Politique locale : quelle place pour les asso' ?
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© Pascal Pavani/AFP dOssier Politique locale : quelle place pour les asso’ ? L es associations composent aujourd’hui avec des pouvoirs publics locaux qui se soucient de plus en plus de la cohérence et de l’impact de leur soutien. Reconnaissance d’une représentation collective, renouvellement dans ce dossier des dirigeants associatifs et des engagements bénévoles, lisibilité des projets sur un territoire : progressive ment, la vie associative devient une compétence des collectivités locales. Cette évolution peut être synonyme de ●●Analyse : démocratie et de développement local. Mais elle est quelque peu ternie par la crise et ses contraintes budgétaires. - Vie associative, la mise à l’épreuve d’un nouveau référentiel Depuis dix ans, les financements publics se tarissent et la commande publique se généralise au détriment de la de l’action publique locale subvention 1 (page 10). - À qui vont les subventions ? Certes, les responsables associatifs ne sont pas sans ressources. Aux cotisations, dons et ventes, s’ajoute le recours au ●●Expériences : bénévolat et aux contributions volontaires. Mais, pour Viviane Tchernonog 2, ces évolutions vont encore accroître les iné - Portrait de René Jouquand, ancien délégué général de la galités de développement entre les tissus associatifs locaux (et notamment les associations de taille moyenne) qui dépendent Ligue de l’enseignement d’Ille-et-Vilaine et actuel adjoint à la de plus en plus des niveaux relatifs de richesse et de pauvreté des territoires (page 11). Des territoires inégaux dans une culture de Rennes France mal découpée où l’État ne joue pas assez son rôle de réducteur des injustices. Jacques Lévy plaide pour une « mise - La Ligue de l’enseignement de Moselle et la concertation en mouvement » des territoires, avec des citoyens et des acteurs de la société civile consultés en amont (page 15). sur la réforme des rythmes scolaires Concertation, co-production, co-élaboration… tous nos invités témoignent de la nécessité d’un dialogue perma - Les associations de Seine-Saint-Denis et la politique nent entre les associations et les pouvoirs publics locaux. Pour développer un projet éducatif de territoire, la Ligue d’éducation populaire du conseil général de l’enseignement de Moselle a animé une concertation de grande ampleur sur la réforme des rythmes scolaires en ●●Point de vue : Vers un empowerment à la française ? réunissant enseignants, élus, parents et animateurs (page 13). René Jouquand, ancien délégué général de la Ligue de La critique du rapport Bacqué-Mechmache l’enseignement d’Ille-et-Vilaine et actuel adjoint à la culture de Rennes, côtoie de près ces deux mondes aux fron ●●Éclairage : « Faire coïncider l’espace des problèmes et des tières « poreuses ». La politique culturelle de la ville bretonne est d’ailleurs née de l’associatif. Aujourd’hui pourtant, solutions », entretien avec le géographe Jacques Lévy le « modèle rennais » s’essouffle un peu : perte de confiance réciproque, institutionnalisation des partenaires (page 12). En Seine-Saint-Denis, les associations ont également pesé en amont de la politique d’éducation populaire du conseil Rédacteurs en chef du dossier : général mais les changements de majorité politique auraient ralenti la dynamique (page 13). Ariane Ioannides et Richard Robert On peut alors imaginer d’améliorer un dialogue. Comment ? Préserver l’indépendance de la société civile et conso lider ses capacités d’action, soutenir la construction conflictuelle de l’intérêt général figurent parmi les mesures pré 1. Subventions et commandes occupent une place équivalente dans les conisées par le rapport Bacqué-Mechmache « Pour une réforme radicale de la politique de la ville ». Des réformes budgets associatifs (en 2005 les subventions étaient encore deux fois trop radicales, sans doute, pour l’actuelle politique de la ville (lire la critique de Thomas Kirszbaum page 14). plus importantes en termes de volume). L’enjeu, souligne Laurent Fraisse, « tient à la capacité locale des associations à agir collectivement (…) face aux 2. 61 % des associations perçoivent aujourd’hui un financement public, qu’il s’agisse de subvention ou d’une commande. Ce chiffre forces centrifuges du chacun pour soi et à peser localement et nationalement par le débat public sur la pertinence et s’explique principalement par la fréquence des subventions publiques les conditions des arbitrages budgétaires » (page 10). Ce dossier montre bien que la vitalité associative dépend à la que les mairies octroient aux associations sans salarié implantées sur fois de la capacité du secteur à innover mais aussi à agir collectivement. La recherche de critères communs, la valo le territoire de la commune et qui animent la vie locale. En termes de volume de financement, les conseils généraux sont devenus le premier risation des processus, la création d’espaces interassociatifs, comme les CPCA régionales, ou comme le suggère Jacques partenaire des associations devant les communes. Le financement Lévy, un mouvement vers plus d’interterritorialité 3, sont autant de conditions qui devraient permettre d’éviter une public des associations, entre subventions et commandes, juillet 2013. gouvernance par la performance et les indicateurs qui formatent les pratiques 4. 3. Réinventer la France, trente cartes pour une nouvelle cartographie, Fayard, août 2013. 4. La subvention à l’épreuve de la diversité des régulations locales de la ●●Ariane Ioannides vie associative, juin 2013. Les idées en mouvement le mensuel de la Ligue de l’enseignement n° 217 MARS 2014 9.
