Prévention primaire et secondaire. Rôle clé de l'activité physique/sportive et de la réadaptation. Apport des dernières recommandations pour notre ...

La page est créée Mickaël Etienne
 
CONTINUER À LIRE
Prévention primaire et secondaire. Rôle clé de l'activité physique/sportive et de la réadaptation. Apport des dernières recommandations pour notre ...
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

   Revues générales

Prévention primaire et secondaire.
Rôle clé de l’activité physique/sportive
et de la réadaptation.
Apport des dernières recommandations
pour notre pratique.

RÉSUMÉ : Le credo actuel : “Il faut faire de la prévention l’alpha et l’oméga de la santé !”…
La prévention est bien sûr essentielle en termes de qualité de vie et d’espérance de vie de tout un
chacun et a peut-être été parfois négligée. Bien qu’elle soit l’affaire de tous, le médecin est le plus
souvent “tête de pont”. Il peut s’appuyer sur des recommandations récentes de plus en plus fines et
documentées, à adapter au cas par cas, de façon positive.
Au cœur des stratégies de prévention se trouvent l’activité physique et, pour les patients atteints de
pathologie cardiovasculaire athéromateuse, la réadaptation.

                                                      I
                                                         ndiscutablement, la prévention, l’in­       cations européennes et même améri­
                                                         citation à la pratique de l’exercice        caines ;
                                                         physique voire du sport ont le vent         – parfois contradictions avec les données
                                                      en poupe. Cela ne date pas d’hier ! Les        des études (ou retard) ;
                                                      ministres de la Santé se succèdent et          – d’aucuns (esprits grincheux ?) crai­
                                                      placent systématiquement la préven­            gnant des “influences extérieures”…
                                                      tion au cœur de leurs préoccupations,
                                                      de leurs programmes, en soulignant son         De nombreuses associations dont la
                                                      importance considérable en termes de           Fédération Française de Cardiologie
                                                      santé publique.                                (FFC) s’emploient, avec un indéniable
                                                                                                     succès auprès du grand public, à marteler
                                                      Les recommandations des sociétés               les grands messages utiles en matière de
                                                      savantes se suivent mais il est parfois dif­   prévention tant des pathologies cardio­
B. PIERRE
Service de Cardiologie, Hôpital de la Croix-Rousse,   ficile pour le praticien de s’y retrouver :    neurovasculaires que d’ailleurs cancé­
CHU de LYON.                                          – différences parfois notoires entre pays      reuses, les stratégies étant globalement
Université Claude Bernard-LYON 1,                     ou continents. On rêverait de recomman­        assez proches. Et “ça marche”, comme
Faculté de Médecine Lyon Sud-Charles Mérieux, LYON.
GERS-P de la SFC.                                     dations à l’échelle planétaire, tout en fai­   l’attestent les études épidémiologiques,
                                                      sant place aux spécificités “locales” ;        les grands registres, même s’il semble
                                                      – imperfections dans la rédaction :            depuis quelques années que les bénéfices
                                                      catalogue “qui n’en finit plus”, aspect        en termes de réduction de morbi-­mortalité
                                                      injonctif ne tenant pas assez compte des       cardiovasculaire marquent un peu le pas
                                                      cas particuliers bien que de réels progrès     dans les pays occidentaux. En effet, la
                                                      soient à saluer dans les dernières publi­      mortalité de cause cardiovasculaire en

  10
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

                                                                                                                  (4,5 millions de patients atteints en
                                                      Traitements        Facteurs de risque     Inexpliqué        2015, en France, de patho­logies cardio­
                                                                                                                  vasculaires diagnostiquées et traitées
                            États-Unis, 1968-76                      40                           54    6         pour un coût de 16 milliards d’euros en
                                                                                                                  2016) : “L’accent doit être davantage mis
                     Nouvelle-Zélande, 1974-81                       40                                60
                                                                                                                  sur la prévention des maladies cardio­
                                                                                                                  neurovasculaires à tous les stades de
                                                                                                                  leur développement.”
                              Pays-Bas, 1978-85                            46                    44 10

                                                                                                                  L’objectif de l’OMS fixé le 27 mai 2013
                            États-Unis, 1980-90                           43                      50 7
                                                                                                                  (réduction de 25 % du risque de décès
                                                                                                                  prématuré par affections cardiovascu­
                        IMPACT Écosse, 1975-94                      35                          55     10         laires, cancéreuses, diabète et affections
                                                                                                                  respiratoires chroniques – les “quatre
             IMPACT Nouvelle-Zélande, 1982-93                       35                             60 5           cavaliers de l’apocalypse” –, réduc­
                                                                                                                  tion de 10 % de la prévalence de l’acti­
 IMPACT Angleterre et Pays de Galles, 1981-2000                      38                         52     10         vité physique insuffisante, de 30 % du
                                                                                                                  tabagisme, de 25 % de l’hypertension
                  IMPACT États-Unis, 1980-2000                             47                   44      9         artérielle et arrêt de la recrudescence
                                                                                                                  de l’obésité et du diabète 2) sera proba­
                              Finlande, 1972-92              24                                        76         blement difficile à atteindre à court et
                                                                                                                  moyen terme.
                      IMPACT Finlande, 1982-97               23                          53            24
                                                                                                                  Les recommandations 2016 de l’ESC en
                                                                                                                  matière de prévention cardiovasculaire
                                                  0                             50                          100
                                                                                                                  nous invitent, en premier lieu, à éva­
                                                               Diminution de la mortalité (%)
                                                                                                                  luer le risque cardiovasculaire global
                                                                                                                  – probabilité pour un individu donné
Tableau I : Parts respectives des traitements spécifiques et du contrôle des facteurs de risque cardiovascu-      de faire un accident cardiovasculaire
laire dans la baisse de mortalité coronaire (d’après Ford ES. N Engl J Med, 2007).
                                                                                                                  sur une période donnée (10 ans en pra­
                                                                                                                  tique) – afin de mieux cibler l’action
France (ajustée à l’âge et au sexe) a pu                 de risque, de faible à très élevé, la dis­               préventive pour des raisons humaines
être réduite de 50 % dans les décennies                  tinction entre prévention primaire et                    et économiques et dans le but de mieux
écoulées, passant au 2e rang derrière les                secondaire (inaugurée par le premier                     appréhender les rapports bénéfice/
maladies néoplasiques, dès 2004 pour                     événement cardiovasculaire) est tou­                     risque et bénéfice/coût (une stratégie de
les hommes.                                              jours bien ancrée dans l’esprit des                      prévention optimale étant idéalement
                                                         cardiologues.                                            cost effective).
En outre, de nombreuses études
conduites dans des pays très divers et                                                                            Il existe 3 façons imparfaites d’évaluer
les méta-analyses nous montrent que                         La prévention primaire                                le risque cardiovasculaire global d’un
cette réduction spectaculaire de morta­                                                                           patient : le “pifomètre” du praticien (qui
lité cardiovasculaire est un peu plus le                 Pour ce qui est des maladies cardio­                     fonctionne bien pour le bas et le très haut
fait de meilleures stratégies de préven­                 vasculaires, la France dispose d’un avan­                risque mais pas pour le risque intermé­
tion que des progrès thérapeutiques pro­                 tage épidémiologique indéniable mais,                    diaire), l’addition des facteurs ou mar­
posés une fois la pathologie constituée                  sauf l’exception récente du tabac, les                   queurs de risque majeurs, modifiables
(tableau I), dans un rapport récent d’en­                facteurs de risque des maladies cardio­                  et non modifiables (âge, sexe, hérédité)
viron 55 % versus 45 % (l’un n’excluant                  vasculaires ne donnent pas lieu à des                    et l’utilisation d’équations de risque (il
pas l’autre !).                                          efforts suffisants de prévention, de dia­                en existe plus de 200…). L’évaluation
                                                         gnostic et de prise en charge en amont de                du risque cardiovasculaire global par
Bien que les recommandations 2016 de                     leurs manifestations aiguës. Cela est                    l’index SCORE (index de mortalité car­
la Société Européenne de Cardiologie                     confirmé par le rapport 2018 de la Cour                  diovasculaire à 10 ans de 40 à 65 ans) est
(ESC) en matière de prévention cardio­                   des Comptes [2] en matière de lutte                      retenue par l’ESC (fig. 1). Elle devrait être
vasculaire [1] envisagent un continuum                   contre les maladies car­diovasculaires                   effectuée à partir de 40 ans, hormis en cas

