Plaidoyer pour la nuance (quand tout le monde veut en découdre)
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
https://www.philomag.com/archives/145-decembre-2020janvier-2021 Plaidoyer pour la nuance (quand tout le monde veut en découdre) Numéro 145 - Décembre 2020/Janvier 2021 Un plaidoyer pour la nuance ? Ce ne serait pas un peu mou, prudent, exagérément rationaliste ou centriste, à une époque comme la nôtre, où tout le monde veut en découdre ? Où chacun choisit son camp et n’adresse plus la parole à ceux d’en face ? C’est avec ce préjugé et avec l’air du temps que nous allons batailler ! Édito Article 3 min Par-delà le fourmillement des mots Alexandre Lacroix 03 décembre 2020 Quand j’ai vraiment pris goût au spectacle des crépuscules, un phénomène a retenu mon attention. Il s’observe de préférence à la campagne ; en ville, il n’est presque jamais possible d’avoir une ouverture de champ de vision assez large pour le saisir. Juste avant que le soleil ne di..
Vos questions Article 3 min “Qu’est-ce qui distingue une bonne d’une mauvaise habitude ?” Charles Pépin 03 décembre 2020 Question de Pauline Vergne Repérages Article 1 min L’image/Sublimes abysses Octave Larmagnac-Matheron 03 décembre 2020 Plus de 500 mètres – plus haut que l’Empire State Building : le récif corallien observé pour la première fois fin octobre par les scientifiques du Schmidt Ocean Institute au nord de la Grande Barrière impressionne par ses dimensions. Découverte exceptionnelle, cette cathédrale.. Article 1 min Le mot/Décence
Octave Larmagnac-Matheron 03 décembre 2020 “Vous avez choisi l'espoir, l’unité, la décence et la science” Kamala Harris, élue vice- présidente des États-Unis, le 8 novembre “Le révolutionnaire s’active pour rien s’il perd contact avec la décence ordinaire humaine” George Orwell, L.. Article 1 min La notion/Fobo Octave Larmagnac-Matheron 03 décembre 2020 Vous ne pouvez vous empêcher de vérifier à tout instant que votre téléphone est en mode « muet » lors de réunions à distance ? Alors, vous êtes peut-être victime de Fobo, ou « peur d’être en ligne », une notion forgée par la web designer Holly Allen pour qualif.. Article 1 min Le chiffre/29 % Octave Larmagnac-Matheron 03 décembre 2020 C’est la part de Français adultes qui continuent à jouer aux Lego® selon une étude Play Well. Un chiffre étonnant dans une société où « jouer n’est socialement acceptable que pour les enfants ou les parents », lorsqu’ils s’occupent de leur progéniture. Comment expliquer .. Article 2 min Le décryptage/Vous habitez (encore) chez vos parents ? Octave Larmagnac-Matheron 03 décembre 2020
Retourner vivre chez ses parents ? Pour beaucoup de jeunes, c’est une réalité. Alors que la part des 18-29 ans dans cette situation était à son plus bas dans les années 1950-1960, ce taux grimpe depuis plusieurs décennies : aux États-Unis, selon une enquête du Pew Research Center .. Perspectives Article 3 min Kamala Harris, une démocrate disciple de John Dewey ? Octave Larmagnac-Matheron 03 décembre 2020 Prenant la parole après la victoire de Joe Biden, la future vice-présidente américaine a expliqué que la démocratie est un processus en perpétuelle réinvention. Une vision proche des théories du philosophe pragmatiste John Dewey. Article 3 min Police : pas vu pas pris ? Nicolas Gastineau 03 décembre 2020 Le récent projet de loi relatif à la sécurité globale prévoit d’étendre les mesures de vidéosurveillance tout en interdisant de filmer des policiers en exercice. Qu’aurait pensé Michel Foucault de ces mesures asymétriques ? Article
4 min Peter Singer : “Les futurs vaccins vont nous confronter à un calcul moral” Martin Legros 03 décembre 2020 Plusieurs laboratoires pharmaceutiques ont récemment annoncé avoir mis au point un vaccin efficace à plus de 90 % contre le Covid-19. Reste à savoir qui en bénéficiera en priorité. Peter Singer, philosophe défenseur d’un « altruisme efficace », ouvre des pistes de réflexion. Article 3 min Les échecs, un jeu humain, trop humain Octave Larmagnac-Matheron 03 décembre 2020 La série Le Jeu de la dame a ravivé l’intérêt pour les échecs. Pourquoi fascinent-ils toujours à l’heure où l’intelligence artificielle bat les plus grands champions ? Réponse avec un philosophe oublié, Amédée Ponceau. Au fil d’une idée Article 2 min Un dernier café pour la route Sven Ortoli 03 décembre 2020
Paris totalisait 4 316 bars en 2018. Parmi les 34 968 communes françaises, 26 000 n’ont plus de café. En France, il y avait 500 000 bistrots en 1900, 200 000 en 1960 et près de 40 000 (détenteurs de la licence IV) aujourd’hui. &nbs.. Ethnomythologies Article 3 min Gaz hilarant. Mourir de rire ? Tobie Nathan 03 décembre 2020 Derrière ce nom se cache le protoxyde d’azote, une drogue dangereuse qui fait fureur chez les adolescents. L’occasion pour ces jeunes de s’approcher en une aspiration du « Grand Tout » et de goûter à un « fast-mysticisme » comme on va au fast-food ? Reportage Article 23 min Les chaînes intérieures de la dépendance Alexandre Lacroix 03 décembre 2020 Sur les hauteurs de Lausanne, en Suisse, le service hospitalier du professeur Jean-Bernard Daeppen, spécialiste des addictions, accueille les alcooliques sans leur faire la morale et propose aux héroïnomanes un programme révolutionnaire. Surtout, c’est le lieu où se croisent des humains dont les trajectoires bouleversées nous invitent à réfléchir à nos propres dépendances.