dOssier Analyses Vie asso’, la mise à l’épreuve d’un nouveau référentiel de l’action publique locale À l’instar de la démocratie participative ou de l’innovation sociale, la vie associative s’intègre progressivement dans les référentiels de l’action publique locale, là où elle était encore il y a quelques années une revendication de la société civile organisée. C’est en soi un progrès pour la démocratie et le développement local. Mais paradoxalement, les associations n’ont plus le monopole du discours et de l’action sur la vie associative. U ne des évolutions de la dernière dé ciative font partie des réflexions et des déli cennie est l’émergence de nouvelles bérations sur lesquelles un nombre croissant postures et compétences des élus et de collectivités locales sont amenées à réflé collectivités locales. Portefeuilles d’élus, chir et à se prononcer. création de directions dédiées, dispositifs tions qui fragilisent des services et des em peuvent, selon les cas, s’appuyer, dans une spécifiques de soutien et d’accompagne Arbitrages financiers en temps plois plus anciens dont l’utilité sociale des relation de proximité, sur l’expertise associa ment, mise en place de conseils locaux ou de crise activités est pourtant justifiée par la précari tive pour construire une politique et soute d’instances de consultation, la vie associa Les collectivités locales sont de plus en sation des conditions de vie d’une part crois nir des services aux populations. Mais le dé tive est devenue, ici et là, une compétence plus soumises à des contraintes budgétaires sante de la population. C’est toute l’ambiva faut de compétences en interne et les des collectivités locales. Une des consé qui les conduisent à des arbitrages qui af lence d’un discours sur l’innovation sociale moyens financiers limités peuvent aussi quences de cette montée en compétence est fectent la vie associative locale. Conven à l’heure où les politiques d’austérité qui se jouer dans le sens inverse. Faute de services que les associations doivent composer avec tionnement à moyens constants, saupou généralisent en Europe commencent à tou dédiés, certaines collectivités sont aussi sen les pouvoirs publics locaux sur des enjeux drage des subventions ou recentrage des cher les collectivités locales. De même, la sibles aux discours et stratégies de groupes très concrets tels que la structuration d’une aides aux acteurs institués, baisse du bud demande d’intégration d’emplois d’avenir se d’entreprises qui présentent des solutions, parole commune et la reconnaissance d’une get alloué lors du renouvellement d’une réalise dans une conjoncture difficile pour clés en main, pour gérer des services sociaux représentation collective, le renouvellement DSP (délégation de service public), l’austé l’emploi associatif où certains postes de per sur plusieurs années. Notons enfin que l’ap des dirigeants associatifs et des engage rité financière touche diversement tous les manents sont menacés. propriation de nouvelles compétences (pe ments bénévoles, la régulation de la con modes de contractualisation. Tout l’enjeu tient à la capacité locale des tite enfance) par des communautés de com currence entre associations, la lisibilité et la La conjoncture peut donner lieu à un as associations à agir collectivement dans une munes dans les territoires semi-urbains peut cohérence des projets soutenus sur un ter souplissement de modalités de versement des période de contraction des ressources face aussi favoriser le passage de la commande ritoire ainsi que les modes de contractuali subventions pour faire face aux difficultés de aux forces centrifuges du chacun pour soi publique dans la mise en place de services sation et les conditions d’octroi des subven trésorerie des associations. Elle peut aussi et à peser localement et nationalement par couvrant plusieurs municipalités. L’ancrage tions. conduire à une sécurisation de financements le débat public sur la pertinence et les condi territorial des initiatives et engagements as Ces enjeux donnent lieu généralement par des CPO (conventions pluriannuelles tions des arbitrages budgétaires. sociatifs s’en trouve questionné. à diverses formes de concertation et de par d’objectifs) par anticipation des arbitrages Cette première investigation des enjeux tenariat qui cherchent à clarifier les respon budgétaires futurs. Inversement, le passage La taille et les compétences locaux, qui pèsent aujourd’hui sur les modes sabilités et à préserver l’autonomie de cha à l’appel à projets peut signaler la volonté des collectivités de contractualisation des associations, té que partie prenante. d’une collectivité d’éviter un soutien dans la La taille des collectivités est un facteur moigne d’une extrême diversité de trajec Mais des engagements publics forts de durée dans un contexte de forte incertitude parfois évoqué dans l’évolution des modes toires et peut justifier en soi la nécessité certains élus en faveur des valeurs et pra budgétaire. Les contraintes financières des de contractualisation. Pour autant, ses effets d’une clarification nationale du cadre de la tiques de la vie associative peuvent aussi se collectivités peuvent enfin accélérer le pas sont loin d’être unilatéraux et sont à contex subvention ainsi qu’un travail pédagogique faire dans un contexte de relative anomie et sage à la commande publique au nom d’une tualiser. Les collectivités de tailles consé auprès des élus, techniciens et responsables de segmentation du milieu associatif local. gestion présumée plus efficace de la dépense quentes (grandes villes, conseils généraux, associatifs locaux. La complexité locale serait Ce sont parfois les élus qui se font les prin publique alors même que les études d’im conseils régionaux) présentent l’avantage révélatrice d’une pluralité d’interprétations cipaux relais et défenseurs