L'ENFILADE-DE-MAISONS- EN-BRIQUE-ROUGE-DE- YAMACHICHE - Plan de conservation
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Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018 ISBN 978-2-550-79451-6 (PDF) © Gouvernement du Québec, ministère de la Culture et des Communications
MOT DE LA MINISTRE Par ses particularités et sa cohérence visuelle, L’Enfilade-de- Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche forme un ensemble exceptionnel au Québec. Vu ses influences néoclassiques, étatsuniennes ou puisées à l’éclectisme victorien, cet alignement de douze bâtiments illustre les courants marquants de la construction résidentielle de la seconde moitié du XIXe siècle. L’Enfilade reflète notamment la concentration de notables et de personnalités influentes dans le noyau villageois. Classé en juin 2008, ce site patrimonial permet également de reconnaître la valeur du travail d’ornementation des architectes et entrepreneurs Joseph et Georges-Félix Héroux. En raison de ses valeurs architecturale, historique et urbanistique, cet ensemble mérite que l’on se soucie de mieux le connaître et de mieux le comprendre. Nous pourrons ainsi le protéger et le valoriser afin d’en préserver l’intégrité dans l’intérêt des générations actuelles et futures. Le patrimoine culturel constitue une richesse collective exceptionnelle, mais une richesse malheureusement non renouvelable. Il mérite donc d’être considéré avec soin et vigilance. Ce plan de conservation regroupe les connaissances acquises sur L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique- Rouge-de-Yamachiche et son histoire. De plus, il définit les orientations nécessaires à l’analyse des demandes d’autorisation relatives aux articles 64 et 65 de la Loi sur le patrimoine culturel. Il deviendra notre cadre de référence pour intervenir dans le respect des valeurs d’origine du site, dans un esprit de dynamisme et en écho aux besoins de la population. Je suis fière de présenter ce document qui reflète la volonté de mon ministère de bien accomplir son devoir de mémoire quant à la transmission de notre héritage patrimonial. Marie Montpetit Ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française
IDENTIFICATION SOMMAIRE DU SITE PATRIMONIAL Toponyme L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche Autre nom Alignement de maisons de la rue Sainte-Anne Région administrative Mauricie Municipalité Yamachiche Adresse 521, 531, 541-543, 551, 561, 571-573 (maison Louis-Léon-Lesieur-Desaulniers, immeuble patrimonial classé), 581, 591, 601, 611, 621 et 631, rue Sainte-Anne Latitude 46° 16' 56" Longitude -72° 49' 51" Désignations cadastrales Lot 1 775 062 Lot 1 775 083 Lot 1 776 074 Lot 1 775 085 Lot 1 775 086 Lot 1 775 087 Lot 1 775 089 Lot 1 775 109 Lot 1 775 110 Lot 1 775 111 Lot 1 775 112 Lot 1 775 113 Lot 1 775 117 Lot 1 776 061 Lot 1 776 073 Codes Borden CbFe-6 CbFe-7
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION.................................................................................................................. 7 Comprendre le plan de conservation ........................................................................................... 7 Cadre légal de protection de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche ............ 9 Procédures relatives aux demandes d’autorisation de travaux en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel ...................................................................................................................... 11 Demandes de permis municipaux.............................................................................................. 12 SURVOL DU SITE PATRIMONIAL ...................................................................................... 14 Description ................................................................................................................................. 14 Historique ................................................................................................................................... 15 État des connaissances ............................................................................................................. 17 PRÉSENTATION DU SITE PATRIMONIAL ........................................................................... 21 Valeurs patrimoniales ................................................................................................................ 21 Valeur architecturale .............................................................................................................. 21 Valeur historique associée au travail des frères Joseph et Georges-Félix Héroux ............... 22 Valeur historique associée aux notables ayant habité les lieux ............................................. 23 Valeur urbanistique ................................................................................................................ 23 Caractéristiques du site patrimonial ........................................................................................... 26 Cadre naturel .......................................................................................................................... 26 Réseau viaire ......................................................................................................................... 29 Système parcellaire ................................................................................................................ 32 Cadre bâti ............................................................................................................................... 36 Qualités visuelles ................................................................................................................... 46 Patrimoine archéologique ....................................................................................................... 