Motifs cachés Article 3 min Valider n’est pas donner Isabelle Sorente 03 décembre 2020 Vous vous apprêtez à régler vos achats par carte bancaire, quand le terminal de paiement vous propose d’arrondir votre facture à l’euro supérieur en faveur d’une organisation caritative. Mais s’agit-il là d’un véritable don ? Dossier 6 articles Plaidoyer pour la nuance (quand tout le monde veut en découdre) Publié le 03 décembre 2020 Un plaidoyer pour la nuance ? Ce ne serait pas un peu mou, prudent, exagérément rationaliste ou centriste, à une époque comme la nôtre, où tout le monde veut en découdre ? Où chacun choisit son camp et n’adresse plus la parole à ceux d’en face ? C’est avec ce préjugé et avec l’air du temps que nous allons batailler tout au long de ce dossier, en soutenant pour commencer que la défense de la nuance est d’abord un pari sur la nature de la réalité. Tant qu’on y est, nuançons la nuance elle-même… De même qu’il y a plusieurs variétés de gris, n’y a-t-il pas plusieurs façons d’être nuancé ? Un sceptique et un modéré, par exemple, vont- ils s’entendre ? Pour savoir quel nuancé sommeille en vous, faites notre test. Parce que le second confinement n’a pas été massif, qu’il a distingué les activités essentielles et non essentielles, il a agacé. N’est-ce pas le destin de toute proposition politique qui se veut consensuelle ? En somme : la nuance a-t-elle vraiment sa place en politique ? Les réponses des philosophes Raphaël Enthoven, Chantal Mouffe et Joëlle Zask. Créé en 1948 par les
philosophes Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, Socialisme ou Barbarie était un mouvement à la fois marxiste et antistalinien. Retour sur une aventure exemplaire pour ce qui est d’avancer sur la ligne de crête. Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans la polarisation des opinions, la mise au pilori de certains, la banalisation des injures ? Notre enquête en compagnie de l’essayiste Nicholas Carr, de la chercheuse en media studies Whitney Phillips et de la neuroscientifique Molly Crockett. Et maintenant, les questions qui fâchent : quelles sont les limites de la liberté d’expression ? Charlie Hebdo devait-il ou non republier les caricatures ? Le droit au blasphème est-il une lubie française ou un acquis démocratique fondamental ? La mort tragique de Samuel Paty met-elle sa pédagogie au-dessus de toute critique ? Sur ces questions, les points de vue irréconciliables, mais argumentés, du philosophe Marcel Gauchet et du sociologue François Héran. Ou la preuve qu’on peut encore débattre avec vigueur sans faire l’économie de la nuance. Article 6 min Vol au-dessus de la mêlée Alexandre Lacroix 03 décembre 2020 Si tout est noir ou blanc, alors penser en nuances, c’est verser dans l’erreur. Mais si, au contraire, le réel se présente comme un subtil dégradé, peut-être est-ce en adoptant des positions tranchées que l’on est sûr de raconter n’importe quoi. Article 10 min Quel nuancé êtes-vous ? Michel Eltchaninoff 03 décembre 2020
Vous aimez l’esprit de finesse et détestez les dogmatiques ? Oui mais encore… Car il y a diverses manières de faire dans la dentelle. Pour mieux vous connaître, faites le test. Article 11 min Épreuves de force Cédric Enjalbert 03 décembre 2020 Prôner la modération, est-ce paver la voie du consensus mou ? Ne faut-il pas plutôt nourrir l’opposition démocratique quitte à trancher le débat selon une logique partisane ? Bref, doit- on éviter le conflit ou l’organiser ? Les philosophes proposent trois options. Article 5 min Socialisme ou Barbarie. L’aventure d’une lucidité radicale Martin Legros 03 décembre 2020 Créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les philosophes Cornelius Castoriadis et Claude Lefort, Socialisme ou Barbarie était un mouvement révolutionnaire qui prônait l’autogestion et la démocratie des conseils tout en élaborant une critique décapante du stalinisme. Il aura fait mentir l’idée reçue selon laquelle l’aspiration à refaire le monde implique de renoncer à son intelligence.
Article 9 min La machine infernale Nicolas Gastineau 03 décembre 2020 Les réseaux sociaux sont des lieux où déferlent les passions tristes. Car, en favorisant la vindicte à visage couvert, ils réveillent les monstres qui sommeillent en nous. Dialogue 17 min Marcel Gauchet-François Héran : la liberté d’expression a-t-elle des limites ? Martin Legros 03 décembre 2020 L’assassinat de Samuel Paty, professeur qui avait montré des caricatures de Mahomet à sa classe dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, a suscité l’effroi… et une controverse sur le sens et les limites de cette liberté. Un débat qu’engagent ici Marcel Gauchet et François Héran, et qui porte sur la nature même de la démocratie, sur notre rapport à l’islam et à l’immigration, ainsi que sur la définition du racisme.