des valeurs asso pacts comparés des différentes modalités de de pouvoir plus facilement créer une com de la règle génératrice de confusion politique ciatives dans l’espace public et interpellent financement sont rares. pétence dédiée à la vie associative et adop et d’incertitude juridique qu’il conviendrait des associations à participer et à s’impliquer Reste qu’il est encore trop tôt pour sa ter un positionnement public de soutien de lever, d’autant que les acteurs locaux sont à diverses instances, à davantage s’organiser voir si les contraintes budgétaires actuelles aux acteurs. Elles disposent aussi d’une cer inégalement dotés pour faire face à des évo et à co-opérer entre elles, à innover pour ré conduiront plutôt à une modulation des taine autonomie budgétaire permettant de lutions législatives complexes. pondre à des besoins sociaux non satisfaits, paramètres d’octroi des subventions (durée faire des choix, y compris en clarifiant et etc. L’existence d’un référentiel associatif par plus courte, montants moins élevés et dé sécurisant les conventionnements avec les ●●Laurent Fraisse 1 tagé par une coalition d’acteurs locaux gressifs, renouvellements limités, nombre associations. publics et privés peut se traduire par des en de projets réduits, thématiques ou secteurs À l’inverse, les services généraux et juri 1. Laurent Fraisse est socioéconomiste au Crida gagements publics sur les questions de con prioritaires…) au sein des procédures exis diques y sont plus structurés et influents et (Centre de recherche et d’intervention pour la tractualisation ou de financement des asso tantes ou à un basculement vers d’autres peuvent, dans un contexte d’incertitude démocratie et l’autonomie) et membre du Lise (Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie ciations. Certaines collectivités prennent modes de contractualisation. juridique, pousser dans le sens de la com économique/CNAM-CNRS). Il est l’auteur de position pour, par exemple, circonscrire le Autre enjeu financier à réguler, la coexis mande publique. Enfin, la transversalité et La subvention à l’épreuve de la diversité des recours à la commande publique et à la ges tence d’injonctions financières plus ou moins la cohérence entre politiques sectorielles et régulations locales de la vie associative, une communication issue d’une recherche exploratoire tion de services sociaux des entreprises pri ambivalentes. Le lancement d’appels à pro services administratifs qui soutiennent les du ministère des Sports, de la Jeunesse, de vées lucratives. D’autres s’engagent, à travers jets visant à promouvoir l’innovation sociale associations, suivant des modalités contrac l’Éducation populaire et de la Vie associative sur des chartes, à sécuriser dans la durée les fi sur des besoins non satisfaits dans tel ou tel tuelles diverses, sont parfois plus difficiles à les relations contractuelles entre associations et collectivités locales. Pour le texte complet (juin nancements des projets associatifs. Bref, les secteur peut coexister avec des politiques mettre en œuvre. 2013) : www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/27Juin_ modes de contractualisation de la vie asso sectorielles de rationalisation des conven Les communes de taille petite ou moyenne diversite_regulations.pdf .10 Les idées en mouvement le mensuel de la Ligue de l’enseignement n° 217 MARS 2014
dOssier À qui vont les subventions publiques ? Le financement public représente près de la moitié du financement total du secteur associatif. Aujourd’hui, ce sont les grandes associations employeuses qui captent l’essentiel des subventions publiques. L’ augmentation du nombre d’asso Ces deux secteurs apparaissent concrète ciations participe sans doute aux ment seuls susceptibles d’accéder aux com tensions qui pèsent sur l’accès aux mandes publiques. Les secteurs de l’action subventions publiques, mais dans les faits, humanitaire, sociale et de la santé sont par les jeunes associations accèdent très faible ailleurs ceux pour lesquels le financement ment aux circuits de financements publics public prend le plus souvent la forme de et aux subventions publiques en particu commandes : 64 % des financements pu lier : les associations créées à partir de 2006 blics en direction de ces secteurs le sont représentent 23 % du nombre total d’asso sous forme de commandes publiques. ciations mais ne perçoivent que 4 % des subventions publiques en direction du Subventions et commandes d’innovations, s’appuyant de manière im breux financements publics et en particu monde associatif. La majeure partie des publiques concentrées dans portante sur un engagement citoyen, ces lier à la baisse des subventions publiques. subventions publiques sont reconduites les très grandes associations associations, dont les projets dépassent lar Mais le recours aux usagers induit des pro auprès des associations plus anciennes qui Les financements publics – subventions gement l’intérêt de leurs membres, em cessus croissants de sélection des publics vivent de subventions publiques. L’accès ou commandes – s’adressent pour l’essen ploient des professionnels salariés et vivent associatifs en fonction de leur solvabilité. difficile des jeunes associations aux subven tiel aux associations employeuses : les grâce au travail bénévole et à partir de mon La baisse des subventions publiques a en tions publiques est préoccupant dans la quelque 183 000 employeuses – qui repré tages complexes de ressources publiques outre pour effet de fragiliser les associations mesure où il constitue un obstacle au re sentent 14 % du nombre total d’associa mais surtout privées dans lesquelles la par moyennes qui ne sont pas en mesure d’ac nouvellement de l’action des associations. tions – perçoivent 91 % des subventions ticipation des usagers a une part impor céder aux commandes