                                                                                                                                                         11
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

   Revues générales

                                                                      Femmes                                             Hommes
                                                     Non fumeuses              Fumeuses          Âge       Non fumeurs         Fumeurs
                                               180    7 8   9 10 12          13 15 17 19 22                14 16 19 22 26    26 30 35 41 47
                                               160    5 5   6 7 8             9 10 12 13 16                 9 11 13 15 16    18 21 25 29 34
                                                                                                 65                          13 15 17 20 24
                                               140    3 3   4 5       6       6 7    8   9 11              6 8   9 11 13
                                                      2 2   3 3       4       4 5    5   6   7             4 5   6   7   9   9 10 12 14 17
                                               120

                                               180   4 4    5   6     7       8 9 10 11 13                 9 11 13 15 18     18 21 24 28 33
                                               160   3 3    3   4     5       5 6 7 8 9                    6 7 9 10 12       12 14 17 20 24
                                                     2 2    2   3     3       3 4    5 5     6
                                                                                                 60
                                               140                                                         4 5   6   7   9   8 10 12 14 17
                                                     1 1    2   2     2       2 3    3 4     4             3 3   4   5   6   6 7   8 10 12
                                               120

                                               180   2 2    3   3     4       4 5    5   6   7                                                    Le risque de ce fumeur de sexe
                                                                                                           6 7   8 10 12     12 13 16 19 22
                                                                                                                                                  masculin de 40 ans présentant
       Pression artérielle systolique (mmHg)

                                               160   1 2    2   2     3       3 3    4   4   5             4 5   6 7 8        8 9 11 13 16        des facteurs de risque est identique
                                                     1 1    1   1     2
                                                                                                 55                                               (3%) à celui d'un homme de 60 ans
                                               140                            2 2    2   3   3             3 3   4 5     6   5 6   8   9 11
                                                     1 1    1   1     1       1 1    2   2   2             2 2   3 3     4   4 4   5   6   8      présentant des niveaux de facteurs
                                               120                                                                                                de risque idéaux ; son âge de risque
                                                                                                                                                  est donc de 60 ans.
                                               180   1 1    1   2     2      2 2     3   3   4             4 4   5   6   7   7 8 10 12 14
                                               160   1 1    1   1     1       1 2    2   2   3             2 3   3   4   5   5 6 7 8 10
                                                                             1 1     1   1   2
                                                                                                 50        2 2   2 3     3   3 4   5   6   7
                                               140   0 1    1   1     1
                                                     0 0    1   1     1      1 1     1   1   1             1 1   2 2     2   2 3   3   4   5
                                               120

                                               180   0 0    0   0     0      0 0     0   1   1             1 1   1   2   2   2 2   3   3   4
                                               160   0 0    0   0     0      0 0     0   0   0             1 1   1   1   1   1 2   2   2   3
                                                     0 0    0   0     0      0 0     0   0   0
                                                                                                 40        0 1   1   1   1   1 1   1   2   2
                                               140
                                                     0 0    0   0     0      0 0     0   0   0             0 0   1   1   1   1 1   1   1   1
                                               120
                                                     4 5 6 7 8               4 5 6 7 8                     4 5 6 7 8         4 5 6 7 8

                                                       15 % et plus
                                                       10 % - 14 %                  Cholestérolémie (mmol/L)                 150 200 250 300
                                                       5%-9%                                                                      mg/dL
                                                       3%-4%
                                                       2%                 Risque à 10 ans d'un événement
                                                       1%                 CV fatal dans des populations
                                                        85 ans) et 3 états physiologiques (sujets
présence d’un ou plusieurs facteurs ou                                                   maladies auto-immunes ou inflam­                  âgés robustes, fragiles ou en perte d’au­
marqueurs de risque non pris en compte                                                   matoires chroniques type polyarthrite             tonomie).

