SUPPLY CHAIN - François ...
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Cap sur les 10 ans à venir D ans un monde où tout évolue à une vitesse folle, il peut paraitre pré- somptueux d’imaginer l’avenir. Est-il réellement possible, à partir des éléments que nous possédons aujourd’hui, d’entrevoir ce que sera notre univers professionnel de demain ? Rien n’est moins sûr tant les tech- nologies peuvent à tout moment bouleverser notre futur. Alors, à défaut de prédire avec certitude ce qui surviendra au cours des 10 ans à venir, l’équipe de Supply Chain Magazine s’est livrée (avec la complicité de quelques experts, mais aussi de ses lecteurs) à une extrapolation qui relève de la prospective et parfois de l’imaginaire, tout en s’appuyant néanmoins sur des éléments factuels et des ten- dances avérées. Par exemple, si l’on ne peut savoir précisément quelles seront les mesures prises par les gouvernements pour lutter contre le réchauffement clima- tique, ni à quel rythme elles seront appliquées, il est possible néanmoins d’imaginer que l’effort pour réduire les émissions de gaz à effet de serre impactera fortement la Supply Chain à tous les niveaux. De la même manière, il est certain que les diffé- rentes menaces auxquelles nous devrons faire face, conduiront les entreprises à ren- forcer la protection de leurs collaborateurs, de leurs marchandises, mais aussi de leurs données, voire de leur réputation. C’est donc à partir de quelques évidences comme celles-ci que nos journalistes se sont livrés à cet exercice de reportage-fic- tion depuis les stratégies d’implantation jusqu’au client final, en passant par la pro- duction, la distribution et le transport. Nous avons déjà un pied dans le futur ! En fait, certains signes nous indiquent que le futur est déjà là ! Non pas dans sa ver- sion définitive, non pas dans son intégrale réalité, mais un peu comme un tableau dont on aurait dessiné grossièrement les contours et dont il resterait à peindre le sujet dans ses moindres détails et toutes ses nuances de couleurs. Ainsi nous savons que le big data va permettre de traiter une incroyable volumétrie de données qui, connectées entre elles, vont améliorer le pilotage et l’exécution de Supply Chains de plus en plus étendues et collaboratives. On peut également anticiper des change- ments importants en termes d’implantations : les variations des coûts de main d’œu- vre et de matières premières ne manqueront pas de modifier la cartographie des zones de production et de distribution. Enfin il n’est pas nécessaire d’être un grand visionnaire pour savoir que l’usine sera lean, flexible et digitalisée. Déjà les machines parlent entre elles et les imprimantes 3D sont à l’œuvre dans de nombreux endroits. Des robots collaboratifs sont prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes. Côté transport, on peut s’attendre à voir des bateaux autoguidés sans équipage, sur les routes des camions sans conducteur, dans les villes une prolifération de véhicules électriques... et sans doute pas autant de drones que certains l’imaginent à ce jour. Mais à dire vrai, c’est la manière dont ces évolutions vont s’imposer qui reste à découvrir. Souvenez- nous : il y a 10 ans, on pensait que la RFID allait remplacer les caissières des grandes surfaces. Dans la réalité, les puces se sont bien développées, mais dans des applications très différentes de celles auxquelles on pouvait s’attendre. Alors restons humbles face à l’avenir. Et à défaut de vous promettre que notre vision du futur va s’accomplir, au moins peut-on émettre un souhait : que l’Homme conserve sa place dans un monde où la technologie gagne du terrain tous les jours et que son intelligence reste au ser- vice des valeurs fondamentales qui donnent un sens véritable à la vie. ■ JEAN-PHILIPPE GUILLAUME DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100 67
SUPPLY CHAIN François-Michel Lambert, Député écologiste des Bouches du Rhône « La Supply Chain en 2025 sera sans doute totalement différente » Le député écologiste des Bouches du Rhône François-Michel Lambert, également Vice-Président de la commission Développement Durable et Aménagement du Territoire de l’Assemblée Nationale, est l’un des rares hommes poli- tiques français à maîtriser les problématiques de la Supply Chain. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est à lui que le gouvernement a confié la présidence de la Conférence Nationale sur la Logistique de juillet dernier, dont la dyna- mique se poursuit aujourd’hui avec la rédaction à venir d’un document stratégique collectif dénommé « France Logis- tique 2025 ». Cet ancien étudiant et chercheur au Cret-Log, centre de recherche en transport et logistique d’Aix Marseille, nous fait part des grandes évolutions qu’il voit arriver dans la Supply Chain lors des 10 prochaines années. Supply Chain Magazine : Quels changements formations. C’est donc la qualité et la quantité des majeurs entrevoyez-vous en matière de informations qui créent la performance de la logistique et de Supply Chain à l’horizon 2025 ? logistique et de la Supply Chain. Or nous serons François-Michel Lambert : Selon moi, le 1er bou- plongés en 2025 dans un monde où les volumes leversement, c’est la révolution du numérique. Si d’informations, provenant de milliards de cap- je me rappelle la définition qui m’a été enseignée teurs, auront augmenté de manière considérable, au Cret-Log, la logistique est le pilotage des mar- sans commune mesure avec ce que nous connais- chandises et des flux financiers par les flux d’in- sons aujourd’hui. De ce fait, la Supply Chain en 2025 sera sans doute totalement différente. Que ce soit dans sa capacité à capter les besoins clients de manière plus précise et à les retransmettre ins- tantanément