publiques. Le déve publiques et 95 % des commandes pu tante : c’est surtout dans ces associations loppement du secteur associatif dans la pé Une relative diversité bliques. que les subventions publiques jouent un riode récente montre d’ailleurs un triple des subventions publiques La plupart des nombreuses petites asso rôle essentiel de soutien des dépenses de phénomène : une augmentation du nombre selon les secteurs d’activité ciations ne perçoivent qu’une part minime fonctionnement. Souvent, ces associations des petites associations de membres s’ap Le secteur médico-social est le principal des subventions publiques : elles s’appuient ne disposent pas, en raison de leur taille, puyant principalement sur le bénévolat et destinataire des subventions publiques : il pour l’essentiel sur quelques petits finance des compétences et des moyens nécessaires la participation des usagers, la concentra perçoit 45 % des subventions publiques en ments privés apportés par leurs membres pour participer aux appels d’offres ou accé tion du poids économique des grandes as direction des associations, ce qui s’explique et surtout sur le travail bénévole pour fonc der aux circuits de commandes publiques : sociations qui contribuent à la mise en notamment par la taille du secteur et la na tionner : 71 % des associations ont un bud la généralisation de ces dernières les a par place des politiques publiques et l’amenui ture des fonctions remplies par ces associa get annuel inférieur à 10 000 euros et per ticulièrement fragilisées. sement du nombre et du poids des associa tions dont les publics sont souvent en situa çoivent 2 % des subventions publiques. tions moyennes dont l’importance est pour tion de difficulté et qui sont fortement Les subventions publiques sont surtout La baisse des subventions tant essentielle à l’équilibre du secteur employeuses de professionnels salariés. La concentrées dans les grandes associations : fragilise les associations associatif. répartition des subventions selon le secteur 2 % des associations (environ 27 000) per moyennes d’activité apparaît cependant assez diversi çoivent 71 % des subventions publiques, La baisse massive des subventions dans ●●Viviane Tchernonog 1 fiée : les associations culturelles, récréatives pour un montant moyen de l’ordre de les dernières années, et son corollaire – la et sportives, les associations d’éducation et 360 000 euros. Ces associations sont de très généralisation des commandes publiques – 1. Viviane Tchernonog est chercheuse au CNRS, au de formation, les associations de gestion grosses associations, vivant souvent de fi ont des conséquences importantes sur Centre d’économie de la Sorbonne et spécialiste de l’analyse socioéconomique des associations. Elle d’une activité économique perçoivent res nancements publics et dont la subvention l’avenir des associations et sur les fonctions est l’auteur de deux notes récentes : Le financement pectivement 23 %, 14 % et 12 % des sub est d’ailleurs parfois l’unique ressource. qu’elles remplissent. L’impact de cette évo public des associations, entre subventions et ventions publiques en direction des asso Participant à des missions de service pu lution sur la capacité du secteur à innover commandes, juillet 2013 et Les associations entre crise et mutations : les grandes évolutions, octobre ciations. blic, très fortement employeuses, ces asso est relativement bien repéré par les acteurs 2013. La concentration des commandes pu ciations ont souvent vu leurs subventions en présence, mais d’autres conséquences bliques apparaît en revanche très élevée : reconduites en priorité. sont moins visibles. Pour de nombreuses 74 % des commandes publiques sont con Les associations de taille moyenne se associations, le recours à une augmentation centrées dans les associations dans l’action trouvent dans une situation particulière : de la participation des usagers est en réalité sociale et la santé, 11 % dans l’éducation. souvent plus jeunes, souvent porteuses la seule alternative à la contraction de nom à sAvoir les subventions, le quart du budget associatif et un poids en forte baisse Le développement du secteur associatif (2,5 % en moyenne de 3 % tandis que les commandes publiques ont augmenté à risques de requalification des subventions en commandes pu- annuelle dans la dernière période) a été porté par une privati- un rythme très rapide : 73 % sur la période, soit 10 % en bliques. La montée en charge des collectivités territoriales dans sation de son financement : le financement privé a augmenté moyenne annuelle. le financement du secteur associatif contribue aussi à cette à un rythme annuel de 3,1 %, beaucoup plus rapide que le fi- La transformation rapide des subventions en commandes pu- évolution, les régions et les conseils généraux ayant tendance nancement public (+1,9 % de croissance annuelle). C’est la bliques a plusieurs origines. Un changement de philosophie à préférer les financements de type commandes aux subven- participation croissante des usagers au service rendu par dans le financement public des associations, les incertitudes tions pour des motifs variés (formatage des actions des asso- l’association, avec une augmentation de l’ordre de 4 % par an pesant sur le statut juridique de la subvention au regard des ciations en fonction des politiques locales, meilleure visibilité des – soit 29 % sur la période 2005/2011 – qui explique seule la réglementations européenne et nationale – surtout en l’absence acteurs publics). privatisation des ressources. Les subventions publiques ont de définition légale de celle-ci – conduisent les collectivités pu- diminué en six ans de 17 %, soit une baisse annuelle moyenne bliques à développer les commandes publiques pour éviter les Les idées en mouvement le mensuel de la Ligue de l’enseignement n° 217 MARS 2014 11.