Entretien Entretien 18 min Karl Ove Knausgård : “Je cherche le sentiment d’une présence” Alexandre Lacroix 03 décembre 2020 Alors qu’en France Fin de combat (Denoël), dernier volume d’un cycle romanesque digne d’À la recherche du temps perdu, vient de recevoir le prix Médicis étranger, nous avons eu une conversation avec Karl Ove Knausgård, l’écrivain norvégien le plus célèbre de sa génération. Il y explique son rapport à la poésie, à la philosophie, revient sur son existence mais aussi sur son choix polémique d’appeler sa somme Mon combat. La classique subjectif 3 articles Aristote vu par Francis Wolff Publié le 03 décembre 2020 Loin de sa réputation d’auteur difficile, Aristote est pour Francis Wolff un enquêteur qui agit avec méthode. Pour appréhender le réel, le philosophe antique le découpe en de multiples questions, dont les réponses permettent de créer un monde commun fondé sur la délibération collective. Un argument en faveur de la démocratie toujours pertinent. Article 12 min
Francis Wolff : “Aristote ne propose pas un système, il invente des solutions” Victorine de Oliveira 03 décembre 2020 Loin de sa réputation d’auteur difficile, Aristote est pour Francis Wolff un enquêteur qui agit avec méthode. Pour appréhender le réel, le philosophe antique le découpe en de multiples questions, dont les réponses permettent de créer un monde commun fondé sur la délibération collective. Un argument en faveur de la démocratie toujours pertinent. Article 2 min Aristote commenté par Francis Wolff Victorine de Oliveira 03 décembre 2020 L’extrait d’Aristote « Si nous posons que l’office de l’homme est une certaine forme de vie (c’est-à-dire une activité de l’âme et des actions rationnelles), mais que, s’il est homme vertueux, ses œuvres seront parfaites et belles, dès lors que chaque œuvre parfaitemen.. Article 5 min Un animal philosophique Victorine de Oliveira 03 décembre 2020 Aristote peut être intimidant pour qui se plonge dans ses écrits pour la première fois. D’autant plus que ses nombreux commentateurs en font parfois perdre de vue le texte. Voici de quoi déblayer un peu le champ. Boîte à outils Article 2 min
Pourquoi tenons-nous un journal intime ? Anne Robin 03 décembre 2020 Cher journal, que trouve-t-on entre tes pages et qu’y consigne-t-on au juste ? Aujourd’hui, quatre philosophes te feuillettent et t’auscultent. Article 1 min Hiraeth Octave Larmagnac-Matheron 03 décembre 2020 Langue d’origine : gallois Article 2 min Sympathie Hannah Attar 03 décembre 2020 Les classiques vous transmettent leurs bonnes vibrations pour expliquer cette notion. Back philo Bac philo 5 min Change-t-on avec le temps ? Aïda N'Diaye 03 décembre 2020
Analyse des termes du sujet « Change-t-on » Évolue-t-on ? Se modifie-t-on (superficiellement) ? Se transforme-t-on (fondamentalement) ? « avec le temps » Dans le temps, en même temps que son époque. Livres/Sélection de fêtes Livre Pierre Ducrozet Le Grand Vertige Publié le 30 novembre 2020 Est-il possible d’écrire un roman global, dont l’intrigue parcoure les cinq continents, à propos de la recherche d’une solution au réchauffement climatique ? Tel est le défi que s’est donné Pierre Ducrozet, qui, dans son précédent opus, L’Invention des corps (Actes Sud, 2017), s’était attaqué au transhumanisme et que l’actualité inspire. Mais la philosophie également ! Car le personnage central du Grand Vertige, à la fois maître à penser et gourou, nommé à la tête d’une mystérieuse commission internationale, a une particularité : il ressemble à un décalque de Bruno Latour, le penseur français actuellement le plus lu à l’étranger. Comme Bruno Latour, Adam Thobias « veut des nouvelles cartes et des nouveaux récits pour pouvoir agir ensuite ». C’est pourquoi il envoie des jeunes gens, esprits frondeurs, chercheurs excentriques, sillonner les lieux les plus improbables pour échafauder cette autre cartographie. Parmi eux, un jeune botaniste qui trouve la solution : si nous voulons continuer à proliférer sans endommager la Terre, il nous faut devenir arbres… « Il faut être autophage comme les plantes. Nous devons inventer notre manière de saisir l’énergie du soleil sans intermédiaire, sans devoir passer par tous ces échelons qui l’ont, eux, ingérée. Nous devons manger le soleil. » N’est-ce pas lumineux ? Livre Baptiste Morizot Raviver les braises du vivant
Publié le 30 novembre 2020 Protéger la nature. Si l’intention est louable, elle dénote un rapport vicié au vivant : il s’agirait de prendre soin d’une chose fragile qui nous est extérieure, position qui mène à la mégalomanie ou à l’impuissance. Aussi Baptiste Morizot lui préfère-t-il une promesse à la fois plus modeste et plus enthousiasmante : « raviver les braises du vivant ». Après avoir théorisé la diplomatie à l’œuvre dans les relations interespèces, il présente ici un manifeste pratique en vue de penser les bons usages de la Terre pour lutter contre le sentiment d’impuissance qui domine. Son point de départ ? Le vivant est un « tissage » dont nous sommes des fils. Dès lors, il est question de cohabiter intelligemment. Frayant une voie au sein d’un débat parasité par les apôtres de l’exploitation de la nature, d’une part, par les collapsologues, d’autre part – qu’il accuse d’être des prophètes d’« apocalypses caricaturales et autoréalisatrices » –, son ouvrage se présente comme une boussole. Non, écrit-il, « le