tout au long de la chaîne, mais aussi dans l’arbitrage entre les flux, les stocks et la pro- duction qui s’appuiera sur des outils d’analyse de données très puissants. Par ailleurs, de nouveaux acteurs vont changer complètement la donne en se proposant, via des plates-formes collaboratives, d’intensifier, d’augmenter la productivité des infrastructures et des moyens matériels de logis- tique et de transport existants. Cela commence à apparaître dans le transport mais je pense que nous allons voir arriver des modèles de type AirB&B également au niveau des entrepôts de proximité. Le garage du particulier pourra servir de lieu de stockage et éviter au livreur de faire 50 km pour chercher ses marchandises. Ajoutez à cela l’impression 3D, les bouleversements dans les modes d’organisation et les logiques plus territo- riales liées à la montée en puissance des métro- poles régionales qui vont chercher à produire davantage dans leur propre hinterland et sans doute contribuer à réduire les flux internationaux de marchandises. SCMag : Quel rôle peut jouer l’Etat dans l’accompagnement de ces futures transformations, auxquelles on peut ajouter l’automatisation accrue des entrepôts et des usines ? F-M.L. : En effet, une partie de ce qui va advenir, ©DR notamment en ce qui concerne la mobilité passa- 68 N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
gers ou marchandises, va impacter notre modèle SCMag : Vous êtes aussi Président de l’Institut social construit autour du salariat. La question du de l’Economie circulaire. Quel impact aura selon revenu minimum universel [NDLR : connu aussi vous ce nouveau modèle dans les Supply Chains sous le nom de revenu d’existence et expérimenté des entreprises en 2025 ? actuellement dans certains pays, comme la Fin- F-M.L. : Cela dépendra fortement de la profon- lande] commence à s’affirmer au niveau des poli- deur de l’engagement pris par les entreprises, mais tiques de l’Etat. Je pense que notre réflexion, qui je suis convaincu que l’on va quitter progressive- ne sera pas simple dans les 10 années qui vien- ment les modèles basés sur une économie de nent, devra porter sur des changements structu- stocks pour basculer vers une économie de flux. rels autour de 3 questions : Autrement dit, les entreprises vont se poser la ■ 1. Comment accompagner et aider à l’émer- question de savoir comment récupérer de la gence d’entreprises totalement nouvelles qui ont valeur avec le recyclage, le démontage, la réutili- besoin d’une forte capitalisation de manière très sation de pièces pour construire du neuf. Surtout rapide pour arriver à se faire une place dans ce lorsqu’il s’agira de vendre non plus un produit monde post révolution numérique. mais une valeur d’usage, sous forme de service. ■ 2. Comment faire évoluer un carcan réglemen- C’est un bouleversement très profond car dans ce taire et législatif qui date de 150 ans, fondé sur la cas, l’entreprise ne cède jamais son stock et ne fait révolution industrielle et une économie linéaire, que gérer un flux de matière, de composants, basée sur les stocks. qu’elle peut réutiliser, recycler lorsque ses produits ■ 3. Comment articuler et concilier le salariat que arrivent en fin de vie. Dans la période actuelle de l’on connaît et qui restera en place, avec de nou- chute du cours des matières premières, les initia- velles formes de rémunération qui échappent tives dans ce domaine sont moins dynamiques aujourd’hui à la fiscalité, et qui entraînent un qu’en transport et logistique mais ces 2 transfor- manque à gagner sur les capacités d’actions réga- mations sont appelées à converger. ■ liennes de l’Etat. PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100 69
SUPPLY CHAIN SUPPLY CHAIN GLOBALE Les Supply Chain Managers enfin reconnus à leur juste valeur ? Emergence des BRIC et de l’Afrique, aléas politiques, économiques et climatiques, nouvelles technologies, nouveaux modes de consommations (économie circulaire, partage, services…) et d’échanges (communautés CtoC), hyper-seg- mentation (marchés, produits, circuits), accélération des flux… autant d’éléments qui auront des impacts sur la Supply Chain d’ici 10 ans. Plus globale, plus collaborative, plus complexe et plus agile, la Supply Chain va devoir s’adapter en permanence en conservant ses prérequis : le niveau de service optimal au moindre coût. D’où de nouvelles organisations, de nouveaux outils, un périmètre étendu et peut-être enfin la reconnaissance qu’elle mérite ? M ême si le sourcing et la produc- produits et services répondant juste à la demande, tion tendront à se rapprocher des partagés et conçus selon des moyens les plus sim- bassins de consommations et ples et les plus économes possibles. De même, à se régionaliser, la SC restera avec l’arrivée de l’économie circulaire, les produits internationale, ne serait-ce que vont devoir intégrer la capacité d’être réparés pour desservir les BRIC (Brésil, Russie, Inde, et/ou démantelés aisément pour recyclage dès leur Chine) et le continent africain, qui d’ici 10 ans conception, ce qui va créer de nouvelles chaînes devraient voir leur population croître et avec elle, de retour, de réparation et de recyclage et sans leur besoin de se nourrir, de se loger, de se soi- doute, impliquer les Directeurs Supply Chain dès gner, de se divertir… Mais elle devra prévoir des la conception des produits. produits et des niveaux de service adaptés aux demandes et aux pouvoirs d’achats. A l’instar des Modéliser les flux selon divers scénarios concepts d’innovation frugale (faire plus avec Pour optimiser davantage les SC en fonction des moins) ou de « Good enough » (faire juste ce qu’il marchés conquis, des pays plus ou moins taxés, faut) ou d’économie circulaire (recycler et faire des conditions