à l’économie dite linéaire [NDLR : carac-
                        Energy Outlook 2035, la consommation énergé-             térisée par la formule « extraire-fabriquer-jeter » ], en
                        tique mondiale pourrait augmenter de 37 % à              limitant le gaspillage des ressources et l’impact envi-
                        horizon 2035 par rapport à 2013, la moitié de cette      ronnemental et en augmentant l’efficacité à tous les
                        hausse provenant de la Chine et de l’Inde. L’en-         stades de l’économie des produits ». D’après le cabi-
                        semble de ces éléments joue dans le sens d’un ren-       net McKinsey (en 2013), « l’économie circulaire per-
                        chérissement à long terme des prix du pétrole et         mettrait de réaliser une économie nette minimale de

74   N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SUPPLY CHAIN - François ...
380 Md$ par an en matières premières en
Europe ». Les ressources naturelles se rarifiant,
une des composantes fortes de l’économie cir-
culaire est le recyclage. La notion d’urban
mining, encore aux balbutiements, commence
à faire parler d’elle. Il s’agit de récupérer puis
de recycler des métaux rares et précieux (cui-
vre, fer, or, platine, manganèse, nickel, etc.) au
sein de composants électroniques usagés. « Le
concept d’urban mining consiste ainsi à voir

                                                                                                                                  ©MOZZZ-FOTOLIA
dans les villes d’aujourd’hui les mines du futur »,
peut-on lire dans une étude réalisée en 2013 par le
cabinet Sia Partners.

D’un sourcing global à régional
Pour l’heure, la collecte de la plupart de ces appa-   du « network des-
reils en France n’est que très limitée. Il sera donc   ign ». Il faut s’attendre à un
nécessaire dans un 1er temps de mettre en place des    basculement d’un sourcing « globalisé » à un
processus de récupération et de tri efficaces. Le      sourcing « régionalisé », une Supply Chain moins
sourcing de demain pourra également réintégrer         dispersée en somme. Le tout intégrant les change-
des matériaux recyclés issus de la production d’au-    ments structurels liés à l’évolution de la mondiali-
jourd’hui. D’ici 2025, les Supply Chains et le sour-   sation, les pays où l’on s’approvisionnait hier
cing seront pensés en coûts complets. Tous les         devenant demain des marchés de consommation…
paramètres (tri, recyclage, bilan carbone, etc.)       RDV en 2025 pour faire le bilan ! ■
devraient être pris en compte lors de l’élaboration                                       BRUNO SIGUICHE

                                                                                  DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100        75
SUPPLY CHAIN

                                  SCENARIO 2025
                          La montre made in China de Simon
      Un grand nettoyage de printemps, c’est ce à quoi s’attelle Simon le samedi 3 mai 2025.
                                                                                                      ©GREG
      Vidant avec nonchalance un vieux carton rangé au fond de sa cave, il met la main sur
      une vieille montre dont il avait totalement oublié l’existence. En l’examinant de près,
      Simon constate que celle-ci est estampillée « made in China ». Son esprit commence alors
      à vagabonder… Retour dans le passé plus de dix ans en arrière ! A cette époque, se sou-
      vient-il, la plupart des biens de consommation courante étaient fabriqués en Asie. Cette
      ère lui paraît bien loin… Les temps ont changé et le vieux paradigme de la deuxième
      moitié du XXe siècle n’a pas résisté aux transformations de la société. Les sources d’éner-
      gie fossiles se raréfiant, la demande des pays qualifiés hier d’émergents ne cessant de croî-
      tre, les tensions géopolitiques s’accélérant et l’utilisation des énergies renouvelables pour
      assurer les besoins de la population mondiale s’avérant insuffisante, le prix du pétrole a
      littéralement explosé. Un prix multiplié par 30 en l’espace d’une dizaine d’années estime
      de mémoire Simon. Patatras, le coût du transport a suivi la tendance, impactant très for-
      tement les prix des produits finis importés. Parallèlement, la COP21 qui s’est tenue à Paris
      en 2015 a particulièrement marqué les esprits et contribué à sensibiliser davantage les
      consommateurs à la problématique de l’origine des produits. Il n’en fallait pas plus
      pour changer radicalement de cap. Exit le sourcing global et place au sourcing régio-
      nal. Simon, dont la conscience écologique est particulièrement affûtée, se félicite inté-
      rieurement du modèle actuel plus vertueux en matière d’émissions de CO2.
      Aujourd’hui, la quasi-totalité des produits de grande consommation n’est pas fabri-
      quée à plus de 1.000 km des bassins de consommation… ■ BS