48 ORIENTATIONS POUR LA PROTECTiON, LA MISE EN VALEUR ET LA TRANSMISSION . 53 Orientations s’appliquant à tous les types d’intervention ........................................................... 53 Préserver les valeurs patrimoniales du site patrimonial ......................................................... 53 Privilégier le traitement minimal ............................................................................................. 53 Assurer la continuité à travers les changements ................................................................... 54 Orientations générales et particulières ...................................................................................... 54 Cadre naturel .......................................................................................................................... 54 Réseau viaire ......................................................................................................................... 55 Système parcellaire ................................................................................................................ 55 Cadre bâti ............................................................................................................................... 55 Qualités visuelles ................................................................................................................... 61 Patrimoine archéologique ....................................................................................................... 62 Mise en valeur ........................................................................................................................ 63 LISTE DES BÂTIMENTS ....................................................................................................... 64 GLOSSAIRE ....................................................................................................................... 68 lISTE DES ILLUSTRATIONS .................................................................................................. 71 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 76
INTRODUCTION COMPRENDRE LE PLAN DE CONSERVATION La Loi sur le patrimoine culturel (LPC) « a pour objet de favoriser la connaissance, la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine culturel, reflet de l’identité d’une société, dans l’intérêt public et dans une perspective de développement durable » (LPC, art. 1). Elle prévoit l’établissement d’un plan de conservation pour tous les sites patrimoniaux classés à compter du 19 octobre 2012, date d’entrée en vigueur de la Loi, ainsi que la possibilité d’en établir un pour des sites qui ont été classés avant cette date, dont L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge- de-Yamachiche. Le plan de conservation est un document dans lequel le ministre de la Culture et des Communications présente « ses orientations en vue de la préservation, de la réhabilitation et, le cas échéant, de la mise en valeur » (LPC, art. 37) d’un site patrimonial classé. L’avis de classement d’un site patrimonial renferme un énoncé des motifs de classement. C’est en se fondant sur ces motifs que le plan de conservation dégage les valeurs et les caractéristiques associées au site patrimonial. En résumé, ce plan sert à trouver un juste équilibre entre la préservation des valeurs patrimoniales du site et son adaptabilité au contexte actuel, principe de base de sa conservation. Le plan de conservation de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de- Yamachiche est destiné à guider les décisions du ministre dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu des articles 47, 64 et 65 de la Loi sur le patrimoine culturel. Le plan pourra également servir de référence aux personnes qui interviennent en matière de patrimoine culturel, notamment les propriétaires des maisons et la Municipalité de Yamachiche. Les orientations énoncées dans le présent document permettront de planifier des interventions respectueuses des valeurs patrimoniales du site. L’analyse des demandes d’autorisation sera faite à partir de ces orientations. Chaque demande sera prise en considération en fonction des faits qui lui sont particuliers afin de respecter la nature discrétionnaire du pouvoir que la Loi sur le patrimoine culturel confie au ministre de la Culture et des Communications. Le ministre peut en effet éviter qu’une orientation soit [7]
appliquée automatiquement et de manière rigide1. Puisqu’il s’agit d’une ressource précieuse et non renouvelable pour notre société contemporaine, le patrimoine culturel doit être traité avec rigueur, mais aussi avec la souplesse nécessaire pour tenir compte de ses particularités. Dans cette perspective, la Loi sur le patrimoine culturel utilise le concept d’orientation plutôt que celui d’exigence, de norme ou de critère afin de respecter la nature du pouvoir du ministre et de conserver un degré suffisant d’ouverture quant aux demandes qui pourraient lui être adressées2. Le plan de conservation de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de- Yamachiche est un document de référence pour la protection et la mise en valeur de ce site patrimonial. Il ne limite toutefois pas la compétence du ministre, dans l’exercice du pouvoir qui lui est conféré en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, et ce dernier a la possibilité de prendre en considération chaque cas à son mérite. Le plan de conservation renferme des orientations et ne doit pas être considéré comme une compilation de l’ensemble des données et des études qui sont disponibles ou qui pourraient s’ajouter au fil du temps. Le plan de conservation repose sur une démarche en trois temps : décrire et mieux faire connaître le site patrimonial; faire émerger des éléments significatifs; et définir des orientations. Ces étapes sont les grandes lignes autour desquelles s’articulent les chapitres du présent plan de conservation. Le chapitre « Survol du site patrimonial » traite de L’Enfilade et de son histoire. Le chapitre « Présentation du site patrimonial » met l’accent sur les valeurs patrimoniales et les caractéristiques du site. Au chapitre « Orientations pour la protection, la mise en valeur et la transmission », les orientations formulées dans le but de protéger et de mettre en valeur le site patrimonial découlent des caractéristiques énoncées aux chapitres précédents. 1. Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale. Précis de droit des institutions administratives, 2e édition revue et augmentée, Cowansville, Québec, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 503. 2. Le détenteur d’un pouvoir discrétionnaire ne peut pas poser de gestes qui amèneraient l’autorité administrative à décider à l’avance de ce que sera le contenu d’une décision. L’autorité administrative, dans le présent cas le ministère de la Culture et des Communications, doit prendre en compte les particularités de chaque situation. Issalys et Lemieux, ibid. [8]
CADRE LÉGAL DE PROTECTION DE L’ENFILADE-DE- MAISONS-EN-BRIQUE-ROUGE-DE-YAMACHICHE L’avènement de l’ère industrielle au Québec, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, annonce une transformation profonde du mode de vie et menace la préservation de l’identité culturelle québécoise. Devant cette problématique, l’État québécois – le premier au Canada – s’inspire de la Loi sur les monuments historiques adoptée par le gouvernement français en 1913 et, le 21 mars 1922, sanctionne la Loi relative à la conservation des monuments et des objets d’art ayant un intérêt historique ou artistique. Cette loi permet le classement des monuments et des œuvres d’art ainsi que la création de la Commission des monuments historiques, l’ancêtre du Conseil du patrimoine culturel du Québec. C’est dans la foulée de cette loi que l’archiviste Pierre-Georges Roy (1870-1953), premier secrétaire de ladite commission, effectue les premiers véritables inventaires du patrimoine québécois que sont Les monuments commémoratifs de la province de Québec (1923), Les vieilles églises de la province de Québec, 1647-1800 (1925) et Vieux manoirs, vieilles maisons (1927). En 1929, la Commission procède au classement des premiers monuments historiques, soit la maison des Jésuites-de-Sillery à Québec, le château De Ramezay à Montréal et l’église de Notre-Dame-des-Victoires à Québec. En 1952, constatant une accélération dans la transformation de la société québécoise, le Parlement, sous le gouvernement de l’Union nationale dirigé par Maurice Duplessis (1890-1959), modifie la Loi de 1922. En vertu de ces nouvelles dispositions, la Commission des monuments historiques, alors présidée par Paul Gouin (1898-1976), peut désormais acquérir des immeubles et classer des sites historiques ainsi que des objets mobiliers. Durant la période où Gérard Morisset (1898-1970) est secrétaire de cette commission, de 1951 à 1963, plusieurs monuments situés aux quatre coins du Québec sont classés et une attention particulière est accordée à la restauration d’édifices selon leur style d’origine. À la suite de la création du ministère des Affaires culturelles en 1961 et devant les enjeux que soulève la préservation du Vieux-Québec, le Parlement adopte la Loi des monuments historiques en 1963. Cette loi permet d’accorder le statut d’arrondissement historique à des territoires considérés comme patrimoniaux. La Loi concernant l’Île d’Orléans (1935), la Loi des monuments historiques (1963) et la Loi concernant la Place Royale à Québec (1967) inspirent l’établissement de la Loi sur les biens culturels, qui entre en vigueur le 8 juillet 1972. Cette loi introduit la notion de bien culturel, un terme plus vaste que celui de monument historique. [9]
En vertu de la Loi sur les biens culturels, les propriétaires de biens situés dans les sites historiques doivent demander une autorisation au ministre avant de faire certains gestes. Ainsi, ils ne peuvent, notamment, « diviser, subdiviser, rediviser ou morceler un terrain, ni modifier l’aménagement, l’implantation, la destination ou l’usage d’un immeuble, ni faire quelque construction, réparation ou modification relative à l’apparence extérieure d’un immeuble, ni démolir en tout ou en partie cet immeuble, ni ériger une nouvelle construction ». De même, ils ne peuvent « faire un nouvel affichage, modifier, remplacer ou démolir une enseigne ou un panneau- réclame sans l’autorisation du ministre ». Le ministre contrôle ainsi « l’apparence, les matériaux utilisés, la structure [du support de l’affichage], [donc] l’effet de [celui-ci] sur les lieux [protégés] ». La période la plus active en matière de classement et de reconnaissance de biens culturels se situe au cours des années 1970; un regain est ensuite noté au cours des années 2000. Le présent document découle de la Loi sur le patrimoine culturel (LPC) entrée en vigueur le 19 octobre 2012. Cette loi vise notamment à moderniser les pouvoirs de contrôle du ministre sur un certain nombre d’interventions projetées en tenant compte de l’évolution de la notion de patrimoine culturel. Les sites historiques classés et reconnus deviennent alors des sites patrimoniaux classés. La Loi sur le patrimoine culturel rend obligatoire l’établissement de plans de conservation pour les sites patrimoniaux classés après son entrée en vigueur. L’ENFILADE-DE-MAISONS-EN-BRIQUE-ROUGE-DE-YAMACHICHE Un des premiers gestes liés à la protection du patrimoine de Yamachiche est le classement de la maison Nérée-Beauchemin en 1978. À la suite de ce classement, le ministère des Affaires culturelles dirige un premier inventaire des bâtiments d’intérêt patrimonial en 1981. Cet inventaire a fait ressortir le grand nombre de maisons en brique rouge à Yamachiche et, plus particulièrement, l’importance de celles de la rue Sainte-Anne. Une première maison de cet ensemble est protégée en 1990, soit la maison Louis-Léon-Lesieur-Desaulniers (571-573, rue Sainte-Anne), qui est aujourd’hui incluse dans le site patrimonial classé. Ce bâtiment est, depuis, assujetti aux mesures légales relatives à son statut d’immeuble patrimonial. Son terrain n’est pas inclus dans ce statut, il est donc assujetti aux dispositions concernant le site patrimonial. Des interventions visant une mise en valeur du paysage bâti de Yamachiche, et en particulier du site de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge, sont effectuées par la suite. Elles découlent notamment du document Stratégies de conservation et de mise [ 10 ]