du commerce mondial (boycotts de durer pour économiser les ressources), l’idée sera pays, de produits, fermetures de frontières…), il de réfléchir au moyen de mettre à disposition des est probable que les outils de Network Design soient utilisés plus fréquemment afin de mesurer Les talents de demain par l’impact de l’implantation, du déplacement ou de Romain Devrièse, la fermeture d’une nouvelle filiale, d’une usine, d’un entrepôt… pour optimiser les réseaux en per- Directeur de Fed Supply manence. Sans oublier de simuler la modification « Dans 10 ans, la plupart des postes de Supply Chain Managers seront au siège. En termes de compétences, du passage des flux dans un même réseau (ex : un produit en fin de vie affecté à une usine moins ils seront aguerris aux outils informatiques et de simu- performante). A l’instar d’Airbus Helicopters qui lation. Le métier va s’enrichir d’autres composantes : utilise SC Guru de Llamasoft, il se peut que ces gestion financière, commerce, marketing… Les besoins outils soient utilisés pour dimensionner les SC de en prévisionnistes, approvisionneurs et nouveaux produits (ex : gamme H160), et opti- pilotes de flux vont augmenter. Demain, miser les coûts du sourcing, du degré de pièces ils seront consolidés dans des postes plus communes, etc. « A l’avenir, la mission du Direc- globaux de pilotage de flux intégrant teur Supply Chain sera toujours de trouver des aussi la Reverse Logistics, le service gisements d’économie, les clients obligeant à bais- clients… Les Directeurs Supply Chain ser les prix d’année en année », entrevoit Colin devraient siéger de plus en plus au Leisk, Manager de Transition chez Delville Mana- comité de direction. Ce sont des métiers gement, actuellement Directeur Supply Chain où il faut aussi avoir une vision à 360°, France chez Office Depot. Selon lui, la SC de être capable de s’adapter, de garder un demain va se caractériser notamment par « une œil à la fois sur l’opérationnel et la gestion segmentation de plus en plus fine et dynamique ©FRED SUPPLY de projet, de manager des hommes, tout (par classe de rotation, délai de livraison, valeur en étant orienté résultats et services ajoutée de service…) qui génèrera des micro-flux à client. » ■ traiter d’une façon différenciée ». D’où une plus grande complexité à gérer, par davantage d’anti- 70 N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
cipation (prévisions, planification, stockage) ou d’algorithmes s’appuyant sur le passé pour les de flexibilité (DDMPR, différenciation retardée, produits de masse plutôt stables, sur de la colla- production de petites séries ou à l’unité à la boration entre acteurs (commerce, marketing, demande). clients…) pour les produits plus sensibles, et sur de nouveaux algorithmes de recherche de corré- Etablir des scénarios de demande lations entre produits, événements, etc. La cap- Pour faire face au lancement de nouveaux pro- ture d’un grand nombre de données (big data) duits de plus en plus fréquents, il faudra faire des devrait contribuer à ajuster les prévisions (lance- hypothèses de lancements afin de dimensionner ment, en fonction des cycles de vie…). Ces outils au mieux les capacités (matières 1ères, capacités de serviront également à dimensionner les stocks au production, de distribution, RH…) et ne pas se lou- plus juste, par des approvisionnements optimisés per pour préserver ses marges. Les logiciels en fonction d’un grand nombre de contraintes. de prévisions seront mis davantage à contribution Des tours de contrôle et de l’analytics pour établir des scénarios La Supply Chain devra par ailleurs faire face à de demande sur la base davantage d’aléas et assurer une continuité d’acti- vité en dépit des incapacités temporaires ou défi- nitives de certains fournisseurs, de sites de fabrication ou d’entreposage. D’où l’avènement de systèmes de tours de contrôles (GT Nexus, Eye- freight…) qui suivront les flux au niveau interna- Colin Leisk, tional en temps réel et alerteront les responsables Manager de Transition en cas d’anomalie. Ces systèmes devraient se ren- chez Delville Management, actuellement forcer pour permettre aux Directeurs SC d’automa- Directeur Supply Chain tiser le suivi de ce qui ne requiert pas leur attention ©DR France chez Office Depot et de ne les solliciter que lorsqu’ils doivent prendre SUITE PAGE 73 DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100 71
SUPPLY CHAIN SCENARIO 2025 ©GREG Une journée de Li-Lu KwanSan, VP Eco-Value Chain Monde chez Samsapple Midea Nous sommes jeudi 7 mai 2025. Li-Lu KwanSan, 34 ans, est VP Eco-Value Chain Monde de Sam- sapple Midea, une multinationale high tech dont le siège est basé à Singapour. Il est 8 h 30, elle vient d’arriver au bureau sécurisé qu’elle occupe au 38e étage d’une tour qui jouxte celle abritant son appartement. La reconnaissance à distance de la puce qu’elle porte sous la peau déclenche l’ou- verture de son bureau, son éclairage ainsi que le démarrage de son SI. Après l’avoir saluée, une voix lui indique les temps forts de son agenda de la journée. 9 h 30 : Réunion virtuelle IBP avec les Direc- teurs de régions EMEA. Prévoir un zoom sur le lancement du tout nouveau Wolf-i 1.0 (très attendu par les Buy Communities). Revoir les impacts coûts, capacités selon les divers scénarii envisagés. 