76   N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
Les précurseurs sont parmi nous
Taxe Carbone                     Relocalisation                     Economie Circulaire
LVMH a annoncé début             Easybike, les Opticiens Atol, le   Parmi les Prix Entreprises et
novembre la création d’un        Coq sportif, Rossignol, Smoby,     Environnement, organisés par
fonds carbone interne, qui       Majencia, Kindy, Sphère,           le Ministère et l’Ademe,
prendra effet dès 2016,          Sullair, etc. Les sociétés         dans la catégorie « Economie
alimenté par la taxation         qui relocalisent ne sont encore    circulaire » figure Clarlight.
interne des émissions de gaz     qu’une poignée mais                Son concept consiste à vendre
à effet de serre des maisons     le phénomène est notable et        l’usage de la lumière et
du groupe. Ce fonds finan-       s’explique par plusieurs           non les équipements qui
cera des projets réalisés pour   raisons : augmentation             la produisent. D’autres socié-
diminuer les consommations       des coûts de transport et des      tés mènent des initiatives
d’énergie et les émissions       salaires des pays émergents,       similaires : Michelin, Veolia
de CO2. En 2014, l’association   délais de livraison trop longs,    Environnement, Suez,
Carbon Disclosure Group          problèmes de qualité,              Coca-Cola, etc. Sans oublier,
recensait au niveau              espionnage industriel, etc.        le projet « Organic’ Vallée »
international 150 entreprises    Depuis 2013, le gouverne-          lancé par Cler Verts, installé
ayant mis en place cette         ment a mis en place un outil,      à Bélesta-en-Lauragais
démarche de taxation interne,    Colbert 2.0, qui permet aux        (Haute-Garonne).
parmi lesquelles la Société      entreprises de « tester leur       Sa vocation ? Réutiliser les
Générale.                        potentiel de relocalisation ».     rebuts alimentaires collectés
                                                                    localement (cantines,
                                                                    restaurants, etc.) pour
                                                                    produire des légumes, de
                                                                    la viande, etc. ■ BS

                                                                             DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100   77
SUPPLY CHAIN

                                                          PRODUCTION
                                              L’usine du futur
                                      fait sa révolution numérique
          Connectée, flexible, sobre et intelligente, l’usine de 2025 tirera largement parti de la baisse des coûts des technolo-
          gies telles que l’internet des objets, les robots collaboratifs ou encore l’impression 3D.