en valeur du patrimoine d’Yamachiche3. Par ailleurs, en 2006 et 2007, la Municipalité a procédé à l’enfouissement du réseau de câbles électriques dans son noyau historique, principalement sur un large tronçon de la rue Sainte-Anne où sont situées les maisons en brique rouge. Parallèlement à ces travaux, les lampadaires de ce secteur ont été remplacés par de nouveaux réverbères d’apparence ancienne. Des panneaux d’interprétation ont aussi été installés en bordure de la rue Sainte-Anne. En 2008, L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche est classé site patrimonial en vertu de la Loi sur les biens culturels. Il inclut la maison Louis-Léon-Lesieur-Desaulniers (571-573, rue Sainte-Anne). Ce geste constitue en quelque sorte l’aboutissement des efforts déployés par les instances municipales et régionales visant à mettre en valeur l’ensemble patrimonial. PROCÉDURES RELATIVES AUX DEMANDES D’AUTORISATION DE TRAVAUX EN VERTU DE LA LOI SUR LE PATRIMOINE CULTUREL Le statut de site patrimonial classé entraîne des obligations pour toute personne intervenant sur le territoire. Ainsi, une autorisation du ministre de la Culture et des Communications est requise avant de « diviser, subdiviser, rediviser ou morceler un terrain, modifier l’aménagement ou l’implantation d’un immeuble, faire quelque construction, réparation ou modification relative à l’apparence extérieure d’un immeuble, démolir en tout ou en partie cet immeuble, ériger une nouvelle construction » ou « faire un nouvel affichage, modifier, remplacer ou démolir une enseigne ou un panneau- réclame » (LPC, art. 64 et 65). Sous réserve des exceptions prévues, une autorisation du ministre est également requise pour « excaver le sol même à l’intérieur d’un bâtiment » (LPC, art. 64). Les autorisations du ministre peuvent comporter des conditions auxquelles doit se conformer toute personne qui désire entreprendre l’un des actes visés (LPC, art. 66). La demande d’autorisation peut être faite en utilisant le formulaire prévu à cette fin, qui est disponible sur le site Internet du Ministère (http://mcc.gouv.qc.ca). La demande doit ensuite être envoyée à la 3. Groupe de recherches en histoire du Québec rural, Stratégies de conservation et de mise en valeur du patrimoine d’Yamachiche, sous la direction de Robert Côté, étude mandatée par la Municipalité de Yamachiche dans le cadre d'une entre avec le ministère des Affaires culturelles, Direction régionale Mauricie- Bois-Francs, 1990. [ 11 ]
Direction régionale de la Mauricie, de l’Estrie et du Centre-du-Québec, aux coordonnées qui sont indiquées dans le formulaire. Les projets soumis au ministre sont analysés au cas par cas en fonction de leur effet sur les valeurs patrimoniales de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique- Rouge-de-Yamachiche. Les caractéristiques liées aux valeurs associées à ce bien qui sont prises en compte dans l’analyse des projets sont celles du cadre naturel, du réseau viaire, du système parcellaire, du cadre bâti, des qualités visuelles et du patrimoine archéologique. Le ministre peut demander un avis au Conseil du patrimoine culturel du Québec avant de rendre une décision (LPC, art. 83). En vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, l’autorisation du ministre doit être obtenue avant d’effectuer les interventions prévues aux articles 64 et 65. Cette loi ne dispense toutefois pas les intervenants d’obtenir tout autre permis, certificat ou autorisation pouvant être requis en vertu d’une autre loi ou d’un règlement. L’immeuble patrimonial classé présent sur le site patrimonial de L’Enfilade- de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche, la maison Louis-Léon- Lesieur-Desaulniers, n’est pas régi par les règles applicables à un site patrimonial classé et, en conséquence, les orientations du présent plan de conservation ne s’appliquent pas dans son cas. D’autres articles de la loi établissent des obligations plus contraignantes en ce qui a trait à cet immeuble classé. Néanmoins, il existe un lien historique fort entre la maison Louis-Léon-Lesieur-Desaulniers et le site de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique- Rouge-de-Yamachiche, et il est clair qu’elle contribue aux valeurs patrimoniales de celui-ci. Le terrain de la maison Louis-Léon-Lesieur- Desaulniers est toutefois régi par les règles applicables au site patrimonial. DEMANDES DE PERMIS MUNICIPAUX Avant de pouvoir effectuer des travaux, il est absolument nécessaire d’obtenir l’autorisation du ministre et un permis de construction de la Municipalité de Yamachiche, comme l’exige la réglementation municipale. La Municipalité de Yamachiche dispose d’un règlement à caractère discrétionnaire pour encadrer les interventions sur son territoire, soit un plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) adopté en 2006. [ 12 ]