11 h 00 : Réunion avec la Cellule Innovation de Hong Kong pour débattre du design éco-conçu du Wolf-i 3.0. Valider les conditions de sous-traitance à Pavi Inc. 14 h 00 : Comité de Direction au 43e pour prendre connaissance de l’état du marché, des prochains lancements, des rachats en cours et des dernières évolutions stratégiques. Une journée bien chargée, en plus du quotidien (répon- dre à une prévisionniste qui voudrait une formation à Forecast Platform 7.0, étudier l’opportunité d’installer un nouveau robot dans l’entrepôt de Shanghai…). Heureusement que son assistante digitale lui a préparé toutes les données dont elle a besoin en réunion. Il lui restera à les partager avec ses collègues pour prendre conjointement les meilleures décisions en matière de sourcing, design de la SC, achats, production, distribution, transport, services clients et SAV, fonctions dont elle a la responsabilité et dont elle se doit d’optimiser les résultats en permanence, sous peine de laisser sa place à quelqu’un de plus performant. ■ CP 72 N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SUITE DE LA PAGE 71 une décision, quitte à leur suggérer divers scenarios possibles en montrant leurs impacts. L’analytics avec des outils (Qlik, etc.) qui automatisent l’ex- traction de données depuis des bases et des sys- tèmes hétérogènes (ERP, WMS, CRM…), facilitent leur mise en forme et les calculs de ratios, mettent en avant des aspects insoupçonnés, vont également être de précieuses aides pour les Directions SC qui auront besoin d’une vision d’ensemble mais aussi de zoomer dans le détail pour régler au mieux les problèmes (sans néanmoins se couper du terrain dans une tour d’ivoire, en ne faisant confiance qu’aux chiffres !). Un périmètre étendu Autant de défis à relever qui devraient contribuer à étendre le champ d’action de la SC. Elle pourra intégrer une partie de la conception/marketing, le design des réseaux, les achats, la production, la distribution, le transport, le service client, le SAV… afin de piloter au mieux les flux physiques, d’information et financiers, ainsi que de favoriser la collaboration entre fonctions. Car comme le démontre l’e-commerce, tenir la promesse au client, et donc générer du chiffre d’affaires et sur- tout de la marge, dépend directement de la per- formance de la Supply Chain, et plus loin, de la capacité de l’entreprise à générer de la valeur en proposant les produits attendus dans les meil- leures conditions (de prix et de mise à disposi- tion). D’où la nécessité d’investir dans les talents, mais aussi de positionner la Direction Supply Chain à un niveau plus tactique, voire stratégique. « Le métier va continuer sa trajectoire. Il se déve- loppe dans la plupart des grandes entreprises et siège aux Comités de Direction des grands groupes. C’est une tendance qui va s’amplifier et les SC Managers vont prendre du galon, anticipe Colin Leisk. Les « soft skills » sont aussi très recherchées au niveau direction et en-dessous. Il faut en effet savoir être, savoir faire faire et savoir faire changer. D’ici 10 ans, les changements seront omni présents. Il faudra donc se concen- trer sur la gestion en mode projet avec conduite du changement », souligne-t-il. D’ici 10 ans, la fonc- tion de Directeur SC devrait donc gagner en importance et continuer de s’enrichir de talents bien formés qui grandissent en se confrontant au terrain et à la conduite du changement. Des Managers capables de décloisonner l’entreprise et de l’aider à mieux collaborer avec son écosystème (clients, fournisseurs, prestataires, administra- tions…). Ça devrait bien valoir une meilleure reconnaissance ! ■ CATHY POLGE DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100 73
SUPPLY CHAIN SOURCING Une Supply Chain régionalisée ? Imaginez un monde où les fournisseurs seraient localisés dans un rayon de quelques centaines de kilomètres autour des bassins de consommation, les Supply Chains changeraient alors radicalement de visage. Idem si les gouvernements décidaient fermement la mise en œuvre d’une taxe carbone. Les entreprises seraient alors bien obligées de redessiner leurs schémas logistiques. L es Supply Chains ont été conçues à l’ori- par capillarité, du transport. Les Supply Chains gine pour optimiser en priorité les coûts opèreront donc certainement un rapprochement d’achat de matières premières et de pro- du sourcing vers les bassins de consommation. duits finis, et leur acheminement jus- Elles le feront d’autant plus que les besoins de qu’au client, raisonnement facilité par le flexibilité et de réactivité ne cesseront de croître. prix relativement bas du pétrole. Elles se sont Le secteur du textile par exemple, avec ses nom- considérablement étendues avec le mouvement de breuses collections annuelles, se heurte déjà à délocalisation massif amorcé dans les années 70. cette problématique et redessine en conséquence A présent le coût de la main d’œuvre dans des ses schémas d’approvisionnement. pays comme la Chine explose. Dans une étude publiée en 2014, le Boston Consulting Group Une taxe Carbone mondiale à prévoir ? (BCG) révèle qu’« en 10 ans, l’avantage compéti- Autre changement majeur à anticiper : l’évolution tif de la Chine, en particulier par rapport aux des mentalités des consommateurs ! Les émissions Etats-Unis, s’est réduit considérablement. de carbone, sujet ignoré il y a 10 ans, dans l’air du Aujourd’hui, les coûts de production chinois sont temps aujourd’hui et probablement un élément inférieurs de 4 points seulement aux coûts amé- central demain. L’attention accordée par les ricains (hors coût de transport) ». Et de préciser : consommateurs à la problématique du développe- « On trouve aujourd’hui des pays à bas coûts de ment durable obligera les entreprises à concevoir production dans toutes les régions du monde. Il leur Supply Chain en intégrant cette donnée, en est par exemple moins cher de produire au particulier au niveau du sourcing. La variable « car- Mexique qu’en Chine (5 points d’écart en faveur bone » prendra de plus en plus d’importance. Nous du Mexique en 2014 contre 6 en faveur de la pouvons imaginer que la taxe carbone, finalement Chine il y a 10 ans). En Europe, la Pologne qui a