vivant n’est pas une cathédrale en feu », mais, au contraire, « un feu régénérateur et créateur ». À partir de là se dessine la cartographie des bonnes pratiques : celles qui respectent et encouragent cette « absurde prodigalité » du vivant, et celles qui la minent. Monoculture et productivisme, qui créent des écosystèmes simplifiés, sont les ennemis désignés. À l’inverse, la permaculture, les « agroécologies diplomatiques », la réintroduction d’espèces sauvages, l’instauration de zones de friche sont autant de solutions locales qui renforcent la toile du vivant. En donnant les conditions nécessaires aux espèces de s’épanouir, de se reproduire et de cohabiter dans des espaces donnés, ces pratiques permettent un « ruissellement de vie » sur les territoires alentours. Ni sanctuarisation ni exploitation, donc, les braises du vivant se régénéreront d’elles-mêmes pour peu que nous laissions agir les « forces spontanées » qui les animent et mettions fin aux pratiques qui les étouffent… et nous avec ! Face à l’urgence climatique, ce livre est une invitation à renouer avec l’aventure exaltante du vivant, et cela suppose de reconnaître que nous partageons avec toutes les espèces « une vulnérabilité mutuelle et un destin commun ». Livre Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher Les Révoltes du ciel Publié le 30 novembre 2020
C’est une trouvaille étonnante que les historiens Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher ont faite, en mettant la main sur une circulaire de 1821 entièrement consacrée… au changement climatique ! Expédiée par le gouvernement français aux collectivités, naturalistes ou agriculteurs, elle questionne l’hypothèse d’un refroidissement atmosphérique, analyse le « système météorologique » et le rôle des forêts. Si, à l’époque, il n’y a aucun consensus sur ces questions, la société française considère déjà que l’État a sa responsabilité dans le devenir d’une nature perturbée par l’activité de l’homme. L’Anthropocène, qui fait de l’humanité une force capable de modifier l’écosystème planétaire, n’est donc pas seulement un concept scientifique officialisé en 2016. Elle est d’abord rattachée à une esthétique occidentale ancienne, dont les prémices remontent au début de l’époque moderne. Depuis le XVIe siècle, l’humanité est perçue comme un colosse capable de penser, de craindre ou même de célébrer le changement climatique ! Les colons européens pensaient ainsi qu’ils adouciraient le climat des terres dites sauvages par la culture et la déforestation. La conscience climatique ne commence donc pas avec l’émergence de la pensée scientifique, mais s’inscrit dans une histoire longue et plurielle, où se mêlent l’impérialisme, le discours politique et la théologie. Livre John Muir Préserver nos solitudes Publié le 30 novembre 2020 « Aucun des paysages de la Nature ne sont laids tant qu’ils sont sauvages » : au fil de ses pérégrinations dans les grands parcs de l’Ouest américain, John Muir (1838-1914), infatigable voyageur et précurseur de la pensée écologique, dévoile la beauté des « solitudes », selon le terme choisi par Martin Paquot pour rendre l’intraduisible wilderness. Tout le fascine dans ces contrées inviolées qui « respirent à leur rythme » – même lorsqu’elles se montrent hostiles et dangereuses. Il « respecte la vie des plantes et des animaux au point de […] s’adapter à leurs rythmes, de ne jamais les brusquer ». Si ses explorations sont solitaires, l’écrivain prolixe se conçoit comme un « émerveilleur » : inlassablement, il transmet la « beauté multisensorielle » de l’érème (espace inhabité) au plus grand nombre. Promoteur ardent des politiques de préservation d’une nature vraiment sauvage contre les tenants d’une exploitation même raisonnée, Muir fait en effet du « bain de nature » le meilleur remède aux maux de la modernité. Il observe d’ailleurs, dès la fin du XIXe siècle, que « des milliers de personnes
épuisées, éprouvées, sur-civilisées, commencent à comprendre qu’aller dans les montagnes, c’est rentrer chez soi ; que l’état sauvage est une nécessité ». Livre Josef Koudelka Ruines Publié le 30 novembre 2020 Cela fait une trentaine d’années que le photographe d’origine tchèque Josef Koudelka arpente le pourtour de la Méditerranée. Son obsession ? Les ruines antiques dont il tire le portrait en format panoramique et dans un noir et blanc fortement contrasté. Face à ce format, on peut parfois avoir une sensation d’écrasement : c’est qu’il s’agit de tout saisir d’un paysage, de façon quasi exhaustive. Pas chez Koudelka, qui s’intéresse plutôt à un agencement étonnant ou à des textures mises en valeur par le jeu du soleil et des ombres. C’est une colonne écroulée dont les tronçons bouchent l’horizon comme autant de rouages figés pour l’éternité. Ou encore des traces de char sur la voie Appienne, parfois investies par une éphémère eau de pluie. Par définition, les ruines signalent le passage du temps et l’irrévocable retour à la nature d’édifices aussi monumentaux que fragiles. Plutôt que de figer un instant de ce processus millénaire, les photographies de Koudelka l’accompagnent : c’est qu’on les lit, plus qu’on ne les regarde, de gauche à droite, ou de bas en haut. Face aux ruines de Tipasa, Albert Camus constatait que « ce n’est pas facile de devenir ce qu’on est, de retrouver sa mesure profonde ». Un format démesuré est peut-être la clé.