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SURVOL DU SITE PATRIMONIAL DESCRIPTION L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche est un alignement de douze bâtiments résidentiels construits pour la plupart au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Le corps principal des édifices présente un plan rectangulaire et des élévations allant d’un étage et demi à deux étages et demi. Les demeures se distinguent par leur parement en brique rouge ainsi que par leur ornementation blanche, en bois, et noire, en fonte. Les douze maisons s’élèvent dans le noyau villageois, face à l’église et au presbytère. Elles bordent le côté nord de l’ancien chemin du Roy, qui constitue la rue principale de la municipalité de Yamachiche (fig. 1-7). L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche comprend également la portion de la rue Sainte-Anne devant les douze résidences, leurs terrains, ainsi qu’une partie des rues de Carufel et Notre-Dame. Figure 1 [ 14 ]
Cet ensemble est classé site patrimonial. Il inclut la maison Louis-Léon- Lesieur-Desaulniers (571-573, rue Sainte-Anne), classée immeuble patrimonial. Il comprend deux sites archéologiques inscrits à l’Inventaire des sites archéologiques du Québec4. HISTORIQUE Au début du XVIIIe siècle, la presque totalité du territoire de Yamachiche fait partie de la seigneurie de Grosbois-Est, une concession appartenant aux frères Charles (1674-1739) et Julien (1679-1715) Lesieur. Deux noyaux se développent : le plus important est situé près de la rivière Yamachiche, non loin du lac Saint-Pierre, tandis que l’autre hameau, correspondant à l’emplacement du village actuel, Figure 2 se trouve à proximité de la Petite rivière Yamachiche. La paroisse Sainte-Anne, érigée en 1722, croît grâce à la proximité de cours d’eau et à la fertilité du sol. Une quinzaine d’années après la fondation de la paroisse, l’ouverture du chemin du Roy, dont un tronçon est aujourd’hui appelé la rue Sainte-Anne, contribue également à son expansion. L’agriculture et l’industrie du bois sont les principaux moteurs économiques. Au cours du XIXe siècle, les terres argileuses propices à la fabrication de la brique favorisent l’établissement de briqueteries dans la région. À Yamachiche, l’entreprise de Gonzague Bellemare est fondée vers 1840, alors que celle de Pierre Audet dit Lapointe et celle des frères Gélinas ouvrent vers 1870. À partir de 1850, le cœur de Yamachiche se consolide à proximité de la Petite rivière Yamachiche. Plusieurs institutions et bâtiments publics sont érigés, dont un couvent (1852) et un collège (1853). L’établissement de ces institutions religieuses (fig. 2-3) et civiles ainsi que l’expansion des industries locales engendrent la formation d’une élite locale. De plus, des inondations incitent les résidents du premier noyau villageois à venir s’établir plus au nord, dans le nouveau village. Par conséquent, un grand 4. L'Inventaire des sites archéologiques du Québec regroupe les archives des interventions archéologiques effectuées au Québec. Pour le consulter, il faut communiquer avec le ministère de la Culture et des Communications, par l’entremise de son site Internet, à l’adresse suivante : (http://www.mcc.gouv.qc.ca/patrimoine). [ 15 ]
nombre de maisons sont construites au cours des années 1860, dont certaines le long de la rue Sainte-Anne. La construction d’une gare ferroviaire, en 1878, entraîne pour sa part un nouvel essor socioéconomique. De cette conjoncture résulte notamment l’érection de 25 maisons en brique entre 1883 et 1886 (fig. 4), dont quelques-unes font partie de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique- Rouge-de-Yamachiche. Au sein du village, des cultivateurs aisés, des notables et des bourgeois, dont des médecins, des politiciens, des avocats et des architectes, font ériger d’élégantes maisons de Figure 3 brique qui révèlent leur statut social. Ces derniers habitent notamment les demeures du site patrimonial de la rue Sainte-Anne. Parmi eux se trouve le médecin Maxime Israël Bellemare (né en 1847). Quelques-unes des familles propriétaires de ces maisons s’illustrent à l’échelle régionale ou provinciale. La résidence sise au 571- 573, rue Sainte-Anne est bâtie vers 1860 pour Louis- Léon Lesieur Desaulniers (1823-1896), à la fois médecin, fonctionnaire, juge de paix et officier militaire, mais qui se démarque principalement à titre de politicien. Desaulniers (fig. 5) commence sa longue Figure 4 carrière politique en 1854, comme député de Saint- Maurice, et la poursuit de façon intermittente jusqu’à la fin des années 1880. Il est également en fonction, d’abord comme inspecteur, puis à titre [ 16 ]
de président, au Bureau des inspecteurs des prisons et asiles de la province de Québec. En 1865, les frères Joseph (1831-1901) et Georges-Félix (1833-1901) Héroux, artisans, architectes et entrepreneurs, ouvrent un atelier derrière la maison située au 670, rue Sainte-Anne, à l’ouest de la Banque Nationale, à l’extérieur des limites du site patrimonial. Il sera démoli en 1959. Les Héroux participent à la construction de plusieurs résidences de Yamachiche pour lesquelles ils privilégient l’emploi de la brique et d’éléments décoratifs élaborés. De plus, ils ajoutent une ornementation en bois menuisé ou en fonte à certaines demeures existantes. Les constructions des frères Héroux à Yamachiche soulèvent l’intérêt des milieux Figure 5 patrimoniaux depuis les années 1970. Des inventaires ainsi que des études sont effectués, et deux bâtiments sont classés immeubles patrimoniaux. Il s’agit de la maison Nérée-Beauchemin (fig. 6), située à l’extérieur des limites du site de L’Enfilade, qui est classée en 1978; et de la maison Louis-Léon- Lesieur-Desaulniers (571-573, rue Sainte-Anne), incluse dans le site patrimonial, qui est classée en 1990. L’Enfilade-de- Maisons-en-Brique-Rouge-de- Yamachiche est pour sa part classée en 2008. ÉTAT DES CONNAISSANCES Figure 6 ÉTUDES ARCHITECTURALES ET INVENTAIRES L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche est un site plutôt bien documenté, en particulier en ce qui a trait à ses composantes architecturales. Les détails ornementaux et les caractéristiques formelles qui distinguent ces résidences ont été étudiés à quelques reprises. Le classement de la maison Nérée-Beauchemin, en 1978, attire l’attention sur le travail des frères Héroux. L’alignement de maisons de la rue Sainte- [ 17 ]