enterrée par le gouvernement français, ressortira longtemps été l’un des pays les plus compétitifs des cartons à l’échelle nationale à minima, peut- d’Europe, voit son avantage se réduire notamment être même au niveau mondial… D’autres leviers se par rapport à l’Espagne... et au Royaume-Uni ! ». mettent en attendant tout doucement en place. Le Les réseaux d’usines ont donc vocation à changer, marché du carbone par exemple dont la vocation, les Supply Chains à être reconsidérées… selon le principe de pollueur-payeur, consiste à faire payer les émissions. Sous la forme d’une taxe Les coûts de transport voués internationale ou d’un marché des droits d’émis- à augmenter sions mondial, un prix du carbone mondial et uni- Par ailleurs, qui dit sourcing dit coûts de transport. fié finira bien par voir le jour comme le réclament Rappelons-nous qu’au cours du dernier demi-siè- les plus grands économistes, dont le prix Nobel cle, le pétrole a déjà connu 3 crises mondiales (1973, Jean Tirole. Les Supply Chains auront donc l’obli- 1979 et 2008). Les tensions géopolitiques pourraient gation de se « décarboner ». être à l’origine d’un nouveau choc pétrolier. Sans oublier les facteurs structurels comme l’épuisement L’urban mining des gisements conventionnels obligeant à engager A cela s’ajoute la généralisation potentielle du des exploitations en zone plus difficile à des coûts concept d’économie circulaire. Selon l’Ademe, plus élevés. Et c’est sans compter l’augmentation de « l’économie circulaire vise à changer de paradigme la demande mondiale en énergie. Selon le BP par rapport à l’économie dite linéaire [NDLR : carac- Energy Outlook 2035, la consommation énergé- térisée par la formule « extraire-fabriquer-jeter » ], en tique mondiale pourrait augmenter de 37 % à limitant le gaspillage des ressources et l’impact envi- horizon 2035 par rapport à 2013, la moitié de cette ronnemental et en augmentant l’efficacité à tous les hausse provenant de la Chine et de l’Inde. L’en- stades de l’économie des produits ». D’après le cabi- semble de ces éléments joue dans le sens d’un ren- net McKinsey (en 2013), « l’économie circulaire per- chérissement à long terme des prix du pétrole et mettrait de réaliser une économie nette minimale de 74 N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
380 Md$ par an en matières premières en Europe ». Les ressources naturelles se rarifiant, une des composantes fortes de l’économie cir- culaire est le recyclage. La notion d’urban mining, encore aux balbutiements, commence à faire parler d’elle. Il s’agit de récupérer puis de recycler des métaux rares et précieux (cui- vre, fer, or, platine, manganèse, nickel, etc.) au sein de composants électroniques usagés. « Le concept d’urban mining consiste ainsi à voir ©MOZZZ-FOTOLIA dans les villes d’aujourd’hui les mines du futur », peut-on lire dans une étude réalisée en 2013 par le cabinet Sia Partners. D’un sourcing global à régional Pour l’heure, la collecte de la plupart de ces appa- du « network des- reils en France n’est que très limitée. Il sera donc ign ». Il faut s’attendre à un nécessaire dans un 1er temps de mettre en place des basculement d’un sourcing « globalisé » à un processus de récupération et de tri efficaces. Le sourcing « régionalisé », une Supply Chain moins sourcing de demain pourra également réintégrer dispersée en somme. Le tout intégrant les change- des matériaux recyclés issus de la production d’au- ments structurels liés à l’évolution de la mondiali- jourd’hui. D’ici 2025, les Supply Chains et le sour- sation, les pays où l’on s’approvisionnait hier cing seront pensés en coûts complets. Tous les devenant demain des marchés de consommation… paramètres (tri, recyclage, bilan carbone, etc.) RDV en 2025 pour faire le bilan ! ■ devraient être pris en compte lors de l’élaboration BRUNO SIGUICHE DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100 75
SUPPLY CHAIN SCENARIO 2025 La montre made in China de Simon Un grand nettoyage de printemps, c’est ce à quoi s’attelle Simon le samedi 3 mai 2025. ©GREG Vidant avec nonchalance un vieux carton rangé au fond de sa cave, il met la main sur une vieille montre dont il avait totalement oublié l’existence. En l’examinant de près, Simon constate que celle-ci est estampillée « made in China ». Son esprit commence alors à vagabonder… Retour dans le passé plus de dix ans en arrière ! A cette époque, se sou- vient-il, la plupart des biens de consommation courante étaient fabriqués en Asie. Cette ère lui paraît bien loin… Les temps ont changé et le vieux paradigme de la deuxième moitié du XXe siècle n’a pas résisté aux transformations de la société. Les sources d’éner- gie fossiles se raréfiant, la demande des pays qualifiés hier d’émergents ne cessant de croî- tre, les tensions géopolitiques s’accélérant et l’utilisation des énergies renouvelables pour assurer les besoins de la population mondiale s’avérant insuffisante, le prix du pétrole a littéralement explosé. Un prix multiplié par 30 en l’espace d’une dizaine d’années estime de mémoire Simon. Patatras, le coût du transport a suivi la tendance, impactant très for- tement les prix des produits finis importés. Parallèlement, la COP21 qui s’est tenue à Paris en 2015 a particulièrement marqué les esprits et contribué à sensibiliser davantage les consommateurs à la problématique de l’origine des produits. Il n’en fallait pas plus pour changer radicalement de cap. Exit le sourcing global et place au sourcing régio- nal. Simon, dont la conscience écologique est particulièrement affûtée, se félicite inté- rieurement du modèle actuel plus vertueux en matière d’émissions de CO2. Aujourd’hui, la quasi-totalité des produits de grande consommation n’est pas fabri- quée à plus de 1.000 km des bassins de consommation… ■ BS 76 N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