                                  C
                                                ’est une véritable mutation industrielle   fabrication additive (imprimantes 3D), cloud com-
                                                qui s’annonce à l’horizon 2025. Dans       puting, etc. En 2025, toutes ces solutions vont
                                                tous les domaines : numérique, orga-       devenir économiquement accessibles, en particu-
                                                nisationnel, énergétique, écologique,      lier les milliers de capteurs qui pourront équiper les
                                                voire sociétal. L’usine doit bien sûr      machines, les robots et parfois les produits eux-
                                  devenir « sobre » et optimiser ses consommations         mêmes et remonter en temps réel des millions d’in-
                                  en eau et en énergie. L’outil de production doit en      formations pour alimenter les algorithmes de
                                  outre à la fois gagner en performances mais aussi        nombreuses applications d’aide à la décision tout
                                  en agilité, pour faire face aux changements rapides      au long de la chaîne, depuis la conception jusqu’à
                                  de la demande, tout en permettant davantage de           la livraison. Mais la technologie n’est que le cata-
                                  personnalisation et de proximité avec les clients. Il    lyseur de cette mutation profonde qui se prépare
                                  y a fort à parier qu’en 2025, les sociétés les plus      dans le monde industriel.
                                  dynamiques auront radicalement repensé leur
                                  manière de concevoir leurs produits, de piloter leur     Le développement produit / processus
                                  production, de gérer la maintenance de leurs équi-       Dès la phase de conception et de développement
                                  pements et de leurs produits. Pour y parvenir, les       du produit, la manière de travailler risque d’être
                                  principales briques technologiques sont déjà             assez différente de celle de 2015. Pour réduire
                                  connues : internet industriel des objets, robots col-    massivement les cycles de conception, l’innova-
                                  laboratifs, plates-formes digitales d’analyse pré-       tion collaborative en temps réel va fortement se
                                  dictive de type Big Data, logiciels de simulation,       développer, s’ouvrir non seulement aux différents
                                                                                                         sous-traitants et partenaires de
                                                                                                         l’écosystème, mais aussi en encou-
            Peugeot Fractal :                                                                            rageant, tout en la canalisant, la
                 dévoilé il y a                                                                          créativité et l’inventivité des clients.
          quelques mois, ce                                                                              Un peu à l’image des Fab Labs, ces
           concept car préfi-
           gure la place que                                                                             « laboratoires de fabrication »
            pourrait prendre                                                                             conçus comme des lieux ouverts et
             l’impression 3D                                                                             communautaires où toutes sortes de
            dans l’industrie :
            80 % des pièces                                                                              logiciels et d’outils de fabrication
            de son habitacle                                                                             numériques sont mis à la disposi-
          ont été fabriquées                                                                             tion du public, les entreprises
                   avec cette
                 technologie.                                                                            devront peut-être ouvrir à leurs
                                                                                                         clients leurs plates-formes collabo-
                                                                                                        ©PSA

                                                                                                                                                    ©SIEMENS
 ©FAUDE

78        N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SCENARIO 2025
                                                                  L’impression 3D

                                                                                                                                  ©GREG
                                                                 à prix raisonnable
ratives en ligne. Autre gros changement, que l’on       Maxime Troiday travaille depuis 2020 chez
voit déjà apparaître dans l’automobile ou l’aéro-       un concepteur et vendeur d’équipements
nautique, mais qui devrait s’étendre plus large-        électroménager high tech au poste nouvelle-
ment : le maquettage numérique ne concernera            ment créé de Digital Supply Chain Manager.
pas seulement le produit mais aussi la conception       Il a mené à bien sa 1ère mission d’identifier les
du processus de fabrication, robotisé ou non, qui       pièces et composants susceptibles d’être pro-
va avec, en intégrant si besoin la possibilité de       duits par des techniques de fabrication addi-
faire évoluer le produit, et en minimisant les          tive, avec des gains en matière, de réactivité et
pertes matières, la consommation énergétique, les       de stocks. Pour cela, il a travaillé avec diffé-
temps morts et la pénibilité. Autre avantage : les      rentes équipes au niveau de la Supply Chain,
outils de modélisation et de simulation numérique       de la production et de l’ingénierie, afin de
permettent d’anticiper tout le cycle de vie d’un        s’assurer que le changement n’entraînerait
produit dans une « usine virtuelle », dans des          pas de hausse de coûts, ni de baisse de qua-
conditions réalistes, avant même son lancement          lité et de longévité des pièces en question.
en production. Une opération d’autant plus réa-         Pour certaines pièces, le design a dû être revu.
liste qu’elle se base sur les historiques de données    Résultat, depuis 2022, 10 % des pièces sont
remontées par les nombreux capteurs intelligents        pro- duites en impression 3D, commandées à
installés sur les machines de l’usine.                  des sous-traitants locaux. L’entreprise vend
                                                        depuis peu ses produits sous forme de ser-
Une accélération du « time to market »                  vice et cherche à réduire ses stocks de pièces
Tout cela devrait évidemment réduire massivement        détachées. L’investissement dans des impri-
le nombre de prototypes, faciliter l’anticipation des   mantes industrielles 3D devient-il rentable ?
causes potentielles de blocage ou de non qualité, et    Maxime est sur le coup. Il participe à l’étude
aider à définir à l’avance le paramétrage des           « make or buy ». ■ JLR
machines. « Demain, les opérateurs pourront suivre