  12
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

Ainsi, l’ESC nous invite à “classer” le                  publics, Éducation nationale, Assurance         respect du choix personnel de chacun
patient dans l’une des 4 catégories :                    Maladie et mutuelles, entreprises, asso­        est bien sûr essentiel, surtout si se dis­
risque cardiovasculaire global faible,                   ciations, médias, publicitaires…                cute une prescription médicamenteuse
modéré, élevé et très élevé (tableau II).                                                                au long cours.
Cela guidera la stratégie de prise en                    Bien évidemment, la prévention pri­
charge, la prescription ou non d’un trai­                maire n’est pas le terrain de prédilection      Quel est l’apport pour nos pratiques des
tement pharmacologique. Plus le patient                  des services de réadaptation même si les        études récentes et des dernières recom­
est jeune et à faible risque, plus la pré­               dernières recommandations françaises            mandations concernant la prise en
vention sera axée sur l’observance des                   sur la réadaptation cardiovasculaire de         charge spécifique des facteurs de risque
3 grands conseils hygiéno-diététiques                    l’adulte publiées en 2012 [3] préconisent       majeurs, modifiables ? Sachant que seuls
concernant tabac, diététique et activité                 en classe I avec niveau de preuve A le          4 sont qualifiables d’indépendants :
physique. Plus le patient est à haut ou                  haut risque cardiovasculaire (prévention        hypertension artérielle (HTA), hyper­
très haut risque cardiovasculaire global,                primaire pluridisciplinaire, optimisa­          cholestérolémie, diabète et tabagisme.
plus l’ajout d’une prescription pharma­                  tion du traitement, éducation thérapeu­
cologique est habituellement de rigueur                  tique) au moins pour certains patients.         1. L’hypertension artérielle
avec un nombre de sujets à traiter pour                  Le risque faible ou modéré est bien sûr
prévenir un accident cardiovasculaire                    exclu du champ de la réadaptation pour          L’année 2018 a été riche en nou­
d’autant plus faible. Cela s’entend dans                 de multiples raisons dont la faisabilité.       velles recommandations [4] pouvant
un cadre de prise en charge globale, posi­                                                               paraître paradoxales voire “politiques”
tive, bienveillante, non punitive, valori­               Il faut enfin souligner que la prévention       puisqu’une vaste étude récente conduite
sante mais chronophage puisqu’il faudra                  primaire ne va pas de soi, particulière­        sur 3 continents (Hypertension 2017)
“remettre cent fois sur le métier l’ou­                  ment chez les plus jeunes sans aucune           montre que seulement 22 % des
vrage” dans une relation de confiance,                   doléance pour lesquels le concept de gain       hypertensions artérielles (HTA) sont
patiemment établie, chaque cas demeu­                    en espérance de vie sans altération de la       dépistées, traitées et normalisées. Alors,
rant par ailleurs particulier.                           qualité de vie est assez étranger (NB : l’es­   dans ce contexte, pourquoi abaisser les
                                                         pérance de vie en bonne santé, en France,       seuils de prise en charge et les objectifs
En matière de prévention, le corps                       est globalement stable depuis une décen­        à atteindre ? Ceci d’autant que l’étude
médical n’est bien entendu pas le seul                   nie, de 64,9 ans pour les femmes et de          SPRINT [5] est d’interprétation discu­
concerné. Il s’agit d’une entreprise                     62,6 ans pour les hommes en 2017 alors          table, que le spectre d’une courbe en J
d’une telle ampleur en termes de santé                   que l’espérance de vie à la naissance est       quant à l’abaissement des chiffres ten­
et finances publiques que de nombreux                    de 85,3 ans pour les femmes et 79,5 ans         sionnels n’est pas à exclure, particuliè­
acteurs doivent apporter leur pierre                     pour les hommes – source BEH 2018).             rement chez le patient diabétique ou
à l’édifice : paramédicaux, pouvoirs                     Une fois le travail éducatif effectué, le       coronarien.

                                  Niveau de risque cardiovasculaire
                                                                                                         Il s’agit bien sûr d’un facteur de risque
                                                                                                         cardiovasculaire majeur, indépendant,
 Faible           SCORE < 1 %
                                                                                                         cause de 10 millions de décès annuels
 Modéré           1 % ≤ SCORE < 5 %                                                                      à l’échelle de la planète et dont la pré­
                  Diabète de type 1 ou 2 < 40 ans sans facteur de RCV ni atteinte d’organe cible         valence s’est accrue de 50 % de 1990
 Élevé            5 % ≤ SCORE < 10 %                                                                     à 2013.
                  Diabète de type 1 ou 2 :
                  < 40 ans avec au moins un facteur de RCV ou atteinte d’organe cible ;                  De nouvelles recommandations
                  ≥ 40 ans sans facteur de RCV ni atteinte d’organe cible                                européennes (ESC/ESH) ont été pré­
                  Patient ayant une insuffisance rénale chronique modérée                                sentées le 25 août 2018 au congrès
                                                                                                         annuel de l’ESC à Munich. Voici les
                  TA ≥ 180/110 mmHg
                                                                                                         points forts susceptibles de confir­
 Très élevé       SCORE ≥ 10 %                                                                           mer ou de modifier nos pratiques afin
                  Diabète de type 1 ou 2 ≥ 40 ans avec au moins un facteur de RCV ou atteinte            que nous puissions optimiser le taux
                  d’organe cible                                                                         d’hypertendus dépistés et traités en
                  Patiente ayant une insuffisance rénale chronique sévère                                France (11 millions), et normalisés,
                  Maladie cardiovasculaire documentée (prévention secondaire)                            anciennement “scotché” à 50 % (com­
                                                                                                         paratif ENNS 2006 et ESTEBAN 2015 ;
Tableau II : Les 4 niveaux de risque cardiovasculaire global (ESC 2016).                                 FLAHS 2017) :