Les précurseurs sont parmi nous Taxe Carbone Relocalisation Economie Circulaire LVMH a annoncé début Easybike, les Opticiens Atol, le Parmi les Prix Entreprises et novembre la création d’un Coq sportif, Rossignol, Smoby, Environnement, organisés par fonds carbone interne, qui Majencia, Kindy, Sphère, le Ministère et l’Ademe, prendra effet dès 2016, Sullair, etc. Les sociétés dans la catégorie « Economie alimenté par la taxation qui relocalisent ne sont encore circulaire » figure Clarlight. interne des émissions de gaz qu’une poignée mais Son concept consiste à vendre à effet de serre des maisons le phénomène est notable et l’usage de la lumière et du groupe. Ce fonds finan- s’explique par plusieurs non les équipements qui cera des projets réalisés pour raisons : augmentation la produisent. D’autres socié- diminuer les consommations des coûts de transport et des tés mènent des initiatives d’énergie et les émissions salaires des pays émergents, similaires : Michelin, Veolia de CO2. En 2014, l’association délais de livraison trop longs, Environnement, Suez, Carbon Disclosure Group problèmes de qualité, Coca-Cola, etc. Sans oublier, recensait au niveau espionnage industriel, etc. le projet « Organic’ Vallée » international 150 entreprises Depuis 2013, le gouverne- lancé par Cler Verts, installé ayant mis en place cette ment a mis en place un outil, à Bélesta-en-Lauragais démarche de taxation interne, Colbert 2.0, qui permet aux (Haute-Garonne). parmi lesquelles la Société entreprises de « tester leur Sa vocation ? Réutiliser les Générale. potentiel de relocalisation ». rebuts alimentaires collectés localement (cantines, restaurants, etc.) pour produire des légumes, de la viande, etc. ■ BS DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100 77
SUPPLY CHAIN PRODUCTION L’usine du futur fait sa révolution numérique Connectée, flexible, sobre et intelligente, l’usine de 2025 tirera largement parti de la baisse des coûts des technolo- gies telles que l’internet des objets, les robots collaboratifs ou encore l’impression 3D. C ’est une véritable mutation industrielle fabrication additive (imprimantes 3D), cloud com- qui s’annonce à l’horizon 2025. Dans puting, etc. En 2025, toutes ces solutions vont tous les domaines : numérique, orga- devenir économiquement accessibles, en particu- nisationnel, énergétique, écologique, lier les milliers de capteurs qui pourront équiper les voire sociétal. L’usine doit bien sûr machines, les robots et parfois les produits eux- devenir « sobre » et optimiser ses consommations mêmes et remonter en temps réel des millions d’in- en eau et en énergie. L’outil de production doit en formations pour alimenter les algorithmes de outre à la fois gagner en performances mais aussi nombreuses applications d’aide à la décision tout en agilité, pour faire face aux changements rapides au long de la chaîne, depuis la conception jusqu’à de la demande, tout en permettant davantage de la livraison. Mais la technologie n’est que le cata- personnalisation et de proximité avec les clients. Il lyseur de cette mutation profonde qui se prépare y a fort à parier qu’en 2025, les sociétés les plus dans le monde industriel. dynamiques auront radicalement repensé leur manière de concevoir leurs produits, de piloter leur Le développement produit / processus production, de gérer la maintenance de leurs équi- Dès la phase de conception et de développement pements et de leurs produits. Pour y parvenir, les du produit, la manière de travailler risque d’être principales briques technologiques sont déjà assez différente de celle de 2015. Pour réduire connues : internet industriel des objets, robots col- massivement les cycles de conception, l’innova- laboratifs, plates-formes digitales d’analyse pré- tion collaborative en temps réel va fortement se dictive de type Big Data, logiciels de simulation, développer, s’ouvrir non seulement aux différents sous-traitants et partenaires de l’écosystème, mais aussi en encou- Peugeot Fractal : rageant, tout en la canalisant, la dévoilé il y a créativité et l’inventivité des clients. quelques mois, ce Un peu à l’image des Fab Labs, ces concept car préfi- gure la place que « laboratoires de fabrication » pourrait prendre conçus comme des lieux ouverts et l’impression 3D communautaires où toutes sortes de dans l’industrie : 80 % des pièces logiciels et d’outils de fabrication de son habitacle numériques sont mis à la disposi- ont été fabriquées tion du public, les entreprises avec cette technologie. devront peut-être ouvrir à leurs clients leurs plates-formes collabo- ©PSA ©SIEMENS ©FAUDE 78 N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SCENARIO 2025 L’impression 3D ©GREG à prix raisonnable ratives en ligne. Autre gros changement, que l’on Maxime Troiday travaille depuis 2020 chez voit déjà apparaître dans l’automobile ou l’aéro- un concepteur et vendeur d’équipements nautique, mais qui devrait s’étendre plus large- électroménager high tech au poste nouvelle- ment : le maquettage numérique ne concernera ment créé de Digital Supply Chain Manager. pas seulement le produit mais aussi la conception Il a mené à bien sa 1ère mission d’identifier les du processus de fabrication, robotisé ou non, qui pièces et composants susceptibles d’être pro- va avec, en intégrant si besoin la possibilité de duits par des techniques de fabrication addi- faire évoluer le produit, et en minimisant les tive, avec des gains en matière, de réactivité et pertes matières, la consommation énergétique, les de stocks. Pour cela, il a travaillé avec diffé- temps morts et la pénibilité. Autre avantage : les rentes équipes au niveau de la Supply Chain, outils