Anne suscite quant à lui l’intérêt des milieux patrimoniaux à partir du début des années 1980, alors qu’est menée une étude du patrimoine immobilier de Yamachiche, laquelle constituera d’ailleurs le premier inventaire régional. La maison Louis-Léon-Lesieur-Desaulniers (571-573, rue Sainte-Anne), auparavant nommée maison Lampron, est l’objet d’une étude historique et architecturale à la suite d’un incendie qui l’a endommagée en 1987. En 1990, le Groupe de recherches en histoire du Québec rural mène une deuxième étude exhaustive du patrimoine bâti yamachichois. Ce document, très utile aux chercheurs d’aujourd’hui, comprend notamment une fiche descriptive et une chaîne de titres de plusieurs maisons de L’Enfilade. Plus récemment, les résidences de L’Enfilade ont servi à illustrer certaines particularités architecturales dans l’ouvrage d’Yves Laframboise intitulé La maison au Québec : de la colonie française au XXe siècle. En 2002, la Commission des biens culturels du Québec a sélectionné le site comme « coup de cœur » et l’a présenté dans un ouvrage intitulé Patrimoine, coups de cœur! Sélection de 46 biens culturels. Sur le plan régional, la MRC de Maskinongé a entrepris, au cours des dernières années, plusieurs démarches pour améliorer sa connaissance du patrimoine situé sur son territoire. L’inventaire effectué en 2007 par la firme Bergeron Gagnon constitue un des premiers outils dont la MRC s’est servie pour publier, l’année suivante Au-delà de la façade… Présentation du patrimoine bâti de la MRC de Maskinongé. Dans ce document, elle détaille, à l’intention du grand public, les caractéristiques générales se dégageant de cet inventaire. MONOGRAPHIES HISTORIQUES Plusieurs ouvrages, dont certains sont relativement anciens, documentent l’histoire de Yamachiche depuis sa colonisation à l’époque seigneuriale jusqu’à la période de prospérité qui caractérise les lieux au tournant du XXe siècle. Des publications produites par des historiens natifs de la municipalité, tels que l’abbé Napoléon Caron (1892), Raphaël Bellemare (1902) et J.-Alide Pellerin (1980), constituent des sources appréciables pour comprendre l’évolution de Yamachiche, ses caractéristiques territoriales et ses événements marquants. L’ouvrage de Pellerin, particulièrement étoffé et illustré de photographies anciennes, présente de multiples facettes de l’histoire de Yamachiche jusqu’à une époque récente. [ 18 ]
Mis à part ces monographies, l’aspect historique de Yamachiche et de l’ensemble de maisons en brique rouge peut être enrichi par l’apport de renseignements provenant des divers inventaires mentionnés précédemment. DOCUMENTS D’ARCHIVES Les archives consultées pour l’élaboration du présent plan de conservation sont surtout de nature iconographique. En effet, la consultation d’images anciennes des maisons en brique rouge et du noyau historique de Yamachiche est nécessaire à la bonne compréhension des valeurs et des caractéristiques du site de L’Enfilade. Des documents tels que des cartes, des plans et des photographies d’époque, de provenance variée, ont été rassemblés. La collection de photographies anciennes de la municipalité de Yamachiche, dont une large partie est disponible en ligne, constitue un apport précieux. En plus de cette banque d’images, des cartes postales et des documents cartographiques conservés par des institutions telles que Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), le musée McCord, la congrégation des Sœurs de la Providence et la Société d’histoire de Louiseville ont pu être consultés. Enfin, des illustrations provenant de catalogues d’architecture étatsuniens, conservés au Centre canadien d’architecture (CCA), ont été retenues pour établir des comparaisons ou encore pour servir d’inspiration aux propriétaires des maisons de L’Enfilade. RAPPORTS DE SURVEILLANCE ARCHÉOLOGIQUE Yamachiche étant un territoire ancien, la municipalité a déjà fait l’objet de quelques interventions archéologiques depuis les années 1970. En 2006, à l’occasion des travaux d’enfouissement de câbles électriques dans le centre urbain, une surveillance archéologique des zones excavées a été effectuée sous la direction de Carl Castonguay. Cette intervention concernait deux propriétés de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de- Yamachiche, le 601 et le 631, rue Sainte-Anne. La surveillance archéologique a permis de mettre au jour des vestiges. Il en résulte deux sites archéologiques inscrits à l’Inventaire des sites archéologiques du Québec, sous les codes Borden CbFe-6 et CbFe-7. [ 19 ]
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PRÉSENTATION DU SITE PATRIMONIAL VALEURS PATRIMONIALES Les valeurs patrimoniales constituent un ensemble de qualités positives présentes dans le site. Le classement de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique- Rouge-de-Yamachiche est basé sur ses valeurs patrimoniales, et leur préservation constitue le principal objectif du Ministère dans l’application de la loi. Le site patrimonial présente des valeurs de natures diverses, et il importe de trouver le point d’équilibre entre elles. Connaître les valeurs du site patrimonial est la première étape en vue de sa protection. Le site de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche a été aménagé sur plusieurs décennies. Il a ainsi acquis au fil des ans une valeur architecturale, une valeur historique et une valeur urbanistique. Pour chaque valeur patrimoniale, quelques témoins sont mis en lumière. La section