                                                                                                                                             13
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

   Revues générales

– le seuil de définition demeure 140/90      2. L’hypercholestérolémie                                en prévention secondaire (méta-analyse
(y compris chez le vieillard) mais un                                                                 de Ference 2017) (fig. 3).
traitement pharmacologique peut être         L’étude FLAHS 2017 nous révèle une
considéré si la TA est “normale haute”       franche réduction de la prise en charge                  Par conséquent, réserver le traitement
(130 à 140/85 à 90) en cas de risque car­    des dyslipidémies par un traitement                      de l’hypercholestérolémie à la pré­
diovasculaire global élevé ou très élevé ;   pharmacologique entre 2010 et 2017,                      vention secondaire est un contre-sens
– les MAPA et automesures sont une           sans doute largement en lien avec les                    “idéologique” non supporté par les
nouvelle fois encouragées ;                  fake news véhiculées par le “buzz                        études. En prévention primaire, une
– les objectifs sont dorénavant des “four­   médiatique” qui a frappé la prescrip­                    longue durée d’exposition (comme le
chettes” et non plus des seuils (avant       tion médicale des statines (fig. 2). Selon               démontre l’étude de Ference en 2012 [6]
65 ans : 120 à 130 et 70 à 80 ; chez le      les données collectées par le SNIIRAM,                   comparant le risque de coronaro­pathie
patient plus âgé : 130 à 140) ;              la baisse de prescription des médica­                    entre études génétiques et études d’in­
– traiter plus tôt et “plus fort” si les     tions hypolipémiantes est de 30 %                        tervention thérapeutique pendant 5 ans
médications antihypertensives sont           entre 2006 et 2013. La théorie complo­                   par statine), le cumul des facteurs de
bien tolérées ;                              tiste fait son œuvre…                                    risque cardiovasculaire (FRCV), leur
– débuter par une bithérapie (IEC ou                                                                  hauteur [7] permettent d’identifier les
ARA2 + calcium bloqueur ou diuré­            Pourtant, si l’utilité des statines est avé­             patients devant être prioritaires quant à
tique thiazidique), sauf chez les sujets     rée et ne doit plus être discutée en pré­                l’introduction d’un traitement pharma­
âgés de plus de 80 ans et fragiles ou chez   vention secondaire, toutes les études,                   cologique. De ce constat s’inspirent les
les sujets à bas risque ayant une HTA de     y compris les plus récentes et les méta-­                recommandations de septembre 2019
grade 1. Cependant, en France, seules        analyses, doivent nous conduire à la                     de l’ESC/EAS. Les cibles de LDL-c sont
2 associations fixes ont l’AMM en la         même analyse en prévention primaire.                     revues à la baisse et la catégorie concer­
matière… Puis, si nécessaire, trithérapie    La prévalence de l’athérosclérose pro­                   nant le très haut risque cardiovascu­
(le plus souvent IEC ou ARA2 + inhibi­       gresse linéairement et de façon indépen­                 laire, élargie. Pour celle-ci : baisse d’au
teur calcique + thiazidique). Enfin, si      dante avec le LDL-cholestérol chez des                   moins 50 % du LDL-c et taux < 0,55 g/L.
nécessaire, ajout de spironolactone (ou      sujets indemnes de tabac, diabète, HTA,                  Est-ce bien réaliste ? En pratique, l’as­
éplérénone ou amiloride ou bêtablo­          ayant un LDL-c < 1,6 g/L et dès 0,5 g/L                  sociation d’ézétimibe à la dose la plus
quant voire alphabloquant) ;                 (étude PESA de Fernandez-Friera.                         haute d’une statine de forte intensité
– les bêtabloquants peuvent être propo­      JACC, 2017). En outre, le taux d’événe­                  sera le plus souvent de rigueur. En outre,
sés à quelqu’étape que ce soit dans leurs    ments coronaires (fatals et non fatals) est              l’adjonction d’un inhibiteur PCSK9 est
indications préférentielles ;                directement proportionnel au niveau de                   pour l’heure difficile en France (rem­
– associations fixes recommandées            LDL-c atteint grâce à un traitement par                  boursement seulement pour des indi­
(nous ne disposons toujours pas en           statine, en prévention primaire comme                    cations très restrictives).
France d’une trithérapie antihyperten­
sive prise en charge par l’Assurance
Maladie) ;
– pour l’heure, pas de place pour la                                                   8,355
                                                  Dyslipidémie                       7,666
dénervation rénale ou la stimulation des
                                                                                  6,44
baroréflexes (en dehors d’un programme
de recherche) ;                                                                                                                   2010

– accent mis sur l’observance des conseils                            2,708                                                       2014
hygiéno-diététiques : 5 g de sel/jour,                 Diabète         3,006                                                      2017
14-8 verres/semaine selon le sexe, évic­                                  3,30
tion du “binge drinking”, large consom­
mation de fruits et légumes, réduction                                                         11,175
de l’excès pondéral, activité physique,                   HTA                                      11,613
arrêt du tabac ;                                                                               10,82
– l’hypotension orthostatique de la per­
sonne âgée (à éviter absolument) est                             0    1       2   3     4      5      6     7   8    9    10    11    12      13
curieusement non évoquée dans ces                                Prise d’un médicament pour une HTA et/ou un diabète et/ou une dyslipidémie
recommandations ;                                                Nombre de sujets (en millions)
– enfin, détecter la mauvaise observance
(qui n’a pas livré tous ses secrets…).       Fig. 2 : Évolution des prescriptions médicamenteuses de 2010 à 2017.

  14
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

                                                                                                                                                                                                    9,0
       Taux d’événements coronaires (fatals et non fatals) sur 5 ans

                                                                                                                                                                                                          Taux d’événements coronaires (fatals et non fatals) sur 5 ans
                                                                                                                                                               45-p
                                                                       25,0       Essais de prévention secondaire                                                         WOSCOPS-p                 8,0
                                                                                  Essais de prévention primaire
                                                                                                                                                                                                    7,0
                    Essais de prévention secondaire

                                                                                                                                                                                                                        Essais de prévention primaire
                                                                       20,0
                                                                                                                                                                                                    6,0
                                                                                                                             45-a
                                                                                                                                                       AFCAPS-p
                                                                                                                          HOPE-3-p
                                                                                                                                                                                                    5,0
                                                                       15,0                                                    ASCOT-p           WOSCOPS-a
                                                                                                                                     CARE-p         UPID-p
                                                                                                                      IDEAL-s                                                                       4,0
                                                                                                  HOPE-3-r     PROSPER-a                   HPS-p PROSPER-p
                                                                                                              CARE-a                 AFCAPS-a
                                                                       10,0                        IDEAL-a
                                                                                                                            UPID-a                                                                  3,0
                                                                                                       ASCOT-a             TNT-10
                                                                                                                  HPS-a
                                                                                                                               JUPITER-p
                                                                                                              TNT-80                                                                                2,0
                                                                        5,0
                                                                                                  JUPITER-a
                                                                                                                                                                                                    1,0

                                                                        0,0                                                                                                                         0,0
                                                                              0            50                        100                        150                       200                 250

                                                                                                                     Taux de cholestérol (mmol/L)

Fig. 3 : Réduction de la morbi-mortalité coronaire sous statine.