dOssier Expériences « Il n’y a pas de démocratie sans co-production » On a parfois érigé en « modèle rennais », une certaine manière de déléguer la vie de quartier, le socioculturel et une partie des services à de simples citoyens actifs et motivés. Cette culture de l’associatif est née dans la tradition bretonne de l’engagement et du collectif, mais elle s’appuie aussi, depuis près de 50 ans, © D. Gouray / Ville de Rennes – Rennes Métropole sur une relation conçue et discutée entre les associations et le pouvoir politique local. René Jouquand, adjoint à la culture depuis 2008 et ancien délégué général de la Ligue d’Ille-et-Vilaine revient sur ce dialogue dont il est l’un des acteurs. R ené Jouquand est ado vier Sabouraud, s’implique dans la social et culturel rennais (OSCR) lescent quand il rencontre Maison internationale de Rennes et créé en 1960 sous la municipalité pour la première fois le le Centre chorégraphique national. Fréville. « Rennes avait cette monde associatif. Il se passionne Il crée, dans un bar rennais, l’Elsa culture ancienne de la co-opéra alors pour la vie du ciné-club du Popping, les premiers cafés ci tion avec l’associatif. On était dans lycée Charcot de Saint-Malo où il toyens de la ville, lieu de débats et l’invention bouillonnante de la est pensionnaire. C’est une décou d’échanges fréquentés par les habi démocratie sociale à partir du fait cipalité propose alors aux associa du lien social et d’améliorer des per verte du monde et de la culture tants comme par les politiques lo associatif et syndical. Ce mouve tions de signer une « charte d’en formances de la collectivité. « Il faut autant qu’un apprentissage du caux. C’est dans ces interactions ment grandissant a été un vivier gagements réciproques » qui doit aller vers la co-production. Il n’y a collectif, que vient encore renfor régulières avec les élus que prend d’élus pour la gauche en 77. Il a éviter de diluer les soutiens en pas de démocratie sans cette ren cer son implication au sein des racine l’idée d’un mandat électif. Il aussi fait émerger un outil com s’appuyant sur les complémenta contre. » Une approche qui doit Éclaireurs de France. « Ma fibre rejoint en 2008 l’équipe de Daniel mun capable de s’autogérer. » rités des actions et des savoir- combiner vision du territoire et éducative, mon parcours associa Delaveau, le maire PS de la ville. L’OSCR fédérait 400 associations. faire. Il s’agit, aussi, d’aider les indépendance des projets : « On ne tif et militant sont nés à cette C’était à la fois un laboratoire so associations qui répondent aux be va pas demander à une troupe de époque, de ces rencontres. » Le « modèle » associatif cial, lieu de débats et de discus soins que la ville ne peut prendre théâtre de monter Shakespeare ou rennais sions et une structure de gestion en directement à son compte. « Le Kafka, mais lui suggérer, par Itinéraire d’un associatif À Rennes, plus qu’ailleurs peut- charge des maisons de quartier. premier objectif d’une municipa exemple, d’élargir son projet à un comblé être, la frontière entre vie associative Financé par la ville, mais aussi lité c’est de faire la ville. Pour ça, public défavorisé. C’est normal : Le jeune instituteur est titula et politique a toujours été poreuse. par la Caf et les organismes HLM, elle a besoin d’être en action dans c’est notre projet politique pour la risé dans une école rennaise, mais Ces deux mondes reconnaissent l’OSCR institue un dispositif de chaque rue… et ça correspond à culture. » les relations avec son directeur qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Les subvention original : c’est lui qui la présence associative dans une À quelques jours de la fin d’un sont difficiles. C’est la Ligue de élus, souvent eux-mêmes issus des répartit les dotations entre les as ville comme Rennes. Tout ne peut mandat qu’il ne renouvellera pas, l’enseignement qui lui offrira la associations, se révèlent d’autant sociations. Des commissions spé pas se faire à partir de services mu René Jouquand est lucide sur les porte de sortie tant attendue. « À plus sensibles à la valeur morale cialisées discutent et préparent nicipaux. D’autres acteurs doivent marges de progrès dans le fonc l’époque, des instituteurs étaient de l’engagement qu’ils y voient un ces répartitions qui doivent être se mobiliser. Par exemple dans le tionnement du système rennais. mis à disposition de la Ligue. remède à l’individualisme. « Pen validées par les instances de l’Of domaine de la lecture publique, il « La ville a un mode de gouver C’était une forme de reconnais dant des années j’ai croisé des élus fice. Cette organisation, conçue ne convient plus de multiplier in nance qu’il faudra dépasser pour sance de son action éducative. Ça qui avaient derrière eux un long dans un esprit de délégation et définiment les bibliothèques. On faire plus collectif. Aujourd’hui les m’a permis de me retrouver dans parcours de militant associatif. d’autonomie, permettra, outre la a besoin des bibliothèques de décisions sont très segmentées. mes valeurs… et j’y ai fait tout Même si ces voies d’accès à la fonc structuration du réseau associatif, rues, de Lire et faire lire, des es De plus, la professionnalisation mon parcours professionnel, de tion politique sont aujourd’hui la création d’événements et de paces lectures, des cercles de lec des élus ajoute la légitimité du sa 1974 à 2007. » Il y exercera les moins fréquentes, elles sont im lieux comme le Comité local d’in teurs… ça ne fonctionne que lors voir à celle du suffrage universel. fonctions de délégué culturel puis portantes. Il y a chez certains élus sertion sociale ou le Centre ren qu’il y a des initiatives conjointes. Cela devient un bloc dur face à de délégué général pour l’Ille-et- l’idée que la seule légitimité vient nais d’information des femmes. Ce qui est vrai pour la lecture l’est des associatifs dont la seule légiti Vilaine, mais aussi de délégué ré du suffrage universel… je ne suis Elle servira également la création pour tous les champs. » mité est construite par l’action ci gional et de président de l’union pas d’accord. Elle a, bien sûr, le d’un maillage d’équipements so Aujourd’hui, c’est bien la co toyenne. » Les associations