portant sur les caractéristiques du site patrimonial montre de manière exhaustive les témoins associés aux différentes valeurs qui s’incarnent matériellement à travers ces caractéristiques. VALEUR ARCHITECTURALE L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche présente un intérêt patrimonial pour sa valeur architecturale. Le site patrimonial se distingue par l’homogénéité de ses composantes, soit des résidences bourgeoises comportant un parement en brique rouge et des éléments ornementaux blancs en bois ou en fonte. Compte tenu de la rareté de la pierre dans la région et de la présence de sols argileux favorable à la production de la brique, l’utilisation de ce matériau est privilégiée, à l’époque, pour la construction de nombreuses demeures bourgeoises implantées le long du chemin du Roy, à Yamachiche et dans les villages environnants. L’uniformité du parement et de l’ornementation découle également du travail des frères Héroux qui privilégient ces couleurs et ces matériaux. L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche se compose de deux groupes distincts de résidences : les maisons québécoises d’inspiration néoclassique, à l’ouest du site patrimonial; et les maisons témoignant de l’éclectisme victorien et de l’influence étatsunienne, à l’est. Les résidences du second groupe, qui ont été érigées au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, associent plusieurs types architecturaux dans une même construction. Par leur toit de formes variées, leurs lucarnes, leurs balcons, leur fronton ou leur pignon, les résidences de Yamachiche évoquent cette diversité. Les éléments d’ornementation, tels que les appliques et les chambranles menuisés, les corniches à consoles, les frises ainsi que les balustrades, témoignent de [ 21 ]
l’influence des types architecturaux historiques de l’époque victorienne. L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche rappelle les courants qui marquent la construction résidentielle bourgeoise de la seconde moitié du XIXe siècle au Québec. Le site patrimonial compte également quelques bâtiments secondaires anciens. Exemples de témoins de la valeur architecturale Deux groupes distincts de résidences : les maisons québécoises d’inspiration néoclassique, à l’ouest du site patrimonial; et les maisons témoignant de l’éclectisme victorien et de l’influence étatsunienne, à l’est Résidences à parement en brique rouge Bâtiments secondaires anciens VALEUR HISTORIQUE ASSOCIEE AU TRAVAIL DES FRERES JOSEPH ET GEORGES-FELIX HEROUX L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche présente aussi un intérêt patrimonial pour sa valeur associée au travail des frères Joseph et Georges-Félix Héroux. D’abord formés par l’architecte et sculpteur Alexis Millette, les frères Héroux effectuent ensuite un stage d’études en Italie. Ils participent aux travaux de nombreuses églises au Québec et à quelques travaux du genre en Nouvelle-Angleterre. Leur atelier de sculpture et de fine menuiserie se situe à Yamachiche, d’où ils collaborent avec plusieurs maîtres sculpteurs et ébénistes. Artisans, architectes et entrepreneurs, les Héroux façonnent l’ornementation et construisent de nombreuses résidences de la région. Ils privilégient l’emploi de la brique et d’éléments décoratifs élaborés, en bois ou en fonte, tels que chambranles, corniches, frises, balustrades, consoles et frontons de formes diverses. Ce site patrimonial comporte une concentration importante de demeures construites par les frères Héroux. Il témoigne de leur savoir-faire ainsi que de leur notoriété dans la région, Georges-Félix Héroux ayant notamment été maire de la municipalité de village de 1887 à 1899. [ 22 ]
VALEUR HISTORIQUE ASSOCIEE AUX NOTABLES AYANT HABITE LES LIEUX L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche présente également un intérêt patrimonial pour sa valeur historique découlant de son association avec les notables ayant habité les lieux. Plusieurs de ces résidences sont construites pour la bourgeoisie locale comprenant des entrepreneurs, des médecins et des hauts fonctionnaires. Certains se sont illustrés sur la scène politique, dont Louis-Léon Lesieur Desaulniers, médecin, député, juge de paix et président du Bureau des inspecteurs des prisons et asiles de la province de Québec. L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge- de-Yamachiche reflète la concentration de l’élite locale et de personnalités influentes dans ce noyau villageois. Deux sites archéologiques permettent de documenter l’occupation du site patrimonial qui est antérieure à la construction des maisons le constituant : celui associé à l’ancien manoir seigneurial Gugy et celui associé à un ancien hospice. Exemples de témoins des valeurs historiques Emploi de la brique pour la construction des résidences Éléments décoratifs élaborés, en bois ou en fonte, tels que chambranles, corniches, frises, balustrades, consoles et frontons de formes diverses Deux sites archéologiques VALEUR URBANISTIQUE L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche présente en outre un intérêt patrimonial pour sa valeur urbanistique. L’alignement de ces douze résidences, situées au cœur du village et faisant face à l’église, est caractérisé par une certaine cohérence visuelle. Disposées en bordure de l’ancien chemin du Roy, les maisons sont érigées sur des lots étroits perpendiculaires à la voie publique. Cette implantation particulière, qui témoigne du mode de vie villageois d’autrefois, favorise l’agrandissement des maisons par l’ajout d’une ou de plusieurs annexes à l’arrière. De plus, la présence, au sein de L’Enfilade, de deux groupes distincts de résidences séparés par un axe central formé par la maison Louis-Léon-Lesieur- Desaulniers crée une perspective visuelle digne d’intérêt. En effet, la plus [ 23 ]