Livre Alain Schnapp Une histoire universelle des ruines Publié le 30 novembre 2020 Il fut un temps où la présence de ruines, en lien avec la construction de monuments, servait à distinguer les civilisations : à l’Europe les ruines gréco-romaines ou celtiques somptueuses, supports des rêveries de Chateaubriand ou de Hubert Robert ; aux continents colonisés le prestige moindre des vestiges, voire des simples traces. Dans les années 1930, un historien pouvait ainsi écrire : « Il n’y a pas de ruines africaines, car il n’y a pas d’histoire africaine. » L’idée court toujours. Plutôt que hiérarchiser, l’historien Alain Schnapp préfère interroger l’absence, voire en faire « un trait culturel qui mérite examen ». Comme son objet, le livre et la tâche impressionnent. Schnapp voyage de l’Orient ancien à la Chine en passant par le monde pré-islamique pour étendre le concept de ruine. S’il commence par une définition classique – « la ruine suppose l’action du temps ou d’un agent quelconque sur la matière d’un édifice » –, il n’hésite pas à y ajouter certaines formes de poésie. Au VIe siècle, le désert du Sahara et son paysage perpétuellement changeant voient ainsi naître un art poétique qui célèbre les « ruines de l’être » et la faculté de suivre les traces de ce qui est toujours sur le point de disparaître. Quand la matière passe, la mélancolie demeure.
Livre Michel Pastoureau Le Taureau. Une histoire culturelle Publié le 01 décembre 2020 Est-il vraiment devenu un animal domestique et familier, ou est-il resté une bête sauvage ? Depuis le temps que le taureau accompagne le destin de l’être humain, la question n’est toujours pas résolue... c’est dire la complexité des rapports que nous entretenons avec lui ! Des parois de Lascaux aux dessins de Picasso, en passant par les figures du Minotaure et de Io dans la mythologie grecque, le signe zodiacal et la controversée corrida, Michel Pastoureau retrace une passionnante « histoire culturelle » de cet animal fascinant qui ne cesse de hanter l’imaginaire européen. De son ancêtre le redoutable aurochs du Paléolithique, le taureau actuel a gardé une force musculaire, un souffle et une puissance de fécondité qui justifient qu’il fut longtemps associé à divers rites du sacrifice. Quel contraste avec le bœuf docile et travail- leur de nos campagnes (ou celui qui, aux côtés de l’âne, veille sur le Jésus de la Nativité) ou avec la vache tranquillement ruminante, nourricière par sa viande et par son lait, mais qui fait l’objet d’un certain mépris depuis la Renaissance. Voici un livre qui prend le taureau par les cornes, vachement bien illustré et qui devrait faire un effet bœuf au pied du sapin. Livre Jean-Luc Marion D’ailleurs, la révélation Publié le 30 novembre 2020 Il y a les « révélations de l’année » au cinéma, les « révélations chocs » des journaux à scandale et celles dont on aurait préféré qu’elles ne soient jamais faites. Et il y a, bien sûr, la Révélation majuscule, au sens religieux du terme, et c’est celle qui intéresse Jean-Luc Marion. Tout part d’un constat historique et critique en forme de paradoxe : le concept de Révélation n’a pratiquement jamais été utilisé pour désigner une quelconque religion avant Thomas
d’Aquin, et il a même fallu attendre les philosophes des Lumières... lesquels s’en sont emparés afin de disqualifier une théologie chrétienne opposée à toute forme de rationalité. Dans ces conditions, on comprend le choix de recourir à la phénoménologie pour repenser la révélation, non en tant qu’objet qui serait défini par un sujet raisonnant, mais en tant que phénomène. Et Marion de tirer profit de ses analyses sur la donation tout en travaillant des textes bibliques pour, en théologien catholique, étudier la manière dont la révélation apparaît. Son origine est toujours mystérieuse et extérieure, puisque c’est « d’ailleurs » qu’elle surgit, imprévisible et indéterminée, mais déterminante pour ceux qui en sont les témoins. Marion peut alors décrire la révélation comme « un phénomène qui ne s’oublie pas, comme une présence qui ne passe pas, parce qu’il affecte et transforme celui qui le voit, le perçoit et le reçoit ». Toute révélation est en ce sens une révélation à soi-même. Livre Rivon Krygier Si Dieu sait l’avenir, sommes-nous libres d’agir ? Publié le 30 novembre 2020 Dans une célèbre conférence, Le Concept de dieu après Auschwitz, Hans Jonas réactualisait une controverse antique : si Dieu peut tout, sait tout et veut le bien, alors comment le mal est- il possible ? C’est à l’autre versant de ce problème que s’attaque ici le rabbin et philosophe Rivon Krygier : comment concilier omniscience divine et libre-arbitre ? Au moment où, dans le monde chrétien, les scolastiques s’écharpaient sur ces questions, des savants juifs (Maïmonide, Gersonide, Crescas) construisaient de rigoureux châteaux de cartes théoriques sous emprise aristotélicienne. Krygier connaît fort bien ces questions et dresse ici une cartographie aussi érudite que lumineuse, en dialogue constant avec la philosophie. Cependant, le livre prend son envol lorsque l’auteur avoue sa frustration devant ces modèles qui cherchent à sauver l’immuabilité divine : « À quoi bon le libre-arbitre si les décisions humaines n’ont aucune incidence sur ce qui est programmé par Dieu ? Quel intérêt pour l’homme ? Quel intérêt pour Dieu ? » Pour sortir de l’impasse, comme Hans Jonas, Krygier se tourne vers la Kabbale où il puise un autre concept de Dieu, étranger à l’influence grecque : un dieu inaccompli, non immuable, mais en relation avec l’homme et en devenir, un dieu qui s’informerait sans cesse des choix libres des humains. Une piste aussi poétique que rigoureusement défendue.