                                                                                  DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100    79
SUPPLY CHAIN

                                                                                                 secteurs, la même maquette numérique sera large-
                                                                                                 ment partagée sur l’ensemble de la chaîne de réali-
                        une formation en conditions réelles, à l’aide d’outils                   sation du projet, depuis l’avant-projet et la
                        de training virtuel ou de réalité augmentée, alors                       conception, en passant par la formation (serious
                        même que le produit n’est pas encore fabriqué dans                       games), la production dans l’usine étendue et même
                        l’usine », estime Bernard Birchler, Expert Industrie                     jusqu’ à la maintenance des équipements associés
                        chez Oliver Wyman. Tout cela ne peut qu’améliorer                        (avec la réalité augmentée) », affirme Sylvain Reu-
                        le fameux « time to market ». « Dans beaucoup de                         meau, Responsable Innovation d’Actemium. La
                                                                                                 phase de montée en charge sera facilitée par l’ana-
                          Laurent Perea,                                                         lyse en continu des données issues des machines et
              Directeur chez Capgemini Consulting                                                des robots, truffés de capteurs et autres actionneurs.
                                                                                                 Les machines-outils dialogueront entre elles et
            « Les 4 piliers de la révolution                                                     seront capables d’auto-adaptation pour rectifier
                      industrielle                                                               immédiatement un défaut détecté en aval sur la
                 de la Supply Chain »                                                            chaîne. En 2025, plus de 60 Md d’objets devraient
      «    Après la mutation de l’omni-canal, la prochaine révo-
      lution se prépare dans la partie production industrielle de
                                                                                                 être connectés. Des machines certes, mais aussi des
                                                                                                 produits ou même des composants. Cela va servir
      la Supply Chain dans les 10 ans qui viennent. Elle s’ap-                                   sur la ligne de production, pour informer l’opérateur
      puiera selon nous sur 4 piliers. Le 1er, c’est la traçabilité                              ou le robot du traitement spécifique à réaliser sur tel
      unitaire des produits, avec par exemple des puces RFID                                     ou tel produit fortement personnalisé, ou pour
      qui permettront d’identifier en                                                            signaler qu’une étape n’a pas été réalisée correcte-
      temps réel les produits sur les                                                            ment. Les plates-formes de cloud computing de
      chaînes de production et de                                                                nouveaux acteurs (dont le précurseur est GE avec
      distribution. Le 2e, les batches                                                           Predix) collecteront ce flot monstrueux de données
      de plusieurs milliers d’unités                                                             en temps réel et proposeront aux entreprises une
      vont progressivement laisser la                                                            multitude d’applications Big Data pour en tirer la
      place à la personnalisation de                                                             quintessence en matière d’optimisation de process
      masse. L’arrivée dans l’usine de                                                           et de maintenance prédictive.
      robots « collaboratifs » va ren-
      dre cela techniquement possi-                                                              Des robots collaboratifs
      ble, en offrant la possibilité de                                                          Hormis en ce qui concerne l’industrie de procédé, la
      passer simplement et rapide-                                                               production de masse n’existe quasiment plus en
      ment d’un mode opératoire à                                                                2025.Vive les petites séries. Le rythme des réunions
      un autre. Sur les produits de                                                              (virtuelles) de pilotage de la production est monté
      petite série, la fabrication addi-                                                         d’un cran, passant de mensuel à hebdomadaire par
      tive va également se dévelop-
                                                                                 ©JP.GUILLAUME