vaste demeure de l’ensemble est flanquée, à l’ouest, de cinq bâtiments peu élevés et de petites dimensions, dont les fondations sont peu dégagées par rapport au niveau du sol et dont les marges avant sont de faible importance. À l’opposé, les six maisons du côté est comportent deux étages et sont implantées à une distance plus grande de la rue. La disposition de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de-Yamachiche reflète ainsi l’évolution du site au fil des années (fig. 7). Exemples de témoins de la valeur urbanistique Alignement de douze résidences Lots étroits perpendiculaires à la voie publique Rue Sainte-Anne, rue de Carufel et rue Notre-Dame [ 24 ]
Figure 7 [ 25 ]
CARACTÉRISTIQUES DU SITE PATRIMONIAL Les caractéristiques du site patrimonial se matérialisent dans des composantes physiques. Elles sont sélectionnées en fonction des valeurs patrimoniales et en constituent l’aspect visible. Chaque caractéristique mentionnée dans cette section peut se rattacher à une ou plusieurs valeurs patrimoniales présentées dans la partie précédente. Ces caractéristiques se trouvent dans le cadre naturel, le réseau viaire, le système parcellaire, le cadre bâti, les qualités visuelles et le patrimoine archéologique, et il importe d’en favoriser la préservation afin que les valeurs patrimoniales continuent d’être comprises et transmises aux générations futures. CADRE NATUREL Le cadre naturel réunit les éléments et les phénomènes physiques qui composent le territoire. Il est notamment constitué de caractéristiques topographiques, hydrographiques et végétales qui définissent le territoire. Le cadre naturel contribue à la valeur patrimoniale de L’Enfilade-de-Maisons-en- Brique-Rouge-de-Yamachiche Figure 8 et devrait faire l’objet d’une attention particulière au même titre que ses autres composantes que sont le réseau viaire, le système parcellaire, le cadre bâti, les qualités visuelles et le patrimoine archéologique. Historiquement, les caractéristiques du cadre naturel ont une grande influence, d’abord sur l’établissement, ensuite sur les activités qui ont profondément marqué le site patrimonial au cours des siècles. Les caractéristiques du cadre naturel se rattachent principalement à la valeur historique du site patrimonial. Il convient également de les mettre en relation avec certains aspects de la valeur urbanistique. LES PARTICULARITES DU SITE PATRIMONIAL La topographie, l’hydrographie et la géologie Le site patrimonial de L’Enfilade-de-Maisons-en-Brique-Rouge-de- Yamachiche est un territoire dominé par des éléments aménagés et [ 26 ]
construits : bâtiments, rues, trottoirs, terrains privés aménagés. Il s’inscrit dans un territoire plus vaste, soit la municipalité de Yamachiche, dont le développement est tributaire de facteurs naturels importants (fig. 8). Cette localité fait partie des plaines fertiles riveraines du lac Saint-Pierre, lequel est constitué par un élargissement du fleuve Saint- Laurent. La municipalité est sillonnée par deux cours d’eau près Figure 9 desquels se sont concentrés les noyaux de peuplement, la rivière Yamachiche et la Petite rivière Yamachiche. Avant 1926, un méandre de la rivière Yamachiche bordait la rue Sainte-Anne, au sud. Son cours a été modifié, et la rivière passe maintenant encore plus au sud de la rue. Le relief très peu accidenté a été façonné après la dernière glaciation par la mer de Champlain qui, en se retirant, a laissé une épaisse couche d’alluvions. Ces dépôts glaiseux seraient à l’origine du nom de la municipalité, tiré de mots amérindiens signifiant « rivière vaseuse ». Les terres argileuses constituent une caractéristique naturelle majeure du territoire dont l’influence se retrouve jusque dans le cadre bâti. En effet, la composition du sol étant propice à la fabrication de la brique, ce matériau deviendra un trait prédominant de l’architecture locale et régionale. Figure 10 Le couvert végétal Outre le relief plat, les caractéristiques du cadre naturel incluent la végétation et l’aménagement paysager présents sur les douze propriétés. Actuellement, le site compte peu d’arbres, du moins à l’avant des maisons. Quelques propriétaires entretiennent de petits jardins de fleurs et d’arbustes (fig. 9). Au début du XXe siècle, les deux côtés de la rue Sainte-Anne étaient bordés de grands feuillus, comme en témoignent des photographies d’époque (fig. 4-10). Ces arbres seraient des peupliers deltoïdes (populus deltoides). [ 27 ]
Certains spécimens de la rue Sainte-Anne aujourd’hui disparus auraient été plantés ou transplantés par Louis-Léon Lesieur Desaulniers, qui possédait une terre garnie de ces arbres à proximité. Les arbres que l’on peut observer sur les photographies anciennes de la rue Sainte-Anne correspondent effectivement aux images et à la description du populus deltoides. Parfois de très grande taille, cet arbre, présent dans l’ouest du Québec jusqu’au lac Saint-Pierre, possède des Figure 11 feuilles glabres de forme deltoïde et une silhouette caractéristique qui lui est conférée par ses ramifications verticales dans la partie supérieure. Les derniers grands feuillus du site patrimonial, notamment les deux arbres qui se trouvaient devant la maison Rivard-Desaulniers (581, rue Sainte-Anne), sont disparus à la suite des travaux d’enfouissement des câbles électriques effectués en 2006 et 2007 (fig. 11). Le cadre naturel en bref Le site patrimonial comporte un relief très plat caractérisé par des sols argileux et fertiles. Quelques terrains comprennent des aménagements paysagers composés d’arbustes et de fleurs. Les terrains avant et les trottoirs sont dégagés et actuellement sans arbre. Historiquement, le site patrimonial comportait de grands feuillus en bordure de la rue Notre- Dame. Quelques arbres matures sont implantés dans certaines cours arrière des douze propriétés. [ 28 ]
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