doivent régionale. dernier mot mais elle doit rencon cio-éducatifs sans égal en France. construction que René Jouquand elles aussi être vigilantes à ne pas Trois idées forces structurent trer d’autres légitimités notam met en avant dans la politique être « seulement dans la mise en son action au cours de ces années : ment celle d’acteurs qui s’autodé La co-construction : culturelle de la ville. « Si j’ai accepté œuvre des politiques de la ville ». la laïcité, l’éducation artistique et la terminent dans leurs projets et un new deal associatif ? cette délégation c’est parce que je C’est là aussi que se bâtit l’indé valorisation de l’associatif. « Le tra font entendre leur propre voix. Mais le modèle rennais s’es pouvais porter ici mon expérience pendance du mouvement associa vail d’une association comme la C’est cette rencontre qui construit souffle. Institutionnalisation des d’accoucheur de projets acquise à tif. « Le mode collaboratif ça fonc Ligue est culturel et social… mais une légitimité plus forte. » partenaires et perte de confiance la Ligue. Je suis là pour faire advenir tionne ! Il n’y a pas de politique aussi politique, car il vise à inven Depuis les années 60, la ville réciproque ; en 2004 la ville décide les projets que portent collective publique qui puisse réussir, si elle ter d’autres voies possibles et à les se bâtit sur ce dialogue. Résultat, de ne pas reconduire la convention ment les acteurs engagés. » À ne rencontre pas, à travers le donner à voir et à vivre. » La Ligue, des Transmusicales à l’Espace des qui la lie à l’Office. « L’OSCR était Rennes comme ailleurs, ces rela monde associatif, les gens qui interface entre les citoyens et les sciences, une grande partie de la un entre-deux. Ce genre de struc tions sont plus que jamais pensées vont s’engager et agir. » différents acteurs de la ville. René politique culturelle est née de l’as ture doit être en phase avec le dans le cadre d’un développement Jouquand fonde le cercle Condor sociatif. Cette spécificité s’est long monde associatif et avec la ville. global du territoire. La vie associa ●●Anne Chevrel cet avec Jacques Faucheux et Oli temps illustrée à travers l’Office Ce n’était plus le cas. » La muni tive est à la fois un moyen de créer .12 Les idées en mouvement le mensuel de la Ligue de l’enseignement n° 217 MARS 2014
dOssier Appréhender un projet par la concertation La Ligue de l’enseignement de Moselle a animé la concertation sur la réforme des rythmes scolaires. Un travail de fond, point de départ du projet éducatif de territoire. F orte de sa mission d’accom nauté de communes de Cattenom, pagnement des collectivités à Sarreguemines et à Florange, du département sur la poli nous avons organisé des réunions tique éducative territoriale qu’elle pour chaque typologie d’acteurs porte depuis quinze ans, la Ligue – enseignants, parents, élus… –, de l’enseignement de Moselle a pour d’abord comprendre chacun naturellement été en première d’entre eux. Puis des réunions in ligne pour accompagner la mise teracteurs, par secteurs géogra en place locale de la réforme des phiques ou par quartiers dans les rythmes scolaires. « Nous sommes villes, pour croiser les regards. » bien identifiés parce que nous © Benoît Debuisser avons mis en place des dispositifs S’adapter d’accueil périscolaire sur les 120 à la sociologie communes que nous accompa des territoires gnons », précise Sandrine Pellenz, Une approche pertinente qui responsable des politiques éduca a permis de débattre des ques tives territoriales à la fédération. Or tions de fond : les besoins de l’en ne sont pas les mêmes quand on cher du côté du contenu de la les horaires d’école, selon San quelques territoires ont voulu aller fant et des familles, les passerelles est sur un territoire où la plupart prise en charge sur le temps péri drine Pellenz, « de manière dé plus loin et l’ont sollicitée pour à faire entre les temps scolaire et des parents sont deux à travailler scolaire, dans l’autre, du côté de tournée, nous sommes allés bien qu’elle anime non seulement la périscolaire pour améliorer l’ap et dont les enfants restent tard sur l’aide à la parentalité. Parfois, l’en plus loin, jusqu’au point de dé consultation, mais aussi la concer prentissage de l’enfant, etc. « Cha le temps périscolaire, que sur des jeu est davantage celui des trans marrage de l’écriture du projet tation des acteurs. Il s’agissait dès que fois, nous avons abouti à un quartiers où beaucoup de parents ports, pour que les enfants de éducatif de territoire (PEDT) ». lors d’élaborer une démarche par double état des lieux, à la fois de ne comprennent pas toujours telle école puissent avoir accès à ticulière : « Après de nombreuses l’offre existante, mais aussi de la bien les consignes inscrites dans telle offre périscolaire… » ●●Stéphanie Barzasi réunions d’information pour expli sociologie des territoires qui doit les cahiers de leurs enfants : dans Si dans un premier temps les quer la réforme, sur la commu la déterminer. Car les choix à faire un cas, les réponses sont à cher élus voulaient surtout connaître Le chantier permanent de la co-construction La politique actuelle du conseil général de Seine-Saint-Denis en matière d’éducation populaire résulte largement du travail conjoint mené avec le réseau associatif pendant plusieurs années. Mais la co-construction des politiques publiques ne suit pas un parcours linéaire. «E ntre 2005 et 2008, d’éducation populaire est réuni de l’éducation populaire, la créa pulaire. « Le comité est davantage de mal à copiloter chaque es le projet d’éducation dès 2005. Il prend le parti d’invi tion d’un site Internet collaboratif, devenu technique », retrace l’ancien pace ». populaire de Seine- ter largement, au-delà des associa la participation collective à la Bien chargé de mission. Il n’existe plus de comité de Saint-Denis a été élaboré en co- tions d’éducation populaire, tous nale de l’environnement, ainsi que pilotage depuis 2011. Si les poli construction entre le conseil géné les acteurs qui « ont le souci de l’élaboration et la tenue d’un col Des modalités de tiques en faveur de l’éducation ral et les associations du secteur », contribuer à ce que les habitants