3. Le diabète                                                                                          octobre 2018 [8] après la prise de posi­                       à sa prescription, de l’absence d’hypo­
                                                                                                       tion de la SFD en octobre 2017.                                glycémies, de son faible coût). La pres­
Il s’agit d’une pandémie. En France,                                                                                                                                  cription d’un second antidiabétique est
3,5 millions de diabétiques sont traités,                                                              L’accent est posé sur la prise en charge                       guidée par l’atteinte de l’objectif d’hémo­
beaucoup non précocement dépistés.                                                                     globale, le patient étant au centre de                         globine A1c et par les comorbidités du
Il s’agit d’un facteur de risque majeur                                                                tout : prise en compte des comor­bidités,                      patient. En présence de risque cardiovas­
avec un risque relatif de pathologie car­                                                              des autres facteurs de risque cardio­                          culaire ou rénal, la préférence est donnée
diovasculaire de 2 à 3 et un lien établi                                                               vasculaire, du mode de vie, de l’impact                        aux agonistes du GLP1 ou à un inhibiteur
entre équilibre glycémique et pathologie                                                               du traitement sur la vie quotidienne,                          du SGLT2.
cardiovasculaire. Cependant, les béné­                                                                 de la participation évolutive du patient
fices d’un bon équilibre glycémique                                                                    à un plan thérapeutique, au mieux                              Cependant, ces recommandations sont
sont tardifs, au-delà de 10 ans (cf. études                                                            dans un programme d’éducation théra­                           pour l’heure impossibles à honorer en
UKPDS, VADT) d’autant plus nets que                                                                    peutique (ETP).                                                France puisque les glifozines ne sont
le traitement est précoce (cf. concept de                                                                                                                             toujours pas disponibles en 2019. Seul le
mémoire glycémique).                                                                                   Un focus appuyé est proposé sur les                            liraglutide, validé par l’étude LEADER,
                                                                                                       mesures hygiéno-diététiques (qualité de                        étant accessible. Les objectifs d’hémoglo­
Les dernières recommandations fran­                                                                    l’alimentation, majoration de l’activité                       bine A1c seront variables selon l’âge et
çaises en matière de prise en charge du                                                                physique, restriction des apports éner­                        les comorbidités de ≤ 6,5 % pour le dia­
diabète datent de 2003 et sont à l’évi­                                                                gétiques), traitement reconnu de longue                        bétique 2 nouvellement diagnostiqué,
dence obsolètes, en particulier au plan                                                                date comme de première intention et                            sans antécédent cardiovasculaire et dont
thérapeutique en raison des nombreuses                                                                 particulièrement efficace, réduisant le                        l’espérance de vie dépasse 15 ans à ≤ 9 %
études encourageantes publiées ces der­                                                                risque relatif de complications cardio­                        chez la personne âgée dépendante, fra­
nières années concernant les classes des                                                               vasculaires jusqu’à 50 % en prévention                         gile ayant une polypathologie évoluée.
agonistes du GLP1 et des inhibiteurs du                                                                primaire. La chirurgie bariatrique pourra
SGLT2 (glifozines). En France, le dernier                                                              être proposée au-delà d’un IMC à 40.                           Le dépistage systématique de l’is­
document disponible est un rapport de                                                                                                                                 chémie myocardique est de plus en
consensus concernant la prise en charge                                                                Après débat, la metformine demeure                             plus décrié. En effet, de nombreuses
de l’hyperglycémie dans le diabète de                                                                  le traitement pharmacologique de pre­                          études randomisées ne le valident pas
type 2 par l’ADA et l’EASD publié en                                                                   mière intention (du fait du recul quant                        (BARI-2D, COURAGE, DIAD, DADDY-D,

                                                                                                                                                                                                                                                                          15
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

   Revues générales

FACTOR-64, BARDOT). En outre, les            termes de prévention primaire en ce qui                    auto­médication anxiolytique ou anti­
épreuves de stress, sauf exception, ne       concerne le rapport coût/efficacité, se                    dépressive, comme cela était évoqué
peuvent alerter sur le risque de syn­        heurtant pourtant à une redoutable triple                  depuis plusieurs décennies puisque,
drome coronaire aigu potentiellement         dépendance pharmacologique, psycholo­                      au contraire, le tabagisme augmente le
létal, le plus souvent conséquence           gique et comportementale.                                  risque d’anxiété et de dépression et l’ar­
d’une plaque instable non sténosante et                                                                 rêt du tabac est associé à :
donc non ischémiante. Reste le dépis­        Une toute récente méta-analyse de                          – une réduction de la dépression de
tage ciblé chez les patients les plus à      141 cohortes, regroupant plusieurs mil­                    25 % ;
risque d’événement coronaire mais ce         lions de sujets, doit nous alerter puisque                 – une réduction de l’anxiété de 37 % ;
ciblage est très difficile voire aléatoire   le surcroît de risque d’événement coro­                    – une réduction du stress de 27 % ;
(score calcique coronaire au-delà de 300,    naire et d’AVC d’un fumeur d’une ciga­                     – une amélioration de l’humeur et de la
artériopathie obstructive des membres        rette par jour est d’environ 50 % en                       qualité de vie de 32 % ;
inférieurs [AOMI], atteinte rénale, sport    regard de celui qui fume un paquet par                     – une réduction de 35 à 40 % des tenta­
intense, durée d’exposition au risque et     jour, alors qu’en matière de cancer                        tives de suicide.
degré de contrôle… ?)                        broncho-­pulmonaire le risque est consi­
                                             dérablement plus élevé chez le gros                        Il s’agit donc d’un message d’espoir : les
Il est dorénavant validé, en particulier     fumeur que chez le petit fumeur.                           fumeurs devraient moins appréhender
par un vaste registre suédois concernant                                                                le sevrage tabagique (crainte d’un rebond
270 000 patients suivis durant 6 ans         Se faire aider double les chances de suc­                  d’anxiété, de tendance dépressive) mais
publié en 2018 [9], que le contrôle de       cès. Les moyens sont multiples à adap­                     espérer au contraire une amélioration
tous les facteurs de risque accessibles,     ter au profil du patient, la maturation du                 de leur état psychologique et de leur
le plus précocement possible, est le         désir de s’arrêter de fumer paraissant                     humeur, sans omettre de souligner pour
garant des meilleurs résultats : un dia­     le meilleur gage d’efficacité sur le long                  les hommes l’amélioration des “perfor­
bétique 2 ayant tous ses FRCV contrôlés      terme : simple question (efficace dans                     mances” sexuelles (Harte CB, Meston
a une espérance de vie comparable aux        1 % des cas), nicotino-substitution, varé­                 CM. BJUI, 2011).
témoins étiquetés “sains” (seul perdure      nicline (étude EAGLES, Lancet, 2016),
un surcroît de risque pour l’insuffisance    thérapie cognitivo-comportementale,                        5. La sédentarité
cardiaque de 45 %).                          voire psychothérapie(s) et parfois même,
                                             transitoirement, anxiolytiques et/ou                       Du verbe latin sedere, elle est différente
En France, les recommandations ESC/          antidépresseurs.                                           de l’inactivité physique, caractérisée par
EASD de septembre 2019 seront diffici­                                                                  le fait de demeurer assis plus de 7 heures
lement applicables en totalité. En effet,    L’ESC en 2016 propose une stratégie en                     par jour avec des périodes de plusieurs
la metformine est en recul et un patient     5 A (tableau IV).                                          heures. Elle pourrait être cause de 4 % de
non traité pour son diabète 2, à haut ou                                                                la mortalité mondiale [10] et va en s’ac­
très haut risque cardiovasculaire, devrait   Un progrès réel en matière de sevrage                      croissant (étude ESTEBAN 2014-2016),
se voir proposer en première intention       tabagique nous vient de la méta-­analyse                   particulièrement chez les femmes,
un A GLP-1 ou un I SGLT-2 (classe pour       de Taylor, publiée en 2014, issue de                       enfants et adolescents et du fait de la
l’heure non disponible).                     26 études de santé mentale, consti­                        prédominance des métiers sédentaires.
                                             tuant un véritable changement de para­                     Elle est intimement liée au temps passé
4. Le tabagisme                              digme. En effet, le tabac n’est pas une                    devant les écrans de toute sorte.