                                                                                                 exemple, et la replanification peut désormais s’ef-
      per fortement dans les entre-                                                              fectuer en temps réel, à la volée. Dans l’usine, l’or-
      prises, en s’appuyant sur une                                                              donnancement se gère à l’heure ou au quart d’heure.
      meilleure intégration entre le développement produit et                                    Cette flexibilité sera permise par l’automatisation,
      les usines. Le 3e pilier de cette production devenue agile                                 notamment l’utilisation d’AGV (chariots autoguidés)
      concerne l’utilisation des data pour le pilotage et l’amé-                                 pour le réapprovisionnement et la montée en puis-
      lioration des processus. Les systèmes de pilotage de la                                    sance des robots collaboratifs, connectés et auto-
      production gèreront en temps réel l’ordonnancement et                                      nomes (parfois mobiles), partageant l’espace de
      l’approvisionnement, avec le développement plus large                                      travail avec les opérateurs (cobotisation) et capables
      de systèmes existants comme l’e-kanban. L’analytics va                                     de s’adapter rapidement à une grande variété de
      permettre de capitaliser sur la masse de données indus-                                    tâches. Autre mini révolution prometteuse : la fabri-
      trielles disponibles, notamment au service de l’améliora-                                  cation additive (impression 3D), que ses progrès en
      tion de la qualité et de la disponibilité des équipements.                                 matière de coûts et de performances pourraient pro-
      Et le 4e est lié au facteur humain, car il est évident qu’en                               pulser sur le devant de la scène industrielle, non pas
      2025 les usines ne seront pas entièrement robotisées.                                      pour produire en masse, mais de petites séries, réa-
      La technologie va grandement faciliter la tâche des opé-                                   liser des produit hybrides (intégrés dans le flux de
      rateurs pour certaines opérations, avec la réalité aug-                                    production classique) ou fabriquer rapidement des
      mentée, l’aide à la décision ou l’ajustement automatique                                   outils ou des moules. Ou bien encore pour réparer les
      des paramètres de certains outils en fonction de l’opéra-                                  produits, ce qui prend de l’ampleur. Et l’homme dans
      tion à réaliser. L’engagement des hommes et des femmes                                     tout ça ? Il est toujours là, surtout pour les tâches
      restera le principal levier de performance et d’améliora-                                  complexes, la résolution de problèmes, la modélisa-
      tion continue   »                                                                          tion, l’analyse et bien sûr l’innovation des produits
                                                                                                 comme des processus ! ■ JEAN-LUC ROGNON

80   N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SUPPLY CHAIN

                                                           DISTRIBUTION
                                        La logistique en 2025 :
                                     automatisation et atomisation
                         Les 2 grandes tendances technologiques de la prochaine décennie en matière de logistique,
                         l’automatisation et l’Internet des objets, seront les artisans d’une véritable mutation en 2025. La
                         meilleure visibilité sur les marchandises et la normalisation de la prestation préparent la voie à un
                         pilotage mutualisé et dynamique des flux.

                                                                                                                                           ©PROLOGIS/KRUSCHINA FLUXO INTERAKTIVE ARCHITEKTUR
      Le projet imaginé par l’agence Allemande Kruschina Fluxo Interaktive Architektur
      qui a gagné le concours « Prologis 2030 design » organisé en 2014.