de modélisation et de simulation numérique de la production et de l’ingénierie, afin de permettent d’anticiper tout le cycle de vie d’un s’assurer que le changement n’entraînerait produit dans une « usine virtuelle », dans des pas de hausse de coûts, ni de baisse de qua- conditions réalistes, avant même son lancement lité et de longévité des pièces en question. en production. Une opération d’autant plus réa- Pour certaines pièces, le design a dû être revu. liste qu’elle se base sur les historiques de données Résultat, depuis 2022, 10 % des pièces sont remontées par les nombreux capteurs intelligents pro- duites en impression 3D, commandées à installés sur les machines de l’usine. des sous-traitants locaux. L’entreprise vend depuis peu ses produits sous forme de ser- Une accélération du « time to market » vice et cherche à réduire ses stocks de pièces Tout cela devrait évidemment réduire massivement détachées. L’investissement dans des impri- le nombre de prototypes, faciliter l’anticipation des mantes industrielles 3D devient-il rentable ? causes potentielles de blocage ou de non qualité, et Maxime est sur le coup. Il participe à l’étude aider à définir à l’avance le paramétrage des « make or buy ». ■ JLR machines. « Demain, les opérateurs pourront suivre DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100 79
SUPPLY CHAIN secteurs, la même maquette numérique sera large- ment partagée sur l’ensemble de la chaîne de réali- une formation en conditions réelles, à l’aide d’outils sation du projet, depuis l’avant-projet et la de training virtuel ou de réalité augmentée, alors conception, en passant par la formation (serious même que le produit n’est pas encore fabriqué dans games), la production dans l’usine étendue et même l’usine », estime Bernard Birchler, Expert Industrie jusqu’ à la maintenance des équipements associés chez Oliver Wyman. Tout cela ne peut qu’améliorer (avec la réalité augmentée) », affirme Sylvain Reu- le fameux « time to market ». « Dans beaucoup de meau, Responsable Innovation d’Actemium. La phase de montée en charge sera facilitée par l’ana- Laurent Perea, lyse en continu des données issues des machines et Directeur chez Capgemini Consulting des robots, truffés de capteurs et autres actionneurs. Les machines-outils dialogueront entre elles et « Les 4 piliers de la révolution seront capables d’auto-adaptation pour rectifier industrielle immédiatement un défaut détecté en aval sur la de la Supply Chain » chaîne. En 2025, plus de 60 Md d’objets devraient « Après la mutation de l’omni-canal, la prochaine révo- lution se prépare dans la partie production industrielle de être connectés. Des machines certes, mais aussi des produits ou même des composants. Cela va servir la Supply Chain dans les 10 ans qui viennent. Elle s’ap- sur la ligne de production, pour informer l’opérateur puiera selon nous sur 4 piliers. Le 1er, c’est la traçabilité ou le robot du traitement spécifique à réaliser sur tel unitaire des produits, avec par exemple des puces RFID ou tel produit fortement personnalisé, ou pour qui permettront d’identifier en signaler qu’une étape n’a pas été réalisée correcte- temps réel les produits sur les ment. Les plates-formes de cloud computing de chaînes de production et de nouveaux acteurs (dont le précurseur est GE avec distribution. Le 2e, les batches Predix) collecteront ce flot monstrueux de données de plusieurs milliers d’unités en temps réel et proposeront aux entreprises une vont progressivement laisser la multitude d’applications Big Data pour en tirer la place à la personnalisation de quintessence en matière d’optimisation de process masse. L’arrivée dans l’usine de et de maintenance prédictive. robots « collaboratifs » va ren- dre cela techniquement possi- Des robots collaboratifs ble, en offrant la possibilité de Hormis en ce qui concerne l’industrie de procédé, la passer simplement et rapide- production de masse n’existe quasiment plus en ment d’un mode opératoire à 2025.Vive les petites séries. Le rythme des réunions un autre. Sur les produits de (virtuelles) de pilotage de la production est monté petite série, la fabrication addi- d’un cran, passant de mensuel à hebdomadaire par tive va également se dévelop- ©JP.GUILLAUME exemple, et la replanification peut désormais s’ef- per fortement dans les entre- fectuer en temps réel, à la volée. Dans l’usine, l’or- prises, en s’appuyant sur une donnancement se gère à l’heure ou au quart d’heure. meilleure intégration entre le développement produit et Cette flexibilité sera permise par l’automatisation, les usines. Le 3e pilier de cette production devenue agile notamment l’utilisation d’AGV (chariots autoguidés) concerne l’utilisation des data pour le pilotage et l’amé- pour le réapprovisionnement et la montée en puis- lioration des processus. Les systèmes de pilotage de la sance des robots collaboratifs, connectés et auto- production gèreront en temps réel l’ordonnancement et nomes (parfois mobiles), partageant l’espace de l’approvisionnement, avec le développement plus large travail avec les opérateurs (cobotisation) et capables de systèmes existants comme l’e-kanban. L’analytics va de s’adapter rapidement à une grande variété de permettre de capitaliser sur la masse de données indus- tâches. Autre mini révolution prometteuse : la fabri- trielles disponibles, notamment au service de l’améliora- cation additive (impression 3D), que ses progrès en tion de la qualité et de la disponibilité des équipements. matière de coûts et de performances pourraient pro- Et le 4e est lié au facteur humain, car il est évident qu’en pulser sur le devant de la scène industrielle, non pas 2025 les usines ne seront pas entièrement robotisées. pour produire en masse, mais de petites séries, réa- La technologie va grandement faciliter la tâche des opé- liser des produit hybrides (intégrés dans le flux de rateurs pour certaines opérations, avec la réalité aug- production classique) ou fabriquer rapidement des mentée, l’aide à la décision ou l’ajustement automatique outils ou des moules. Ou bien encore pour réparer les des paramètres de certains outils en fonction de l’opéra- produits, ce qui prend de l’ampleur. Et l’homme dans tion à réaliser. L’engagement des hommes et des femmes tout ça ? Il est toujours là, surtout pour les tâches restera le principal levier de performance et d’améliora- complexes, la résolution de problèmes, la modélisa- tion continue » tion, l’analyse et bien sûr l’innovation des produits comme des processus ! ■ JEAN-LUC ROGNON 80 N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