Livre Alice Zeniter Comme un empire dans un empire Publié le 30 novembre 2020 « Est-ce qu’on peut faire un peu la révolution ? » En prêtant cette interrogation à l’un de ses personnages, Alice Zeniter résume l’inquiétude liée à tout engagement : quelle est notre véritable capacité d’action ? La romancière incarne sa réflexion en brossant les portraits croisés d’Antoine, assistant parlementaire, et de L., hackeuse, sur fond de crise contemporaine. Tous deux sont de la même génération, mais ils ont emprunté deux voies parallèles pour donner sens à leurs idéaux de justice : l’une officielle, dans les travées du Palais-Bourbon, et l’autre pirate, sur les réseaux. Et « aucun d’eux n’est certain d’avoir raison contre l’autre », c’est la beauté du livre. En racontant ainsi leur doute et notre impuissance relative à transformer le monde, Alice Zeniter offre tout sauf la désespérance pour horizon, au contraire. Elle nous invite à continuer d’espérer, même lorsque la tâche paraît insurmontable. Comment ? La réponse tient dans le titre du livre, emprunté à Spinoza. Le philosophe le rappelle, « l’homme dans la Nature » n’est pas « un empire dans un empire » : il est fait d’interactions et de liens, puissant dès lors qu’il reconnaît ses déterminations et qu’il assume sa participation à une cause commune.
Livre Carl Schmitt et Hermann Heller Du libéralisme autoritaire Publié le 30 novembre 2020 D’où vient le néolibéralisme ? Le débat court toujours, particulièrement sur ses accointances avec des gouvernements autoritaires. Les éditions Zones apportent leur pierre à l’édifice de cette discussion, en exhumant une polémique qui a opposé deux juristes allemands de renom juste avant l’accession de Hitler au pouvoir. « État fort et économie saine », le discours prononcé en novembre 1932 devant le patronat allemand par Carl Schmitt, l’auteur de La Notion de politique rallié au nazisme en 1933, est ici mis en perspective avec la réponse que lui avait opposée le social-démocrate Hermann Heller. Le premier entendait substituer à un État quantitativement « total » – intervenant dans toutes les sphères de la société pour satisfaire les desiderata des groupes d’intérêt – un État qualitativement « fort » – utilisant à son profit les moyens offerts par la technique et la communication modernes pour dépolitiser le social. Le second accusait Schmitt d’envisager un régime autoritaire, libéral avec le capital, dont il se désengagerait, et brutal avec le reste de la société, notamment ses forces subversives. De quoi comprendre comment la pensée de Schmitt a pu contribuer à forger une nouvelle conception du libéralisme, encore en vogue aujourd’hui dans les démocraties dites paradoxalement « illibérales ». Livre Alain Guyard 22 Leçons de philosophie par et pour les mauvaises filles, les goudous, les travelos, les couires, les petits pédés et les grandes folles Publié le 30 novembre 2020 Quand les magazines féminins révèlent les accessoires indispensables pour imiter le look de telle ou telle célébrité, Alain Guyard fait mieux : il conseille des exercices pratiques pour marcher dans les pas de votre héroïne philosophique préférée. Envie de ressembler à la
philosophe et psychanalyste belge Luce Irigaray ? À un psy adepte de la théorie freudienne du « phallus manquant », « raconte le cas d’un homme qui a l’impression d’avoir entre les jambes, là où la chair abonde, une zézette farcie. Généralise, et expose-lui que tous les hommes éprouvent ce syndrome du vagin rempli ». Plutôt fan de Simone Weil ? Tentez : « Quelqu’un se dit philosophe. Demande-lui s’il sait se servir d’une arme. À sa réponse, éclate de rire. » Sous leurs dehors potaches et irréalisables – encore que –, ces recommandations lifestyle pour philosophes féministes ont des airs de manuels de guérilla intellectuelle. Ce n’est pas vraiment un scoop, mais la place des femmes en philosophie est mince. On peut s’en émouvoir mollement. Ou s’en énerver franchement et se lancer dans l’écriture d’un petit livre rose – le rouge, c’est largement passé de saison – au ton aussi abrasif que le fond est sérieux. Penser avec son clit’ ? C’est possible, et même recommandé. Livre Laura Cappelle (dir.) Nouvelle Histoire de la danse Publié le 30 novembre 2020 C’est une histoire difficile, car de la danse il ne reste quasiment rien après qu’elle a été interprétée. Dirigé par Laura Cappelle, ce nouveau volume s’y essaie pourtant, sollicitant l’expertise d’archéologues, d’historiens, de sociologues, de danseuses… Si cet art populaire a, dès l’origine, une vocation édifiante, s’il véhicule un discours qui se passe de mots, il menace aussi toujours d’échapper à la règle et d’offrir sa « force d’imagination ». Le corps comme outil et le corps comme tentation. Exercice de liberté autant que de discipline, « la danse est une espèce de Rhétorique muette », note Thoinot Arbeau dans son Orchésographie, traité de danse paru en 1589. En retraçant cette « mémoire du corps », passant par la naissance du ballet et de la chorégraphie, l’ouvrage soulève une série de paradoxes. Par exemple : que serait une danse classique mais contemporaine ? Et peut-on faire évoluer un répertoire sans le dénaturer ? La question s’est ainsi posée lorsqu’il a été question de supprimer la tradition du blackface dans La Bayadère ou des caricatures chinoises dans Casse-Noisette. L’histoire à coups de ballet !