     Selon le concept
     d’Internet

                         D
                                      ans 10 ans, l’ensemble des acteurs de        est probable qu’un certain nombre de processus
     physique, les
     entrepôts sont                   la grande distribution en France aura        soient entièrement automatisés dans les entrepôts
     des hubs, où les                 soit déployé des systèmes de méca-           en 2025. Pour diverses raisons, qui relèvent tout
     marchandises,                    nisation de manière quasi générali-          autant de la recherche de productivité et de la
     conditionnées
     dans des conte-                  sée, soit initié des plans de mise en        capacité à absorber des pics de préparations, que
     nants normalisés,   œuvre à grande échelle. C’est l’une des conclusions       de l’évolution de la réglementation visant à limi-
     sont automati-      d’une étude qu’a menée très récemment ECR (Effi-          ter les charges portées quotidiennement par un
     quement
     re-routées vers     cient Consumer Response) France auprès des prin-          opérateur. En ce qui concerne la préparation de
     d’autres hubs,      cipaux acteurs de ce marché. Plus généralement, il        commandes, la tendance reste plus nuancée.
     en fonction                                                                   Au-delà de la question sociétale qu’elle soulève,
     de leur adresse
     de destination.                                                               l’automatisation complète du picking ne semble
                                                                                   s’envisager économiquement qu’à condition
                                                                                   d’avoir un modèle logis- tique relativement stable
                                                                                   et pour des préparations d’articles dont le condi-
                                                                                   tionnement ne varie pas trop fortement. Mais les
                                                                                   solutions techniques peuvent largement évoluer
                                                                                   d’ici 2025. Qui aurait parié il y a 10 ans sur le
                                                                                   succès de systèmes flexibles de mécanisation
                                                                                   basés sur des AGV porteurs d’étagères ou des
                                                                                   convoyeurs modulaires « plug and play » ? La
                                                                                   solution plus souple, plus évolutive, pourrait venir
                                                                                   de la robotique. Les drones pourraient aussi rendre
                                                                                   de fiers services pour déplacer des colis d’un entre-

82   N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
Eric Ballot
       Professeur en systèmes de production
          et logistique à Mines ParisTech
        « Une plate-formisation
       de la logistique qui prépare
         à l’Internet physique »
  «logique
      Je pense qu’en 2025, la
           de « plate-formisation »
  de la logistique sera bien avan-
  cée. A savoir des prestations
  bien calibrées, standardisées,
  accessibles via des plates-formes
  informatiques collaboratives, et
  qui pourront être effectuées
  indépendamment par tel ou tel
                                                                ©JL.ROGNON

  prestataire. Les entrepôts stocke-
  ront moins, de manière plus
  décentralisée et avec de plus en plus de cross-dock.
  Les outils qui vont permettre cette plate-formisation
  sont en train de se mettre en place, notamment dans
  les domaines du pilotage, des standards de publica-
  tion liés à l’internet des objets et de la codification des
  données produits, logistique et transport. La montée
  en puissance de l’automatisation dans les entrepôts
  va aussi conduire à une normalisation des contenants,
  comme cela existe déjà dans l’industrie automobile.
  Toutes ces évolutions, qui vont dans le sens de la dis-
  parition du spécifique et donnent la capacité de
  confier rapidement et facilement une prestation à un
  tiers, vont ouvrir la voie à des opérations ouvertes, par-
  tagées, interconnectées. Et si les modèles d’affaires ont
  fait leurs preuves d’ici-là, il est fort probable qu’il y
  aura des tentatives de généralisation du concept de
  l’Internet physique en commençant par un secteur
  économique, ou une zone géographique.          »
pôt à l’autre au sein du même campus, dans le cas
d’une consolidation de commandes, ou bien pour
automatiser les inventaires.

Fiabiliser la chaîne d’information
L’automatisation des tâches dans l’entrepôt sera
facilitée par la montée en puissance de l’Internet
des Objets. En association avec des technologies
telles que le RTLS (Real Time Location System) ou
l’UWB (Ultra Wide Band), les marchandises, les
palettes et les équipements, dotés de puces RFID,
pourront être non seulement identifiés de façon
unique dès leur arrivée sur la plate-forme mais
aussi localisés et tracés en temps réel de manière
très précise à l’intérieur du bâtiment. Les mar-
chandises en transit dans les camions pourront
aussi être pré-affectées à un client final durant le
transport, avant même d’arriver dans l’entrepôt.
« Cette fiabilisation, cette disponibilité des don-
nées offertes par la digitalisation de la Supply

                                                                             DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100   83
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