78 000 décès annuels en France, première                             Stratégie d’arrêt du tabac en pratique courante : les 5 A
cause de décès prématurés évitables, perte    A-ASK                  Systématiquement interroger le sujet sur sa consommation de tabac
d’espérance de vie moyenne d’une décen­       Interroger             à chaque occasion.

nie. Cependant, la prévalence tabagique,      A-ADVISE               Conseiller formellement à tout fumeur d’arrêter.
                                              Conseiller
qui était stable depuis de nombreuses
années, s’infléchit depuis peu passant        A-ASSESS               Évaluer le degré de dépendance et la motivation pour l’arrêt.
                                              Évaluer
chez les 18-75 ans pour le tabagisme quo­
                                              A-ASSIST               S’accorder sur une stratégie de sevrage tabagique, en fixant une date pour l’arrêt,
tidien de 29,4 % à 26,9 % de 2016 à 2017,
                                              Assister               avec des conseils comportementaux et une aide pharmacologique.
avec une baisse de 9,1 % entre le premier
                                              A-ARRANGE              Organiser un programme de suivi.
trimestre 2018 et le premier trimestre        Organiser
2017. La prise en charge du tabagisme
demeure la plus efficace des mesures en      Tableau IV : Les 5 A.

  16
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

Il faut souligner que la pratique d’une         d’une alimentation variée, riche en fruits       La célèbre étude INTERHEART [11]
activité physique suffisante ne corrige pas     et légumes (Crit Rev Food Sci Nutr, 2018).       publiée en 2003 avait créé la surprise en
forcément entièrement l’impact délétère                                                          classant en 3e position le stress psycho­
d’un comportement sédentaire marqué.            En réalité, en matière de nutrition, il n’est    social (réaction inappropriée, dispro­
                                                guère possible d’obtenir des preuves for­        portionnée aux agents stressants
Sa correction concerne la société toute         melles tant il existe de facteurs confon­        professionnels, familiaux, financiers…)
entière et fait l’objet d’initiatives très      dants, un comportement alimentaire étant         comme facteur de risque d’infarctus
diverses : séances de “gigotage” à l’école,     fonction de multiples paramètres (éduca­         myocardique (derrière l’hypercholesté­
mesures dans beaucoup de grandes                tion, mode de vie, niveau socioprofession­       rolémie et le tabagisme en part attri­
entreprises (mise à disposition d’instal­       nel et économique, suivi médical…).              buable de risque).
lations adéquates, walking desk, biking
desk, swiss ball, raréfaction des pou­          Modifier des habitudes alimentaires sou­         Aussi, la Société Européenne de Cardio­
belles et imprimantes…).                        vent incrustées depuis la petite enfance         logie dans ses recommandations en
                                                n’est pas une sinécure. Aussi est-il plus        matière de prévention cardiovasculaire,
6. La malbouffe                                 utile de délivrer des messages simples,          dès 2012 (avec confirmation dans la der­
                                                non punitifs et adaptés au cas par cas :         nière version 2016), nous invite à évaluer
En matière de diététique, les patients          3 repas par jour, éradiquer les erreurs dié­     les facteurs psychosociaux par un inter­
(mais aussi les médecins) ont beaucoup          tétiques manifestes, alimentation la plus        rogatoire ou un questionnaire standar­
de mal à s’y retrouver tant les messages        diversifiée possible et en quantité adaptée      disé (IIa-B) et à les prendre en charge (IA
délivrés par les médias mais aussi par les      à la corpulence, en conservant le plaisir de     et IIa-A) par les moyens les plus variés
études sont parfois contradictoires.            la table, la saveur des plats et le goût du      possibles selon disponibilité (éducation,
                                                partage. Ne pas entrer dans une névrose          activité physique, psychothérapies voire
En août 2018, l’analyse des résultats           obsessionnelle : un “gueuleton” sans res­        médications anxiolytiques ou antidé­
de l’étude de cohorte ARIC peut faire           triction par semaine ou tous les 15 jours        pressives), dans le but d’améliorer la
craindre que les régimes hypoglycé­             n’a, a priori, jamais fait de mal à personne !   qualité de vie des patients et le pronostic
miques augmentent la mortalité. L’étude                                                          coronarien, même si la réversibilité du
PURE (2017) et son application aux              Les recommandations 2017 de l’Anses              risque n’est pas formellement démontrée
registres ONTARGET, INTERHEART                  encouragent la consommation d’ali­               pour la prise en charge du risque psycho­
et INTERSTROKE (une des plus vastes             ments pour lesquels les données de la lit­       social au travail.
études nutritionnelles jamais réalisée,         térature disponibles ne retrouvent aucun
218 000 patients suivis pendant 8 ans,          signal défavorable : fibres alimentaires,        Une voie nouvelle et positive paraît pro­
52 pays) ne voue plus aux gémonies les          oléagineux, légumes secs et légumi­              metteuse : “et si à l’inverse le bonheur
viandes et graisses saturées. Le score de       neuses, graisses végétales (huiles d’olive,      (hédonique et eudémonique) avait des
qualité diététique PURE, basé sur les           de colza…), fruits, réduction calorique          valeurs protectrices ?” [12-14]. Déjà,
consommations maximales de fruits et            en cas d’excès pondéral, ce qui recouvre         dans sa lettre à l’Abbé Trublet, en 1761,
légumes, noix et légumineuses, poissons,        globalement la diététique méditerra­             Jean-Marie Arouet, alias Voltaire, écri­
viandes et produits laitiers, est associé à     néenne. À l’inverse, les signaux défa­           vait : “Depuis quelques années, je me
une réduction significative de la mortalité     vorables convergent pour les sodas et la         suis mis à être un peu gai parce qu’on
toutes causes et à une tendance à la dimi­      nourriture transformée.                          m’a dit que cela est bon pour la santé…”
nution des maladies cardiovasculaires.                                                           et c’est à la fin des années 1990 qu’est
                                                7. Le stress psychosocial – les facteurs         née la psychologie positive sous l’im­
En juin 2018, l’étude Predimed confirme         psychosociologiques                              pulsion de Martin Seligman, le mantra
globalement les bienfaits de la diète                                                            étant de trouver ou retrouver un com­
méditerranéenne qui a accumulé par ail­         Il est dorénavant acquis que le risque           portement de vie associant une vision
leurs le plus de preuves dans les études        d’événements coronaires est fortement            optimiste du monde, la volonté de
épidémiologiques et d’intervention.             majoré par des facteurs d’ordre psychique        donner un sens à sa vie au fait d’avoir
                                                (anxiété, dépression, hostilité), sociolo­       une vie engagée envers les autres et le
Dernièrement, une vaste méta-analyse            gique (manque de soutien social, stress          monde. Depuis, les études se sont mul­
(19 études, 600 000 participants) laisse à      et insécurité au travail, travail en horaires    tipliées qui montrent l’efficacité de cette
penser que la consommation de baies,            décalés, travail de nuit, exposition au          psychologie positive :
riches en anthocyanidines, réduit la mor­       bruit, à la pollution…) et socio-écono­          – Davidson KW. Eur Heart J, 2010 :
talité coronaire et cardiovasculaire et pour­   mique. Cependant, il ne s’agit pas d’un          réduction du risque relatif de mortalité
rait donc être encouragée dans le cadre         facteur de risque indépendant.                   cardiovasculaire de 22 % à 10 ans ;