Livre Guillaume Trouillard et Alex Chauvel Les Quatre Détours de Song Jiang Publié le 30 novembre 2020 « Tout se plie, se déplie, se replie », écrivait Gilles Deleuze. Et surtout cette bande dessinée, dont les pages ne se tournent pas mais se déploient à la manière des antiques rouleaux chinois. C’est en effet en Chine que nous emmènent les pérégrinations des personnages tout droit tirés du classique de la littérature de la dynastie Ming, Au bord de l’eau. Lors de ces voyages, le sage Song Jiang sert de guide, et plus encore de boussole philosophique, à quatre de ses compagnons venus des quatre points cardinaux du pays. Chacun est à la croisée des chemins de son existence, marqué par l’errance, le doute, la lassitude ou la violence. À la manière d’un Socrate, c’est en leur posant des questions plutôt qu’en leur livrant des réponses toutes faites que Song Jiang va leur permettre de poursuivre leurs voies. En cela, il incarne le concept taoïste de wuwei, le non-agir, qui désigne non pas l’inactivité mais le fait de laisser advenir le cours des choses. Et, à mesure que se dévoilent les pages magnifiquement illustrées et fourmillant de détails de ce livre, on s’imagine nous aussi en train de cheminer, nous imprégnant de la sagesse du Tao. Livre
Axel Honneth La Reconnaissance Publié le 30 novembre 2020 On connaît Axel Honneth pour le rôle central qu’il a donné au concept de reconnaissance. Selon lui, nous désirons moins conserver notre vie et triompher des autres qu’être reconnus par eux, obtenir d’eux estime et respect – voire de l’amour ! Il prolonge ici son intuition en proposant une généalogie qui replace cette idée de reconnaissance dans l’histoire, ou plus exactement dans l’histoire comparée, car Honneth montre que la manière dont elle est pensée varie selon les langues et les contextes socioculturels. Parmi les trois grands paradigmes qu’il distingue, la « reconnaissance » à la française a ceci de particulier qu’elle est connotée plutôt négativement, dès lors que le besoin de l’autre apparaît comme une menace potentielle pour le véritable « soi ». Dans la tradition anglaise en revanche, la recognition apparaît comme une forme d’approbation sociale qui pousse les individus à se contrôler moralement. En Allemagne enfin, l’Anerkennung est davantage perçue comme un moyen d’élévation spirituelle et de liberté. Honneth offre là de quoi alimenter les réflexions sur les différentes façons de considérer les conflits sociaux et la solidarité à l’échelle européenne ! Livre Frédéric Pajak Manifeste incertain 9. Avec Pessoa Publié le 30 novembre 2020 Après Walter Benjamin, Emily Dickinson et Marina Tsvetaeva, c’est Fernando Pessoa que Frédéric Pajak convoque pour son tout dernier Manifeste incertain. Il y a un mystère Pessoa (littéralement « personne » en portugais). Lui qui s’était inventé des dizaines d’hétéronymes (entre 50 et 80 selon les spécialistes), soit bien plus que des pseudonymes mais des personnalités à part entière avec leur œuvre propre, se montrait incapable de nouer tout lien avec autrui et de faire preuve de la moindre empathie. Folie ? À le lire, la cohabitation de toutes ces personnalités a parfois pu être difficile : c’est qu’entre Ricardo Reis l’épicurien antirépublicain, Álvaro de Campos l’extraverti (tout le contraire de Pessoa) ou encore Alberto
Caeiro, l’hétéronyme auteur du recueil Le Gardeur de troupeau, seule une « tendance, organique et constante, à la dépersonnalisation et à la simulation » semble faire lien. Ou une certaine forme de désespoir auquel les dessins de Pajak font écho. À la vie du poète portugais, le dessinateur mêle ses propres souvenirs pour finir, en janvier 2020, dans un restaurant lisboète où l’inévitable saudade s’empare de lui. De cette mélancolie mêlée de regrets, on peut gager que la suite de l’année ne l’a pas débarrassé. Livre Laurent Gapaillard (illustrations) et Bertrand Santini (texte) Le Flocon Publié le 30 novembre 2020 Voici un album destiné à la jeunesse comme il en existe peu, un vrai diamant. C’est le nouvel an, tous les nobles du royaume apportent leurs cadeaux au roi. Un jeune astronome, mathématicien de la cour, Johannes Kepler, se présente au château avec une étrenne qui paraît misérable. Il n’a, au creux de sa main, qu’un flocon. On se gausse. Mais une lunette astronomique est pointée vers le flocon qui révèle une structure magique, un abrégé de l’Univers… Le tour de force, c’est que cet album écrit en vers libres, aux dessins qui rappellent les gravures d’Escher, est inspiré par un court texte réellement dû à Johannes Kepler, L’Étrenne, ou la neige sexangulaire (1610, dont il existe une traduction commentée chez Vrin). Dans ces quelques pages, le savant qui a posé les bases de la révolution copernicienne, mais qui est aussi imprégné de pythagorisme et d’astrologie, médite, à partir d’un flocon, sur la structure profonde de la matière. N’est-elle pas, comme celle de l’Univers, géométrique ? Voilà des questions vertigineuses mises à la portée des enfants à partir de 4 ans.