loque sur l’éducation populaire. concertation à trouver populaire ont pris de nouvelles affirme Jean Bourrieau, qui a été soient acteurs de leur vie, acteurs Tous seront menés à bien. Le ré Le soutien à l’éducation se formes, les modalités de co- le chargé de mission dédié à ce de transformation sociale » 1 : plu seau s’organise et le second comité poursuit désormais sous d’autres construction de ces politiques projet dès 2005. À son arrivée à la sieurs directions du conseil géné de pilotage s’élargit à toutes les as formes. Des outils sont créés et, restent à construire. présidence du conseil général en ral, toutes les grandes associations sociations qui participent réguliè en particulier un salon de l’éduca 2004, Hervé Bramy se montre très traditionnelles de l’éducation po rement aux réunions de travail. tion populaire dont le premier se ●●Stéphanie Barzasi favorable à une éducation popu pulaire mais aussi du caritatif, ainsi « Pendant quelques années, nous tient en 2009. Ce salon a été con laire qui « permette aux habitants que les syndicats, les associations de avons vraiment avancé, nous avons çu sous forme d’espaces thémati 1. Extrait du manifeste. de participer à l’élaboration des parents d’élèves… « Une volonté de réussi à préciser les relations et rôles sés, chacun à partir de questions : www.educationpopulaire93.fr politiques publiques ». La compé concevoir l’éducation populaire de chacun et nous avons abouti à comment mobiliser les habitants ? tence de l’éducation populaire est non comme un champ, mais une expression collective. » En Comment développer la réfle explicitement rattachée à une comme une démarche », précise 2008, le changement de majorité xion ?… Pour chaque espace, as vice-présidente. Un état des lieux Jean Bourrieau. politique au conseil général marque sociations et conseil général ont vient d’être élaboré, qui a mis en une nouvelle approche de l’éduca mis en commun leurs outils. La évidence la richesse et la diversité Au gré de la volonté tion populaire. Les associations démarche a été très constructive. des acteurs sur le département. politique doivent s’adapter. Le comité de pi Un beau succès, réitéré au salon de Les bases sont posées. Le premier Quatre premiers chantiers sont lotage est recentré sur les seules as 2010. Mais, en 2011, « conseil gé comité de pilotage d’un réseau arrêtés : la rédaction d’un manifeste sociations agréées d’éducation po néral et associations ont eu plus Les idées en mouvement le mensuel de la Ligue de l’enseignement n° 217 MARS 2014 13.
dOssier point de vue Vers un empowerment à la française ? Le rapport Bacqué-Mechmache 1 propose des mesures ambitieuses et concrètes pour donner un contenu tangible à la notion d’empowerment dans la politique de la ville. Dans un article publié dans « La Vie des idées », dont nous livrons quelques extraits, Thomas Kirszbaum explique pourquoi les conditions politiques et institutionnelles ne semblent pas réunies 2. T raduction imparfaite du mot établis, ces groupes sont appelés à se sinon la contradiction majeure du empowerment 3, le « pouvoir transformer en « dispositifs de co rapport que de s’en remettre au d’agir » était jusqu’à présent décision ». C’est dire que les habi pouvoir politique pour garantir son un discours porté par certains pro tants et leurs associations ne de effectivité. Ainsi lit-on dans l’ultime fessionnels, notamment ceux du vraient pas être cantonnés à la proposition relative aux élus que volet social de la politique de la seule « co-construction » des pro « la démarche et les propositions ville, qui l’invoquaient comme pour jets. préconisées par ce rapport ne pour © Anne-Lore Mesnage/Biosphoto exorciser leur malaise face à la poli En comparaison du caractère ront être mises en œuvre qu’à la tique qu’ils mettent en œuvre, la mono-public des contrats locaux condition d’une volonté politique jugeant dévoyée à cause de l’asymé tels qu’ils existent depuis une tren inscrite dans la durée ». Cette pro trie des relations de pouvoir et du taine d’années, le rééquilibrage du position en forme d’aveu de non- paternalisme découlant du « faire pouvoir serait pour le coup radical. pouvoir n’est finalement que la con pour » plutôt que du « faire avec » D’autant plus que les préconisa séquence logique d’une démarche les habitants. On a désormais af tions du rapport ne s’arrêtent pas d’acclimatation de l’empowerment faire, avec le rapport Bacqué-Mech à la question du pilotage des dis aux spécificités françaises, la croyance mache, à la première tentative sé positifs. Visant à créer des « contre- en la toute puissance du politique rieuse de combler l’écart entre le pouvoirs » définis comme des « es n’étant pas la moindre. À cet égard, social, formation des journalistes, rapport Bacqué-Mechmache de dire et le faire. paces critiques et créatifs », ainsi le projet d’un empowerment « à la modalités du soutien public aux vait avoir des retombées réelle La vision de l’empowerment qu’à soutenir la « construction con française » confine à l’oxymore. associations, statut du bénévole, ment significatives, ce serait parce – ou du pouvoir d’agir – défendue flictuelle de l’intérêt général », le code des marchés publics pour la que les habitants des quartiers par les auteurs recouvre une di rapport fourmille de propositions Des réformes radicales désignation des équipes de maîtrise populaires auront su s’en saisir mension essentiellement collective, pour préserver l’indépendance de hors de portée de la d’œuvre, utilisation de la réserve grâce à leurs capacités propres sociale et politique. Se réclamant la société civile et consolider ses ca politique de la ville parlementaire et de la dotation aux d’auto-organisation, c’est-à-dire d’une « perspective de transfor pacités d’action. Enfin, l’ensemble L’appel des auteurs du rapport partis politiques, régulation du sys en dépit, voire en conflit, avec le mation sociale », ils récusent claire des propositions est assorti de nom à « une véritable transformation tème bancaire, etc. politique plutôt que grâce à lui. ment les notions d’autonomie, d’ac breuses garanties procédurales pour du regard sur ces populations » Ce sont là autant de raisons de C’en serait alors