                                                                                                                                      17
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

   Revues générales

– Boehm J. Eur Heart J, 2011 (étude           en hospitalisation de jour. Celle-ci fait     – éducation thérapeutique (ETP) sou­
White Hall) : réduction du risque relatif     l’objet de recommandations de toutes les      mise à autorisation par les agences régio­
de coronaropathie de 26 % ;                   sociétés savantes en classe I avec niveau     nales de santé (ARS). Après le diagnostic
– Sin NL. Curr Cardiol Rep, 2016 : réduc­     de preuve A ou B chez le coronarien et        éducatif, les séances d’éducation porte­
tion des FRCV, meilleure adhésion             A chez l’artériopathe des membres infé­       ront sur le cœur et son fonctionnement,
au traitement, baisse de la réactivité        rieurs (les patients pris en charge après     la connaissance des pathologies et leurs
au stress (réduction des phénomènes           chirurgie valvulaire ou pour insuffisance     signes d’alerte, des facteurs de risque
inflammatoires et neuroendocrines).           cardiaque sans notion de pathologie           cardiovasculaire, des explorations en
                                              athérothrombotique bénéficieront égale­       cardiologie, des gestes qui sauvent, la
Ainsi, le bonheur est certainement une        ment dans ces services spécialisés d’un       gestion des automesures (TA, glycémie),
nouvelle cible pour la prévention CV.         programme d’éducation thérapeutique,          des traitements pharmacologiques, en
                                              alors au titre de la prévention primaire).    particulier antithrombotiques (utilité,
8. La grande difficulté : l’observance                                                      effets latéraux, conduite à tenir en cas
                                              En service de réadaptation, le patient        d’oubli), d’une alimentation méditer­
Dans toutes les pathologies chroniques        bénéficiera d’une prise en charge glo­        ranéenne, peu salée, d’une activité phy­
asymptomatiques, l’observance opti­           bale, positive et pluridisciplinaire          sique adaptée, des activités quotidiennes
male des prescriptions médicales              (cardiologues, tabacologues et équipe         (conduite, voyages, sexualité…) ; aide au
n’excède pas 50 % à 1 an. La tentation        paramédicale composée d’infirmiers,           sevrage tabagique ; appel approprié au
est, bien sûr, d’incriminer le patient,       aide-soignants, kinésithérapeutes, ergo­      centre 15. Ce programme sera, in fine,
les médias… Cependant, les études             thérapeutes, enseignants en activité          évalué (autoévaluation, évaluation for­
conduisent à considérer que la part de        physique adaptée [APA], diététiciens,         mative et questionnaire de satisfaction) ;
responsabilité attribuable au médecin est     psychologues, assistants sociaux).            – prise en charge psychosociale (près
de l’ordre des 2/3.                                                                         d’un patient sur 2 après événement
                                              Les objectifs sont ambitieux et multiples :   cardiovasculaire présente un désordre
De nombreuses pistes méritent d’être          – dépistage et traitement des comorbidi­      psychologique allant d’un trouble du
explorées pour améliorer l’observance,        tés, le plus souvent “ignorées” lors d’hos­   sommeil ou d’une anxiété transitoire à
parmi celles-ci :                             pitalisations de plus en plus courtes, en     une dépression sévère voire à un véritable
– optimiser la formation initiale et          particulier lors de syndromes coronaires      syndrome de stress post-traumatique) ;
continue (e-learning, simulation, jeu de      aigus (SCA) ;                                 – aide à la réinsertion professionnelle
rôles…) afin d’améliorer non seulement        – prise en charge des complications           (rôle clé de la visite de pré-reprise docu­
le savoir-faire mais aussi le savoir-être ;   post-interventionnelles (en particulier       mentée auprès du médecin du travail),
– rôle pivot du cardiologue : consulta­       chirurgicales) ;                              au retour à domicile en autonomie de la
tion d’annonce, entretien motivationnel,      – évaluation fonctionnelle et du risque ;     personne âgée.
empathie (le “Y a qu’à, faut que” ne fonc­    – ajustement du traitement pharmacolo­
tionne pas), programmation si nécessaire      gique aux recommandations ;                   Depuis des décennies, les études et leurs
d’une ETP pluridisciplinaire ;                – réentraînement physique après éva­          méta-analyses confirment l’efficacité de
– favoriser les automesures ;                 luation initiale de repos et d’effort         ce type de prise en charge [15-16] :
– pratique des tests d’évaluation cogni­      (± VO2, TM6), à raison de 3 à 6 séances       – réduction du risque relatif de décès
tive d’O. Hanon (Memori impairement           par semaine avec un nombre minimal            cardiovasculaire de l’ordre de 25 % à
state [MIS] : poireau, platane, merlan,       souhaitable de 20 séances. Il s’agit d’un     court et moyen terme (registre FAST-MI,
dahlia), d’observance en 6 questions          programme individualisé, supervisé,           Cochrane Systematic Review and
(X. Girerd) ;                                 évolutif, diversifié, le plus souvent en      metaanalysis – J Am Coll Cardiol, 2016) ;
– préférer les molécules à longue durée       groupe de niveaux, faisant appel à un         – amélioration spectaculaire de la qua­
d’action qui peuvent être données en          entraînement en endurance (à intensité        lité de vie et des capacités fonctionnelles
monoprise, les associations fixes (bi-        continue ou intermittente – ergomètres,       (pic de VO2 incrémenté de 25 % entre le
voire trithérapie)…                           marche), à un renforcement musculaire         début et la fin du programme) ;
                                              en résistance dynamique, à des cours de       – meilleure adhérence aux thérapeu­
                                              gymnastique adaptée, à une kinésithé­         tiques ordonnées avec des objectifs plus
   La prévention secondaire                   rapie respiratoire, à un travail de l’équi­   fréquemment atteints pour l’observance
                                              libre et de la souplesse chez la personne     des conseils hygiéno-diététiques et pour
Elle est idéalement l’apanage de la réa­      âgée, parfois à une électromyostimula­        le contrôle les grands FRCV (TA : 120 à
daptation en hospitalisation conven­          tion chez les patients très décondition­      130/70 à 80, LDL-c < 0,55 g/L, hémoglo­
tionnelle ou, le plus souvent possible,       nés en insuffisance cardiaque ;               bine A1c à 7 %) ;