Livre Christophe Granger Joseph Kabris ou les possibilités d’une vie. 1780-1822 Publié le 30 novembre 2020 En 1798, un Bordelais de 18 ans, matelot sur un baleinier sillonnant le Pacifique, fuit le navire et se retrouve sur l’île de Nuku Hiva, dans l’archipel des Marquises. Chez les « sauvages », il s’intègre à son nouveau monde. Guerrier respecté, il se fait tatouer le corps et le visage, fonde une famille, oublie jusqu’à son français natal. Puis le voilà à nouveau déraciné : en 1804, peut-être enlevé, Joseph Kabris est embarqué sur un autre bateau, direction la Russie, où son expérience aux Marquises lui vaut de devenir une curiosité. Plus tard, il racontera son histoire et exhibera ses tatouages dans les foires de France, avant de mourir pauvre et seul en 1822. Trajectoire fascinante et édifiante… Dans cet ouvrage récompensé par le prix Femina-Essai, l’historien et sociologue Christophe Granger ausculte l’existence de Kabris en montrant comment il a dû se réinventer, se « recycler » pour répondre aux attentes qui pesaient sur lui. Toute vie, pour l’auteur, est soumise à des déterminations sociales avec lesquelles nous devons composer ; elle navigue, circule entre des mondes pluriels et parfois contradictoires. C’est pourquoi, au final, « on peut lire sa propre vie entre les lignes de celle de Kabris ». Livre
Philip K. Dick Nouvelles Complètes (2 tomes) Publié le 30 novembre 2020 Qu’est-ce que la réalité ? À quoi reconnaît-on un être humain ? Suis-je certain de ne pas habiter dans la pensée d’un autre ? Ces questions, Philip K. Dick les a traitées tantôt dans des fictions au prodigieux ressort dramatique, tantôt, à la fin de sa vie, sous forme de récits autobiographiques hallucinés. Les cent vingt nouvelles rééditées ici relèvent de la première catégorie. On y retrouve des textes adaptés au cinéma comme Rapport minoritaire (Minority Report) et Souvenirs à vendre (Total Recall), mais aussi d’autres moins connus tels que Le Voyage gelé ou La Guerre contre les Fnouls. Chez Dick, le fantastique repose d’abord sur la relation que les personnages entretiennent avec la réalité. À travers leur voix et leur regard, le récit atteint un degré d’intensité et de conviction si élevé que le lecteur en vient à douter de sa représentation du réel aussi bien que de ce qu’il vient de lire. L’œuvre de Dick s’inscrit dans le paysage mental de la guerre froide, avec son climat d’espionnage tournant au délire de persécution. À une époque où l’informatique est encore le privilège des institutions publiques ou privées, elle anticipe aussi sur la dématérialisation des flux d’information, la réalité virtuelle et les théories du complot. Chez Dick, la subjectivité la plus folle prend appui sur la technologie la plus sophistiquée. En conséquence, une hallucination cesse d’être une affaire privée, elle engendre un monde dans lequel chacun est obligé de vivre. Ce cauchemar trouve dans la littérature son laboratoire et parfois son antidote. Les arts Article 2 min Temps de pose Cédric Enjalbert 03 décembre 2020 Avec l’exposition Sarah Moon. PasséPrésent, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris redonne ses lettres de noblesse au flou en photographie. Une plongée dans l’au-delà du visible à voir jusqu'au 10 janvier.
Article 2 min Plan de coupe Cédric Enjalbert 03 décembre 2020 Avec le spectacle Société en chantier, le metteur Stefan Kaegi bâtit une œuvre qui donne à voir la complexité du monde à travers le regard de toutes les personnes impliquées dans l'édification d'un bâtiment. Article 2 min Âme qui vive Cédric Enjalbert 03 décembre 2020 Soul, la dernière production des Studios Pixar, vous embarque dans un voyage métaphysique joyeux et sensible. Quand le cinéma d'animation s'offre un supplément d'âme. Oh ! La belle vie
Article 2 min Conseil n° 4 : aimons-nous dans la glace François Morel 03 décembre 2020 S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est se regarder dans la glace. En période Covid, des médecins recommandent le sexe en solo. J’ai suivi leur conseil. J’en ai profité pour vivre une courte histoire d’amour avec moi-même. Je me suis rencontré par hasard et je n.. Le questionnaire de Socrate Article 2 min Calogero. Moderato Cantabile Sylvain Fesson 03 décembre 2020 « À chaque fois que je bloque sur quelqu’un ou quelque chose, j’ai du mal à rester en surface, je creuse », précise Calogero. Et creuser, faire carrière, c’est ce que le chanteur-compositeur fait depuis trente-trois ans dans le paysage de la chanson française populaire. Dont vingt ans sous ce pseudo et 6 millions d’albums vendus. Celui qu’on appelle « Calo » confesse avoir « tout fait », « même au-delà », pour être ce qu’il est devenu et que c’est un « miracle magnifique » de « pouvoir faire ce métier ». Pour son huitième album, Centre Ville (Polydor), il a collaboré avec Benjamin Biolay, parolier des chansons Centre Ville et de Mauvais Perdant. Encore une façon de creuser son sillon.
Vous pouvez aussi lire