fini de la véritable tivation ou de responsabilité telles que les « sans voix » en trouvent est cohérent avec la nature du douter des chances de succès de exception française que constitue que mobilisées dans les logiques de une, au même titre que les « petites problème qu’ils identifient, lequel la « réforme radicale », aussi in la minorisation des minorités eth projet ou de contrat individuels. Le associations » marginalisées par renvoie non pas aux processus in dispensable soit-elle. La politique niques et urbaines dans la vie pu modèle de participation des deux l’évolution néo-managériale de la ternes aux quartiers, mais à des de la ville a certes une vocation blique de ce pays. auteurs ne se limite pas non plus à politique de la ville. causes essentiellement exogènes. interministérielle, mais sa capacité ses dimensions « d’interpellation et Outre la question du regard porté à réformer les autres politiques ●●Thomas Kirszbaum 4 d’initiative », mais doit embrayer sur L’empowerment « à la par la société, leur diagnostic publiques est étroitement tribu des « transformations institution française » : un oxymore ? évoque tour à tour l’insécurité so taire de la coïncidence entre les 1. La sociologue, Marie-Hélène nelles ». Le rapport oriente donc On conçoit aisément que le ciale, les discriminations, l’héritage objectifs transversaux qu’elle porte Bacqué et le fondateur d’AC Le feu, Mohamed Mechmache ont remis vers un profond changement de sys potentiel subversif de telles recom colonial, les réformes néo-managé et les objectifs sectoriels des autres leur rapport « Pour une réforme de tème, suggéré par son titre : Pour mandations n’ait pas soulevé d’en riales des politiques publiques, les organisations publiques. Et lorsque la ville. Ça ne se fera pas sans nous. une réforme radicale de la politi thousiasme débordant du côté des inégalités de traitement par les ser l’intérêt des quartiers et de leurs ha Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires » le 8 juillet 2013 que de la ville. De fait, l’ambition élus locaux, en particulier des mai vices publics, etc. Cette compré bitants ne rencontre pas l’intérêt à François Lamy, ministre délégué des auteurs n’est pas de construire res bien installés dans leur rôle de hension exogène amène logique sectoriel, ce dernier l’emporte iné chargé de la Ville. Ce travail est le fruit une simple « boîte à outils », mais « patrons » de la politique de la ment les auteurs à sortir du champ vitablement. Le destin probable de mois de rencontres (collectifs et associations d’habitants) et de visites de dépasser l’ère des expérimenta ville, avec la bénédiction de l’État. de la politique de la ville lorsqu’il du « reçu d’identité » visant à pré de terrain à travers la France. Rapport tions institutionnelles et des initia S’agissant des élus, le rapport s’agit de proposer des solutions. venir les contrôles discriminatoires téléchargeable sur : tives éparses de la société civile se n’avance en fait qu’une seule propo De manière frappante, la grande de la police nationale, proposition www.territoires.gouv.fr 2. « Vers un empowerment à la réclamant du community organizing, sition (la dernière), celle de les for majorité de leurs propositions (23 n° 22 (!) du rapport, notoirement française ? À propos du rapport Bacqué- pour entrer dans l’âge de « la géné mer à la participation et de mettre sur 31) relève en tout ou partie soutenue par le ministre délégué à Mechmache », La Vie des idées, ralisation et surtout la transforma en discussion les propositions du d’autres champs d’action publique la Ville, est emblématique de la ca novembre 2013. 3. Qui peut se définir comme le tion des cultures professionnelles, rapport au sein de leurs associations et d’autres autorités publiques que pacité d’influence pour le moins processus par lequel un sujet, collectif administratives et politiques ». ou dans le cadre de rencontres lo le ministre délégué à la Ville. La limitée de ce dernier. ou individuel, accède aux ressources lui cales et régionales ; le tout vise à liste des questions soulevées par le Mise en évidence de longue permettant d’augmenter son pouvoir et de s’émanciper. Les habitants accompagner ce que les auteurs ap rapport dont la solution se trouve date, la faiblesse ontologique du 4. Thomas Kirszbaum est sociologue, codécideurs ? pellent « le renversement de dé en dehors de la politique de la ville ministère de la Ville reflète en dé chercheur associé à l’Institut des Le rapport place la barre très marche » – soit le fait de remettre la est extensive : droit de vote des finitive la difficile conversion des sciences sociales du politique (ENS- Cachan). Ses travaux portent sur les haut en matière de démocratisa politique de la ville sur ses pieds. étrangers aux élections locales, demandes sociales des habitants politiques de la ville, de mixité et de tion de la politique de la ville. Pour On peut douter que cette proposi modes d’intervention de la police des quartiers populaires en de lutte contre les discriminations qu’il l’élaboration des futurs contrats de tion suffise à organiser le lâcher- comprise comme un « service pu mandes politiques, au travers de étudie notamment dans le cadre de comparaisons avec les États-Unis. ville, les habitants et associations de prise des élus sur « leur » politique blic », relations entre école et pa groupes d’intérêt suffisamment quartier auraient par exemple voca de la ville, sachant qu’ils n’ont pas rents, composition des conseils structurés pour les porter dans les tion à occuper la moitié au moins un tropisme très prononcé pour la d’administration des organismes lieux du pouvoir. Or, ce n’est pas des sièges au sein de « groupes de renonciation volontaire à l’une de d’HLM, recrutement des agents de cette dimension politique de l’em- pilotage élargis » de quartier ou in leurs prérogatives. la fonction publique territoriale, powerment que le ministre actuel tercommunaux. Une fois les contrats C’est sans doute la faiblesse, principes et organisation du travail paraît enclin à encourager. Si le .14 Les idées en mouvement le mensuel de la Ligue de l’enseignement n° 217 MARS 2014
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