  18
réalités Cardiologiques – n° 350_Janvier 2020

– prise en charge définitivement démon­       serait-ce que pour des raisons budgé­         L’inactivité physique est cause de mala­
trée comme cost effective [17].               taires, et qu’il convient pourtant de faire   dies chroniques, elle majore le risque de
                                              beaucoup mieux qu’une minorité de             mortalité totale et cardiovasculaire pré­
Cependant, il faut souligner deux “talons     patients réadaptés, le groupe GERS-P de       coce dans une proportion comparable
d’Achille” :                                  la SFC réfléchit à de nouveaux modes          aux facteurs de risque cardiovasculaire
– la fréquente difficulté de péren­           organisationnels, basés sur des centres       majeurs et indépendants (rétrospec­
niser les résultats obtenus dans le           de référence parfaitement équipés en          tive du Lancet 2016), concerne 3/4 des
court terme. Dans cette optique, les          personnels et matériels où pourraient         Français, et est source d’un fardeau
clubs Cœur et Santé de la Fédération          être adressés les patients les plus graves.   économique majeur. Il s’agit en outre
Française de Cardiologie (FFC) maillant       Ces centres référents devraient être          d’un facteur de risque réversible. Pour
de plus en plus étroitement le territoire     doublés de nombreux centres satellites        exemple particulièrement parlant ce
sont de la plus grande importance.            intervenant en ambulatoire avec une           registre prospectif taïwanais concernant
Cependant, la méta-analyse de Dibben          implication plus importante des person­       plus de 400 000 sujets, suivis 8 ans, révé­
(Heart, 2018) comme l’étude française         nels paramédicaux et l’utilisation de la      lant que 15 minutes d’activité physique
EMAP du groupe GERS-P de la SFC pré­          télémédecine. Tout département de car­        quotidienne permettent de réduire de
sentée au congrès annuel de l’ESC en          diologie pourrait ainsi être pourvu d’une     14 % la mortalité toutes causes, soit un
2018 sont encourageantes (maintien à          unité de réadaptation ambulatoire.            gain moyen d’espérance de vie de 3 ans
1 an des progrès acquis en réadaptation                                                     (Pang Wen et al. Lancet, 2011).
en termes de capacités fonctionnelles
dans EMAP) ;                                    Le rôle clé de l’activité                   En 2018, l’OMS, dans son Global Action
– un taux d’adressage des patients rele­        physique et du sport                        Plan on Physical Activity 2018-2030,
vant d’un programme de réadaptation                                                         estime que, dans le monde, 1 adulte
selon les recommandations des sociétés        1. L’activité physique                        sur 4 et 3 adolescents sur 4 (âgés de 11 à
savantes demeurant notoirement insuf­                                                       17 ans) n’atteignent pas les recomman­
fisant depuis des années (30 % pour les       Elle est la seule véritable polypill dispo­   dations d’AP pour la santé, et se donne
hommes, 25 % pour les femmes après            nible actuellement aux effets bénéfiques      comme objectif, pour 2030, une réduc­
SCA [Bulletin épidémiologique hebdo­          multiples, ubiquitaires, toujours large­      tion globale de 15 % de l’inactivité chez
madaire, 2016] et beaucoup moins pour         ment supérieurs aux risques cardiovas­        les adultes et les adolescents.
les insuffisants cardiaques alors qu’il       culaires et traumatiques, parfaitement
s’agit de recommandations de classe I         validée, devant être systématiquement         >>> L’exercice physique est une forme
avec niveau de preuve A).                     encouragée, voire prescrite, et ce, à tous    d’activité physique programmée pour
                                              les âges.                                     maintenir ou améliorer la condition phy­
De nombreux facteurs peuvent expliquer                                                      sique, le sport entrant lui dans un cadre
ce faible taux d’adressage : difficulté de    Il convient tout d’abord de s’entendre sur    codifié par un règlement, pouvant être de
convaincre un patient du bien-fondé           les mots :                                    loisir ou de compétition.
d’un programme s’étalant sur plusieurs
semaines, se croyant “guéri” après une        >>> L’activité physique (AP) regroupe         >>> L’activité physique adaptée (APA),
très courte hospitalisation pour angioplas­   tous les mouvements corporels majorant        selon l’article L. 1172-1 du décret n° 2016-
tie primaire, manque de services spécia­      la dépense énergétique de repos (1 MET),      1990 du 30 décembre 2016, concerne des
lisés, éloignement géographique, services     qualifiable de faible jusqu’à 3 MET (équi­    publics fragiles qui ne sont pas encore
ne disposant pas des 2 secteurs d’hospita­    valent d’une marche à 3 km/h), modérée        autonomes dans la gestion de leur patho­
lisation conventionnelle et de jour, délais   de 3 à 6 MET et intense au-delà.              logie et/ou qui sont très éloignés des pra­
d’admission trop longs, crainte d’un                                                        tiques physiques (distance sociale).
licenciement en cas d’absence prolongée       >>> L’inactivité physique, différente de la
au travail, manque de conviction (voire       sédentarité, est caractérisée par une quan­   La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016
opposition) de certains cardiologues, dif­    tité d’activité physique modérée et/ou        de modernisation de notre système de
ficultés de recrutement pour les centres      intense inférieure aux recommandations        santé renforce la politique de promotion
de personnels médicaux et paramédicaux        actuelles de l’OMS (>150 minutes par          de l’AP chez les patients atteints d’une
spécialisés, manque de souplesse dans les     semaine d’activité d’endurance modérée        maladie chronique. Son article L. 144
programmes proposés…                          ou > 75 minutes d’activité d’endurance        précise que “dans le cadre du parcours
                                              soutenue, doublées d’exercices de ren­        de soins des patients atteints d’une
Puisqu’il ne sera pas possible de mul­        forcement musculaire, d’assouplisse­          affection de longue durée, le médecin
tiplier les centres de réadaptation, ne       ment et d’équilibre).                         traitant peut prescrire une AP adaptée à

                                                                                                                                  19
Vous pouvez aussi lire