SUPPLY CHAIN DISTRIBUTION La logistique en 2025 : automatisation et atomisation Les 2 grandes tendances technologiques de la prochaine décennie en matière de logistique, l’automatisation et l’Internet des objets, seront les artisans d’une véritable mutation en 2025. La meilleure visibilité sur les marchandises et la normalisation de la prestation préparent la voie à un pilotage mutualisé et dynamique des flux. ©PROLOGIS/KRUSCHINA FLUXO INTERAKTIVE ARCHITEKTUR Le projet imaginé par l’agence Allemande Kruschina Fluxo Interaktive Architektur qui a gagné le concours « Prologis 2030 design » organisé en 2014. Selon le concept d’Internet D ans 10 ans, l’ensemble des acteurs de est probable qu’un certain nombre de processus physique, les entrepôts sont la grande distribution en France aura soient entièrement automatisés dans les entrepôts des hubs, où les soit déployé des systèmes de méca- en 2025. Pour diverses raisons, qui relèvent tout marchandises, nisation de manière quasi générali- autant de la recherche de productivité et de la conditionnées dans des conte- sée, soit initié des plans de mise en capacité à absorber des pics de préparations, que nants normalisés, œuvre à grande échelle. C’est l’une des conclusions de l’évolution de la réglementation visant à limi- sont automati- d’une étude qu’a menée très récemment ECR (Effi- ter les charges portées quotidiennement par un quement re-routées vers cient Consumer Response) France auprès des prin- opérateur. En ce qui concerne la préparation de d’autres hubs, cipaux acteurs de ce marché. Plus généralement, il commandes, la tendance reste plus nuancée. en fonction Au-delà de la question sociétale qu’elle soulève, de leur adresse de destination. l’automatisation complète du picking ne semble s’envisager économiquement qu’à condition d’avoir un modèle logis- tique relativement stable et pour des préparations d’articles dont le condi- tionnement ne varie pas trop fortement. Mais les solutions techniques peuvent largement évoluer d’ici 2025. Qui aurait parié il y a 10 ans sur le succès de systèmes flexibles de mécanisation basés sur des AGV porteurs d’étagères ou des convoyeurs modulaires « plug and play » ? La solution plus souple, plus évolutive, pourrait venir de la robotique. Les drones pourraient aussi rendre de fiers services pour déplacer des colis d’un entre- 82 N°100 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - DÉCEMBRE 2015
Eric Ballot Professeur en systèmes de production et logistique à Mines ParisTech « Une plate-formisation de la logistique qui prépare à l’Internet physique » «logique Je pense qu’en 2025, la de « plate-formisation » de la logistique sera bien avan- cée. A savoir des prestations bien calibrées, standardisées, accessibles via des plates-formes informatiques collaboratives, et qui pourront être effectuées indépendamment par tel ou tel ©JL.ROGNON prestataire. Les entrepôts stocke- ront moins, de manière plus décentralisée et avec de plus en plus de cross-dock. Les outils qui vont permettre cette plate-formisation sont en train de se mettre en place, notamment dans les domaines du pilotage, des standards de publica- tion liés à l’internet des objets et de la codification des données produits, logistique et transport. La montée en puissance de l’automatisation dans les entrepôts va aussi conduire à une normalisation des contenants, comme cela existe déjà dans l’industrie automobile. Toutes ces évolutions, qui vont dans le sens de la dis- parition du spécifique et donnent la capacité de confier rapidement et facilement une prestation à un tiers, vont ouvrir la voie à des opérations ouvertes, par- tagées, interconnectées. Et si les modèles d’affaires ont fait leurs preuves d’ici-là, il est fort probable qu’il y aura des tentatives de généralisation du concept de l’Internet physique en commençant par un secteur économique, ou une zone géographique. » pôt à l’autre au sein du même campus, dans le cas d’une consolidation de commandes, ou bien pour automatiser les inventaires. Fiabiliser la chaîne d’information L’automatisation des tâches dans l’entrepôt sera facilitée par la montée en puissance de l’Internet des Objets. En association avec des technologies telles que le RTLS (Real Time Location System) ou l’UWB (Ultra Wide Band), les marchandises, les palettes et les équipements, dotés de puces RFID, pourront être non seulement identifiés de façon unique dès leur arrivée sur la plate-forme mais aussi localisés et tracés en temps réel de manière très précise à l’intérieur du bâtiment. Les mar- chandises en transit dans les camions pourront aussi être pré-affectées à un client final durant le transport, avant même d’arriver dans l’entrepôt. « Cette fiabilisation, cette disponibilité des don- nées offertes par la digitalisation de la Supply DÉCEMBRE 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°100 83
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